les dossiers du lot en action : le battement d'ailes, une expérience à portée de main

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  • 7/23/2019 Les dossiers du Lot en Action : Le Battement d'ailes, une exprience porte de main

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    LE LOT EN ACTION n 78 - vendredi 24 janvier 2104 P 15

    Le site s'tend sur un terrain vallonn de 5 hec-tares danciennes terres agricoles, appartenant l'histoire familiale de David et Pascal Brette. Unespace idal pour exprimenter le marachage.C'est par cette activit que Pascal a trac les pre-miers sillons de ce projet de centre agrocolo-gique. ce jour, ce sont 2 000 m de culturesextrieures et de serres, plus de 500 vgtauxplants, l'levage venant complter cet espace.

    L'aide se faisant ressentir sur les diffrents

    chantiers, c'est ensuite une aire naturelle decamping qui a vu le jour pour accueillir bn-

    voles et stagiaires. Il s'est tout naturellementouvert un public souhaitant prendre quelquesjours de vacances dans un cadre paisible. Lessanitaires et points d'eau ont servi de prtexte l'exprimentation et la proposition de for-mations sur diffrentes formes d'auto-construc-tion : fuste, bois cord, bti en paille, yourtes...

    Loin d'une vision passiste, ils se sont enga-gs en 2007 dans la construction d'un btimentbioclimatique denvergure, difice intrts

    multiples sorti de terre en 2012. Une premireconstruction cologique de cette dimension

    en Corrze, dont la mise en uvre a t int-gralement ralise par des artisans locaux, seprtant aux exigences d'un tel ouvrage. Mmesi tous n'auront pas jou le jeu de se former ces nouvelles pratiques, les comptences ac-quises, tant au niveau conception qu'au ni-veau ralisation, apportent au territoire des sa-voir-faire nouveaux. Ce projet a permis de voir

    natre des espaces d'hbergement, de restau-ration et de travail (salle de runion, bureaux).

    Cette pluralit d'outils permet onze perma-nents, dont neuf salaris, d'uvrer au quoti-dien dans leurs domaines de comptence. Eneffet, chaque pratique est indpendante, maisunie autour d'un projet commun. Les produitsdu marachage et de la cueillette alimentent le

    restaurant et l'atelier de produits transforms :conserves et confitures destines rgaler les vi-siteurs. Ils favorisent la notion de cyclage cellede recyclage, chaque lment trouvant sa placedans un ensemble, vitant de crer du dchet.

    L'accueil est au centre des proccupations detous les membres du Battement d'ailes et c'estpar ce biais qu'ils transmettent leurs pratiques,

    leurs visions de la socit et du faire ensemble.Une telle nergie ne pouvait se contenir

    dans un espace limit, leurs actions rayonnentdans tout le dpartement et parfois au-de-l. La mise disposition de toilettes schesdans des vnements est prtexte sensibili-ser sur la gestion des dchets, et la restaura-tion sur des festivals sert le propos d'une ali-mentation saine et locale. Toujours dans unesprit de transmission de leurs savoir-faire, ilsont accompagn la cration de jardins partags Brive et Tulle, un suivi ncessaire pour fairenatre le plaisir commun de voir pousser sa r-colte, d'autant plus si elle est collective. Qu'ilssoient de quartier ou d'insertion, ces jardins ac-cueillent un public clectique et de proximit.

    l'image de l'ensemble des projets culti-

    vs sur ce lieu, l'organisation est en constantevolution. ce jour, la coopration et l'auto-gestion s'exprimentent au sein du groupe.Et au del de l'aspect technique, c'est trs cer-tainement l'enjeu le plus important : placerl'humain au cur d'une cologie sociale.

    Plus qu'un lieuPar Sverine Orhan, bnvole en juin et juillet 2013

    La premire fois que jai dcouvert leBattement dailes, ctait lors de la jour-ne portes ouvertes . Je me suis dit il y aquelque chose de diffrent ici .Certes, le lieuest magnifique et la dmarche hors normes,mais cest plus la lueur extraordinaire quiclairait le regard de chacune des personnesrencontres qui me fascinait et mintriguait la fois. Jai eu tout de suite envie de faire par-tie de cette extraordinaire aventure humaine.

    Je suis donc venue faire un mois de bnvolatau centre. Je ne regrette quune seule chose,cest de navoir pas pu prolonger plus long-temps mon sjour.

    En immersion totale, jai dcouvert les di-verses facettes et activits de cette structureautogre. Du restaurant au jardin agroco-logique, du travail de communication la

    gestion de l'hbergement, des chantiers par-ticipatifs la participation aux vnementsculturels, jai eu la chance de prendre part chaque activit et selon mes envies, ma moti-vation du moment, jai toujours eu le choixde participer ou pas. Cest vraiment enthou-siasmant.

    Tout cela naurait pas t aussi inspirantsans cette quipe dynamique, motive, et ap-prciant de transmettre ses savoirs et exp-

    riences. Chaque permanent, chaque bnvolea quelque chose apporter, toujours dans lerespect de chacun. Pour moi, ce qui fait laforce du Battement dailes, cest cette d-marche intelligente de partage, de confianceet dinitiatives solidaires. Cest une expriencequi ma panouie et donn confiance enlavenir. Vivent les alternatives sociales !

    Mes pas indigns m'avaient dj men dans le Sud de la Corrze, sur cette colline des hauts de Cornil, lors d'une taped'une longue marche. tape trop courte pour bien apprhender les enjeux de ce lieu trs justement nomm : le Battement d'ailes.

    Je m'tais promis de retourner y passer un peu de temps, c'est chose faite et j'en reviens les poches pleines d'nergies humainesbien dcides construire autrement.Et c'est l tout l'objet de ce dossier, coralis avec l'quipe du Battement d'ailes : vous prsenter travers un exempleconcret d'autres possibles.Aux portes de chez nous, un lieu port par une volont collective d'exprimenter d'autres chemins, d'autres moyens. travers une srie d'articles et de tmoignages, nous avons choisi de mettre en lumire des modes de fonctionnement du vivreet travailler ensemble plutt que de nous arrter sur les diffrentes activits du centre.Coopration, autogestion et rseaux, inscrits dans cette dmarche de changement par le faire, sont au menu de ces quatre pages.

    Suite du dossier pages suivantes >

    Dossier prpar par Joce et l'quipe du Battement d'ailes

    Le Battement d'ailes

    Par Joce

    Un promeneur non averti ne s'y tromperait pas, il se dgage de cet endroit

    une nergie surprenante et crative. L'envie de s'y arrter pour une pause

    mane de l'ensemble de ce lieu, propice la rflexion, l'exprimentation et l'action.

    Le Battement d'ailes" Une exprience

    porte de main "

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    Le jardin de la passerelle est un jardin collectifpartag implant au cur de la ville deBrive-la-Gaillarde depuis plus de 4 ans. L'objec-tif de ce jardin est de recrer du lien social etdes solidarits. Des associations et structureslocales (APF, centre culturel et de loisirs, hpi-tal de jour, CHRS, CCAS, espaces verts de Brive,ESAT, Restos du cur, coles, etc.)rejoignentce projet et l'utilisent comme un outil communet collectif d'insertion sociale.

    L'association le Battements d'ailes, de par lesvaleurs cologiques et humaines qui l'animent,est porteuse de ce projet dans un souci de mixi-t sociale et d'ouverture du jardin pour tous.Elle a permis de fdrer ce rseau d'acteurs

    sociaux, de particuliers, d'entreprises, indis-pensable au dveloppement de cette action.L'association met disposition une animatricegarante des valeurs portes par le Battementd'ailes. L'essentiel de sa mission est de trans-mettre des connaissances et comptences enagrocologie, d'tre mdiatrice et accompa-gnante vers l'autonomie des jardiniers.

    Aujourd'hui, des enfants, des adultes, desvoisins, des lus, des familles et des curieux secroisent dans ce jardin pour travailler ensemble le faire vivre. Chaque jardinier est acteur dece coin de paradis. Fleurs, lgumes et fruits semlent au cur de cet espace urbain. L'ide

    est de cultiver une biodiversit humaine et v-gtale en faisant germer les envies de chacun.Ce lieu permet de se rencontrer, d'changer,

    de partager, d'exprimenter et de cooprer. Lepremier lment indispensable est le temps.Prendre le temps de faire les choses ensemblepermet chacun de comprendre, de faire,d'apprendre et de trouver sa place en appor-tant sa petite graine ce jardin. Nous ex-primentons des techniques de jardinage, letravail en collectif, la construction, le compos-tage de quartier, etc. La convivialit et le rirersonnent et se propagent entre les lignes delgumes. tre libre de... dire, de faire, d'treest un deuxime lment indispensable au

    bon fonctionnement de ce jardin.Aujourd'hui, dans une socit individualisteallant toujours plus vite, ces lieux communspermettent aux citoyens de se rapproprierun coin de verdure au cur de leur ville, de serencontrer et de porter ensemble des projetsforts de sens et de valeurs partages. Ces jar-dins partags sont des espaces politiques oles gens s'engagent tre acteurs de leur deve-nir, en tant dans le faire ensemble. La rvolu-tion commence dans ces jardins avec une gre-linette la main....

    Alors venez flner, causer, changer et semervos graines denvie avec nous.

    Du ct de la botanique, cooprer renvoie la symbiose : vie en commun dans l'ordre du vi-vant. Elle est l'association dans laquelle les rela-tions entre des partenaires tendent, pour les unscomme pour les autres, un quilibre entre lesprofits et les pertes, ou bien sont favorables auxuns sans nuire sensiblement aux autres... Sdui-sante coopration que voil ! Le meilleur desmondes... Mais la littrature nous invite tout desuite en considrer la subversion : la notionde symbiose concerne toutes les formes de re-lations interspcifiques, depuis l'union rcipro-quement profitable jusqu' l'antagonisme para-sitaire (1). Gloups ! Nous voil de retour dans laralit, dans notre complexit, au cur de nostres diviss et de nos contradictions...

    Il y a l quelque chose de fort propos pourentamer, justement, le propos. Pas de recette dubonheur, pas de dogme positif digne d'un slo-gan de Carrefour, pas de croyance un dsir in-satiable chercher dans coopration... Rien que,peut tre, affirmer qu'un peu de faire avec pourun bien commun pourrait bien compenser laconcurrence des uns contre les autres pour unmme objet... La coopration : posture thique.Une alternative la comptition ? Une perspec-tive de civilisation et de culture ? Il y a l un pointde vue parcourir la loupe de l'histoire.

    Coopration fait son apparition vers le XVmesicle dans sa dimension thologique. Elle d-signe la part prise une uvre commune. Les

    glises, les cathdrales, la dmesure la gloiredes dieux divers sont le produit de la coopra-tion. L'asservissement un travail, sans autre r-compense que d'accomplir la sainte volont etpour la rdemption des pcheurs, est alors coo-pration. Luvre commune l'emporte sur destres distingus du tout. Elle est l'abngation to-tale. C'est dans le contexte d'une conomie capi-taliste et librale galopante et laminant les sans-grade que la coopration fait son retour dansla lumire, comme salvatrice de l'oppression do-minante, un renouveau possible. C'est ainsi queles vingt-huit ouvriers tisserands qui fondrent

    en 1844, dans une bourgade non loin de Man-chester, la Socit des quitables pionniers deRochdale ignoraient sans doute qu'ils entraientce faisant dans l'histoire. L'histoire de la coopra-tive, une mise en pratique de l'ide de coopra-tion o la culture trouve son mode conomiqueet social. Les pionniers de Rochdale scellent dumme coup quatre principes fondateurs. Ladimension de l'individu y prend place. L'galitest le premier de ces principes. Un homme, unevoix. Pas de distinction de quelque ordre que cesoit, de rang, de classe, de richesse. La libertest le deuxime. Chacun peut adhrer et surtouts'en aller librement. Puis la justice et l'quit...

    L'inspiration de la coopration n'est pas de

    source unique. Pour certains, les plus utopiques,il s'agissait de fonder une autre socit, unmoyen de renverser la pyramide. Pour d'autres,rformistes, de changer le systme social et dedpasser les antagonismes de classe, et pourd'autres encore, catholiques sociaux, de per-mettre aux plus dmunis d'chapper l'exclu-sion.

    Le vertige pourrait nous prendre l'voca-tion de ces conceptions si contradictoires. Dansquel sillon s'inscrit notre dmarche ? Nous che-minons parfois sans regarder derrire nous, etla subversion de nos propres convictions nous

    effraie, tant l'injonction est grande de regarderdroit devant.

    Pourtant ces diverses origines partagent unprincipe essentiel qui nous est rest commun.La coopration n'a pas pour finalit de produire.La coopration est par essence anti-producti-viste. Elle vise d'autres objets : la responsabilitdes individus, l'impact et les enjeux de l'action ;et, surtout, elle induit la considration d'autrui.Des bons mots ? Un consensus mou ? Une invi-tation se tenir chaud dans la froideur de nosrelations humaines ? Non, pas uniquement. Sinous la considrons vraiment, la coopration setrouve en fait redoutable pour redonner sens ce que vivre ensemble veut dire. Elle propose,

    qui veut bien s'en saisir, le moyen de s'oppo-ser dignement une culture du tous contretous . La coopration propose dans un ancragehistorique un horizon dsirable. Elle se construitpas pas, de lieu en lieu, d'tre en tre, cheminfaisant. Ici un Battement d'ailes, l un Pas de ct(2)et bien d'autres fourmillements ailleurs... Dansl'moi des premiers instants, elle invite consen-tir s'y engager, pour le meilleur...

    Notes :

    (1) Encyclopdie Universalis.

    (2) Le pas de ct, association lilloise (59) qui vise

    dvelopper la coopration comme alternative

    la comptition.

    EssaimagePar Hlne Monger, Co-fondatrice, animatrice de jardins partags et permanente.

    Faire avec...Par Philippe Van Assche,administrateur salari du Battement d'ailes.

    Dans les mots qui donnent voir le rel, il y a ceux qui d signent les objets et ceux qui tentent de dire quelque chose des

    liens qui nous lient. Des liens aux choses, des liens aux tres. Ils nous informent aussi sur l'intention. Quand il s'agit de

    faire, on peut considrer que les mille fa ons d'oprer peuvent se classer en trois catgories : faire avec, faire contre,

    faire sans... l'autre... Faire avec est tymologiquement parlant ce que cooprer veut dire. P etit voyage dans son usage.

    Des mots rcolts la vole

    la question Que venez-vouschercher ici ? des jardiniersrpondent :Nicole : Honntement, je ne pourrais pasvivre isole. Rcolter les lgumes et les pr-parer c'est gratifiant quand on y a pass dutemps. Et puis il y a une super ambiance, onvoit pas le temps passer .

    Christine : Le jardin, a me parlait pas :je suis venue pour rencontrer des personnes.Maintenant je viens de Pompadour deuxfois par semaine depuis bientt deux ans etquand je viens pas, a me manque : heureu-sement, on se tlphone !

    Alain : Je jardine depuis 42 ans mais jen'ai pas de jardin. Ici, si je ne suis pas l, il y ad'autres gens pour s'en occuper, je peux vrai-ment m'investir fond. Ce qui me plat par-ticulirement, c'est le fait de rencontrer des

    gens que je vois aussi en dehors, et qu'on soitindpendants : on s'organise ensemble, onfait des expriences .

    Brigitte : J'y connaissais rien en jardinage !Je suis venue et j'ai aim travailler la terre, tes-ter, rigoler avec les autres : les choses simplesquoi ! Ce que je prfre, c'est rcolter et d-guster de " vrais " lgumes, non traits .

    Marie-Jeanne : Je suis venue ici parce queje travaille pas et je m'ennuie. Je viens une foispar semaine depuis quelques mois parce qu'ily a une bonne ambiance et que le fonction-nement est libre .

    Cathy : Je viens ici chercher le contact hu-main et l'exprience du jardin : ce sont deschoses qui me font du bien. a me permetd'avoir des lgumes non traits, comme mesparents le faisaient. Il y a beaucoup d'entraide :une dame nous fait les confitures et on lui adonn un peu d'argent pour le sucre .

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    C'est un cheminement ponctu de discus-sions, d'exprimentations et d'ajustementsqui a men le Battement d'ailes se prsenteraujourd'hui comme un collectif autogr. Notreapprentissage de l'autogestion correspond une volont initiale, qui consiste transfor-mer nos comportements individuels et collec-tifs, en nous rapprochant dans nos pratiquesde nos idaux, nos utopies et de nous dfairedes comportements incorpors et subis jusque-l. Cette organisation ne s'est pas impose dsla cration de l'association en 2005, elle s'estconstruite et se construit encore...

    Au Battement d'ailes, la stratgie, le budget,le projet collectif, ne sont pas raliss par une

    direction ou un trsorier (il n'y en a plus), maispar l'ensemble du groupe qui apporte les infor-mations.

    Une fonction commune a t cre au sein ducollectif : coordinateur(trice) pour permettrel'implication de tous les membres actifs lagouvernance de l'association. Cette fonctionrpond notre volont de polyvalence en posi-tionnant chacun, li l'activit dont il a la res-ponsabilit (l'hbergement, la restauration, lacommunication, les toilettes sches) la fois la rception, la diffusion et la productiond'information. Cette fonction n'implique pas derelations hirarchiques, mais plutt d'accompa-gnement, et se pose en garante du respect desengagements collectifs. L'information est doncproduite par tous les membres. Cette contri-

    bution permet chacun(e) de construire sapense en mme temps que celle du groupe,la complexit rsidant dans le fait que chacundoit comprendre et tre capable d'aborder lesquestions techniques (par exemple : le bud-get, le droit du travail)pour prendre part audbat et la discussion ; s'approprier le sujetpour dcider en conscience et ne pas simple-ment valider. Tout le monde n'a pas la mmepersonnalit, le mme parcours, le mme sta-tut et pourtant, il est indispensable que chacuntrouve sa juste place dans notre organisation,dans notre collectif. Ce n'est pas uniquementune dmarche personnelle.

    Un autre aspect rside en la lgitimit s'expri-

    mer, et intervenir librement.Nous pensons que la polyvalence permet d'ac-

    crotre cette lgitimit, car si elle bouscule noshabitudes, elle permet galement de diversifierle type de tches que l'on ralise: et conduit occuper des niveaux de responsabilit diff-rents (logistique, financier, accueil, reprsen-tation, animation de runions). Elle favorisel'autoformation au sein du groupe et chacun seretrouve en situation de former/accompagnerou d'tre form/accompagn de l'ancien au nouveau , du spcialiste des chiffres ou dela taille des arbres. Les membres salaris ne r-pondent aucun lien de subordination puisquece statut est simplement considr comme unesolution pour qu'ils puissent poursuivre leur im-plication dans notre projet.

    Introduction faite, il s'agit maintenant demieux saisir ce qu'est la fameuse autogestion.

    Dans sa dfinition classique, lautogestion(du grec autos " soi-mme ", et " gestion ")est le fait, pour un groupe dindividus ou unestructure considre, de prendre les dcisionsconcernant ce groupe ou cette structure parlensemble des personnes membres du groupeou de la structure considre* .

    La dfinition qui nous intresse davantage estplus politique et intgre d'autres paramtres,d'autres postulats : la suppression de toute dis-tinction entre dirigeants et dirigs. La transpa-rence et la lgitimit des dcisions. La non ap-propriation par certains des richesses produites

    par le collectif. L'affirmation de l'aptitude deshumains s'organiser sans dirigeants.

    Cette conception se construit explicitementcontre des pratiques hirarchiques, autoritaires,verticales. Contre des formes de dpossessionque constitueraient certains modes d'organisa-tion. En d'autres termes, ce type d'autogestionpermettrait une rappropriation d'une formed'organisation collective. Par ailleurs, cette dfi-nition permet des pratiques d'autogestion quine se limitent pas au seul champ conomique.Associations, mouvements syndicaux, lieux devie communautaires... peuvent tre autant de

    terrains de jeu.

    L'autogestion trouve sa source idologique auXIXmesicle chez Saint-Simon, Fourier, Owen etProudhon et a trouv diverses formes de mise

    en pratique dans certains mouvements syndi-caux, lors de la commune de Paris, de la rvolu-tion espagnole des annes 30 ou encore dansles kibboutz israliens...

    L'autogestion revt donc divers visages etcache parfois derrire une volont autogestion-naire affiche, une stratgie de manipulationdes acteurs en qute de pouvoir sur les v-nements.

    Il est difficile d'tre prcis sur la faon dau-to-grer tant les modalits peuvent tre singu-lires.

    Une fois que le principe d'autogestion est

    pos au sein d'un collectif, il s'agit de le mettreen uvre. La gageure est norme.

    Btir l'autogestion dans un collectif rencontrenombre d'obstacles, de tensions qui mettent mal la volont initiale. La superposition de stra-tgies ou besoins individuels, d'intrt collec-tif, d'intrt gnral, de visions idologiques,de rapport l'effort intellectuel ou physique,de rapport la responsabilit... gnrent de lacomplexit. C'est bien cette complexit qu'il nefaut pas fuir, dont il faut se saisir ensemble pourbtir une organisation transversale permettantde dfinir, saisir, connatre les rles, statuts etfonctions des acteurs du collectif.

    cette complexit s'ajoute labsence de re-

    cettes toutes faites directement applicables.Aussi chaque collectif autogestionnaire doitconstruire son modle de fonctionnement,de prise de dcision. Modle qui considre lenombre de personnes, le temps qu'elles ddient l'activit, le ou les types d'activit, les enjeuxpolitiques, les enjeux conomiques, les besoinsen rmunration de chacun... Ces quelques no-tions montrent la complexit construire l'au-togestion. Nous sommes majoritairement issusd'une socit hirarchise, individualiste et engardons les stigmates. Aussi prendre part une initiative autogre reprsente d'abord une

    transgression de soi avec la transformation denotre rapport au pouvoir, au conflit, l'cono-mie et la communication. C'est en avanantdans ce type d'action que certains s'aperoiventque recevoir des ordres ne leur va finalementpas si mal ou que le temps pass s'organiser plusieurs les puise.

    Car l'autogestion est d'abord un effort pourdprogrammer nos modes d'interactions avecles autres. Le conflit peut devenir une recherchede solutions, l'argent un moyen et les notionsd'efficacit y sont compltement subverties.tre autogestionnaire nous engage norm-ment, souvent au-del de ce que nous avionsprvu mais chaque aboutissement est une

    grande satisfaction tant il aura fallu saisir etconsidrer la complexit de la situation pouraboutir ensemble.

    Mais attention il est vain de penser que l'au-togestion gommera la hirarchie des Hommes.Hirarchie lie au charisme, aux aptitudes, l'endurance.... L'autogestion peut organiser,structurer, rguler. Elle peut poser des prin-cipes, mais l'essence de chacun ne saurait treradicalement modifie en un claquement dedoigts. Et c'est tant mieux !

    * source : http://www.toupie.org dictionnaire

    politique

    Suite page suivante >

    L'horizontalit dsirablePar Pascal Brette,Co-fondateur et permanent.

    Le dsir en actionPar David Brette,co-fondateur et permanent etViolaine Brossard,permanente au Battement d'ailes.

    Le Battement d'ailes se revendique de l'autogestion. Avec son statut associatif cela ressemble dava ntage,

    dans le fonctionnement, la posture et le lien aux territoires, une entreprise cooprative d'intrt gnral.

    tre autogr est un principe non ngociable pour ses membres. Il dtermine des modalits relationnelles,

    de travail, de prise de dc ision qui positionnent les acteurs comme gaux et dtermins vers des objectifs partags.

    Le Battement d'ailes : un endroit

    possible pour partager le pain de la cooprationPar Charlotte Ordemeau, Compagnonne 2012.

    J'ai effectu le compagnonnage du rseauREPAS en 2012 et j'ai commenc celui-ci par une immersion de 5 semaines avec 2autres compagnons au sein de l'associationdu Battement d'Ailes, Cornil en Corrze.Nous y sommes arrivs un soir, un peu d-boussols d'arriver de nuit dans un lieu in-connu sans savoir ce qui nous attendait pourles jours venir. Nous nous sommes donc en-dormis dans une grande yourte, impatientsd'tre au matin. Le lendemain nous avons

    embarqu pour 5 semaines de dcouverte duvivre ensemble au sein d'une quipe motivepour mettre en pratique ses idaux et vivreautrement le travail plusieurs. Les chantiersont t divers et nous ont permis de com-prendre la multitude d'activits sur le lieu etle lien entre chaque : travaux paysagers, plan-tation de framboisiers, montage de yourtes

    pour le camping, marachage, organisationde la bourse aux graines, restauration pourl'quipe de permanents Tout cela entrecou-p de runions d'quipe, d'un conseil d'admi-nistration, de runions avec des partenairesce qui permet de comprendre que rien ne sefait sans dialogue, rflexion, remise en ques-tion et motivation d'avancer ensemble dansune mme direction. Je me suis rapidementsentie faire partie de l'quipe, du lieu, des ac-

    tivits car pour moi tout y avait du sens, il at difficile d'en partir mais je savais que jegarderais des liens avec ces personnes et celieu qui m'ont transforme. Je ne peux queconseiller chacun(e)d'y faire une halte pours'y ressourcer et continuer nourrir cetteexprimentation.

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    Ce terme fait son apparition linguistique en1928, fruit de diverses pratiques.Il s'agit alors de mler agronomie et cologiepour penser et poser les fondements d'une agriculturerespectueuse de son milieu avec le double objectif denourrir les hommes tout en ne dgradant pas l'envi-ronnement.

    L'agrocologie a disparu en tant que terme

    jusque dans les annes 70. Priode o, suite audveloppement de l'agriculture hyper-produc-tiviste mondialise, des lanceurs d'alerte telsque Ren Dumond, Marc Dufumier ou un peuplus tard Pierre Rabhi en ont raviv la flamme.Leurs intentions taient de tenter d'inflchir lespratiques agricoles et par extension de ques-tionner un modle de socit non viable, des-tructeur, ingalitaire, bas sur le mensonge etla peur. C'est ce moment-l que l'agrocolo-gie prend plus d'paisseur avec son cortge dequestionnements politiques et philosophiques.

    Mais attention, bien que le terme " agro-cologie " ait disparu pendant quarante ans,nombreux sont ceux qui ont continu exp-rimenter. Les agriculteurs biologiques et lesbiodynamistes ont cherch du ct de l'agro-

    nomie cologique en tentant des pratiques sa-lutaires et dignes des responsabilits qu'impo-sait l'thique paysanne.

    Malheureusement cette mme priode lesproccupations occidentales taient tournesvers d'autres horizons : libert individuelle, ac-cs la consommation, pouvoir d'achat, dve-loppement technologique. Autant d'ambitions

    qui plbiscitaient l'agriculture d'aprs guerre,celle du plan Marshall. Une agriculture inten-sive, technologique, spcialisant les territoires,brevetant le vivant.

    Ce n'tait donc pas sur les territoires ou ausein des peuples d'Occident que pouvait rap-paratre l'agrocologie. Puisque tout le mondesemble y manger sa faim (fin ?), que la pen-se dominante valide la grande distribution etles bas cots et que la normalisation de l'agro-industrie vacue les remises en questions taxesde proslytisme.

    C'est donc du ct des territoires sinistrs quel'agrocologie a reconquis ses lettres de no-blesse et, en trente ans, est redevenue consid-rable ici, maintenant.

    Pour mieux saisir pourquoi il a fallu ce dtourpour qu'aujourd'hui l'agrocologie soit pr-sentable chez nous il est ncessaire d'en com-prendre la proposition.

    L'agrocologie applique lagriculture an-nule la ncessit dintrants chimiques ets'adapte aux contraintes climatiques, pdolo-giques et culturales locales. L'agrocologie tu-die le milieu pour faire merger des pistes desolutions agronomiques aux crises alimentaireset climatiques locales. Ainsi pour rpondre auxproblmes de scurit et de souverainet ali-mentaire, des agrocologistes ont, partout

    dans le monde (surtout en Afrique sahlienne),mis en place des stratgies culturales telles quele za, les cordons pierreux, la milpa, l'agrofo-resterie et tant d'autres techniques fruits de larecherche scientifique ou de l'exhumation depratiques ancestrales. C'est ainsi que des solu-tions locales ont t trouves pour rpondre des problmatiques locales. Par l-mme, lespaysans de ces territoires ont repris confianceen eux, en leur savoir et leurs pratiques et ontpu se librer des chanes de l'agrobusiness.

    Olivier De Schutter, auteur du rapport de l'ONUsur l'agrocologie affirme que ces mthodessont plus efficaces que le recours aux engraischimiques pour stimuler la production alimen-taire dans les rgions difficiles o se concentrela faim tout en facilitant l'adaptation au chan-gement climatique . Les tudes sur lesquellesDe Schutter s'appuie montrent que les projetsagrocologiques ont conduit une augmenta-tion moyenne des rendements de 80% dans 57

    pays tudis, avec une augmentation moyennede 116% pour les projets africains .

    Voil des donnes qui permettent de mieuxcomprendre l'accueil chaleureux qui est fait l'agrocologie depuis quelques annes enFrance. Il a fallu aider les sous dev pour quele plbiscite national devienne possible.

    Aujourd'hui l'agrocologie peut subvertir

    l'agriculture conventionnelle franaise et occi-

    dentale mais le combat va tre trs dur. Il luifaudra rsister la rcupration politique encours, la normalisation scuritaire (traabi-lit, filire, process...), au besoin de rentabilitimmdiate des agriculteurs et surtout leurignorance agronomique ; fruit de la dpos-session du savoir dont bon nombre ont t lesvictimes. Les cultivateurs polyvalents sont de-venus des agriculteurs spcialiss surquips.L'agronomie et l'cologie sont des notions trsloignes de leurs connaissances et si dans despays o l'on crve la faim l'effort est possible, lesera-t-il chez nous pour le seul intrt gnrald'aujourd'hui et de demain ?

    L'agrocologie que nous promouvons au Bat-tement d'ailes est celle qui reconsidre notresocit dans son ensemble. Comment gou-verne-t-on, comment habitons-nous, commentcommerons-nous.... Autant de questions surle sens de notre civilisation qui a la peau dureet dont linflexion ne semble possible que dansdes crises globales majeures. Si l'agrocologiea nouveau droit de cit chez nous c'est s-rement parce que notre socit commence avoir mal, trs mal.

    Naissance

    Juin 1994. Des entrepreneurs alternatifs etcollectifs dcident de se rassembler en Rseauinformel pour Echanger sur leurs Pratiques,dites Alternatives et Solidaires : le P de pra-tiques s'affiche ici central, comme dans leur r-alit : ce qui importe est moins ce qu'on dit,que ce qu'on fait.

    Objet

    Depuis, Repas regroupe une trentaine dentre-

    prises qui ont dautres objectifs que le profit, lacourse la consommation ou le tout lcono-

    mie, afin de mutualiser les pratiques et les ex-priences des membres et de favoriser lmer-gence dautres initiatives.

    Des valeurs en pratique

    Le rseau rassemble des entreprises, groupesou collectifs se retrouvant sur des valeurs incar-nes dans leurs projets conomiques. Et celadans la diversit des statuts (Sarl, Scop, Sapo,Scic, Gaec, Association...), des mtiers (bois,agriculture, artisanat, pain, rcup, crit, pda-gogie, laine, travail social, levage...), des im-plantations (rurales ou urbaines), des tailles(de quelques individus plusieurs dizaines depersonnes)ou des sensibilits (dveloppementlocal, dcroissance, cologie, ducation popu-laire, autogestion...). Ces entreprises sont col-lectives et tentent d'incarner la dmocratie

    dans une recherche de consensus ; la gestionest porte par tous, le pouvoir est dilu et par-

    tag, l'galit n'est pas un vain mot (y comprisd'un point de vue salarial), l'conomie est su-bordonne des objectifs plus larges, les res-ponsabilits comme les postes tournent.

    Des rencontres

    Le rseau organise des rencontres bisan-nuelles autour dune thmatique. Cest locca-sion de rflchir ensemble pour la fois mutua-liser et transmettre.

    Une formation :

    le compagnonnage alternatif

    et solidaire

    Depuis 16 ans, ce parcours de formation surcinq mois, destin non apprendre un mtiermais transmettre des pratiques et des va-leurs coopratives, est une sorte de Tour deFrance des entreprises du rseau qui permet

    des personnes de 18-35 ans souhaitant mrirun projet ou simplement s'valuer au contact

    de la ralit et de l'exprience d'autres de ren-contrer des expriences concrtes et dexpri-menter des modes daction collectifs.

    Des livres

    REPAS publie dans la collection Pratiquesutopiques , des tmoignages sur ces aventureshumaines, afin quelles puissent tre source derflexion ou dinspiration. On y dcouvre desrponses originales et adaptes des questionsde socit qui paraissent parfois insolubles.

    Le rseau Repas souhaite ainsi encourager lacration dinitiatives locales pleines de sens etaffirme et dmontre qu'il est possible et nces-saire de vivre ici et maintenant les idaux qu'onporte.

    Pour en savoir plus

    www.reseaurepas.free.fr oueditionsrepas.free.fr

    Un rseau qui sert la cooprationREPAS : Rseau d'changes et de Pratiques Alternatives et Solidaires

    Par Marc Bourgeois,Co-fondateur du rseau REPAS et de la cooprative Ambiance Bois.

    L'agrocologiePar Pascal Brette

    Les ditions REPASPar Michel Lulek,co-fondateur des ditions Repas.

    La collection Pratiques Utopiques rassemble des livresqui ont l'ambition de montrer qu'il y a toujours uneplace, ici et maintenant, comme hier et ailleurs, pour desralisations qui inscrivent leur sens dans le concret des pra-tiques libres et solidaires.Face au partage du travail, la dsertification des cam-

    pagnes, la dshumanisation dans les cits ou l'exclu-sion, des entreprises, des groupes, des associations ou desindividus apportent des rponses originales et adaptes

    ces questions de socit qui paraissent parfois insolubles.Concrtement il s'agit de btir cet autre monde possible quine peut objectivement se dcliner qu'au plurielExemples de dmocratie conomique, elles bousculent

    galement quelques sacro-saints principes de notre socitmarchande, dmontrant au quotidien que l'association estplus enrichissante que la comptition, que la cooprationvaut mieux que la concurrence ou que l'autogestion per-

    met de reprendre le pouvoir sur sa vie.

    Pratiques utopiques espre, par ce biais, encourager ceuxqui sont insatisfaits du monde dans lequel ils vivent, fairele pas vers d'autres possibles.

    Aujourdhui la collection Pratiques Utopiques compte 12ouvrages. http://editionsrepas.free.fr/

    La collection : c'est ce qui fait sens

    Ces tmoignages particuliers ne prennent tout leur sensque dans le rassemblement que propose la collection Pra-tiques Utopiques.

    Il ne s'agit pas de mettre chaque tmoignage sous la coupede quelque catchisme ou de les labelliser de quelque ti-quette la mode, mais de mettre en valeur la libert derponse et l'originalit des ractions et des constructionsmises en uvre par des acteurs diffrents pour rpondre des besoins sociaux et des dsirs de changement.

    Oui, l'on peut faire autrement ! Oui, les modles domi-nants ne sont pas les seuls possibles ! Oui, des alterna-tives sont possibles, y compris dans le champ pourtantfortement modlis de l'conomie.