les conventions collectives de longue durée : où … n mai 1994, le code du tra-vailfit l’objet...

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E n mai 1994, le Code du tra- vail fit l’objet de nombreux amendements. 1 Parmi ces amendements, l’un deux visait à enlever la durée maximale de trois ans pour une convention collec- tive. Il s’agissait, selon le législa- teur, d’adapter la durée de la con- vention collective aux change- ments socio-économiques qui prévalaient depuis le début des années 1990. Dans le cadre de la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions, il fut convenu que le ministère du Travail devrait suivre l’évolution des conventions col- lectives de longue durée. En décembre 2004, le ministère publiait une fort intéressante étude portant sur les conventions collec- tives conclues pendant la période se situant entre 1994 et 2002. Cette analyse visait cinq (5) objec- tifs 2 : 1) Vérifier l’évolution du phénomène des conventions col- lectives de longue durée signées depuis 1994 par rapport à l’en- semble des ententes conclues, et ce, en comparant deux périodes, soit celle de 1994 à 1998 avec celle de 1999 à 2002. 2) Comparer l’évolution de la durée moyenne des conven- tions collectives signées ailleurs au Canada. 3) Connaître, pour les ententes de longue durée signées entre le 19 mai 1994 et le 31 décembre 1996, la durée de celles renouvelées et la présence de cer- taines dispositions normatives et pécuniaires. 4) Vérifier si la durée de la convention collective constituait un enjeu majeur au moment des négociations. 5) Étudier le maintien ou non de l’allégeance syndicale au cours des périodes de maraudage intercalaire prévues au Code. Selon cette étude, l’analyse concernant les conventions col- lectives signées, entre le 1 er janvier 1994 et le 31 décembre 2002, sauf celles conclues dans les secteurs public et parapublic, permet de dégager les constats suivants : la proportion de conventions d’une durée de 37 mois et plus double de 1995 (20,8 %) à 2002 (40,8 %) ; il y a une croissance rapide de 9 % en 1994 à 43,1 % en 1999, suivie par une faible Mai 2005 Bulletin d’information — Volume 7, no 5 Relations du travail SOMMAIRE RELATIONS DU TRAVAIL Statistiques sur les conventions de longues durées ........................ 1 L'intervention d'une tierce personne à l'arbitrage de grief .... 3 Démocratie syndicale et devoir de traitement équitable ................ 5 Le Code du travail, de droit public ou droit privé ? .................. 9 Choisir la bonne procédure quand la dissension gronde ........ 13 SANTÉ ET SÉCURITÉ Ce n'est pas l'indemnisation qui fait l'accident de travail ................ 8 En bref .................................... 7, 12 RÉGIMES DE RETRAITE Calcul des valeurs de transfert .... 11 Indices financiers, rendement au 31 mars 2005 ........................ 15 Ce bulletin accompagne les mises à jour suivantes : NOTE DE LA RÉDACTION Feuilles mobiles Mai 2005 CD-Rom Juin 2005 Les conventions collectives de longue durée : Où en sommes-nous ? Par M e Jean-Yves Brière, avocat « »

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Page 1: Les conventions collectives de longue durée : Où … n mai 1994, le Code du tra-vailfit l’objet de nombreux amendements.1 Parmi ces amendements, l’un deux visait à enlever la

En mai 1994, le Code du tra-vail fit l’objet de nombreuxamendements.1 Parmi ces

amendements, l’un deux visait àenlever la durée maximale de troisans pour une convention collec-tive. Il s’agissait, selon le législa-teur, d’adapter la durée de la con-vention collective aux change-ments socio-économiques quiprévalaient depuis le début desannées 1990. Dans le cadre de lamise en œuvre de ces nouvellesdispositions, il fut convenu que leministère du Travail devrait suivrel’évolution des conventions col-lectives de longue durée. Endécembre 2004, le ministèrepubliait une fort intéressante étudeportant sur les conventions collec-tives conclues pendant la périodese situant entre 1994 et 2002.Cette analyse visait cinq (5) objec-tifs2 :

1) Vérifier l’évolution duphénomène des conventions col-lectives de longue durée signéesdepuis 1994 par rapport à l’en-semble des ententes conclues, etce, en comparant deux périodes,soit celle de 1994 à 1998 aveccelle de 1999 à 2002.

2) Comparer l’évolution dela durée moyenne des conven-tions collectives signées ailleursau Canada.

3) Connaître, pour lesententes de longue durée signéesentre le 19 mai 1994 et le 31décembre 1996, la durée de cellesrenouvelées et la présence de cer-taines dispositions normatives etpécuniaires.

4) Vérifier si la durée de laconvention collective constituaitun enjeu majeur au moment desnégociations.

5) Étudier le maintien ounon de l’allégeance syndicale aucours des périodes de maraudageintercalaire prévues au Code.

Selon cette étude, l’analyseconcernant les conventions col-lectives signées, entre le 1er janvier1994 et le 31 décembre 2002,sauf celles conclues dans lessecteurs public et parapublic,permet de dégager les constatssuivants :— la proportion de conventionsd’une durée de 37 mois et plusdouble de 1995 (20,8 %) à 2002(40,8 %) ; il y a une croissancerapide de 9 % en 1994 à 43,1 %en 1999, suivie par une faible

Mai 2005

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Relations du travail

SOMMAIRERELATIONS DU TRAVAIL Statistiques sur les conventionsde longues durées ........................ 1 L'intervention d'une tierce personne à l'arbitrage de grief .... 3 Démocratie syndicale et devoir de traitement équitable ................ 5 Le Code du travail, de droit public ou droit privé ? .................. 9 Choisir la bonne procédure quand la dissension gronde ........ 13

SANTÉ ET SÉCURITÉ Ce n'est pas l'indemnisation quifait l'accident de travail ................ 8 En bref .................................... 7, 12

RÉGIMES DE RETRAITE Calcul des valeurs de transfert .... 11Indices financiers, rendement au 31 mars 2005 ........................ 15

Ce bulletin accompagne les mises à jour suivantes :

NOTE DE LA RÉDACTION

Feuilles mobilesMai 2005

CD-RomJuin 2005

Les conventions collectives de longue durée :

Où en sommes-nous ?Par Me Jean-Yves Brière, avocat

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Page 2: Les conventions collectives de longue durée : Où … n mai 1994, le Code du tra-vailfit l’objet de nombreux amendements.1 Parmi ces amendements, l’un deux visait à enlever la

Rédaction :• Me Serge Lussier, [email protected]

Régimes de retraite au Québec, Relations de travailAssurance-emploi commentée

Collaboration :Mes Jean-Yves Brière, Murielle Drapeauet Fernand Morin.

Coordination :François Brodeur

Infographie :Pierrette Boulais

Production :Impression : FalconPress

Distribution : TTS Distributing Inc.

Publication :

PUBLICATIONS CCH LTÉE7005, boul. Taschereau, bureau 190Brossard (Québec) J4Z 1A7Téléphone : (450) 678-4443 Sans frais : 1 800 363-8304http://www.cch.caFréquence : 12 fois l’an

Collection GRH est compris dans l’abonne-

ment annuel aux publications suivantes : Relations de

travail, Santé et sécurité au travail, Régimes de retraite

au Québec, Droits et libertés de la personne en milieu

de travail, Solutions ressources humaines.

Droits réservés :Cet ouvrage ne peut être reproduit en tout ou en partie par quelque

moyen que ce soit sans l’autorisation écrite de l’éditeur.

Dénégation de responsabilité :Personne ne peut invoquer le contenu de cette publication sansavoir préalablement obtenu l’avis d’un professionnel qualifié.L’éditeur, les auteurs et les rédacteurs ne sont pas responsables detoutes actions et décisions entreprises sur la base de l’informationcontenue dans cette publication, pas plus qu’ils ne peuvent êtretenus responsables des erreurs ou des omissions qui auraient pus’y glisser. L’éditeur ne fournit pas de services juridiques, comp-tables et fiscaux, de conseils ou d’avis professionnels et recom-mande la consultation d’un professionnel si des conseils s’avèrentnécessaires.

Numéro de convention Poste-publications:40064546.

Décision récente

2 Collection GRH - Mai 2005

Relations du travail

baisse et un plafonnement à près de40 % de 2000 à 2002;— la durée moyenne de l’ensembledes conventions passe de 32,1 mois en1994 à 41,3 mois en 1999 et se sta-bilise à près de 40 mois par la suite;— la durée moyenne est près de 48mois pour les conventions variantentre 37 et 59 mois, et près de 67 moispour celles de 60 mois et plus;— la proportion des conventions de37 mois et plus augmente avec la tailledes unités réelles de négociation;— les syndicats, affiliés ou non à unecentrale syndicale, ont conclu dansune proportion presque identique,41,3 et 42,8 % respectivement, desconventions de longue durée au coursde la période de 1999 à 2002;— les conventions de 37 mois et plusse trouvent dans tous les secteursd’activité économique et leur propor-tion, de 1999 à 2002, s’établit à51,3 % dans le secteur primaire,47,7 % dans le secondaire et 38,7 %dans le secteur tertiaire;— le taux de croissance des salairesnégociés pour les conventions de 37mois et plus est supérieur à celui desententes de 36 mois ou moins pour1994 et 1995, mais c’est l’inverse quise produit de 1996 à 2002.

L’examen du renouvellement desconventions collectives de longuedurée qui avaient été signées entre le19 mai 1994 et le 31 décembre 1996 apermis de constater que :— 70,3 % des conventions d’unedurée de 37 mois et plus ayant faitl’objet d’un renouvellement sontdemeurées des conventions de longuedurée;— la durée moyenne des conventionsde longue durée augmente légèrementde 54,2 à 59,4 mois au moment durenouvellement;— pour toutes les tailles des unitésréelles de négociation considérées,65% et plus des conventions renou-velées demeurent des conventions delongue durée;— les syndicats affiliés ou non à unecentrale, ont une proportion semblablede conventions renouvelées de 37

mois et plus, soit 70,6 et 69,1 %respectivement;— le taux de présence des clauses deréouverture dans les conventions de 37mois et plus chute de 19,7 à 11,1 % aumoment du renouvellement. Pour cequi est des matières à négocier, lepourcentage augmente de 61,1 à70,1 % dans le cas des clauses sala-riales uniquement et diminue de 31,7à 20,9 % lorsqu’il s’agit à la fois desclauses salariales et pécuniaires;— lors d’une réouverture, le méca-nisme de règlement privilégié est lanégociation, sans autre précision;— le taux de présence des clausesd’indexation salariale dans les conven-tions de 37 mois et plus diminue de21,2 à 17 % au moment du renou-vellement;— le taux de présence des clausesremorques baisse quant à lui de 8 à5,8 % tandis que les bonis de signatureaugmentent de 4,5 à 5,4 % et lesrégimes d’intéressement demeurent àprès de 8 %;— la présence d’ententes de parte-nariat, au sens premier du terme,diminue au moment des renouvelle-ments.

Selon les auteurs de l’étude, ladurée de la convention collective sem-ble constituer un enjeu au cours desnégociations selon les donnéesrecueillies, mais il s’avère difficile d’enévaluer l’importance réelle de manièregénérale. De plus, le rapport soulignequ’au cours de la période allant du 19mai 1994 au 31 décembre 2002,aucune requête en accréditation n’aété déposée au cours d’une période demaraudage intercalaire.

Finalement, le rapport conclut enprécisant que les modificationsapportées aux articles 22 et 65 duCode du travail, par les amendementsintroduits en 1994, semblent doncavoir produit les effets recherchés sansavoir entraîné d’inconvénientsmajeurs.

Par ailleurs, il ne serait pas inop-portun, compte tenu de ces données,de se demander s’il était nécessaire deprévoir des périodes de maraudage

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Collection GRH - Mai 2005 3

Syndicat des professionnelleset des professionnels

du gouvernement du Québecc. Paquet,

C.A. 500-09-014629-042,juges Beauregard, Dalphond

et Doyon,7 février 2005.

Il est de commune connaissancequ’en matière d’arbitrage de grief,les parties sont d’une part, le syndi-

cat et, d’autre part, l’employeur. Eneffet, le grief étant une « mésententerelative à l’interprétation ou à l’appli-cation d’une convention collective »(art. 1 f) C.t.) et la convention étantelle-même une « entente écrite relativeaux conditions de travail conclueentre une ou plusieurs associa-tions accréditées et un ou plusieursemployeurs ou associations d’em-ployeurs » (art. 1 d) C.t.), il faut en con-clure que le schéma général du Codedu travail ne prévoit que deux parties àl’arbitrage.

Par ailleurs, il arrive à l’occasionqu’une autre personne puisse avoir unintérêt particulier et parfois opposé àcelui des parties. Ainsi, un salarié quirisque de perdre son emploi en raisond’un grief de supplantation peut avoirdes intérêts distincts, voire opposés, àceux du syndicat.1 Dans un tel cas, leCode reconnaît qu’un salarié, dans une

telle position, peut intervenir dans lecadre du débat :

Art. 100.5 C.t.

L’arbitre doit donner à l’associa-tion accréditée, à l’employeur et ausalarié intéressé l’occasion d’êtreentendus. [...]

Cette disposition assure donc à unsalarié qui a des intérêts opposés à

ceux du syndicat le droit d’intervenirdans le débat puisque la décision arbi-trale pourra affecter ses droits.

Qu’en est-il lorsqu’une personneautre qu’un salarié comme par exem-ple un cadre, veut intervenir lors del’arbitrage ? La Cour d’appel a récem-ment répondu à cette question.2

Cadre ou syndiquée ?Un cegep procède à un appel de

candidatures pour combler un posted’adjointe administrative. Le statutattaché à cet emploi est celui d’uncadre à temps complet. Le poste estaccordé à madame Ayotte. Le syndicaten place dépose alors un grief qui con-teste l’affichage, considérant qu’il nes’agit pas d’un poste de cadre, maisplutôt d’un emploi relevant de sonaccréditation. Le syndicat réclame quel’appel de candidatures se fasse con-formément aux modalités établies à laconvention collective.

Lors de l’arbitrage, l’Associationdes cadres des collèges du Québecdemande à l’arbitre de lui reconnaîtrele droit d’intervenir dans le débat.L’arbitre rejette la demande de l’asso-ciation aux motifs que cette dernièren’a pas un intérêt né, actuel, direct etpersonnel dans le litige. Il accordecependant à madame Ayotte le statutd’intervenant.

C’est encore trop pour le syndicatqui se pourvoit alors en révision judi-ciaire. La Cour supérieure refused’intervenir. Précisons qu’après l’intro-duction de ce recours, le poste demadame Ayotte a été aboli.

Droit d’intervention limitéDans un premier temps, la Cour

d’appel procède à l’analyse pragma-tique et fonctionnelle pour déterminerla norme de contrôle qui devra êtreretenue. Au terme de son analyse, laCour retint la norme de la décisionmanifestement déraisonnable.

Devant la Cour, le syndicat asoutenu que l’article 100.5 C.t. limitaitle droit d’intervention au seul salariécompris dans l’unité de négociation.La Cour refusa d’entériner ce point devue :

Décision récenteRelations du travail

L’intervention d’une tierce personneà l’arbitrage de griefPar Me Jean-Yves Brière

Il revient à l’arbitre de permettre

exceptionnellement la participation de tiers,

s’ils lui font une démonstration suffisante

de sa nécessité ou, à tout le moins, de son

utilité véritable

intercalaires dans la mesure oùaucune requête n’a jamais étédéposée pendant une telle période. ■

1 Pour une présentation synthèse del’ensemble de ces amendements, voir :

Fernand MORIN, Jean-Yves BRIÈRE,Analyse critique de la Loi modifiant le Codedu travail, Farnham, Les PublicationsCCH/FM ltée, 1994.

2 Rapport sur les conventions collectives delongue durée de 1994 à 2002, ministère duTravail, décembre 2004.

Suite de la page 2 Les conventions collectives de longue durée :Où en sommes-nous ?

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[37] En somme, ni le Code du tra-vail ni la convention collective n’inter-disent expressément ou implicitementà l’arbitre de permettre la participationd’une personne autre que l’employeur,le syndicat et le salarié affecté, sicette personne en démontre l’intérêtsuffisant. La tendance récente decertains arbitres de permettre excep-tionnellement la participation detiers découle de cette faculté ou discré-tion.

La Cour ajouta cependant unbémol important relativement auprincipe qu’elle venait d’émettre. LaCour ajouta que le droit d’interventiond’une autre personne devait se limiter àsa plus simple expression car il s’agis-sait d’une exception et non d’unprincipe général :

[40] Il s’ensuit que, dans le cadred’un arbitrage, les seules personnes quipeuvent démontrer un intérêt juridiquesuffisant, soit un intérêt juridique,direct et personnel, né et actuel (Noël,précité, par. 37), sont l’employeur et lesyndicat, de même que, le cas échéant,tout salarié concerné, car la sentenceles lie (art. 101 C.t.). Les cadres ne sontpas liés par la sentence, même si celle-ci peut avoir des répercussions poureux. Ils ne peuvent être considérés desparties à l’arbitrage ou des personnesqui seront liées par la sentence arbi-trale.

[41] Faute d’une disposition dansle Code du travail ou la conventioncollective encadrant la participation detiers, il revient à l’arbitre de permettreexceptionnellement la participation detiers, s’ils lui font une démonstrationsuffisante de sa nécessité ou, à tout lemoins, de son utilité véritable. J’ajoutequ’en se livrant à cet exercice, l’arbitredoit demeurer extrêmement prudentcar l’arbitrage est l’affaire, d’abord etavant tout, du syndicat et de l’em-ployeur qui l’ont choisi et paient lesfrais afférents à ce mécanisme derèglement des différends encadré parle Code du travail et la conventioncollective qu’ils ont négociée. L’ajout

d’autres participants ne peut qu’alour-dir le processus, augmenter les fraisdes parties à la convention collectiveet soulever de nouvelles probléma-tiques.

[42] Avant de clore ce chapitre, ilimporte aussi de se rappeler qu’unsalarié directement affecté par une sen-tence ne pourra, même s’il la trouveinacceptable, en demander la révisionjudiciaire. Seul le syndicat, véritablepartie au litige pourra le faire (Noël c.Société d’énergie de la Baie James,[2001] 2 R.C.S. 207 ; Lessard c. Gared’autobus de Sherbrooke Ltée, D.T.E.

94T-1293 (C.A.)). En d’autres mots, unsalarié n’a généralement pas un intérêtjuridique suffisant pour s’adresser parla suite au tribunal de droit commun.Si on permet à des tiers d’intervenirdevant l’arbitre, faudrait-il alors leurreconnaître la possibilité d’aller enrévision judiciaire ? Si oui, ce seraitaccorder à ceux-ci plus de droitsqu’aux salariés membres de l’unité,seules personnes pouvant pourtant êtreliées par la sentence en plus de l’em-ployeur et le syndicat. Cela m’apparaîtabsurde et une réponse négative s’im-pose.

En l’espèce, la Cour considèrequ’il était manifestement déraison-nable de conclure que madame Ayotteavait un intérêt juridique suffisantpuisque le poste qu’elle occupait étaitmaintenant aboli et que cette dernièren’était intervenue ni devant la Coursupérieure, ni devant la Cour d’appelpour soutenir son point de vue.

Une démonstration à faireCette décision est intéressante car

elle consacre le principe que tout tiersqui dispose d’un intérêt né, actuel etréel et qui peut être affecté par ladécision arbitrale pourra se fairereconnaître à titre d’intervenant. Ainsi,les droits individuels des personnes nepeuvent être injustement affectés sansque ces derniers n’aient voix auchapitre. Par tiers, nous entendonstoute personne qui pourrait être affec-tée directement par la décision qu’ils’agisse d’un autre salarié, d’un cadre,ou d’un tiers. Par ailleurs, la Cour, sevoulant très pragmatique, insiste sur lefait que le droit d’intervention doitdemeurer l’exception et qu’il ne peutdevenir la règle. L’exigence de ladémonstration d’un intérêt juridiqueréel demeure essentielle pour quel’arbitre puisse autoriser une telle inter-vention. Il faut par-dessus tout éviterd’alourdir le processus et d’augmenterles frais en multipliant le nombre desintervenants. ■

1 D’autres exemples sont également imagi-nables. Pensons à un cas de harcèlement autravail où la victime dépose un grief. Dans untel cas, le collègue « harceleur » a sûrementun intérêt dans l’issu du grief.

2 Syndicat des professionnelles et des profes-sionnels du gouvernement du Québec c.Paquet et als., 7 février 2005, C.A. 500-09-014629-042.

Collection GRH - Mai 20054

Décision récenteRelations du travail

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qu’alourdir le processus,

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parties à la convention

collective et

soulever de nouvelles

problématiques

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Collection GRH - Mai 2005 5

Décision récente

Cusson et als. c. Syndicatdes employé(e)s

de Soucy International inc.et Collin et autres,

2005, QCCRT 0041

Il est de commune connaissance qu’aucours des dernières années, la juste etloyale représentation syndicale est

devenue un élément majeur, pour ne pasdire un point « chaud » dans le cadre desrapports collectifs du travail.1 D’unsimple point de vue quantitatif, rap-pelons qu’entre janvier 2004 et février2005, la Commission des relations dutravail a reçu 743 plaintes qui alléguaientqu’une association accréditée avait violéson obligation d’une juste et loyalereprésentation. Bien que ce chiffre, prisisolément, ne soit source d’aucunedémonstration formelle, il n’en demeurepas moins qu’un nombre aussi élevé deplaintes nous semble, du moins enapparence, un signe évident qu’il existeun malaise, un malentendu, voire mêmepeut-être une certaine perte de confianceenvers l’institution syndicale.

Compte tenu de l’importance de cethème émergeant, il n’est pas inopportunde s’interroger sur l’étendue de cetteobligation. Plus particulièrement, il s’agitde déterminer si cette obligations’applique aux règles de régie interne dusyndicat accrédité et plus particulière-ment, nous abordons la situation où unsalarié est expulsé de son syndicat. Dansun tel cas, peut-il prétendre qu’à cetteoccasion son syndicat a violé son obliga-tion d’une juste et loyale représentation ?Une décision récente de la C.R.T.2 aabordé cette importante question et ilnous semble important et opportun de lacommenter, voire même de la critiquer.Comme le souligne Fernand Morin :

Le jugement judiciaire est, à l’instarde tout jugement, une communication,un appel au partage qui lui donne la

véritable légitimité que la loi, qui lui sertd’assise et de balise, ne saurait lui con-férer de façon automatique et certaine duseul fait de sa source ou de son pointd’ancrage.3

Nous répondons donc à cet appel audialogue lancé par la C.R.T.

L’article 47.2 C.T.Depuis 1977, l’obligation d’une

juste et loyale représentation est enchas-sée au Code du travail :

47.2. Égalité de traitement parl’association accréditée. Une associationaccréditée ne doit pas agir de mauvaise

foi ou de manière arbitraire ou discrimi-natoire, ni faire preuve de négligencegrave à l’endroit des salariés comprisdans une unité de négociation qu’ellereprésente, peu importe qu’ils soientses membres ou non. [1977, c. 41, art.28].

La lecture de cette disposition nepermet pas de déterminer de façonclaire, précise et certaine les actes poséspar l’association accréditée qui sontsoumis au respect de cette obligation.Pour connaître la portée réelle de cettedisposition, il faut plutôt opter pour uneapproche téléologique. C’est d’ailleurs

ce qu’a fait la doctrine sur cette ques-tion :

D’une manière générale, l’obligationde bonne conduite ainsi imposéeformellement au syndicat accrédité àl’article 47.2 C.t. vise toutes les décisionspouvant affecter les salariés qu’ilreprésente en vertu du Code (art. 21 C.t.).Malgré sa formulation négative, cetteobligation touche deux aspects :

i) La régie interne du syndicataccrédité : l’adhésion des salariés,l’expulsion et la suspension des mem-bres, leur participation au gouvernementsyndical, l’information, l’admission àtout poste soumis au suffrage ; l’expres-sion de dissidences, etc. Sous réserve dedeux exceptions prévues à l’article 63C.t. (IV-23), cette obligation généralecomprend le devoir de recevoir l’adhé-sion de tous les salariés de l’unitéd’accréditation s’ils se conforment auxconditions jusqu’alors généralement etrégulièrement exigées de tous.

ii) La conduite syndicale en matièred’emploi : la négociation collective, lecontenu de la convention collective etson administration, etc. Dans ces occa-sions, tout salarié de l’unité d’accrédita-tion doit pouvoir disposer d’unereprésentation qui ne soit ni arbitraire, nidiscriminatoire, ni entachée de mauvaisefoi ou de négligence grave.4

La jurisprudence n’avait jamaisabordé directement cette problématique,voilà pourquoi cette première décisionde la C.R.T. mérite que nous nous y attar-dions.

Maraudage et expulsionLes faits de cette affaire sont relative-

ment simples. Cinq (5) membres d’uneassociation de salariés qui avaient entre-pris des démarches pour mettre en bran-le une compagne de maraudage sontpromptement et sommairement expulsés

Relations du travail

Traitement équitable de ses membres par un syndicat

La C.R.T. s’égare !Par Me Jean-Yves Brière, avocat

La C.R.T. a soulevé

d’office la question

de savoir si l’art. 47.2 C.t.

reçoit application lorsqu’il

s’agit d’une décision

relative aux règles de régie

interne d’un syndicat

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de leur syndicat. Ils reprochent alors àleur syndicat de les avoir exclus de sesrangs sans même leur avoir donnél’opportunité d’exprimer leur point devue et arguments. Soulignons que cetteexclusion avait été entérinée par uneassemblée générale des membres dusyndicat. À la suite de cette expulsion,les salariés « dissidents » déposent uneplainte contre leur « ancien syndicat » etcertains membres de l’exécutif syndical.Dans leur plainte, ils soutiennent essen-tiellement qu’en les excluant sans leuravoir préalablement donné l’occasion dese faire entendre les intimés ont usé àleur égard d’intimidation ou des menacespour qu’ils cessent d’être membres de cesyndicat, contrevenant ainsi à l’article 13du Code du travail. Cette dispositionprévoit :

13. Nul ne doit user d’intimidationou de menaces pour amener quiconqueà devenir membre, à s’abstenir dedevenir membre ou à cesser d’être mem-bre d’une association de salariés oud’employeurs.

Pendant l’audience de cette plainte,la C.R.T. a demandé aux parties de fairevaloir leurs observations sur l’applicationpossible des articles 3 et 47.2 du Codedu travail.

Dans un premier temps, la C.R.T.rejette promptement l’argument qui sefonde sur la violation de l’article 13 C.t. :

[44] Il suffit de le lire pour voir quel’intimidation ou les menaces en ques-tion doivent être susceptibles de porteratteinte à la liberté de choix de lapersonne en cause, son choix à elle, biensûr, de devenir membre, s’en abstenir oude cesser d’être membre, c’est-à-dire dedémissionner de l’association de salariésdont elle fait partie. Vouloir donner unetelle extension à la portée de ce textequ’il viserait également la décision d’uneassociation de salariés d’exclure un

membre de ses rangs est absurde. Ceserait comme confondre les concepts dedémission et de congédiement. Si telétait le cas, un syndicat ne pourraitjamais exclure un membre de ses rangs,même pour une cause juste et dans lerespect de ses statuts et règlements. Eneffet, l’avis de comparaître adressé aumembre pourrait toujours être assimilé,comme on a voulu le faire dansle présent dossier, à une « lettre demenaces ».

Dans un second temps, la C.R.T.soulève d’office la question de savoir sil’art. 47.2 C.t. peut recevoir applicationlorsqu’il s’agit d’une décision relativeaux règles de régie interne d’un syndicat.Après une revue de la jurisprudence, laC.R.T. conclut péremptoirement que de

telles décisions syndicales ne doivent pasêtre analysée sous le prisme de l’art. 47.2C.t. :

[58] La Commission partage cetteopinion que l’article 47.2 porte essen-tiellement sur la négociation, l’interpréta-tion et l’application de la convention col-lective. Il n ‘est pas exclu qu’il puisse êtreinvoqué dans les cas où, pour défendreles intérêts d’un salarié face à sonemployeur toujours, le syndicat ou lesalarié lui-même opte ou se trouve dans

l’obligation de s’adresser à un autre tri-bunal que l’arbitre, mais rien ne permetde conclure qu’il s’applique de façongénérale aux rapports qu’entretient unsyndicat avec ses membres.

(les italiques sont de nous)

Finalement, la C.R.T. considèrequ’en l’espèce, le syndicat a violé l’art. 3du Code qui se lit comme suit :

3. Tout salarié a droit d’appartenir àune association de salariés de son choixet de participer à la formation de cetteassociation, à ses activités et à sonadministration.

Et en conséquence, elle ordonne àl’association de réintégrer dans ses rangsles salariés dissidents.

Nuances souhaitablesNous ne pouvons partager les vues

de la C.R.T. quant à l’étendue de la pro-tection qu’accorde l’art. 47.2 C.t. et ilconvient de s’en expliquer.

En réduisant la portée de l’art. 47.2C.t. aux seuls cas de la négociation, del’interprétation et de l’application de laconvention collective, la C.R.T. adopteune interprétation trop étroite et réduc-trice. L’art. 47.2 C.t. est, par essence, unemesure de protection à l’égard des déci-sions prises par un syndicat. Une tellemesure devrait recevoir, au contraire,une interprétation large et libérale afind’assurer pleinement sa finalité.

Cette décision fait abstraction de lanotion même de ce qu’est une associa-tion de salariés et de ses finalités. Eneffet, la négociation et l’application de laconvention collective n’est qu’une com-posante de la mission de l’association.Est-il besoin de rappeler la définition del’association de salariés ? :

a) « association de salariés » ungroupement de salariés constitué ensyndicat professionnel, union, fraternitéou autrement et ayant pour buts l’étude,la sauvegarde et le développement desintérêts économiques, sociaux et éduca-tifs de ses membres et particulièrement lanégociation et l’application de conven-tions collectives.

Collection GRH - Mai 20056

Relations du travail

L’art. 47.2 C.t. est,

par essence, une mesure

de protection à l’égard

des décisions prises par un

syndicat; elle devrait

recevoir une interprétation

large et libérale

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La réalité nous rappelle de façonéloquente que cette mission de la sauve-garde et du développement des intérêtséconomiques et sociaux des salariéss’exercent dans bien d’autres domainesqu’au strict plan de la convention collec-tive. À titre d’exemples :

● La représentation des salariés devantles instances en matière d’accidents dutravail;● Le rôle de conseil en matière derégime de retraite, d’assurances collec-tive, d’assurance-emploi et d’autresrégimes privés ou étatiques;● Etc.

L’obligation d’une juste et loyalereprésentation vise l’association desalariés à l’égard de sa mission globale etnon uniquement en ce qui a trait à laconvention collective ;

Dans ce contexte, l’admission oul’expulsion d’un membre de l’associationdoit être soumise à l’obligation d’unejuste et loyale représentation car il nefaut pas oublier que l’appartenance àl’association n’est pas anodine ou inof-fensive, elle permet :— de participer à la vie syndicale;— d’élire les officiers du syndicat (art.20.1 C.t.) ;— d’autoriser le déclenchement d’unegrève (art. 20.2 C.t.);— d’autoriser la signature d’une con-vention collective (art. 20.3 C.t.);

— de voter sur les dernières offres del’employeur (art. 58.2 C.t.).

Il est à souhaiter qu’à court terme, laC.R.T. ait à nouveau l’occasion de sepencher sur cette question afin denuancer ses propos et d’élargir la portéede l’art. 47.2 C.t. ■

1 Sur ce thème, voir : Jean-Yves BRIÈRE, « L’obligation d’une juste et loyale représenta-tion : analyse, perspective et prospective »,dans Récents développements en droit du

travail (2005), Cowansville, Les éditions YvonBlais inc., 2005.

2 Cusson et als. c. Syndicat des employé(e)s deSoucy International inc. et Collin et autres,2005, QCCRT 0041. Au même effet, voir égale-ment : Essaati c. Syndicat des travailleurs-eusesde Sheraton Centre (CSN) et Société en com-mandite Hôtel Clock Tower, 2005 QCCRT0181.

3 Fernand MORIN, Pourquoi juge-t-on commeon juge ? Montréal, Liber, 2005, p. 37.

4 Fernand MORIN, Jean-Yves BRIÈRE, Le droit del’emploi au Québec, Montréal, Wilson etLafleur ltée, 2003, p. 849.

Collection GRH - Mai 2005 7

Décision récente

L’obligation d’une juste

et loyale

représentation vise

l’association de

salariés à

l’égard de sa mission

globale et

non uniquement

en ce qui a trait

à la convention collective

Certaines personnes, non viséespar la Loi sur les accidents dutravail et les maladies profession-

nelles, peuvent quand même bénéficierdes avantages de la LATMP si elless’inscrivent à cette fin auprès de laCSST. Cette possibilité est prévue auxarticles 18 à 24 de la loi. Il s’agiranotamment de travailleurs automnes,de domestiques ou d’administrateursde personne morale. Cette personneinscrite à la CSST, en cas de lésion pro-fessionnelle, pourra recevoir uneindemnité de remplacement du revenu.Le revenu brut devant servir de base decalcul de cette indemnité est alors égalau montant pour lequel elle est inscrite(art. 74 LATMP).

Qu’arrive-t-il si, en plus de rece-voir une indemnité de remplacementdu revenu, cette personne a un revenutiré d’un emploi autre que l’emploi

prélésionnel ? Pour tout travailleur, lecas de figure général est prévu à l’arti-cle 52 LATMP qui prescrit : « Malgréles articles 46 à 48 et le deuxièmealinéa de l’article 49, si un travailleuroccupe un nouvel emploi, son indem-nité de remplacement du revenu estréduite du revenu net retenu qu’il tirede son nouvel emploi ».

Or voilà que, dans l’affaire Brizardet Pétrole Provinciale inc. (C.L.P.E.2004LP-185 (AZ-50280503)), le com-missaire Réal Brassard a décidé quel’article 52 LATMP ne s’appliquait pasdans le cas d’indemnité de remplace-ment du revenu versée à une personneinscrite à la CSST en vertu des articles18 et suivants, car cette personneinscrite n’est pas un travailleur.

Cette décision fait l’objet d’unedemande de révision. ■

Être indemnisé malgré l’occupation d’un autre emploiLes « autonomes » del’article 18 LATMPsont-ils des « travailleurs » ?Par Me Murielle Drapeau, avocate

Santé etsécurité En bref

Page 8: Les conventions collectives de longue durée : Où … n mai 1994, le Code du tra-vailfit l’objet de nombreux amendements.1 Parmi ces amendements, l’un deux visait à enlever la

Caisse populaire Desjardins de laHaute-Yamaska c. Choinière,

J.E. 2005-524 (C.A.)juges Baudoin, Dusseault

et Hilton.

L’existence d’un événementimprévu et soudain survenu par lefait ou à l’occasion du travail

suffit-il pour faire reconnaître l’immu-nité civile de l’employeur devant laCour d’appel ? Un travailleur dont lademande d’indemnisation à la CSSTpour accident de travail a été refuséepeut-il intenter un recours en respon-sabilité civile contre son employeur ?L’employeur peut-il invoquer l’immu-nité civile prévue à l’article 438LATMP qui prescrit que « le travailleurvictime d’une lésion professionnelle nepeut intenter une action en respon-sabilité civile contre son employeur enraison de sa lésion » ? Ces questionsont été soulevées dans l’affaire Caissepopulaire Desjardins de la Haute-Yamaska c. Choinière.

En l’espèce, la travailleuse aproduit une réclamation à la CSSTpour accident de travail. Bien quereconnaissant l’existence d’un événe-ment imprévu et soudain, la CSST etson instance en révision ont concluque cet événement n’avait pas causéla lésion diagnostiquée et ont alorsrejeté la réclamation de la travailleuse.La travailleuse a intenté un recours enresponsabilité civile contre son em-ployeur en Cour supérieure. Elleréclame des dommages-intérêts de190 846 $ pour préjudice causé pardes propos et gestes agressifs à sonendroit de la part de sa supérieure.

En Cour supérieure, l’employeur aprésenté une requête en irrecevabilitéprincipalement basée sur la notion de« chose jugée ». Dans une décisionpubliée à J.E. 2004-1891 (C.S.), le jugeYves Tardif a rejeté la requête enirrecevabilité considérant qu’il n’yavait pas identité d’objet. Considérantque la division de la révision admi-nistrative de la CSST avait décidé quela travailleuse n’avait pas subi de lésionprofessionnelle, le juge Tardif est d’avisqu’elle pouvait intenter le recours enCour supérieure. A ce propos, il écrit :

[15] Il y a ici deux possibilités:madame Choinière a subi une lésionprofessionnelle ou elle n’a pas subi delésion professionnelle. Or, par la déci-sion de la DRA, il y a chose jugée etmadame Choinière n’a pas subi delésion professionnelle. On ne peutdonc pas remettre ceci en question.

[16] Donc, si madame Choinièren’a pas subi de lésion professionnelle,qu’est-ce qui l’empêche de s’adresseraux tribunaux de droit commun ? S’ilfallait répondre qu’il existe un obstacledirimant à ce faire, elle n’aurait aucunrecours. Ce serait injuste. À mon avis,elle peut donc alléguer les mêmes faitsdevant la Cour supérieure puisque cesfaits n’ont pas donné l’ouverture à lareconnaissance d’une lésion profes-sionnelle. La différence est évidementénorme puisque, en vertu du droitcommun, madame Choinière aura lefardeau de démontrer que l’employeura été négligeant, qu’elle a subi unpréjudice et qu’il y a une relation entrela négligence alléguée et le préjudicesubi alors qu’en vertu de la LATMP, ce

fardeau n’existe pas puisqu’il s’agitd’un régime d’indemnisation sanségard à la responsabilité.

Ce jugement a été infirmé par laCour d’appel.

Selon les juges Baudoin, Dusseaultet Hilton, le travailleur qui a présentéune réclamation à la CSST et pourlaquelle la CSST a reconnu un « événe-ment imprévu et soudain » ne peut pass’adresser à un tribunal de droit com-mun. La Cour d’appel a accueilli larequête en irrecevabilité et rejetél’action de la travailleuse en consi-dérant que :

[1] (...) le seul fait que l’instanceadministrative ait statué que la preuveau dossier était insuffisante pour per-mettre d’indemniser l’intimée n’a paspour effet de donner compétence à laCour supérieure.

[2] (...) en effet, que selon les ter-mes mêmes du Bureau de révision, ils’agissait en l’espèce, d’un événementsoudain et imprévu, donc d’un acci-dent du travail au sens de la Loi, cequi ne permettait pas à l’intiméede se pourvoir devant la Cour supé-rieure.

Suite à cette décision de la Courd’appel, il faut comprendre que l’im-munité civile prévue à l’article 438LATMP sera reconnue si l’événementimprévu et soudain générateur desdommages est survenu par le fait ou àl’occasion du travail et ce même si laCSST et la CLP décident que malgré laprésence de cet événement, il n’y pasde lien entre l’événement et la lésion,donc que le travailleur n’a pas subi delésion professionnelle. ■

Collection GRH - Mai 20058

Décision récenteSanté etsécurité

Indemnisé ou non par la CSST,

Un accident de travail n’entraîne pas deresponsabilité civile pour l’employeurPar Me Murielle Drapeau, avocate

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Collection GRH - Mai 2005 9

Chronique

Sous ce titre métonymique, nousvoulons traiter des racines et dessources du Code du travail et

établir quelques rattachements en droiten fonction des deux grandes divi-sions : public et privé. Cette questionpeut sembler dépourvue d’intérêt à unjuriste affairé et qui préférerait s’adon-ner à des lectures plus immédiatementnécessaires. Malgré cette possibleréaction, nous soulignons que cetteproblématique soulève plusieursaspects importants notamment pour lesfins de l’interprétation du Code du tra-vail et pour établir la pertinence réelledes autorités retenues pour étayerquelques propositions ou assertions.1

Si le droit doit tendre à assurerpaix, ordre et sûreté, il ne sauraitatteindre ces objectifs sans être lui-même cohérent et répondre desprincipes de justice et d’équité. À cesfins, le sens et la portée du Code du tra-vail devraient être circonscrits en fonc-tion certes de son libellé et de safinalité et aussi, dans le respect de sesracines véritables. Cet énoncé impli-que que le Code du travail ne pourraitêtre perçu comme une pièce législativedétachée du corpus politico-juridiquequi est le sien. À notre avis et toujoursselon cette première avancée, le Codedu travail ne pourrait être lu, analysé,compris, interprété et appliqué à l’aideet dans le respect du droit américainsous prétexte que le National LaborRelations Act de 1935 (Wagner Act)servit de creuset à ses légistes.2 Certes,il y eut cet emprunt et l’influence pres-sante que connut le législateur québé-cois en 1944 au moment de la rédac-tion de la Loi des relations ouvrières.Mais, serait-ce suffisant pour y décelerune facture américaine imprégante encette loi maintenant vieille d’un demi

siècle et qui connut d’importantesmises à jour bien québécoises en 1964,1977 et 2001 ? Ne peut-on affirmerque cette greffe est maintenant bienprise à son tronc commun ? Cettedernière assertion n’entend nullementnier les apports collatéraux provenantdes parties patronales et syndicalesencore de souches américaines. Lathèse contraire ne serait pas pluslégitime et logique à l’égard du Codedu travail que celle que l’on pourraitdévelopper au sujet de la Loi sur lesdécrets de convention collective dontle modèle nous vient de la France etqui elle-même s’inspira d’une loi alle-mande.3 En d’autres termes, il est vrai

que la proximité socio-économique(sud-nord) influença particulièrementle législateur québécois dans le con-texte historique de 1944 (l’industriali-sation de l’après-guerre) et notammentpar la montée d’un mouvement syndi-cal dit international et la venue desgrandes entreprises américaines et deleurs gestionnaires. Par ailleurs, la déci-sion politico-juridique d’aménager lesrapports collectifs selon ce modèle futcelle du législateur québécois. Enl’occurrence, le terreau juridique decette loi de 1944 demeure toujours ledroit du Québec.

Outre ces premières observations,nous devons aussi situer le Code dutravail dans son réel « vivier juridi-que ». Dans ce contexte et à cette fin,il nous faudrait savoir si le Code du

travail est partie du droit public ou dudroit privé ? Cette même question ensous-entend une autre relative au liensusceptible d’exister entre le Code dutravail et le Code civil du Québec !

Si le régime des rapports collectifsdu travail s’inscrit comme voie pallia-tive à la négociation durable et vérita-ble des conditions de travail de chacunet de tous les salariés visés, nous nesaurions qualifier le Code du travail etles institutions qui s’y rattachentcomme partie exclusive du droitpublic. L’objet principal de ce mêmerégime porte sur le contenu du contratde travail, et le moyen retenu, soit lavoie collective, consiste à négocier aulieu et place du salarié et la finalité durégime vise à établir les conditions detravail au sein de l’entreprise. À notreavis, ces trois données participent dudomaine privé. Par ailleurs, il va de soique les causes socio-économiques decette intervention législative et que leseffets structurants à long terme de cerégime contribuent à l’aménagement età l’organisation de notre société. Sousces derniers aspects, le Code du travailrelèverait davantage du droit public.Nous reconnaissons ainsi le caractèrehybride du Code du travail et des insti-tutions qui en dépendent. Un telconstat ne peut surprendre et il seretrouve en bien d’autres champs : ● les règles du Code civil du Québecrelatives au prêt hypothécaire n’ont-elles pas des effets politiques certainsau sujet de l’accès à la propriété : lamutation d’un grand nombre delocataires à titre de propriétaires modi-fie sensiblement la structure économi-co-politique de la cité;● la construction d’une autoroute etsa gestion par une société privée ne faitpas de cette entreprise une institutionpublique, mais son action participe à

L’adéenne du Code du travail !Par Me Fernand Morin

Relations du travail

Le Code du travail

appartient-il

au droit public ou

au droit privé ?

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l’organisation du réseau du transportpublic.● etc.

S’il nous fallait encore limiter ledomaine « privé » aux seules questionsrelevant de l’individu et de ses rapportsde proximité, on écarterait ou nierait levolet social qui est aussi le sien à titrede citoyen. Nous devrions aussi pré-supposer qu’il existerait une réellefrontière entre le privé et le public ennotre société. L’enchevêtrement de cesdeux sphères, privée et publique, selonune dichotomie abstraite et quelquepeu anachronique devient toujoursplus difficile et insatisfaisante parcequ’elle nous égare de nos réalitéssocio-économiques et politiques. Il nes’agit cependant pas de nier la sphèrequi relève strictement de l’État et quine peut être abandonnée à la sous-traitance.

D’un point de vue plus politique,nous savons que l’objet principal duCode du travail consiste à donneraccès aux salariés à la négociation deleurs conditions de travail par la voiede leur représentant collectif. Dès quel’on accepte de définir la relation detravail et le statut du salarié à l’aide ducontrat de travail (art. 2085 CcQ) etque l’on entend respecter le principed’égalité formelle des parties à cemême contrat, il nous faut reconnaîtreque cette intervention du syndicatretenu à la majorité par les salariés nesert que d’instrument palliatif à l’iné-galité concrète de ces mêmes salariésisolés les uns, les autres mais faisanttous face à un même vis-à-vis. Cesdonnées servent de fondement princi-pal à cette construction législativeaménagée pour assurer une négocia-tion de substitution. Dans ce contexte,comment serions-nous surpris quel’article 67 C.t. précise finalement quele salarié, soit l’individu partie aucontrat de travail, est lié par la conven-tion collective qui découle de ceprocessus collectif. N’est-ce pas unefaçon cohérente et pratique de fermer

la boucle et on y arrive par la juxtapo-sition ou combinaison d’apports denature privée et publique.

Ce processus collectif et cettefinalité pratique et juridique de la con-vention collective ne sauraient fairedisparaître cependant le contrat detravail alors que cette convention col-lective ne sert que d’instrument, soit leprocès-verbal d’une réelle négociation,en vue d’établir un contenu au contratde travail au lieu et place de soumettrele salarié aux seuls diktats d’unco-contractant, l’employeur.4 Pourcette raison et dans ce contexte épisté-mologique, on peut affirmer que lesalarié bénéficiaire d’une conventioncollective est néanmoins juridique-ment lié à l’employeur par un contratde travail et ce dernier demeure soumisaux dispositions du Code civil duQuébec. Il en serait ainsi des parties àla convention collective en ce sensqu’elles ne pourraient contrevenir auxdispositions d’ordre public du Codecivil du Québec (art. 62 C.t.). Lesparties à la convention collective etaussi les tribunaux ne peuvent écarter,sous un quelconque prétexte, la con-signe que l’on retrouve à la dispositionpréliminaire du Code civil du Québec :« Le code est constitué d’un ensemblede règles qui, en toutes matières aux-quelles se rapportent la lettre, l’espritou l’objet de ses dispositions, établit,en termes exprès ou de façon explicite,le droit commun. En ces matières, ilconstitue le fondement des autres loisqui peuvent elles-mêmes être ajoutéesau code ou y déroger ».5 Nier l’exis-

Collection GRH - Mai 200510

Relations du travail

Entre droit public

et privé, se situerait

une troisième province

du droit que

l’on qualifierait de

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Le tableau suivant montre les taux d’in-térêt à utiliser pour le calcul desvaleurs de transfert des régimes de

retraite agréés selon les recommandationsde l’Institut canadien des actuaires avantfévrier 2005. Vous y trouverez égalementles taux en vigueur à compter du 1er février2005, lesquels varient avant et après uneéchéance de dix ans.

Les recommandations de l’Institutcanadien des actuaires pour le calcul desvaleurs de transfert des régimes de retraiteagréés apparaissent dans la section« Administration d’un régime de retraite »de la publication Régimes de retraite au

Québec. (Voir ¶ 5670)Les taux d’intérêt illustrés sont pré-

parés par Optimum Actuaires & Conseillers

inc. et publiés avec la permission duComité de rédaction de la publicationRégimes de retraite au Québec. ■

Collection GRH - Mai 2005 11

BrèvesRégimesde retraite655545

Calcul des valeurs de transfertTaux d’intérêt à utiliser.

tence du contrat de travail là où il y aune convention collective signifie dumême coup et fatalement nier l’appli-cabilité du Code civil du Québec àcette relation de travail. Effet et portéequi nous paraissent politiquement etjudiciairement insupportables.

Dans ce contexte, on saisit davan-tage l’à-propos d’une troisièmeprovince du droit qui se situerait entreces deux divisions classiques (public-privé) et que l’on qualifie de droitsocial. L’expression « droit social »illustre fort bien cette difficulté con-ceptuelle même si, au strict point devue étymologique, on peut y voir unesimple tautologie puisque le droit est lefait d’une société et vise ses membres.En d’autres termes, pourquoi qualifie-t-on le droit de « social » alors que toutdroit est fondamentalement social etqu’un tel qualificatif devrait paraîtreredondant : Ubi societas ibi jus ? Si onajoute l’adjectif social pour qualifier cesegment du droit, ce serait, à notreavis, pour souligner d’une manière plussignificative que ces règles de droit

traitent d’une façon plus directe decette partie importante de la popula-tion, celle qui vit du prix de son travail,le salaire. Dans le contexte du débutdu XXe siècle, et sous la pression d’unepartie de la population, des mesureslégislatives furent retenues en faveurdes travailleurs, des ouvriers ou, si onpréfère, des salariés. La législation dutravail et sociale ainsi naquit.6 Et main-tenant, l’expression « droit social »signifie cette partie du droit imprégnéou davantage mu par les principes dejustice distributive et de l’équité. ■

1 Le renvoi à des autorités pertinentes est sou-vent nécessaire pour convaincre de larigueur ou solidité de l’argumentationproposée. On ne saurait se limiter à uneenfilade de citations susceptibles, semble-t-il, d’éblouir mais nullement d’éclairer c’est-à-dire, sans faire vraiment appel à l’intelli-gence de l’interlocuteur.

2 Le rapport de la Commission d’enquête insti-tuée en 1943 et qui servit d’amorce à la Loides relations ouvrières de 1944 prit leWagner Act (US) à titre de modèle pour éla-borer les modalités proposées en les adap-tant aux conditions alors prévalantes au

Québec : Gérard Vaillancourt, Recueilannoté des lois ouvrières, éd. Wilson etLafleur, 1957, p. 105 à 122.

3 F. Morin et J. Y. Brière, Droit de l’emploi, 2e

édition, Wilson et Lafleur, para III-503. Demême en serait-il de la Loi sur les accidentset maladies professionnelles au sujet delaquelle on retenait en 1919 le modèle suivien Allemagne, France, Belgique et Italievingt-cinq ans auparavant pour adopter lathéorie du « risque professionnel ».

4 Nous développions cette question à notrebillet d’octobre 2004 sous le titre : La con-vention collective : toujours à la recherchede sa définition en droit !

5 Il semble que la Cour d’appel éprouveencore quelques difficultés à savoir si le con-trat de travail du salarié et la convention col-lective peuvent coexister. Nous demeuronsconfiant que la finalité du Code civil duQuébec et celle du Code du travail qui sontconvergentes devraient éventuellement s’im-poser : comparer les arrêts Maribro inc. c.U.E.S. (local 298), 1992 RJQ 572 et Syndicatnational des employés de garage du Québecinc. c. Filion et Frères (1976) inc. n° 200-09-00-3550-016 du 9 décembre 2003 (en appelà la Cour suprême du Canada).

6 Au cours de la première moitié du XXe siècle,on qualifiait ces nouvelles lois de « législa-tion industrielle » et de lois ouvrières. Un telentendement paraît assez révélateur descauses et des sujets visés.

MOIS DE L’ÉVÉNEMENTRENTES NON INDEXÉES RENTES INDEXÉES

10 premières Après 10 premières Aprèsannées 10 ans années 10 ans

Janvier 2005 5,50 % 2,50 %

Février 2005 4,50 % 6,00 % 2,25 % 2,75 %

Mars 2005 4,50 % 6,00 % 2,25 % 2,75 %

Avril 2005 4,50 % 6,00 % 2,25 % 2,75 %

Mai 2005 4,75 % 6,00 % 2,25 % 2,75 %Juin 2005 4,50 % 5,50 % 2,00 % 2,50 %

Chronique

Page 12: Les conventions collectives de longue durée : Où … n mai 1994, le Code du tra-vailfit l’objet de nombreux amendements.1 Parmi ces amendements, l’un deux visait à enlever la

Collection GRH - Mai 200512

En bref

L’article 51 de la Loi sur les acci-dents du travail et les maladiesprofessionnelles prévoit qu’un

travailleur qui occupe à plein temps unemploi convenable et qui, dans lesdeux ans suivant la date où il a com-mencé à l’exercer, doit l’abandonnerselon l’avis de son médecin récupère ledroit à l’indemnité de remplacementdu revenu. Cette récupération ne serapossible que si le médecin est d’avisque le travailleur n’est pas raisonnable-ment en mesure d’occuper cet emploiconvenable ou que cet emploi conve-nable comporte un danger pour lasanté, la sécurité ou l’intégritéphysique du travailleur.

Dans l’affaire Vallée et Construc-tion et rénovation M. Dubeau inc.(C.L.P.E. 2004LP-188 (AZ-50280014)),la question suivante est discutée par lecommissaire Claude Lavigne. Pour

bénéficier de la récupération du droitde l’indemnité de remplacement durevenu en vertu de l’article 51 de la loi,le travailleur doit-il obligatoirementobtenir préalablement une opinionécrite du médecin avant l’abandon dutravail ?

En l’espèce, le commissaire aconstaté qu’il y a eu abandon de l’em-ploi avant l’attestation écrite du méde-cin. Cependant, la preuve prépondé-rante démontre que les médecinsavaient, bien avant l’abandon de l’em-ploi, recommandé au travailleur de nepas faire ce travail qui présentait unhaut risque d’aggravation de la lésionprofessionnelle. À ce propos, le com-missaire conclut :

[72] Cette preuve médicale, pourle moins révélatrice, permet donc à laCommission des lésions profession-nelles de reconnaître que l’abandon

par le travailleur de son emploi d’esti-mateur en sinistre s’est fait à la suite derecommandations des docteurs Roy etBrault qui, à un moment donné ou à unautre, ont agi en tant que médecinayant pris charge du travailleur. Cesmédecins attestent que cet emploi estdangereux pour le travailleur et sapoursuite représente un haut risqued’aggravation de sa lésion profession-nelle, approche que partage d’embléela Commission des lésions profession-nelles.

[73] Qui plus est, dès le 30 octobreet le 3 novembre 2003, le travailleurest confronté à une augmentation deses douleurs à la région lombaire lorsde l’exercice de cet emploi, confirmantainsi le risque sérieux d’aggravation desa condition par la poursuite de cetemploi. ■

Santé etsécurité

L’abandon d’un emploi convenabledevenu dangereux pour le travailleurPar Me Murielle Drapeau, avocate

L’affaire Godon et ManteauxManteaux, (C.L.P.E., 2004LP-221(AZ-50285521)) est le cas d’une

travailleuse qui fait une chute dansune escalier de l’hôpital où elle serend pour une consultation médicalesuite à une lésion professionnelle.Suite à cette chute, un diagnostic de« dysplasie de la hanche droite etdéchirure du labrum est posé. Est-ce

une blessure survenue par le fait ou àl’occasion de soins reçus pour unelésion professionnelle ? Si oui, l’arti-cle 31 LATMP s’applique.

Distinguant les cas de lésionssubies lors d’une activité de trajet etles cas de lésions subies à l’occasiondes soins reçus pour une lésionprofessionnelle, le commissaire GillesRobichaud est d’avis que le mot

« soins » inclus à l’article 31 LATMPdoit être interprété largement et qu’enl’espèce, la dysplasie de la hanchedroite et la déchirure de labrum estune lésion professionnelle au sens del’article 31.

Sur l’interprétation du mot« soins », le commissaire retient que :

« [18] Si au civil, on peut consi-dérer l’étape « diagnostic » comme

Une chute en se rendant chez lemédecin pour recevoir des soinsPar Me Murielle Drapeau, avocate

En brefSanté etsécurité

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Collection GRH - Mai 2005 13

Décision récente

Union canadienne des travailleursen communication c. Papiccio,

C.A. 500-09-0151-1-041,juges Rousseau-Houle,

Thibault et Rayle11 mars 2005.

Il peut arriver qu’à l’intérieur d’uneassociation de salariés, des pointsde vue diamétralement opposés

s’affrontent et créent de vives tensions.Il arrive parfois même que des groupesrivaux se livrent une véritable guerrepour le contrôle du syndicat. Dansun tel cas, quels sont les recours judi-ciaires possibles ? Doit-on se pourvoiren quo warranto ou en injonction ?Une décision récente de la Courd’appel soulève cette problématiqueprocédurale.

Direction du syndicatDeux groupes de syndiqués pré-

tendent détenir la légitimité requisepour exercer les fonctions d’admi-nistrateurs et de représentants del’Union canadienne des travailleurs encommunication.

Les statuts et règlements du syndi-cat prévoient trois (3) composantes :l’assemblée générale, le conseild’administration et, enfin, le congrès.L’article 40.8 des statuts précise lespouvoirs des membres en assembléegénérale :

40.8 Toute résolution passée àl’assemblée générale des membres quine sera pas mise en vigueur par le con-seil d’administration devra être présen-tée de nouveau au congrès annuel

suivant. La décision du congrès serafinale.

À l’occasion d’une assembléegénérale, un groupe opposé au conseild’administration fait voter une modifi-cation à l’article 40.8 des statuts :

Toutes les résolutions adoptées parles membres d’une assemblée annuellegénérale, ordinaire, spéciale ou extra-ordinaire, sont finales et doivent êtremises en vigueur immédiatementau moment de leur adoption et ce,sans changement et sans exception.Toute assemblée des membres doittoujours être souveraine, et ce, sansexception.

À la suite de l’adoption de cettemodification, les dissidents font voterla destitution du conseil d’administra-tion et l’élection d’un comité provi-soire chargé d’administrer le syndicat.Les deux groupes prétendent être leseul habilité à administrer le syndicatet les procédures judiciaires fusent detoute part.

Pluralité de recoursChacun des groupes a demandé à

la Cour supérieure, par des procéduresen injonction, en quo warranto ainsiqu’en jugement déclaratoire, de recon-naître ses prétentions. La décision depremière instance aborde la qualifica-tion de chacun de ces recours.Insatisfaites du jugement, les partiesont porté l’affaire devant la Courd’appel.

Les recours analysés sont tousprévus au Code de procédure civile.L’article 838 C.p.c. prévoit le recoursen quo warranto :

faisant « partie intégrante des soinsdonnés à une maladie », à plus forteraison, toute consultation médicale,comme dans la présente, visant àvérifier « la nécessité, la suffisance oula durée des soins ou des traitementsadministrés ou prescrits ». Cetteinterprétation est bien conforme àl’objet même de la Loi sur les acci-dents du travail et les maladies pro-fessionnelles qui prévoit à son article1 : « la réparation des lésions profes-sionnelles et des conséquencesqu’elles entraînent pour les bénéfi-ciaires ». Il y est précisé, de plus, que« le processus de réparation deslésions professionnelles comprend lafourniture des soins nécessaires à laconsolidation d’une lésion [...] ».

Comment ne pas inclure alors lesconsultations médicales visant àdéterminer quels soins sont néces-saires comme faisant « partie inté-grante » de ces mêmes soins ? Ainsi,en faisant une chute dans l’escalierde l’hôpital où elle allait consulterpour des traitements reliés à la lésionprofessionnelle subie le 16 février2001, la travailleuse chutait à« l’occasion des soins » qu’elle rece-vait pour cette lésion; la « dysplasiede la hanche droite et la déchiruredu labrum droit» occasionnées parcette chute constitue donc une lésionprofessionnelle au sens de l’article31 de la loi. La travailleuse a, parconséquent, droit aux prestationsprévues à cet égard par la loi. » ■

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Relations du travail

Quel remède utiliser quand la dissension interne gronde ?Par Me Jean-Yves Brière, avocat

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Décision récente838. Lorsqu’une personne occupe

ou exerce sans droit, soit une fonctionpublique, soit une fonction dans unepersonne morale de droit public ouprivé, dans un organisme public oudans une association au sens du Codecivil du Québec, tout intéressé peuts’adresser au tribunal pour obtenirqu’elle en soit dépossédée ; il peutmême demander que telle fonction soitattribuée à une tierce personne, s’ilallègue les faits nécessaires pourétablir qu’elle y a droit.

Pour sa part, le recours en injonc-tion est défini à l’article 751 C.p.c. :

751. L’injonction est une ordon-nance de la Cour supérieure ou de l’unde ses juges, enjoignant à une person-ne, à ses dirigeants, représentants ouemployés, de ne pas faire ou de cesserde faire, ou, dans les cas qui le permet-tent, d’accomplir un acte ou uneopération déterminés, sous les peinesque de droit.

Finalement, le recours en juge-ment déclaratoire découle de l’art. 453C.p.c. :

453. Celui qui a intérêt à fairedéterminer, pour la solution d’une dif-ficulté réelle, soit son état, soit quelquedroit, pouvoir ou obligation pouvantlui résulter d’un contrat, d’un testamentou de tout autre écrit instrumentaire,d’une loi, d’un arrêté en conseil, d’unrèglement ou d’une résolution d’unemunicipalité, peut, par requête intro-ductive d’instance, demander un juge-ment déclaratoire à cet effet.

Destitution illégaleD’entrée de jeu, la Cour d’appel

précise la spécificité du recours en quowarranto :

[59] Le recours en quo warrantoest le moyen de se pourvoir en casd’usurpation de fonctions (art. 838C.p.c.). Il vise la déchéance de la per-sonne qui occupe une charge illégale-ment ou sans droit et son attribution àcelle qui y aurait droit. Lorsque lerecours vise à contester l’exercice illé-gal d’une fonction, c’est par injonction

que l’on peut faire cesser cette situa-tion; par contre, le recours en quo war-ranto demeure le seul approprié pourempêcher quelqu’un d’exercer lesattributions d’une fonction qu’ilusurpe.

[60] Le quo warranto a donc unevocation limitée et spécifique. Il doitreposer sur un défaut de titre ou dequalification et il ne peut servir à con-tester des actes illégaux ou des man-quements aux devoirs et obligationsreliés à l’exercice d’une charge.

Selon la Cour, en l’espèce, la réso-lution de destitution était illégale et leconseil d’administration occupait tou-jours légalement son poste. De ce fait,

le recours en quo warranto contre leconseil d’administration était malfondé alors que le recours en injonc-tion contre le comité provisoire étaitpour sa part bien fondé :

[69] L’assemblée ne pouvait, enaucune circonstance, agir arbitraire-ment comme elle l’a fait. L’adhésion àune personne morale, tel un syndicat,donne naissance à une relation de lanature d’un contrat et tant le syndicatque les syndiqués conviennent d’êtreliés par les modalités des statuts dusyndicat. Même en l’absence destatuts, ce n’est qu’après une procé-dure équitable, qui permet de garantirses droits à une défense pleine et

entière, qu’une personne peut êtreexpulsée d’une association à laquelleelle a adhéré ou être destituée d’unefonction.

[70] Les Statuts et Règlements del’Union limitent les pouvoirs décision-nels de l’assemblée, mais n’enlèventaucunement le pouvoir reconnu auxmembres d’agir contre leurs dirigeants.Les articles 8 et 9 des Statuts etRèglements encadrent ce pouvoirselon des normes usuelles visant àassurer l’équité procédurale et lerespect des droits fondamentaux desmembres du syndicat.

[71] Il s’ensuit que puisque la réso-lution de destitution est illégale, lesappelants occupent toujours légale-ment leurs postes de dirigeants del’Union. C’est donc à tort que la jugede la Cour supérieure a attribué auxintimés, dans le cadre d’un recoursextraordinaire en quo warranto, descharges administratives comme mem-bres du comité provisoire. Leur élec-tion à ce comité provisoire ne respecteaucune des dispositions des Statuts etRèglements qui, par ailleurs, n’ont riend’inusité. En effet, les conditions régle-mentaires limitant l’accès à certainspostes électifs de l’Union se retrouventdans les règlements d’autres syndicats.En vertu de l’article 20.1 du Code dutravail, une procédure par laquelle lesdirigeants sont désignés par les mem-bres élus de l’exécutif serait mêmelégale.

[72] Les appelants sont donc bienfondés d’obtenir une injonction perma-nente enjoignant aux membres ducomité provisoire de cesser de seprésenter comme étant les administra-teurs de l’Union.

Cette décision illustre bien l’im-portance juridique et stratégique duchoix de la procédure judiciaire appro-priée. Le choix d’une procédure inap-propriée peut être lourd de con-séquences. ■

L’adhésion à un

syndicat donne

naissance à une

relation de la nature

d’un contrat et tant le

syndicat que

les syndiqués sont liés

par les modalités

des statuts du syndicat

Relations du travail

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Régimesde retraite655545 Brèves

INDICES FINANCIERS, RENDEMENT AU 31 MARS 2005

RENDEMENT TOTAL (%)

MOIS TRIMESTRE ANNÉE

01-2005 02-2005 03-2005 I 2004 2005

0,96 -0,06 0,19 1,09 7,15 1,09

0,90 -0,06 0,17 1,01 6,65 1,01

1,12 -0,23 0,38 1,27 7,85 1,27

0,94 -0,14 0,15 0,94 7,36 0,94

0,90 0,11 0,05 1,06 7,29 1,06

0,55 0,13 -0,09 0,59 5,07 0,59

0,92 -0,09 0,09 0,92 7,77 0,92

1,67 -0,32 0,76 2,12 10,26 2,12

0,22 0,18 0,19 0,59 2,30 0,59

1,01 -0,10 0,22 1,13 7,24 1,13

1,13 -0,20 0,37 1,29 7,59 1,29

-0,40 5,17 -0,38 4,36 14,48 4,361,87 6,20 -5,34 2,42 6,50 2,420,76 4,73 -1,68 3,76 22,33 3,76

-0,40 5,17 -0,38 4,36 14,48 4,36

0,35 1,56 -3,51 -1,66 3,27 -1,66

-3,58 -1,10 -3,62 -8,09 2,86 -8,09

0,56 2,66 -3,63 -0,51 7,34 -0,51

0,98 3,79 -4,20 0,40 12,41 0,40

0,96 4,46 -4,21 1,02 13,06 1,02

1,02 2,21 -4,17 -1,05 11,11 -1,05

Indices obligataires

MCS Universel

MCS Fédérales

MCS Provinciales

MCS Municipales

MCS Corporatives

MCS Court terme

MCS Moyen terme

MCS Long terme

MCS Bon du trésor (91 jours)

Optimum en obligations canadiennes

Optimum obligations Québec

Indices boursiersActions canadiennes

S&P/TSX

S&P/TSX petite capitalisation

S&P/TSX moyenne capitalisation

S&P/TSX plafonné

Actions étrangères ($ can)

S&P 500

Nasdaq 100

MSCI - Mondial

MSCI - EAEO

MSCI - Europe

MSCI - Pacifique

MCS : Marchés des capitaux ScotiaOptimum : Optimum Gestion de placements inc.MSCI : Morgan Stanley Capital International

Préparé par Optimum Actuaires & Conseillers inc.

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