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LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC Dans l'évolution du régime juridique et administratif des «collectivités locales marocaines on voit se préciser d'une manière originale la transfor- mation, parfois par mutation brusque, de la tradition musulmane théocratique de la consultation par délégation en un véritable système de représentation à base élective et démocratique. Le 6 octobre 1963 a marqué une étape considérable dans le processus institutionnel entamé le 14 décembre 1962 avec la promulgation officielle de la Constitution. C'est à cette date, en effet, qu'ont été élues les premières assemblées provinciales et préfectorales de l'histoire administrative chéri- fienne, conformément aux dispositions constitutionnelles: «Les collectivités locales du Royaume sont les Préfectures, les Provinces et les Communes. Elles sont créées par la loi (art. 93). «Elles élisent des assemblées chargées de gérer démocratiquement leurs affaires dans des conditions déterminées par la loi (art. 94). Historiquement, la cellule rurale et urbaine représentant la forme structurée d'administration locale, c'est l'organisation communale qu'il convient d'analyser en premier lieu. 1. - LES COMMUNES Jusqu'à l'automne 1963 les seules collectivités locales existantes étaient les communes urbaines ou rurales instituées par le dahir du 23 juin 1960 relatif à l'organisation communale. Cette «charte sur laquelle a anticipé le texte qui a défini les modalités de l'élection des Conseils Com- munaux, le dahir du 1 er septembre 1959, définit les communes comme «des collectivités territoriales de droit public dotées de la personnalité civile et de l'autonomie En fait comme en droit, si le dahir du 23 juin 1960 a codifié rationnelle- ment et unifié l'organisation communale, la «cellule communale existait déjà mais d'une façon très diversifiée.

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LES COLLECTIVITÉS LOCALES

DANS L'ADMINISTRATION TERRITORIALE

DU ROYAUME DU MAROC

Dans l'évolution du régime juridique et administratif des «collectivités locales ~ marocaines on voit se préciser d'une manière originale la transfor­mation, parfois par mutation brusque, de la tradition musulmane théocratique de la consultation par délégation en un véritable système de représentation à base élective et démocratique.

Le 6 octobre 1963 a marqué une étape considérable dans le processus institutionnel entamé le 14 décembre 1962 avec la promulgation officielle de la Constitution. C'est à cette date, en effet, qu'ont été élues les premières assemblées provinciales et préfectorales de l'histoire administrative chéri­fienne, conformément aux dispositions constitutionnelles: «Les collectivités locales du Royaume sont les Préfectures, les Provinces et les Communes. Elles sont créées par la loi ~ (art. 93). «Elles élisent des assemblées chargées de gérer démocratiquement leurs affaires dans des conditions déterminées par la loi ~ (art. 94). Historiquement, la cellule rurale et urbaine représentant la p~emière forme structurée d'administration locale, c'est l'organisation communale qu'il convient d'analyser en premier lieu.

1. - LES COMMUNES

Jusqu'à l'automne 1963 les seules collectivités locales existantes étaient les communes urbaines ou rurales instituées par le dahir du 23 juin 1960 relatif à l'organisation communale. Cette «charte communale~, sur laquelle a anticipé le texte qui a défini les modalités de l'élection des Conseils Com­munaux, le dahir du 1er septembre 1959, définit les communes comme «des collectivités territoriales de droit public dotées de la personnalité civile et de l'autonomie financière~.

En fait comme en droit, si le dahir du 23 juin 1960 a codifié rationnelle­ment et unifié l'organisation communale, la «cellule communale ~ existait déjà mais d'une façon très diversifiée.

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130 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

A. - L'ORGANISATION DE L'ADMINISTRATION LOCALE JUSQU'A LA RÉFORME DE 1960.

1) Les groupements ruraux.

Il importe de distinguer les agglomérations à caractère urbain qui fai­saient déjà l'objet d'une législation particulière et les zones rurales. En ce qui concerne ces dernières, les modalités d'organisation et de tutelle ont évolué à partir du texte de base en la matière, le dahir du 21 novembre 1916 modifié en mars 1924 instituant les «djemaa administratives» pour représenter juridiquement les tribus ou fractions de tribu qui constituaient alors les véritables collectivités rurales. Le président de la djemaa était de droit soit le caïd de la tribu soit le cheikh de la fraction de tribu lorsqu'il s'agissait d'une tribu étendue. Le même dahir de 1916 donnait compétence aux djemaa pour gérer les biens fonciers qui formaient le patrimoine collectif de la tribu ou de la fraction. A quelques nuances près, ce système a été pratiquement maintenu jusqu'à l'époque actuelle en ce qui concerne seulement la gestion des «terres collectives» des tribus en dehors du domaine public ou privé des actuelles communes rurales (1) .

Une première réforme importante est réalisée par le dahir du 6 juillet 1951 qui autorise l'institution de djemaa administratives valant la reconnais­sance de la personnalité civile dans des groupements ruraux ne coïncidant plus avec les tribus ou les fractions. Il est encore tenu compte de la géogra­phie ethnique traditionnelle mais on tend à donner à la collectivité rurale une assiette territoriale. Cette caractéristique du texte de 1951 est intéres­sante car elle éclaire la suite de l'évolution de l'organisation rurale vers le stade communal. Un autre aspect important, c'est la règle de l'élection adoptée en principe par le même dahir comme mode de désignation des membres de la djemaa dont le nombre avait été fixé par un arrêté viziriel. C'était, en principe seulement, un membre élu de la djemaa qui présidait celle-ci mais, en fait, le caïd ou le cheikh avait été appelé à cette présidence dans tous les cas comme dans le système précédent.

L'exposé des motifs qui présente le dahir du 6 juillet 1951 modifiant le dahir du 21 novembre 1916 indique la signification que les auteurs du texte attachent à cette réforme de base. C'est ainsi que les djemaa administratives pourront être instituées non seulement dans le cadre de la tribu ou de la fraction mais dans celui de tout autre groupement traditionnel existant ou qu'il apparaîtrait nécessaire de créer dans l'intérêt du développement économique de l'Empire Chérifien. Les membres des djemaa seraient élus par les ressor­tissants de leur groupement au lieu d'être désignés par l'autorité adminis­trative. Enfin, alors qu'elles étaient cantonnées dans un rôle strictement consultatif, les djemaa délibèreraient sur les intérêts économiques, sociaux du groupement qu'elles représentaient et pourraient, le cas échéant, en établir et gérer le budget.

(1) Réparties entre les anciennes tribus qui n'ont plus aujourd'hui d'existence légale du point de vue du droit public marocain ces terres collectives qui représentent au total environ 6 millions d'hectares sont inaliénables et placés sous la tutelle du Ministre de l'Intérieur.

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 131

La vocation des nouvelles djemaa à une fonction représentative et déli­bérante se trouve désormais nettement affirmée compte tenu du rôle que le législateur entend leur confier sur le double plan économique et social.

Elus en principe pour une durée égale ou inférieure à trois ans, les membres de la djemaa élisent à leur tour leur président. A titre transitoire, les caïds ou les chiouk peuvent être désignés comme présidents. Cette réforme, cependant, ne devait pas être appliquée. Par contre, ces groupements furent dotés d'un budget établi et géré par la djemaa sur les bases suivantes. En recettes, ce budget pouvait comprendre des centimes additionnels au tertib (impôt agricole) et des taxes instituées par arrêté caïdal sous réserve de l'accord de la djemaa ainsi que des contributions, redevances ou revenus traditionnels aux groupements. La partie dépenses comprenait: les frais de gestion du patrimoine du groupement et les dépenses d'équipement écono­mique ou social intéressant ce dernier, les frais de bienfaisance, assistance ou entraide, et les frais de fonctionnement d'un secrétariat.

Ce dahir de 1951 reçut une application suffisamment souple pour tenir compte de la nature et des dimensions des divers groupements ruraux existants. C'est ainsi que, dans la province de Marrakech des djemaa admi­nistratives furent créées à la fin de 1951 dans un périmètre irrigué, plusieurs fractions de tribu, un douar, une collectivité (dix membres) et dans de simples centres (cinq membres).

Ces nouvelles djemaa devaient être non seulement élues pour trois ans au maximum, mais délibérantes. Leur compétence portait sur les intérêts économiques et sociaux du groupement représenté, l'établissement d'un bud­get annuel et la représentation en justice des intérêts de la collectivité rurale. Le budget, tel qu'il était défini par les articles 4 et 5 du dahir du 6 juillet 1951 pouvait comprendre:

- en recettes, notamment:

- des centimes additionnels au tertib dans les limites fixées par arrêté viziriel;

- des taxes qui seront instituées par arrêtés des caïds dans les condi­tions fixées par le dahir du 27 mars 1917 (3 joumada II 1335) et par les textes qui l'ont complété ou modifié. Mais le caïd ne devra instituer aucune taxe autre que celles imposées par l'autorité supérieure, sans l'accord préalable de la djemaa administrative;

- les contributions, redevances ou revenus traditionnels aux groupe­ments;

- éventuellement, les subventions qui pourraient être attribuées.

- en dépenses, notamment:

- les frais de gestion du patrimoine du groupement et les dépenses d'équipement économique ou social intéressant ce dernier;

- les frais de bienfaisance, assistance ou entraide; - les frais de fonctionnement d'un secrétariat.

La constitution d'un domaine public et privé a été spécialement prévue par le dahir du 28 juin 1954 qui a précisé les modalités de l'incorporation !lU

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132 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

domaine public à raison soit de leur affectation à l'usage du public, soit de leur utilisation pour le fonctionnement de services publics locaux dépendant de la djemaâ administrative, notamment:

- des pistes, chemins, rues, places, jardins ou parcs publics, installations d'éclairage, égoûts;

- des eaux destinées à l'alimentation humaine ou à l'abreuvement des troupeaux ainsi que des ouvrages destinés à cette utilisation;

- des immeubles tels que souks et leurs dépendances, fondouks, abat­toirs, monuments, bains parasiticides.

La gestion des biens collectifs appartenant aux tribus lui échappait et restait entre les mains de djemaa distinctes. On peut le regretter dans la mesure où un droit de regard sur ces terres collectives aurait sans doute permis une transformation ultérieure de ces terres en biens communaux. Les élections, cependant, n'eurent jamais lieu et les membres des djemaa furent désignés par les autorités locales.

Au nombre d'un millier environ, ces djemaa administratives étaient soumises non pas à une tutelle au sens classique du terme mais à un simple contrôle hiérarchique puisque ces collectivités rurales restaient administrées par des agents représentant le pouvoir central.

Il n'est pas excessif, en résumé, de considérer que les textes précités de 1951 et 1954 avaient posé les bases territoriales et le cadre administratif de groupements locaux qui préfiguraient dans une assez large mesure les « com­munes rurales» de 1960. Encore convient-il de rappeler que les membres de ces conseils ruraux (djemaa administratives), contrairement aux dispositions législatives, ne furent jamais élus mais désignés par les notables de chaque groupement intéressé sous le contrôle étroit du caïd, agent du pouvoir central.

2) Les agglomérations urbaines.

La réglementation en vigueur jusqu'au lendemain de l'indépendance était très différenciée selon qu'il s'agissait soit de villes érigées en municipalités soit de «centres» classés en plusieurs catégories.

En ce qui concerne les municipalités, une distinction statutaire avait été établie entre les municipalités organisées suivant le droit commun et les régimes municipaux spéciaux. Dans le premier cas, c'est le dahir du 8 avril 1917 qui constituait la charte municipale avant qu'elle ne fût modifiée par le dahir du 18 septembre 1953 et celui du 27 mai 1954. En 1955 il existait dix-neuf municipalités de droit commun dont la population a été recensée en 1950-51 :

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC

Agadir ............................... . Casablanca ........................... . Azemmour ........................... . Fédala (Mohammedia) ................ . Mazagan (El Jadida) .................. . Settat ................................ . Fès ................................... . Sefrou ............................... . Taza ................................. . Marrakech ........................... . Mogador (Essaouira) .................. . Safi ...........................•...•... Meknes ............................... . Ifrane ................................ . Oujda ................................ . Rabat ................................ . Ouezzane ............................. . Port-Lyautey (Kénitra) ............... . Salé .................................. .

TOTAL •••••••

Population totale

30111 682300

9816 25247 34781 25205

179372 16590 21966

215312 22291 56751

140380 1941

80546 156209 21353 55905 45582

1822746

133

Non-marocains

6062 134690

142 3913 2583

878 15768

708 4059

12316 1277 3876

21283 694

27202 40747

867 8868 2230

288163

Plusieurs ordres de considérations avaient présidé à l'érection de ces villes en municipalité: position géographique, rôle historique, facteurs éco­nomiques, ressources financières locales. Deux agents du pouvoir central constituaient l'autorité municipale et exerçaient ensemble les pouvoirs dévolus au maire français: le pacha et le chef des services municipaux. Fonction­naire du makhzen chérifien le pacha était seul dépositaire du pouvoir régle­mentaire. L'autorité municipale était assistée d'une « commission municipale» dont les membres (marocains et européens) étaient nommés et sa compétence exclusivement consultative pour les questions dont l'autorité municipale estimait opportun de la saisir. Dans la pratique, la commission fut progressi­vement associée à la marche des affaires municipales afin de familiariser ses membres avec la gestion de ces affaires. En outre, à partir du début de l'année 1948 un contrôle politique spécial fut instauré dans les cinq grandes villes chefs-lieux de région par les autorités du protectorat sous la forme d'un «délégué aux affaires urbaines », contrôleur civil qui était chargé de coordonner les activités du chef des services municipaux, du chef de la police de la ville et du Commissaire du Gouvernement auprès de juridictions chérifiennes. Ce délégué relevait directement de l'autorité du contrôleur civil, chef de région.

Le contrôle administratif et financier des municipalités était exercé par l'autorité de tutelle dévolue aux services résidentiels par délégation expresse du gouvernement chérifien.

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134 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

Chaque municipalité, étant dotée de la personnalité civile et de l'auto­nomie financière, dispose d'un budget qui lui est propre. Ce budget était et reste alimenté par des impôts directs (taxe urbaine, taxe d'habitation, patente), des impôts indirects (taxes locales diverses, quote-part sur la taxe sur les transactions devenue en 1963 taxe sur les produits et services). Affectées aux travaux d'équipement, les ressources extraordinaires sont essentiellement procurées par des emprunts. A la différence du système français, il n'existait pas de dépenses à caractère obligatoire avant 1953.

Jusqu'à la réforme de 1953, il existait d'autre part des régimes municipaux spéciaux appliqués aux deux villes de Casablanca et de Fès. En ce qui concerne cette dernière, aux deux conseils élus de la ville ancienne avait été ajoutée en 1917 une troisième commission municipale pour la ville nouvelle (européenne) dont la compétence était également consultative.

Pour Casablanca, un dahir du le. juin 1922 avait institué une commission municipale mixte dont les membres étaient nommés et la compétence délibé­rative. Cette commission gérait directement les affaires de la ville.

C'est en septembre 1953 qu'intervenait la réforme de l'organisation muni­cipale marocaine qui se trouvait unifiée pour toutes les villes; ce dahir du 18 septembre 1953 allait d'ailleurs être complété l'année suivante par un dahir du 27 mars 1954. Si l'autorité municipale restait répartie entre le pacha et le chef des services municipaux qui gardaient les mêmes attributions, la « commission municipale» voyait sa composition modifiée et son rôle consi­dérablement élargi. Présidée par le pacha ou son délégué, le khalifa, la commission comprenait des membres marocains et des européens élus pour une durée de six ans et renouvelables par moitié après trois ans. Si la parité entre élus marocains et élus français était de droit pour les villes de Rabat, Casablanca, Fès, Meknes et Marrakech, ce principe n'a pas été étendu aux autres villes.

Si dans une municipalité le nombre des sièges attribués «aux Français, Marocains musulmans ou Marocains israélites» était impair, la fraction à renouveler dans chaque catégorie était également déterminée par tirage au sort. Des commissaires municipaux suppléants étaient élus dans les mêmes conditions mais ils ne participaient pas aux travaux de la commission muni­cipale. Le dahir de 1954 spécifiait expressément que la présentation des pro­grammes et des candidats aux commissions ne devait avoir aucun caractère politique. Au début de chaque année, les commissions municipales élisaient un vice-président choisi alternativement parmi les membres français ou marocains.

En règle générale les commissions municipales, compétentes pour régler par leurs délibérations les affaires municipales" se réunissaient en session ordinaire chaque trimestre sous la présidence du pacha qui ne participait aux votes que lorsqu'il y avait égalité des voix. Les délibérations concernant les emprunts, impôts, concessions de service public, plans d'urbanisme, etc., n'étaient exécutoires qu'après approbation de l'autorité de tutelle, la Direction de l'Intérieur à Rabat. Le contrôleur civil, chef de région, pouvait d'autre part faire opposition aux autres délibérations jusqu'à décision de l'autorité de tutelle

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 135

Sur le plan de l'organisation urbaine proprement dite, les principales villes étaient divisées en quartiers dont chacun était contrôlé paL un khaliia du pacha de la ville en collaboration avec les services municipaux.

Enfin, les banlieues des villes, compte tenu de la poussée démographique et des problèmes posés par les lotissements et l'habitat, furent réglementées dans la limite d'une zone de dix kilomètres fixée par le dahir du 4 février 1946. Le périmètre municipal devait par la suite incorporer ces zones de banlieue.

3) Les centres délimités.

Un système intermédiaire entre les municipalités et les collectivités rurales a été appliqué peu de temps avant l'indépendance. Elaboré dans la perspective d'une transition nécessaire des agglomérations rurales d'une certaine importance vers un statut communal plus poussé, en tenant compte des impératifs d'aménagement urbain et de financement, ce système distinguait trois catégories de «centres délimités ».

La première catégorie qui était proche de l'organisation municipale comprenait des centres dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière; la deuxième, les centres jouissant seulement de l'autonomie finan­cière et la troisième des centres simplement délimités. Ces derniers étaient susceptibles d'être soumis à la législation sur les plans d'aménagement et présentaient une importance suffisante pour devenir des chefs-lieux de com­munes rurales dans une phase ultérieure. Ces centres étaient administrés par des caïds assistés, parfois, d'une commission consultative.

Le souci d'associer progressivement la population à la gestion des affaires publiques a conduit, en 1954, le législateur à définir sur de nouvelles bases le régime général des centres qui n'étaient pas érigés en municipalités et dont seuls quelques-uns possédaient une esquisse de structure communale sous la forme d'une «commission d'intérêts locaux ». Tel a été l'objet du dahir du 14 avril 1954 relatif à l'organisation des centres dont plusieurs avaient en effet atteint un degré d'évolution où les conditions favorables à une vie collective semblaient se trouver réunies et n'attendaient pour s'épanouir qu'une organisation rationnelle consacrée par la loi, et la disposition des ressources utiles.

Jusqu'alors, certains centres seulement possédaient un embryon de structure communale avec les «commissions d'intérêts locaux ». Aucun texte organique ne réglementait ces assemblées. Leur organisation, leur fonctionne­ment et leurs attributions étaient chaque fois déterminés par un dahir parti­culier; ces assemblées ne constituaient qu'un élément isolé et ne pouvaient à elles seules remplacer une organisation locale.

Grâce au nouveau statut, leur structure et leur fonctionnement étant définis, les centres pourraient progressivement évoluer vers un stade plus élevé de vie collective. Le nouveau régime des centres comportait la création d'assmblées représentatives. Mais, l'activité communale ne pouvant se mani­fester utilement que grâce à la possession d'un patrimoine et à la gestion

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136 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

d'un budget autonome, budget dont seules les municipalités disposaient, il convenait de doter de la personnalité civile et de l'autonomie budgétaire ceux des centres qui avaient acquis une expérience suffisante de la gestion des affaires locales.

a) Centre délimité.

Les centres délimités sont les centres ou agglomérations dont le perl­mètre a été délimité par arrêté viziriel et auxquels s'appliquaient notamment les dispositions du dahir du 27 janvier 1931 (7 ramadan 1349) sur l'aménage­ment des centres et de la banlieue des villes et du dahir du 30 juillet 1952 (7 kaada 1371) relatif à l'urbanisme et toujours en vigueur.

b) Centre délimité doté d'une commission d'intérêts locaux.

- Constitution et composition de la commission.

Le pacha ou caïd était assisté, dans l'administration du centre, par une commission d'intérêts locaux. Cette commission était présidée par le pacha ou caïd, assisté du représentant de l'autorité de contrôle. Les commissions d'intérêts locaux étaient créées par un arrêté viziriel. Le même arrêté fixait la composition de la commission. Sa dissolution pouvait être prononcée par arrêté viziriel. Elus pour six ans, les membres de la commission étaient renou­velés par moitié tous les trois ans, la première série sortante étant désignée par voie de tirage au sort. Tout ce qui concernait l'élection des membres des commissions d'intérêts locaux, y compris le contentieux en matière électorale, devait être déterminé par arrêté viziriel.

La commission d'intérêts locaux était soit composée de Marocains, soit constituée sous la forme mixte en associant Marocains et Français. Lorsque la commission était mixte, les membres marocains et français siègeaient, déli­béraient et votaient ensemble. Ils pouvaient toutefois être réunis séparément en commission d'études.

- Fonctionnement.

La commission d'intérêts locaux se réunissait sur convocation de son président. Les séances étaient présidées par le caïd, assisté du représentant de l'autorité locale de contrôle. En cas d'absence ou d'empêchement, le caïd était remplacé dans la plénitude de ses attributions par son khalifa. La commission ne pouvait valablement délibérer que si la majorité des membres en exercice assistait à la séance. Les délibérations devaient être prises à la majorité absolue des votants.

L'autorité locale de contrôle pouvait inviter à assister aux séances de la commission, pour les objets entrant dans leurs attributions, et sans qu'ils puissent prendre part à aucun vote, les fonctionnaires dont elle jugeait utile de recueillir les avis.

- Attributions.

La commission d'intérêts locaux était obligatoirement appelée à donner son avis sur les questions suivantes:

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 137

- Plans d'aménagement, lotissement, voierie, hygiène; - Fixation des diverses taxes applicables aux collectivités locales; - Elaboration des arrêtés de caïd portant règlement de police adminis-

trative urbaine. La commission pouvait, en outre, être consultée sur toutes les questions

d'intérêt local. Elle pouvait, enfin, émettre des vœux à l'exclusion des vœux ayant un caractère politique ou étranger aux objets d'intérêt local.

c) Centre délimité doté de la personnalité civile, de l'autonomie finan­cière et d'une commission d'intérêts locaux.

Le pacha ou caïd représentait le centre dans tous les actes de disposition ou de gestion et notamment en justice. La législation et la réglementation sur le domaine municipal et la comptabilité municipale étaient applicables au centre. Les dispositions du titre V du dahir du 18 septembre 1953 (8 mohar­rem 1373) relatives aux actions judiciaires des municipalités, étaient appli­cables aux centres.

La commission d'intérêts locaux était en outre obligatoirement consultée sur: l'acceptation des dons et legs; l'établissement du budget; le programme des travaux neufs; les acquisitions, échanges, aliénations et transactions portant sur des immeubles.

Les recettes et les dépenses du centre devaient faire l'objet de prévisions annuelles. Elles formaient un budget autonome préparé, approuvé, exécuté et réglé dans les mêmes conditions que les budgets municipaux et auquel s'appli­quait le règlement de comptabilité municipale.

Ce budget comprenait d'une part des recettes ordinaires et extraordinaires (emprunts et subventions) et, d'autre part, des dépenses ordinaires (fonction­nement) et extraordinaires (travaux neufs).

B. - LES RÉFORMES DÉMOCRATIQUES DE 1960 ET LES NOUVELLES STRUCTURES

COMMUNALES.

C'est en 1960, quatre ans après l'indépendance, que l'on voit naître les premières assemblées communales représentatives et délibérantes dont le caractère est authentiquement démocratique puisqu'elles sont élues au suf­frage universel et direct. On peut également observer que cette même date est marquée par une extension relativement considérable de la décentrali­sation administrative au niveau des collectivités de base en même temps que la gestion des affaires locales est articulée vers une structure démocratique.

La véritable nouveauté apportée par les dahirs du 1er septembre 1959 et du 23 juin 1960 a bien été la création dans toutes les communes urbaines ou rurales de conseils communaux élus par l'ensemble des citoyens marocains des deux sexes, conseils qui désignent à leur tour un président, doté d'attri­butions et de pouvoirs budgétaires, l'autorité administrative locale - pacha ou caïd - conservant en revanche un pouvoir réglementaire encore très large.

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138 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

Pour apprécier la signification et les dimensions des modifications appor­tées au régime communal marocain, il convient de rappeler les principales dispositions des textes législatifs de base. Deux dahirs sont, à cet égard, fondamentaux.

Le dahir du 1er septembre 1959 dispose en son article premier que «le territoire du Royaume est divisé en communes urbaines et rurales ». Quant à la charte communale proprement dite, le dahir du 23 juin 1960, elle dispose en son article premier que «les communes urbaines ou rurales sont des collectivités territoriales de droit public dotées de la personnalité civile et de l'autonomie financière ». Quel que soit le caractère de la commune, les affaires de la commune sont gérées par un conseil communal dont les attri­butions sont les mêmes.

Si les dispositions les plus importantes s'appliquent indifféremment aux communes urbaines et rurales, encore convient-il, en ce qui concerne leur fonctionnement, de distinguer deux grandes catégories de collectivités communales:

- les communes urbaines qui se subdivisent elles-mêmes en municipa­lités et «centres autonomes »;

- les communes rurales.

Avant de décrire les règles identiques qui régissent le fonctionnement et les attributions des conseils communaux, il apparaît utile de préciser les trois catégories dont la distinction correspond surtout au degré d'évolution et aux caractères géographiques de chaque collectivité.

En se basant sur le recensement officiel de la population effectué le 18 juin 1960 dont les résultats sont indiqués dans le tableau ci-dessous, la popu­lation urbaine comprise à la fois dans les 28 municipalités et les 45 centres autonomes était de 3 255 979 habitants. Pour approcher la réalité démogra­phique actuelle il faudrait apporter aux chiffres un coefficient de majoration d'environ de 5 % par année depuis 1960.

a) Municipalités.

Agadir ................ . Al Hbceima ........... . Asilah ................ .. Azemmour ............ . Casablanca ............ . Chaouen .............. . El Jadida .............. . Essaouira .............. . Fès ................... . Ifrane ................. . Kénitra ............... . Khouribga ............ . Ksar El Kébir ........ .. Larache ............... .

16695 11262 10839 12449

965277 13712 40302 26392

216133 3260

86775 40838 34035 30763

Marrakech ............ . Meknès ............... . Mohammedia .......... . Nador ................. . Ouezzane ............. . Oujda ................. . Rabat ................. . Safi .................. .. Salé ................... . Sefrou ................ . Settat ................. . Tanger ................ . Taza .................. . Tétouan ............... .

243134 175943 35010 17583 26203

128645 227445 81072 75799 21478 29617

141714 31667

101352

TOTAL ....... 2 845 394

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 13n

b) Centres autonomes.

Ahfir .................. .. Azrou .................. . Bahlil .................. . Ben Ahmed ........... . Beni Mellal ............ . Ben Slimane ........... . Berkane ............... . Berrechid .............. . Boujad ................. . Demnate ............... . El Gara ................ . El Hajeb ............... . El Kelaa des Srarhna ... . Erfoud ................. . Fqih Ben Salah ....... . Goulmima ............. . Guercif ................ . Imouzzer du Kandar .... . Inezgane ............... . J emaa Shaïm ........... . Jerada ................. . Kasba Tadla ............ . Khémisset .............. .

c) Communes rurales.

10794 14143 5909 6650

28933 10305 20496 13780 14728 6223 5368 7817

10187 4491

13484 1804 5579 2880 6917 7871

18872 11733 13695

Kenifra ................ . Ksar es Souk .......... .. Martil .................. . Mechra Bel Ksiri ....... . Mehdia ................. . Midelt ................ .-. Moulay Idriss .......... . Moulay Yacoub ......... . Ouarzazate ............. . Oued Zem .............. . Rich .................. .. Saïdia ................. .. Segangan .............. . Sidi Kacem ............. . Sidi Slimane ........... . Souk el Arba du Rharb .. Tamanar .............. .. Taourirt ................ . Targuist ................ . Taroudant .............. . Tiznit .................. . Youssoufia ............. .

18503 6554 4302 5315 1614 6504 8146

953 4200

18640 2455 1102 1784

19478 11484 11624

2491 7343 2297

17141 7694 8302

TOTAL ....... 410 585

Les 720 communes rurales dont les limites territoriales ont été fixées par le dahir du 2 décembre 1959 relatif à la division administrative du Royaume, modifié et complété par des dahirs ultérieurs, totalisent une popu­lation de: 8 370 491.

1) Composition des conseils communa'UX.

a) Conditions de l'électorat.

Les conseillers communaux sont élus depuis 1960 au suffrage universel direct (dahir du 1er septembre 1959). A la suite de la réforme intervenue en 1963 (dahir du 17 avril 1963), au lieu d'un mandat de quatre ans, les membres des conseils communaux sont élus pour une durée de six ans au scrutin uninominal à un tour et à la majorité relative. Chaque commune a été divisée en circonscriptions électorales, chacune de celles-ci élisant un conseiller.

Seuls sont éligibles les citoyens marocains âgés de vingt-cinq ans révolus et inscrits sur la liste éiectorale de la commune dans laquelle il fait acte de candidature. Les cas d'inéligibilité se répartissent en deux catégories.

- les inéligibilités générales telles qu'elles ont été définies en raison

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140 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

soit de la nature incompatible des fonctions exercées (magistrats, gouverneurs, caïds, militaires, agents de la force publique) soit de certaines incapacités juridiques.

- les inéligibilités limitées au ressort de la commune et fondées sur l'incompatibilité (fonctionnaires communaux, concessionnaires ou gérants de services publics).

Si pour être éligible il faut en plus des conditions précédentes être âgé de vingt-cinq ans révolus, pour être électeur il suffit d'être Marocain ou Marocaine âgés de vingt et un ans et de n'être pas frappé d'incapacité. L'électeur marocain a le choix entre trois listes électorales: il peut s'inscrire soit sur la liste de la commune de sa résidence depuis un an, soit sur la liste d'une commune dans laquelle il paye ses impôts depuis trois ans, soit sur la liste de la commune de son lieu de naissance.

Quant à l'organisation du scrutin, sa date est fixée obligatoirement par décret trente-cinq jours au moins avant cette date. Les déclarations de candidatures doivent être déposées au plus tard vingt-cinq jours avant le scrutin par chaque candidat. Les opérations électorales proprement dites se font selon le système majoritaire uninominal à un seul tour. La procédure du scrutin ainsi que le contentieux électoral pour les différentes phases de l'élection sont précisés en détail par les mêmes dahirs du rr septembre 1959 et du 17 avril 1963.

b) La composition du conseil communal, fixée par le dahir du 9 novembre 1962, varie d'après la population de la commune. Le conseil est de :

- 9 membres dans les communes de 7 500 habitants et au-dessous; - 11 membres dans les communes de 7 501 à 12500 habitants; - 15 membres dans les communes de 12501 à 15000 habitants; - 21 membres dans les communes de 15 001 à 20 000 habitants; - 23 membres dans les communes de 20001 à 25000 habitants; - 25 membres dans les communes de 25 001 à 50000 habitants; - 31 membres dans les communes de 50001 à 150000 habitants; - 39 membres dans les communes de 150001 à 400000 habitants; - 51 membres dans les communes de 400001 habitants et plus.

Dès sa première session, comme le prescrit le dahir du 23 juin 1960 complété par le dahir du 9 novembre 1962, le conseil communal désigne son président et un ou plusieurs adjoints. L'élection du président et du ou des adjoints a lieu au scrutin secret. Aux deux premiers tours du scrutin, l'élection ne peut avoir lieu qu'à la majorité absolue; si un troisième tour est néces­saire, l'élection a lieu à la majorité relative. En cas d'égalité des suffrages, le plus âgé est déclaré élu. Le Président et le ou les adjoints sont élus pour la même durée que le conseil communal. La séance pendant laquelle il est procédé à l'élection du président est présidée par le plus âgé des membres du conseil communal.

Le nombre des adjoints varie également suivant le chiffre de la popu­lation. Il est de:

- 1 adjoint dans les communes de 7500 habitants et au-dessous; - 2 adjoints dans les communes de 7 501 à 15000 habitants;

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 141

- 3 adjoints dans les communes de 15 001 à 25 000 habitants; - 4 adjoints dans les communes de 25 001 à 100 000 habitants; - 5 adjoints dans les communes de 100001 à 225000 habitants; - 6 adjoints dans les communes de 225 001 habitants et plus.

Le principe de la gratuité des fonctions de conseiller communal, presl­dent, adjoint et rapporteur du budget a été formellement retenu par la charte communale.

2) Fonctionnement et contrôle des conseils communaux.

Les conseils communaux tiennent obligatoirement quatre sessions par an. Ces sessions ordinaires ont lieu sur convocation du président en février, avril, août et octobre, la durée de chaque session ne pouvant excéder quinze jours. Bien que le terme ne figure pas dans les textes, les conseils peuvent en outre siéger en sessions extraordinaires, lorsque les circonstances l'exigent, sur simple convocation du président. En dehors des cas où le président procède à ces convocations de son propre chef, il doit le faire à la demande écrite des deux-tiers des membres en exercice ou du caïd, dans les communes rurales, et du pacha dans les villes. A Rabat et Casablanca, villes érigées en préfec­tures, c'est un gouverneur qui exerce les prérogatives du pacha.

Trois jours avant chaque séance du conseil le président, chargé d'établir l'ordre du jour, est tenu de le soumettre au caïd ou au pacha. Le conseil communal délibère en assemblée plénière. Il ne peut valablement délibérer que si plus de la moitié des membres en exercice assistent à la séance. Quant après une première convocation, le conseil communal ne s'est pas réuni en nombre suffisant, la délibération prise après une deuxième convocation envoyée au moins trois jours après le jour fixé pour la première réunion est valable quel que soit le nombre des membres présents. Tout membre du conseil communal qui, sans motif reconnu légitime par le conseil, n'a pas déféré à trois convocations successives ou qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les textes en vigueur, peut être, après avoir été admis à fournir des explications, déclaré démis­sionnaire par un arrêté motivé du ministre de l'intérieur. L'intéressé ne peut être réélu avant le délai d'un an à partir de la date de cet arrêté à moins qu'il ne soit procédé auparavant au renouvellement général des conseils communaux. Toute démission volontaire doit être adressée au Gouverneur qui les transmet au ministre de l'intérieur et ne devient définitive qu'après 1'accusé de réception par le gouverneur ou un mois après un nouvel envoi de la démission par lettre recommandée.

Le conseil communal siège soit en séance plénière et publique soit en comité secret à la demande du président, du caïd, du pacha ou de trois de ses membres. Les délibérations sont prises à la majorité absolue des votants et le vote a lieu au scrutin pubilc ou, dans des cas exceptionnels le tiers des membres présents le réclame ou conformément à la loi (élection du président et des adjoints), au scrutin secret. Les noms des votants sont inscrits au procès-verbal et les délibérations signées par le président et le secrétaire et contresignées par le pacha ou le caïd ou le khalifa les représentant.

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142 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

En ce qui concerne le contrôle des séances et des débats, il convient de noter que le pacha, le caïd ou leur représentant ont le droit et le devoir d'assister à celles-ci et de s'opposer à la discussion de toute question qui ne figure pas à l'ordre du jour ou qui est étrangère aux attributions des conseils communaux. Des commissions permanentes et spécialisées peuvent être constituées au sein des conseils des communes dont la population dépasse 50000 habitants. Le président de chaque commission est assisté du pacha, du caïd ou de leur représentant.

La loi a également prévu les conditions dans lesquelles un conseil com­munal est remplacé par une délégation spéciale. En cas de suspension ou de dissolution d'un conseil communal, ou lorsqu'un conseil ne peut être cons­titué, une délégation spéciale, nommée dans les quinze jours par arrêté du ministre de l'intérieur, en remplit les fonctions qui cessent de plein droit dès que le conseil communal est reconstitué. Le nombre des membres de la délégation spéciale est de quatre quand le conseil communal compte moins de douze membres et de cinq à huit dans les autres cas. Le pacha ou caïd de la commune préside la délégation spéciale. Les pouvoirs de la délégation spéciale sont limités aux actes de pure administration urgente et elle ne peut engager les finances communales au-delà des ressources disponibles de l'exercice courant. Toutes les fois que le conseil communal a été dissous, il est procédé à l'élection des membres du nouveau conseil dans les six mois à dater de la dissolution, à moins que l'on se trouve dans les six mois qui précèdent la date du renouvellement général des conseils communaux.

3) Les Attributions des conseils communaux et les mécanismes de la tutelle.

Pénétrée d'un esprit démocratique indiscutable et empreinte d'une décentralisation encore prudente la réforme de 1960 a cependant veillé à maintenir une tutelle administrative et financière suffisamment stricte pour limiter assez étroitement la marge d'initiative reconnue aux assemblées communales dans le cadre de leurs attributions. Le contrôle politique et la tutelle se manifestent à trois niveaux pour les communes rurales: caïd, gou­verneur, ministre de l'intérieur et à deux niveaux pour les communes urbaines: pacha et ministre. Leurs modalités varient selon qu'il s'agit des attributions du conseil communal, des pouvoirs de son président et des pou­voirs du pacha ou du caïd.

a) attributions du conseil.

Définies par l'article 19 du dahir de 1960, ces attributions sont importantes. Le conseil règle par ses délibérations les affaires de la commune et, en parti­culier, prépare et vote le budget communal. Il approuve les comptes et donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les textes ou lorsqu'il est demandé par l'administration. Dans les domaines les plus importants de sa compétence tels qu'ils sont indiqués ci-après en quinze points, les délibérations du conseil ne deviennent toutefois exécutoires qu'après leur approbation expresse par le gouverneur, par délégation du ministœ, s'il s'agit d'une

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 143

commune rurale ou après approbation ministérielle dans le cas d'une commune urbaine ou d'un centre autonome:

- budget communal (ordinaire, additionnel et sur fonds d'emprunt); - emprunts à contracter, garanties à consentir; - ouverture de comptes hors budget; - ouverture de nouveaux crédits, relèvement de crédits, virements d'ar-

ticle à article; - fixation dans le cadre des lois et règlements en vigueur du mode

d'assiette, des tarifs et des règles de perception de diverses taxes, redevances ou droits divers perçus au profit de la commune;

- modification ou extension des plans d'aménagement, règlements géné­raux de voierie, de construction et d'hygiène dans le cadre des lois et règlement en vigueur;

- travaux neufs et constructions nouvelles; - concessions, gérances et autre forme de gestion de services publics

communaux, participation à des sociétés d'économie mixte et toutes questions se rapportant à ces différents actes;

- acquisitions, aliénations, transactions ou échanges portant sur des immeubles du domaine privé, actes de gestion du domaine public;

- baux dont la durée dépasse cinq ans; - changement d'affectation de bâtiments communaux affectés à des

services publics; - dénomination des places et voies publiques; - acceptation ou refus des dons et legs comportant des charges ou une

affectation spéciale; - actions en justice à intenter au nom de la commune; - établissement, suppression ou changement d'emplacement ou de date

des foires ou marchés.

Si le principe d'une compétence générale portant sur les éléments les plus importants de la vie de la commune a bien été admis par le législateur marocain, des limitations formelles ont cependant été imposées aux pouvoirs du conseil dont aucune décision ne peut être applicable immédiatement.

Pour les autres délibérations des communes de sa province le gouverneur dispose d'un délai de vingt jours pour s'opposer à la décision du conseil. Passé ce délai, les délibérations sont exécutoires si le gouverneur n'a pas fait opposition. En cas d'opposition, le conseil peut s'adresser au ministre de l'intérieur qui est tenu légalement de donner ou de refuser son approbation dans un délai de trois mois. Le défaut de décision dans ce même délai vaut approbation. En cas de refus, aucun recours n'est prévu par la charte communale. L'approbation des délibérations relève donc d'un pouvoir nette­ment discrétionnaire dont l'exercice ne distingue pas le contrôle de la légalité et celui de l'opportunité. En outre, sont nulles de plein droit les délibérations portant sur un objet étranger aux attributions du conseil ou prises en viola­tion de la législation en vigueur. Cette nullité de droit doit cependant être constatée par un arrêté motivé du ministre de l'intérieur qui peut être pris sans limitation de délai. Il en va de même pour les délibérations auxquelles aurait participé un conseiller intéressé soit à titre personnel soit comme

10

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144 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

mandataire à l'affaire qui en a fait l'objet, mais le délai d'annulation est limité à deux mois à partir de la réception de la délibération.

S'il leur est interdit d'émettre des vœux à caractère politique ou étranger aux questions d'intérêt local, les conseils communaux ont le droit de formuler des vœux se rapportant à toutes les affaires locales, qu'elles aient un carac­tère économique, social, religieux ou administratif.

A côté des décisions qui ne peuvent être exécutoires qu'après approbation expresse ou tacite de l'autorité de tutelle, l'administration se réserve le droit de modifier la nature des débats et d'imposer certaines dépenses. Le ministre de l'intérieur peut en effet faire inscrire à l'ordre du jour des séances toute question concernant la commune et provoquer un nouvel exa­men d'une question dont le conseil a déjà délibéré s'il estime devoir refuser d'approuver cette délibération. Le Ministre peut même demander au Premier Ministre d'approuver par décret la proposition ainsi présentée au conseil communal. D'autre part, certaines dépenses ont été limitativement définies comme ayant un caractère obligatoire pour les communes et sont, à ce titre, inscrites d'office au budget communal, ainsi, le cas échéant, que les crédits correspondants par décision du ministre de l'intérieur. Ces dépenses visent les objets suivants:

- l'entretien de la maison commune ou, si la commune n'en possède pas, la location d'une maison ou d'une salle pouvant en tenir lieu;

- les dépenses d'entretien et de grosses réparations des immeubles de toute nature qui constituent leur patrimoine;

- les frais de bureau et d'impression pour le service de la commune, de conservation des archives communales et d'abonnement au Bulle­tin Officiel; cet abonnement peut être collectif en ce qui concerne les communes rurales;

- les traitements et indemnités du personnel en service à la commune, les primes d'assurances contre les accidents du travail et, le cas échéant, les pensions régulièrement liquidées et approuvées;

- les dépenses exigées par l'entretien de la voierie communale et de tous les ouvrages d'édilité (égoûts, canalisations et réservoirs d'eau, etc.);

- les frais d'entretien des cimetières; - l'acquittement des dettes exigibles et des arrérages des emprunts; - les impôts et contributions établis sur les biens communaux; - les dépenses mises à la charge des communes par dahir ou par décret

pris en application d'un dahir.

b) les attributions du président du conseil communal.

Le président est l'administrateur de la commune, l'agent d'exécution du conseil communal, mais il n'a pas de pouvoir réglementaire. Conformément aux délibérations du conseil communal, le président du conseil communal procède aux actes de location, de vente, d'acquisition, d'échange, de partage, de transaction et accepte les dons et legs, il passe des contrats et conclut des marchés de travaux, de fournitures et de prestation de services. Il représente la commune en justice. Il exécute le budget et établit les comptes adminis­tratifs, mais il ne préside pas la séance pendant laquelle le compte admi-

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 145

nistratif est examiné et doit se retirer pendant le vote. D'une façon générale, le président conserve et administre les biens de la commune et exécute les décisions du conseil communal. Il peut déléguer tout ou partie des pouvoirs définis ci-dessus à l'un de ses adjoints ou, à défaut, à l'un des membres du conseil. Les Présidents des conseils communaux et adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par arrêté motivé du Ministre de 'Intérieur. Cette suspension ne peut excéder un mois. La révocation ne peut ·tervenir que par décret motivé. Elle emporte de plein droit l'inéligibilité

<:.lX fonctions de président et à celles d'adjoint pendant une année à dater lu décret de révocation à moins qu'il ne soit procédé auparavant au renou­vellement général des conseils communaux.

c) les pouvoirs de l'administration.

C'est le pacha dans les communes urbaines (le gouverneur dans les préfectures) ou le caïd dans les communes rurales qui détient le pouvoir réglementaire et constitue de ce fait la troisième autorité communale, autorité dont les prérogatives sont d'autant plus considérables qu'il s'agit d'un fonc­ionnaire de l'Etat hiérarchiquement soumis au gouverneur et au ministre de l'intérieur. Ce n'est pas là une des moindres originalités du régime communal marocain puisqu'en l'espèce le pouvoir réglementaire et le pouvoir de tutelle se trouvent confondus entre les mains du représentant du pouvoir central. On a déjà noté que le pacha ou le caïd doit assister à toutes les réunions du conseil communal en pouvant s'opposer à la discussion de toute question étrangère aux attributions du conseil ou non inscrite à l'ordre du jour préalablement arrêté par ses soins dans la pratique courante. Les pou­voirs de ce fonctionnaire qui est aussi un agent politique du gouvernement s'analysent sous trois rubriques.

Il détient, en premier lieu, le monopole du pouvoir réglementaire notam­ment pour l'exécution du budget. Il possède seul, d'autre part, le pouvoir de police et, en troisième lieu, il est le tuteur de la commune. Les deux premiers points doivent être précisés.

Tout d'abord, le pacha ou caïd prend des arrêtés à l'effet: - de créer des impôts, taxes et redevances dans le cadre des lois et

règlements en vigueur et après délibération conforme du conseil communal;

- d'ordonner des mesures locales sur les objets confiés à sa vigilance et à son autorité;

- de tarifer les produits de première nécessité, de régler les conditions de vente des denrées et produits de première nécessité, de réglementer le colportage, d'interdire sur la place publique les transactions, ainsi que le racolage des denrées.

Pour être exécutoires, ces arrêtés doivent être revêtus de l'approbation du Ministre de l'Intérieur ou du gouverneur et portés à la connaissance des intéressés par voie de publication et d'affiche toutes les fois qu'ils contiennent des dispositions générales et, dans les autres cas, par voie de notification individuelle.

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146 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

D'autre part, les pouvoirs de police sur le territoire de la commune appartiennent au pacha ou caïd. Ils ont pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publique. Le pacha ou caïd exerce ses pouvoirs de police par des règlements pris dans les formes indiquées ci-dessus et par des mesures de police individuelle: injonctions, défenses ou autorisations. Il peut faire exécuter d'office, aux frais et dépens des intéressés dans les conditions qui sont déterminées par décret toutes mesures ayant pour but d'assurer la sûreté ou la commodité des passages, la salubrité et l'hygiènl publiques. En cas d'absence, de suspension ou de tout autre empêcheme1 •

le pacha ou caïd est provisoirement remplacé dans la plénitude de M:.; attributions par son khalifa, fonctionnaire nommé par le ministre de l'intérieur.

d) l'importance des nouvelles communes rurales au point de vue politique et économique.

Les réformes de 1959 et 1960 ont eu d'abord pour but d'instituer un cadre administratif et géographique adapté à une gestion démocratique et moderne des affaires locales. Leurs auteurs ont veillé en outre à faire disparaître les anciennes structures tribales que les djemaa administratives avaient, jusqu'à l'indépendance, représentées. Cet éclatement de la plupart des cadres ethniques et des fractions de tribus traditionnels devait conduire les ruraux à prendre conscience d'une solidarité plus vaste et à participer plus activement aux affaires publiques sous le signe de libertés communales d'ailleurs étroi­tement contrôlées comme on vient de le voir. En fait, le nouveau cadre communal tel qu'il a été aménagé par le découpage des anciens groupements est resté assez artificiel et sans doute faut-il y voir la survivance de liens et d'habitudes difficiles à surmonter autrement que dans l'espace d'une géné­ration. L'évolution nécessaire ne peut que s'en trouver facilitée par la repré­sentation des communes et de leurs élus aux assemblées provinciales ainsi qu'à la Chambre des Conseillers du Parlement institués à la fin de 1963.

En plus de ce rôle politique et administratif dont l'importance se précisera progressivement, le législateur de 1960 a tenu à valoriser le cadre communal rural sur le double plan économique et social (articles 52 et 54 du dahir de 1960).

C'est ainsi que les communes rurales constituent les cellules de base pour les travaux ruraux. A ce titre elles ont des attributions particulières dans les domaines administratif, économique, social et financier. Dans le domaine économique et social, les communes rurales ont une attribution générale de conseil à l'égard de tous les organes de l'administration. Elles participent à l'élaboration et à l'exécution de tout plan ou programme relatif à l'équipement ou à la production. En matière de crédit agricole, les conseils des communes rurales constituent la base de la composition des organismes locaux et participent à l'élaboration des programmes de prêts agricoles comme aux opérations de recouvrement de ces prêts, dans des conditions qui seront définies par les textes particuliers régissant la matière. De même ces conseils constituent la base de la composition des conseils d'administration

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 147

des centres de travaux agricoles, dans des conditions définies par les textes régissant cette institution.

Les dispositions relatives à la constitution de syndicats de commune ont obéi au même souci d'orienter ces collectivités vers la réalisation en commun de travaux d'équipement d'intérêt inter-communal. Comme le prévoient les articles 52 à 60, les communes peuvent être autorisées à se constituer en syndicat pour la réalisation d'une œuvre commune ou pour la gestion des fonds propres à chacune d'elles et destinés au financement de travaux édilitaires et au paiement de certaines dépenses communes de fonc­tionnement. La création de ces syndicats est autorisée par le Ministre de l'Intérieur sur le vu des délibérations des conseils communaux intéressés. Des communes autres que celles initialement associées peuvent être admises à faire partie d'un syndicat. Les syndicats des communes sont des établisse­ments publics investis de la personnalité civile, jouissant de l'autonomie financière. La législation et la réglementation concernant la tutelle des com­munes leur sont applicables, de même que les règles de la comptabilité des communes s'appliquent à la comptabilité des syndicats. Le syndicat est administré par un comité dont les membres sont élus par les conseils des communes intéressées. Chaque commune est représentée dans le comité par un délégué qui sera pris parmi les membres du conseil communal. Le délégué est élu au scrutin secret et à la majorité absolue; si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour et l'élection a lieu à la majorité relative. En cas d'égalité des suffrages, le plus âgé est déclaré élu. Le délégué du conseil communal suit le sort de cette assemblée quant à la durée de son mandat. Toutefois, si le conseil communal est suspendu, dissous ou démissionnaire en entier, le délé­gué reste en exercice jusqu'à ce que le nouveau conseil ait procédé à la désignation de son nouveau représentant au comité du syndicat. Le délégué sortant est rééligible. En cas de vacance du poste de délégué pour quelque cause que ce soit le conseil communal pourvoit au remplacement dan le délai d'un mois.

Le comité élit parmi ses membres un président qui a qualité pour gérer les fonds du syndicat (lancement de travaux à réaliser à la demande des conseils communaux, liquidation et ordonnancement des dépenses). Le budget du syndicat comprend:

- en recettes, les versements des communes associées provenant de la part de la taxe sur les transactions qui leur est allouée annuellement, des subventions accordées par les divers ministères intéressés, des emprunts, des excédents de recettes enregistrés à la clôture de chaque exercice ainsi que des ressources de toute origine que les conseils communaux désirent affecter aux dépenses prévues à l'article premier ci-dessus;

- en dépenses, les crédits nécessaires aux paiements pour lesquels les fonds ont été versés en recettes.

4) Régime financier des municipalités.

Outre les dépenses susceptibles d'être inscrites d'office qui sont les mêmes pour toutes les communes, sont obligatoires pour les municipalités:

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148 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

- les frais de fonctionnement des services de l'Etat-civil; - les contributions aux dépenses de fonctionnement de la recette

municipale; - les traitements, indemnités et primes d'assurance contre les accidents

du travail du personnel en service à la Compagnie des sapeurs­pompiers;

- les frais d'habillement des agents communaux y ayant droit d'après leur statut;

- la contribution aux dépenses de police et de la protection civile. La contribution au budget de l'Etat pour frais de contrôle financier, d'inspection des régies communales et de perception de certaines taxes;

- la contribution au budget de l'Etat pour frais d'hospitalisation des indigents;

- la contribution de la commune aux organismes de prévoyance ou de retraite du personnel, la contribution aux dépenses de mutualité;

- les dépenses d'établissement et de conservation des plans d'aménage-ment et d'extension;

- les frais d'inhumation des indigents; - la clôture des cimetières; - les dépenses nécessaires pour assurer la salubrité et l'hygiène de la

commune, en particulier la lutte contre le paludisme et les maladies épidémiques;

- la contribution des communes aux dépenses de fonctionnement des écoles primaires.

5) Régime financier des centres autonomes.

Sous le nouveau régime communal institué en 1960, il s'agit des centres délimités de la catégorie la plus évoluée institués en 1954 et dont la dénomi­nation est devenu «centres dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière », la commission d'intérêts locaux ayant été remplacée par un conseil communal. La seule différence avec les communes urbaines (munici­palités) consiste dans la prise en charge du personnel du centre par le budget général.

En matière financière et budgétaire, la législation et la réglementation municipale sur le domaine et la comptabilité sont applicables aux centres dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Les recettes et et les dépenses du centre font l'objet de prévisions annuelles. Elles forment un budget autonome qui est préparé, approuvé, exécuté et réglé dans les mêmes conditions que les budgets municipaux et auquel est applicable le règlement de comptabilité municipale. Ce budget comprend: en recettes,

a) Recettes ordinaires: - le principal de la taxe urbaine et de l'impôt des patentes, ainsi que

les décimes additionnels à ces deux impÔts directs, sous déduction, le cas échéant, des frais d'assiette et de recouvrement;

- le principal de la taxe sur les prestations;

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 149

- les droits, taxes, contributions et redevances qui existent ou seront créés au profit des municipalités, à l'exception de la taxe d'habitation;

- une fraction de la part du produit de la taxe sur les transactions, réservée aux centres délimités non constitués en municipalités, à répartir suivant les modalités qui seront fixées en application du dahir du 27 safar 1368 (29 décembre 1948);

b) Recettes extraordinaires: les subventions qui pourront être allouées et les emprunts qui pourront être autorisés.

En dépenses,

a) Dépenses ordinaires: les dépenses de fonctionnement, d'entretien, de matériel, de fournitures, nécessitées par l'administration du centre;

b) Dépenses extraordinaires: les dépenses pour travaux neufs d'édilité (construction de bâtiments, de chaussées, d'égoûts, de réseau d'eau potable, de réalisation de plan d'aménagement, etc.).

6) Les circonscriptions administratives de base et le rôle des «agents d'au­torité ~.

A la base de la division administrative du Maroc existent les circon­scriptions caïdales et, à l'échelon au-dessus, les cercles. Si ces derniers, au nombre de 77, ont été maintenus depuis leur délimitation en 1956, les cir­conscriptions caïdales ont vu leurs limites évoluer avec celles des anciens groupements ruraux à caractère essentiellement ethnique à mesure que ces derniers se rapprochaient du stade communal actuel. Le nombre et les limites des caïdats et des cercles sont fixés par la loi (article 4 du dahir du 2 décembre 1959). A partir de 1960 les circonscriptions caïdales ont englobe, chacune, de deux à trois communes rurales et l'on compte actuellement 350 caïdats, selon leur appellation courante (2).

Agent d'autorité comme le pacha ou le gouverneur, le caïd se trouve être non seulement le tuteur mais l'organe exécutif de plusieurs conseils communaux. Agent du pouvoir central, il est, en outre, officier d'état-civil et officier de police judiciaire dans sa circonscription. Il est subordonné au gouverneur, qui est également un fonctionnaire de l'Etat et appartenait au corps des caïds créé au moment de l'indépendance par dahir du 20 mars 1956 en même temps que le corps des pachas et celui des gouverneurs. En réalité, il s'agissait de simples cadres fonctionnels et ces agents ne bénéficiaient d'aucune garantie statutaire de carrière ou de stabilité dans leur emploi. Ce régime précaire et disparate a été abrogé par le dahir du rr mars 1963 qui a créé un véritable statut particulier organisant et unifiant à la fois le corps des administrateurs du ministère de l'intérieur. Cette réforme a prévu en particulier que dans quelques années, lorsque la période transitoire actuelle sera révolue, la grande majorité des gouverneurs, chefs de cercle et de

(2) Un dahir du 1er mars 1963 leur a officiellement donné une nouvelle dénomination, celle de circonscriptions rurales, le titre de caïd étant remplacé par celui de chef de circonscription rurale en même temps d'ailleurs, qu'au titre de pacha était substitué celui de chef de circonscription urbaine.

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150 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

circonscription appartiendront au nouveau corps d'administrateurs et devront en principe alterner leurs fonctions entre les services centraux du ministère et des postes territoriaux «d'agents d'autorité ».

Le texte statutaire de 1963 a, d'autre part, défini en les renforçant les attributions des chefs de cercle et de circonscription, en particulier au point de vue de la coordination et de l'impulsion à donner à l'équipement des collectivités locales de leur ressort (article 31 à 32 du dahir du rr mars 1963).

Les chefs de cercle sont les représentants du pouvoir exécutif dans leur ressort territorial. Ils assurent, sous la direction du gouverneur, l'exécution des lois et règlements, le maintien de l'ordre, la sécurité et la tranquillité publiques. Sous l'autorité du gouverneur, ils animent et contrôlent les activités des chefs de circonscriptions comprises dans les limites du cercle. Dans ces mêmes limites, ils ont mission de conseiller et de conciliateur pour toutes les affaires d'intérêt communal ou intercommunal. Les chefs de cercle sont également chargés des liaisons entre les différents services administratifs et techniques, implantés dans le cercle, et veillent à la coordination pratique des interventions requises par l'équipement et l'aménagement de leur terri­toire. Ils sont assistés par un ou plusieurs techniciens des travaux ruraux qui peuvent être mis à la disposition des chefs de circonscription et des conseils communaux intéressés.

Les chefs de circonscriptions urbaine et rurale (respectivement pachas et caïds) sont les représentants du pouvoir exécutif dans leur circonscription. Dans les communes de leur ressort, ils exercent les pouvoirs de police et le pouvoir réglementaire, conformément à la législation en vigueur. Les chefs de circonscription sont en outre chargés, sous le contrôle des chefs de cercle, de conseiller et d'aider les conseils communaux dans leur tâche administrative ainsi que dans l'exécution des travaux d'aménagement et d'équipement communal. Ils prennent les initiatives nécessaires à cet effet. Les chefs de circonscription peuvent être assistés d'un ou de plusieurs khalifas. En cas d'absence, de suspension ou de tout autre empêchement, ils peuvent être remplacés dans la plénitude de leurs attributions par leur khalifa.

II. - LES PROVINCES ET LES PREFECTURES

A. - LES ANCIENNES CIRCONSCRIPTIONS PROVINCIALES ET PRÉFECTORALES.

En tant que collectivités locales de droit public les provinces et les pré­fectures sont nées de la Constitution que le Maroc s'est donnée le 7 décembre 1962 après ratification par référendum. Elles existaient déjà en tant que principales circonscriptions administratives dirigées par des gouverneurs, agents du Gouvernement, et elles étaient administrées d'une manière très centralisée. Leur budget n'était qu'une simple section du budget général de l'Etat.

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 151

Avant l'indépendance, la zone sud du Maroc était divisée en sept grandes « régions» civiles et militaires dirigées respectivement par des contrôleurs civils chefs de région et des officiers généraux. Sous le protectorat français, les circonscriptions régionales formaient essentiellement des cadres géogra­phiques de contrôle politique et de commandement. Progressivement, ces régions ont vu leur rôle se développer comme cadre d'une certaine déconcen­tration administrative à mesure que se renforçaient les pouvoirs dévolus aux chefs de région et aux secrétariats généraux régionaux. Une administration régionale consultative avait été, d'autre part, mise en place, très timidement il est vrai, avec l'institution au siège de chaque région d'un comité écono­mique régional auquel la participation de l'élément français était largement prépondérante, encore que leurs membres aient été répartis entre une section française et une section marocaine.

Au lendemain de l'indépendance, cette structure était profondément remaniée. Le dahir du 13 octobre 1956 a établi une nouvelle organisation administrative, divisant l'ensemble du Maroc en provinces et en préfectures. En ce qui concernait l'ex-zone nord du protectorat espagnol, étaient créées les six provinces de Tanger, Larache, Tétouan, Chaouen, Rif et Nador. En principe, les limites territoriales des provinces devaient correspondre à des régions ou à des sous-régions naturelles. Ce premier découpage provincial a été remanié à plusieurs reprises et les grandes villes impériales de Fès, Meknès et Marrakech ont été tour à tour érigées en préfectures autonomes puis transformées en chefs-lieux des provinces du même nom. Le dahir et le décret du 2 décembre 1959 ont finalement divisé le territoire marocain en seize provinces: Rabat, Meknès, Fès, Taza, Oujda, Ksar-es-Souk, Ouar­zazate, Marrakech, Agadir, Tarfaya, Casablanca, Beni Mellal, Tanger, Nador, Al Hoceima, Tétouan - et en deux préfectures: les villes de Rabat et de Casablanca.

Ces unités administratives n'étaient dotées de la capacité juridique ni de l'autonomie financière et l'administration générale du pays restait strictement centralisée à Rabat. En dehors de quelques provinces privilégiées grâce à l'importance de leurs chefs-lieux ou avantagées par leur position géogra­phique et climatique, bon nombre de provinces de la périphérie et du Sud manquaient de cadres administratifs. Plusieurs ministères techniques impor­tants se contentaient de répartir leurs services extérieurs en circonscriptions inter-provinciales et les provinces «marginales» se voyaient condamnées de ce fait à la sous-administration et au dépérissement, situation qu'aggravait encore le centralisme administratif pratiqué par les grandes administrations de l'Etat. Toutefois, dans plusieurs provinces le gouverneur avait pris l'ini­tiative très valable de constituer par voie de désignation directe un conseil provincial économique et social composé de chefs de services techniques et de quelques élus représentant les conseils communaux et dont le rôle était purement consultatif.

La Constitution promulguée en décembre 1962 reconnaissant aux collec­tivités provinciales la qualité de personnes morales administratives, les hauts dirigeants marocains allaient s'attacher à orienter les institutions du Royaume vers une décentralisation démocratique destinée à compléter l'édifice déjà

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152 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

entreprise avec la mise en place, trois ans plus tôt, de l'organisation commu­nale. Cette volonté novatrice devait, sur le plan institutionnel, conduire à la promulgation de l'important dahir du 12 septembre 1963 fixant l'organisation des préfectures, des provinces et de leurs assemblées.

Non seulement les provinces et les préfectures deviennent des collec­tivités territoriales de droit public dotées de la personnalité civile et de 1'autonomie financière, mais leurs affaires sont gérées par des assemblées élues, représentatives et délibérantes.

B. - L'ORGANISATION PROVINCIALE ET PRÉFECTORALE ACTUELLE.

1) Composition et élection des assemblées provinciales et préfectorales.

Le nombre des membres de chaque assemblée varie en proportion avec la population de la province ou de la préfecture et aucune de ces collectivités ne peut avoir moins de 11 élus ni plus de 31 élus. Le tableau ci-dessous indique le nombre de conseillers provinciaux et préfectoraux qui ont été élus le 6 octobre 1963 conformément à la répartition des 316 sièges de conseillers fixée par le décret du 12 septembre 1963 complétant le dahir de base portant la même date.

PROVINCES

Agadir .......................... . Al Hoceima .................... . Beni Mellal ..................... . Casablanca ..................... . Fès ............................. . Nador .......................... . Ouarzazate ...................... . Oujda .......................... . Rabat ........................... . Tanger ......................... . Ksar es Souk ................... . Marrakech ...................... . Meknès ......................... . Taza ............................ . Tétouan ........................ . Tarfaya ......................... .

Rabat-Salé Casablanca

PRÉFECTURES

POPULATION (3)

841 304 habitants 189030 » 472276 »

1393885 » 819511 » 341101 » 433849 » 440483 »

1134191 » 129723 » 379351 »

1977 289 » 588290 » 442768 » 615239 » 18248 »

POPULATION (3)

332476 1100379

» »

NOMBRE

DE SIÈGES

23 11 15 27 23 13 15 15 25 11 13 29 17 15 19 11

NOMBRE

DE SIÈGES

11 23

(3) Les chiffres de la population ont été fournis par le recensement démographique de iuni 1960.

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 153

En ce qui concerne les deux préfectures de Rabat et de Casablanca, le législateur a été conduit, pour respecter les dispositions de la constitution, à les ériger en collectivités locales distinctes de ces deux communes urbaines qui, en tout état de cause, devaient garder leur entité juridique propre. n n'était pas légalement ni pratiquement possible d'élire une assemblée pré­fectorale juxtaposée ou superposée au conseil municipal de Rabat ou de Casablanca et appelée à exercer des attributions identiques dans le cadre d'un même territoire.

Fort opportunément, il a été décidé de tenir compte des dimensions réelles de la géographie urbaine des deux plus grandes agglomérations marocaines. Au double point de vue économique et social, il était rationnel de concevoir les futures limites de chaque préfecture en fonction des impératifs d'urba­nisme imposés par le courant d'urbanisation irréversible qui continue de faire de Rabat et de Casablanca des centres d'agglomérations débordant largement leurs limites communales. C'est pourquoi, à la faveur de l'institu­tion des assemblées préfectorales, ont été créés le grand-Rabat et le grand­Casablanca par un autre dahir du 12 septembre 1963. La «préfecture de Rabat-Salé» - telle est sa nouvelle dénomination officielle - a incorporé dans le périmètre préfectoral, outre la ville de Rabat, la ville de Salé et les deux communes rurales de Témara et de Bouknadel, trois communes satellites qui préservent cependant leur autonomie communale. Quant à la «préfecture de Casablanca », elle comprend les villes de Casablanca et de Mohammedia ainsi que les huit communes rurales satellites de Bouskoura, Dar Bouazza, Tit Mellil, Aïn-Harrouda, Mediouna, Ellouizia, Sidi Moussa Benali et Nouasser. Sur cette dernière commune se trouve l'emplacement du futur aéroport international de Casablanca.

Ce furent par conséquent tous les conseillers communaux de ces com­munes qui élirent les membres des assemblées préfectorales dont les attri­butions et les règles de fonctionnement sont identiques à celles des assemblées provinciales.

a) Composition des assemblées provinciales et préfectorales.

La composition de ces assemblées présente une particularité intéressante qui mérite d'être soulignée. Si les conseillers provinciaux et préfectoraux sont en majorité des conseillers communaux élus par leurs collègues, ils comprennent en outre les représentants des principales organisations pro­fessionnelles du pays. Cette disposition a été prévue spécialement pour que les intérêts économiques et sociaux des régions et des grandes villes imbri­quées dans les nouvelles collectivités territoriales soient dûment représentés au sein des assemblées. C'est ainsi que font partie de l'assemblée avec voie délibérative des représentants de la chambre d'agriculture, de la chambre de commerce et d'industrie ainsi que de la chambre d'artisanat élus à cet effet dans chaque préfecture ou province. Chaque chambre élit parmi ses membres un représentant pour chaque préfecture ou province de son ressort. Ce représentant est élu à la majorité relative parmi les membres de la chambre élus au titre de la préfecture ou de la province correspondante.

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154 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

b) Mode d'élection et système de scrutin.

En ce qui concerne les membres élus des assemblées, ils sont choisis parmi les conseillers communaux, de la province ou de la préfecture formés en collège électoral unique. Le mode de scrutin qui a été retenu est celui du scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. Cette innovation par rapport au système majoritaire uninominal adopté pour les conseils communaux constituait la deuxième caractéristique originale de ce mode d'élection basé sur le suffrage universel indirect exprimé par un collège électoral composé d'environ 12000 conseillers communaux. Comme pour les conseils communaux, les fonctions de conseiller provincial ou préfectoral sont gratuites.

2) Fonctionnement des assemblées.

a) Sessions et ordre du jour.

Les assemblées se réunissent deux fois dans l'année en sessions ordinaires, la première entre le 15 mars et le 15 avril pendant une durée n'excédant pas quinze jours, la seconde, entre le 1 cr et le 30 octobre pendant une durée n'excédant pas trois semaines. Le budget est délibéré au cours de la deuxième session. La date d'ouverture de chacune des deux sessions est fixée par le gouverneur. D'autre part, les conseillers peuvent être réunis en session extraordinaire par arrêté du ministre de l'intérieur soit à la requête des deux tiers des membres élus de l'assemblée qui adressent une demande écrite au ministre de l'intérieur sous couvert du gouverneur, soit à la demande du gouvrneur. Il est délivré récépissé de cette demande par le ministre de l'intérieur. Dans tous les cas la convocation des conseillers doit être faite par le gouverneur dans les quinze jours suivant la date de l'arrêté précité. La durée de la session extraordinaire ne peut excéder cinq jours.

L'ordre du jour de chaque session est établi par le président de l'assem­blée en accord avec le gouverneur et joint aux convocations adressées aux conseillers huit jours francs avant la date d'ouverture. Le ministre de l'intérieur peut faire inscrire à l'ordre du jour de la session et au cours de la session toute question qu'il juge utile de soumettre aux délibérations de l'assemblée.

b) Organisation des séances.

Les séances de l'assemblée sont publiques. Néanmoins, à la demande du président ou du gouverneur, l'assemblée peut décider de tenir une ou plu­sieurs séances à huit clos. L'assemblée ne peut délibérer que si plus de la moitié des membres élus sont présents. Si le quorum n'est pas atteint au jour fixé pour l'ouverture de la session, celle-ci est retardée de cinq jours francs et une convocation spéciale est aussitôt adressée par le gouverneur. Les déli­bérations seront alors valables quel que soit le nombre des membres présents. La durée légale de la session courra à compter du jour fixé pour cette deuxième réunion. Lorsqu'en cours de session les membres présents ne for­ment par la majorité de l'assemblée, les délibérations sont renvoyées au surlendemain et elles seront alors valables quel que soit le nombre des

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 155

votants. Les votes ont lieu au scrutin public. Leur résultat est inscrit au procès-verbal ainsi que le nom des votants.

En outre, l'assemblée est tenue d'établir son règlement intérieur sous réserve que ce dernier soit approuvé par le ministre de l'intérieur. La police de l'assemblée est assurée par son président ou, à défaut, par le: gouverneur qui siège de droit à l'assemblée et doit être entendu chaque fois qu'il le demande.

c) Election du bureau et des commissions.

Chaque année, au début de sa première session ordinaire, l'assemblée élit son bureau. Ce bureau est composé du président, du vice-président et, lorsque l'assemblée compte plus de vingt et un membres élus, d'un deuxième vice-président, du rapporteur du budget, du secrétaire et du secrétaire adjoint de l'assemblée. L'élection a lieu à la majorité relative des votants au scrutin secret et, en cas de partage égal des voix, est élu conseiller le plus âgé. Le bureau reste en fonction jusqu'à la première session ordinaire de l'année suivante et ses membres peuvent être réélus.

Dans les mêmes conditions que pour le bureau, l'assemblée désigne ses commissions spécialisées et, notamment, les membres des commissions du budget, des affaires économiques et du plan, des affaires sociales et cultu­relles. Les commissions peuvent se réunir entre les sessions à la demande du président de l'assemblée en accord avec le gouverneur. Le gouverneur ou son représentant peut assister aux séances des commissions. Les agents de la province ou préfecture, des services extérieurs de l'Etat et des établisse­ments publics peuvent être appelés à prêter leur concours aux commissions sur simple demande du président transmise par le gouverneur.

d) Dissolution de l'assemblée.

Sur rapport du gouverneur, le ministre de l'intérieur peut proposer la dissolution de l'assemblée. La dissolution est prononcée par décret et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Le décret de dissolution ne peut jamais être pris par voie de mesure générale. Il doit fixer en même temps la date à laquelle sera élue une nouvelle assemblée dans un délai n'excédant pas trois mois à partir du décret sauf dans le cas où la dissolution intervient moins de six mois avant le renouvellement général. La nouvelle assemblée se réunit de plein droit huit jours après l'élection, forme son bureau et désigne ses commissions dans les conditions habituelles.

Lorsque l'assemblée a perdu par l'effet des vacances survenues le tiers de ses membres élus, elle est complétée par voie d'élections partielles dans un délai de trois mois à dater de la dernière vacance. Toutefois, dans l'année qui précède le renouvellement général, l'assemblée n'est complétée que si elle a perdu plus de la moitié de ses membres. Les mandats des conseillers issus d'élections complémentaires prennent fin à la date où devraient expirer les mandats des conseillers qu'ils remplacent.

En cas de dissolution de l'assemblée ou lorsque l'assemblée ne peut être constituée, une délégation spéciale peut être nommée dans les trente jours par arrêté du ministre de l'intérieur. La délégation spéciale cesse ses fonc-

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156 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

tions dès la constitution de l'assemblée. Les membres de la délégation spéciale sont au nombre de trois lorsque l'assemblée compte moins de vingt et un conseillers et de cinq dans les autres cas. Le gouverneur préside la délégation spéciale. Les pouvoirs de la délégation spéciale sont limités aux actes de pure administration urgente et elle ne peut engager les finances de la province au-delà des ressources disponibles de l'exercice courant.

3) Attributions des assemblées.

Soumises au contrôle du gouverneur et à la tutelle du ministre de l'intérieur au double point de vue de la légalité et de l'opportunité, les compétences attribuées aux assemblées provinciales et préfectorales sont rela­tivement considérables et traduisent le souci du législateur d'amorcer, dans des limites raisonnables et suffisantes pour une institution toute nouvelle, une véritable décentralisation. Les attributions dévolues aux assemblées portent essentiellement sur le domaine financier et budgétaire d'une part et, d'autre part, sur les questions économiques et sociales.

a) En matière budgétaire et financière.

La procédure prescrite par le dahir du 12 septembre 1963 réserve au gouverneur toute la préparation du document budgétaire. Celui-ci doit être soumis, sous forme de projet, à la commission du budget quinze jours avant l'ouverture de la deuxième session ordinaire au mois d'octobre. Le budget est ensuite voté par l'assemblée mais ne peut être exécuté qu'après appro­bation par le ministre de l'intérieur.

La partie recettes se divise en recettes ordinaires (impôts, taxes, rede­vances que la province ou la préfecture est autorisée à percevoir) et en recettes extraordinaires (emprunts, subventions, fonds de concours). Les dé­penses comprennent d'une part les dépenses de fonctionnement, d'entretien, de matériel et de fournitures nécessités par l'administration de la province ou de la préfecture et, d'autre part, les dépenses d'équipement et de travaux neufs. Figurent également au budget les dépenses du réseau routier mis à la charge de la collectivité et les participations à des réalisations d'intérêt inter-communal ou inter-provincial.

Dans un souci de simplification, les budgets provinciaux et préfectoraux, à la différence des budgets communaux, ne comportent plus qu'un budget annuel unique, la formule habituelle du budget additionnel ayant été supprimée.

Une liste de dépenses obligatoires a été prévue par la loi. Ce sont: - le loyer, le mobilier et l'entretien des bâtiments faisant partie du

domaine de la préfecture ou de la province ainsi que les frais de bureau, d'impression, d'abonnement et de fonctionnement du parc automobile;

- l'acquittement des dettes exigibles et des arrérages des emprunts; - les dépenses de traitements, ou l'indemnité des agents ou des personnes

rémunérées sur le budget préfectoral ou provincial, les cotisations à des organismes de mutualité ou de sécurité sociale, y afférentes les

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 157

primes d'assurances contre les accidents du travail et, le cas échéant, les pensions régulièrement liquidées et approuvées;

- les dépenses mises à la charge de la préfecture ou de la province par décret pris en application d'une loi;

- les impôts et contributions à la charge de la préfecture ou de la province;

- les dépenses d'entretien du réseau routier.

Si une assemblée omet ou refuse d'inscrire au budget un crédit suffisant pour le paiement des dépenses obligatoires, le crédit nécessaire est inscrit d'office par arrêté du ministre de l'intérieur sur rapport motivé du gouver­neur. Il est pourvu dans les mêmes formes au crédit nécessaire soit par prélèvements effectués sur les excédents de recettes, soit par suppression d'une dépense non obligatoire ou par création d'une recette nouvelle. Au cas où l'assemblée se trouve pour une raison quelconque dans l'impossibilité de voter le budget ou refuse de délibérer sur le projet du budget soumis par le gouverneur, le ministre de l'intérieur peut établir d'office un budget de dépenses obligatoires gagné sur les recettes ordinaires de l'exercice.

Si, pour une cause quelconque, le budget n'est pas définitivement approuvé avant le commencement de l'exercice, les recettes et les dépenses portées au dernier budget continuent à être faites par douzièmes jusqu'à l'approbation du nouveau budget, par décision du ministre de l'intérieur. Les comptes administratifs concernant les recettes et les dépenses de chaque exercice clos sont préparés et présentés par le gouverneur à la première session ordinaire suivante. Les comptes sont arrêtés par l'assemblée après leur examen par la commission du budget.

Outre le budget proprement dit, l'assemblée est compétente pour déli­bérer de plein droit sur les projets d'emprunts, les taxes et redevances perçues au profit de la collectivité, l'acquisition, l'aliénation, l'échange et l'affectation des immeubles provinciaux ou préfectoraux.

b) Dans le domaine économique et social.

L'assemblée délibère en outre sur : - la concession, affermage, gérance et autres formes de gestion des

services publics préfectoraux ou provinciaux; - la création de services publics préfectoraux ou provinciaux; - les plans ou programmes de développement régional et de mise en

valeur intéressant la préfecture ou la province; - la constitution ou la participation à des sociétés de développement

ou d'équipement régional et d'aménagement du territoire; - les projets de décentralisation industrielle; - les programmes de travaux neufs; - le classement des routes, leur entretien, rectification ou extension; - toute question d'ordre administratif ou économique intéressant soit une

préfecture ou une province, soit une préfecture ou une province et une collectivité préfectorale, provinciale ou communale limitrophe.

L'assemblée peut être consultée par les ministres sur les questions d'intérêt préfectoral, provincial ou inter-communal, notamment dans les

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158 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

domaines administratif et économique, et être invitée à donner son avis. Elle peut, d'autre part, adresser aux ministres compétents, sous couvert du gou­verneur et du ministre de l'intérieur, des requêtes concernant les objets de sa compétence ainsi que son opinion sur la situation et les besoins des diffé­rents services publics dans la préfecture ou la province. Elle peut, notam­ment, émettre un avis sur l'utilisation et la mise en valeur des terres collec­tives ainsi que sur les questions de transhumance. L'assemblée peut, e::.. outre, émettre des vœux sur les questions d'administration économique ou sociale et d'administration générale. Tous vœux à caractère politique lui sont interdits.

4) La tutelle des assemblées.

Toute délibération prise en assemblée sur les objets de leur compétence tels qu'ils viennent d'être mentionnés n'est exécutoire qu'après approbation par le ministre de l'intérieur dans un délai de deux mois à partir de la réception par ce dernier du procès-verbal de la délibération. Le défaut de décision dans un délai de trois mois vaut rejet de la délibération.

Les autres délibérations deviennent par contre exécutoires si, après un délai de trente jours après la fin de la session, le gouverneur n'en a pas demandé la suspension par rapport motivé adressé au ministre de l'intérieur. Si l'opposition est rejetée, la délibération est exécutoire sans délai.

5) L'organe exécutif des assemblées.

C'est le gouverneur de la province ou de la préfecture qui est l'agent d'exécution des décisions de l'assemblée. Il détient en outre la totalité du pouvoir réglementaire dans la province ou la préfecture en sa qualité de représentant de l'Exécutif central. Son rôle s'analyse presque dans les mêmes termes que celui d'un préfet de département en France.

Conformément aux délibérations de l'assemblée, le gouverneur: - exécute le budget de la préfecture ou de la province; - prend toutes mesures pour assurer l'application des délibérations

exécutoires de l'assemblée; - conserve et gère les biens de la préfecture ou de la province; - procède aux actes de vente, acquisition, échange, partage, transaction

portant sur le domaine; - passe les contrats et conclut les marchés de travaux de fournitures

et de prestations de services.

En exécution d'une délibération de l'assemblée, il intente les actions en justice au nom de la province ou de la préfecture. Le gouverneur peut, sans délibération de l'assemblée:

- défendre à toute action intentée contre la préfecture ou la province en instance, en appel ou en cassation;

- intenter toute action possessoire ou y défendre, faire tous actes conservatoires ou interruptifs de déchéance et défendre aux oppositions

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TERRITORIALE DU ROYAUME DU MAROC 159

formées contre les états dressés pour le recouvrement des créances de la préfecture ou de la province;

- instruire toute demande de référé, suivre sur appel des ordonnances de référés et interjeter appel de ces ordonnances.

6) Les syndicats de provinces.

Les provinces et préfectures peuvent s'associer pour constituer des syndi­cats qui sont des établissements publics possédant la personnalité civile et l'autonomie financière. Les modalités de constitution, de gestion et de finan­cement de ces groupements sont analogues à celles qui s'appliquent aux syndicats de communes.

Outre certains services publics susceptibles d'être créés et exploités en commun par plusieurs collectivités limitrophes, c'est surtout sur le plan de l'aménagement du Territoire et du développement régional que ces établisse­ments publics pourraient apporter une contribution substantielle à l'équipe­ment général du pays comme à sa mise en valeur.

La promotion de la province et de la préfecture au rang de grande collectivité locale dotée de la personnalité juridique et d'une certaine auto­nomie financière doit revaloriser en particulier le cadre provincial et en faire un relai majeur de l'action gouvernementale en matière de développement économique et social. C'est surtout à l'échelon de la province que les inter­ventions techniques et économiques des ministères et des offices de mise en valeur peuvent être le plus efficacement coordonnées et renforcées au profit des zones sous-développées comme en faveur de populations rurales assurées désormais d'une représentation équitable au sein des assemblées provinciales. Ces perspectives restent cependant conditionnées par deux facteurs essen­tiels; les ressources dont disposeront les provinces et les préfectures pour alimenter leur budget d'équipement et les priorités que le gouvernement accordera à l'aménagement régional dans le cadre d'un plan national de développement. Il n'en est pas moins vrai que les structures d'accueil et de coordination sont maintenant en place, sous réserve de l'impulsion indispen­sable attendue du pouvoir central, et que sont réunies les conditions favo­rables à un dialogue constructif entre l'administration et les populations représentées au sein des diverses assemblées locales.

* * *

Il serait prématuré - ou bien très téméraire - de vouloir dresser un bilan parfaitement objectif de ces quatre années de mise en place et de fonctionnement des collectivités locales du droit public marocain. L'effort institutionnel qui a conduit en peu de temps à structurer sur des bases modernes et démocratiques tout un ensemble cohérent d'assemblées locales ne saurait être sous-estimé. On connaît des pays de vieille tradition admi­nistrative qui sont encore aujourd'hui à la recherche d'une formule moderne qui permettrait d'équilibrer les anciennes franchises locales ou régionales et les prérogatives d'une puissante autorité centrale nécessaire à un dévelop­pement harmonieux de la communauté nationale.

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160 LES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS L'ADMINISTRATION

Dans le cadre tout récent de la jeune démocratie marocaine, si prudentes qu'aient paru être la charte communale et l'organisation provinciale, il n'empêche que des libertés fondamentales ont été ainsi reconnues aux citoyens. Sans doute à l'échelon communal et plus encore au niveau des provinces et des préfectures le centre de gravité de l'autorité, le pouvoir réglementaire et de décision, restent-ils concentrés entre les mains d'un agent du gouvernement. Mais les conseils communaux, provinciaux et pré­fectoraux composés de représentants élus directement ou indirectement par la population se trouvent maintenant pleinement associés par leurs délibérations à la préparation ou à l'élaboration de toutes les questions importantes concernant la vie des collectivités locales. Un compromis raisonnable a marqué les formes de la tutelle nécessaire, compte tenu de la maturité croissante des élus locaux, et les conditions d'exercice d'une marge d'initiative substantielle. En dernière analyse, la grande tâche qui s'impose aux dirigeants du Maroc moderne c'est la lutte contre le sous-développement dont la sous­administration n'est pas le facteur le moins grave. C'est précisément en vivifiant progressivement les collectivités locales, ces cellules fondamentales de son organisation, que l'Etat marocain imprimera un nouvel élan au déve­loppement du pays.

H. NICOLAs-MoURER.