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L’écho du Cedapa n°115 - septembre-octobre 2014 - 5 € Une aventure de groupe Nous sommes un groupe de 11 paysans du CEDAPA avec une volonté d’évoluer vers un système de vêlages groupés au printemps, avec des vaches croisées de petit gabarit, rustiques et fertiles. Nous avons mis en place un système très pâ- turant avec une surface en herbe importante et une faible part de stocks. Ceux-ci sont réalisés majoritairement à partir d’herbe (foin, enrubannage, ensilage d’herbe), par- fois du maïs ensilage ou grain pour valoriser l’herbe de printemps ou d’automne. Certains d’entre nous sont passés en monotraite afin de réduire le temps de travail. L’idée de se rendre en Irlande pour com- prendre le fonctionnement des vêlages grou- pés en système tout herbe est venue de notre groupe. Vingt éleveurs du Cedapa, de l’Ada- ge et du Civam 56 nous ont rejoint dans cet- te aventure. Vous pourrez avoir un aperçu de notre voyage dans cet écho spécial Irlan- de. Cependant, nous ne voulons pas prendre le modèle irlandais tel quel et le copier chez nous. De ce voyage, nous ne retiendrons pas l’aspect social : les grandes fermes avec peu d’UTH. La course au profit de ce pays libéral pousse les Irlandais à être très performant à l’heure travaillée, dans le seul but de gagner encore plus. Nous revenons très sceptique sur l’aspect environnemental, leurs prairies sans trèfle reçoivent 250 unités d’azote minéral /ha, on est bien loin de nos pratiques… Maintenant c’est à nous de retirer les as- pects positifs du système irlandais et de construire dans nos fermes un système en accord avec nos valeurs. Ludovic Rolland et Franck Le Breton, Eleveurs à Pluzunet et au Haut-Corlay Retour du voyage en Irlande du Cedapa

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L’échodu Cedapan°115 - septembre-octobre 2014 - 5 €

Une aventure de groupeNous sommes un groupe de 11 paysans duCEDAPA avec une volonté d’évoluer vers unsystème de vêlages groupés au printemps,avec des vaches croisées de petit gabarit,rustiques et fertiles.

Nous avons mis en place un système très pâ-turant avec une surface en herbe importanteet une faible part de stocks. Ceux-ci sontréalisés majoritairement à partir d’herbe(foin, enrubannage, ensilage d’herbe), par-fois du maïs ensilage ou grain pour valoriserl’herbe de printemps ou d’automne. Certainsd’entre nous sont passés en monotraite afinde réduire le temps de travail.

L’idée de se rendre en Irlande pour com-prendre le fonctionnement des vêlages grou-pés en système tout herbe est venue de notregroupe. Vingt éleveurs du Cedapa, de l’Ada-ge et du Civam 56 nous ont rejoint dans cet-te aventure. Vous pourrez avoir un aperçude notre voyage dans cet écho spécial Irlan-de.

Cependant, nous ne voulons pas prendre lemodèle irlandais tel quel et le copier cheznous. De ce voyage, nous ne retiendrons pasl’aspect social : les grandes fermes avec peud’UTH. La course au profit de ce pays libéralpousse les Irlandais à être très performant àl’heure travaillée, dans le seul but de gagnerencore plus.Nous revenons très sceptique sur l’aspectenvironnemental, leurs prairies sans trèflereçoivent 250 unités d’azote minéral /ha, onest bien loin de nos pratiques…

Maintenant c’est à nous de retirer les as-pects positifs du système irlandais et deconstruire dans nos fermes un système enaccord avec nos valeurs.

Ludovic Rolland et Franck Le Breton,Eleveurs à Pluzunet et au Haut-Corlay

Retour du voyage enIrlande du Cedapa

· « Seuls 10 % des élevages font du lait enhiver »

Le principe du vêlage groupé est simple : faire coïncider lacourbe de lactation et la courbe de croissance de l’herbe.En moyenne, une vache irlandaise mange 3.5 t d’herbepâturée, 1.5 tonne d’ensilage d’herbe et 1 tonne de concen-trés par an. Ce système est très développé en Irlande et leslaiteries sont adaptées à ce système : la coopérative DairyGold, collecte 14 % du volume de lait annuel pendant lemois de mai, contre 2 % en février. En hiver, certainssalariés prennent deux mois de vacances, d’autres assurentla maintenance de l’usine. En début et en fin de saison,trois coopératives s’organisent : une seule transforme pen-dant que les deux autres sont en maintenance.

· Pas une feuille de trèfle« On utilisait du trèfle pour réduire les quantités d’engraispendant l’été. Depuis qu’on a un chargement de 3,5vache/ha, on tourne plus vite, et le trèfle n’a pas le tempsde venir.  » expliquent Denis et Margaret Corcoran. Laméthode utilisée par les irlandais est bien connue: 3 semai-nes entre deux pâturages et l’épandeur à engrais à la sortiedes vaches. Au total, 250 unités d’azote minéral épanduespar ha de prairies en moyenne. La station expérimentale deMoorepark commence à introduire du trèfle dans ses prai-ries. « Le trèfle pourrait apporter l’équivalent de 100 kgd’azote par an. » estime le chercheur Brendan Horan. Pasquestion d’arrêter l’azote minéral pour autant : un apportde 150 kg /ha est maintenu. « Le trèfle vient même avec cesquantités d’azote car les prairies sont bien rasées. »

· La terre vaut de l’orQuand un enfant irlandais reprend une ferme, il ne l’achètepas, ni à ses parents, ni à ses frères et sœurs. « J’ai héritéde l’exploitation, la ferme a financé les études de mesfrères et sœurs. Si je compare avec eux, je gagne moinsmais j’ai plus de sécurité. » explique Robert Troy. Seul 1 %de la surface agricole irlandaise se vend chaque année et àun prix d’or  : en moyenne 25  000 €/ha, jusqu’à 40  000€/ha. « En Irlande, cela devient très attrayant de deveniragriculteur depuis la crise. Il y a toujours quelqu’un dansla famille qui veut le faire. » explique le chercheur BrendanHoran. Depuis quelques années, les écoles d’agriculturesont pleines malgré l’extrême difficulté d’acheter une fermepour les jeunes non issus du milieu agricole.

· 1.5 million de litres de lait avec un trac-teur de 60 chevaux

Dans toutes les fermes visitées, les travaux des champssont délégués. « Nous avons juste un tracteur qui sert àépandre l’engrais et un chargeur. C’est le même depuis 23ans. » explique Robert Troy, pendant que sa femme Marydit discrètement « Ici, nous dépensons notre argent dansl’achat de terres, rien d’autre. ». Les bâtiments sont assezanciens : des logettes très simples, un système de raclageautomatique. Pour la traite, Robert et Mary disposent d’unroto de 44 places pour traire 290 vaches. Les deux autreséleveurs traient seuls 150 vaches dans des salles de traite2X20 simple équipement, en 1h10 en milieu de lactation.Aucun d‘eux ne lavent les mamelles ni ne tirent les pre-miers jets. Les robots sont absents des fermes irlandaises.

· 500 unités d’azote total par ha, 11 mgde nitrates/litre dans les rivières

Les éleveurs irlandais peuvent épandre au maximum 500unités d’azote total dont 250 unités d’azote minéral, grâceà une dérogation de la directive nitrates auprès de l’unioneuropéenne. Cette dérogation est autorisée pour toutes lesfermes ayant plus de 75 % d’herbe dans leur SFP.

Les bilans apparents d’azote des fermes irlandaises (en-trées – sorties d’azote) sont 1,5 à 2 fois plus élevés que ceuxdes fermes bretonnes alors que les pertes par lessivage sonttrois fois plus faibles. Comment expliquer ce paradoxe ?« Tout d’abord, les prairies sont refaites [glyphosate puistravail superficiel] tous les 10 ans ce qui limite les pertes.Ensuite, la croissance de l’herbe est plus régulière et sansarrêt pendant la période estivale, il y a donc une meilleureutilisation de l’azote par la plante tout au long del’année. Enfin, les sols irlandais plus argileux, humides etriches en matière organique que les sols bretons ont detrès petites pores qui retiennent mieux l’eau et les nitratesmais favorisent les pertes gazeuses pardénitrification.  » explique Emilie Doussal, auteur d’unrapport sur l’élevage laitier irlandais et la qualité de l’eau..Les pertes d’azote par voie gazeuse sont deux fois plusimportantes dans les systèmes irlandais que dans les systè-mes bretons.

aurelie cheveau, cedapa

L’echo du cedapa - n° 115- septembre/octobre 20142

> Visite du Cedapa en IrlandeIrlande/Bretagne : des systèmesherbagers bien différents

Première différence : l’herbe est omniprésente dans les paysages irlandais mais le trè-fle absent des prairies. « C’est dingue pour un pays dont c’est l’emblème. » s’étonnaitun participant. Retour sur les éléments marquants du voyage.

Irlande70 273 km²18 000 producteurs de lait900-1400 mm de pluieTempératures maximales en été : 25°CProduction de lait : 5.5 milliard de litres

Bretagne27 208 km²14 000 producteurs de lait700-1300 mm de pluieTempératures maximales en été : 28°CProduction de lait : 5,1 milliard de litres

L’echo du cedapa - n° 115 - septembre /octobre 2014 3

Pari risqué sur le marché du lait

> Économie laitière

Le lait est le plus gros po-tentiel d’exportation enIrlande. Avec 18 000 produc-teurs et 1,2 millions de vaches,l’Irlande produit 5.5 milliardsde litres de lait, dont 85 % sontexportés sous forme de beurre,poudre de lait, caséine. Le laitirlandais représente 18 % dumarché de la poudre de laitmondial.

Après 2015, la production lai-tière irlandaise montera enflèche, d’après le gouverne-ment, l’industrie, la rechercheet la profession agricole.«  Cela fait plusieurs annéesque l’on se prépare à l’après

quota. Aujourd’hui, 97 % des producteurs ont signéun contrat où ils indiquent le volume qu’ils veulentproduire» explique Jim Woulfe, directeur de la coo-pérative Dairy Gold. Cette coopérative collecte ettransforme 18 % du lait irlandais, soit environ941  000 tonnes de lait. Elle prévoit d’augmenter lacollecte de 57 %, pour atteindre 1,5 million de tonnesde lait en 2020.

550 000 de tonnes de lait supplémentaires.Dans cette coopérative, un tiers du lait produit en plussera transformé en cheddar, et deux tiers en poudrede lait. Deux tours de séchage sont en constructionpour 2014 et 2015 et une troisième en 2018 suivantl’évolution du marché. Investissements à réaliser  :225 millions d’euros, dont 50 millions financés par lesagriculteurs via des emprunts à taux bonifiés. Cette

stratégie risquée a interrogé les éleveurs du Cedapa :« et si le prix du lait baisse ? et si la Chine produit sonlait  ?  ». Réponse de Jim Woulfe : «  la populationaugmente, la demande augmentera de 2,2 % par an.Et la chine ne pourra pas produire tout son lait. C’estrisqué certes, mais c’est aussi risqué de sortir de sonlit le matin. »

Comment produire ce lait ?« Sans augmenter le nombre de vaches, on peut déjàaugmenter la production de lait de 20 %. » assure ledirecteur de la coopérative : « la durée des lactationspeut augmenter, l’index génétique est en augmenta-tion et certaines vaches ne sont pas assez nourries. ».De plus , le nombre de vaches laitières va augmenter ,principalement dans les fermes moyennes « Les éle-vages laitiers de 80 vaches vont monter à 120vaches. De plus, 20 % des éleveurs allaitants pour-raient se tourner vers le lait. » estime Jack Kennedy,journaliste à l’Irish Farmers Journal.

Du côté des agriculteurs, le ton est différent.Les trois agriculteurs rencontrés ne produiront pasplus de lait en 2020. Seul Robert Troy souhaite aug-menter son troupeau de 40 vaches sur les 290 déjàprésentes, soit 13 % d’augmentation. Les autres sou-haitent se maintenir« J’ai déjà tout augmenté avant,ce serait risqué d’augmenter mon chargementaujourd’hui.  » explique Tadgh Dunne. Margaret etDenis Corcoran s’interrogent sur la stratégie du gou-vernement « Le lait est le nouvel eldorado. Cela faitpenser au boom du secteur de la construction dansles années 2000, qui depuis a complètement chuté. »

aurelie cheveau, cedapa

Dans son plan de relance économique suite à la grave crise de 2008 à 2011, le gou-vernement irlandais mise sur une augmentation de 50 % de la production de lait entre2015 et 2020. Les coopératives laitières sont prêtes, les agriculteurs sont prudents.

André Pflimlin, un agronome beaucoup moins optimiste que les irlandais :« Depuis 2009, la crise laitière n’a jamais été aussi proche. »André Pfimlin a travaillé de 1970 à 2009 à l’Institut de l’Elevage et est auteur d’un article « Alerte rouge sur l’Europelaitière ? », paru dans la lettre du Réseau Agriculture Durable du mois d’octobre.

L’année 2014 est une bonne année  : prix haut, récoltes abondantes dans le monde entier. Résultat  : lesurplus de lait de l’Union Européenne, des USA et de la Nouvelle Zélande pourrait atteindre 10 millions detonnes de lait en 2014. Ce volume arrivera sur un marché mondial qui représente aujourd’hui 55 à 60millions de tonnes de lait par an. L’offre va donc augmenter de 18 % alors que la demande n’augmente quede 1,5 à 2 %/an. Actuellement. De plus, « les chinois semblent avoir fait le plein de stocks et leurs achats sesont ralentis et l’embargo russe sur les produits laitiers pèse lourd sur nos exportations » explique AndréPfimlim. L’offre augmente brutalement, la demande diminue, « depuis 2009, la crise laitière n’a jamais étéaussi proche. » alerte cet agronome qui met en cause la stratégie libérale de la commission européenne.« Après le poulet et le porc, les éleveurs laitiers bretons paieront cher à leur tour. » De son côté, la filièrelaitière bretonne propose de « libérer toutes les énergies afin de produire un milliard de litres de lait d’ici2020. » Pas plus risqué que de sortir de son lit le matin ?

Pour Jim Woulfe, directeur de la coo-pérative Dairy Gold, la variabilité duprix du lait représente un certain ris-que, mais ne remet pas en cause lastratégie de l’Irlande.

> Technique

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Grouper les vêlages, mode d’emploi

La saison d’insémina-tion commence finavril-début mai. Leséleveurs identifient leschaleurs par l’observationsimple ou grâce au mar-quage des animaux. Ro-bert Troy fait une marquede peinture jaune sur l’ar-rière train de ses 290 va-ches juste avant la périoded’insémination. « Dès quela peinture a disparu,c’est qu’elle a été chevau-chée. » Robert l’insémine-ra le soir même en salle detraite. Après 3 semaines,les vaches restées avec

leur marque jaune sont examinées par levétérinaire. 2 à 3 % des vaches reçoivent untraitement hormonal.

« Je choisis 10 taureaux par an. Le premierjour, j’insémine les vaches en chaleur avecle premier taureau. Le deuxième jour, avecle deuxième taureau etc. ». Robert n'utilisepas de semence sexée : « 60 % de réussite àchaque IA, ce n'est pas assez.  ». Une foisinséminées, elles reçoivent une marque depeinture rouge.

Neuf semaines après le début de la périoded’insémination, des taureaux sont introduitsdans le troupeau des vaches. « C’est néces-saire d’avoir des taureaux dans un systèmede vêlages groupés, même si c’estcher  »  insiste Franck Buckley, chercheurspécialisé dans les croisements. « Il en fautsuffisamment : 1 taureau pour 30 vaches. »Les éleveurs que nous avons rencontrés affi-chent des résultats impressionnants  : cetteannée 95 % de vaches pleines après passagedes taureaux.

« Pendant des années, on a cru que lafertilité n’était pas un caractère héri-table. »Depuis les années 2000, la sélection généti-que a beaucoup changé en Irlande : aupara-

vant, l’index était basé uniquement sur laproduction laitière. Aujourd’hui, l’index surlequel les taureaux sont notés comprend : lafertilité (35 %), le lait (30 %), la facilité devêlage (10 %), le caractère viande (10%) et lasanté. Cette évolution de l’index a permisd’améliorer nettement les résultats de ferti-lité, notamment en intégrant de la génétiquenéo-zélandaise.

«  La sélection génétique est le principalmoyen pour améliorer la fertilité des trou-peaux. » explique Steven Butler. Les équipesde Moorepark ont testé l’effet de l’alimenta-tion sur la reproduction, sans résultats nota-bles. « Donner des concentrés avant levêlage ne change pas le nombre de vachespleines et peut avoir un effet négatif car lesvaches expriment moins leurs chaleurs.Donner des concentrés pendant 3 semainesaprès le vêlage a un effet positif sur la fé-condité : les vaches arrivent en chaleur unesemaine plus tôt et les inséminations réus-sissent mieux. Si vous continuez à donnerdes concentrés après 3 semaines, ils irontdirectement dans le lait et pourront avoirun effet négatif sur la note d’état des va-ches.»

La note d’état varie entre 1 et 5 en Irlande etdoit être située entre 2. 75 et 3.25 au mo-ment de l’insémination. Si une vache perdplus de 0,5 point entre le vêlage et l’insémi-nation, c’est mal parti. Pour améliorer lanote d’état des vaches, «  on ne peut plusfaire grand-chose après le vêlage, il fautviser une bonne note d’état 6 mois avantl’insémination» explique Steven Butler.C’est le principal levier dans les pratiquesd’élevage pour favoriser la fertilité  : les va-ches ayant une note d’état faible 6 moisavant le vêlage sont taries un à deux moisplus tôt que les autres.

« Les objectifs : 285 jours de lactation, 90 % du troupeau inséminé en trois semaines,70 % du troupeau gestant après six semaines d’inséminations » explique Steven Butler,chercheur à Moorepark, station expérimentale irlandaise. Les résultats de fertilité sont laclé de voûte des systèmes d’élevage irlandais.

Robert Troy marque ses vaches avec de lapeinture pour détecter les chaleurs au mo-ment de la période d’insémination.

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Vêlage à deux ansIl n’est pas question d’attendre trois ans avantque les vaches produisent du lait.

Les génisses Holstein/Frisonnes sont insémi-nées à un poids de 350 kg. Beaucoup d’éle-veurs utilisent des traitements aux hormonespour les génisses. Les éleveurs s’arrangentpour que les génisses vêlent pendant les dixpremiers jours de la période des mises-basafin de faciliter la surveillance.

Après le vêlage sur une aire paillée, les vachessortent au bout de deux jours. Les fraîchesvêlées sont traites à la fin afin de récupérer lecolostrum. Le colostrum est distribué au milkbar ou au biberon suivant les élevages.  Cer-tains éleveurs distribuent du lait froid pour lesveaux, d’autres le chauffent pendant les pre-miers jours. Les mâles sont vendus à deuxsemaines. Les femelles sortent au bout de 3semaines et ont du foin et des concentrés àdisposition. Elles sont sevrées à 9-10 semai-nes, quand elles mangent suffisamment d’her-be. Les concentrés sont arrêtés à 12 semaines.Les veaux pâturent de l’herbe assez basse « ilfaut que cela soit très digestible. ».

aurelie cheveau, cedapa

Des vaches fertiles, petites, robus-tes et… noires et blanches.La vache irlandaise la plus répandue est un mélange deholstein et de frisonne néo-zélandaise. Aujourd’hui, lasouche néo-zélandaise représente 30 % de la génétiquedes troupeaux irlandais. Pour les chercheurs de l’institutde recherche de Moorepark, les croisements avecd’autres races, notamment la jersiaise, représentent l’ave-nir de la génétique irlandaise. « Sur le terrain, c’est diffé-rent » tempère Denis Corcoran. Seuls 10 % des vachesirlandaises sont croisées car les éleveurs veulent garderune valorisation pour les veaux et les réformes.

« J'ai été bluffé par les vaches irlandaises, surtout par lessouches frisonnes néo-zélandaises. Je ne pensais pasque ce type de vaches existait, alliant la capacité et lataille des ex-frisonnes françaises et de belles mamellesholstein. On peut noter:- une taille normale qui correspond à un niveau équilibréavec l'Homme,- de très bons aplombs avec des onglons assez larges,- une bonne capacité en largeur avec de bonnes panses,- un mufle large qui laisse supposer un pâturage plus effi-cient,- de belles mamelles équilibrées,- des taux élevés difficiles à expliquer en système herba-ger (en moyenne dans les fermes visitées : TB : 42 et TP: 35)- un bon état corporel des animaux en général pour unstade de gestation de 3 à 4 mois. »

Jean-Pierre Guernion, Hillion

«  J’étais étonné de ne pas voir beaucoup de vachescroisées. Je pense que c’est un peu comme ici, les éle-veurs sont attachés à leur race. Sur ma ferme, je fais ducroisement 3 voies (Holstein/Jersiaise/Rouge suédoise).Depuis cette année, j’insémine en Holstein néozélandaiseà la place de la Holstein pour ne pas perdre en fertilité. »

Martin Vaculik, Duault

Un milk bar pour distribuer du lait aux veaux dèsleurs premiers jours.

Une génisse de 18 mois chez Denis et Margaret Cor-coran.

>Fermoscopie

A la reprise, il disposede 80 ha et 80 vacheslaitières. Il achète duquota, loue de la terreafin d’atteindreaujourd’hui 150 hadont 100 ha en pro-priété. Les terres sontdisséminées sur huitsites, dont un site de46 ha accessibles dubâtiment  : la plate-forme de pâturage,«  la plusrentable  ».  144 va-ches laitières pâtu-rent cette surface

tandis que les autres terres sont dédiées aux génisseset à un troupeau de 50 mères allaitantes Angus et leursuite.

« Il y a 10 ans, on avait des grandes Holstein, typecanadiennes. Ça marche si le chargement est faible etqu’on prend soin d’elles. » 15 à 20 % restaient videsaprès chaque période d’insémination. Après un voya-ge en Nouvelle Zélande en 2003, Tadgh a décidé d’in-séminer toutes ses vaches avec des taureaux FrisonsNéo-Zélandais. Les vaches actuellement en lactationsont issues de la deuxième génération de croisementset les résultats sont là. « Après 12 semaines d’insémi-nation, nous avons seulement 6 % de vaches vides

cette année.  Ces vaches sontplus douées pour manger del’herbe et plus faciles à éle-ver.  » Il a choisi la frisonnenéozélandaise plutôt que lajersiaise pour garder de la va-leur pour les veaux et les génis-ses pleines.

«  Garder le système leplus simple possible. »

Tadgh s’occupe seul de l’éleva-ge laitier, sauf dans les pério-des de pointes de travail où unou deux stagiaires sont pré-sents. Son père s’occupe dutroupeau Angus. L’épandagede l’engrais, la fauche, les se-

mis des pâtures, le débrousaillage sont faits parentreprise. « Je ne fais jamais de tracteur. » expli-que Tadgh.

La plateforme de pâturage est divisée en paddocksde 1,2 à 1,5 ha où les vaches restent 24 à 36 heuresen fonction de la saison. «  C’est l’optimum.  » Lesparcelles sont semées en ray grass pur « On a essayéde mettre du trèfle mais ça n’a pas marché. Leproduit contre les rumex tue le trèfle. En plus, il n’apas le temps de venir car les temps de retour sonttrop courts. » Sans compter les 250 unités d’azoteminéral épandues chaque année.

78 % des vaches vêlent entre le 1er février et le 17mars. Au 10 février, Tadgh sort les dix premièresvaches vêlées au pâturage au fil avant. Les autresvaches sont intégrées au fur et à mesure, deux joursaprès le vêlage.Pour bien réussir « la période essentielle » du dépri-mage, Tadgh dispose de repères simples : « un tiersde la surface doit être pâturée avant le 17 mars, ledeuxième tiers avant le 1er avril, il nous resteraensuite 10 jours pour pâturer le troisième tiers. Le10 avril, je décide quelles parcelles vont être dé-brayées, afin de pouvoir augmenter le charge-ment. » Après le 10 avril, le temps de retour entredeux parcelles sera de 21 à 23 jours.Tadgh fait un tour d’herbe toutes les semaines etcompile les données dans un logiciel. « Il faut tou-jours savoir s’adapter car s’il ne pleut pas, le logi-ciel ne sert à rien. »

« Ce sont toujours les parcelles les plus éloignéesqui seront fauchées en ensilage, même si dansl’idéal cela devrait tourner.  ». Les parcelles sontfauchées début mai «  je n’attends pas que l’herbesoit très haute pour faucher car la priorité est lepâturage sur la surface accessible. Le rendementen ensilage est réalisé sur les terres des génisses etdes allaitantes. »

Quatre mois de repos pour les pâtures

Le 10 octobre, Tadgh commence à fermer des pad-docks. Celui qui est fermé en premier sera ouvert enpremier en février. Les vaches pâturent le dernierpaddock vers début novembre. Une conduite sim-ple, et rigoureuse «  Si un paddock est fermé en

« Le principe est de transformer l’herbe en lait. » explique Tadgh Dunne. Depuis soninstallation en 1997, il a un objectif : rationnaliser le système, c'est-à-dire grouper tousles vêlages et augmenter le chargement.

Quelques chiffres

144 vaches laitières67 génisses de 1 à 2 ans58 génisses de 0 à 1 an50 angus + suite

Quota : 700 000 litres4975 litres vendus/vache600 kg de concentrésénergétiques/anTB 40.9 TP : 36.1Prix d’équilibre (sans achat deterres) : 230 à 240 €Prix de base du lait : 350 €/1000litres (avec TB/TP : 36/33)

Rendement prairies : 11,4tMS/haTaux de renouvellement : 20 %Réformes non engraissées.30 génisses pleines vendues/an

Simplifier le système pour gagner enrentabilité

L’echo du cedapa - n° 115 -septembre/octobre 20146

« Les deux chiffres les plus importants dansma ferme sont : le taux de fertilité et la quanti-té de matière utile produit par ha.» expliqueTadgh Dunne

7L’echo du cedapa - n° 115 - septembre/octobre 2014

octobre, il ne sera jamais pâturé en novembre, même siça a poussé. » insiste Tadgh.

La ferme dégage un profit de 178 €/1000 litres soit124 600 € en 2013, avec un prix de base du lait de 350€/1000 litres. Il prélève sur cette somme un salaire de44 000 € ainsi que de l’argent pour construire sa maison. On peut comparer avec les chiffres du Cedapa en restantprudents car nous ne connaissons pas les règles de comp-tabilité en Irlande : 143 €/1000 litres de résultat courant,soit 45 034 €/exploitation pour un prix du lait moyen de327 € pour les exploitations herbagères non bio à laclôture 2013.

Tadgh ne pense pas augmenter sa production dans lesprochaines années « J’ai déjà tout augmenté avant. Jepourrais aller jusqu’à 4 vaches/ha et acheter de l’ensila-ge mais c’est une stratégie risquée et très sujette à lamétéo. »

aurélie cheveau, cedapa

Tadgh Dunne fait partie de deux groupes d’agriculteurs,qui se réunissent chacun 10 fois par an :

● Un groupe local, où les agriculteurs ont des sys-tèmes différents du sien, plutôt un chargementfaible et une production par vache élevée. « Legroupe local a un aspect plus social, ce sont desvoisins. J’ai commencé avec eux. » L’animateurde ce groupe est un consultant de Mooreparkpayé par le gouvernement.

● Un groupe où les systèmes sont très sembla-bles au sien, haut chargement et faibleproduction/vache. « Dans le groupe, tout le mon-de met ses chiffres sur la table. On fait deux réu-nions sur les coûts de production par an.»Chaque agriculteur du groupe participe pourpayer le consultant agricole (200 €/agriculteur/an).

« Ce qui m’a frappé c’est le système irlandais danssa globalité, car tout le monde pense "herbe". Lesvêlage groupés, ce n'est pas ma tasse de thé car jetrouve qu'il y a une somme de travail beaucoup tropimportante dans une période très courte.Lors des visites, j'ai aimé la rationalité des élevages,leur organisation : tout est pensé pour la facilité detravail. A mon avis ils doivent y passer quelques heu-res quand même. »

Valérie Josset, Hillion

« Eux ils n’ont pas des vaches, ils ont un troupeau. Ilssont assez performant techniquement. Leur objectifest avant tout économique. Du côté social, ils ontbeaucoup de travail et au niveau environnemental ilsutilisent des quantités d’azote énormes.»

Christophe Le Gall, Seglien (56)

« J’étais un peu déçu de ne pas voir de l’herbe avecdu trèfle. »

Alain Huet, Plessala

« On a pris une claque en voyant le parc matériel desexploitations visitées. Le strict minimum, à savoir unvieux tracteur pour épandre de l’engrais et puis c’esttout… A nous de réfléchir sur les économies à faire !C’est impressionnant de voir l’esprit d’entrepreneurdes agriculteurs irlandais rencontrés. Ils avaient unecalculatrice dans la tête. Nous n’avons pas la mêmementalité (ni la même fiscalité), mais on gagnerait cer-tainement à calculer davantage.Dans notre groupe nous travaillons sur le vêlagegroupé pour une dimension temps de travail et qualitéde vie. Les Irlandais sont dans un modèle intensif (àl’hectare et à l’UTH), dans un univers libéral où letemps de travail s’efface devant la recherche du pro-fit. »

Franck Le Breton, Le Haut-Corlay

« Je voudrais travailler sur la fertilisation des pâturespour faire durer mes prairies 10 ans comme là bas.Avec 3 vaches à l’ha, ils apportent beaucoup de phos-phore et de potasse. »

Philippe Camus, Locarn

« Ce que je retiens c’est qu’ils ont besoin de 150 va-ches pour vivre, alors que nous avons besoin de40. »

Frédéric Darley, Ruca

« Les éleveurs sont à la fois conservateurs et trèslibéraux. J’ai trouvé que les femmes étaient en retraitdans les fermes visitées.»

Jacky Savin, Parthenay de Bretagne (35)

« Ils traient deux fois par jour, l’herbe est grasse etverte et ils ont 95 % de fertilité. C’est dingue. »

Fabrice Charles, Quessoy

Robert et Mary Troy290 vaches en vêlage groupéRace : Holstein / Frisonne néo zélandaise160 ha dont 100 ha accessibles5500 litres/VL TB 45 TP 351000 mm de pluie/an3 UTH dont 1 salariéCoût de production : 230 €/1000 litres

Denis et Margaret Corcoran150 vaches,100 ha dont 44 ha accessibles aux vaches laitières6000 l/vache TB : 42 TP : 34Quota : 900 000 litres30 % de renouvellement/an1200-1500 mm de pluie/an2 UTH familiauxÉvolution vers le vêlage groupé de printemps pour di-minuer le travail (auparavant deux périodes de vêlage)

Moyenne des DPU en Irlande : 16 000 €/ferme

Sortir desa fermepourprendredu recul,découvrirun paysherbager,compren-dre lagestiondes vêla-ges grou-pés deprin-temps

pour l’adapter en Bretagne. Voici quelquesobjectifs des participants au voyage.

L’idée est venue des 11 membres du groupevêlages groupés de printemps, puis elle a pluaux adhérents du Cedapa : 30 inscrits dès lepremier courrier. « Quand tu pars en voyageavec le Cedapa, t’es sûr de voir des gensmotivés par l’herbe. Après, t’avances plusvite. » explique Alain Huet suite au voyage.

Luc Delaby, chercheur à l’INRA, nous apermis d’avoir de bons contacts sur place. Enquatre jours, nous sommes allés voir : unestation de recherche, avec visite d’une fermeexpérimentale, trois fermes, et une coopéra-tive laitière.

Nous voulions voir des fermes depetite taille, en agriculture durableou bio et nous sommes allés voir troisfermes de 150 vaches. Plusieurs raisons :l’ élevage laitier bio ou durable est quasiabsent en Irlande, les énormes quantitésd’azote semblent être monnaie courante.Les fermes de 40 vaches sont peu présen-tes dans les réseaux car cela représentesouvent une activité secondaire à une ac-tivité salariée. Enfin, notre relai local JackKennedy, journaliste agricole, n’a pas ré-pondu à nos demandes insistantes pourvoir de plus petites fermes. « Dommagede ne pas avoir vu d'exploitation de lamême grandeur que chez nous pour com-parer plus facilement. »

Ce voyage a fait réagir : choqués par lesquantités d’azote épandus, par l’absencetotale d’intérêt envers notre cher trèfle,les participants ont aussi été impression-nés par la rigueur et l’efficacité du travail,les taux, l’élevage des veaux.

Le conseil d’administration a choisice voyage d’étude comme thèmepour la prochaine assemblée géné-rale le mardi 25 novembre à Plain-tel. Au programme, témoignages departicipants, débat sur la place denos systèmes herbagers dans l’ave-nir, discussion autour de nos va-leurs.

Aurélie Cheveau, Cedapa

(bimestriel)2 avenue du Chalutier Sans Pitié, Bât. Groupa-ma, BP 332, 22193 Plérin cedex02.96.74.75.50 ou [email protected] de la publication : Patrick ThomasComité de rédaction : Pascal Hillion, Joël LeCalvez, Suzanne Dufour, Christophe Carro,Georges Etesse, Franck Le Breton, Joël GuilloMise en forme : Aurélie CheveauAbonnements, expéditions : Brigitte TréguierImpression : Roudenn Grafik, ZA des LongsRéages, BP 467, 22194 Plérin cédex.N° de commission paritaire : 1113 G 88535 -ISSN : 1271-2159

> Vie associative Ballade musicaleen pays gaéliqueDe notre court séjour en Irlande,nous gardons en mémoire lechaleureux accueil reçu lors denos visites et soirées.

Outre la découverte profession-nelle, les soirées nous ont per-mis de découvrir l’excellenteambiance régnant dans les pubs,ou tout le monde se retrouvepour discuter, boire une bière, etécouter de bons musiciens.

La musique constitue une partimportante de l’identité de cepays gaélique et celte. Avec uneinspiration folk, rock, ou tradi-tionnelle, l’Irlande produit d’ex-cellents musiciens, certainsconnus comme The Corrs ouU2. En écoutant de la musiquetraditionnelle, vous découvrirezles instruments celtes : le fiddleou violon, le tin wistle ou flûteirlandaise, le bodhrán, un petittambourin qui se joue avec un oset le uillean pipes, la cornemuseirlandaise, un des instrumentsles plus beaux et les plus durs àjouer.

Quelques suggestions à écouter,en buvant éventuellement uneguiness : Sinéad 0’Connor, Mai-re Brennan, De Dannan ou Davyspillann.

De quoi passer de bons mo-ments entres amis avec de bellesdécouvertes.

Christophe Carro,Saint Goueno

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Ferme laitière en bio, avec 75 ha et 35 vaches lai-tières races rustiques, système herbager et autono-mie. Transformation d'une partie du lait en fromagetypés (gruyère, tomme et pâte molle).Étudions toutes propositions, capitaux limités,transmission progressive en CPI ou salariat, projetpour couple possible, Maison indépendante sur pla-ce.Contact Rodolphe : 06 30 35 02 22

A vendre : foin de séchoir en grange 2014, pre-mière et deuxième coupe, bonne proportion deluzerne, certifié Bio. Prix possibles en fonctionde la quantité. Tél : 06 75 69 28 63 ou 06 86 3806 75

Le livre d’André Pochon toujours disponibleau Cedapa : La prairie temporaire à base detrèfle blanc est toujours d’actualité pour gérerles pâtures ! Vous pouvez le commander au Ce-dapa. Prix : 15 €

Les cahiers techniques du Réseau Agricultu-re Durable en vente à 10 €

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Adhérents / étudiants 18 € 27 €Non adhérents / établissements Scolaires 27 € 45 €Soutien, entreprises 39 € 60 €Adhésion Cedapa 50 €

Les motivations des participants étaient diverses. Tous sont reve-nus avec des idées à transposer et des critiques.

Un voyage en Irlande, pourquoi ?

Un voyage est un moment fort pour le Ceda-pa : « il y avait beaucoup de jeunes auvoyage, c’est intéressant de voir la percep-tion qu’ils ont du métier, de l’avenir. » expli-que Alain Huet