le soirvendredi 6 septembre 2013 zoom la fête des ......lonté d’effacer le mot « socialiste »...

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T out au long du week-end, la Citadelle de Namur vivra à l’heure de la Fête des Solidari- tés. Une fête que certains comparent volontiers à la Fête de l’Huma. Sans doute parce que, comme pour la fête du Parti commu- niste français, il y a deux volets : le côté politique et les concerts. Ces samedi et dimanche, cinq débats porteront sur la notion de progressime au 21 e siècle, sur l’égalité homme-femme, sur la finance mondiale, sur la laïcité et sur l’Europe. Du côté des scènes, une belle affiche (www.lafetedessolidarites.be), tant dans le registre de la « world music » (Amadou & Mariam, Souad Massi…) que de la variété (Marc Lavoine, ZAZ, Tryo, Noa Moon, Suarez, Eiffel). Ici (parmi les organisateurs de concerts ou de festivals, type Esperan- zah) ou là (du côté des autres mutuali- tés du Royaume), on s’étonne que les Mutualités socialistes (dont le nouveau nom de Solidaris a déjà cours dans les fédérations de Liège, de Namur et du Hainaut), alors dirigées par l’actuel mi- nistre des Entreprises publiques Jean- Pascal Labille (PS), organisent un évé- nement hors normes, auquel ils ont consacré un budget d’environ 1,3 mil- lion. Directeur marketing de Solidaris- Mutualités socialistes, Martin Wauthy explique la démarche et revendique son originalité et son côté hybride : « Notre société a perdu la culture du dé- bat. Nous souhaitons nous position- ner comme acteur social et poli- tique, que les gens ne réduisent pas notre rôle au rembourse- ment des soins de santé. Nous représentons quatre Wallons sur dix, ce n’est pas rien. La La Fête des Solidarités, happening festif ou politique ? Ce week-end, Solidaris (Mutualités socialistes) organise sa première Fête des Solidarités, avec débats et musique. Une initiative au service de valeurs ? Ou d’un parti ? Une mutuelle qui sort de son périmètre ? L’événement culturel, politique et festif, interpelle. Marc Lavoine chante- ra dimanche. © DOMINIQUE DUCHESNES. culture, et particulièrement la musique, représentent un vecteur de mobilisation important. D’autant que, dans le cas présent, nous avons invité des artistes engagés et donc en phase avec nos va- leurs. Par exemple, Emel Mathlouthi était l’égérie de la révolution tunisienne et soutenait les manifestants. L’idée de cette Fête des Solidarités est donc d’être tout à la fois un lieu de rassemblement des gens mais dans un esprit festif à un moment où l’avenir même des mu- tuelles est en question. » Le secrétaire général Alain Thirion avait déjà expliqué (Le Soir du 24 août) : « C’est un investissement, dont nous avons expliqué les raisons à notre personnel, confronté à des mesures d’économie. » Si, côté socialiste et au grand dam des institutions neutres, on assume totalement l’intégration d’une manifestation de cette nature dans « l’action commune », on rappelle d’ailleurs aussi que la mutation des mutuelles en Solidaris n’a pas pour vo- lonté d’effacer le mot « socialiste » de leur appellation mais de mettre l’accent sur la valeur clé du secteur : la solidari- té. J.-F. Lws 16 Le Soir Vendredi 6 septembre 2013 16 ZOOM 17 Le Soir Vendredi 6 septembre 2013 ZOOM 17 C omment être progressiste au XX e siècle ? C’est le thème du débat d’ouverture de la Fête des Solidarités. La question sonne un peu comme un thème de disserta- tion scolaire. Ou comme une passe d’armes entre candidats po- litiques sur un plateau télé, une avant-veille d’élection. La gauche est-elle ontologiquement progres- siste ? Et inversement ?… Pour asseoir le débat, posons qu’aux XIX e et XX e siècles, l’idée progressiste a davantage été invo- quée et revendiquée par la gauche. Dans une posture posi- tive, mais également en négatif : en critiquant l’immobilisme de la bourgeoisie ou en dénigrant le présent ou le passé. Mais aujour- d’hui ? Défendre bec et ongles certains droits (chèrement) ac- quis, est-ce toujours faire preuve de progressisme ou, comme cer- tains libéraux ne manquent pas de le clamer, de se montrer conserva- teur ? Transmutation des va- leurs ? « Il faut d’abord poser la signifi- cation de “progressisme”, inter- vient le politologue Pierre Vercau- teren, professeur à l’UCL-Mons. Et là, mobiliser l’histoire de la phi- losophie devient intéressant. L’idée de progrès, qui est à la base du progressisme, remonte à la phi- losophie des Lumières. Mais d’em- blée, les philosophes des Lumières n’étaient pas tous d’accord sur le contenu du concept de “progrès”, avec tout ce qu’il impliquait. Ain- si, d’un côté on évoque le progrès à partir de la liberté et de l’autre à partir de l’égalité. Un débat qui a fort marqué la question du rap- port au progrès, est celui qui a op- posé Voltaire et Rousseau. Le pre- mier croyait que l’amélioration passait par le progrès alors que le second se méfiait des changements de la société et prônait plutôt le re- tour à l’état de nature… C’est une différence que l’on peut retrouver dans des débats plus contempo- rains entre le socialisme qui croit au progrès par l’évolution de la technologie, etc., alors que du côté écologiste, on est plutôt “rous- seauiste”, sans pour autant rejeter totalement les innovations… » À la fin du XIX e et au début du XX e siècle, la pierre de touche pouvait être, en gros, l’adhésion au triptyque liberté-égalité-frater- nité, à l’idéal d’émancipation poli- tique, avec en sus, une dimension de progrès social. Un credo assu- mé par la famille socialiste, par certains pans de la famille démo- crate-chrétienne, nettement moins par les partis libéraux et certainement par les partis conservateurs. Mais les choses changent… « Aujourd’hui, en- chaîne le politologue Pascal Del- wit, professeur à l’ULB, non seule- ment on évalue le concept par rap- port à la démocratie parlemen- taire et aux questions socio-économiques mais aussi à l’échelle des questions de société : le rapport à l’école, à la sécurité, etc. Et sur ces thématiques-là, généra- lement, on considère que les partis les plus progressistes sont plutôt les partis verts. » Pour autant, le progrès est-il de tout temps et en tout lieux assimilé à la gauche ? « Certainement pas, répond Pas- cal Delwit. En Angleterre, le grand parti progressiste au XIX e siècle, c’est le parti libéral ; le Parti tra- vailliste ne viendra qu’après. Par ailleurs, certains partis portent l’idée de progrès dans une optique différente. Ainsi, en Suède, le Parti du progrès est le parti d’extrême- droite du système. » Le refus de certaines réformes est-il par ailleurs un symptôme – fut-il refoulé – de conservatisme ? « Toute réforme n’est pas en soi progressiste, tranche Pascal Del- wit. Toucher, vers le haut ou vers le bas, à l’âge de la retraite est-il pro- gressiste ou conservateur ? C’est une appréciation que doivent avoir à la fois les citoyens et les ac- teurs politiques. Mais évidem- ment, dans le jeu sémantique qui accompagne le jeu politique, on va toujours épingler un parti qui re- fusera une réforme comme conser- vateur et un parti qui l’acceptera comme progressiste… alors que tout parti est susceptible de dire non à une réforme. » WILLIAM BOURTON Faut-il être de gauche pour être progressiste ? Progressiste pour être de gauche ? Pascal Delwit (ULB) : « Toute réforme n’est pas en soi progressiste » « Je renvoie dos à dos gauche et droite » Olivier Maingain, président du FDF : « Les FDF se définissent comme des libéraux sociaux. Je considère qu’il y a eu, tant dans l’inspiration du libéralisme politique que du socialisme, des avan- cées de progrès incontestables pour la société. Par contre, je crois qu’aujour- d’hui, il y a dans le libéralisme une dérive vers la négation du rôle de l’État qui est une forme de conservatisme dangereux, comme il y a dans le socia- lisme une dérive vers le tout à l’État et la mainmise sur les rouages qui sont une source d’inefficacité, voire de para- lysie pour l’autorité publique. De ce côté-là, je renvoie donc dos à dos une droite conservatrice très traditionnelle dans son approche du libéralisme de marché et une gauche très figée sur sa conception de la gestion publique. » W. B. FDF © THOMAS BLAIRON. « Le vrai progressisme, c’est la faculté d’adaptation » Maxime Prévot, bourgmestre de Namur et député wallon CDH : « Historiquement, celles et ceux qui se sont fait les défenseurs des ouvriers et des classes moins favorisées ont pu, il faut le leur reconnaître, être à la pointe d’une série d’avancées. Mais aujour- d’hui, je ne pense pas que tous ceux qui se disent de gauche puissent se revendi- quer progressistes. Pas plus que l’in- verse d’ailleurs. Le vrai progressisme aujourd’hui, c’est la faculté d’adapta- tion. C’est avoir la capacité de pouvoir adapter les choses aux positions de la société et ne pas être simplement dans une posture de défense de radicale des droits acquis. C’est même paradoxal, parce que ça génère des contre-effets… Mais le vrai progressisme n’est pas non plus celui que peut revendiquer la droite. De manière générale, je pense d’ailleurs qu’il n’y a pas plus grand conservatisme que ces vieux concepts de gauche et de droite ! W. B. CDH © SYLVAIN PIRAUX « La gauche est souvent dans le conservatisme » Charles Michel, président du MR : « L’histoire et l’actualité récente montrent que ceux qui s’identifient à la gauche, sont souvent dans le conserva- tisme. Regardez la Wallonie : les forces qui se disent de gauche, sont les freins les plus forts pour faire évoluer les intercommunales. Autre exemple, l’évo- lution démographique met en danger les mécanismes de solidarité, notam- ment les retraites. Il faut adapter la manière dont on gère la sécurité so- ciale, mais ce sont les forces de gauche qui souvent s’opposent aux évolutions indispensables. L’alliance des forces progressistes internes au PS et au MR a permis des avancées sur l’avortement, l’euthanasie, l’homosexualité. Mais prenez le parcours d’intégration dont la gauche ne veut pas, alors que c’est une démarche d’adhésion visant le respect de valeurs universelles. C’est par ailleurs une erreur de raisonnement que de considérer que le progrès se mesure au niveau des avantages sociaux. La quali- té et le succès d’une société se jugent surtout au degré d’émancipation des individus. » B.DX. MR © PIERRE-YVES THIENPONT « Il y a confusion entre gauche et socialisme » Georges Gilkinet, député fédéral Ecolo : « Tout est question de définition. Je ne me présente jamais naturellement comme quelqu’un de gauche mais comme progressiste et, cela dit, il est vrai que j’affirme des valeurs que, clas- siquement, l’on considère sans doute comme de gauche. Mais, au contraire du clivage binaire de la France, les choses ne sont pas si simples chez nous. Je me définis comme progressiste en ce sens que je défends une justice sociale et environnementale, que je défends la solidarité, une meilleure répartition des richesses et, c’est mon credo écologiste, le fait de léguer une Terre viable. Le problème, c’est qu’il y a souvent une confusion entre la gauche et le socia- lisme. Je suis membre militant d’Ecolo, je suis progressiste, mais je ne suis pas socialiste. Le PS se dit de gauche mais, contrairement à ce que j’ai parfois l’impression qu’il pense lui-même, il n’a pas le monopole de valeurs comme la redistribution ou la solidarité. Le PS peut être très conservateur sur un ter- rain comme celui de la justice sociale. » J.-F. LWS ECOLO © BELGA. d’avantages vise à quoi ? À attirer un public jeune, actif et en bonne santé parce qu’ils représentent de ‘bons risques’. Les personnes âgées, les malades chroniques, ce- la intéresse moins les mutuelles : 60 % des soins de santé sont concentrés sur 5 % de la popula- tion. Il y a effectivement une concurrence sur le terrain visant les jeunes familles avec des en- fants par exemple. C’est une spi- rale : si une mutualité perd des affiliés qui représentent des ‘bons risques’, l’équilibre de la solidari- té est en danger car la solidarité, c’est justement la cohabitation de bons et de moins bons risques, des mauvais risques, des gens qui ont F aire chanter Marc Lavoine au Théâtre de verdure de la Ci- tadelle de Namur fait-il partie de la « mission » des mutuelles ? Martin Wauthy, directeur marke- ting de Solidaris-Mutualités so- cialistes, inscrit l’opération dans l’évolution du secteur : « En 2010, suite à la crise qui a poussé le gouvernement à venir aussi chercher l’argent dans les caisses des mutuelles, nous nous sommes demandés quel était notre avenir à 5, 10 ans. On peut craindre qu’à terme l’Europe souhaite que l’on se dirige vers une privatisation d’un secteur qui ne serait plus alors soumis qu’à la loi de l’offre et de la demande. Nous voulons devenir un acteur social et poli- tique mais aussi une entreprise full service, d’où les gens res- sortent avec une solution. Nous devons travailler sur la visibilité de notre offre et la développer. Ici, on rassemble les gens autour de débats et de messages mais dans un esprit festif. » Dire que l’initiative socialiste enthousiasme les concurrents de Solidaris serait mentir. « Il me paraît plus important de garan- tir le remboursement à 100 % des transports en ambulance en ur- gence – remboursés pour moitié seulement par l’assurance mala- die obligatoire – que d’organiser des concerts, glisse Jean Her- messe, secrétaire général de la Mutualité chrétienne (la pre- mière du pays avec 4 millions d’affiliés, devant la socialiste). De manière générale, nous appelons de nos vœux que l’Office de contrôle des mutualités cadre les avantages et les services proposés par les mutuelles pour que cela reste en lien direct avec les soins de santé et la santé. Certaines autres mutuelles ont développé des cartes avantage qui donnent des ristournes dans certains ma- gasins. C’est limite. Ce type les moyens et d’autres qui n’en ont pas. Si on cible ce public, on force les autres à réagir. Les primes de naissance, celles pour une ins- cription à un club sportif, que nous pratiquons aussi, en sont le plus bel exemple. Ces moyens pourraient être affectés à d’autres priorités. » Du côté des Mutualités libres (1 million d’affiliés à 7 mutuelles), le secrétaire général Xavier Brenez admet qu’il existe une concur- rence : « Toutes les mutuelles font de la publicité mais, chaque an- née, seulement 1 % de la popula- tion change de mutuelle. Il y a toutefois une évolution, chez les jeunes qui comparent de plus en plus les différentes offres. C’est à chacun de se fixer des règles : cela doit être raisonnable en termes de budget, ne pas venir de fonds pu- blics et doit être centré sur les rôles de la mutuelle. Dans le cas de Solidaris, on peut se demander si cette mutuelle est dans son péri- mètre. Une initiative en rapport avec le sport, je peux comprendre. Mais un spectacle moins. D’ailleurs des organisateurs de festivals s’en sont émus. » Apolitiques, les Mutualités libres estiment surtout qu’on « utilise les fonds de la mutualité pour promouvoir le mouvement socialiste. On dépasse une limite. Dans quelques mois, les agences de Solidaris seront placardées d’affiches électorales du PS. Il y a des tribunes politiques dans les journaux des mutuelles. C’est malsain, ces réseaux sont par- tout. Il y a dans ces mutuelles une série de dépenses qui peuvent pro- fiter à d’autres intérêts. Ces mu- tuelles sont toujours à la fois du côté du pouvoir subsidiant et du pouvoir subsidié, regardez La- bille ou les membres de certains cabinets socialistes. Mais je crains que cela ne change jamais. C’est dépassé, nous le pensons tous, mais dans les faits l’action commune se renforce. Il y a plein de conflits d’intérêts et cela bloque tout dans le domaine de la san- té. » En 2010, le député MR Daniel Bacquelaine avait déposé une proposition de loi, pas encore examinée à l’heure qu’il est, vi- sant « à étendre aux mutualités les règles relatives à certaines in- terdictions de propagande appli- cables aux partis politiques en période électorale. » Médecin, professeur à l’Univer- sité de Gand et président du Fo- rum européen des soins pri- maires, Jan De Maeseneer va plus loin et estime qu’il faut remettre en question jusqu’à l’existence même du modèle actuel. : « Quel est le rôle des mutualités dans notre société en 2013 ?, interroge- t-il. Les mutuelles combinent plu- sieurs rôles : l’assurance obliga- toire, l’assurance complémen- taire, les commissions paritaires diverses qui leur permettent de gérer le système de santé, les ser- vices (infirmières, polycliniques etc). Les mutuelles sont donc à la fois du côté de l’offre et du côté de la demande. Le lien philoso- phique ou politique entre mu- tuelles et partis n’a plus de raison d’être. Une infirmière de la mu- tuelle chrétienne fait aussi bien son travail que celle de la mutua- lité socialiste. Cela a eu un sens dans le passé quand on construi- sait le système. Une piste peut être de travailler comme en Australie ou en Grande-Bretagne : on orga- nise les soins de santé au niveau des bassins de population régio- naux, par exemple une mutuelle pluraliste par 150.000 habitants dont on utilise l’expertise et le rôle de négociateur entre l’offre et la demande. » JEAN-FRANÇOIS LAUWENS Solidaris se veut « acteur social et politique ». La concurrence s’insurge Les Mutualités socialistes ont changé de nom mais ne renient nullement leur lien avec le Parti socialiste. © DOMINIQUE DUCHESNES. « Il y a plein de conflits d’intérêts entre partis et mutuelles et cela bloque le secteur » Q uand les élections approchent, PS, Mutualités socialistes et FGTB, qui opèrent dans des domaines distincts, et dont les intérêts et les ob- jectifs ne sont pas toujours convergents (en particulier, l’organisation syndicale est jalouse de sa liberté d’action, et les conflits avec le PS ne sont pas rares), quand les élections approchent donc, les trois serrent les rangs. C’est ce que l’on appelle, historiquement, l’« Action commune ». A l’œuvre cette fois encore, à neuf mois du scrutin. C’est ce dont témoigne l’imbrication, ces vendredi et samedi à Namur, entre, d’une part, les Rencontres d’été, mar- quant la rentrée politique du PS, et, de l’autre, le Festival des solidarités, orga- nisé par les Mutualités. Au boulevard de l’Empereur, siège du PS, on ex- plique : « Tout cela s’est décidé au début de l’année. Les Mutualités avaient pro- jeté leur opération à Namur, et nous avons dès lors sauté sur l’occasion : pourquoi ne pas organiser nos Ren- contres d’été à Namur au même mo- ment, ce qui facilitait les choses en termes d’organisation, et permettrait aux militants, à tous ceux que ça pou- vait intéresser, de participer à la fois à la rentrée politique du PS et, par ailleurs, aux débats, et concerts, prévus par Solidaris dans le cadre de son Festi- val des solidarités. Les responsables du parti et de Solidaris ont eu des contacts, comme ils en ont tout le temps dans le cadre de l’Action commune, et on a mis en route tout cela assez naturelle- ment »… Chez Solidaris, on réfute pourtant ca- tégoriquement toute volonté de rame- ner le peuple de gauche dans le giron du PS. Alain Thirion, secrétaire général faisant fonction insiste : « l’événement découle tout droit du projet d’entreprise élaboré voici deux » (par Jean-Pascal Labille, à l’époque patron de la mu- tuelle). « Nous avons décidé d’être un acteur social et politique engagé. Nous représentons trois millions de ci- toyens. » D’ailleurs, insiste encore le pa- tron intérimaire, « la fête aurait dû avoir lieu au printemps » (sous-enten- du : et non à la veille de la campagne électorale). Quant à la présence du PS... « C’est le parti qui nous a sollicité pour organiser ses Rencontres d’été. » Trans- formant définitivement l’événement en raout socialiste ? « Pas du tout, ironise Alain Thirion. Nous n’avons pas eu de demande du MR d’organiser ses Esti- vales à la Citadelle de Namur. » Opportunité ou... stratégie ? Au quar- tier général du PS, on botte en touche : « Ce n’est pas si simple. On aurait fait ça de toute façon, qu’il y ait des élec- tions ou non. On n’a pas décidé cela parce qu’il y avait mai 2014. » Off the record, les socialistes assument cepen- dant plus aisément le caractère straté- gique de l’opération. Un responsable wallon est assez explicite : « C’est un se- cret de Polichinelle. Avant, avec Jean- Pascal Labille à leur tête, les Mutualités ont soutenu le PS quand il le fallait, parfois dans des périodes de campagne difficiles. Qui peut nier que l’on est en- tré maintenant dans une phase de pré- campagne ? Dès lors, l’entraide se met en place doucement. On soigne la ren- trée des progressistes, avec des débats ouverts, et, en toile de fond, l’idée que ça peut conforter la gauche, mais aussi participer d’une dynamique positive autour du PS. Quoi de plus normal ? » Imbrication, disait-on. Concrètement, vendredi, le PS occupera – en location – les locaux du centre de formation des Mutualités dans le centre de Namur, où se tiendront une série d’« ateliers-dé- bats » dans le cadre de l‘opération « Ci- toyen engagé ». Samedi, Elio Di Rupo, Harlem Desir (en invité d’honneur) et Paul Magnette clôtureront les Ren- contres d’été, cette fois sur le site de la Citadelle, là où a lieu, dans la foulée, le Festival des solidarités. Pour accueillir les participants aux Rencontres d’été, le PS loue le « Magic Mirror », un chapi- teau en bois voué ensuite aux festivités mutuellistes. En outre, le PS a acheté quelques centaines de places (à 25 eu- ros l’unité) donnant accès au Festival des solidarités, destinées à ses mili- tants, aux sympathisants, et, par ailleurs, prendra part au festival sous la forme d’un stand, aux côtés de ceux oc- cupés par diverses associations. Le PS y va-t-il de son coup de pouce financier ? Alain Thirion joue cartes sur table. « Le budget total est de 1,3 million ; 400.000 viennent des sponsors, 600.000 des droits d’entrée et locations payées par les associations, 300.000 euros de Solidaris. Là dedans, le PS paie 30.000 euros. » Mais amène sa co- horte de militants sur le site ! En fait d’« Action commune », la « grande famille socialiste », structurée traditionnellement (réunions régulières, participation des présidents de la FGTB et de la Mutualité au bureau hebdoma- daire du PS, le lundi) se mobilise gra- duellement en vue de 2014. En l’occur- rence, par-delà les débats et forums des Rencontres d’été du Festival des solida- rités, tout cela a un air de précam- pagne. Les défections annoncées de Be- noît Lutgen et Emily Hoyos (remplacés par Benoît Drèze et Georges Gilkinet) sont à replacer dans cette perspective. Quant à Charles Michel, il n’a... jamais été convié au débat des présidents. « Ce sont les aléas de la programmation », rétorque Alain Thirion alors qu’en cou- lisses, on avoue : « pas question d’invi- ter le MR ». A neuf mois des élections, chacun reste ouvert au dialogue, à la confrontation d’idées mais veille « à ne pas faire le jeu » de l’adversaire. Une frontière difficile à cerner, parfois. D.Ci et V.La PS et Mutuelle : débats, rentrée politique, et stratégie commune avant 2014 « On soigne la rentrée des progressistes, avec des débats, et l’idée que ça peut conforter la gauche, et créer une dynamique autour du PS » « L’idée de cette Fête des Solida- rités est d’être tout à la fois un lieu de rassemblement des gens mais dans un esprit festif » « Conservateurs, nous ? Pensez à Jaurès… » Paul Magnette, président du PS : « Le mouvement socialiste fondateur, de Jaurès, il y a plus de cent ans, avait un caractère conservateur : il fallait s’oppo- ser, parfois durement, à un capitalisme destructeur de la vie sociale, de la nature, des rythmes humains. Il y avait une forme de conservatisme à vouloir préser- ver la vie, à freiner, maîtriser des évolu- tions imposées par le capitalisme. Alors, plus d’un siècle plus tard, il s’agit toujours de conserver ce qu’il y a de bon, évidem- ment. C’est cela aussi la gauche. Pensez par exemple à l’indexation, chez nous. Mais nous faire ce genre de procès dans la foulée : “‘Les socialistes sont des conservateurs, ils refusent les réformes’”, là, quoi de plus faux ! Taxation du capital, impôt sur les grosses fortunes, lutte contre la fraude fiscale, taxation des plus-values, entre autres projets pour l’avenir : où sont les conservateurs ? Les socialistes sont là des progressistes. J’ajoute : a-t-on refusé de discuter de réformes ‘difficiles’, comme les pensions par exemple ? Nous avons pris la problé- matique à bras-le-corps, cherché les solutions. On s’engage à chaque fois. » D. CI PS © P.-Y. THIENPONT ) )G

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Tout au long du week-end, laCitadelle de Namur vivra àl’heure de la Fête des Solidari-tés. Une fête que certainscomparent volontiers à la Fête

de l’Huma. Sans doute parce que,comme pour la fête du Parti commu-niste français, il y a deux volets : le côtépolitique et les concerts. Ces samedi etdimanche, cinq débats porteront sur lanotion de progressime au 21e siècle, surl’égalité homme-femme, sur la financemondiale, sur la laïcité et sur l’Europe.Du côté des scènes, une belle affiche(www.lafetedessolidarites.be), tantdans le registre de la « world music »(Amadou & Mariam, Souad Massi…)que de la variété (Marc Lavoine, ZAZ,Tryo, Noa Moon, Suarez, Eiffel).

Ici (parmi les organisateurs deconcerts ou de festivals, type Esperan-zah) ou là (du côté des autres mutuali-tés du Royaume), on s’étonne que lesMutualités socialistes (dont le nouveaunom de Solidaris a déjà cours dans lesfédérations de Liège, de Namur et duHainaut), alors dirigées par l’actuel mi-nistre des Entreprises publiques Jean-Pascal Labille (PS), organisent un évé-nement hors normes, auquel ils ontconsacré un budget d’environ 1,3 mil-lion.

Directeur marketing de Solidaris-Mutualités socialistes, Martin Wauthyexplique la démarche et revendiqueson originalité et son côté hybride :« Notre société a perdu la culture du dé-bat. Nous souhaitons nous position-ner comme acteur social et poli-tique, que les gens ne réduisentpas notre rôle au rembourse-ment des soins de santé. Nousreprésentons quatre Wallonssur dix, ce n’est pas rien. La

La Fête des Solidarités, happening festif ou politique ?Ce week-end, Solidaris (Mutualitéssocialistes) organise sa premièreFête des Solidarités, avec débats etmusique. Une initiative au servicede valeurs ? Ou d’un parti ? Unemutuelle qui sort de son périmètre ?L’événement culturel, politique etfestif, interpelle.

Marc Lavoine chante-ra dimanche.© DOMINIQUE DUCHESNES.

culture, et particulièrement la musique,représentent un vecteur de mobilisationimportant. D’autant que, dans le casprésent, nous avons invité des artistesengagés et donc en phase avec nos va-leurs. Par exemple, Emel Mathlouthiétait l’égérie de la révolution tunisienneet soutenait les manifestants. L’idée decette Fête des Solidarités est donc d’êtretout à la fois un lieu de rassemblementdes gens mais dans un esprit festif à unmoment où l’avenir même des mu-tuelles est en question. »

Le secrétaire général Alain Thirion

avait déjà expliqué (Le Soir du 24août) : « C’est un investissement, dontnous avons expliqué les raisons à notrepersonnel, confronté à des mesuresd’économie. » Si, côté socialiste et augrand dam des institutions neutres, onassume totalement l’intégration d’unemanifestation de cette nature dans« l’action commune », on rappelled’ailleurs aussi que la mutation desmutuelles en Solidaris n’a pas pour vo-lonté d’effacer le mot « socialiste » deleur appellation mais de mettre l’accentsur la valeur clé du secteur : la solidari-té. ■

J.-F. Lws

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Le Soir Vendredi 6 septembre 2013

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C omment être progressiste auXXe siècle ? C’est le thème du

débat d’ouverture de la Fête desSolidarités. La question sonne unpeu comme un thème de disserta-tion scolaire. Ou comme unepasse d’armes entre candidats po-litiques sur un plateau télé, uneavant-veille d’élection. La gaucheest-elle ontologiquement progres-siste ? Et inversement ?…

Pour asseoir le débat, posonsqu’aux XIXe et XXe siècles, l’idéeprogressiste a davantage été invo-quée et revendiquée par lagauche. Dans une posture posi-tive, mais également en négatif :en critiquant l’immobilisme de labourgeoisie ou en dénigrant leprésent ou le passé. Mais aujour-d’hui ? Défendre bec et onglescertains droits (chèrement) ac-quis, est-ce toujours faire preuvede progressisme ou, comme cer-tains libéraux ne manquent pas dele clamer, de se montrer conserva-teur ? Transmutation des va-leurs ?

« Il faut d’abord poser la signifi-cation de “progressisme”, inter-vient le politologue Pierre Vercau-teren, professeur à l’UCL-Mons.Et là, mobiliser l’histoire de la phi-losophie devient intéressant.L’idée de progrès, qui est à la basedu progressisme, remonte à la phi-losophie des Lumières. Mais d’em-blée, les philosophes des Lumièresn’étaient pas tous d’accord sur lecontenu du concept de “progrès”,avec tout ce qu’il impliquait. Ain-

si, d’un côté on évoque le progrès àpartir de la liberté et de l’autre àpartir de l’égalité. Un débat qui afort marqué la question du rap-port au progrès, est celui qui a op-posé Voltaire et Rousseau. Le pre-mier croyait que l’améliorationpassait par le progrès alors que lesecond se méfiait des changementsde la société et prônait plutôt le re-tour à l’état de nature… C’est unedifférence que l’on peut retrouverdans des débats plus contempo-rains entre le socialisme qui croitau progrès par l’évolution de latechnologie, etc., alors que du côtéécologiste, on est plutôt “rous-seauiste”, sans pour autant rejetertotalement les innovations… »

À la fin du XIXe et au début duXXe siècle, la pierre de touchepouvait être, en gros, l’adhésionau triptyque liberté-égalité-frater-

nité, à l’idéal d’émancipation poli-tique, avec en sus, une dimensionde progrès social. Un credo assu-mé par la famille socialiste, parcertains pans de la famille démo-crate-chrétienne, nettementmoins par les partis libéraux etcertainement par les partisconservateurs. Mais les choseschangent… « Aujourd’hui, en-chaîne le politologue Pascal Del-wit, professeur à l’ULB, non seule-ment on évalue le concept par rap-

port à la démocratie parlemen-taire et aux questionssocio-économiques mais aussi àl’échelle des questions de société : lerapport à l’école, à la sécurité, etc.Et sur ces thématiques-là, généra-lement, on considère que les partisles plus progressistes sont plutôtles partis verts. » Pour autant, leprogrès est-il de tout temps et entout lieux assimilé à la gauche ?« Certainement pas, répond Pas-cal Delwit. En Angleterre, le grandparti progressiste au XIXe siècle,c’est le parti libéral ; le Parti tra-vailliste ne viendra qu’après. Parailleurs, certains partis portentl’idée de progrès dans une optiquedifférente. Ainsi, en Suède, le Partidu progrès est le parti d’extrême-droite du système. »

Le refus de certaines réformesest-il par ailleurs un symptôme –fut-il refoulé – de conservatisme ?« Toute réforme n’est pas en soiprogressiste, tranche Pascal Del-wit. Toucher, vers le haut ou vers lebas, à l’âge de la retraite est-il pro-gressiste ou conservateur ? C’estune appréciation que doiventavoir à la fois les citoyens et les ac-teurs politiques. Mais évidem-ment, dans le jeu sémantique quiaccompagne le jeu politique, on vatoujours épingler un parti qui re-fusera une réforme comme conser-vateur et un parti qui l’accepteracomme progressiste… alors quetout parti est susceptible de direnon à une réforme. » ■

WILLIAM BOURTON

Faut-il être de gauche pour être progressiste ? Progressiste pour être de gauche ?

Pascal Delwit (ULB) :« Toute réforme n’est pasen soi progressiste »

« Je renvoie dos à dosgauche et droite »Olivier Maingain, président du FDF :« Les FDF se définissent comme deslibéraux sociaux. Je considère qu’il y aeu, tant dans l’inspiration du libéralismepolitique que du socialisme, des avan-cées de progrès incontestables pour lasociété. Par contre, je crois qu’aujour-d’hui, il y a dans le libéralisme unedérive vers la négation du rôle de l’Étatqui est une forme de conservatismedangereux, comme il y a dans le socia-lisme une dérive vers le tout à l’État etla mainmise sur les rouages qui sontune source d’inefficacité, voire de para-lysie pour l’autorité publique. De cecôté-là, je renvoie donc dos à dos unedroite conservatrice très traditionnelledans son approche du libéralisme demarché et une gauche très figée sur saconception de la gestion publique. »

W. B.

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« Le vrai progressisme,c’est la faculté d’adaptation »Maxime Prévot, bourgmestre deNamur et député wallon CDH : « Historiquement, celles et ceux qui sesont fait les défenseurs des ouvriers etdes classes moins favorisées ont pu, ilfaut le leur reconnaître, être à la pointed’une série d’avancées. Mais aujour-d’hui, je ne pense pas que tous ceux quise disent de gauche puissent se revendi-quer progressistes. Pas plus que l’in-verse d’ailleurs. Le vrai progressismeaujourd’hui, c’est la faculté d’adapta-tion. C’est avoir la capacité de pouvoiradapter les choses aux positions de lasociété et ne pas être simplement dansune posture de défense de radicale desdroits acquis. C’est même paradoxal,parce que ça génère des contre-effets…Mais le vrai progressisme n’est pas nonplus celui que peut revendiquer ladroite. De manière générale, je pensed’ailleurs qu’il n’y a pas plus grandconservatisme que ces vieux conceptsde gauche et de droite !

W. B.

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« La gauche est souvent dans le conservatisme »Charles Michel, président du MR :« L’histoire et l’actualité récentemontrent que ceux qui s’identifient à lagauche, sont souvent dans le conserva-tisme. Regardez la Wallonie : les forcesqui se disent de gauche, sont les freinsles plus forts pour faire évoluer lesintercommunales. Autre exemple, l’évo-lution démographique met en dangerles mécanismes de solidarité, notam-ment les retraites. Il faut adapter lamanière dont on gère la sécurité so-ciale, mais ce sont les forces de gauchequi souvent s’opposent aux évolutionsindispensables. L’alliance des forcesprogressistes internes au PS et au MR apermis des avancées sur l’avortement,l’euthanasie, l’homosexualité. Maisprenez le parcours d’intégration dont lagauche ne veut pas, alors que c’est unedémarche d’adhésion visant le respectde valeurs universelles. C’est par ailleursune erreur de raisonnement que deconsidérer que le progrès se mesure auniveau des avantages sociaux. La quali-té et le succès d’une société se jugentsurtout au degré d’émancipation desindividus. »

B.DX.

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« Il y a confusionentre gauche et socialisme »Georges Gilkinet, député fédéralEcolo : « Tout est question de définition.Je ne me présente jamais naturellementcomme quelqu’un de gauche maiscomme progressiste et, cela dit, il estvrai que j’affirme des valeurs que, clas-siquement, l’on considère sans doutecomme de gauche. Mais, au contrairedu clivage binaire de la France, leschoses ne sont pas si simples chez nous.Je me définis comme progressiste en cesens que je défends une justice socialeet environnementale, que je défends lasolidarité, une meilleure répartition desrichesses et, c’est mon credo écologiste,le fait de léguer une Terre viable. Leproblème, c’est qu’il y a souvent uneconfusion entre la gauche et le socia-lisme. Je suis membre militant d’Ecolo,je suis progressiste, mais je ne suis passocialiste. Le PS se dit de gauche mais,contrairement à ce que j’ai parfoisl’impression qu’il pense lui-même, il n’apas le monopole de valeurs comme laredistribution ou la solidarité. Le PSpeut être très conservateur sur un ter-rain comme celui de la justice sociale. »

J.-F. LWS

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d’avantages vise à quoi ? À attirerun public jeune, actif et en bonnesanté parce qu’ils représentent de‘bons risques’. Les personnesâgées, les malades chroniques, ce-la intéresse moins les mutuelles :60 % des soins de santé sontconcentrés sur 5 % de la popula-tion. Il y a effectivement uneconcurrence sur le terrain visantles jeunes familles avec des en-fants par exemple. C’est une spi-rale : si une mutualité perd desaffiliés qui représentent des ‘bonsrisques’, l’équilibre de la solidari-té est en danger car la solidarité,c’est justement la cohabitation debons et de moins bons risques, desmauvais risques, des gens qui ont

F aire chanter Marc Lavoine auThéâtre de verdure de la Ci-

tadelle de Namur fait-il partie dela « mission » des mutuelles ?Martin Wauthy, directeur marke-ting de Solidaris-Mutualités so-cialistes, inscrit l’opération dansl’évolution du secteur : « En2010, suite à la crise qui a pousséle gouvernement à venir aussichercher l’argent dans les caissesdes mutuelles, nous nous sommesdemandés quel était notre avenirà 5, 10 ans. On peut craindre qu’àterme l’Europe souhaite que l’onse dirige vers une privatisationd’un secteur qui ne serait plusalors soumis qu’à la loi de l’offreet de la demande. Nous voulonsdevenir un acteur social et poli-tique mais aussi une entreprisefull service, d’où les gens res-sortent avec une solution. Nousdevons travailler sur la visibilitéde notre offre et la développer. Ici,on rassemble les gens autour dedébats et de messages mais dansun esprit festif. »

Dire que l’initiative socialisteenthousiasme les concurrents deSolidaris serait mentir. « Il meparaît plus important de garan-tir le remboursement à 100 % destransports en ambulance en ur-gence – remboursés pour moitiéseulement par l’assurance mala-die obligatoire – que d’organiserdes concerts, glisse Jean Her-messe, secrétaire général de laMutualité chrétienne (la pre-mière du pays avec 4 millionsd’affiliés, devant la socialiste). Demanière générale, nous appelonsde nos vœux que l’Office decontrôle des mutualités cadre lesavantages et les services proposéspar les mutuelles pour que celareste en lien direct avec les soinsde santé et la santé. Certainesautres mutuelles ont développédes cartes avantage qui donnentdes ristournes dans certains ma-gasins. C’est limite. Ce type

les moyens et d’autres qui n’en ontpas. Si on cible ce public, on forceles autres à réagir. Les primes denaissance, celles pour une ins-cription à un club sportif, quenous pratiquons aussi, en sont leplus bel exemple. Ces moyenspourraient être affectés à d’autrespriorités. »

Du côté des Mutualités libres (1million d’affiliés à 7 mutuelles), lesecrétaire général Xavier Brenezadmet qu’il existe une concur-rence : « Toutes les mutuelles fontde la publicité mais, chaque an-née, seulement 1 % de la popula-tion change de mutuelle. Il y atoutefois une évolution, chez lesjeunes qui comparent de plus en

plus les différentes offres. C’est àchacun de se fixer des règles : celadoit être raisonnable en termes debudget, ne pas venir de fonds pu-blics et doit être centré sur lesrôles de la mutuelle. Dans le casde Solidaris, on peut se demandersi cette mutuelle est dans son péri-mètre. Une initiative en rapportavec le sport, je peux comprendre.Mais un spectacle moins.D’ailleurs des organisateurs defestivals s’en sont émus. »

Apolitiques, les Mutualitéslibres estiment surtout qu’on« utilise les fonds de la mutualitépour promouvoir le mouvementsocialiste. On dépasse une limite.Dans quelques mois, les agences

de Solidaris seront placardéesd’affiches électorales du PS. Il y ades tribunes politiques dans lesjournaux des mutuelles. C’estmalsain, ces réseaux sont par-tout. Il y a dans ces mutuelles unesérie de dépenses qui peuvent pro-fiter à d’autres intérêts. Ces mu-tuelles sont toujours à la fois ducôté du pouvoir subsidiant et dupouvoir subsidié, regardez La-bille ou les membres de certainscabinets socialistes. Mais jecrains que cela ne change jamais.C’est dépassé, nous le pensonstous, mais dans les faits l’actioncommune se renforce. Il y a pleinde conflits d’intérêts et cela bloquetout dans le domaine de la san-

té. »En 2010, le député MR Daniel

Bacquelaine avait déposé uneproposition de loi, pas encoreexaminée à l’heure qu’il est, vi-sant « à étendre aux mutualitésles règles relatives à certaines in-terdictions de propagande appli-cables aux partis politiques enpériode électorale. »

Médecin, professeur à l’Univer-sité de Gand et président du Fo-

rum européen des soins pri-maires, Jan De Maeseneer va plusloin et estime qu’il faut remettreen question jusqu’à l’existencemême du modèle actuel. : « Quelest le rôle des mutualités dansnotre société en 2013 ?, interroge-t-il. Les mutuelles combinent plu-sieurs rôles : l’assurance obliga-toire, l’assurance complémen-taire, les commissions paritairesdiverses qui leur permettent degérer le système de santé, les ser-vices (infirmières, polycliniquesetc). Les mutuelles sont donc à lafois du côté de l’offre et du côté dela demande. Le lien philoso-phique ou politique entre mu-tuelles et partis n’a plus de raisond’être. Une infirmière de la mu-tuelle chrétienne fait aussi bienson travail que celle de la mutua-lité socialiste. Cela a eu un sensdans le passé quand on construi-sait le système. Une piste peut êtrede travailler comme en Australieou en Grande-Bretagne : on orga-nise les soins de santé au niveaudes bassins de population régio-naux, par exemple une mutuellepluraliste par 150.000 habitantsdont on utilise l’expertise et le rôlede négociateur entre l’offre et lademande. » ■

JEAN-FRANÇOIS LAUWENS

Solidaris se veut « acteur social et politique ». La concurrence s’insurge

Les Mutualités socialistes ont changé de nom mais ne renient nullement leur lien avec le Parti socialiste. © DOMINIQUE DUCHESNES.

« Il y a plein de conflitsd’intérêts entre partis etmutuelles et cela bloque lesecteur »

Q uand les élections approchent, PS,Mutualités socialistes et FGTB,qui opèrent dans des domaines

distincts, et dont les intérêts et les ob-jectifs ne sont pas toujours convergents(en particulier, l’organisation syndicaleest jalouse de sa liberté d’action, et lesconflits avec le PS ne sont pas rares),quand les élections approchent donc,les trois serrent les rangs. C’est ce quel’on appelle, historiquement, l’« Actioncommune ». A l’œuvre cette fois encore,à neuf mois du scrutin.

C’est ce dont témoigne l’imbrication,ces vendredi et samedi à Namur, entre,d’une part, les Rencontres d’été, mar-quant la rentrée politique du PS, et, del’autre, le Festival des solidarités, orga-nisé par les Mutualités. Au boulevardde l’Empereur, siège du PS, on ex-plique : « Tout cela s’est décidé au débutde l’année. Les Mutualités avaient pro-jeté leur opération à Namur, et nousavons dès lors sauté sur l’occasion :pourquoi ne pas organiser nos Ren-contres d’été à Namur au même mo-ment, ce qui facilitait les choses entermes d’organisation, et permettraitaux militants, à tous ceux que ça pou-vait intéresser, de participer à la fois àla rentrée politique du PS et, parailleurs, aux débats, et concerts, prévuspar Solidaris dans le cadre de son Festi-val des solidarités. Les responsables duparti et de Solidaris ont eu des contacts,comme ils en ont tout le temps dans lecadre de l’Action commune, et on a misen route tout cela assez naturelle-ment »…

Chez Solidaris, on réfute pourtant ca-tégoriquement toute volonté de rame-ner le peuple de gauche dans le girondu PS. Alain Thirion, secrétaire généralfaisant fonction insiste : « l’événementdécoule tout droit du projet d’entrepriseélaboré voici deux » (par Jean-PascalLabille, à l’époque patron de la mu-tuelle). « Nous avons décidé d’être unacteur social et politique engagé. Nousreprésentons trois millions de ci-

toyens. » D’ailleurs, insiste encore le pa-tron intérimaire, « la fête aurait dûavoir lieu au printemps » (sous-enten-du : et non à la veille de la campagneélectorale). Quant à la présence du PS...« C’est le parti qui nous a sollicité pourorganiser ses Rencontres d’été. » Trans-formant définitivement l’événement enraout socialiste ? « Pas du tout, ironiseAlain Thirion. Nous n’avons pas eu dedemande du MR d’organiser ses Esti-vales à la Citadelle de Namur. »

Opportunité ou... stratégie ? Au quar-tier général du PS, on botte en touche :« Ce n’est pas si simple. On aurait faitça de toute façon, qu’il y ait des élec-tions ou non. On n’a pas décidé celaparce qu’il y avait mai 2014. » Off therecord, les socialistes assument cepen-dant plus aisément le caractère straté-gique de l’opération. Un responsablewallon est assez explicite : « C’est un se-cret de Polichinelle. Avant, avec Jean-Pascal Labille à leur tête, les Mutualitésont soutenu le PS quand il le fallait,parfois dans des périodes de campagne

difficiles. Qui peut nier que l’on est en-tré maintenant dans une phase de pré-campagne ? Dès lors, l’entraide se meten place doucement. On soigne la ren-trée des progressistes, avec des débatsouverts, et, en toile de fond, l’idée que çapeut conforter la gauche, mais aussiparticiper d’une dynamique positiveautour du PS. Quoi de plus normal ? »

Imbrication, disait-on. Concrètement,vendredi, le PS occupera – en location –les locaux du centre de formation desMutualités dans le centre de Namur, oùse tiendront une série d’« ateliers-dé-bats » dans le cadre de l‘opération « Ci-toyen engagé ». Samedi, Elio Di Rupo,Harlem Desir (en invité d’honneur) etPaul Magnette clôtureront les Ren-contres d’été, cette fois sur le site de laCitadelle, là où a lieu, dans la foulée, le

Festival des solidarités. Pour accueillirles participants aux Rencontres d’été, lePS loue le « Magic Mirror », un chapi-teau en bois voué ensuite aux festivitésmutuellistes. En outre, le PS a achetéquelques centaines de places (à 25 eu-ros l’unité) donnant accès au Festivaldes solidarités, destinées à ses mili-tants, aux sympathisants, et, parailleurs, prendra part au festival sous laforme d’un stand, aux côtés de ceux oc-cupés par diverses associations. Le PS yva-t-il de son coup de pouce financier ?Alain Thirion joue cartes sur table. « Lebudget total est de 1,3 million ;400.000 viennent des sponsors,600.000 des droits d’entrée et locationspayées par les associations, 300.000euros de Solidaris. Là dedans, le PSpaie 30.000 euros. » Mais amène sa co-horte de militants sur le site !

En fait d’« Action commune », la« grande famille socialiste », structuréetraditionnellement (réunions régulières,participation des présidents de la FGTBet de la Mutualité au bureau hebdoma-

daire du PS, le lundi) se mobilise gra-duellement en vue de 2014. En l’occur-rence, par-delà les débats et forums desRencontres d’été du Festival des solida-rités, tout cela a un air de précam-pagne. Les défections annoncées de Be-noît Lutgen et Emily Hoyos (remplacéspar Benoît Drèze et Georges Gilkinet)sont à replacer dans cette perspective.Quant à Charles Michel, il n’a... jamaisété convié au débat des présidents. « Cesont les aléas de la programmation »,rétorque Alain Thirion alors qu’en cou-lisses, on avoue : « pas question d’invi-ter le MR ». A neuf mois des élections,chacun reste ouvert au dialogue, à laconfrontation d’idées mais veille « à nepas faire le jeu » de l’adversaire. Unefrontière difficile à cerner, parfois. ■

D.Ci et V.La

PS et Mutuelle : débats, rentrée politique,et stratégie commune avant 2014

« On soigne la rentrée des progressistes, avec des débats, et l’idée queça peut conforter la gauche, et créer une dynamique autour du PS »

« L’idée de cette Fête des Solida-rités est d’être tout à la fois unlieu de rassemblement des gensmais dans un esprit festif »

« Conservateurs, nous ?Pensez à Jaurès… »Paul Magnette, président du PS : « Le mouvement socialiste fondateur, deJaurès, il y a plus de cent ans, avait uncaractère conservateur : il fallait s’oppo-ser, parfois durement, à un capitalismedestructeur de la vie sociale, de la nature,des rythmes humains. Il y avait uneforme de conservatisme à vouloir préser-ver la vie, à freiner, maîtriser des évolu-tions imposées par le capitalisme. Alors,plus d’un siècle plus tard, il s’agit toujoursde conserver ce qu’il y a de bon, évidem-ment. C’est cela aussi la gauche. Pensezpar exemple à l’indexation, chez nous.Mais nous faire ce genre de procès dansla foulée : “‘Les socialistes sont desconservateurs, ils refusent les réformes’”,là, quoi de plus faux ! Taxation du capital,impôt sur les grosses fortunes, luttecontre la fraude fiscale, taxation desplus-values, entre autres projets pourl’avenir : où sont les conservateurs ? Lessocialistes sont là des progressistes.J’ajoute : a-t-on refusé de discuter deréformes ‘difficiles’, comme les pensionspar exemple ? Nous avons pris la problé-matique à bras-le-corps, cherché lessolutions. On s’engage à chaque fois. »

D. CI

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