le role du mythe oriental dans l'antinationalisme des surrealistes

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H,sro,y o,fEuropeon Ideas. Vol 16. No 4-6. pp 393-399, 1993 Prmted ,n Great Bntam 0191-6599/93 $6 lW+O 00 Pergamon Press Ltd LE ROLE DU MYTHE ORIENTAL DANS L’ANTINATIONALISME DES SURREALISTES VIVIANE BARRY* Lorsqu’on irvoque les deux premieres dtcennies du siecle, dtfinir le nationalisme et son antonyme, l’antinationalisme semble inutile puisque ces deux notions qui seront sans doute t&s longuement ttudiees au tours de ce colloque, constituent deux courants fondamentaux qui divisent l’opinion de l’epoque. L’antinationalisme des Surrealistes se manifeste non seulement par une farouche dtnonciation du nationalisme de Barr&s, Maurras et 1’Action Francaise, mais va jusqu’a un refus agressif de l’idee de Nation, de Patrie et de toute forme de conscience nationale. Au delire nationaliste repond le dtlire non moins violent et narcissique de l’antinationalisme surrtaliste qui puise ses forces dans un mythe oriental soigneusement entretenu apres la guerre de 14-18. Que faut-il entendre par ‘mythe oriental’? Mircea Eliade oppose a la valeur purement imaginaire de ‘fable’ que confere au mot ‘mythe’ le langage courant, celle que lui accordent les socittb traditionnelles qui y voient ‘la seule revelation valable de la r&alit&‘: Etant rPeP et sack, le mythe devient exemplaire et par consequent rkpt%able, car il sert de modtle aux comportements des humains.* Si nous parlons de mythe oriental a propos des Surrealistes c’est que leur conception de 1’Orient semble fondre ces deux valeurs; 1’Orient qu’ils tvoquent et invoquent prend a leurs veux le caractere de ‘seule revelation valable de la realite’ reel et sacrt, il devient ‘exemplaire’ pour un Occident dtclinant car les Surrtalistes trouvent ou croient trouver en ce mythe oriental l’image inverste de tous les fondements d’une Nation qu’ils rejettent. Mais, avec du recul, cette image releve du mythe dans le sens que lui confere le langage courant car, imprecis, indetini, mouvant, cet Orient se rtvtle pure creation de l’esprit r&ant d’un antidote parfait a tous les maux dont une partie des intellectuels de l’tpoque actable l’occident. Nous Ctudierons surtout la vague d’antinationalisme qui deferle sur la Rtvolution Surrhzliste dans la ptriode 1924-26, car c’est alors qu’elle atteint le paroxysme de la violence. Par contre, nous ttendrons la notion de groupe surrealiste en lui adjoignant Le Grand Jeu dont les mots d’ordre, les revendications et les violences verbales sont souvent si proches. Mais, le Grand Jeu n’etant pas aussi connu que le Surrtalisme, peut-&tre ne serait-il pas inutile de le presenter rapidement. Ce mouvement tres jeune, puisque ses membres ont 20 ans, contemporain du *UniversitC de Bordeaux III, Domame Universitaire, 33405 Talence Cedex, France. 393

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H,sro,y o,fEuropeon Ideas. Vol 16. No 4-6. pp 393-399, 1993 Prmted ,n Great Bntam

0191-6599/93 $6 lW+O 00 Pergamon Press Ltd

LE ROLE DU MYTHE ORIENTAL DANS L’ANTINATIONALISME DES SURREALISTES

VIVIANE BARRY *

Lorsqu’on irvoque les deux premieres dtcennies du siecle, dtfinir le nationalisme et son antonyme, l’antinationalisme semble inutile puisque ces deux notions qui seront sans doute t&s longuement ttudiees au tours de ce colloque, constituent deux courants fondamentaux qui divisent l’opinion de l’epoque.

L’antinationalisme des Surrealistes se manifeste non seulement par une farouche dtnonciation du nationalisme de Barr&s, Maurras et 1’Action Francaise, mais va jusqu’a un refus agressif de l’idee de Nation, de Patrie et de toute forme de conscience nationale.

Au delire nationaliste repond le dtlire non moins violent et narcissique de l’antinationalisme surrtaliste qui puise ses forces dans un mythe oriental soigneusement entretenu apres la guerre de 14-18.

Que faut-il entendre par ‘mythe oriental’? Mircea Eliade oppose a la valeur purement imaginaire de ‘fable’ que confere au mot ‘mythe’ le langage courant, celle que lui accordent les socittb traditionnelles qui y voient ‘la seule revelation valable de la r&alit&‘:

Etant rPeP et sack, le mythe devient exemplaire et par consequent rkpt%able, car il sert de modtle aux comportements des humains.*

Si nous parlons de mythe oriental a propos des Surrealistes c’est que leur conception de 1’Orient semble fondre ces deux valeurs; 1’Orient qu’ils tvoquent et invoquent prend a leurs veux le caractere de ‘seule revelation valable de la realite’ reel et sacrt, il devient ‘exemplaire’ pour un Occident dtclinant car les Surrtalistes trouvent ou croient trouver en ce mythe oriental l’image inverste de tous les fondements d’une Nation qu’ils rejettent.

Mais, avec du recul, cette image releve du mythe dans le sens que lui confere le langage courant car, imprecis, indetini, mouvant, cet Orient se rtvtle pure creation de l’esprit r&ant d’un antidote parfait a tous les maux dont une partie des intellectuels de l’tpoque actable l’occident.

Nous Ctudierons surtout la vague d’antinationalisme qui deferle sur la Rtvolution Surrhzliste dans la ptriode 1924-26, car c’est alors qu’elle atteint le paroxysme de la violence. Par contre, nous ttendrons la notion de groupe surrealiste en lui adjoignant Le Grand Jeu dont les mots d’ordre, les revendications et les violences verbales sont souvent si proches.

Mais, le Grand Jeu n’etant pas aussi connu que le Surrtalisme, peut-&tre ne serait-il pas inutile de le presenter rapidement.

Ce mouvement tres jeune, puisque ses membres ont 20 ans, contemporain du

*UniversitC de Bordeaux III, Domame Universitaire, 33405 Talence Cedex, France.

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Surrtalisme mais beaucoup plus tphemere que lui, s’inscrit dans une ptriode de quatre ans seulement, de 1928 a 1932, ceci si l’on considkre le Grand Jeu proprement dit car il avait pris naissance plus tot, en 1923, dans un groupe tree au lycte de Reims par quatre Cl&es de seconde, Rent Daumal, Roger Gilbert- Lecomte, Roger Vailland et Robert Meyrat. Ces adolescents alors ages de quinze ans, nourris de Rimbaud, Nerval et Jarry, fondent ce qu’ils appellent la Confrerie ou plutot comphrtrie, des Simplistes dont les phrkres-membres, ‘lies entre eux plus fort que n’ttreint le diable’, dtdaigneux du reste de la classe, va s’engager

dans une Qu&te profonde, un Jeu qui deviendra le Grand Jeu, la Qt.&e de la Revelation Sup&me. Obsedts par la pensee de la Mort, ils veulent perter le mystkre de 1’Au’Dela des limites separant la Vie de la Mort. Pour cela, ils se livrent a ce qu’ils nomment ‘la metaphysique exptrimentale’ en se mettant par diverses pratiques, notamment l’hypnose et la respiration de vapeurs de tttrachlorure de carbone, dans un Ctat voisin de la Mort.

En 1928, RenC Daumal et Roger Vailland, Venus a Paris, ont tlargi le groupe qui decide de fonder une revue. Elle devait, a l’origine s’appeler La Voie, titre rtvtlateur, mais on lui prifere celui de Grand Jeu, propose par Roger Vailland et qui va donner son nom au groupe. Celui-ci refuse l’appellation de ‘mouvement litttraire’:

Now ne formons pas un groupe littbraire, mais une union d’hommes lies g la mkme recherche

dtclarent-ils dans l’Avant-Propos du Grand Jeu No. I, qui commence par cette declaration:

Le Grand Jeu est irremediable; il ne se joue qu’une fois.

Andre Breton, a la fois irrite et interesst par ce mouvement qui se rtclame du

Surrealisme, puisque Daumal ecrivait en 1925:

‘Nous sommes surrtalistes g dans nuances p&s”

tente de l’annexer, mais la fusion s’avere vite impossible. En effet, si la mEme rtvolte, la m2me d&sir de Revolution, anime Surrtalisme et Grand Jeu, s’ils poursuivent ‘un but identique, impliqu(ant)

d’une part des ennemis communs et les mgmes obstacles B dttruire, d’autre part des recherches convergentes et paralltles’4

une divergence profonde les &pare de facon irremediable, le Grand Jeu se definissant dts son origine comme un mouvement d’inspiration spiritualiste. C’est ce qui lui sera implicitement reprocht lors de la celtbre reunion de la rue du Chateau, le 6 Mars 1929, reunion qui consacre la rupture definitive entre les deux groupes.

Pourtant, en 1925, le groupe des Simplistes adoptait avec enthousiasme et dtclarait totalement siens les mots d’ordre et les declarations de La Revolution Surrt?aliste No. 3.

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Or, celles-ci proclament un antinationalisme qui refuse avec une violence agressive, l’idte de Nation et de Patrie a laquelle il oppose le culte d’un Orient salvateur, modkle de perfection, rem&de a tous les maux, notamment 31 la fureur nationaliste de l’tpoque.

Qu’exalte, a la suite de Barks et de Maurras, le parti nationaliste? Le respect du Travail, de la Famille, de la Discipline, de I’Ordre, autant de notions que les Surrtalistes dttestent et dtnoncent comme source de sclirose.

Le parti nationaliste exalte, bien stir, le culte de la Patrie, la veneration de ceux qui sont Morts pour la France. Les Surrealistes rejettent avec horreur Pun et l’autre. 11s affirment dans une declaration de la Rho&ion Surrtaliste No. 5.

Plus encore que la patriotisme qui est une hysttrie comme une autre, ce qui now rtpugne, c’est l’idee de Patrie qui est vraiment le concept le plus bestial et le moins philosophique dans lequel on essaie de faire entrer notre esprit.s

11s refusent plus encore d’exalter les Morts pour la France; ils les plaignent et condamnent ceux qui les ont envoy&s au massacre, et

ce bourrage de crane qui, d’&tres ne demandant qu’a vivre (. . .) avait fait, durant quatre an&es des &res hagards et forcents non seulement corveables, mais pouvant 2tre decimes a merci.6

C’est d’ailleurs probablement dans l’idte de la geurre de 1914-18 qui, pour la plupart d’entre eux les ‘arrach(a)

a toutes leurs aspirations pour les precipiter dans un cloaque de sang, de sottise et de boue’

qu’ils puisent leur violence agressive.

En tant que pour la plupart mobilisables et destinees officiellement a revstir l’abjecte Capote bleu-horizon, nous repoussons Cnergiquement et de toutes manitres pour l’avenir l’idte d’un assujettissement de cet ordre, ttant donnt que pour nous la France n’existe pas.*

Pourquoi la France n’existe-t-elle pas? Parce qu’elle enferme l’individu dans des limites geographiques etroites. Parce que le nationalisme prone l’enracinement dans un lieu don& ce qui est incompatible avec l’esprit de libertt des surrealistes A cet enracinement, on oppose la notion vague, confuse d’un Orient sans limites precises, sans contours gtographiques, sans attaches terrestres rtelles; on se &lame, non d’un coin de Patrie, mais de l’immensite cosmique d’un Orient mythique.

L’Orient est consider& comme l’eltment, non point stabilisateur mais destructeur, seul capable d’antantir les certitudes de l’homme ‘enracint

Que l’orient, votre terreur, enfin, a notre voix rtponde. (. . .) Bouge, Inde aux mille bras, grand Brahma lbgendaire. (. . .) Que 1’Amtrique au loin croule de ses buildings’

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s’icrie Aragon alors que Roger Gilbert-Lecomte prophttise

Alors, de Paris, d’Occident, il ne restera que cailloux et ronces en &endue horizontale’

On peut aisement noter ici la valeur mythique de cet Orient puisant dans la ltgende de Shiva aux bras multiples et de ‘Brahma ltgendaire’.

L’idee de Nation se fonde sur I’acquisition collective dune culture. Or, ie SurrCalisme et le Grand Jeu veulent saper le fondement de la culture francaise, se r&clamant de Descartes, la Raison, puisant ses racines dans la civilisation greco- latine.

11 livrent done une guerre sans merci a cette Raison, dont la refutation constitue le principe meme de leur revolution et l’objet des attaques virhtmentes d’Artaud dans la Revolution Surr&aliste No. 3, denoncant I’Europe iogique.

Now souffrons d’une pourriture, la pour&we de la Raison.” L’Esprit geli craque entre les ais mineraux qui se referment sur lui. La fame en est a vos systtmes moisis, a votre logique de 2 et 2 font 4.‘*

RenC Daumal et Roger Gilbert-Lecomte, enthousiasmts par ces attaques leur feront echo en 1928 dans le manifeste du Grand Jeu intitult’ Mise au point ou Casse-Dogme’. I3

il faut abattre ce colosse Q t&te de cretin qui represente la science occidentale (. . .) cette pensee discursive et antimythique voue ses fruits a la pourriture.

Pour eux, cette pen&e ‘tire la langue entre quelques dogmes etrangleurs’. A cette civilisation fond&e sur la raison on oppose une civilisation orientale que

l’on consid‘ere a tort comme une fusion idyllique de r&e, d’amour et de potsie, et dtpourvue de toute logique contraignante, c’est-a-dire un Orient mythique bien loin de toute rtaliti, car la pen&e orientale se fonde aussi sur une logique qui, pour Cchapper parfois a nos formes de pen&e n’en est pas moins t&s rigoureuse, 11 suffit, pour s’en convaincre, d’etudier les rtgles de grammaire de la langue sanskrite, l’une des plus difficiles et des plus rationnelles qui soient.

Cette opposition a l’intelligence francaise d’une penste orientale qui en serait l’antidote se situe en plein coeur de la lutte contre le nationalisme. Elle en est m”eme le moteur essentiel.

L’engouement pour le mythe oriental n’est pas ie propre des Surrealistes; iis ne font que suivre un courant d’opinion qui marque toute la pens&e des an&es 20 au cows desquelles on voit s’affronter une grande partie de la gauche et l’Action Franeaise et le Parti de I’Intelligence, fond& en 1919 et qui reposait sur le principe de ‘1’Intelligence nationale au service de l’interiit national’. Ce parti publie, le 19 Juillet 1919 dans le Figaro un manifeste sign& par Leon Bloy, Rebell, Maurras; il attire de jeunes esprits comme Henri Massis et Jacques Maritain. 11 a pour but de defendre la culture nationale, occidentale, rationnelle de ‘l’occident logique, sensible, la plus intellectuelle des patries’ selon lestermes d’Henri Mithouard qui fondait en 190 1 la revue Occident, contre la vague d’orientalisme qui submergeait la France.

Le Mythe Oriental dans I’dntinationalisme des Surrealistes 397

Nous notons que le concept de Patrie s’est ttendu, non seulement a I’Europe souvent trts violemment attaqute par la RPvoIution Surrkaliste, mais a I’Occident tout entier, concept tout aussi flou que celui #Orient.

Dttracteurs et dtfenseurs de la Nation et de l’occident s’affrontent dans une polemique qui commence aprts la premiere guerre mondiale et ne s’achkera que vers 1926.

En 1918, l’ouvrage d’oswald Spengler Le DC&n de l’occident, dressait, comme l’indique son titre, le bilan de la fin de la pens&e occidentale. Rent Gutnon, en 1924, reprend ses id&es dans Orient-Occident oti il affirme la suprtmatie de la civilisation orientale, seule capable de rtgtntrer l’occident decadent. Cette violente poltmique d&hire la pens&e francaise de 1924 a 1926 sur le plan intellectuel mais aussi politique, les tenants de 1’Orient combattant l’extrkmisme nationaliste de 1’Action Francaise. Les Surrtalistes s’engagent dans

la poltmique avec leur violence habituelle. Nous avons assez longuement trait& de ce point pour ne pas nous y attarder ici.r4

Le mythe oriental applique un baume sur tous les maux de la civilisation

occidentale

La tentation ttait forte d’aller chercher la-bas l’antidote aux rationalitts exangues et aventuribres qui agitaient notre petit bout de continent.15

11 est, en particulier, un baume contre le materialisme grandissant engendrt en debut de sibcle par le progres technique souvent d&once.

L’ignorance et le mepris des valeurs spirituelles et morales, I’orientation de tousles d&sirs, de toutes les activites vers la richesse, voila, pour Gandhi, le vice qui ronge notre civilisation et qui, developpt par la guerre l’entraine de plus en plus vers la dCcadence.r6

On oppose a ce mattrialisme l’idtalisme oriental qui seul peut donner a l’homme un ‘Esprit tout entier tourne vers les cimes’r7

Enseigne nous, Lama, (. . .) la liberation transparente des bmes, la libertt de 1’Esprit dans I’Esprit

L’esprit occidental repose aussi sur I’individualisme encore renford par la guerre au contraire de l’esprit oriental qui fond l’individu dans une conscience cosmique, vilipendee par les dtfenseurs de l’occident:

Cette conscience cosmique oti veut atteindre l’homme d’Asie, ou plutot ce naufrage dans une conscience cosmique repugne profondement a l’esprit occidental. Elle ne peut produire que le mepris de I’humain, cette lethargic oh s’ablme 1’Orient depuis des sitcles.‘*

Entin, le mythe oriental a une dernitre fonction, la plus importante ii notre avis: une fonction poetique dans le sens etymologique du mot.

A l’imprecation, a l’anathbme, a la malediction, au vocabulaire de la destruction, a toutes les formes d’agressivite verbale chtres aux Surrealistes et

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aux membres du Grand Jeu et caracteristiques du discours antinationaliste, r&pond l’exaltation lyrique de leur discours oriental que nous avons analyse dans un article anttrieur.lg

Aux injures au Pape rtpondent les litanies au Daldi-Lama, d’Artaud dans lesquelles on retrouve le m8me jaillissement de mttaphores que sous la plume d’AndrC Breton:

Orient, Orient vainqueur, toi qui n’as qu’une valeur de symbole dispose de moi; Orient de coltre et de perles! Toi qui es l’image rayonnante de ma d&possession Orient, be1 oiseau de proie et d’innocence, je t’implore du fond du royaume des ombres! Inspire-moi que je sois celui qui n’a plus d’ombre.20

Ainsi, Andre Breton, au moment m?me oh l’exaltation orientale se manifeste, reconnait la valeur mythique de cet Orient qui n’a ‘qu’une valeur de symbole’. Symbole d’une regeneration possible, le mythe oriental permet de dtnoncer une sociCtC fond&e sur un nationalisme exacerbe proche du dtlire narcissique, en lui montrant son image inverste tout ausi proche du declin. Mais on peut se demander si, chez les Surrtalistes, le discours antinationaliste et son antidote le discours oriental n’ont pas pour seule fin le discours lui-m&me, poltmique dans le premier cas, pottique dans l’autre. 11s ne recouvrent pas d’idbologie profonde, puisque tous deux vont trks vite s’atttnuer, voire disparaitre. Si l’on retrouve de violentes attaques contre la Patrie en 1929 au moment de ‘l’affaire des Normaliens’, et dans la Lettre a Keller 22 le flamboiement du mythe oriental , s’tteint trts vite aprks 1926 chez les Surrtalistes, alors que pour Rene Daumal, 1’Orient deviendra l’une des clts qui permet d’ouvrir la Porte d“un monde, plus vrai, plus beau, plus coherent’ exclui du Mont-Analogue.

Universith de Bourdeaux III Viviane Barry

NOTES

1. SoulignC par l’auteur. 2. Mircta Eliade. Mythes, r2ves et mystkres (Gallimard, Id&es, 1972), pp. 22-23. 3. Lettre a Maurice Henry in Lettre a ses amis (Gallimard, 1958). 4. Lettre ouverte a Andre Breton sur les rapports du Surrtalisme et du Grand Jeu in

Grand Jeu No. 3. 5. La Revolution d’abord et toujours. 6. Entretiens (No. IV) avec Andre Parinaud, Andre Breton (Galimard, Id&es, 1973),

pp. 55-56. 7. Ibid. No. II. p. 30. 8. La Revolution d’abord et toujours, op. cit. 9. Aragon. Fragments d’une conference aux etudiants de Madrid in Rev. Sur., No. 3.

10. Prophttie des Rois Mages, in Grand Jeu No. 3. 11. Lettre aux Ecoles du Bouddha. 12. Lettre aux Recteurs des Universitts europeennes. 13. Grand Jeu No. 1. Cf. Le Retour du DalaI-Lama, ou le discours surrealiste oriental par

Le Mythe Oriental dans I’dntinationalisme des Surreafistes 399

rapport au discours orientai fin de sitcle, in Melwine No. V. Cahiers du Centre de Recherches sur le Surrealisme de la Sorbonne.

15. Pierre Naville. Le Temps du Surreef, ed. Galilee (1977), p. 283. 16. Marcel Brion, Fort&o, No. 2 (1924). 17. Adr. au Dat. Lama. op. cit. 18. J. Ballard, ‘Defense de l’occident’ in Fortunio, No. 14. 19. Retour du Dalai-Lama, op. cit. 20. Discours sur le peu de realit& (1924). 21. Quatre-vingt trois Normaliens, dont Benichou avaient sign& une petition contre la

preparation militaire. 22. Lettre adresste par tow les Surrtalistes au major de la promotion de Saint-Cyr et

riche en injures et declarations telles que ‘Nous tenons a vous dire que nous crachons sur les trois couleurs’ (i6/2/1929).