grand erg oriental - part 1

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Emily Foucart Photos : Emily Foucart et Didier Morvan Méharée en Sahara tunisien

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carnet de voyage d'un trek au grand Erg Oriental (Tunisie) en 2002

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Emily Foucar tPhotos : Emily Foucar t e t Didier Morvan

M é h a r é e e n S a h a r a t u n i s i e n

Emily Foucar tPhotos : Emily Foucar t e t Didier Morvan

M é h a r é e e n S a h a r a t u n i s i e n

Emily Foucar tPhotos : Emily Foucar t e t Didier Morvan

M é h a r é e e n S a h a r a t u n i s i e n

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Vendredi - El Hafaier

Des paniers, des couvertures. Ils ont en train de faire la cui-sine. Ça va être pour nous, je crois.Mansour et le chauffeur débarquent un énorme sacd’oranges et des vivres.A ma grande surprise, Mansour, qui nous a accueilli dèsnotre arrivée, nous dit au revoir.Je croyais qu’il nous accompagnerait tout le voyage.

On se retrouve alors seuls avec ces deux nomades un peufarouches et méfiants.Ils ne parlent pas beaucoup. Le plus âgé, Ibrahim, ne parlequ’arabe, l’autre, Habib, parle français.Un peu intimidés, on s’assoit à leur côtés, c’est le déjeuner.Une grande galette de pain chaude sort de je ne sais où.Petite salade fraîche de carotte cuite-poivrons-oignons-tomates-coupés-en-tous-petits-dés, orange maltaise, thé à lamenthe, fort et chaud. Tout me paraît différent, tellement

bon, comme si je venais de découvrir mes papilles gustati-ves. Ivresse d’être ailleurs, émerveillement des choses sim-ples.

Nous découvrons notre nouvel environnement. Pendant cetemps, les guides ont déjà tout empaqueté sur le dos deschameaux.C’est un travail de précision,mais ils font ça comme s’ils pre-naient leur petit déjeuner. Pour faire baraquer les cha-meaux, on pousse des longs “rrrrrrrrrrrr” du fond de lagorge. Il faut parfois insister.

Ce ne sont pas de bêtes méchantes, mais un peu têtues. Ilsrâlent et protestent, mais finissent toujours par s’asseoir, unpeu résignés. Parfois, en plein chargement, ils tentent de serelever, faisant tout valser.Re-rrrrrrrrrrrr.

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Ça secoue sec dans le 4x4.L’auto-radio crache des sons saturés de chant etde flûte. Derrière, Agnès et Catherine gloussent comme desgamines à chaque bosse.

Ça y est. On y est. Après deux heures de traversée de regcaillouteux, les dunes sont là. Rien que du sable toutautour, rien d’autre que le sable et nous. Couleurs indes-criptibles. Douces ou contrastées,baignées et écrasées de ce soleil aveuglant.

Soudain, je dois rêver : le sable a changé decouleur. Nous avons tourné de 90°, l’orientation

de la lumière a fait descendre un filtre orange-saturé sur lepaysage. Saisissant.La perte des repères commence.

Oui, perdons-nous.Laissons le naturel dans toute sa force nous dominer. Et nonle contraire. J’admire et je me plais à me perdre dans toutce rien, quand tout d’un coup, mirage ? Un café. Oui, aumilieu du néant, le café “Aux portes du désert” est bien là,comme undernier sursaut de civilisation. Un bidon enplastique, un poteau, une enseigne et une cahute…ça fait tout un café.

Vendredi - Douz - El Hafaier

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On passe notre chemin et, sans trop comprendre com-ment, ne tarde pas à surgir de nulle part une immenseporte, genre de rempart avec ouvertureen voûte à l’orientale. On s’y arrête, on se dégourdit enfinles jambes et le postérieur qui avait bien besoin d’un petitrépit.

Quelqu’un ! Des gens, un homme vit là ! Que peut-il bienfaire là, tout seul ? Il a un puits, et son chien.On pose le pied sur ce fameux sable qui sera notre alliépendant tout le séjour. Familiarisation avec notre nouvelenvironnement.

On joue avec le sable comme des gosses...C’est véritablement jouissif. Ocre-rose, il est doux commede la poudre.J’y plonge les mains et découvre, en profondeur, une cou-

che fraîche comme une source d’eau.

Il faut repartir. On re-grimpe dans le 4x4.Je devais rêvasser, planer, être tout à ce que je voyais et étaisen train de vivre.Ou peut-être commençais-je à perdre la notiondu temps.

Je ne sais plus combien de temps s’est écouléjusqu’à El Hafaier.

Arrivée sur un grand dégagement, des chameaux (des dro-madaires, que tout le monde ici appellechameaux), des petits groupes de gens. On s’arrête près del’un d’entre eux. Ce sont nos guides.Ils sont deux, je ne sais pas combien de chameaux et dumatériel éparpillé tout autour.

Vendredi - El Hafaier

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Vendredi - El Hafaier

Des paniers, des couvertures. Ils ont en train de faire la cui-sine. Ça va être pour nous, je crois.Mansour et le chauffeur débarquent un énorme sacd’oranges et des vivres.A ma grande surprise, Mansour, qui nous a accueilli dèsnotre arrivée, nous dit au revoir.Je croyais qu’il nous accompagnerait tout le voyage.

On se retrouve alors seuls avec ces deux nomades un peufarouches et méfiants.Ils ne parlent pas beaucoup. Le plus âgé, Ibrahim, ne parlequ’arabe, l’autre, Habib, parle français.Un peu intimidés, on s’assoit à leur côtés, c’est le déjeuner.Une grande galette de pain chaude sort de je ne sais où.Petite salade fraîche de carotte cuite-poivrons-oignons-tomates-coupés-en-tous-petits-dés, orange maltaise, thé à lamenthe, fort et chaud. Tout me paraît différent, tellement

bon, comme si je venais de découvrir mes papilles gustati-ves. Ivresse d’être ailleurs, émerveillement des choses sim-ples.

Nous découvrons notre nouvel environnement. Pendant cetemps, les guides ont déjà tout empaqueté sur le dos deschameaux.C’est un travail de précision,mais ils font ça comme s’ils pre-naient leur petit déjeuner. Pour faire baraquer les cha-meaux, on pousse des longs “rrrrrrrrrrrr” du fond de lagorge. Il faut parfois insister.

Ce ne sont pas de bêtes méchantes, mais un peu têtues. Ilsrâlent et protestent, mais finissent toujours par s’asseoir, unpeu résignés. Parfois, en plein chargement, ils tentent de serelever, faisant tout valser.Re-rrrrrrrrrrrr.

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Ça secoue sec dans le 4x4.L’auto-radio crache des sons saturés de chant etde flûte. Derrière, Agnès et Catherine gloussent comme desgamines à chaque bosse.

Ça y est. On y est. Après deux heures de traversée de regcaillouteux, les dunes sont là. Rien que du sable toutautour, rien d’autre que le sable et nous. Couleurs indes-criptibles. Douces ou contrastées,baignées et écrasées de ce soleil aveuglant.

Soudain, je dois rêver : le sable a changé decouleur. Nous avons tourné de 90°, l’orientation

de la lumière a fait descendre un filtre orange-saturé sur lepaysage. Saisissant.La perte des repères commence.

Oui, perdons-nous.Laissons le naturel dans toute sa force nous dominer. Et nonle contraire. J’admire et je me plais à me perdre dans toutce rien, quand tout d’un coup, mirage ? Un café. Oui, aumilieu du néant, le café “Aux portes du désert” est bien là,comme undernier sursaut de civilisation. Un bidon enplastique, un poteau, une enseigne et une cahute…ça fait tout un café.

Vendredi - Douz - El Hafaier

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On passe notre chemin et, sans trop comprendre com-ment, ne tarde pas à surgir de nulle part une immenseporte, genre de rempart avec ouvertureen voûte à l’orientale. On s’y arrête, on se dégourdit enfinles jambes et le postérieur qui avait bien besoin d’un petitrépit.

Quelqu’un ! Des gens, un homme vit là ! Que peut-il bienfaire là, tout seul ? Il a un puits, et son chien.On pose le pied sur ce fameux sable qui sera notre alliépendant tout le séjour. Familiarisation avec notre nouvelenvironnement.

On joue avec le sable comme des gosses...C’est véritablement jouissif. Ocre-rose, il est doux commede la poudre.J’y plonge les mains et découvre, en profondeur, une cou-

che fraîche comme une source d’eau.

Il faut repartir. On re-grimpe dans le 4x4.Je devais rêvasser, planer, être tout à ce que je voyais et étaisen train de vivre.Ou peut-être commençais-je à perdre la notiondu temps.

Je ne sais plus combien de temps s’est écouléjusqu’à El Hafaier.

Arrivée sur un grand dégagement, des chameaux (des dro-madaires, que tout le monde ici appellechameaux), des petits groupes de gens. On s’arrête près del’un d’entre eux. Ce sont nos guides.Ils sont deux, je ne sais pas combien de chameaux et dumatériel éparpillé tout autour.

Vendredi - El Hafaier

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Vendredi - El Hafaier

Des paniers, des couvertures. Ils ont en train de faire la cui-sine. Ça va être pour nous, je crois.Mansour et le chauffeur débarquent un énorme sacd’oranges et des vivres.A ma grande surprise, Mansour, qui nous a accueilli dèsnotre arrivée, nous dit au revoir.Je croyais qu’il nous accompagnerait tout le voyage.

On se retrouve alors seuls avec ces deux nomades un peufarouches et méfiants.Ils ne parlent pas beaucoup. Le plus âgé, Ibrahim, ne parlequ’arabe, l’autre, Habib, parle français.Un peu intimidés, on s’assoit à leur côtés, c’est le déjeuner.Une grande galette de pain chaude sort de je ne sais où.Petite salade fraîche de carotte cuite-poivrons-oignons-tomates-coupés-en-tous-petits-dés, orange maltaise, thé à lamenthe, fort et chaud. Tout me paraît différent, tellement

bon, comme si je venais de découvrir mes papilles gustati-ves. Ivresse d’être ailleurs, émerveillement des choses sim-ples.

Nous découvrons notre nouvel environnement. Pendant cetemps, les guides ont déjà tout empaqueté sur le dos deschameaux.C’est un travail de précision,mais ils font ça comme s’ils pre-naient leur petit déjeuner. Pour faire baraquer les cha-meaux, on pousse des longs “rrrrrrrrrrrr” du fond de lagorge. Il faut parfois insister.

Ce ne sont pas de bêtes méchantes, mais un peu têtues. Ilsrâlent et protestent, mais finissent toujours par s’asseoir, unpeu résignés. Parfois, en plein chargement, ils tentent de serelever, faisant tout valser.Re-rrrrrrrrrrrr.

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Ça secoue sec dans le 4x4.L’auto-radio crache des sons saturés de chant etde flûte. Derrière, Agnès et Catherine gloussent comme desgamines à chaque bosse.

Ça y est. On y est. Après deux heures de traversée de regcaillouteux, les dunes sont là. Rien que du sable toutautour, rien d’autre que le sable et nous. Couleurs indes-criptibles. Douces ou contrastées,baignées et écrasées de ce soleil aveuglant.

Soudain, je dois rêver : le sable a changé decouleur. Nous avons tourné de 90°, l’orientation

de la lumière a fait descendre un filtre orange-saturé sur lepaysage. Saisissant.La perte des repères commence.

Oui, perdons-nous.Laissons le naturel dans toute sa force nous dominer. Et nonle contraire. J’admire et je me plais à me perdre dans toutce rien, quand tout d’un coup, mirage ? Un café. Oui, aumilieu du néant, le café “Aux portes du désert” est bien là,comme undernier sursaut de civilisation. Un bidon enplastique, un poteau, une enseigne et une cahute…ça fait tout un café.

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On passe notre chemin et, sans trop comprendre com-ment, ne tarde pas à surgir de nulle part une immenseporte, genre de rempart avec ouvertureen voûte à l’orientale. On s’y arrête, on se dégourdit enfinles jambes et le postérieur qui avait bien besoin d’un petitrépit.

Quelqu’un ! Des gens, un homme vit là ! Que peut-il bienfaire là, tout seul ? Il a un puits, et son chien.On pose le pied sur ce fameux sable qui sera notre alliépendant tout le séjour. Familiarisation avec notre nouvelenvironnement.

On joue avec le sable comme des gosses...C’est véritablement jouissif. Ocre-rose, il est doux commede la poudre.J’y plonge les mains et découvre, en profondeur, une cou-

che fraîche comme une source d’eau.

Il faut repartir. On re-grimpe dans le 4x4.Je devais rêvasser, planer, être tout à ce que je voyais et étaisen train de vivre.Ou peut-être commençais-je à perdre la notiondu temps.

Je ne sais plus combien de temps s’est écouléjusqu’à El Hafaier.

Arrivée sur un grand dégagement, des chameaux (des dro-madaires, que tout le monde ici appellechameaux), des petits groupes de gens. On s’arrête près del’un d’entre eux. Ce sont nos guides.Ils sont deux, je ne sais pas combien de chameaux et dumatériel éparpillé tout autour.

Vendredi - El Hafaier

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Vendredi - El Hafaier - El Jebil

lourd tissage noir en poil de chèvre et chameau. On la dres-se avec quelques piquets de bois, on fixe les bords au sable.C’est juste un toit, à vrai dire, pas de “porte” et des cou-rants d’air partout…

Didier, lui, a trouvé sa chambre. La 315. Une autre petitedune avec une touffe. Il dort à la belle étoile. Moi aussij’aimerais bien essayer… on verra plus tard.

16-17h ; c’est l’heure où on se pose, on s’installe, c’estl’heure de la recherche de salle de bains, aussi. Les “sanitai-res” du désert : on marche cinq minutes, on se choisit unedune.

C’est comme une étoile : on choisit une dune avec une“touffe” (un Tamaris assez important) pour la cuisine et lefeu, puis, tout autour, des chambres et des salles de bains.

Plus on s’éloigne, au plus il yen a, plus on est tranquille.

Pas de douche à l’eau. On garde l’eau. On ne se salit pas dansle désert. Le sable décape tout. La transpiration ne sent pas.L’air est on ne peut plus pur.Mais pour satisfaire nos besoins d’hygiène à l’occidentale,notre dieu Consommation a inventé la lingette.Alors on s’installe dans le sable et on se frotouille longuementdans cette douce chaleur du soleil couchant...

Tout propres, changés, on arrive au restaurant.

Habib a enchaîné chameaux, bois, cuisine.Il nous a préparé un couscous. Il y a deux grosses gamellessur ce feu crépitant, une véritable cuisine installée, ça mar-che mieux que chez moi ! Finalement, que demander de

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Vendredi -

Ils tirent aussi régulièrement toute leur langue de leur gosieren faisant un gros bruit de fosse.Pas très ragoûtant.

Nous voilà partis. Ça y est. C’est le “Trek”. Onmarche dansle sable. Il va falloir suivre. A vrai dire, je ne me suis pasrendue compte que je marchais. J’étais tout à mes yeux etau paysage. On découvre les dunes, le vrai désert. Les dunesse font de plus en plus grandes. Là, ça devient sérieux.Nous sommes maintenant au milieu de dunes immenses etça commence à se ressentir sérieusement dans les jambes.On fait une pose dans un creux. Milieu, fin d’après-midi,soleil tombant. Que c’est beau.

Et hop, on repart. Des courbes sinueuses s’enfilent les unesderrière les autres sous nos pas. Les guides et leurs cha-meaux semblent avoir une stratégie bien précise pour atta-quer la dune. On les suit.

Parfois on semble flotter sur la dune, parfois on s’enfonceprofondément. Je déguste.Heureusement que le jeune guide, Habib, me parle un peu,je ne vois pas passer la fin de la marche.

Sans qu’on comprenne pourquoi, on s’arrête tout d’uncoup. Une autre pose ? Ah non, c’est “l’hôtel” !Un groupe de petites dunes, quelques touffes :ce sera notre bivouac.

Les guides n’ont pas fini leur journée. Alors que nous, ons’affale et on se jette sur nos gourdes,eux doivent attacher les chameaux et aller chercher du bois,loin, parfois on ne les voit presque plus.Il faut du bois, beaucoup de bois pour le feu qui va brûlerpresque sans arrêt jusqu’au petit déjeuner, pour nous chauf-fer et nous nourrir.Il faut monter la tente aussi. Une vraie tente berbère en

Vendredi - Douz - El Hafaier

Vendredi - El Jebil

plus ? Dans l’autre gamelle : de la soupe ! Quel festin ! Dela Chorba, une soupe d’oignons-tomate-épices, avec despâtes langues d’oiseau et beaucoup de persil. C’est divin, ainsique le couscous. Habib sort des petites poudres de ses pots,des mélanges d’épices dont on ne connaîtra pas le secret.

Il n’est que six heures quand on se met à table, pourtant ilfait déjà sombre et il commence à faire froid. On se serreautour du feu. On hésite à s’en écarter. Le froid est là, justeà côté, prêt à nous attraper. L’humidité commence à nousgagner, on a écumé le dernier thé, la dernière cigarette etnos guides tombent de sommeil… bon, on va secoucher. Comme à l’hospice : soupe à six heures, au lit àhuit heures…

J’essaie de m’organiser un lit, bien que je sois nettementmoins bien équipée que les autres. J’ai un duvet de... Pas

un duvet-sarcophage-Gore-Tex-je-ne-sais-quoi comme les pros du camping, mais un “duvetde salon”. Heu-reu-se-ment que les guides ont amené destonnes de grosses couvertures.

Nuit d’enfer. Ça caille. La nuit, dans le désert, en janvier,c’est entre zéro et cinq degrés. Je ne ferme pas beaucoupl’œil. La nuit me paraît interminable. Evidemment, on a duse coucher à huit, neufheures…Moi qui suis couche-tard et insomniaque !

Je regarde dehors la ligne des dunes à la lumièrede la lune. Les étoiles. Le silence.Je me lève littéralement gelée et surtout contente d’avoirfini cette nuit interminable.

Je lance un Salamaleykoum franc et viril à nos

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Ils tirent aussi régulièrement toute leur langue de leur gosieren faisant un gros bruit de fosse.Pas très ragoûtant.

Nous voilà partis. Ça y est. C’est le “Trek”. Onmarche dansle sable. Il va falloir suivre. A vrai dire, je ne me suis pasrendue compte que je marchais. J’étais tout à mes yeux etau paysage. On découvre les dunes, le vrai désert. Les dunesse font de plus en plus grandes. Là, ça devient sérieux.Nous sommes maintenant au milieu de dunes immenses etça commence à se ressentir sérieusement dans les jambes.On fait une pose dans un creux. Milieu, fin d’après-midi,soleil tombant. Que c’est beau.

Et hop, on repart. Des courbes sinueuses s’enfilent les unesderrière les autres sous nos pas. Les guides et leurs cha-meaux semblent avoir une stratégie bien précise pour atta-quer la dune. On les suit.

Parfois on semble flotter sur la dune, parfois on s’enfonceprofondément. Je déguste.Heureusement que le jeune guide, Habib, me parle un peu,je ne vois pas passer la fin de la marche.

Sans qu’on comprenne pourquoi, on s’arrête tout d’uncoup. Une autre pose ? Ah non, c’est “l’hôtel” !Un groupe de petites dunes, quelques touffes :ce sera notre bivouac.

Les guides n’ont pas fini leur journée. Alors que nous, ons’affale et on se jette sur nos gourdes,eux doivent attacher les chameaux et aller chercher du bois,loin, parfois on ne les voit presque plus.Il faut du bois, beaucoup de bois pour le feu qui va brûlerpresque sans arrêt jusqu’au petit déjeuner, pour nous chauf-fer et nous nourrir.Il faut monter la tente aussi. Une vraie tente berbère en

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plus ? Dans l’autre gamelle : de la soupe ! Quel festin ! Dela Chorba, une soupe d’oignons-tomate-épices, avec despâtes langues d’oiseau et beaucoup de persil. C’est divin, ainsique le couscous. Habib sort des petites poudres de ses pots,des mélanges d’épices dont on ne connaîtra pas le secret.

Il n’est que six heures quand on se met à table, pourtant ilfait déjà sombre et il commence à faire froid. On se serreautour du feu. On hésite à s’en écarter. Le froid est là, justeà côté, prêt à nous attraper. L’humidité commence à nousgagner, on a écumé le dernier thé, la dernière cigarette etnos guides tombent de sommeil… bon, on va secoucher. Comme à l’hospice : soupe à six heures, au lit àhuit heures…

J’essaie de m’organiser un lit, bien que je sois nettementmoins bien équipée que les autres. J’ai un duvet de... Pas

un duvet-sarcophage-Gore-Tex-je-ne-sais-quoi comme les pros du camping, mais un “duvetde salon”. Heu-reu-se-ment que les guides ont amené destonnes de grosses couvertures.

Nuit d’enfer. Ça caille. La nuit, dans le désert, en janvier,c’est entre zéro et cinq degrés. Je ne ferme pas beaucoupl’œil. La nuit me paraît interminable. Evidemment, on a duse coucher à huit, neufheures…Moi qui suis couche-tard et insomniaque !

Je regarde dehors la ligne des dunes à la lumièrede la lune. Les étoiles. Le silence.Je me lève littéralement gelée et surtout contente d’avoirfini cette nuit interminable.

Je lance un Salamaleykoum franc et viril à nos

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lourd tissage noir en poil de chèvre et chameau. On la dres-se avec quelques piquets de bois, on fixe les bords au sable.C’est juste un toit, à vrai dire, pas de “porte” et des cou-rants d’air partout…

Didier, lui, a trouvé sa chambre. La 315. Une autre petitedune avec une touffe. Il dort à la belle étoile. Moi aussij’aimerais bien essayer… on verra plus tard.

16-17h ; c’est l’heure où on se pose, on s’installe, c’estl’heure de la recherche de salle de bains, aussi. Les “sanitai-res” du désert : on marche cinq minutes, on se choisit unedune.

C’est comme une étoile : on choisit une dune avec une“touffe” (un Tamaris assez important) pour la cuisine et lefeu, puis, tout autour, des chambres et des salles de bains.

Plus on s’éloigne, au plus il yen a, plus on est tranquille.

Pas de douche à l’eau. On garde l’eau. On ne se salit pas dansle désert. Le sable décape tout. La transpiration ne sent pas.L’air est on ne peut plus pur.Mais pour satisfaire nos besoins d’hygiène à l’occidentale,notre dieu Consommation a inventé la lingette.Alors on s’installe dans le sable et on se frotouille longuementdans cette douce chaleur du soleil couchant...

Tout propres, changés, on arrive au restaurant.

Habib a enchaîné chameaux, bois, cuisine.Il nous a préparé un couscous. Il y a deux grosses gamellessur ce feu crépitant, une véritable cuisine installée, ça mar-che mieux que chez moi ! Finalement, que demander de

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lourd tissage noir en poil de chèvre et chameau. On la dres-se avec quelques piquets de bois, on fixe les bords au sable.C’est juste un toit, à vrai dire, pas de “porte” et des cou-rants d’air partout…

Didier, lui, a trouvé sa chambre. La 315. Une autre petitedune avec une touffe. Il dort à la belle étoile. Moi aussij’aimerais bien essayer… on verra plus tard.

16-17h ; c’est l’heure où on se pose, on s’installe, c’estl’heure de la recherche de salle de bains, aussi. Les “sanitai-res” du désert : on marche cinq minutes, on se choisit unedune.

C’est comme une étoile : on choisit une dune avec une“touffe” (un Tamaris assez important) pour la cuisine et lefeu, puis, tout autour, des chambres et des salles de bains.

Plus on s’éloigne, au plus il yen a, plus on est tranquille.

Pas de douche à l’eau. On garde l’eau. On ne se salit pas dansle désert. Le sable décape tout. La transpiration ne sent pas.L’air est on ne peut plus pur.Mais pour satisfaire nos besoins d’hygiène à l’occidentale,notre dieu Consommation a inventé la lingette.Alors on s’installe dans le sable et on se frotouille longuementdans cette douce chaleur du soleil couchant...

Tout propres, changés, on arrive au restaurant.

Habib a enchaîné chameaux, bois, cuisine.Il nous a préparé un couscous. Il y a deux grosses gamellessur ce feu crépitant, une véritable cuisine installée, ça mar-che mieux que chez moi ! Finalement, que demander de

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Ils tirent aussi régulièrement toute leur langue de leur gosieren faisant un gros bruit de fosse.Pas très ragoûtant.

Nous voilà partis. Ça y est. C’est le “Trek”. Onmarche dansle sable. Il va falloir suivre. A vrai dire, je ne me suis pasrendue compte que je marchais. J’étais tout à mes yeux etau paysage. On découvre les dunes, le vrai désert. Les dunesse font de plus en plus grandes. Là, ça devient sérieux.Nous sommes maintenant au milieu de dunes immenses etça commence à se ressentir sérieusement dans les jambes.On fait une pose dans un creux. Milieu, fin d’après-midi,soleil tombant. Que c’est beau.

Et hop, on repart. Des courbes sinueuses s’enfilent les unesderrière les autres sous nos pas. Les guides et leurs cha-meaux semblent avoir une stratégie bien précise pour atta-quer la dune. On les suit.

Parfois on semble flotter sur la dune, parfois on s’enfonceprofondément. Je déguste.Heureusement que le jeune guide, Habib, me parle un peu,je ne vois pas passer la fin de la marche.

Sans qu’on comprenne pourquoi, on s’arrête tout d’uncoup. Une autre pose ? Ah non, c’est “l’hôtel” !Un groupe de petites dunes, quelques touffes :ce sera notre bivouac.

Les guides n’ont pas fini leur journée. Alors que nous, ons’affale et on se jette sur nos gourdes,eux doivent attacher les chameaux et aller chercher du bois,loin, parfois on ne les voit presque plus.Il faut du bois, beaucoup de bois pour le feu qui va brûlerpresque sans arrêt jusqu’au petit déjeuner, pour nous chauf-fer et nous nourrir.Il faut monter la tente aussi. Une vraie tente berbère en

Vendredi - Douz - El Hafaier

Vendredi - El Jebil

plus ? Dans l’autre gamelle : de la soupe ! Quel festin ! Dela Chorba, une soupe d’oignons-tomate-épices, avec despâtes langues d’oiseau et beaucoup de persil. C’est divin, ainsique le couscous. Habib sort des petites poudres de ses pots,des mélanges d’épices dont on ne connaîtra pas le secret.

Il n’est que six heures quand on se met à table, pourtant ilfait déjà sombre et il commence à faire froid. On se serreautour du feu. On hésite à s’en écarter. Le froid est là, justeà côté, prêt à nous attraper. L’humidité commence à nousgagner, on a écumé le dernier thé, la dernière cigarette etnos guides tombent de sommeil… bon, on va secoucher. Comme à l’hospice : soupe à six heures, au lit àhuit heures…

J’essaie de m’organiser un lit, bien que je sois nettementmoins bien équipée que les autres. J’ai un duvet de... Pas

un duvet-sarcophage-Gore-Tex-je-ne-sais-quoi comme les pros du camping, mais un “duvetde salon”. Heu-reu-se-ment que les guides ont amené destonnes de grosses couvertures.

Nuit d’enfer. Ça caille. La nuit, dans le désert, en janvier,c’est entre zéro et cinq degrés. Je ne ferme pas beaucoupl’œil. La nuit me paraît interminable. Evidemment, on a duse coucher à huit, neufheures…Moi qui suis couche-tard et insomniaque !

Je regarde dehors la ligne des dunes à la lumièrede la lune. Les étoiles. Le silence.Je me lève littéralement gelée et surtout contente d’avoirfini cette nuit interminable.

Je lance un Salamaleykoum franc et viril à nos

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deux guides qui sont déjà sur le pied de guerre depuis unmoment. Pas de réponse et airperplexe. Il vaut mieux que j’arrête messalamaleks et autres bismillahs tout de suite.Après tout je ne sais pas ce que ça peut signifier exacte-ment, surtout pour le vieux, Ibrahim,qui prie tout le temps.

Découverte du petit déjeuner au feu de bois :galette chaude, café, confiture de figues. Un délice. Poureux, c’est pain-confiture et huile d’olive.

On empaquete tout et on repart.

Enfin le voilà, ça y est, on découvre notre désert. On adéjà eu un avant-goût hier. Aujourd’hui, c’est le grandjour, aujourd’hui c’est du sérieux.Le paysage est loin d’être monotone. C’est la première

vapeur chinois.

Les chameaux glougloutent : ils sont en chaleur, c’est lasaison.Ils ont leurs muselières ad’hoc, pour les empêcher desortir leur glande de la gorge et baver à tout bout dechamp.Et de faire un bruit de fosse septique.

Samedi - El Jebil - M’Hamed Es Bey

Samedi - El Jebil - M’Hamed Es Bey

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grande surprise. Tout change très vite, presque à chaquetournant. Aux petites dunes avec touffes de végétations’enchaînent de grosses dunes de sable nu, au reg caillou-teux les lacs salés, aux oasis d’autres dunes plus arborées,aux palmeraies les canyons.

Quel bonheur de se lever à l’aube avec pour seul program-me : marcher, respirer, regarder.C’est beau et on se sent heureux.

Fin de matinée, je n’en peux plus.Midi, première ampoule. Heureusement que Didier a despansements haute-technologie-miracle, ceux qui font le doigt de pied comme un beignet-

Ce midi nous étudions de très près la fabrication de lagalette d’Ibrahim.

Juste de la farine, de l’eau, un peu de sel, pétrissage, et onpose tout ça dans la braise. Au bout de quelques minutes,de petits volcans de cendre et de sable bouillonnent.Quinze-vingt minutes après, la galette est cuite.On la tapote, le sable et la cendre tombent tous seuls.Tout chaud, tout frais, avec ce petit goût divin de feu debois. Et tout ça trois fois par jour.

Merci Ibrahim boulangerie.J’ai vu passer des instruments barbares qui n’ont pas nonplus échappé à l’œil observateur de Catherine. Elle suggè-re des pièges, pour la chasse.Effectivement, après le déjeuner, Ibrahim prend un autrechemin que nous. “Il va relever ses pièges !”. On commen-ce à fantasmer sur ce qu’on va manger de louche ce soir.

Samedi - El Jebil - M’Hamed Es Bey

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deux guides qui sont déjà sur le pied de guerre depuis unmoment. Pas de réponse et airperplexe. Il vaut mieux que j’arrête messalamaleks et autres bismillahs tout de suite.Après tout je ne sais pas ce que ça peut signifier exacte-ment, surtout pour le vieux, Ibrahim,qui prie tout le temps.

Découverte du petit déjeuner au feu de bois :galette chaude, café, confiture de figues. Un délice. Poureux, c’est pain-confiture et huile d’olive.

On empaquete tout et on repart.

Enfin le voilà, ça y est, on découvre notre désert. On adéjà eu un avant-goût hier. Aujourd’hui, c’est le grandjour, aujourd’hui c’est du sérieux.Le paysage est loin d’être monotone. C’est la première

vapeur chinois.

Les chameaux glougloutent : ils sont en chaleur, c’est lasaison.Ils ont leurs muselières ad’hoc, pour les empêcher desortir leur glande de la gorge et baver à tout bout dechamp.Et de faire un bruit de fosse septique.

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grande surprise. Tout change très vite, presque à chaquetournant. Aux petites dunes avec touffes de végétations’enchaînent de grosses dunes de sable nu, au reg caillou-teux les lacs salés, aux oasis d’autres dunes plus arborées,aux palmeraies les canyons.

Quel bonheur de se lever à l’aube avec pour seul program-me : marcher, respirer, regarder.C’est beau et on se sent heureux.

Fin de matinée, je n’en peux plus.Midi, première ampoule. Heureusement que Didier a despansements haute-technologie-miracle, ceux qui font le doigt de pied comme un beignet-

Ce midi nous étudions de très près la fabrication de lagalette d’Ibrahim.

Juste de la farine, de l’eau, un peu de sel, pétrissage, et onpose tout ça dans la braise. Au bout de quelques minutes,de petits volcans de cendre et de sable bouillonnent.Quinze-vingt minutes après, la galette est cuite.On la tapote, le sable et la cendre tombent tous seuls.Tout chaud, tout frais, avec ce petit goût divin de feu debois. Et tout ça trois fois par jour.

Merci Ibrahim boulangerie.J’ai vu passer des instruments barbares qui n’ont pas nonplus échappé à l’œil observateur de Catherine. Elle suggè-re des pièges, pour la chasse.Effectivement, après le déjeuner, Ibrahim prend un autrechemin que nous. “Il va relever ses pièges !”. On commen-ce à fantasmer sur ce qu’on va manger de louche ce soir.

Samedi - El Jebil - M’Hamed Es Bey

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deux guides qui sont déjà sur le pied de guerre depuis unmoment. Pas de réponse et airperplexe. Il vaut mieux que j’arrête messalamaleks et autres bismillahs tout de suite.Après tout je ne sais pas ce que ça peut signifier exacte-ment, surtout pour le vieux, Ibrahim,qui prie tout le temps.

Découverte du petit déjeuner au feu de bois :galette chaude, café, confiture de figues. Un délice. Poureux, c’est pain-confiture et huile d’olive.

On empaquete tout et on repart.

Enfin le voilà, ça y est, on découvre notre désert. On adéjà eu un avant-goût hier. Aujourd’hui, c’est le grandjour, aujourd’hui c’est du sérieux.Le paysage est loin d’être monotone. C’est la première

vapeur chinois.

Les chameaux glougloutent : ils sont en chaleur, c’est lasaison.Ils ont leurs muselières ad’hoc, pour les empêcher desortir leur glande de la gorge et baver à tout bout dechamp.Et de faire un bruit de fosse septique.

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