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Le jeu en effectif réduit PAR J.-C. THÉVENOT La construction de la cible constitue un objectif transversal fondamental dans la transformation du joueur de sport collectif débutant [1, 2]. Le jeu en effectif réduit offre à l'élève de 6 e les conditions pour atteindre cet objectif en volley-ball. N ous postulons que l'ap- prentissage du volley- ball ne peut se passer d'un détour par le jeu en effectif réduit, voire très réduit. Sans vouloir «dénaturer» la pratique sociale de référence (6 contre 6 pour le volley-ball en salle et en 2 contre 2 pour le beach-volley), nous nous appuyons sur les avantages du jeu en un contre un afin de faciliter l'acquisition de savoirs tech- niques et tactiques qui fondent la formation du volleyeur en milieu scolaire. Ce détour ne constitue en rien une réduction des exigences, mais représente au contraire une étape essentielle dans la construc- tion des fondamentaux de l'acti- vité. Nous nous centrons sur ce qui ne se voit pas, sur ce que l'élève intègre pour transformer ses conduites motrices. Nous définissons des contenus d'ensei- gnement en fonction des res- sources principalement sollicitées en volley-ball. Les élèves appren- nent à développer et à mobiliser leurs ressources en vue d'ac- croître leur efficience et acquérir des techniques plus complexes. Les situations d'apprentissage que nous présentons sollicitent l'adaptation des ressources des élèves pour répondre de manière efficace à un problème moteur précis. ANALYSE DES CONDUITES TYPIQUES DES ÉLÈVES DÉBUTANTS Le comportement caractéris- tique de l'élève débutant Il peut être analysé à partir de cinq indicateurs repérés lors d'une situation d'évaluation dia- gnostique en 2 contre 2. •Un volume de jeu réduit : beau- coup de balles tombent au sol sans être touchées (sur la l re ou 2 e touche). •Des frappes non maîtrisées : l'élève frappe en un bloc et en tapant la balle sans la contrôler, il frappe souvent à une main, les frappes sont explosives et désé- quilibrées. •Une tactique pauvre: l'élève se contente de renvoyer la balle en direction de son adversaire en s'opposant à la vitesse et à la tra- jectoire de la balle afférente. • Une mobilité réduite : il court après la balle mais ne parvient pas à la toucher (surtout en arrière), il est sur un mode réactif, son temps de réaction est très long. • Une mise en jeu non maîtrisée : le service à la ceinture est incon- trôlé, la balle monte très haut et ne passe pas le filet. D'une manière générale, nous constatons que le débutant en volley-ball est statique, réactif, non coordonné et montre un défi- cit global de sens vis-à-vis de l'activité. Ses actions sont explo- sives et non contrôlées. Il en résulte un nombre élevé de pertes de balles et un temps de jeu réduit. Plus le nombre de joueurs sur le terrain augmente, plus ces constats s'imposent avec force. Hypothèses explicatives Ressources bioinformation- nelles L'élève est constamment en crise de temps du fait d'une lecture de trajectoire de la balle tardive et erronée. Il commence à «lire» la trajectoire au moment où la balle inaine : so}Oi)d ERS №331 - MAI-JUIN 2008 31 Revue EP.S n°331 Mai-Juin 2008 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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Le jeu en effectif réduit P A R J.-C. T H É V E N O T

La construction de la cible constitue un objectif transversal fondamental dans la transformation du joueur de sport collectif débutant [1, 2]. Le jeu en effectif réduit offre à l'élève de 6 e les conditions pour atteindre cet objectif en volley-ball.

Nous postulons que l 'ap­prentissage du volley­ball ne peut se passer d'un détour par le jeu en effectif réduit, voire très

réduit. Sans vouloir «dénaturer» la pratique sociale de référence (6 contre 6 pour le volley-ball en sal le et en 2 cont re 2 pour le beach-volley), n o u s n o u s appuyons sur les avantages du jeu en un contre un afin de faciliter l ' acquis i t ion de savoirs tech­niques et tactiques qui fondent la formation du volleyeur en milieu scolaire. Ce détour ne constitue en rien une réduction des exigences, mais représente au contraire une

étape essentielle dans la construc­tion des fondamentaux de l'acti­vité. Nous nous centrons sur ce qui ne se voit pas , sur ce que l'élève intègre pour transformer ses condui tes mot r i ces . Nous définissons des contenus d'ensei­gnement en fonct ion des res­sources principalement sollicitées en volley-ball. Les élèves appren­nent à développer et à mobiliser leurs ressources en vue d ' a c ­croître leur efficience et acquérir des techniques plus complexes. Les situations d 'apprent issage que nous présentons sollicitent l 'adaptation des ressources des élèves pour répondre de manière

efficace à un problème moteur précis.

ANALYSE DES CONDUITES TYPIQUES DES ÉLÈVES DÉBUTANTS Le comportement caractéris­tique de l'élève débutant Il peut être analysé à partir de c inq ind ica teu r s r epé ré s lors d'une situation d'évaluation dia­gnostique en 2 contre 2. •Un volume de jeu réduit : beau­coup de balles tombent au sol sans être touchées (sur la l r e ou 2e

touche). • D e s frappes non maîtr isées : l 'élève frappe en un bloc et en tapant la balle sans la contrôler, il frappe souvent à une main, les frappes sont explosives et désé­quilibrées. •Une tactique pauvre: l'élève se contente de renvoyer la balle en direction de son adversaire en s'opposant à la vitesse et à la tra­jectoire de la balle afférente. • Une mobilité réduite : il court

après la balle mais ne parvient pas à la toucher (surtout en arrière), il est sur un mode réactif, son temps de réaction est très long. • Une mise en jeu non maîtrisée : le service à la ceinture est incon­trôlé, la balle monte très haut et ne passe pas le filet. D 'une manière générale , nous consta tons que le débutant en volley-ball est statique, réactif, non coordonné et montre un défi­cit global de sens vis-à-vis de l'activité. Ses actions sont explo­s ives et non con t rô l ée s . Il en résulte un nombre élevé de pertes de ba l l e s et un t emps de j eu réduit. Plus le nombre de joueurs sur le terrain augmente, plus ces constats s'imposent avec force.

Hypothèses explicatives Ressources bioinformation­nelles L'élève est constamment en crise de temps du fait d'une lecture de trajectoire de la balle tardive et erronée. Il commence à «lire» la trajectoire au moment où la balle

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E R S №331 - MAI-JUIN 2008 31 Revue EP.S n°331 Mai-Juin 2008 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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passe le filet (photo ci-dessus). Le délai d ' intervention (temps requis) est alors très restreint et il ne peut intervenir qu'en réaction et sur un mode explosif (frappes déséquilibrées et incontrôlées). La surcharge informationnelle provient également du nombre de joueurs présents sur le terrain (partenaires et adversaires). Le joueur doit dans un laps de temps réduit (trajet entre le service et la chute de la balle au sol dans son terrain) discriminer entre plu­sieurs sources d'informations qui le placent dans une position déli­cate. Il doit identifier au plus vite la trajectoire de la balle pour pou­voir se reconnaître réceptionneur ou non-réceptionneur et faire le choix de jouer la balle ou non. Il doit en tant qu'attaquant identi­fier l 'espace libre dans le camp adverse qui se réduit d'autant que le nombre de défenseurs adverses est impor tan t . Tous ces para­mètres engendrent une charge informationnelle qu'il convient

de moduler afin de voir appa­raître les adaptations souhaitées. Le comportement du débutant révèle également une difficulté à se situer et à se projeter dans l'es­pace et dans le t emps . Ce qui explique que les tâches d'anticipa­tion-coïncidence (prégnantes en volley-ball) lui posent de réels pro­blèmes. Metzler [3] explique que l'élève débutant n'a pas les capaci­tés perceptives suffisantes pour identifier précisément le «point mort » de la trajectoire de la balle afférente, ce qui le conduit à se pla­cer trop en avant ou en retrait du point de chute de la balle. On peut faire le même constat en ce qui concerne la relation entre le réceptionneur et le relayeur. Le premier ne sait pas se projeter dans l'avenir de son partenaire et lui fait une passe dans sa direc­tion, voire en arrière. Ceci montre la nécess i t é de cons t ru i r e un repère « virtuel » dans la diago­nale du réceptionneur et dans la course du futur relayeur (dans la zone de marque avant).

Ressources biomécaniques Le joueur débutant semble inca­pable de coordonner un lancer de balle avec une frappe au service, d'utiliser une poussée des jambes lors de ses frappes pour gagner en longueur et en précision, de coor­donner un déplacement avec une frappe équilibrée (photo ci-des­sus à droite). Le déficit dans la structuration du schéma corporel et de l ' e s p a c e (no t ammen t arrière) est caractérist ique des capacités de l'élève de 6 e .

Ressources bioénergétiques Les frappes explosives s 'expli­quent également par l'utilisation

abusive de fortes contract ions muscu la i r e s de tout le co rps . L'élève débutant ne sait pas gérer ses ressources musculaires. Il ne parvient pas à sélectionner les groupes musculaires adaptés à l'action (absence de discrimina­tion). Il mobilise son corps entier et produit des contractions impor­tantes (concentriques) qui ne lui permettent pas de développer un re s sen t i pendan t l ' a c t ion et construire un touché de balle effi­cace. La technique est globale et l'élève n'est pas encore capable d'affiner son programme moteur.

Ressources cognitives La tactique prioritaire de l'élève consiste à renvoyer la balle de l'autre côté de l'obstacle. Sa vision cent ra le le cont ra in t à n'effectuer cette action que dans l'axe, sur l'adversaire.

TRANSFORMATIONS VISÉES EN 6 e

A l'issue d 'un cycle de volley-ball en 6 e , nous at tendons des élèves qu'ils passent : - d e frappes a léatoi res et non contrôlées à des envois et renvois intentionnels et variés en direc­tion du camp adverse ; -d'une intention de renvoi sur l 'adversaire (jouer avec) à une intention de jouer dans l'espace libre (jouer contre) ; - d ' u n jeu statique à un jeu en mouvement, voire d'anticipation (mobilité) ;

- d ' u n service aléatoire à un ser­vice régu l i e r dans le c a m p adverse.

Acquisitions fondamentales Les contenus à construire en prio­rité par l 'élève sont définis en référence aux ressources bioin­formationnelles, biomécaniques, b i o é n e r g é t i q u e s , c o g n i t i v e s , affectives et relationnelles. Les contenus d ' ense ignement répertoriés en encadré 1 ne sont pas spécifiques au volley-ball . Nous nous s i tuons dans une approche transversale et complé­mentaire des différentes APSA utilisées en EPS , en focalisant notre action sur les déterminants de la transformation motrice de l'élève en activité. Selon les recherches en physiologie, le cer­velet serait le centre de la régula­tion tonique et de la coordination motrice (encadré 2). Les situations d 'apprent issage proposées ci-après ont comme objectif premier de placer l'élève

en situation de construction de repères proprioceptifs (regard dirigé vers le haut) et kinesthé-siques (coordinations et équili­bration). Le jeu en un contre un paraît donc le moment privilégié pour améliorer les facultés pro-prioceptives de l'élève (équilibre, processus de traitement de l'in­formation et coordination) dans la mesu re où ce l l e s -c i sont constamment sollicitées.

Logique d'apprentissage L'avantage majeur de cette forme de jeu est de permettre une solli­c i t a t ion impor t an te des res ­sources de l'élève en limitant la charge informat ionnel le et en favor isant la cons t ruc t ion de repères sensitifs (équilibration, repérage dans l ' e s p a c e , e tc . ) .

Plan de frappe reculé (trajectoire tendue dans le filet)

Frappe en bloc (trajectoire vers le haut et aléatoire)

1 • A c q u i s i t i o n s f o n d a m e n t a l e s e n v o l l e y - b a l l

Lecture de trajectoire de balle précoce et précise.

Réactivité importante (vitesse de réaction). Déplacement rapide et précis, appuis forts, dynamiques et orientés. Disponibilité motrice.

Dissociation bras-tronc, tronc-membres inférieurs, tête-tronc. Coordination intersegmentaire.

Capacité à gérer son équilibre tout en prenant de l'information en direction d'une balle en hauteur.

Repères équilibrateurs autres que les bras.

Développement des sensations proprioceptives au niveau plantaire et manuel.

Capacités d'anticipation-coïncidence. Capacités d'abstraction. Relation de contact et de touché avec le ballon. Capacités de coopération et d'entraide. Capacités de concentration et d'adaptation. Capacité à s'investir dans un duel.

Trajectoires différentes des trajectoires afférentes.

2 • L 'équi l ibrat ion, u n s y s t è m e m u l t i s e n s o r i e

c o m p l e x e

L'archéocervelet est en liaison directe avec l'appareil vestibulaire et tous deux vont régler le tonus musculaire en fonction des chan­gements de la position de la tête dans l'espace. Ils sont à l'origine des réflexes labyrinthiques com­pensateurs lors des déplacements du corps.

Le paléocervelet est un véritable cerveau proprioceptif, il règle l'acti­vité tonique posturale. Le néocervelet est régulateur et coordinateur du mouvement, en particulier au niveau des extrémi­tés, il est chargé de la parfaite har­monie des gestes. Le cortex céré­bral assurant l 'essentiel du mouvement. Le cervelet est donc un véritable centre de contrôle proprioceptif adaptant la statique, la régulation tonique et la coordination du mou­vement volontaire.

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Nous la pr iv i légions en début d'apprentissage en nous position­nant dans une logique systémique et fonctionnelle de l 'apprentis­sage. Nous postulons que l'inten-tionnalité est le guide de l'action. Ainsi, nous proposons à l'élève de découvrir et de se confronter à la logique interne de l 'activité (recherche de sens pour l'élève). Celle-ci consistant à attaquer la cible adverse, constituée par une zone horizontale et protégée par un ou plusieurs adversaires, en envoyant la balle dans un espace libre et en franchissant un obs­tacle vertical : le filet. Nous souha i tons que l ' é l ève intègre les modalités pour atta­quer la c ib le depu is l ' e s p a c e proche du filet (lire la trajectoire de balle pour se placer dessous et renvoyer avec la tête en extension et prendre des d'informations sur le placement de l'adversaire pour j o u e r à l ' o p p o s é ) . Dans un deuxième temps, nous lui pose­rons des problèmes moteurs liés à l ' a t taque de cette même cible depu i s l ' e s p a c e a r r iè re et en coopération avec un partenaire relayeur (2 contre 2). Les étapes à franchir sont traduites en terme d'intentionnalité et sous-tendent la mobilisation et le déve­loppement des différentes res­sources. Elles visent à construire ce que nous avons appelé la struc­tura t ion t echn ico- t ac t ique de l'élève dans son processus de for­mation en volley-ball. L'élève est placé dans une situa­tion de recherche de solutions avec la possibilité de corriger ses erreurs quand les réponses ne correspondent pas à ses attentes (ce qui sous-entend que celui-ci ait défini au préalable une inten­tion tactique précise) . L 'é lève apprend dans la mesure où il sait corriger ses erreurs. Le fait de pouvoir se centrer sur une inten­tion tactique claire et structurée permet d'évaluer le degré d'at­teinte de cet te intent ion d ' u n point de vue moteur.

Structuration technico-tactique La structuration technico-tactique se rappor te à l ' acqu is i t ion de savoirs cognitifs (intention tac­tique), de savoirs proprioceptifs (équilibre) et kinesthésiques (sen­sations manuel les) , mais aussi techniques (coordinations). L'ac­quisition de ces savoirs sera le fruit du développement des quali­tés phys iques ( ressources ) et

cognitives (les représentations en action) de l'élève. La progression du volleyeur résulte donc de l'ap­prentissage de savoirs spécifiques à l'activité et relatifs à une étape à franchir. L'élève apprend à traiter l ' i n fo rma t ion , à or ienter son action vers l'atteinte d'un but et il met en relation cette intentionna-lité avec une exécution motrice adaptée . Lorsque la technique motrice répond aux exigences et aux prérogatives de l'intention, on peut dire que l'élève a intégré une structure de volleyeur. La notion de structuration englobe donc à la fois dans un même ensemble la construction de savoirs cognitifs et moteurs. Les deux aspects sont indissociables. A chaque étape de sa structuration en tant que joueur de volley-ball, l'élève intègre de nouveaux savoirs qu'il ajoute pro­gressivement à sa structure. Un élève s t ructuré en vol ley-bal l connaît le choix tactique à opérer en fonction de la situation et sur­tout il sait comment répondre à cette s i tuat ion avec efficacité (tableau ci-dessous).

Les étapes de la structuration L'aspect primordial, commun et à ces étapes, est qu'elles sont tra­duites en terme d'intentionnalité tactique, avec des degrés d'effi­cacité plus ou moins élevés. C'est cette intentionnalité qui donne du sens aux a p p r e n t i s s a g e s des élèves. Ces étapes génèrent, selon Hébrard [4], l'acquisition d'habi­letés motrices qui balisent l'acti­vité du joueur au cours de son évolut ion. Une démarche dite fonctionnelle visera en premier lieu la construction de la cible c o m m e objec t i f p réc i s à atteindre, puis placera l'élève en rup tu re face à un p r o b l è m e moteur lié à la construction de l'étape supérieure (récupération, conservation puis progression). Ainsi, nous dépasserons rapide­ment le jeu en un contre un (4 e ou 5 e leçon d'un cycle de 10 leçons) pour nous p e n c h e r sur la construction du rôle de relayeur, en tant que prolongateur de l'at­taque du camp adverse dans un premier temps.

INTÉRÊTS DU JEU EN 1 CONTRE 1 •L'élève effectue un nombre très important de touches de balles au cours d'une séance (240 touches min imum pour une séance de l h 15, selon nos comptes ) . Ce

nombre élevé de répétitions opti­mise le programme moteur lié à la frappe à dix doigts en affinant les s ensa t i ons au n iveau des mains (touché de balle). •Les déplacements courts, les blo­cages et les changements rapides de direction sont favorisés. • L e temps de jeu effectif pour c h a q u e é lève est i m p o r t a n t . L'élève est toujours en mouve­ment, il est le seul à pouvoir inter­venir sur la balle, il est de ce fait «concerné» par le jeu, les diffi­cultés liées à la différenciation réceptionneur/non-réceptionneur sont exclues.

•La charge informationnelle reste limitée : le nombre d ' informa­tions à traiter est réduit, l 'élève concentre son attention sur la tra­jectoire de la balle et sur le place­ment de son unique adversaire. •L'élève est centré sur la cible à atteindre, les espaces libres sont plus facilement identifiables (à condition d 'adapter les dimen­sions du terrain).

• Devoi r r envoyer la bal le de l'autre côté du filet contra in t l'élève à produire des trajectoires montantes (à condition d'adapter la hauteur du filet) ce qui lui fait défaut lors des situations en 2 contre 2. • Jouer dans un espace restreint en largeur sollicite la vision cen­trale, p r iv i l ég iée par l ' é l è v e . L'apprentissage de la décentra-tion visuelle apparaîtra avec la production de balles afférentes vers les côtés. •La prise de décision rapide est favorisée.

•La logique interne de l'activité est conservée (selon Platonov, on peut parler de volley-ball à partir du moment où l ' é l ève prend des informations sur la trajectoire de la balle en ayant la tête en extension). •Les apprentissages fondamen­taux en volley-ball sont travaillés de manière privilégiée : lecture de trajectoire, prise de repères sen­soriels (plantaires), structuration de l'espace arrière, restitution des réac t ions du sol (poussée des jambes).

•La réversibilité des rôles d'atta­quants et défenseurs intervient dans la même action et dans un laps de temps restreint , ce qui pousse l 'é lève à identifier son statut de manière précoce et à adopter le comportement corres­pondan t dans les p lus brefs délais.

•L'apprentissage de la différen­c ia t ion a t t aquan t / dé f enseu r (transversal au groupement des sports collectifs) est favorisé par l'intermédiaire de situations réa­lisées en coopération (duo) puis en opposition. La logique de coopération des sports collectifs n 'est évidem­ment pas respectée, le jeu s'appa­rente davantage à une activité individuelle ducile de raquette. Néanmoins, la seule situation de jeu permet de solliciter un éven­tail important des ressources et capacités de l 'élève. Le rôle de l'enseignant sera de mettre l'ac­cent sur une sollicitation particu­lière en fonction des réponses des élèves et à l 'a ide des variables didactiques à notre disposition.

L e s d i f fé rentes é t a p e s d e s t r u c t u r a t i o n t e c h n i c o - t a c t i q u e d u v o l l e y e u r t r a d u i t e s en t e rme d ' in tent ionnal i té

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LES VARIABLES DIDACTIQUES PRIORITAIRES Les variables didactiques, en tant que paramètres facilitateurs ou contraignants de la tâche, consti­tuent un ensemble de dispositifs sur lesquels l ' enseignant peut intervenir afin de susciter l'acti­vité adaptative des élèves et ainsi v i se r des t r ans fo rma t ions motrices et cognitives. Elles sont liées à la tâche (espace, temps, événement); au sujet (affective, système des représentations, vécu dans l'activité) ; à l'enjeu de l'ac­tivité (but de compétition ou but de maîtrise).

Niveau 1 : lire la trajectoire de balle pour se placer dessous et effectuer un renvoi régulier et dirigé •Variable spatiale visant à placer l'élève dans une situation adaptée à ses possibilités de déplacement (espace réduit de 3 x 3m à 4 x 4m ou terrain d'une longueur supé­rieure à la largeur afin que l'élève s'adapte dans ses déplacements arrières souvent problématiques pour lui).

•Variable temporelle: adapter le temps d'intervention de l 'élève pour le placer soit en crise de temps, soit en situation de facili-tation informationnelle en jouant sur la hauteur du filet et l'espace de jeu. • Variable événementielle : jeu en effectif réduit afin de limiter la cha rge i n fo rma t ionne l l e en réception et en attaque. •Modali tés de jeu: nous impo­sons aux é lèves débu tan t s de jouer uniquement en frappe haute (passe à 10 doigts au-dessus de la tête) afin de les obliger à prendre l'information sur la trajectoire le plus vite possible. Si l 'élève se contente de jouer en frappe basse (manchette), le temps requis est plus long et la prise d'informa­tion plus tardive . De p lus , les é lèves r isquent de s ' enfermer dans leurs représentations cen­trées sur le jeu en manchette plus spectaculaire.

Niveau 2 : favoriser l'attaque du camp adverse depuis la zone de marque avant •Variable spatiale: terrain plus long que la rge pour pousse r l 'élève à utiliser un relais pour renvoyer depuis la zone avant. •Variable événementielle: effec­tif réduit en 2 contre 2, seulement un partenaire qui peut servir de relais ou de passeur. Incertitude

également dans la phase de récep­tion qui nécessite une différencia­tion rapide des rôles de réception­neur et non-réceptionneur Dans tous les cas, l'élève est placé en situation d'opposition duelle Cela garantit son investissement (but de compétition) en le plaçant dans des situations de recherche de solutions (but de maîtrise), tout en l'impliquant dans la construc­tion du schème de duel [4].

EXEMPLES DE SITUATIONS D'APPRENTISSAGE Nous proposons ici quatre situa­tions d'apprentissage correspon­dant aux trois premières étapes de structuration tactique du joueur définies en amont.

Étape 1 : renvoyer la balle sur l'adversaire pour tenir l'échange Cette étape doit être rapidement d é p a s s é e pour en t re r dans la logique de rupture de l'activité.

Situation 1. Renvoyer en passe haute

Organisation «Un avec un» sur terrain réduit de 3 m sur 3 pendant 5 min.

But :réaliser le m a x i m u m d'échanges possibles en coopéra­tion.

Consignes Engager en lançant la bal le à deux mains (départ de la poi­trine). Balle renvoyée en passe haute = l p t . Balle renvoyée à une main ou en manche t te = 0 pt , mais le j eu continue.

Critères de réussite Marquer au moins 30 pt et battre son score avec trois partenaires différents.

Critères de réalisation Lire la trajectoire de la balle le plus tôt possible pour se placer dessous et renvoyer. Produire une trajectoire de balle haute pour lais­ser le temps à son partenaire de se placer. Frapper la balle au-dessus de sa tête (si je ne frappe pas la balle, elle tombe sur mon front).

Technique de passe Les mains se regardent pouces orientés vers le front, bras semi-f léchis ( 9 0 ° ) . F rappe avec flexion-extension des poignets et ex tens ion des coudes vers la direction souhaitée (photos ci-contre).

Apprentissages visés •L i r e la trajectoire de la balle afférente de façon précoce. • Réa l i se r des d é p l a c e m e n t s courts, rapides, la tête orientée vers le haut. •Améliorer ses sensations plan­taires et manuelles. • Se placer sous la balle. •Se représenter l'espace. •Réaliser des frappes équilibrées (technique de passe). • Jouer « haut » pour donner du temps à son partenaire. •Engager avec précision.

Étape 2 : renvoyer la balle dans l'espace libre identifié pour gagner le point

Situation 2. Jeu des cibles

Organisation Terrain réduit de 6 m (2 x 3) sur 3 m. 4 plots de couleurs différentes indiquent aux élèves où se placer, où se déplacer et où renvoyer. 2 plots bleus placés sur les côtés du terrain : 1 à droite et 1 à gauche 2 plots rouges au centre : 1 plot devant et 1 en zone arrière. Groupes de 3 élèves: A lance, B renvoie, C arbitre et compte les points (dessin 1 et photo p. 35).

But: renvoyer sur le plot libre pour B.

Consignes A lance la balle sur B puis se déplace vers un plot (au choix), B doit renvoyer sur le plot laissé libre. Le jeu s'arrête. 15 essais sur les plots bleus, puis 15 sur les rouges.

Critère de réussite 10 réussites sur 15 essais.

Critères de réalisation Lire la trajectoire de balle très tôt (avant le passage au-dessus du filet). «Ouvrir» son champ visuel pour regarder où se déplace A. • Plots bleus : orienter ses appuis face au plot à atteindre. Adapter l'intensité de sa frappe en fonc­tion de la vitesse de la balle affé­rente (rupture de force avec l'an-gulation à produire). •Plots rouges: adapter l'intensité de sa frappe. Pousser dans les 0 jambes pour augmenter sa puis­sance et jouer en zone arrière.

Variables Varier la distance entre les plots, le temps de mise en mouvement de A (plus tôt pour faciliter, plus tard pour a u g m e n t e r la diffi­culté). Commencer soit par les plots b leus , soit par les p lo ts rouges, en fonction des réponses des élèves. Varier également le nombre de solutions : 3 plots et 1 défenseur, 3 plots et 2 défenseurs, 4 plots et 2 défenseurs, etc.

Apprentissages visés Identiques à l'étape 1. • Décentrer le regard vis-à-vis de la balle pour lire le déplacement de l'adversaire. •Orienter ses appuis et ses épaules. • Dissocier le haut et le bas du corps. • Pousser sur les j a m b e s pour gagner en longueur et en préci­sion de frappe. •Rompre l'opposition des forces liées à la balle afférente pour ren­voyer avec un angle différent. •Adapter l'intensité de sa touche de balle en fonction de la distance à faire parcourir à la balle.

Passe haute, vue de profil

Passe haute, vue de face

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Étape 3 : construire l'espace libre Situation 3. Créer l'espace libre pour m a r q u e r de manière intentionnelle

Organisation Groupes de niveau en fonction des capacités perceptives et de mobilité. Terrain: de 3,50 m (niveau 1) à 4,50 m (niveau 2) sur 3 m de lar­geur. Un contre un en confrontation différée (dessin 2).

But: g a g n e r le m a x i m u m de points.

Consignes L 'a t t aquan t A e n g a g e sur le défenseur puis le jeu continue. Le défenseur B doit aller toucher un plot après chaque frappe. Niveau 1 : le défenseur a le choix du plot à toucher. Niveau 2 : l'attaquant impose un plot à toucher au défenseur.

Nombre d'essais 20 attaques, puis inversion des rôles.

1 pt sur faute adverse, 3 pt si la balle tombe au sol sans être tou­chée.

Critère de réussite : obtenir un score au moins égal à 30 (sur 60 possibles).

Critères de réalisation Anticiper un schéma tactique et l'appliquer à l'aide du plot. Décen t re r son a t ten t ion de la balle et de l'adversaire pour iden­tifier l'espace libre.

Variables Le défenseur possède un joker: il est autorisé à ne pas toucher le plot une fois par échange. Identif ier un schéma tac t ique simple et l 'exploiter. Exemple: engager long pour profiter du retard du défenseur et jouer dans le contre-pied.

Adapter sa tactique en fonction de la place du plot et du déplace­ment du défenseur. Varier également le nombre et la distance entre les plots : réduire le nombre de plots pour faciliter l ' a t t aque (baisse de la charge informationnelle) et réduire la distance entre les plots pour faci­liter la défense. Augmenter le nombre de plots revient à sollici­ter davantage la prise d'informa­tion sur l'espace libre.

Apprentissages visés Identiques aux étapes 1 et 2. • Augmenter la réactivité et la dis­ponibilité motrice. •Aspects tactiques: produire des trajectoires tendues pour attaquer

et des trajectoires hautes pour défendre ; jouer où l 'adversaire n 'est pas ; déplacer l 'adversaire (plot) en fonction d'un projet tac­tique ; identifier au préalable les difficultés de déplacement ren­contrées par l'adversaire (plutôt en déplacement latéral et/ou en déplacement avant-arrière).

Situation 4. Construire l'espace libre

Organisation G r o u p e s de n iveau par 3 : un contre un avec un arbitre. Terrains adaptés en fonction des n i v e a u x . Niveau 1 : 3,50 m ; Niveau 2 : de 4,50 m à 5 m. La ba l le vaut 5 pt moins le nombre de passages au-dessus du filet (dessin 3 p.36).

But : gagne r le m a x i m u m de points.

Consignes A sert et doit gagner le point le plus vite possible pour avoir 5 ,4 , 3 . . . points. Service lancé depuis une ligne à 2,50 m. 10 services par joueurs.

Critère de réussite : obtenir 30 pt sur 50 possibles.

Critères de réalisation : Utiliser un schéma tactique et l 'adapter en fonction de ses adversaires. Mettre l'adversaire en difficulté dès le service. Anticiper la balle de l'adversaire.

Variables : classement en mon­tante-descendante avec des ter-

1 • Jeu des cibles J e u des cibles

2 • Un contre un en confrontat ion différée

EP.S № 331 - MAI-JUIN 2008 35 Revue EP.S n°331 Mai-Juin 2008 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 6: Le jeu en effectif réduit - uv2s.cerimes.fr

ra ins p r o g r e s s i v e m e n t plus grands vers les terrains les plus hauts . Donner la possibilité de réaliser un jonglage en avançant. Si le jonglage est effectué sans m o u v e m e n t vers l 'arrière, le point est perdu (observateur).

Apprentissage visé Construire tactiquement le point le plus vite possible. Particularité du jonglage : il doit impérativement être réalisé en mouvement vers l 'avant , sinon

l'élève place ses mains à plat et la trajectoire de la balle sera dirigée vers l 'arrière avec une rotation arrière. Nous voulons que l'élève construise une trajectoire mon­tante vers l'avant avec un aligne­ment œi l -ma ins -ba l lon . Cette construction peut être favorisée notamment par le jeu au mur.

Nous revendiquons le recours au jeu en un contre un dans

une logique de sport col lect if dans la mesure où nous nous cen­trons sur des acquisitions spéci­fiques et fondamentales en vol­ley-ball. Nous concédons que les étapes 1, 2 et 3 sont très proches de compétences des sports de raquette mais les coordinations sont différentes. Le contact au projectile est direct (non médié par une raquette) et la prise d'in­

formation est perturbée par l'ex­tension de la tête et l 'obstacle constitué par le filet. Il est courant de constater au lycée que bon nombre d'élèves n'ont pas acquis les bases des coordinations en volley-ball, on retrouve souvent les mêmes caractéristiques que l'élève débutant. Pour pallier ce problème de l'éternel débutant, le un contre un constitue un levier pri­mordial dans la construction des coordinations spécifiques au vol­ley-ball. •

Jean-Charles Thévenot, Professeur agrégé d'EPS

Colombey-les-deux-églises (52) Formateur FPC

Académie de Reims

3 • Construire l 'espace libre

Jonglage a l'arret Jonglage en mouvement

Jeu au mur

D'autres documents réalisés par le même auteur sont disponibles sur le si te de l ' a c a d é m i e de Reims : • Cycle en 6 e avec éva lua t ion (rubrique APS A). • Documents supports à la FPC 2008 : dossier complet relatif à l'enseignement du volley-ball en collège, diaporama sur la lecture de trajectoire, compte-rendu des stages 2008 (rubrique FPC).

Références bibliographiques [ 1 ] THÉVENOT ( J . - C ) , «Sports collectifs:

la construction de la c ib le , un objectif transversal », Revue ERS n° 3 2 1 , 2 0 0 6 . [2J Programmes du co l l ège . Arrêté du 1 8 juin 1 9 9 6 .

[ 3 ] METZLER ( J . ) , «Volley-ball: Contrôler la réception en direction et en intensité». Revue EPS n° 3 2 1 , 2 0 0 6

[ 4 ] HÉBRARD (A.), Éducation physique et sportive, réflexions et perspectives. Éd. Revue ERS, 1 9 8 6 .

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