le culte de l'incompétence emile faguet

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'^^*

^^r

THE UNIVERSITYOF ILLINOIS LIBRARY

OAK ST. HDSF

Le Culte de Tlncomptence

LES TUDES CONTEMPORAINES

Le

Culte de

incomptencepar

EMILE FAGUETDB LACAOKMIB FRANAISE

PARIS

BERNARD GRASSETditeur61,

Rue des

Sai nts -Pres, 5119-3

,

Oc i^o

LES TUDES CONTEMPORAINES

Sousqueset

ce titre parat une srie d'tudes criti-

documentaires sur ce temps.caractre, cette collection ne ressemcelles qui, sous des appellations

Par sonble

aucune de

analogues, ont^,

paru jusqu'

ce jour.

Elle se propose d'apporter la connaissance

de l'poque contemporaine une contribution mthodique,et

\

de susciter au profit des ides

et

des

\

individus du prsent la

mme

curiosit historique

qu'on applique

aux choses du pass.

Reconnatre dans la socit franaise d'au.

Jourd'hui un certain nombre de tendances essentielles et

,

de courants, dont on s'efforce de dteret les effets;

I

miner l'origine, la direction traversles

retrouver

\

diverses manifestali ms littraires

l.

scientifiques, artistiques, sociales, les traits pars

d'une phgsionomie caractristique, qui est celle

I

de notre temps

;

discerner de la foule les indivi-

309043

6

LE CULTE DE l'iNCOMPTENCE

dus

d'lite

qui la dominent

et

lui

imposent ses

ides, ses gots, ses

modes

;

observer les institules

tions

dans leur influence surles

murs

et l'esprit

public; analyser

mentalits collectives

et

ano-

nymes qui consliluenl ce que l'on appelle proprementles

milieux,

tel est

son but.

Une synthse de ce genre ncessite la collaboration d'un grand nombre de spcialistes, travaillant sous

une direction

et

sous une pense

communes. Partraits,

la varit des sujets qui

y seront

par

l'esprit d'impartialit critique, sou-

cieux de comprendre plutt que de juger, qui restera le sien, par la solidit et l'abondance

de sa documentation,

la collection

des tudes

Contemporainessciences et

est destine

constituer un rdbut du

pertoire universel de la socit, des lettres, desdesarts

en France au

XX

Sicle.

(Note de l'Editeur.)

LE CULTE DE L'INCOMPTENCE

I

PRINCIPES DES RGIMES

Ondes

s'est

toujours

demand quel

est le principe

diffrents;

gouvernements, chacun

devant

avoir le sien

c'est--dire quelle

est l'ide

gn?

rale inspiratrice de

chaque rgime politique

Par exemple Montesquieu prouvait que le prineipe de la

monarchie

est l'honneur,

queque

le prinle prin-

cipe

du despotisme

est la terreur et

cipe de la Rpublique est la vertu, c'est--direle patriotisme, etil

ajoutait avec

beaucoup de

raison, que les gouvernements dclinent et tom-

bent par l'excs ou par l'abandon de leur principe.

Et cela est vrai, quoique paradoxal.

On ne

voit

8pris,

Ll CULTB DB L'iNCOMpTENCB

au premier abord, comment

le

despotisme

pe-ut

tomber pour

ceci qu'il inspire trop de ter-

reur, la monarchie tempre pour ceci qu'elle

dveloppe trop

le

sentiment de l'honneur et la

Rpublique pour ceci qu'elle a trop de vertu. C'est pourtant trs vrai.

A

abuser de la terreur on Tpuise

;

et c'est

le

cas de citer le

mot

excellent

d'Edgar Quinet:

Quand on veut faire de la terreur,il faut tre sr

qu'on en pourra faire toujours. y avoir trop d'honneur;

Il

ne saurait

mais quand, ne faisant

appel qu* ce sentiment, on multiplie les dignits,les distinctions, les

panaches, les galons,

les

hon-

neurs^

comme on ne peut pason a contresoi et

les multiplier ind-

finiment,et

ceux qui n'en ont pas,

ceux qui, en ayant, ne trouvent jamais en avoirEt enfinest bien incontestable

assez.il

qu'on ne peut

avoir trop de vertu, particulirement trop de patriotisme, et c'est bien ici que les

gouvernementsl'ex-

tombent bien plutt par l'abandon que parqu'finit

cs de leur principe. Cependant n'est-il pas vrai

demander trop de dvouement au pays on par outrepasser les forces humaines et par

lasser les vertus les plus prodigues d'elles-mmes?

PBIMCIPES BBS BiGIMBS

C'est ce qui est arriv

Napolon, qui, peut-tre

sans absolument le vouloir, a trop

demandFrance

la

France pour l'dification de

En rsum, Montesquieu veut queclasses riches, soit

la magistra-

ture, partie hrditaire, partie recrute dans les

un corps

aristocratique iudloi,

pcndant, analogue l'arme, arme de la

analogue au clerg, clerg de lajustice avec la

loi et

rendant lales titres

comptence technique que

INCOBIPiTBIVCB JUDICIArai

101

universitaires tabliront et avec cette

comptencede dignit,

morale qui

est faite d'indpendance,

d'esprit de corps et d'impartialit.

Maistait

j'ai

ajout que la vnalit des offices n'-

pas ncessaire pour obtenir ces rsultats,tablir ces garanties.

pour

Le principe, qui tombo:

sous le sens, est-celui-ci

la magistrature doit

tre indpendante. Elle ne peut l'trel'est

que

si elle

par la proprit de ses fonctions, par

le fait

d'tre propritaire de ses fonctions. Elle ne peut tre propritaire de ses fonctions

que

si elle

les;

achte,

ou

les hrite,

oument.hrite

si elle

n'est pas

comme sous l'cncien rgime nomme par le gouverne-

On;

n'aime point qu'elle Iss achte ou lesil

alors

faut qu'elle soit

nomme

autre-

ment que par

le

gouvernement.le

Par qui donc? Parsera dpendante

peuple

?

Mais alors

elle

du peuple,

elle sera

dpendante

de

ses lecteurs.

Ce sera meilleur, ou moins mauvais. Point du tout. D'abord, nomme psrteurs, la magistrature sera encoretiale qu'elle

les lec-

moins imparle

ne

l'est

nomme par

gouverne-

ment. Le juge ne songera qu' se faire rlire et

donnera toujours raison aux plaideurs apparie-

103

LB CULTB DB l'iNCOMPTBXCB

ant au parti qui Taura lu. Voudriez-vous tre

jug par un tribunal compos des dputs deTotre dpartement? Non, certes,sisi

vous appartevous appar-

nez au parti

le

plus faible. Oui,

tenez au parti

le

plus tort

;

et

encore la condi-

tion que vous ayez pour partie

un homme apparsi

tenant

au parti

le

plus faible ; car

vous avez

pour partie un homme appartenant comme vous au partile

plus

fort, il s'agira

de savoirlui

si

vous

tes lecteur plus influent

que

ou

s'il

est lec-

teur plus influent que vous.

Ad

summarrif au-

cune garantie d'impartialit avec une magistraturelue.

Ajoutez qu'avecles justiciables

le

systme des juges lus par

vous aurez une trs grande, trs

agrable du reste, diversit de justice. Ce sera unbariolage.

Dans

les

pays bleus

les juges

nommsrlus

par une majorit bleue parelle

et tenant tre

jugeront toujours en faveur des bleus;

dans

les

pays blancs, les juges

nomms par une

majorit blanche et tenant tre rlus par elle,

jugeront toujours en faveur des blancs, c Le droita ses poques1

> s'crie ironiquement Pascal.11

Le

droit aura ses rgions.

ne sera pas leet

mme

dans

les

Alpes-Maritimes

dans les Ctes-du-

INCOMPTBNCB JUOICIAIBB

103

Nord. La Cour de cassation, la supposer impartiale,

paasera son temps renvoyer les procs

des pays blancs juger nouveau dans les paysbleus et les jugements des tribunaux des paysbleus corriger dans les pays blancs. Et ce seral'anarchie judiciaire, l'anarchie juridique, etl'a-

narchie de la jurisprudence.

Si la magistrature ne doit pas tre hrditaireou acquise prix d'argent;

et e4

ne doit pas tre ne doit pas tresera-t-eile bien

nomme par le gouvernementlue parle

peuple

;

par

qui

nomme ?

Par elle-mme; je no vois pas d'autres solutions.

Par exemplejuste ; maisil

car je ne vois qu'un systme

peut y avoir plusieurs mthodes

par exemple tous les docteurs en droit de France

nommentsation

la

Cour de cassation

et la

Cour de casune mthode

nomme

tous les magistrats de la magis-

trature assise et les promeut. C'est

aristocratique-dmocratique; la base est trs large.

On bien les magistrats seulement nomment les membres de la Cour de cassation et la Cour decassationC'est

nomme

les magistrats et les

promeut.

une mthode oligarchique.

104

LB CULTB DB L'iNCOMPiTETVCS

Ouest et

bien

procd de transition entre ce qui premire ce qui doit tre pourla

fois

seulement, tous les docteurs en

droit de

France

nommentsation

la

Cour de cassation

et la

Cour do cas-

nomme

tous les magistrats de France et

ensuite et dsormais ce sont les magistrats de

France qui pourvoient aux vides de la Cour decassation et laet

Gourde

cassation, laquelle

nomme

promeut tous

les magistrats

de France.etil

Le gouvernement n'a pas cess

continue de

nommer

les

membres de

la

magistrature debout.

Dans toutes ces mthodes la magistrature forme

un corps autonome,

issu d'elle-mme, ne dpen-

dant que d'elle-mme ne relevant que d'elle-mme,capable, cause de son absolue indpendance,

d'une impartialit absolue.

Mais une caste C'est une caste. J'en suisc'est!

afflig

;

mais

c'est

une

caste. Jamais

vous ne serez bien jugs que

par une caste, parce que ce qui n'est pas caste nepeut tre que le gouvernement ou tout le mondeet le

gouvernement ne peut pas bien juger tantet, s'il est

souvent juge et partie;

ombrageux,

se

croyant toujours partie; et tout le

monde ne peutla pratique

pas bien juger, tout

le

monde, dans

bCOMPfrrBNCB JUDTCTABl

105

tant la majorit et la majorit tant

un

parti et

un

parti, par dfinition,

pouvant difficilement tre

impartial.

Mais la dmocratie tient ne pas tre jugepar une caste, d'abord par horreur des castes,ensuite parce qu'elle ne tient pas tre juge

impartialement.tient tre

Ne

criez

pas au paradoxe

;

elle

juge impartialement dans les petits

procs, dans le train de tous les jours, couram-

ment

;

elle tient,

dans tous procs impliquant

question politique, dans tout procs, aussi, o

un homme appartenant prsence d'un

la majorit se trouve

en

homme

appartenant < l'opposi-

tion ce qu'il soit jug contre celui-ci.Elle dit la magistrature ce qu'un dput nafdisaitest

au prsident de la Chambre : Votre devoir

de protger la majorit.

Voil pourquoi elle tient cette magistrature

de fonctionnaires, qui, bien que contenant detrs

bons lments, ne peut pas tre toujours impar la bouche

partiale, cette magistrature qui

d'un de ses plus hauts dignitaires, interroge sur

une procdure peut conforme

aux pieds du gouvernement et la magistrature et

106la loi;

tS CULTB DB L'iNCOMPTBNCB

cette magistrature qui, dans d'assez bon^et

ns intentions du resteaffaire

pour en

finir

avec une

interminable, tournait la loi ou plutt la

retournait, nait ainsi

coup sr ne l'appliquait paset

et

don-

un mauvais exemple,arrt,

du

reste, per-

mettant ainsi de contester indfiniment et trs

pertinemment son

ne procurait pas l'apailaissait l'affaire;

sement qu'elle voulait produire et

ternellement ouverte au lieu de la clore

cette

magistrature enfin qui a de la science, du sens,

de Tinte] ligence, mais qui, son incomptence morale neutralisant sa comptence technique, n'a

pas d'autorit Maisla

et

ne peut pas en avoir.et il

dmocratie ira plus loin

ne se peut

gure, puisqu'elle penche de plus en plus

duet

ct

de son principe, qu'elle n'yidal est lela

aille point.

Gomme

son

gouvernement

direct,

de mmeil

oour

mme

raison son idal, l o

faut absolu-

ment des magistratures,voudralire ses juges.

est le magistrat lu. Elle

nomme dj, mais au troisime degr. Elle nomme les dputs qui nomment le gouvernement qui nomme les juges. GelaNotez eneffet qu'elle les

est lointain.

Elle les

nomme

aussi,

un peu, au second degr.

mCOMr^TFNCR JVDTCTAinS

107

car elle

nomme les

dputs qui psent sur la no-

mination des juges et qui psent sur leur avan-

cement ou sur leur non avancement

et qui

psent;

encore souventes fois sur leurs dcisionscela encore est lointain.

mais

Et puisque, par cette constitution, ou plutt

par cette pratique,c'est le

le principe

est

reconnu que

peuple qui, mdiatement, mais rellement,

nomme les juges, la dmocratie, logique, simpliste et simplificatrice comme toujours, voudra que leprincipe soit appliqu sans dtours et voudra quele

peuple, directement et immdiatement

nomme

les juges.

Alors interviendront les ternelles questions dela

manire de voter, de la manire de nommer.

Si

Ton

vote, si

Ton nomme au scrutm uniper-

sonnel, le canton

nommera son juge deet il

paix, Tar-

rondissement son tribunal, la rgion sa Cour, toutle

pays la Cour de cassation

;

y aura

le

dou-

ble inconvnient signal plus haut, jurisprudenceet justice diverses

selon les pays et impartialit

nulle part.

Si l'on

nomme au

scrutin de liste, tout le pays

nomme

toute la magistrature et alors elle appar-

tiendra tout entire au parti vainoueur et la fus-

108tice sera

U

CULTB Dl L'iNCOMPiTEnCB;

absolument uniforme

mais

il

n'y aura

d'impartialit nulle part.

Quant aux systmes intermdiaires

ils

runi-

ront les inconvnients des deux systmes extr-

mes.

Si,

par exemple, vous

faites

nommer par

rgions, juges de paix, juges, conseillers et prsidents de Bretagne seront tous blancs et tous

partiaux, juges de paix, juges, conseillers et prsidents de Provence tous bleus et tous partiauxetil;

y aura diversit

;

mais

il

n'y aura que dif-

frentes couleurs de partialit.

Mais ceci

est l'avenir,

quoique probablement

assez prochain. Restons dans le prsent. Le prsent, c'est

encore

le jury.;

Le jury a une parfaiteil

comptence morale maisptence technique.Il

a

une parfaite incomla

semble que

dmocratie

veuille toujours avoir sonet si ce n'est

compte d'incomptencesoit;

pas d'une manire que ceest;

d'une

autre.

Le jury

indpendant de tout

il l'est

du

gouvernement

il l'est

du peuple;

et de la

meilleure

manire qui puisse tre

car

il

est le

mandataire

du peuple sans en tre l'lu

et il

ne

tient pas

du tout

sa rlection, trouvant dj que son lection est

une aventure assez fcheuse. D'autre part, partagtoujours entre deux sentiments, celui de la piti^

INCOMPiTBNCB JUDICIAIBB

109

et celui de la conservation, celui de la tendresse

humaine

et celai de la ncessit de la dfense so-

ciale, il est

galement touch par

le

verhiage deet ces

l'avocat et par celui

du ministre publicil

deux influences se neutralisant

est

dans

les

meilleures conditions morales pour bien juger.C'est

pour cela queAthnes

le jury est

de toute antitait

quit.

A

le tribunal

des Hhastes

une espce de jury, trop nombreux, ayant

le ca-

ractre d'une runion publique j mais c'tait une

manire de jury.

A Romeet

il

y avait, mais dsign parici

le

prteur

nous sommes

dans une rpublique plus r-

gle, des citoyens constitus

comme

juges des dcin'avait

questions de

lait, et

c'est--dire appels

der

si

une action

avait tsi

commise ou

pas t commise,

une somme avait t paye

ou non, la question de droit tant rserve auxccntumvirs.

En

Angleterre

le iury existe et

fonctionne de-

puis des sicles.

Ces diffrents peuples ont pens avec raison

que

les jurs sont

dans

les meilleures conditions

morales pour bien juger, possdant la comptence

morale autant que personne.

110Il est11

LB CULTB DB l'iNCOMPTBIICB

vrai

;

seulement

ils

ne comprennent

rien.

arrive qu'un jury, celui de la Gte-d'Or, en no-

vembre 1909,ayant juger un meurtrier dclare1*

que cet

homme n'a

pas port de coups,

2*

que;

les

coups qu'il a ports ont entran la mort

sur quoi on est bien forc d'acquitter l'homme,

dont

les violences,

quoique inexistantes, ont t

meurtrires. Il arrive que, dans l'affaire Steinheil,

galement en novembre 1909,clarations

il

ressort des dt assassin

du jury que personne n'a

dans

la

maison Steinheil et que dufille

reste M"* Steinsi

heil n'est pas la

de M"* Japy, ce qui,

un

verdict taitla cessation

un jugement, entranerait d'une partde toutes recherches des assassins de

M"* Steinheil et de M"' Japy, d'autre part de^terribles complications d'tatcivil.

Mais un verdict n'est pas un jugement. Pourquoi ? C'est que le lgislateur a prvu la redoutable absurdit des verdicts.critIl

est

donc deen

droit

que;

les verdicts des jurys sont

prsums abeffet

surdes

il

est d'exprience qu'ils le sont

trs souvent. Il

semble que

les dcisions des jurys

sont tires aux ds

comme

celles

du fameux juged'une

de Rabelais.le jury

Il est

proverbial au Palais qu'avecl'issue

on ne peut jamais prvoir

INCOMPTENCB JUDICIAISBaffaire.

111

On dirait que;

leil

jur raisonne ainsi: Jeest juste

suis

juge de hasardsoitsait

que mon jugele jury, par hor-

ment

de hasard lui-mme.

On

que Voltaire a rclam, ainsi qu'il;

reur des < Busirisgistrats

appelait les

ma-

de son tempsil

mais, avec son tourderio

habituelle,traireil

n'a pas le soin de cacher et au con-

dclare plusieurs reprises que la popuet

lation

d*Abbe ville

de la rgion d'Abbe ville

et

que

la

population de Toulouse et de la rgion de

Toulouse taient unanimement dchanes, cellel

contre La Barre et d'Etalonde, celle-ci contre

Calas.

Donc

si

l'on avait fait juger

La Barretir

et

d'Etalonde par un jury ncessairement

de la

population d'Abbeville et de la population doToulouse,il

est

probable

qu'ils auraient t

con-

damns

tout aussi bien qu'ils l'ont t par les

Busiris .

Le jury

n'est

pas autre chose qu'un raffinement

du

culte de l'incomptence.

La

socit, ayant se

dfendre contre les voleursle soin

et les

meurtriers,donne

de la dfendre quelques citoyens, avecest la loi;

une arme qui

seulement

elle choisit

pour cela des citoyens qui ne connaissent pas

cette

arme

et c'est ainsi au'ello se croit

bien dfendue.

113

Ll CULTB DB L^INCOMpiTBNd est

Le jur

un

rtiaire

bien et dment pourvuet

du

filet,

mais qui n'en connat pas la manuvre

qui n'en tire autre chose que d'y rester emptr

lui-mme.Inutile

de dire que la dmocratie suivant tou-

jours sa pointe, car elle est merveilleuse la suivre, lait

l'heure o nous sommes, descendre le

jury d'un cran et transforme le jury bourgeois en

jury ouvrier. Je n'y vois pour

ma part aucun mal;de (l'ou-

car en matire de lois l'ignorance et l'impritie

du bourgeois

et l'ignorance et l'impritie;

vrier tant gales

et

du jury bourgeois au juryceci

bourgeois-ouvrier et du jury bourgeois-ouvrier

au jury ouvrierest not

il

n'y aura pas dcadencela

;

seulement pour indiquer

tendance de

la dmocratie vers une incomptence qui est pr-

sume de plus en plus grande.Le prsent,c'est

encore les juges de paix.

Un exemplela recherche

assez intressant de la dmocratie

de l'incomptence en matire ju:

diciaire est le suivant

Les juges de paix sont trs souvent, causedes frais qu'il iaut que le plaideur fasse pour appeler de leur juridiction une juridiction suprieure, des juges eu dernier ressort. Ils sont

donc

ikcompiStbncb judiciairb

113

des juges trs considrables.

Il

serait

donc

trs

ncessaire qu'ils fussent instruits, qu'ils connussent du droit et de la jurisprudence. Par suite onles choisissait

gnralement parmidroit,

les licencis les

en droit, les bacheliers enclercscit .

anciens

de notaire pourvus du brevet de capaTout cela, vrai dire,garantie.loitait

assez faible

comme

Par la

du 12

juillet 1905, le

Snat franais,

dsireux de trouver par ces fonctions une incom-

ptence plus radicale, dcida que pourraient tre

nommslicenceficat

juge de

paix

ceux qui, dfaut dedroit,

ou de baccalaurat en

ou de

certi-

de capacit, auront exerc pendant dix ansde maires ou adjoints ou conseillers

les fonctions

gnraux. Il

y avait dans cette dcision

le dsir, trs lgi-

time et trs honnte,et

de permettre aux snateurs

dputs de rcompenser les services lecto-

raux qui leur seraient rendus, par des places dejuges de paix (songez que les snateurs, particulirement, sont

nommsil

par les maires et adjointssurtout l'application

de

village).

Mais

y

av.iit

du

principe. Le principe est,:

comme nous savons,? C'est 9

celui-ci

O

est

Tincomptence absolue

114

LE CULTB DB L*ITJCOMPTEXCB

celui qui l'a sans contestation possible, qu'il fautconfier la fonction.

Or

les

maires

et adjoints

rpondaient intgra-

lement cette faon de considrer les choses.

Les maires

et adjoints,il

en France, doivent savoir

signer; mais

n'est

nullement obligatoire qu'ilsils

sachent

lire

;

et quatre-vingt fois sur cent,

sont de purs illettrs dont l'instituteur de

la

commune

fait

tout le travail.

Le Snat

tait

donc

sr d'avoir en eux des

hommes

radicalement in-

capables d'tre juges do paix. C'est ce qu'il luifallait.

L'incomptence tant absolue, la fonction

lui tait

due

;

il

la lui a donne.

Certaines

consquences

de cette

institution

minemment dmocratique ont paru mouvoir lamagistrature et les pouvoirs publics. M. Barthouministre de la Justice, sur la fin de l'anne 1909,e'est plaint

du11

travoil

que Im donne:

l'institu-

tion nouvelle.

a

dit

aux dputs

Nous som-

mesrits

ici

pour nous dire rciproquement nos vavec toute la modration et toutej'ai le droit

et,

la

prudence qui conviennent,la

de mettre

Chambre en garde contre

les

consquences de

la loi de 1905.

A

l'heure actuelle je suis assaillijustices de paix. Je ne vous

par

les

demandes de

INCOMPJTBNCB JUDICIAIRBdirai

ll5

pas qu'il y a quelque

9000

dossiers au

ministre de la Justice; parce que je conviens que,

parmi ces dossiers

il

peut s'en rencontrer quel-

ques-uns qui, pour des raisons diverses, ne sont

pas susceptibles d'un examen; mais

il

y a, en

chiffres ronds, 5.500 dossiers qui sont appuys^

qui sont examins. [Ce qui veut dire qu'ils sont

examins parce qu'ils sont appuys, ceux qui nesont apostilles par aucun personnagetant classs sans examen,

politiqueet si

comme il est juste]

vous prenez garde qu'il y a une moyenne annuelle

de 180 vacances, vous apercevrez immdiatementladifficult

devant laquelle jeil

me

heurte.

Or

parmi ces candidaturestent avec

en est qui se prsen-

une

force, je:

ne veux pas dire avecce

une prct singulireres de ceux qui,

sont les candidatu-

pendant dix ans, ont exerc,les

quelquefoisles

dans

plus petiteset

communes,

fonctions de

maire

les

fonctions d'ad-

joint.

Et le ministre de la Justice

faisait

connatre

h,

MM.

les

dputs

le

rapport d'un procureur gn-

ral sur cette question.

Ce procureur gnral disait : Ce dpartement

compte quarante-sept juges

lis

LB CULTB DB L'INCOIIPTBNCI

de paix. D'un relev nominatif que je viens d'tabliril

rsulte

que vingt de ces magistrats taientleur nomination.Il

maires au

moment desi le

ne faut

pas tre surpris

nombre des candidats aux

fonctions de la magistrature cantonale s'lve de

plus en plus parmi les chefs des municipalits.Il

semble admis dans ce dpartement que

les fonc-

tions lectives, en dehors do toute aptitude professionnelle, soient la voie d'accs

normale aux

fonctions rtribues et spcialement aux places

de juge de paix. Une

fois

nomms,

les juges

de

paix cumulent du reste leurs nouvelles fonctions

avec leur mandateffective

municipal.

Leur rsidence

est

beaucoup plus dans la commune que dans le canton oilsils

qu'ils administrent

ren-

dent la justice et d'o

ne doivent jamais

s'absenter sans cong... Ces magistrats cantonauxn'hsitent pas parfois tout mettre en

uvre pour

arracher aux

hommes

politiques de l'arrondisseest

ment un appui moral quimagistrats municipaux.

en somme la ranonils

de l'influence lectorale dontIls

disposent

comme

sont beaucoup plus

rassurs par l'intervention ventuellequ'inquiets des mises en

du dput

demeure comminatoires

du parquet. Les

iusticiables sont les intressantes

INCOMPBTBNCB JUDICIAIBI

117

victimes de ces compromissions qui portent atteinte

au bon renom du rgime rpublicain. >

Les gmissements du ministre de la JusticeBt

de son procureur gnraljustifis.

me

paraissent bien

peu

M.

le ministre

ne se plaint que d'avoirIl

9.000 dossiers sur les bras.

ne laisse

pas

de lui tre facile, soit en conformit avec le principe gnral, de

nommer parmi les

candidats ceux;

dontrincompteucesoit,

lui paratra la plus radicale

en conformit avec les usages, ceux qui

lui

paratront les plus appuys.

Quant au procureur gnral

il

a des ironies

qui lui paraissent spirituelles, mais qui sont empreintes de la plus divertissante navet:

Elle a ce dfaut bien sensible qu'elle ne

peut

pas, en quelque sorte constitutionnellement, supporter, garder en son sein, les

hommes suprieurs.

AUTBB9 INCOHPTBItCBS

129telle

En dmocratieriorit

Si

un citoyen a unesi

sup-

de mrite, ou

plusieurs citoyens sont

tellement suprieurs qu'on ne puisse comparer

ceux des autres ni

le

mrite ni l'influence de ce

citoyen ou de ces citoyens, on ne peut plus les

regarder

comme

faisant partie

del

cit.

Ce

serait

leur faire tort que de les y admettre sur le pied

de

l'galit,il

eux qui l'emportent tant sur les autre

tres;

semble qu'un

de

cette

espce

doive tre considr

comme unque

Dieu parmi lesne sont ncesleur nais-

hommes. Onsaires

voit bienles

les lois

que pour

hommes gaux par

sance et par leurs facults et que pour ceux quis'lvent ce point au-dessus des autresil

n'y aloi;

point de loi

:

ils

sont

eux-mmes leur propre

celui qui prtendrait leur imposer des rgles se

rendrait ridicule

;

et peut-tre seraient-ils

enr-

droit de lui dire ce

que

les lions

d'Andsthne

pondirent aux livres qui plaidaient la cause del'galit entre tous les

animaux. C'est pour

cette

raison que l'ostracisme a t tabli dans les tats

dmocratiques qui sont plus que tous les autresjaloux de l'galit. Ds qu'un citoyen semblaits'lever au-dessus des autres par son crdit,

par

ses richesses, par le

nombre de

ses admirateurs9

ou

1^

LE CULTE DE L'iNCOMPrENCB

pap toute influence politique, l'ostracisme

le frap-

pait et l'loignait de la cit. Il tait comme Hercule,

que

les

Argonaates dlaissrent parce qu'Argo,

leur navire, dclarait qu'il tait trop lourd pourqu*il

pt

le porter.

Thrasibule, tyran de Milet,dre, tyran de Gorinthe,

dwnanda Priania

un des sept sages de

Grce, des conseils de gouvernement. Priandre

ne rpondit rien ; mais nivela un champ de bl encoupanttres.

les pis qui s'levaient au-dessus

des au-

Ce ne sont pas seulement les tyrans qui ont:

intrt faire cela et qui le font

il

en va toutdansles

de mme dans

les tats oligarchiques et:

tats dmocratiques

Tostracisme y produit rsultats

peu prs

les

mmes

en empchant

les citoyens

de trop s'lever et en les exilant. ncessit constitutionnelle

C'est l

comme une

de la dmocratie.

Apour

la vrit, elle n'est pas toujours force d'exi-

ler ou do faire

tomber

les ttes des bls; elle peut,

ainsi parler, exiler l'intrieur, c'est--dire

refuser systmatiquement toute lvation ettoute fonction sociale

mmede

l'homme qui montrerasoit,

une supriorit de quelque genre que cenaissance, de richesses, de vertu

ou de

talent. C'est

AUTRES INCOMPTENCES^

131dit le

rostraclsmo < la muetteple. J'ai quelquefois fait

,

comme

peu-

remarquer que sous la

premire dmocratie Louis XVI avait t guillotin

pour avoir voulu quitter

le territoire et

que

sous la troisime dn.ocratie ses petits-neveuxavaient t

expulss

du

territoire

pour avoirqui se cherIl

voulu y rester. Ceci

c'est l'ostracisme

che et qui se contredit parce qu'il hsite.cherchera etil

se

hsitera encore; mais

*.l

en vientel

dra, rgularis,

ramener l'impuif^*: nce,par

ou

tel

systme de compros'^.'on, tout ce qui sera

puissance individuelle grande ou petite,toutce quis'lvera,

peu ou prou, au-dessus du;

commun ni-

veau. C'est l'ostracismesiologique,

il

est

un organe phydmocraties.;

pour

ainsi parler, des

A

en user,

elles mutilent le pays, il est vrai

s'en passer elles se mutileraient elles-mmes.

Aristoto se

pose

souvent cette question de.

l'homme miaent

L'homme cminent,

dit-il,

diffre

de l'individu pris dans la foule

beaut diffre de la laideur,

comme la comme un beau tale rel...

bleau diffre de la ralit, quelques fragments

do beaut, du reste, qui existent dans

< Est-il vrai que dans toute espce de peuple ladiffrence entre la foule et le petit

nombre

soit

132

LB CULTB DB L'iNCOMPTBNCB

toujours la

mme.

C'est ce qui est incertain mais

peu

importe...

Notre observation

restedite].

juste

[qu'il

y a la diffrence que nous avons

Aussi:

peut-elle servir rsoudre la question propose

de quelle autorit doit tre investie la masse descitoyens? Leur donner accs aux grandes magistratures n'est pas sr; car on doit craindre qu'ils

ne commettent des

injustices, faute

de probit, ou

des erreurs, faute de lumire. D'un autre ct lesexclure de tous les emplois,faire Ttat trop^ d'ennemis.ilIl

y a le danger dereste

donc

faire

sa part la multitude dans les dlibrationsC'est

pour cela que Solon... Mais, pris part,chacette classe est incapable

que citoyen de

de juger.

Ce n'est pas seulement tantt

dans un sens restreint, tantt dans un sens large,tantt dans le sens do vertu politique (civisme et

patriotisme) tantt dans le sens de vertu propre-

mont

dite (simplicit, frugalit, pargne, galit)

et

dans ce second cas, Montesquieu et Rous-

seau sont absolument d'accord.

Seulement Montesquieu envisageil fait

aussi,

comme

tous les gouvernements, la dmocratie d-

136

LB CULTB DE L'iNCOMPiTEKCB

cadente et rsumant, sans

le

citer, le

tableau

qu'en a trac Platon et que nous avons vu plus haut,il crit:

Le peuple voulant faire les fonctions;

des magistrats, on ne les respecte plusbrations

les dli-

du Snat n*ayant plus de Que

poids, on n'a

plus de respect pour les snateurs ni par cons-

quent pour

les vieillards.

si l'on

n'a pas de

respect pour les vieillards on n'en aura pas non

plus pour les pres

:

les

maris ne mritent pas plus

de dfrence, ni les matres plus de soumission.

Tout

le

la gne

monde parviendra aimer ce libertinage; du commandement fatiguera comme celleles enfants et les

de l'obissance. Les femmes,

esclaves n'auront plus de soumission pour per-

sonne.

Il

n'y aura plus de

murs, plus d'amour

de l'ordre, enfin plus de vertu. Or, pour ce qui est de cette transition, de ce

passage des

murs

publiques de la dmocratieet personnelles

aux murs prives, domestiques

rgnant dans l'Etat dmocratique,remarquez-vousla racine

commune

des dfauts publics

et

des

dfauts privs ? Cette racine

commune

c'est la

m-

connaissance, c'est l'oubli, c'est le mpris de la

comptence. Siles jeunes

les lves

mprisent leurs matres,les

gens les vieillards,

femmes

leurs

AUTXBS INCOMPTBNCBS

IS*?

maris, les mtques les citoyens, les condamnesleurs condamnatcurs, lesl'idefils

les pres;

;

c'est

queles

de la comptence a disparu

c'est

que

lves n'ont pas le sentiment de

la

supriorit

scientifique de leurs professeurs, les jeunes gens,le

sentiment de la supriorit exprimentale de

vieillards, lesriorit

femmes

le sentiment

de la sup-c

de leurs maris au point de vue de la vie

pratique, les mtques le sentiment de la sup-^riorit

des citoyens au point de vue de la tradi-

tion nationale, les

condamns

le

sentiment de lafils

supriorit morale de leurs juges, les

le sen-

timent de la supriorit scientifique, exprimentale,

civique et morale de leurs pres.

Et comment Tauraient-ils, ou l'auraient-ils bienprofond, bien permanent et bien stable, puisquela cit

elle-mmesi

est

fonde sur Tinsouci de la

comptence,le respect

tant est qu'elle ne le soit pas sur

de l'incomptence elle-mme et sur le

besoin continu et persistant et universel de la

comme guide et comme reine ? Et c'est ainsi que les murs publiques ont leur influence, et considrable, sur les murs prives, sur les murs proprement dites et que, dans la famille, dans le monde , dans les relationsrechercher

138

LB CULTB DB l'iNCOMPBTBNCB

quotidiennes entre les citoyens se glisse peu

peu ce relchement que Platon appellelement les

ner l'ducation qu'elle a choisie et non querents choisissent etfaut pas croire ce

pa-

lui enseigner ainsi

qu'il

ne

que ses parents

lui enseignent.

Elle nie la comptence des parents en y substi-

tuant la sienne et en assurant que seule la sienneyaut.'.

Ceci est encore une des grandes causes de la

sparation des pres et des enfants en rgime

dmocratique.

On mecratie

dira que, dans cette mission qu'elle seles enfants

donne de sparer

des pres, lale

dmo-

ne russit pas toujours, parce que

mme

mpris que les enfants ont, pour tant de causes,

regard de leurs parents, rien n'empche qu'ilsnel'aient

l'gard de leurs professeurs.et les

Rien de plus juste

maximes gnrales

de la dmocratie ne vont pas moins faire mpriser les matres par les disciples que les parents

par

les

fils.

Le matre,

lui aussi, est

aux yeux de

AVTBB3 INCOMPTKNCBSl'lve le pass qui

143

ne

lie

pas le prsent et le

pass qui, de par la loi du progrs, est trs infrieur l'actuel.Il

est vrai

;

mais

le fait

de com-

battre l'cole les parents, qui, domicile,

com-

battent l'cole,

amne

l'enfant tre

un person-

nage qui, entre ces influences, contraires, n'aurapas t lev dutout. Il

en sera de

lui

comme deet

l'enfant qui dans sa famille

mme, aura reu lesmre croyante;

leons, surtout l'exemple, d'une

d'un pre athe.

Il n'est

pai lev

il

n'a reuet

aucune espce d'ducation. La seule ducationc'est--dire la seule transmission

aux

fils

des ides

gnrales de leurs parents, consiste en une ducation de famille soutenue d'une ducation don-

ne par des matres que la famille a choisis selonson esprit. C'est prcisment ce quoi la dmocratie n'aime point se rsoudre,

A

plus forte raison en rgime dmocratique les

vieillards

ne sont ni respects ni honors. Encoreet

une comptence nie formellement

formelletrait,

ment

carte.

Il

y aurait crire

un

qui

pourrait tre assez curieux, sur la grandeur et la

dcadence des

vieillards.

Les vieillards n'ont pas

se louer de la civilisa^on. Dans les temps pri-

144mitifs,

LE CULTB DB L^lNCOMPirElfCI

comme

encore aujourd'hui chez les sauva-

ges, les vieillards sont rois.la plus

La grontocratie

est

ancienne forme do gouvernement. Cela seassez, puisque toute science, dans lesest exprience et

comprend

temps primitifs

que

les vieillards

ont ainsi en eux toute la science historique, socialeet politique

de la

cit.

Aussi sont-Us en trs grand

honneur

et couts

avec le plus grand respect, la

plus grande attention,

presque avec supersti-

tion. Nietzsche se rappelle ces

temps quand

il

dit

:

< Signe de noblesse, signe d'aristocratie, le res-

pect des vieillards

.

Et

il

se rappelle aussi lail

raison de ce prjug

quand

ajoute

:

fait

pour-

suit le vieillard

comme unil

chien

sa proie et

*amais dans ses vers

ne les

laisse

en paix, ni

dans sa prose.Il

faut rendre cette justice

Rousseau

et

sa;

fille qu'ilsil

ont essay de rhabiliter le vieillard

lui fait

une belle place dans ses uvres

et elle

lui accorde une large place, et honorable, dans

ses crmonies publiques et ses ftes nationales.

Les souvenirs antiques sont

l,

ceux de Lacd;

mone

et des

commencements de Romeet celui

et aussi

c'est l

une des formes de

la raction contre le

temps de Louis XIV

de Louis XV.dfiniti-

Mais la dmocratie triomphante a mis

vement

le vieillard

au dernier rang de

la consid-

ration. Elle a oubli le conseillui

que Montesquieu

donne quand

il

dit

que dans une dmocratie

(Voir le contexte, Lois^v. 8.) rien ne maintient

plus les

murs qu'une extrme

subordination des

jeunes gens envers les vieillards. Les uns et lesautres seront contenus, ceux-l par le respectqu'ils

auront pour les vieillards et ceux-ci par le

respect qu'ils auront pour

eux-mmes > [et que

le

AUTttBS INCOMPiTBNCBS

119

respect des jeunes gens pour eux entretiendra].

La Dmocratiene

a oubli ce conseil, parce qu'elle

croit pas la tradition et croit

un peu trop auque

progrs. Or les vieillards sont naturellement conservateurs de la tradition etil

faut convenir

leur dfaut n'est pas d'avoir une foi trop vh-

mente au progrs. C'est prcisment pour cela queleur influence serait

un

excellent correctif dans

un rgimeo le pass

et

surtout dans une mentalit gnrale

est trop

mpris

et

o tout changement

est considr

comme un

progrs. Mais laait

dmo-

cratie

n'admet gure qu'elle

besoin de cor-

rectif et

pour

elle le vieillard n'estet

que l'ennemi.

Outre qu'il est traditionnelgrs,il

peu affam de pro-

aime

le respect,;

en gnral, parce qu'ilil

l'aime d'abord pour luigion, pourla gloire,

l'aime pour la relile pays,

pour

pour

l'his-

toire nationale.

La dmocratie n'aime pas

le res-

pect

;

c'est

un sentiment

qu'elle craint toujours

qui ne s'applique autre qu'elle.

Mais, qu'est-ceelle-mme? le

au'ello rclame

donc pour

PointPamour,pourle

respect

;

la

ferveur, la

passion,ait

dvouement. Chacun aime qu'on

lui les sentiments qu'il

prouve lui-mme.

150

LB CULT8 DB t'iNCOirriTBNCB

La

foule

ne respecte pas

:

elle

aime, elle;

s'-

chauffe, elle s'enthousiasme, elle se fanatise

elle

ne respecte pas,

mmeest

ce qu'elle aime.

Au

fait

il

est naturel;

que

le

peuple n'aime pas

les vieillards

il

un jeune homme. Avez-vouslestraits

remarqu comme touspeint le jeune

dont Horace

homme

s'appliquent au peuple

exactement

:

Imberbis javenis, tandem custode remolo,

Gndat eqnis canibnsqneCerens

et aprici

grAmlne camp ;

m vitium flecti, monitorbns asper^

Utilinm fardas provsor, prodigns rts,Sablimis, cupidusque et amata relinquere pernix,

Dbarrass

de son gouverneur

il

ne rve que;

chevaux, que chiens, que

Champ

de Mars

il

est

de

cire

aux impressions du vice

et se raidit con-

tre les

remontrances

;

s'occupant peu de provi-

sions utiles,

prodigue d'argent, prsomptueux,

bouillant dans ses dsirs et

prompt

se.

dta-

cher de ce qu'il a aim. >

Quoi

qa'ilil

en

soit, le

respect est peu son

fait et

quand

rgne ce n'est pas du respect que son

exemple donne leon. Le vieillard n'a pas dansla dmocratie

une amie fervente.

Il est

noter

AUT11B9 IKCOMPTBNCBS

I5l

que

le

mot

grontocratie^ qui tait pris fort au

srieux et avait la signification la plus honorable

chez les anciens, n'a maintenant qu'un sens ridicule et dsigne

un gouvernement

qui, tant r-

serv aux vieillards, sera le plus grotesque du

monde.

Cette disparition

du

respect, signale,

nous

l'avons vu, par Platon, par Aristote et par

Mon-

tesquieu comme

un symptme morbide, est

tout au

moins une chose assez grave. Kant, se demandant quoiil

faut obir, quel critrium se recon-

nat ce quoi,

en nous-mmes, nous devons:

obir, a

rpondu ce

qui,

en nous, commande

le

respect etqui,

ne commande rien que

le respect, ce

en nous, ne demande pas qu'on l'aime, ousentiment du respect

qu'on le craigne; mais ce qui, en nous, nousparat respectable;

c'est le

qui seul, en cola, ne trompe pas.

De mme danset ce sont les

la

vie sociale c'est aux sentile

ments qui commandent

respect qu'il faut obirinspirent le respect

hommes qui

qu'il

convient d'honorer et d'couter. C'est ce cri-

trium qu'il faut prendre pour connatre quoiet

qui doit s'appliquer, sinon notre obissance

152

LB CULTB DE L*INCOMPTENCB

absolue,

du moins notre

attention et notre df-

rence. Les vieillards sont la conscience de la nation. C'est

une conscience svre, morose,sermonneuse;

vtilet qui

leuse, opinitre, scrupuleuse,

rpte toujours la

mme

chose

enfin c'est

une

conscience

;

mais

c'est la conscience.

La comparaison peut

se poursuivre

et

pour

autre chose que pour le divertissement de la continuer.

On altre la

conscience et on la corromptfinit

ne pas la respecter. Ellepetite,

par se faire

humble, timide, retire

et

parler voix

basse; car on n'obtient jamais qu'elle se taise

absolument.Elle devient

mme

sophistique

;

elle

prend

le

langage des passions, nonbasses,

point des passions;

mais enfin

des

passions

elle

cesse;

d'tre imprieuse

pour devenir persuasivefait

elle

n'a plus le doigt lev, elle se

une main

caressante.Elle

tombe plus bas

:

elle affecte l'indiffrence,

le scepticisme, le dilettantisme;

pour glisser uneprobableet

parole sage travers les sductions et les leno'ciniay elle vous dit,

ou peu prs il:

est

que tout se vaut, que vicebit,

et vertu,

crime

pro-

pch

et

innocence, brutalit et politesse.

AUTRES INCOMPTBNCBS

153

libertinage et puret sont des formes diverses

d'une activit qui ne saurait se tromper absolu-

ment dans aucune de

ses expansions

;

mais

c'est

prcisment parce que tout se vaut qu'on n'arien perdre tre honntevaut-il

homme

et peut-tre

mieux

l'tre. >

Tout de

mme la nation qui ne

respecte pas seset les enlaidit.il dit

vieillards les altre, les

corrompt

Que Montesquieu parle bien quandeux-mmes

que

le

respect des jeunes gens aide les vieillards serespecter!

Les vieillards non respecoffice

ts se dsintressent

de leur

naturel

;

ils

donnent leur dmission de conseillers; ou bienils

ne conseillent que par dtours

et;

commeou bien

enils

demandant pardon de leur sagesseaffectent

une morale presque relche pour glissubrepticement quelque avis anodinencorec'est;

ser

comme

et le pire

qu' voir

le rle effacils

que dans

la socit

jouent les vieillards,

ne

veulent plus consentir l'tre.

IX

BOETIRS GNRiLVIS

fei

le culte

de rincomptence a un retentissepas trs heureux dans les

ment qui

n'estil

murs

familiales,

en a un aussi, qui n*est peut-tre pas

meilleur sur les

murseux.

sociales, sur les relations

des

hommes

entre

On

se

demande souventde jour en jour:

pourquoiet tout le

la politesse

disparat

monde rpond enc'est

riantil

C'est

dmo-

cratique. Sans doute; mais

faudrait chercher

un peu pourquoiquieufait

dmocratique. Montes-

observer que s'affranchir des rgles

de la

civilit c'est

chercher

le

moyen de mettreajoute, faisant

ses dfauts plus l'aise.

Il

une

distinction

un peu

subtile,

que la

politesse aiiz

les vices des autres et que la civilit nous

emp-

che de mettrerire

les ntres

au jour:

c'est

une bar-

que

les

hommes

mettent entre eux pour

MCBUBS cNKBVLRS

155flatte les

s'empchcp de se corrompre.

Ce qui

vices ne peut gure s'appeler politesse et doit se

nommer adulation. Civilit et politessecivilit est

sont

mme

chose avec une lgre diffrence de degr; la

politesse

un peu froide, elle est tout respect; la est un commencement de flatterie lgracieusement en lumirevices.civilit et poli-

gante, mais qui s'adresse aux qualits d'autrui

pour

les mettreet

et

non

aux dfauts

moins encore auxc'est

Ce

qu'il y

a de vrai

que

tesse sont bien

moyens

adroits

pour marquer et

son semblable un certain respect

un

certain

dsir d'tre respect. Ce sont donc barrires ;

mais barrires sur lesquelles on s'appuiesparent, mais qui soutiennent;

et

qui

et

qui sparent

sans vous tenir loigns les uns des autres.

Et aussi

il

est trs vrai

que

s'affranchir des r-

gleSjSoitde la civilit soit de la politesse, est mettre ses dfauts

en

libert.

Au fond

de la politesse

et

de la

civilit il

y a respect des autres, respect

de

soi. C'est ce:

qui faisait dire trs bien l'abb

Bnrthlemy Dans la premire classe des citoyensrgne cotte biensancequifait

croire

qu'un

hommefait

s'estime lui-mme et cette politesse qui

croire qu'il estime les autres. C'est ce qui

156faisait dire

LB CULTB DE lUCOUftnVCB

Pascal

:

< le respect est

mcommol'autre estest

dez-vous; et en

effet,

comme

il

l'explique, si l'on

s'incommode en restant debout quandassis,

en restant dcouvert quand l'autre

cou-

vert, et cela sans

aucune

utilit,

cela prouve

Tautre combien nous nous incommoderions pourlui tre utile

puisque nous nous gnons par gardlui rendre.

pour

lui sans qu'il y ait service

La

politesse est

une marque de resDect

et

une

promesse de dvouement.

Or tout cela n'est pas dmocratique, parce quela dmocratie, ne reconnaissant pas de supriorit,

ne connat pas de respect et ne reconnaissant pas de supriorit ne connat pas de dvouement personnel. Le respect c'est se mettre au-dessous de

quelqu'un

et la politesse

envers un gal est unereste,

affectation, excellente

du

de

le

considrer

comme unl'esprit

suprieur. Cela est tout fait contraire:

dmocratiquesoit ; et

il

n'y a pas de suprieur,traiter

en quoi que ce

quant affecter de

en suprieur quelqu'un qui

est votre gal, c'est

une double hypocrisie

;

car c'est une hypocrisiesi

qui en rclame une autre rciproque; et

vous

louez quelqu'un de son esprit c'est pour qu'il vflicite

du

vtre.

MOKUBS GJNRALBS

157

Sans

mme

aller jusque-l, la politesse est con-

damnable par

ce seul lait que,

non contente de

reconnatre des suprieurs, elle en cre. Elle traite

un gal en suprieur pour inventer une supriorit,

comme

s'il

n'y en avait pas assez. C'estsi l'ingalit n'existait

commeil

si elle disait

que

pas

fau-

drait l'inventer. C'est proclamer qu'il n'y a jamais

assez d'aristocratie. Cela ne peut pas se souffrir.

Quant

la civilit considreelle est

comme promesse

de dvouement,autant.

antidmocratique tout

Le citoyen ne doit de dvouement aucunil

individu,trs

n'en doit qu' la communaut.le trs

Il est

grave de se dire de quelqu'un

humblerecon-

serviteur. C'est distinguer quelqu'unles autres et affirmer

parmi tous

qu'on

le servira. C'ast

natre en lui je ne sais quelle supriorit,reli ciales

ou

bociiile et

il

ou natuu y a pas de supriorUcs boet, s'il

ou naturelles

;

y a des supriorits

naturelles, la nature a eu tort de les tablir. C'est

proclamer une espce de vassalit. Cela ne doitplus tre tolr.

Quant l'absence de politesse considre comme un moyen de mettre ses dfauts plus l'aise >ceci encore est essentiellement

dmocratique enn'est

un

certain sens.

Le dmocrate

pas content

153

LB CULTB DB L'iNCOMPiTBNCB

de ses dfauts ou fier de ses dfauts; point du tout;seulement, par dfinition,il

croit qu'il n'en a pas.

Un

dfaut est une infriorit d'unautre.

vement un

homme relatiLe mot mme l'indique etmanqueet

dfaut c'est quelque chose qui

par con-

squent quelque chose qu'un autre a et que je n'aipas.

Or tous

les

hommes

sont gaux.

Donc

je n'ai

pas de dfaut. Je n'ai donc pas pratiquer cetteorthopdie morale qui consiste, en dissimulant

mes prtendus

dfauts^

les contenir

;

et

je

peux, ce que Montesquieu appelle impolitesse,

mettre en libert mes prtendus dfauts, < mettre

au jour mes prtendus dfauts, qui ne sont quedes manires d'tre et qui trs probablement sont

des qualits.

Le dmocrate en

effet,

comme

les adolescents,les

comme

la plupart des

femmes, comme tousrflchir

humains qui commencent

mais qui ne

rflchissent pas beaucoup, connat ses dfauts etles

prend pour des qualits, ce qui

est tout natu-

rel; car les dfauts sont les traits saillants

de notre

caractre et quand nous en

sommes encore aimerOrla politesse, con-

notre caractre, ce sont nos dfauts que nous chrissons et que nous admirons.sistant

dissimuler nos dfauts, est insupportable

UGBURS GgiiiiAiis

159

un

homme

qui est plutt imp&tieut de montrer

ce qui, en lui, lui parait

recommandable

et plein

de valeur. Ce qui fait que,pour la plupart, nous ne

nous corrigeons pas de nos diauts, c'est que nousles

prenons pour des qualits

;

la

mthode qui

consiste refouler nos dfauts dans l'ombre nousparat donctyranniqueetabsurdement tyrannique.

Aumes

fond, persuad d'une part que tous les

hom-

sont gaux et que le dfaut considr

commetraits

infriorit n'existe

pas

;

d'autre part que ce que

quelques-uns appellent ses dfauts sont des

intressants de sa nature, le dmocrate a cette

ide gnrale que les dfauts sont des prjugs,

que les dfauts ont

t invents

par des intrigants,

prtres, nobles, puissants, gouvernants,

pour ins-

pirer au pauvre peuple Thumilit, trs favorable

leurs mauvais desseins, pour le conteur par ceftin, d'autant

plus puissant qu'il est un Ireln

intrieuret

pour le paralyser par ce scrupule intime ;

pour

le

dominer par ce sentiment

d'infriorit

qui se transforme en acceptation de la domination.

La

politesse

considre

comme mthode pourdonc tre tenue queinstrument de tyranet

refouler les dfauts ne peut

pour artifice aristocratiquenie

160

Ll CULTI DB L'INCOUPSTENCB

De

l est venu, par exemple, l'poque

deTex-

plosion de la dmocratie franaise, chez

un peu-

ple naturellement ami des bonnes manires, cette

fureur d'impolitesse qui a tC'tait

si

caractristique.

une affirmation de l'inexistence des sup-

riorits,quclles qu'elles fussent,et aussi de l'excel-

lence de la nature humaine sous quelques espcesqu'elle part et

en quelque individu qu^eile

se

montrt. L'impolitesse est dmocratique.

LES HABITUDES PROFESSIONNELLES

Le mpris del comptence va assez loin mmedansle

domaine des professions, dans

les habitu-

des professionnelles.lgendaire,

On

connat le mot, peut-tre

du prsident de Chambre un avocatnous ne sommes pas

qui traitait consciencieusement la question dedroit faire:

Matre,

ici

pour

du

droit

;

mais pour;

traiter d'affaires. > Ilil

n'y mettait aucune malicePalais

voulait dire

:

,

que tourn d'autre faon

comme

dit Boileau.

Les examens daus notre pays sont tous fondssur

un

contre-sens, je veux dire sur la confusion savoir et la comptence. Ils cherchentetils

entre lela

comptence, trs consciencieusement

croient la trouver dans le savoir, ce qui est uneerreur.

L'examen demande au candidat

qu'ilII

sache

178et le

LE CULTE DE L'iNCOMrTBNCB

concours demande au candidat qu'il sache;

plus que les autres

et c'est

presque tout ce que

demandent examens

et concours.

De

l

une des

plaies les plus douloureuses de notre civilisation;la prparation

aux examens.est

Laprparation aux examenstion

une in^rgita-

de savoir, un entassement, un gavage, qui,

d'abord, rend tout passif

un homme peut-tre

bien dou, l'ge qui est celui de l'activit intellectuelle la plus vive;

qui, ensuite, par

l'effet

duy

surmenage, dgote du travail intellectuel

et

rend impuissant pour toute sa vie le patient ainsitrait

pendant cinq, huit ou dix ans de sa jeu-

nesse.

Je suis persuad,si l'on

me permet

de parler do

moi pour m'appuyer sur un exemple qui m'est bien connu, que si j'ai un peu travaill de vingtcinq soixante-trois ans, c'est parce que je n'ai

jamais russi qu' moiti, et jeles

me

flatte,

dans

examens

et concours.

Trs curieux de beau-

coup de choses, je m'intressais aux matires du programme , mais d'autres matires aussi et le

programme

tait nglig. J'tais reu; j'tais re;

fus,plus souvent en dfinitive,j'ai atteint la vingt-

sixime anne, en retard sur

mes contemporains

KBMBDBS TENTAS

179et

mais non surmen, non fourbu

point du tout

dgot du travail intellectuel. Je reconnais quequelques-uns de mes camarades, qui n'ont jamais manqu un examen et qui les ont passs tous trs brillamment, ont travaill tout autant que moijusqu' la soixantaine ; maisrares.ils

sont extrmement

Chose curieuse,

les rsultats,

non point dsasmaune font pas

treux sans doute, mais videmment assezvais,

de ce systme

examinatoire

qu'on l'abandonne, ce qui, du reste, serait excessif;

mais

ils

font

qu'on l'aggrave

et

qu'on

le

complique. Les examens de droit, les concoursd'agrgation dedroit,les

concours d'internat lourds

aux

hpitaux

sont

beaucoup pluseffort

qu'autrefois,

demandent un

matriel beausans prouver

coup plus grand, sans demanderune plus grande valeurj'en viendrai dire:

et

intellectuelle.

En

vrit

les

examens ne sont plusils

qu'une preuve de sant; maisla sant;

prouvent bien

autant au moins qu'ils la dtruisent.je connais bien.Il

Un exemple quetre professeur

faut

pour

remarqu, professeur notable, de

l'enseignement secondaire, tre bachelier, licenci,

agrg, docteur. C'est dj chose qui compte.

180

LB CULTE DB L^NCOHrimiaifait

Cela

dix examens ou concours: deux pour le

baccalaurat premire partie, deux pour le baccalaurat seconde partie, deux pour la licence,

deux pour l'agrgation, deux pour

le

doctorat.

Or

cela n'a point paru suffisant.

On

a remarquli-

qu'entre le baccalaurat seconde partie et la

cence

il

y a normalement, deux ans ; qu'entre lail

licence et l'agrgation

y a normalement deuxil

ans; qu'entre l'agrgation et le doctorat

y ale

normalement

trois

ou quatre ans. Voyez- vous

pril 1 Entre la licence et l'agrgation, sans aller

plus loin pour le moment, le futur professeur a

deux ans

lui.

Et c'est--dire que pendant lail

premire de ces deux annes11

travaille seul

I

travaille librement,

il

se dveloppe

comme

il

l'entend, sans proccupation d'examen au bout deses douze mois, sans servitude de

programme

I

Cela

fait frmir.

Cela

fait

redouter que le jeune

homme, ounelleslit

se

repose et souffle un peu, ou sele sens

dveloppe dans

de ses facults person-

ou de ses gots personnels. La personna-

du candidat a une ouverture, un moment qui lui est laiss pour intervenir Il fallait em!

pocher cela.

On a

cr

un examen intermdiaire

entre la

RBU^DBS TENTAS

181

licence et l'agrgatioii, examen, sans doute, qui

porte sur

un

travail choisi

par

le candidat lui-

mme,par

il

faut reconnatre cela;

mais examen qui

porte sur un travail dont le sujet a d tre adoptles professeurs,

examen qui porte sur un

tra-

vail pour lequel le candidat a

d consulter les protravail auqtiel

fesseurs,

examen qui porte sur un

les professeurs ont

d plus ou moins

collaborer,

examen, en somme, qui a eu, sinon pour but, du

moins pour

effet

d'empcher, pendant une anne

prilleuse, la personnalit de l'lve de se cher-

cher, de se trouver et de se produire.

Un examenpar anpendant dix anSyC'esX l'ide duprofesseur moderne l'gard des professeurs en

formation. Entre le baccalaurat seconde partie etla licence,

comme

il

y a deux ans, on s'apercevrala fin de la

bientt qu'il faut

un examen

premire

anne

et l'on crera le Certificat d'tudes inter'

mdiaires-secondaires-supricures. Entre l'agr-

gation et le doctorat,

comme

i;

y a quatre ans,

on

s'avisera bientt qu'il faut Ipos examens, des-

tins

dmler

t^t

reconnattrs c en est relative-

ment

ses thses ie futur docteur et l'aider les

faire et

l'empcher de les faire tout seuldit

:

pre-

mier examen,

de Bibliographie de

la thse

de

182

LB CULTB DB L'iNCOMrTBNCB

doctorat; deuxime examen, dit de Mthodologie

doctorale; troisime

examen

dit

de Prparation

la soutenance ; enfin doctorat

lui-mme.

De

la sorte, ce qu'il fallait obtenir, d'abord le

disciple aura, de dix-sept ans

vingt-sept ou

trente ans, subi seizesuiteil

examens ou concours; en;

n'aura jamais travaill seul

il

aura tou-

jours travaill, terme de douze mois, sur

un

progranmie, pour un examen, en vue de plairetel

ou

tel professeur, se

modelant

et se

compo-

sant sur leurs vues, sur leurs conceptio;is, surleurs ides gnrales, sur leurs manies, aid par eux, port par eux, se laissant porter par eux et

ne sachant jamais

et

ne devant pas savoir,s'il

et

ne

voulant pas savoir, et en grand risque

savait,

et s'habituantpour la vie ne pas savoir, ce qu'il

pense par lui-mme, ce

qu'il imagine parlui-mme,

ce qu'il cherche ou voudrait chercher par lui-

mme et

ce qu'il pourrait bien tre lui-mme.

Il

s'occupera de cela aprs la trentaine. Point de personnalit avant leest trop tard

moment o

il

pour qu'elle apparaisse,

telle est la

maxime.D'o vient cette fureur?

D'o vient

cette exa-

minomanie

?

D'abord,

comme

bien vous pensez.

KEUCDES TENTSc'est

183disait

une simple dandinomanie. Dandin:

obstinment

Je

veux aller juger. Le profes-

seur d'un certain ge veut aller examiner. Il n*aime plus prolesser;est 1res naturelil;

aime toujours examiner. Celail

professant,

est

jug

;

exami-

nant,

il

juge.

On aimele

toujours mieux l'un que

l'autre.

Suer sous

harnais et se sentir examin

apprci, discut, compuls,

un peu

raill

par un

auditoire d'tudiants et d'amateurs, ne laisse pas,

un certain ge, d'tre pnible; examiner, trner

dans la majest de juge, n'avoir qu' critiquern'avoir pas produire, n'intervenir quele justiciable

et

quand

bronche et pouril

lui faire

remarquer

qu'il

choppe;

y

a plus, tenir

toute l'anne

l'tudiant sous la salutaire intimidation de l'exa-

menoil

si

proche

qu'il a subir et

de l'aide qu'il a

attendre et solliciter de vous etest

du besoin

de ne pas vous dplaire

;

tout cela est

agrable et compense bien des ennuis du mtier.

L'examinomanie se compose moiti de la terreurd'tre examin, moitiles autres.11 y

de rallcgrcsse d'examiner

a cela

;

il

y a autre chose. L'closion et lel'originalit, voil celes

dveloppement prcoces de

que redoutent trangement

examinomanes.

181Ils

LB CULTB DB L^INCOMPiTBNCB

ont horreur de l'autodidacte. Ils ont horreuret

de celui qui croit penser par lui-mme

qui

cherche par lui-mme vingt-cinq ans.lent couver aussi

Ils

veujeune

longtemps que possible

le

esprit et ne le laisser

marcher de

ses propres jam-

bes que trs tard

et je

permets aurailleur de dire:

quandphies.

ses

jambes seront authentiquement atroIls

n'ont pas tout le tort. L'autodidacte

volontaire est le plus souvent

un

orgueilleux,

un

esprit vain, qui

prend pour

plaisir

de penser

par lui-mme, la volupt de mpriser la pensedes autres. Maisil

n'en est pas moins que c'estles esprits

parmi les autodidactes que se trouvent

vigoureux qui aborderont vaillamment le domaine

deest

la connaissance et qui retendront.

La questionconserver

donc de savoir s'U vaut mieux, en favorisantmauvais autodidactes, mnageren contrariantet

les

et

les bons, ou,

contenant les mau-

vais autodidactes, tuer les bons. Je suis tout fait

pour

le

premier de ces deux

partis. Il

vaut mieux

laisser aller,

un peu,

tout le

monde, moyennant

quoiet il

les esprits

faussement originaux s'gareront;

ne m'importe gure

et les esprits vritable-

ment originaux s'panouirontdans leurforce.

et se dploieront

KEMioBS

TEirrifl

185

voyez comme l'esprit dmocratique s'introduit partout intervient la question nuMaisici

mrique : Dix

fois

plus nombreux,

me

dit-on,

sont les faux originaux que nous sauvons d'eux-

mmes en

les disciplinant

que

les vrais originaux

qui peut-tre nous coupons les ailes. > Je rponds qu'en choses intellectuelles les questions de chiffres ne

comptent pas.

Un

esprit ori-

ginal touff est une perte qui n'est pas compense

par dix sots prservs d'tre ultra-sots.original laiss libre de l'tre vautsots moiti contenus et rprims.

Un

esprit

mieux que dix

Nietzsche dit trs bien

:

< l'ducation

modernede

consiste touffer l'exception en faveur de la

rgle

;...

elle consiste diriger les esprits loin

l'exception du ct de la

moyenne. Elle a

tort.

Je ne dis pas qu'elle devrait faire le contraire.

Oh non Loin de l SonI1

l

office n'est

pas de sol11

liciter l'exceptionnel et

de l'aider natre.

nat

tout seul et

il

n'a pas besoin d'tre flatt. Mais

son

office n'est

pas non plus d'avoir la terreurles

de l'exceptionnel et de prendre touspossibles,

moyensou

mme

en vrit les plus barbares

les plus fastidieux,

pour l'empcher, aussi long-

temps que possible, de se produire.

180

LB CULTB DB L'INCOMPTBNCB

L'ducation doit tirer de la mdiocrit tout cequ'elle peut, respecter roriginalit autant qu'il se

peut, pousser la mdiocrit l'originalit, jamais;

ramener

l'originalit la mdiocrit, jamais.

Commentcrte

tout cela ? Par une intervention dis;

toujours

par la non intervention quel-

quefois.

Elle est en ce

moment extrmement

loin de la

non-intervention etcrte.

mme

de l'intervention dis-

Et c'est ainsi que ce qu'on a invent pour sau-

ver la comptence contribue sensiblement faire

triompher son contraire. Ces victimes de l'examensont des comptentstruction,

comme

savoir,

comme

ins-

comme

technique. Us sont incomptentsintellectuelle,et

en tant que valeur

souvent

mme, quoique moins

moins souvent,

en

tant que valeur morale.

En

tant que valeur intellectuelle

ils

n'ont, trs

souvent, aucune initiative crbrale. La leur at repousse, cache, aplatie. Si elle aelle n'existe plus.vie,

exist

Us no sont plus, pour toute leur

que des instruments. On leur a appris beau-

coup de choses; mais surtout l'obissance intcUectucUe. Us coaliucnt d'obir inteUectueUemcnt,

BMDBS TBNTisleur cerveau est

1S7fait,

ua rouage bien

une courroie

de transmission bien tabrique La diffrence entre lesait Brunetire, c'est

et

bien installe.

romanle

et lele

drame, dile

que dans

drameil

per-

sonnage agitnesais

et

que dans

roman

est agi >. Je

pas

si c'est

vrai ; mais

du fonctionnaire onil

peut dire que, le plus souvent,est pens.Ils

ne pense pas

;

il

sont incomptents encore, quoique moins

et

moins souvent, en tant que valeur morale. Par

rexorcice de l'obissance intellectuelle on les a

habitus l'obissance morale et

ils sont,

pour

la plupart, peu entrans l'indpendance. Et

voyez

oomme tout s'accorde

bien, trop bien. Cettej*ai parl, des

cooptation liminatoire, donttionnaires, elle s'arrte,

fonc-

en fonctions.

A

partir de ce

comme j'ai dit, l'entre moment c'est unile fonc-

quement du gouvernement que dpendrationnaire;

or c'est une dpendance absolue

l'gard de qui le dirige que le fonctionnaire aurat

prpar pendant dix ans par son ducation.;

C'est bien

c'est

un peu trop

bien.

Il

serait

bon

que l'ducation du fonctionnaire

lui et laiss,

avec un peu d'originalit d'intelligence, un peu,aussi, d'originalit

de caractre.

183

U

CULTB DB L'iNCOtirTBXCB

On a

cherch, trs consciencieussment aussi etbelle ardeur,

mme avec une trsson incomptence.

un

autre

remde

aux dfauts de la dmocratie, un autre remde

Onil

a dit: La foule est in-

comptente

;

soit,

faut l'clairer. L'enseigneest la solution

ment primaire largement rpandude toutestoutes les questions. >

les difcults, est la solution

mme

de

Les aristocrates se divertirent un peu l-dessus: cette

Gomment

donc, s'crirent-ils et quelle est

contradiction ?

Vous

tes dmocrates

et

c'est--dire

que vous attribuez l'excellence poli-

tique, la < vertu politique ,

comme nous

disions

autrefois, la foule, c'est--dire l'ignorance.

Pourquoi donc voulez-vous clairer la foule, c'est-dire lui faire perdre la vertu qui fait selon

vous son excellence ?

Les dmocrates rponOn

dirent que la loule tait dj trs prfrable auxaristocrates telle qu'elle tait et qu'elle le serait

plus encore quand elle aurait de l'instruction.rsout les contradictions par des a fortiori.

Tant y a que

les

dmocrates s'attelrent vigou-

reusement l'uvre de l'instruction du peuple.

Le

rsultat est d'abord

que

le

peuple

est

beau-

coup plus

instruit qu'autrefois et ja suis

de ceux

BBMDBS TBNTis

189

qui estiment que ce rsultat est excellent. Maisle rsultat est ensuite

que

le

peuple est satur

d'ides fausses et ceci est

moins rjouissant.

Les rpubliques anciennes ont connu les d-

migogues,

c'est--dire les orateurs qui poussentles dfautset

l'extrme tousrant de beaux

du peuple en

les

pa-

noms

en

le flattant

lui-mme. La

grande dmocratie moderne a ses dmagogues,ce sont les instituteurs.Ils

sortent

du peuple,

sont fiers de lui appartenir, de quoi l'on ne peut

pas les blmer, ont pour tout ce qui n'est pas

le

peuple une certaine dfiance, sont d'autant pluspeuple qu'ils sont intellectuellementles

premiers

danset ce

le

peuple et ailleurs en rang secondaire;le le

qu'on aimeest,

plus ce n'est pas le groupe

dont onIls

mais

groupe dont on

est le chef.

sont donc profondment dmocrates.ils le

Jusque-l rien que d'acceptable. Mais

sont

troitement, parce qu'ils n'ont qu'une demi-instruction,

ou plutt,

car qui a une instructiongrande instruction?

complte ou

mme une

parce qu'ils n'ont qu'une instruction rudimentaire.

Or l'instruction rudimentaire rend peut-tre capable d'avoir une ide, mais surtout rend incapable

d'en avoir deux.

L'homme

d'instruction rudimen

1

>0

LK

CULTB DB l'iTCCOMPTSMC

taire est toujours

l'homme d'une

ide unique et

d'une ide

fixe. Il

doute peu. Le savant doute sou-

vent, l'ignorant rarement, le fou jamais.

L'homme

ide unique est peu prs impermable tout

raisonnement qui est tranger cette ide.teur indien disaittule:

Un

au-

Tu

peux convaincre le docte ;difficilement, l'ignorant;

peux convaincre, plusdemi-savant jamais.

On ne

convainc pas l'instituteur.

On;

le

con-

firme dans sa conviction en y adhrant

encore

plus en la discutant.trine. Il

Il est

prisonnier de sa doctrs bien;

ne la possde pas toujoursest

mais

il

possd par

elle. 11 l'aime

de toute

son me

comme un

prtre sa

religion, parce

qu'elle est la vrit, parce qu'elle est belle, parce qu'elle a t perscute et parce qu'elle doit sau-

ver

le;

monde.il

Il

n'est pas

fch qu'elle triomsacrifier

phe maiselle.Il est

serait

heureux de se

pour

dmocrate convaincu

et

dmocrate sen-

timental.

Sa conviction fonde solidement son

sentiment et son sentiment chauffe merveilleuse-

ment sa conviction. Sa convictionble l'objection, son sentiment lel'adversaire.

le fait invincifait hostile

Pour

lui,

l'homme qui

n'est pas

KEMDBS TENTS

191lui est odieux. II

dmocrate a tort

et

de plus

il

y a entre lui et Taristocrate

la distance de la

vrit l'erreur et la distance plus grande

du bien

au mal, de l'honnte au dshonnte. L'instituteurest

l'homme

ligeil

mystique de la dmocratie.

Or,

commeet

est

l'homme d'une seuleil

ide,

il

est simpliste et

comme

est simpliste

il

est logi-

que directet

logique toute outrance, tout droit

jusqu'au bout. Une ide qui n'est pas contra-

rie

par quelques autres

et

qui ne veut tre conelle

trarie par

aucune va devantet

avec un lanet

qu'elleses

ne rprime pas

que rien ne rprimel'instituteur

chemins sont courts. Donc

pousseet

jusqu' leur point

d'aboutissement naturel

logique toutes les ides dmocratiques.II

dveloppe, en pleine raison raisonnante ,il

tout ce qu'elles contiennent et

lui parat

non

seulement naturel, mais salutaire de donner leurdernier dveloppement comme le but et toutes leurs

consquencesle

comme

des rsultats. Tout ce dontil

principe est bon est bon lui-mme et

n'y a

que Montesquieu pour croire qu'une institution

bonne peut prir par

l'excs

de son pnncipe.

En consquencelogiques

l'instituteur dduit les suites

des

deux

principes

dmocratiques

:

192

LB CULTE DB l'iNCOMPTENCS

souverainet

nationale,etil

galit

;

il

les

dduit

rigoureusementsuivantes.

arrive

aux

conclusions

Le peupleavoir des

seul est souverain.

Donc

il

peut yles

liberts individuelles et des liberts;

d'association

mais

il

ne doit y avoir que

li-

berts individuelles et les liberts d'association

que

le

peuple permet. Les liberts ne peuvent

tre et

ne doivent tre que des tolrances. L'in-

dividu peut penser sa guise, parler sa faon,crire sa manire, agir son gr;

mais en tant;

seulement que

le

peuple le

lui

permettra car s'il

le pouvait, soit

absolument,

soit

mme

limitatifixesc'est

vement, mais dans des limites qui seraient

par un

autre pouvoir que celui

du peuple,le

lui qui serait

souverain ou c'est

pouvoir qui

aurait fix ces limites qui serait souverain et ce

ne

serait pas le

peuple et

il

n'y aurait plus, il n'y

aurait pas de souverainet nationale.

Cela revient dire trs simplement que la

li-

bert est le droit de laire tout ce qu'on veut dansles limites

de la

loi.

Et qui

fait la loi ? c'est le

peuple.

Lli libert est

donc

le droit

de faire tout

ce que le peuple permet qu'on lasse. Rien de plus.

Au

del c'est la souverainet de l'individu qui

SBMDBS TENTS

103

commenceparat.

et la

souverainot du peuple qui dis-

Mais avoir la libert depeuple permet qi'on fassele

faire tout ce

que

le

et strictement ce

que

peuple permet qu'on fasse, c'est tre libre comme

sous Louis

XIV;

c'est n'tre

pas libre du tout.si la loi

Soit. Il n'yqu'il

aura pas de liberty enait.

ne

permet pas

Voulez-vous tre libre

contre la loi?

Mais latyrannique

loi

peut tre tyrannque

;

elle

est

si elle est injuste.;

Larainetl'tre.

loi a le droit d'tre injuste

ou la souvene doit pas

du peuple

serait limite; elle

Des

lois

fondamentales, constitutionnelles,

pourraient limiter cette souverainet du peuple

pour garantirdividu.

telles et

telles

liberts

de

l'in-

Etpas tre

le

peuple seraitserait

li

1

Et la souverainet

du peuple

supprime. Le peuple ne peutdoit tre

li.

La souverainet du peuple

intgrale et elle doit tre intangible.

Donc point de liberts individuelles? Celles que peuple tolrera. Point de liberts d'association?leis

194

IB CULTB DB l'iNCOMPTBNCBest une limi-

Moins encore; car une associationtation,

par elle-mme, de la souverainet natio-

nale. Elle a ses lois elle, ce qni,

au point de vue

dmocratique, est un contre-sens, une absurditet

une monstruosit. L'association limite la souve-

rainet nationale

comme ferait une ville

libre,

une

place de sretl'arrte il

;

elle limite la nation, la refoule,

une porte. C'est un Etat dans

l'Etat;

o

y a association, il y a autre chose d'organis que

le

grand organisme populaire.

C'est

comme un

animal qui vivrait d'une faon indpendante dans

un animal plus grandment delui,

et

qui vivrait indpendamlui. Il

en vivant de

ne peut y avoir

qu'une association, l'association nationale, ou lasouverainet nationale estdtruite.exister.

borne, c'est--dire

Aucune

libert d'association

ne peut

Existeront les associations que le peuple tolrera, toujours rvocables, toujours

pouvant treserait la

dissoutes et

dtruites par lui

;

ou ce

souverainet nationale abdiquant et elle ne peut

jamais abdiquer.

Il

existe

au moins une association sacre enet

quelque sorte

devant laquelle la souverainet;

populaire s'arrte

c'est la

famille.

Le pre

est

RBMiDBS TENTJS

195et les

chef de ses enfants et

les

lve

dirige

comme

il

l'entend jusqu' ce qu'ils soient

des

hommes.

Mais nonau pre.

I

Voil encore une limitation de la

souverainet nationale. L'enfant n'appartient pasS'il lui appartenait,

au seuil de chaque

maison

la souverainet nationale s'arrterait etn'existerait nulle

ce serait prcisment qu'ellepart. L'enfant,

comme

l'honmie, appartient

au

peuple.

11 lui

appartient en ce sens qu'il ne doit

pas

faire partie

d'une association qui penserait

autrement que le peuple, peut-tre contrairement la pense du peuple.rilIl

y aurait

mme un

p-

laisse, jn futur citoyen pendant vingt ans

en dehors de la pense nationale, c'est--dire endehors de la communaut. Figurez-vous cinq ousix abeilles leves

part et en dehors des

lois,

des rgles, de la constitution de la ruche ; et figurez-vo\is

que de ces groupes d'abeilles

il

y en et

des centaines dans la ruche. Ce serait la ruchedtruite.

La souverainet du peuple

doit pntrer

swr-

iout dans la famille, doit nier surtout la libert

de l'association familiale, doit dtruire surtoutTassociation familiale. Elle doit laisser aux pa-

100

LB CVLfS DB L'iNCOMPiTBNCI

rents la libert d'embrasser leurs enfants; rien

de plus;

le droit

de les lever dans des ides peut-

tre contraires celles de leurs parents appartient

au peuple,

qui, l autant qu'ailleurs, peut-

tre plus qu'ailleurs, parce

que

l'intrt est

plus

grand, doit tre souverain absolu.Voil ce que l'instituteur, avec

une logique

qui

me

semble inattaquable, dduit du principe

de la souverainet nationale.

Du principe de l'galit il dduit ceci les hommes sont gaux par la nature ettous lesture;

:

Tous

devant

la loi. C'est--dire que, pour qu'il y et justice,

hommestre

devraient tre gaux par la na-

et que, pour qu'il y ait justice, tous les

homne

mes doiventOrils

gaux devant la

loi.

ne sont pas gaux devant

la loi etil

ils

sont pas gaux par la nature.le

Donc

faut qu'ils

deviennent.

Us nede

sont pas gaux devant la

loi. Ils

ont l'air

l'tre, ils

ne

le sont pas.

L'homme rich,mme

en supposant parfaitementles magistrats

et strictement intgres

chargs de rendre la justice, par

ce seul fait qu'il peut rmunrer largement avous,

avocats et tmoins^ par ce seul

fait qu'il

intimide

par sa puissance tous ceux qui pourraient dpo-

HBlioKS TINTES

197

ser contre lui, n'est point

du

tout l'gal

du pau-

vre devant la

loi.

Encore moins Test-il devant

la socit, c'est--

dire devant l'ensemble des forces sociales constitues.

A

cet

gard

il

sera >,

l'homme

influent ,

l'homme relations

l'homme de qui personne

ne dpend, mais que personne n'aime contrecarrer, contrarier, contreminer ni contredire.Il

y a entre

l'homme

riche et

l'homme pauvre,devant celuilaloi,

si

gaux que l'on prtende

qu'ils soient

la loi, la

difTrence de celui qui

commande

qui est forc d'obir.socit,

L'galit relle^ danset

devant la socits'il

mme

devant la

n'existera que

n'y a ni riches ni pauvres.

Or,

il

y aura toujours des riches et des pauvres

tant que l'hritage existera. Abolition de l'hritage.

Mais l'hritage aboli,et des pauvres.fait

il

y aura encore des richesqui aura rapidementpuissant relativement

L'homme

sa fortune sera

homme

celui qui ne l'aura pas

faite, et,

remarquez-le,fils

bien que nous ayons aboli l'hritage, le

de

l'homme

puissant, pendant toute la viesi

de son

pre, sera puissant lui-mme,

bien que, quoi-

que nous ayons aboli l'hritage, un privilge,

19S

LB CULTB DB L*INCOMptENCB

mmeIl

de naissance,

existe

encore et rgalit

n'existe pas.

n*y a qu'un

moyen pour

qu'elle existe, c'est

que personne ne possde et que personne ne puisseacqurir. Le seul rgime social

amnag pourpour que perrgime com-

que personne ne puisse possdersonne ne puisse acqurir,munautaire,tivisme.c'