aspects du culte de mithra

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  • 7/25/2019 Aspects Du Culte de Mithra

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    DOI: 10.1484/J.SEC.1.100250 SEMCLAS 1 2008 p. 139-156

    En histoire des religions, il existe certaines nigmesqui rsistent linterprtation, soit par manque dedonnes, soit cause de lopacit de celles-ci. Les

    mystres de Mithra, qui ont essaim dans le monderomain partir du Ier sicle de notre re, semblentchapper la sagacit de nombreux spcialistes pources deux raisons. Si la documentation archologiquena cess de saccrotre1, en revanche, le manque dedonnes crites claires manant des adeptes de Mithraest presque toujours total. Les mystres de Mithragardent encore une grande part de leur mystre, commebien dautres rites initiatiques censs rester secrets.Mais il est possible galement quun lourd pass deprsupposs concernant ce culte empche quelque peude lobserver avec les bonnes lunettes. Robert Turcancitait propos la fameuse phrase dErnest Renan : Sile christianisme et t arrt dans sa croissance par

    quelque maladie mortelle, le monde et t mithriaste ,tout en ajoutant dans le mme style : il ne sagitpas seulement dun dieu parmi dautres, mais aussidu mithriacisme, cest--dire dune thologie et duneidologie qui ont nourri un courant religieux assezpuissant et attractif pour simposer durant plus de deuxsicles diffrents milieux de la socit romaine2. Or rien ne permet daffirmer que le culte du dieu perseait t lui tout seul ce point structur et conqurant.Il importe peu que lon hsite entre lappellation mithraisme et celle de mithriacisme car aucunedes deux ne se justifie, le suffixe isme dsignantune idologie religieuse ou politique ne devrait pas, entoute rigueur historique, tre attribu une croyance

    1. Aprs F. CUMONT, Textes et monuments gurs relatifsaux mystres de Mithra, 2 vol., Bruxelles, 1896-1899,voir M. J. VERMASEREN, Corpus Inscriptionum et Monu-mentorum Religionis Mithriacae, 2 vol., La Haye, 1956-1960 (abrg CIMRM). Parmi les dernires fouilles de

    Mithraea, citons celles de Bordeaux (Burdigala), dansles annes 1980.

    2. R. TURCAN,Mithra et le mithriacisme, Paris, 2000 (1993),p. 9.

    qui ne laissa pas dcrit dogmatique et, donc, ne stablitpas a priorien systme3. Malgr les distances prisesavec la formule de Renan, on marche encore sur ses

    traces en confrontant mithriacisme et christianisme4

    .Lhypothse que nous proposons5 est dnoncerquil ny eut pas de religion de Mithra, dans le sensdune croyance autonome et faisant systme, mais que,dune manire bien plus surprenante, le culte initiatiquene se suffisait plus lui-mme, ouvrant liniti ce quelon peut appeler une religion, cette religion ntant riendautre que la religion romaine du IIIeet du IVesiclede notre re, rgnre par le culte de Mithra, par lesconceptions noplatoniciennes et par le culte solaire.Pour exposer notre hypothse de la manire la plusclaire possible et pour quelle soit convaincante, nousnous proposons dexaminer divers aspects du culte deMithra. Nous nous attacherons tout dabord un aspect

    rituel peu mis en valeur la diffrence de linitiation :les repas des mystres de Mithra. Nous les comparerons un type de rite smitique afin den tablir les signifi-cations structurelles. Ensuite, nous reprendrons lana-lyse des stles reprsentant Mithra tauroctone (figure 1)afin den proposer une lecture renouvele ne prenanten compte que les lments centraux de limage6.

    3. Lhsitation perdure entre les notions de religion etde culte : G. SFAMENIGASPARRO, I misteri di Mithra:religione o culto? , Studies in Mithraism, J. R. HINNELLS(d.), Storia delle Religioni 9, Rome, 1994, p. 93-102.

    4. Voir notamment F. CUMONT, Les mystres de Mithra,Bruxelles, 1900, p. 199 s., et, presque un sicle plus tard,

    M. CLAUSS, The Roman Cult of Mithras. The God and HisMysteries, dimbourg, 2000 (Munnich, 1990), p. 168-172 : Mithras and the Christ .

    5. Ce travail est le rsultat dune rflexion qui naurait past possible sans avoir assist au pralable au sminairede N. BELAYCHE, Les religions orientales dans le monderomain : autour desMystres de Mithrade F. Cumont ,EPHE, Sciences religieuses, 2005-2007.

    6. Notre tude ne prendra en compte ni les motifs priph-riques limage centrale, comme les signes zodiacaux,ni les lments externes comme les gemmes magiques.

    CHRISTOPHELEMARDEL Aspects du culte de Mithra :des repas rituels la thurgie (de Mithra Sol)

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    Figure 1 - Mithra sacrifie le taureau, stle de Fiano Romano(face 1), muse du Louvre.

    Enfin, nous tudierons les rapports existant entreMithra et le dieu Sol, notamment grce au tmoignagede lempereur Julien.

    Nous ne serons ni cumontien , en voulantreconstruire la diffusion dun culte persique senrichis-sant dinfluences diverses7, ni post-cumontien en

    Pour linterprtation astrologique, voir R. GORDON, Thesacred geography of a mithraeum; the example of SetteSfere , Journal of Mithraic Studies (abrg JMS) 1,1976, p. 119-165 (repris dans Image and Value in theGraeco-Roman World. Studies in Mithraism and Reli-

    gious Art, Aldershot, 1996) ; R. BECK,Planetary Ordersin the Mysteries of Mithras, tudes Prliminaires auxReligions Orientales (abrg EPRO) 109, Leyde, 1988 ;D. ULANSEY, The Origins of the Mithraic Mysteries:Cosmology and Salvation in the Ancient World, Oxford,1989 ; en dernier lieu, R. BECK, The Religion of the

    Mithras Cult in the Roman Empire. Mysteries of the Un-conquered Sun, Oxford, 2006. Pour une critique svrede ce type dinterprtation : N. M. SWERDLOW, ReviewArticle: On the Cosmical Mysteries of Mithras , Classi-cal Philology 86, 1991, p. 48-63. Pour linterprtationmagique, voir A. MASTROCINQUE, Studi sul Mitraismo.

    Il Mitraismo e la Magia, Rome, 1998. Mais sans douteest-il prfrable de penser que Mithra fut intgr aumonde de la magie par dautres que les adeptes du dieu

    perse eux-mmes : E. SANZI, Mithras: a deus invictusamong Persia, stars, Oriental cults and magical gems ,Charmes et sortilges, magie et magiciens, Res Orienta-les14, 2002, p. 209-229.

    7. Pour lhistoire de lhistoire des mystres de Mithra,voir R. GORDON, Franz Cumont and the Doctrines ofMithraism ,Mithraic Studies, J. R. HINNELLS(d.), vol. 1,Manchester, 1975, p. 215-248, et R. BECK, Mithraismsince Franz Cumont ,Aufstieg und Niedergang der Rmi-

    schen WeltII, 17, 4, Berlin / New York, W. de Gruyter,1984, p. 2002-2115.

    retenant lide dun culte essentiellement grco-romainprenant sa source dans les systmes astrologiqueshellnistiques dAsie Mineure8. Les quelques aspects

    du culte que nous allons aborder seront analyss poureux-mmes, en tentant dtre le plus indpendantpossible vis--vis de lhypothse orientale et de lhypo-thse occidentale9.

    LESREPASRITUELSCOMPARSAUMARZEAOUEST-SMITIQUE

    Limage du tauroctone conduirait penser quenous sommes en prsence dun culte sacrificiel. Maisla documentation archologique ne permet pas dallerdans ce sens, les autels10et les ossements danimauxdcouverts dans les temples de Mithra attestant plutt

    un culte minimal et un repas pris en commun11

    . Limagedu dieu gorgeant le taureau ne conduisait donc pas une imitation rituelle du geste, elle avait plus une valeurdacte fondateur quil fallait commmorer. Labsence desacrifices sanglants avec autel ne sexplique dailleursque par la nature singulire du culte rendu dans les

    8. Pour une origine cilicienne, voir D. ULANSEY, The Originsof the Mithraic Mysteries(cit n. 6), p. 67-94, pour uneorigine en Commagne, R. BECK, The Mysteries ofMithras: A new account of their genesis , Journal of

    Roman Studies88, 1998, p. 115-128.9. On peut dire que Stig WIKANDER(tudes sur les mystres

    de Mithra I. Introduction, Lund, 1950) battit en brchelhypothse orientale de Franz Cumont en naccordantaucun caractre iranien aux mystres de Mithra, ce quiest excessif. Lhypothse orientale a toutefois t renou-vele par A. D. H. BIVAR, The Personalities of Mithra in

    Archaeology and Literature, Biennial Yarshater Lecture 1,New York, 1999, qui suppose lexistence dun courantreligieux centr autour de Mithra lpoque achmnide,sans convaincre les spcialistes qui sen tiennent aux seules

    bases solides concernant Mithra : les stles et linscriptionde Nemrud Dagh dAntiochos IerCommagne, et la noticede Plutarque sur les pirates ciliciens (Pompe24, 7), celaau Iersicle av. n. .

    10. Qui ne sont pas proprement parler tous des autels offrandes mais des braseros, des supports de lumire :R. TURCAN, Les autels du culte mithriaque ,Lespace

    sacriciel dans les civilisations mditerranennes delantiquit. Actes du Colloque tenu la Maison delOrient(4-7 juin 1988), R. TIENNE, M.-T. LEDINAHET(d.), Paris, 1991, p. 217-225.

    11. Aprs avoir soutenu que le culte tait sacrificiel ( Lesacrifice mithriaque : innovations de sens et de modalits ,

    Le sacrice dans lAntiquit. Fondation Hardt pourltude de lAntiquit classique, Entretiens tome XXVII,Genve, 1981, p. 341-372), R. Turcan sest ravis : Lesautels du culte mithriaque (voir n. 10), p. 224 ; Mithraet le mithriacisme (cit n. 2), p. 138-145.

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    grottes12. Cependant, mme non sacrificiel, le culte nedevait pas tre moins important que linitiation relative-ment bien connue depuis la dcouverte des fresques

    de Capoue et depuis celle des inscriptions de SantaPrisca tablissant avec certitude lordre hirarchiquedes mystes13. Mais quel tait prcisment ce culte etquelle en tait la finalit ?

    LesMithraeaont tous une salle centrale comportantde chaque ct des banquettes, limage dun tri-clinium14. Il ne fait pas de doute que, une fois initi,ladepte de Mithra participait un repas cultuel. Mmesi les scnes reprsentant Mithra et Sol dominentlargement (figure 2), liconographie montre aussi desconvives humains, ce qui atteste limportance rituelledu repas commun sur le modle des deux divinits15.Le bas-relief de Konjic en Dalmatie (CIMRM1896)donne une ide de ce que pouvait tre le repas rituel :

    deux convives, limage de Mithra et de Sol banque-tant, boivent et mangent en tant servis par les gradesinfrieurs, gauche le Corbeau et le Perse, droite leLion et le Soldat ; il semble que les deux convivessoient le Pater et lHliodrome, reprsentants des deuxdivinits16. Certaines stles tant bifaces, il parat vrai-semblable que le repas pt se drouler en prsence de Mithra et de Sol, les convives ntant pas toujourstourns vers Mithra tauroctone17. Les ossements trou-vs dans lesMithraeaprouvent que le repas ntait passeulement symbolique et la forme des vases boire() sur le bas-relief de Konjic indique que lonbuvait du vin. Ainsi le culte de Mithra comportait un

    12. Porphyre lexplique ainsi et donc ne mentionne aucunrituel sacrificiel en ce qui concerne les rites initiatiques deMithra, la diffrence du culte rendu aux dieux olympienset chthoniens (Lantre des Nymphes6) ; il ne mentionne

    pas plus de tels rites pour le dieu perse dans son traitcontre les sacrifices sanglants (De labstinence).

    13. M. J. VERMASEREN, C. C. VANESSEN, The Excavations inthe Mithraeum of the Church of Santa Prisca in Rome,Leyde, 1965 ; M. J. VERMASEREN,Mithraica I: The Mith-raeum at S. Capua Vetere, EPRO 16.1, Leyde, 1971.

    14. R. TURCAN,Mithra et le mithriacisme (cit n. 2), p. 74 ;M. CLAUSS, The Roman Cult of Mithras(cit n. 4), p. 113.LeMithraeumtypique est de forme rectangulaire, dabordconstitu dun vestibule, puis dune salle compose dunealle centrale qui mne jusqu un autel et une niche

    o se logeait limage cultuelle, lalle tant encadre dedeux estrades sur lesquelles les adeptes prenaient placepour le banquet rituel.

    15. A. HULTGRD, Remarques sur les repas cultuels dans lemithriacisme , dans C. GRAPPE(d.),Le Repas de Dieu.

    Das Mahl Gottes, Wissenschaft Untersuchungen zumNeuen Testament 169, Tbingen, 2004, p. 299-324.

    16. M. CLAUSS, The Roman Cult of Mithras(cit n. 4), p. 109.17. Pour les stles bifaces que lon devait faire pivoter, voir

    R. TURCAN, Note sur la liturgie mithriaque ,Revue delHistoire des Religions194, 1978, p. 153-156.

    Figure 2- Mithra dne avec Sol, stle de Fiano Romano(face 2), muse du Louvre.

    repas rituel dans lequel on ne saurait voir un quivalentde leucharistie chrtienne18. Et si linitiation en faitun culte mystres, tels ceux dEleusis, en revanche,le repas rituel semble marquer sa particularit19. La dis-position desMithraeanous invite nous interroger surla finalit dun tel repas, qui conclut, certes, la victoirede Mithra sur le taureau20et lalliance avec Sol, cest lson sens mythique, mais qui devait aussi succder au riteinitiatique et tre llment essentiel du culte lui-mme.

    Il existe dans le monde smitique un type de ritequil importe, pour lhistoire des religions, de comparer

    dautres rituels loigns dans le temps et lespace21

    .La comparaison avec le repas de Mithra peut treopportune si elle ne postule pas la recherche danalogiesmais nourrit, au contraire, la rflexion sur un problme

    18. Comme le fait M. CLAUSS, The Roman Cult of Mithras(cit n. 4), p. 108-109. Justin, en effet, ne compare pas lerepas eucharistique au repas rituel des mystres de Mithramais au pain et la coupe deau prsents dans les cr-monies dinitiation (ApologieI, 66). Voir la conclusionde J. P. KANE, The Mithraic cult meal in its Greek andRoman environment ,Mithraic Studies, J. R. HINNELLS(cit n. 7), vol. 1, p. 313-351.

    19. Quand les grands cultes mystres contemporains compor-

    taient un tel repas, celui-ci semble avoir t explicitementsacrificiel. Voir W. BURKERT,Les cultes mystres danslAntiquit, Paris, 1992 (Cambridge, 1987), p. 108.

    20. Voir M. CLAUSS, The Roman Cult of Mithras(cit n. 4),p. 110-112.

    21. Tel que lexprimait J.-M. HUSSER, propos du festinmarziu Ougarit. Abus et impasse du comparatismehistorique ,Le comparatisme en histoire des religions.

    Actes du colloque international de Strasbourg (18-20septembre 1996), F. BOESPFLUG, F. DUNAND(dir.), Paris,1997, p. 157-173.

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    qui pourrait tre dfini ainsi : comment interprter lesrites cultuels qui ne comportent pas de sacrifice, et celadans des socits qui pratiquent le sacrifice ? Il ne sagit

    donc pas de comparer dans le but dtablir un rseau dediffusion mais bien plutt doprer des rapprochementsdordre anthropologique dans le but de mieux interro-ger et de mieux saisir un problme22. Le rituel concern(marzea) pose bien des difficults lui tout seul23mais on ne peut qutre tonn face sa remarquablepermanence dans laire culturelle ouest-smitique puis-quon le trouve attest depuis le XIVesicle avant notrere Ougarit jusquaux premiers sicles de notre re Palmyre, en passant par Carthage (tarif de Marseille), parPtra et, auparavant, par la colonie juive dlphantine(Ve sicle avant notre re), le rite tant mme attestdans le monde isralite et juden grce quelquesmentions bibliques24.

    Le marzea tait auparavant vu comme un ritefunraire. Mais aujourdhui la tendance est de lappr-hender comme une association ayant eu pour seulefinalit la consommation de vin, cest--dire comme

    22. Pour ce type de comparatisme, analogique et non gnalogique , voir dernirement M. BURGER, C. CALAME(d.), Comparer les comparatismes. Perspectives surlhistoire et les sciences des religions, Paris-Milan, 2006,ouvrage inspir notamment par J. Z. SMITH, Drudgery

    Divine: On the Comparison of Early Christianities andReligions of Late Antiquity, Londres, 1988. Roger Becktrouve dailleurs ce comparatisme lgitime en ce quiconcerne Mithra : R. BECK, The Religion of the MithrasCult(cit n. 6), p. 12.

    23. Cependant : Il serait dommageable de penser quil failleattendre davoir une comprhension maximale des phno-mnes pour pouvoir les comparer sans les confondre.[] La fonction hermneutique du comparatisme ne sesitue pas ncessairement in ne, lorsque les dossiersdocumentaires auront t boucls et les inventairesachevs, car elle contient en elle-mme une dimensionheuristique dont nous avons particulirement besoin dansltude des religions de lAntiquit. , J.-M. HUSSER,

    propos du festin marziu (cit n. 21), p. 172.24. La bibliographie sur le sujet est consquente, nous ne

    citons que quelques travaux proposant un aperu assezglobal sur la question : J. C. GREENFIELD, The Marzaas a social institution , Acta Antiqua Academiae Scien-tiarum Hungaricae22, 1974, p. 451-455 ; M. H. POPE,

    The cult of the dead at Ugarit , Ugarit in Retrospect.Fifty Years of Ugarit and Ugaritic, G. D. YOUNG(d.),Winona Lake, 1981, p. 159-179 ; T. J. LEWIS, Cults ofthe Dead in Ancient Israel and Ugarit, Harvard SemiticMonographs 39, Atlanta, 1989 (spcialement p. 80-94) ;J. L. MACLAUGHLIN, The marza in the Prophetic

    Literature: References and Allusions in Light of the Extra-Biblical Evidence, Supplements to Vetus Testamentum 86,Leyde, 2001 ; H.NUTKOWICZ,Lhomme face la mortau royaume de Juda. Rites, pratiques et reprsentations,Paris, 2006 (spcialement p. 277-288).

    un symposium bien arros25. Toutefois, sans doutefaudrait-il faire des distinctions et dfinir clairementles rites en fonction de leur finalit26. Le fait que le

    marzea ait t une association ncessitant un lieupour se runir et boire27, possdant des proprits, desvignes, qui nait eu en apparence rien en commun avecun contexte funraire28, ne permet pas pour autantdaffirmer quil sagissait seulement dun banquetprofane. Certes, comme le souligne Denis Pardee, lavision minimaliste de ce type de rite se justifie parle manque de donnes claires, les textes rituels sontdsesprment laconiques, les textes mythologiques etpara-mythologiques dOugarit difficiles interprter29.Pour autant, quelques lments solides peuvent tredgags et servir lanalyse.

    Tout dabord, le rite ncessitait un lieu, un btmarzea, avec sa tte un chef (rab). Ce lieu ntait

    pas un temple puisquil pouvait appartenir un particu-lier, comme cest le cas Ougarit o un certain Shamu-manu loue sa maison30. Quant au rab, rien ne permetdaffirmer quil sagissait dun prtre en tant que telbien que les inscriptions palmyrniennes en mentionnent.Lassociation est dsigne par lexpression bn mrz,cela Ougarit mais aussi Palmyre et Ptra31. Lun

    25.Pour cette interprtation, voir V. ALAVOINE, Lemrzest-il un banquet funraire ? tude des sources pigraphiqueset bibliques (Am. 6, 7 et Jer. 16, 5) , Le Museon113,2000, p. 1-23. Pour des rserves, dj, en ce qui concernele rite funraire Ougarit : J. L. MACLAUGHLIN, Themarzea at Ugarit. A textual and contextual study ,Ugarit-Forschungen(abrg UF) 23, 1991, p. 265-281 ;D. PARDEE, Marziu, Kispu, and the ugaritic funer-ary cult: a minimalist view , N. WYATT, W. WATSON,J. LLOYD(d.), Ugarit, religion and culture, Ugaritisch-Biblische Literatur 12, Mnster, 1996, p. 273-287.

    26. Comme le fait J.-M. HUSSER, Culte des anctres ou ritesfunraires ? propos du Catalogue des devoirs du fils(KTU 1.17 : I-II) , UF27, 1995, p. 115-127.

    27. V. ALAVOINE, Lemrzest-il un banquet funraire ? (cit n. 25), p. 2-4.

    28. Cest le cas semble-t-il Palmyre : T. KAIZER, The Reli-gions Life of Palmyra. A Study of the Social Patterns ofWorship in the Roman Period, Oriens et Occidens 4,Stuttgart, 2002, p. 229-234.

    29. D. PARDEE, Marziu, Kispu, and the Ugaritic Funer-ary Cult (cit n. 25), p. 285 cependant, labsence de

    sacrifices mentionns avec le marziu dOugarit nesignifie pas quil ntait pas cultuel : ibid., p. 278.30. Il pourrait sagir de lieux proximit dun temple, si le

    texte dzchiel voque bien ce type de crmonie :S. ACKERMAN, AMarzain Ezekiel 8, 7-13 ? HarvardTheological Review82, 1989, p. 267-281.

    31. V. ALAVOINE, Lemrzest-il un banquet funraire ? (cit n. 25), p. 2. Lemploi du nom bn, fils , fait penser lexpression que lon trouve dans la premire partie dusecond livre des Rois concernant le prophte lise :ben-hannebm, dsignant des confrries de prophtes.

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    des textes dOugarit suggre que lon buvait beaucoupdans unmarzea, le dieu El tombant comme ivre mort.Le voyant juden Amos voque le luxe de telles asso-

    ciations : on boit et on mange sur des lits divoire 32,on se frotte dhuiles et on chante au son de la harpe(6, 4-7). Si lon sen tient ces vocations, il ne peuteffectivement sagir que de banquets profanes. Mais il nefaut pas oublier quAmos vitupre le royaume du Nordet le luxe de sa capitale. Quant au texte paramytho-logique de El, il comporte des significations cachesdifficiles interprter33. Faire du marzea une beuverie partir de ces tmoignages peut conduire commettreune erreur dinterprtation, il vaut mieux sappuyer surdes documents plus sobres .

    Virginie Alavoine pense que linterprtation fun-raire repose essentiellement sur les propos du prophtejuden Jrmie. Il est vrai quil est le seul mentionner

    explicitement la maison du marzea dans un contextede lamentation et de deuil (16, 5). Le verset 6 voquantles rites spcifiques de deuil (incisions et tonsures),il est probable que la mention du pain et du vin auverset 7 se rapporte au marzea, cest--dire, pour lemoins, une crmonie de commmoration. Les autresdocuments sont plus laconiques mais il faut noter quele marzea est souvent plac sous le patronnage dune divinit. Ougarit, un texte parlant dun champde vigne semble mentionner la desse Anath, unautre du mme type voque la desse Ishtar hourrite(Shaushka), un troisime parle du mar-ze-u(texte enakkadien) du dieu msopotamien Shatrana. Plus tard(IVe sicle avant notre re), un bol palestinien (Tell

    el-Farah) porte une inscription attestant lexistencedun mrzde Shamash34, comme Avdat au Iersiclede notre re, o il est question dun mrz du dieunabaten principal Dushara. Ptra, mais au sicleprcdent, une inscription signale un mrz dun roiObodas, qualifi de dieu, cela dans une salle o furentdgages deux banquettes35. Cette divinisation dun roinest pas sans poser question.

    32. Pour une mise en contexte archologique, voir E. FERRISBEACH, The Samarai Ivories, Marzea, and BiblicalText ,Biblical Archeologist56, 1993, p. 94-104.

    33. Ce texte a reu une interprtation anthropologique risquede M. H. POPE, A divine banquet at Ugarit , The Use

    of the Old Testament in the New and Other Essays ,J. M. EFIRD (d.), Durham, 1972, p. 170-203. Mme sielle est aujourdhui copieusement critique, il reste que la mort de El dans ce texte nest sans doute pas anecdo-tique. Si Pardee affirme avec raison que le rcit na pour

    but que de proposer une recette magique, cela ne permettoutefois pas de rendre compte des aspects symboliquesdu rcit, donc de le dcoder.

    34. N. AVIGAD, J. C. GREENFIELD, A Bronzephialwith aPhoenician inscription ,Israel Exploration Journal32,1982, p. 118-128.

    35Depuis longtemps, on a mis en relation deux textesmythologiques dOugarit : la lgende de Danel et deson fils Aqhat, et le pome des Repham36qui pourrait

    en tre la suite. la mort de son fil, Danel invite lesrpumau mrz37, quil faudrait donc comprendre commeun banquet funbre. Mme en ayant une autre lecturedu texte l hte ne serait pas Danel mais le granddieu El , cela ne permet pas dcarter tout contextefunraire38mais confirmerait au contraire la prsencencessaire dune divinit. Le fait que le marzea soitsouvent attribu une divinit peut indiquer que celle-ci tait lintermdiaire entre ceux qui rendaient le culteet les destinataires vritables qutaient les Repham. Ilfaut ajouter cela que les rapamasont appels ilnym : dieux . Or, quil sagisse des Repham bibliques39ou de ceux dOugarit, il apparat quils taient llitedes dfunts, rois trpasss diviniss 40. Ougarit

    encore, le roi Niqmadu, avec laide de la dessesolaire41, entreprend de descendre avec les Rephamdans lau-del la suite dun repas funraire42, pourdevenir lun deux. En dpit dune certaine confusion,

    35. L.NEHM, Lespace cultuel de Ptra lpoque naba-tenne , Topoi 7, 1997, p. 1023-1067 (spcialement

    p. 1033). Pour le marz comme triclinium chez lesNabatens : J. F. HEALEY, The Religion of the Nabateans.A Conspectus, Religions in the Graeco-Roman World136, Leyde / Boston / Cologne, 2001, p. 165-169.

    36. A. CAQUOT, M. SZNYCER, A. HERDNER, Textes ougari-tiques I. Mythes et lgendes, Littratures Anciennes duProche-Orient 7, Paris, 1974, p. 399-458 et p. 459-480 ;

    N. WYATT, Religious Texts from Ugarit. The Words ofIlimilku and his Colleagues, Sheffield, 1998, p. 246-312et 314-323.

    37. Mais mrzest-il quivalent mrz ? Voir la discussioncontre de V. ALAVOINE, Lemrzest-il un banquet fun-raire ? (cit n. 25), p. 5-7. Cependant, la logique de lalinguistique est bien souvent trs loigne de la ralitchaotique des textes et on ne voit pas quel autre sens mrz

    pourrait avoir dans un tel contexte dinvitation.38. Contrairement V. ALAVOINE, ibid., p. 8.39. Voir le texte du VIIIesicle dIs 14, 3-20.40. Voir, en dernier lieu, H. ROUILLARD-BONRAISIN,

    Lnigme des refam bibliques rsolue grce auxrapamadOugarit ,La Bible et lhritage dOugarit,J.-M. MICHAUD(dir.), Sherbrooke, 2005, p. 145-182.

    41. Voir J.-M. HUSSER, Shapash psychopompe et le pseudo

    hymne au soleil (KTU 1.6 vi 42-53) , UF29, 1997,p. 227-244. Greenfield, dans son commentaire du mrzde Shamash, mne une rapide comparaison entre ce dieusolaire, qualifi de lord of the upper and nether worlds la fin du code dHammurabi, et la desse Shapash,

    prsupposant quil pouvait avoir le mme rle quelle :N. AVIGAD, J. C. GREENFIELD, A Bronze phialwith aPhoenician Inscription (cit n. 34), p. 127-128, ainsique T. J. LEWIS, Cults of the Dead(cit n. 24), p. 35-46.

    42. J.-M. HUSSER, Culte des anctres ou rites funraires ? (cit n. 26), p. 115-116.

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    ces divers lments laissent entrevoir un culte desmorts dont le but ntait pas seulement de permettreaux dfunts de partir pour les enfers dans de bonnes

    conditions mais aussi de les honorer comme de vrita-bles dieux43. Ainsi, pour Obodas, parler de divinisationcomme une exception ne simpose pas puisquil sembleque dans laire culturelle smitique, un roi devenait sa mort une entit divine44. Certes, il ne devenait pas ungrand dieu auquel on rendait un culte public, il ntaitlobjet que dun culte priv45, qui plus est dans uncontexte de culte des anctres vident. Loin daffaiblirlinterprtation funraire du marzea46, cette mentiondu dieu Obodas la renforce.

    Ainsi, il existait, en dehors du culte habituel renduaux dieux, un culte plus marginal et non sacrificiel quincessitait la prsence dune divinit et qui convoquaitles esprits des grands morts, anctres et rois. Ces derniers

    ntaient pas vritablement diviniss mais devenaientnaturellement des dieux , dans des conceptionsopposes la ntre ne faisant pas de la mort la fin detoute vie. Ce culte, avec ses aspects funraires ouplutt chthoniens puisquil ntait pas un rite de fun-railles , consistait essentiellement en un repas rituel.Si les destinataires du culte et leur nom47le rapprochentdu culte des hros en Grce, la prsence dune divinitet labsence de sacrifice permettent de comparer le

    43. [] if the successors of dead kings and the descen-dants of dead heroes acted to assure the afterlife of the

    dead in the netherworld, the dead, in turn, would assurethe continuity and security of the royal successors onthe throne , B. A. LEVINE, J.-M. DETARRAGON, Deadkings and Rephaim: the patrons of the ugaritic dynas-ty , Journal of the American Oriental Society104,1984, p. 654.

    44. Kings and heroes do, ultimately, become Rephaim ,ibid., p. 656 ; These might be taken to suggest diviniza-tion not only of Obodat, but of allthe Nabatean kings ,J. F. HEALEY, The Religion of the Nabateans(cit n. 35),

    p. 150.45. Voir R. WENNING, Bemerkungen zur Gesellschaft und

    Religion der Nabater , Religion und Gesellschaft.Studien zu ihrer Wechselbeziehung in den Kulturendes antiken Vorderen Orients, I, R. ALBERTZ(d.), AlterOrient und Altes Testament 248, Mnster, 1997, p. 177-

    201 (spcialement p. 190-192).46. Comme laffirme V. ALAVOINE, Le mrz est-il unbanquet funraire ? (cit n. 25), p. 12 : Le mrz estdonc ddi, selon nous, comme cest aussi le cas Ougarit, un dieu. La particularit rside dans le faitquil sagit dans ce cas dun humain difi.

    47. Repham provient du verbe rp, gurir : Dansce cadre, la valeur apotropaque, bnfique et protectricede la racine simpose, qui suggre la force, la puissanceet la gurison , H.NUTKOWICZ,Lhomme face la mortau royaume de Juda (cit n. 24), p. 268.

    marzea avec les mystres de Mithra48. Cette absencesignifie quil ne sagit pas, dans les deux cas, du culteclassique fond sur les sacrifices-dons et sur la pratique

    des vux49. La relation humain / divin ne repose eneffet pas l sur le do ut des, cest--dire le culte desgrands dieux supposant le sacrifice sanglant avec autelqui marque la distance entre les deux parties50, pasplus quelle ne repose sur le dsir dloigner des entitsou de prvenir de nouveaux flaux ncessitant dessacrifices apotropaques et prophylactiques. La relationquimplique le repas cultuel est forcment dun autreordre, elle suppose une distance moindre avec le divindans le cadre dun culte priphrique. Nemrud Dagh,Mithra nest pas rellement distinct des autres divinitsreprsentes et devait recevoir le mme culte sacrificielqueux de mme les divinits smitiques en dehorsdumarzea. Dans le culte mystres du mme dieu,

    en revanche, le sacrifice na pas dutilit, ladepteentrantdans le naos lallure de tricliniumou demarzea.

    Mais la question de la nature du culte dpend sur-tout de sa finalit. Pour le marzea, tout nigmatiquequil est, nous savons quil sagissait dun culte en lienavec lau-del ou, pour mieux dire, avec len-de. Leculte de Mithra, sans avoir de rapport avec un quel-conque aspect funraire, comporte toutefois une fortedimension chthonienne. En effet, lesMithraeataientdes lieux souterrains, soit artificiels, soit amnagsdans des grottes naturelles51 Mithra est dailleursptrogne sur de nombreuses reprsentations. Nous allonsvoir que ces aspects chthoniens sont clairement visibles

    dans liconographie et que la fonction mme du dieuperse dans ce culte a clairement trait la destine postmortemde ses adeptes.

    48. Bien entendu, laspect chthonien et lesprance dun bonsjour dans lau-del permettraient galement de menerune comparaison le comparatisme tant un moyen dechercher : J. SCHEID, J. SVENBRO, Le comparatisme,

    point de dpart ou point darrive ? , F. BOESPFLUG,F. DUNAND, Le comparatisme en histoire des religions(cit n. 21), p. 295-308 entre le marzea smitique et lesmystres grecs anciens. Pour ces derniers, voir les tudesrunies dans Greek Mysteries. The Archaeology and Ritualof Ancient Greek Secret Cults, M. B. COSMOPOULOS(d.),

    Londres / New York, 2003.49. Pour cette pit, voir dernirement encore P. VEYNE, Culte, pit et morale dans le paganisme grco-romain ,

    LEmpire grco-romain, Paris, 2005, p. 419-543 (spcia-lement p. 425-426).

    50. Pour cet aspect du sacrifice, voir J.-P. VERNANT, latable des hommes. Mythe de fondation du sacrificechez Hsiode , La cuisine du sacrice en pays grec,M. DETIENNE, J.-P. VERNANT(d.), Paris, 1979, p. 37-132.

    51. R. TURCAN,Mithra et le mithriacisme(cit n. 2), p. 74-75.

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    Aspects du culte de Mithra 145

    LATAUROCTONIEDEHAUTENBAS

    Les mystres de Mithra nayant pas de textes attests

    et explicites, et lpigraphie tant si laconique, le plussouvent votive, ou nigmatique comme pour la longueinscription de Santa Prisca, il nous faut toujours enrevenir liconographie et, principalement, limagede la tauroctonie. Nous ne tiendrons pas compte deslments astrologiques qui encadrent souvent limagecentrale car ils peuvent ne pas tre originels52. Or, silon cherche les lments centraux et permanents deliconographie de Mithra, ils sont considrablementsrduits. On y trouve, dans une lecture qui va de lagauche vers la droite, deux personnages, lun avec unetorche leve, lautre avec une torche baisse, de part etdautre de la scne centrale. On trouve aussi souventdeux oiseaux au-dessus de Mithra, un rossignol sa

    gauche et un corbeau sa droite. Mais on peut voir desimages plus pures encore, comportant seulement lesoleil et la lune en haut, et la tauroctonie elle-mmepresque toujours reprsente de la mme manire :Mithra, tenant le taureau par les naseaux, plonge songlaive dans le flanc de lanimal, un chien et un serpentsapprochent pour lcher le sang qui coule de la blessuretandis quun scorpion presse de ses pinces les testiculeset quun pi de bl jaillit de la queue (figure 1). Lesanimaux qui sont toujours prsents autour du taureausont donc le chien, le serpent et le scorpion, lequel nepeut tre intgr dans le zodiaque que de manire conjec-turale53. Et si lon apprhende la tauroctonie commetant centrale et originelle, nous ne pouvons dissocier les

    trois animaux qui sapprochent de lanimal immol54

    .En se reportant aux conceptions zoroastriennesconcernant les animaux, on constate que le taureau,en tant que bovin, est un modle de perfection, que lesoiseaux et le chien appartiennent la bonne crationtandis que le serpent et le scorpion sont issus de la

    52. Selon Bivar, linterprtation astrologique explains thedevelopement of later Mithraic iconography : A. D.H. BIVAR, Towards an integrated picture of ancientMithraism , J. R. HINNELLS, Studies in Mithraism (citn. 3), p. 67.

    53. Comme il lest sur le petit relief stylis de Sidon

    (CIMRM 75) ; le Mithraeum de Sidon, le relief et lesstatues retrouvs datant de la toute fin du IVesicle : voirF. BARATTE, Le mithreum de Sidon : certitudes etquestions , Topoi11, 2001, p. 205-227.

    54. Contrairement R. BECK, A Note on the Scorpion inthe Tauroctony ,JMS1, 1976, p. 208-209, qui pense quele scorpion ne peut tre interprt autrement que commesigne du zodiaque : in astrology Scorpius governs thegenitals . Voir aussi J. R. HINNELLS, Reflections onthe Bull-slaying scene ,Mithraic Studies, J. R. HINNELLS(cit n. 7), vol. 2, p. 290-312 (spcialement p. 298-300).

    mauvaise cration55. Ces derniers sont vous lexter-mination par les zoroastriens56, cela laide dun btonrituel57. Le mythe zoroastrien de la cration celui

    de la bonne et de la mauvaise cration, respectivementpar Ohrmazd (Ahura Mazda) et par Ahriman nestconnu dans la tradition irannienne que dans des textestardifs, notamment leBundahin(IXe-Xesicles de notrere). Cependant, Plutarque, se fondant notamment surThopompe (IVesicle avant notre re)58, fait tat dece mythe et, surtout, voque cette bipartition strictedes animaux : Les Perses croient [] que, parmi lesanimaux, le chien, les oiseaux et le hrisson, par exem-ple, appartiennent au dieu bon, et le rat deau lautre,au principe mauvais : cest pour cette raison quilsflicitent quiconque en a tu un trs grand nombre (Isis et Osiris46). De mme, Hrodote, propos desmages, disait quils tuaient de leur propre main fourmis

    et serpents, et toutes sortes de btes lexception duchien et de lhomme (HistoiresI, 140). Cette conceptiondualiste des animaux est donc bien un aspect structureldu mazdisme antique, et est bien antrieure la diffu-sion du culte de Mithra dans lempire romain.

    Ainsi, si on lit la tauroctonie en fonction du dualismemazden, il apparat que le serpent et le scorpion serattachent la catgorie desxrafstars, cest--dire desanimaux chthoniens, dmoniques. Le chien a, quant lui, une place part. Non seulement il appartient labonne cration mais il a aussi un rle rituel qui peutexpliquer sa prsence auprs du taureau. En effet, iltait rput protger le cadavre afin que le dmon nese saisisse pas de lme. Par ailleurs, il pouvait aussi

    le dvorer en guise dinhumation ou dincinration59

    .

    55. Voir M. MOAZAMI,La place de lanimal dans la conceptionzoroastrienne : lhistoire des animaux travers les textespehlevis(thse de doctorat : EPHE Sciences religieuses),Paris, 1995.

    56.Id., Evil animals in the Zoroastrian religion ,Historyof Religions44, 2005, p. 300-317.

    57. Ph. GIGNOUX, Contacts culturels entre manichisme etmazdisme : quelques exemples significatifs ,LAncien

    Proche-Orient et les Indes. Paralllismes interculturelsreligieux, Studia Orientalia 70, p. 65-73 (spcialement

    p. 65-67).58. Il est difficile pour ce passage de savoir ce qui provient

    de Thopompe et ce qui provient dautres auteurs. Voir

    R. TURCAN,Mithras Platonicus. Recherches sur lhellni-sation philosophique de Mithra, EPRO 47, Leyde, 1975,p. 15 et A. DEJONG, Traditions of the Magi. Zoroastrianismin Greek and Latin Literature, Religions in the Graeco-Roman World 133, Leyde, 1997, p. 162-163.

    59. Ce quatteste Hrodote, mais aussi Strabon qui parle dechiens levs dans ce but en Bactriane (GographieXI,11, 3). Pour ces fonctions diverses du chien lies la mort,voir M. MOAZAMI,La place de lanimal(cit n. 55), p. 71-86. Plutarque, quant lui, voque un curieux pisode : leroi perse Cambyse tua le taureau Apis en gypte, aucun

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    De ce point de vue, le chien se rapproche des oiseauxet, notamment, du corbeau qui avaient cette mmefonction de fossoyeurs . ceci prs que la prsence

    de ce dernier et surtout celle du rossignol sont plus mettre en relation avec le soleil et la lune, et avecCauts et Cautopats, le corbeau tant signe daurore,le rossignol, chantant la nuit, signe de crpuscule.

    linverse, si lon pense lorigine probable desmystres en Asie Mineure et un Mithra se dtachantdes traditions iraniennes, il est alors possible denvisa-ger dautres symbolismes : le chien peut devenir plusproprement chthonien, prendre en tout cas une accep-tion plus pjorative, tandis que, de leur ct, le serpentet le scorpion peuvent signifier la rgnrescence et lafertilit. Quoi quil en soit de ces diverses interprta-tions, elles ne doivent pas nous empcher de proposerune lecture globale de limage tauroctonique60. Celle-ci

    se lit en effet parfaitement de haut en bas61

    , Mithra etle taureau apparaissant comme les acteurs mdians dela scne. Si nous navons en haut que des spectateursde limmolation, en revanche, en bas, le sang attirele chien et le serpent, et le scorpion se prcipite surles testicules de lanimal. lvidence, le sacrificeest destin au monde chthonien et prend une porteapotropaque ; dautant plus si lon ajoute le fait quelimmolation mythique a lieu dans une grotte. Mais ilsemble que la mise mort ne vise pas seulement satisfaire ces animaux ou ces entits car il en rsulte unbnfice : le bl pousse. Or celui-ci a lair de sortir dela queue du taureau la suite de laction du scorpionsur sa semence62 sauf dans quelques cas o les

    pis jaillissent de la blessure du taureau. L encore,la lecture haut/bas se justifie tant les deux actionssemblent se rpondre. Mme sil sagit dun sacrificemythique, la lecture anthropologique ne peut tre

    animal ne sapprocha de sa dpouille, except un chien(Isis et Osiris44). Cambyses may have been performeda Persian rite more or less connected with Mithra ,L. A. CAMPBELL, Mithraic Iconography and Ideology,EPRO 11, Leyde, 1968, p. 14.

    60. Comme la fait L. A. CAMPBELL, ibid., p. 12-28. Lauteurconserve en effet la symbolique perse pour le chien et

    pour le corbeau, et attribue les significations orientales au

    serpent et au scorpion.61. Cette opposition binaire nest pas mise en vidence parR. BECK, The Religion of the Mithras Cult (cit n. 6),

    p. 81-84, mme sil sappuie beaucoup sur un passage dePorphyre (Lantre des nymphes6) qui voque le rituelinitiatique de Mithra comme tant une descente des meset une sortie pouvant sapparenter un tel mouvement dehaut en bas.

    62. L. H. MARTIN, Reflections on the Mithraic tauroctonyas cult scene , Studies in Mithraism, J. R. HINNELLS(cit n. 3), p. 224.

    nglige au profit de linterprtation sociale63 ou delinterprtation astrologique64. Il nest pas utile de serfrer aux grands dbats qui ont eu lieu entre Walter

    Burkert, Ren Girard et Jean-Pierre Vernant sur lanature de lacte sacrificiel, le geste du dieu est suffi-samment clair : il ninstitue pas le partage sacrificiel la manire dun Promthe mais offre la vitalit dutaureau, son sang et sa semence, au monde souterrainen contrepartie des crales.

    Limmolation du taureau, dans cette optique, peutdonc se comprendre comme tant un sacrifice nces-saire pour la naissance de la vgtation. Le mythe faitintervenir des animaux chthoniens car ceux-ci, dans laconception religieuse iranienne ou dans une conceptionmoins spcifique, ont un rle jouer, nuisible oufavorable, quil importe de dtourner ou dactiver. Cemythe nest pas trs loign de celui que lon trouve

    dans le Bundahin : le meurtre du bovin blanc engen-drant espces animales et vgtales, la moelle crantles crales et la semence les bovins65. Cependant, dansle mythe en langue pehlevi, ce nest pas Mithra qui tuele taureau mais Ahriman. Les parallles sont tels quelon peut alors prsupposer que le mythe de Mithra ait putre rinterprt laune du dualisme strict opposant lesdeux grandes entits du bien et du mal, quil pourrait donctre pr-zoroastrien et faire rfrence une conception dusacrifice comme acte de cration remontant des tradi-tions indo-iraniennes plus en accord avec les conceptionscosmogoniques vdiques66. En effet, mme si nous nepouvons affirmer la dimension iranienne des mystresde Mithra, tant donn les difficults quil y a tudier

    et plus encore dater les conceptions mazdennes67

    ,il reste que limage du dieu sacrifiant le taureau est

    63.Ibid., p. 217-224 : L. H. Martin rapproche le sacrifice deMithra de la culture des soldats. Il est vrai que son acte estreligieux et a en mme temps quelque chose de guerrier.

    64. Pour une lecture astrologique et cosmologique de la tauroc-tonie, voir R. BECK, In the place of the lion: Mithras inthe tauroctony , Studies in Mithraism, J. R. HINNELLS(cit n. 3), p. 29-50 et D. ULANSEY, The Origins of the

    Mithraic Mysteries (cit n. 6), p. 67-94. Voir encoredernirement R. BECK, The Religion of the Mithras Cult(cit n. 6), p. 190s.

    65. M. MOAZAMI,La place de lanimal(cit n. 55), p. 20-37.Pour ces aspects gnraux du zoroastrisme, cf. louvrage de

    M. BOYCE,A History of Zoroastrianism: The Early Period,Handbook of Oriental Studies, Leyde 1996 (1red. 1975).66. Voir P. G. KREYENBROEK, Mithra and Ahriman in Ira-

    nian cosmogonies , Studies in Mithraism, J. R. HINNELLS(cit n. 3), p. 173-182.

    67. Voir, dernirement, louvrage historiographique deJ. KELLENS, La quatrime naissance de Zarathushtra,Paris, 2006 : nous avons constat quon ne peut statuersur les origines du zoroastrisme tant que la dmonisationdes daivas na pas t explique de manire satisfaisante (p. 149).

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    trangre au monde grco-romain68. Cest pourquoi larfrence des conceptions iraniennes ne peut treexclue a priori, condition de faire la diffrence entre

    le mazdisme antique bien difficile cerner et celuimanant de textes que lon peut au mieux faire remon-ter lpoque sassanide69. La tauroctonie semble bienillustrer un certain dualisme, mais non pas tant celuides textes en pehlevi, ni mme celui manant du MihrYaten avestique, quun dualisme qui se rapprocheraitplutt des conceptions transmises par Plutarque.

    Pour lcrivain grec du dbut de lre commune,Mithra est le mdiateur () entre Hromazset Areimanios, et non pas seulement le dieu de lchangeentre les hommes et les dieux, tel quon le trouve dans leYat1070. La figure qui se dgage de lensemble textuelen avestique ressemble dailleurs plus aux images dudieu apparaissant sur des sceaux sassanides71 quau

    Mithra tauroctone des stles romaines. Cependant, ilest dit que le dieu frappe les dmons les daiva aprsle coucher du soleil, enlevant leurs impurets, se faisantainsi lennemi dAhra Manyu72 aprs Ahura Mazd.Ainsi, malgr la distance gographique, et donc cultu-relle, et la distance chronologique entre Plutarque et letexte en avestique, il reste que les rapprochements sontpossibles et que les donnes manant du texte en grecne peuvent tre ngliges : grec ou perse, Mithra atout de mme plus ou moins la mmepersonnalit. SiPlutarque applique de manire systmatique le schmagrec concernant les sacrifices les sacrifices votifs etdactions de grce pour le dieu cleste et les sacrificesapotropaques pour le dieu chthonien , ce qui pourrait

    le faire suspecter dinterprter des donnes bien plusque de les transmettre fidlement, il mentionne aussi,pour illustrer la seconde catgorie de sacrifices, un ritespcifique effectu avec le sang dun loup. Mme sile rite est en totale contradiction avec le dogme zoro-astrien qui interdit tout sacrifice aux dmons, le terme

    68. Pour cet aspect, voir F. PRESCENDI, Riflessioni e ipotesisulla tauroctonia mitraica e il sacrificio romano ,Religionsorientales culti misterici. Neue Perspektiven, C. BONNET,J. RPKE, P. SCARPI(d.), Potsdamer Altertumswissens-chaftliche Beitrge 16, Stuttgart, 2006, p. 113-122.

    69. Dans sa reconstitution, Merkelbach comprend les mystresde Mithra comme tant issus du polythisme iranien pr-

    zoroastrien : R. MERKELBACH,Mithras, Knigstein, 1984,p. 18.70. Pour ce texte, voir I. GERSHEVITCH, The Avestan Hymn to

    Mithra, Cambridge, 1959 et, plus rcemment, E. PIRART,Guerriers dIran. Traductions annotes des textes avestiquesdu culte zoroastrien rendu aux dieux Titriya, Mira etVrragna, Kubaba Antiquit 8, Paris, 2006, p. 48-49.

    71. Identique au soleil, la tte radie, sur son char tir par denombreux chevaux. Voir F. GRENET, Mithra, dieu iranien :nouvelles donnes , Topoi11, 2001, p. 35-58.

    72. . PIRART, Guerriers dIran(cit n. 70), p. 140.

    technique que Plutarque utilise atteste du caractreinformatif de sa mention73, dautant plus que le loupfait bien partie de la mauvaise cration dans le zoro-

    astrisme74. Linformation de Plutarque au sujet dundieu mdiateur peut donc tre prise au srieux75bienque cette position particulire de Mithra napparaissepas vritablement dans les donnes zoroastriennes,quelles soient supposes anciennes ou non76. Il sagitmaintenant de savoir si cette position mdiatricecorrespond aux stles des mystres.

    Sol est le seul dieu qui puisse tre considr commealli et suprieur de Mithra. Apparemment, il semblecorrespondre lorigine au soleil perse que Mithra, dieudes aurores, aide monter au ciel avec son char77. Nous leverrons plus loin, sinspirant de cette conception, le dieuSol des stles romaines avait sans doute une plus grandestature. Mais il ny a pas sur les stles de figuration

    dun dieu chthonien. Seuls les animaux se prcipitantsur le taureau peuvent voquer cette dimension. Toute-fois, les nombreuses statues et reliefs retrouvs dansdesMithraeareprsentant un monstre corps dhomme,pourvu dailes et tte de lion autour duquel senrouleun serpent (figures 3 et 4), peuvent tre identifis avecun tel dieu. Malgr linscription de York sur le socledune statue identifiant un tel personnage par le nomdArimanius (CIMRM833-834)78, la grande majoritdes savants79en restait linterprtation de Cumont qui

    73. Par exemple, on pile dans un mortier une herbe appeleen invoquant Hads et les tnbres, on y ajoute lesang dun loup gorg, puis on va jeter le mlange dans

    un endroit sans soleil (Isis et Osiris46).74. M. MOAZAMI, Evil animals (cit n. 56), p. 312-314.75. Contrairement R. TURCAN, Mithras Platonicus (cit

    n. 58), p. 22 : La notion dun Mithra Msits est unetape majeure de cette hellnisation qui devait conduire faire du dieu ce quil navait jamais t dans la tho-cosmologie iranienne : un dmiurge.

    76. [] in making Mithras an intermediary figure, Plutarchwas reflecting Mithraic rather than zoroastrian practices ,J. HANSMAN, A suggested interpretation of the MithraicLion-Man figure ,tudes mithriaques.Actes du 2econgrsinternational, Thran, du 1er au 8 septembre 1975,J. DUCHESNEGUILLEMAIN(d.),Acta Iranica17, Leyde,Brill, 1978, p. 226.

    77. . PIRART, Guerriers dIran(cit n. 70), p. 108.78. Cette statue na plus de tte mais il ne fait pas de doute

    quil sagit du lontocphale, le serpent et les ailes lattes-tant. La terminaison manquant ariman, on prsupposequil sagit dun nominatif, auquel cas Arimanius seraitle nom du ddicant. Mais la solution du datif est plussatisfaisante au dieu Arimanius car il est difficiledaccepter ce nom comme tant un anthroponyme.

    79. lexception notamment de J. DUCHESNE-GUILLEMIN, Ahriman et le dieu suprme dans les mystres deMithra , Numen2, 1955, p. 190-195 ; R. C. ZAEHNER, Postscript tozurvn,Bulletin of the School of Orientaland African Studies17, 1955, p. 232-249 ; J. HANSMAN,

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    Figure 3 - Lontocphale debout, statuette stylise deSidon, muse du Louvre.

    faisait de ce personnage la divinit iranienne du Temps,Zurvan, assimile Kronos-Saturne80. Cette identifica-tion pose bien des problmes car, dune part, il existedautres inscriptions au deo arimaniotrouves dans les grottes de Mithra81alors que Zurvan est totalementabsent, dautre part, la supriorit de ce dieu danscertaines conceptions perses se trouve plus en aval

    A suggested interpretation of the Mithraic Lion-ManFigure (cit n. 76), p. 215-227 ; H. VONGALL, TheLion-Headed and the Human-Headed God in the MithraicMysteries ,tudes mithriaques(cit n. 76), p. 511-525.

    80. F. CUMONT, Les mystres de Mithra(cit n. 4), p. 106-110.

    81. CILXIV, 4311 (Ostia) ; CILVI, 47 (Rome) ; CILIII, 3414et 3415 (Aquincum, Pannonie).

    quen amont du dualisme mazden82. Cest pourquoilinterprtation la plus partage reste celle de la divinitdu Temps dtache du dieu perse83.

    Malgr cela, si lon identifie le lontocphalecomme devant sappeler Ariman daprs les inscriptions,il est vident que cette figure ne peut tre totalementinterprte comme tant le dieu perse part entire.Comme Mithra, sil sagit dAhriman, il na pu queconsidrablement voluer dans un culte spcifique,observ, qui plus est, par des non-zoroastriens. Cestpourquoi beaucoup dauteurs se retrouvent pour direque si le lontocphale tait bien appel Ariman parles adeptes de Mithra, ce ntait plus en rfrence audaivairanien prince des tnbres84. On peut toutefoispenser quil fut premier et rinterprt et non exotiqueet secondaire85.

    Souvent reprsent avec des cls dans la main,

    parfois les pieds poss sur un globe, il semble tre undieu cosmique, voire un kosmokratr. Cette figure peutvidemment tre mise en relation avec le grade deLeodes mystres et mme tre, par ses symboles solaires,

    82. [] le zervanisme nest document que par des auteursnon iraniens dpoque postsassanide et on ne lui a prtune attention plus prcise que lorsquon a cru discerner soninfluence sur le manichisme et le mithriacisme romain,ce qui le vieillissait de quelques sicles , J. KELLENS,

    La quatrime naissance de Zarathushtra, Paris, 2006,p. 91-92. Plutarque nvoque aucun dieu, aucun principe, lorigine dHromazs et dArimanios, sinon que le

    premier est n de la lumire et lautre des tnbres (Isis etOsiris47) ; cest Damascius (Ve-VIes. n. .), sappuyantsur Eudme de Rhodes (IVes. av. n. .), qui dit, proposdes Mages, que le Dieu unique et intelligible, dont ils fontdriver le dieu Bon et le dieu Mauvais, est Topos pour lesuns, Chronos pour les autres. Voir A. DEJONG, Traditionsof the Magi(cit n. 58), p. 336-337.

    83. Mais identifier le lontocphale comme tant lAingrco-romain nest pas recevable car ce dernier ntait

    pas reprsent avec une tte de lion. Voir H. VONGALL, The Lion-Headed and the Human-Headed God (citn. 79), p. 512-513. Il faut alors le rattacher une figure delastrologie ou de la magie grco-gyptienne : R. BECK,

    Planetery Orders (cit n. 6), p. 99-100 et R. TURCAN,Mithra et le mithriacisme(cit n. 2), p. 65.

    84. U. BIANCHI, Mithraism and Gnosticism , MithraicStudies, J. R. HINNELLS (cit n. 7), vol. 2, p. 457-465 ;G. SFAMENIGASPARRO, Il mitraismo nellambito dellafenomenologia misterica (with an abstract in English) ,

    Mysteria Mithrae, U. BIANCHI (d.), EPRO 80, Leyde,1979, p. 299-348 ; H. M. JACKSON, The meaning andfunction of the Leontocephaline in Roman Mithraism ,

    Numen32, 1985, p. 17-45.85. Comme le supposent M. BOYCE, F. GRENET,A History of

    Zoroastrianism: Zoroastrianism Under Macedonian andRoman Rule, Handbook of Oriental Studies, Leyde, 1991,p. 474 : [] a name which corresponds to a standardGreco-Roman rendering of that of the Evil Spirit.

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    Aspects du culte de Mithra 149

    Figure 4 - Lontocphale debout, relief de Burdigala,muse dAquitaine (Bordeaux).

    une hypostase de Mithra86. Il faut toutefois rappelerque le lion est un animal de la mauvaise cration dansla conception zoroastrienne et quon le trouve entre lechien et le serpent sur quelques reprsentations de latauroctonie. Les sept grades de linitiation aux mystresde Mithra restent dailleurs difficiles expliquer tantils semblent htroclites et lon peut penser que lordreet le nombre nest pas originel87. Surtout, si lon veutassocier le lontocphale au grade de Lion, il faut rap-peler que les lions de Mithra symbolisent (sacra-menta) une nature aride et brlante daprs Tertullien(Contre MarcionI, 13, 5) et quils taient prservs detoute souillure en ayant les mains purifies par du mielselon Porphyre (Lantre des Nymphes15)88. Le pouvoir

    86. H. M. JACKSON, The meaning and function of theLeontocephaline (cit n. 84), p. 29-34.

    87. R. TURCAN,Mithra et le mithriacisme(cit n. 2), p. 81-83.88. Ce tmoignage semble confirm par une inscription de

    Novae (Bulgarie) o un myste ayant atteint le grade deLion est qualifi de melichrisus, oint (?) au miel :R. TURCAN,Mithra et le mithriacisme(cit n. 2), p. 88.

    apotropaque du miel est bien connu89 et lon peutsuggrer que linitiation au quatrime grade le grademdian pouvait tre la plus importante90. Dans cette

    optique, linitiation aux trois premiers grades nauraitt quun attachement Mithra dabord servant, puisfianc et enfin soldat de Mithra91 en vue du passagepar le feu du quatrime92, pour lequel aurait surgi lafigure du lontocphale93, afin ensuite daccder au troisderniers grades : Perse94, Hliodrome et Pater les Lions

    89. Il avait un rle dans le culte des divinits chthoniennesmais aussi dans les initiations. Voir M. LEGLAY, Saturneafricain. Histoire, Bibliothque des coles FranaisesdAthnes et de Rome (abrg BEFAR) 205, Paris, 1966,

    p. 150-152.90. On pourrait ainsi expliquer pourquoi il est tant question

    des Lions dans la longue inscription de Santa Prisca. Voir

    M. J. VERMASEREN, C. C. VANESSEN, The Excavations inthe Mithraeum(cit n. 13), p. 187sq. Cette importance seretrouve en partie dans le papyrus fragmentaire de Berlin,trouv en gypte (IVes. n..) et qui a bien des chancesdtre un formulaire liturgique du culte de Mithra :W. M. BRASHEAR, A Mithraic Catechism from Egypt(P. Berol.21196), TycheSupplementband I, Vienne, 1992,

    p. 18-19.91. Tertullien insiste sur lalliance faite avec Mithra pour celui

    qui tait initi au grade de Soldat, conduit prononcercomme formule : Mithra est ma couronne (Decorona15, 3).

    92. Le rite de feu succdant au rite deau du grade prcdent ?Pour cet aspect et la distinction nette entre linitiation desSoldats et celles des Lions, voir L. RENAUT, Les initisaux mystres de Mithra taient-ils marqus au front ? Pour

    une relecture de Tertullien,De praescr.40, 4 ,Religioniin contatto nel Mediterraneo antico. Modalit di diffu-sione e processi di interferenza, C. BONNET, S. RIBICHINI,D. STEUERNHAGEL(d.), Rome, 2008, p. 171-190.

    93. Il est probable ce propos que le lontocphale de Sidon(figure 3) cracht du feu grce un trou derrire latte voir M. CLAUSS, The Roman Cult of Mithras(citn. 4), p. 163 et F. BARATTE, Le mithreumde Sidon (cit n. 53), p. 211-212 ; sur le relief de la collectionColonna Rome, CIMRM383, le lontocphale, qui tientune torche allume chaque bras, crache une langue de feu au point dallumer un autel. Pour la singularit dece grade et lexistence dun Leonteum lintrieur du

    Mithraeum(inscription de San Gemini), lieu de linitiationdes Lions, voir C. ALOESPADA, Il leonella gerarchiadei gradi mithriaci ,Mysteria Mithrae, U. BIANCHI(citn. 84) p. 639-648. Il est noter que le papyrus de Berlinvoque aussi un : W. M. BRASHEAR,A MithraicCatechism(cit n. 90), p. 18-19. On peut aussi comprendrelinscription dAquincum en Pannonie Deo Arimanio

    Libella leo fratribus voto dic(avit) (CILIII, 3415) comme attestant un lien direct entre Ahriman et le grade de

    Leo : H. VONGALL, The Lion-Headed and the Human-Headed God (cit n. 79), p. 517.

    94. Pour lequel une offrandede miel tait faite en tant que gardien des fruits (Porphyre,Lantre des Nymphes15).Selon Marcel Leglay, le myste re-n pouvait dsormaisconsomm laliment des dieux (Saturne africain [cit

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    150 Christophe Lemardel

    tant reus par le Pre daprs linscription de SantaPrisca. Porphyre (Eubule) fait dailleurs la distinctionentre trois types de grades : les Corbeaux qui sont des

    servants ( ), lesLions des mystes actifs lors des crmonies ( ) et les Pres (De abstinentiaIV, 16, 3).

    Ainsi, mme si le lontocphale nest pas propre-ment parler iranien tel quil est reprsent, le nomdAriman lui est attribu et son aspect est tout bonne-ment monstrueux95. Il est donc difficile dadmettrequil ait pu tre considr comme une figure positive.Quoi quil en soit, si lon doit voir la grotte des adeptesde Mithra comme une reprsentation du cosmos, sansdoute faut-il la considrer galement pour ce quelleest avant tout : un lieu souterrain. Or, dans ce lieu, onne peut que se rapprocher des entits chthoniennes96et

    du sjour des morts liconographie, quil sagisse dela tauroctonie ou du lontocphale, irait dans le mmesens que le repas rituel non sacrificiel. La fonctionmdiatrice de Mithra, daprs Plutarque, doit pouvoirse comprendre dans ce contexte spcifique. Si lon peutle situer par rapport au dieu chthonien Ahriman, enrevanche, nous navons nulle vocation dun dieucleste perse, qui plus est pas le grand dieu zoroastrien.Cependant, la figure et le rle de Sol dans liconogra-phie doivent tre claircis.

    n. 89], p. 152), le miel ayant une fonction rituelle toutediffrente de la prcdente en lien avec le grade de Lion.

    95. Porphyre, daprs Eubule, dit que celui qui reoit le

    rang de Lion se revt de toute sorte de formes dani-maux (De abstinentiaIV, 16, 3), tant sans doute ainsiconforme au caractre hybride du lontocphale. Certes,lAin de Modne (CIMRM695) nest pas premirevue un monstre, mais il ne nous semble pas quil faille ledistinguer des lontocphales comme le suppose H. VONGALL, The Lion-Headed and the Human-Headed God (cit n. 79), p. 524. Son visage humain paisible ne doit

    pas masquer ses sabots fendus ni mme la figure lonineplace sur son ventre, entre une tte de bouc et une tte deblier : M. CLAUSS, The Roman Cult of Mithras (citn. 4), p. 166-167. Dailleurs, le lontocphale de CastelGondolfo (CIMRM 326), au corps presque totalementhumain, a lui aussi des figures de lion places au milieudu ventre et sur les jambes au niveau des rotules. De mme,le contraste stylistique existant entre le lontocphale de

    Sidon (figure 3) et celui de Burdigala (figure 4) nempcheaucunement didentifier la mme entit.96. LeMithraeumde Harte en Syrie orientale, certes seule-

    ment du IVesicle et sans doute influenc par des concep-tions dualistes iraniennes, comporte une iconographieoriginale : dabord un combat entre des lions dont deuxde couleur noire sont vaincus, ensuite un dmon bicphale,noir lui aussi, enchan par un cavalier perse. VoirR. GORDON, Trajets de Mithra en Syrie romaine ,Topoi11, 2001, p. 77-136 (spcialement p. 106-116), quirapproche les lions de ceux de linscription de Santa Prisca,voquant ainsi le rle cathartique du grade de Lion.

    SOLINVICTUS

    Liconographie concernant Mithra est riche, bien

    des motifs entourent la tauroctonie sur certains reliefso, en quelque sorte, le mythe du dieu est racont97.Aprs tre n dun rocher, le dieu perse frappe duneflche un autre rocher do jaillit une source, puis cestla capture du taureau qui est souvent dcline enplusieurs moments. Le sacrifice du taureau est suivi dela rencontre entre Mithra et Sol. Dabord, le premiersemble adouber le second, puis ils se serrentla main comme pour sceller un serment, partagentle repas et montent vers le ciel dans un quadrige98.Il semble que les rites effectus par Mithra et Sol nesoient pas sans rapport avec ceux des initis auxmystres. En effet, lorsque Sol se soumet Mithra ensagenouillant devant lui, ce dernier pose sa main sur

    sa tte radie, ce qui nest pas sans faire penser au ritede la couronne voqu par Tertullien pour le grade deSoldat. De mme, la poigne de main solennelle entreles deux divinits peut illustrer la rception de linitipar le Pater au terme de linitiation99; la participationau repas semblant clore tout fait le parcours. Si larelation entre les deux divinits nest pas gale audpart, elle lest partir de la dextrarumiunctio et durepas. Sur lenvers du relief de Fiano Romano, Solet Mithra sont reprsents cte cte dans la positiondu repas (figure 2). Or le dieu solaire apparat bienau centre de la scne comme tant la divinit la plusimportante. De mme, sur bien des images reprsentantSol et Mithra sur le quadrige, seul le premier se trouve

    de plain-pied sur le char. Si liconographie retrouvedans lesMithraeaest normalement centre sur Mithra,ce qui suit la tauroctonie, et peut-tre galement lini-tiation, met plus en vidence le dieu Sol. Il reste que lemythe iconographique ne concerne pas que la seuledivinit perse. Les mystres de Mithra sont galement

    97. Le relief de Knigshoffen (CIMRM1359), certes frag-mentaire, est lun des mieux structurs : gauche, la naissance et les premiers exploits de Mithra ; aucentre, la tauroctonie ; droite, la capture du taureauet les rites entre le dieu perse et Sol ; en haut, les dieuxolympiens et quelques lments du mythe oublis ,comme le repas des deux divinits. Comparer, pour cette

    reconstruction du mythe, F. CUMONT, Les mystres deMithra (cit n. 4), p. 132s. et M. CLAUSS, The RomanCult of Mithras(cit n. 4), p. 62s.

    98.Ibid., p. 146-153.99. La dexisis, union de deux mains droites qui dtiennent

    la puissance et expriment la volont, dune part scellelengagement dfinitif du myste avec la divinit, cre avecle dieu et entre les mystes un lien fraternel et indissoluble,garanti par le serment, et, dautre part constitue en finde compte un gage assur de salut , M. LEGLAY, Ladexisis dans les mystres de Mithra , tudes mithria-ques(cit n. 76), p. 300.

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    Aspects du culte de Mithra 151

    ceux de Sol, surtout au moment du repas rituel. Silinitiation devait tre patronne par Mithra, laspectcultuel des mystres concernait, selon toute vraisem-

    blance, les deux divinits.Les nombreuses inscriptions connues napportent

    pas dclaircissement puisque les deux noms sontconfondus comme si Sol et Mithra ne faisaient quun.Sur une inscription bilingue de la fin du Iersicle, onlit : Soli inuictoMithrae et (CILVI,732). Sur une autre inscription contemporaine, gravesur le socle dune statue reprsentant la tauroctonie, onlit :Alcimus T. Cl(audi) Liviani ser(vus) vilic(us) S(oli)M(ithrae) v(otum) s(olvit) d(onum) d(edit)(CILVI, 718).Le plus souvent votives, ces inscriptions semblentsadresser Mithra, surtout lorsquelles accompagnentlimage de la tauroctonie : Deo sancto Mi(thrae),sacrathis, d(onum) p(osuerunt) Placidus, Marcellinus

    leo, antistites, et Guntha leo (CIL VI, 737). Ainsi,mme celles ne sadressant qu Sol Deo inuicto Solisoc(io) sacrum (CILVII, 4039) sont comprisescomme tant ddies Mithra. Toutefois, mme si lesdeux divinits tendent se confondre, elles sont biendistinctes dans liconographie et il nous semble exagrden conclure que Mithra tait le soleil100. En outre,on voit se dvelopper sur les monnaies, au cours duIIIesicle, la ddicace SOLI INVICTO, ultrieurementet paralllement lexpansion du culte de Mithra101, etil nous parat trop simple de distinguer, dune part, unculte officiel ne concernant que le dieu Sol romain,enrichi de traits orientaux par lagabal et par Aurlien,dautre part, un culte mystrique et donc priv de

    Mithra102

    . Le fait que les deux divinits soient toutesdeux dites invincibles , le dieu perse en premier,permet de sinterroger sur les liens possibles entre leSol romain et le Sol prsent dans liconographie desmystres de Mithra.

    Que le dieu Sol ait pris une grande importance auIIIeet au IVesicles peut sexpliquer de deux manires :soit il sagit de linfluence du culte du dieu solairelagabal mse en Syrie, soit il sagit de celle deMithra. La premire hypothse est la seule retenue car

    100. Lidentification avec le soleil est notamment le fait desauteurs grecs et romains, linterpretatio graecapassant

    au besoin par Apollon : A. DEJONG, Traditions of theMagi(cit n. 58), p. 286-287. Lapprciation de Mithradans le monde iranien est plus subtile, il est rare en effetquil ait pris totalement la place de lastre solaire, cest

    pourquoi il vaut mieux parler de fonction solaire deMithra. Voir F. GRENET, Mithra, dieu iranien : nouvellesdonnes (cit n. 71), p. 36-37.

    101. Voir D. W. MACDOWALL, Sol Invictus and Mithra.some evidence from the mint of Rome , U. BIANCHI,

    Mysteria Mithrae(cit n. 84), p. 557-569.102. Pour cette approche, G. H. HALSBERGHE, The Cult of Sol

    Invictus, EPRO 23, Leyde, 1972.

    les faits sont explicites103. la fin du IIesicle, ladynastie des Svres est lie au temple dmse et lejeune Bassianus, sous linfluence de sa mre, prend

    mme le nom de son dieu et impose un culte trs orien-tal, allant jusqu faire transporter le btyle noir repr-sentant le dieu dmse Rome. Un peu plus dundemi-sicle plus tard, lempereur Aurlien met en placeun culte solaire officiel, btissant pour Sol un grandtemple Rome, instituant des jeux quadriennaux et undies natalis Solis Inuictichaque 25 dcembre, organi-sant mme un nouveau collge de pontifes en faveur decette divinit104. Mme si Aurlien a pris garde de nepas choquer les Romains par des rites hirogamiquesorientaux105, sa pit pour le dieu solaire passe aussipar mse. Lors de sa guerre victorieuse contre Znobie,la reine de Palmyre, il se rendit au temple dlagabal,devenu Hliogabale (Histoire AugusteXXV, 4-6), ds la

    reprise de la ville dmse. Cependant, la mme sourcenous indique que la mre dAurlien tait prtressedu Soleil et quainsi, linstar de son prdcesseurBassianus, lempereur tait ladepte de cette divinitdepuis son enfance106. Mais la diffrence entre lagabalet Aurlien repose sur le fait que ce dernier tait dori-gine illyrienne, bien loin donc dmse et dans unergion o le culte de Mithra est trs attest.

    Les rapports entre le dieu perse et les empereursromains ont toujours fait dbat. Ils ont dabord tpenss comme tant directs107, pour tre considrs parla suite comme tant conjoncturels108. Il est vrai que laddicace de Carnuntum et les monnaies de Gordien III Tarse, avec un Mithra couronn et tauroctone, ne

    103. Voir C. SALLES, Le culte de Sol Invictus, Soleilinvaincu ,LEmpire romain de la mort de Commodeau concile de Nice, Y. LE BOHEC (d.), Paris, 1997,

    p. 281-294. Pour une approche relativisant les aspectssolaires des cultes syriens, voir H. SEYRIG, Le culte duSoleil en Syrie lpoque romaine , Syria48, 1971,

    p. 337-373.104. Voir E. CIZEK,LEmpereur Aurlien et son temps, Paris,

    1994, p. 178-182.105. Son uvre ntait pas non plus une nouveaut, le culte

    de Sol nayant pas disparu avec lagabal, les monnaiesde Claude II et de Quintille lattestant, et il lui survcut

    jusqu Constantin. Voir J.-P. MARTIN,Pouvoir et reli-

    gions. De lavnement de Septime Svre au concile deNice (193-325 ap. J.-C.), Paris, 1998, p. 93-95.106. E. CIZEK,LEmpereur Aurlien(cit n. 104), p. 13.107. F. CUMONT,Les mystres de Mithra(cit n. 7), p. 85 s :

    Mithra et le pouvoir imprial .108. M. SIMON, Mithra et les empereurs ,Mysteria Mithrae,

    U. BIANCHI(cit n. 84), p. 411-425. Par exemple, pourM. Simon, la restauration du Mithraeumde Carnuntum

    par Diocltien, Galre et Licinius en 307, ne sexpliqueque par la volont de sassurer la fidlit des troupes, endpit du fait que les empereurs aient qualifi Mithra de

    fautor imperii sui, protecteur de leur pouvoir .

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    suffisent pas affirmer quil y eut un culte officiel dudieu. Cependant, les mystres tant particulirementsuivis par les soldats des lgions, les empereurs-soldats

    tels Septime Svre et Aurlien ne pouvaient les ignorer.Surtout, lemplacement de certains Mithraeadans lessoubassements de btiments impriaux romains (rsi-dence impriale dOstie du temps de Commode, Capi-tole, thermes de Caracalla) indique, soit que certainsempereurs seulement furent initis titre totalementpriv109, soit que le dieu mystrique tait particulire-ment intgr dans la religion mme des empereurs110.Le tmoignage de Julien est, de ce point de vue, tout fait intressant mme sil ne date que de la secondemoiti du IVesicle.

    Mithra nest mentionn qu deux reprises dans lescrits de Julien, dans son trait sur Hlios et la toutefin de son discours Les Csars. Si les spcialistes de

    lempereur saccordent pour dire quil avait t initiet initiait Mithra111, cela en se fondant sur les diresde Libanios (DiscoursXVIII, 127)112et de Grgoire deNazianze (DiscoursIV, 52.55-56. 109), Robert Turcana contest cette hypothse trs vivement113. Il est vraique largument selon lequel Julien voquerait peuMithra cause du secret entourant les mystres se rap-proche dun argument e silentio. Et Hlios est le seuldieu, parmi tous ceux quil invoque, que lon puisseconsidrer comme sa divinit prfre et protectrice.Dans ces termes, il est impossible de prouver que Juliena t initi aux mystres de Mithra. Cest pourquoinous allons rexaminer les donnes des textes, maisen nous abstenant de rechercher absolument Mithra

    derrire Sol-Hlios.Dune part, il ne fait pas de doute, en lisant SurHlios-Roi, que le dieu solaire tait la divinit principalepour Julien, cela dans une conception noplatonicienne deux niveaux : dabord, les dieux intelligents, le

    109. On doute toujours de linitiation de Commode qui auraittu un homme lors du rituel daprs lHistoire Auguste(IX, 6).

    110. Faut-il penser, comme Attilio Mastrocinque laffirmaitlors dune communication faite dans le cadre du smi-naire de Nicole Belayche, que les mystres de Mithrantaient dj plus un culte priv ?

    111. DEJ. BIDEZ,La vie de lempereur Julien, Paris, 1930, P. ATHANASSIADI-FOWDEN,Julian and Hellenism, Oxford,1981, et J. BOUFFARTIGUE, Lempereur Julien et laculture de son temps, Paris, 1992.

    112. Il aurait fait construire un hieron au dieu qui gouvernele jour . Mithra pouvant tre le dieu de la lumire qui

    prcde la monte de lastre solaire dans le ciel, on enconclut quil sagit dun Mithraeumdans son palais deConstantinople. Libanios ajoute que Julien tait tour tour initi et initiateur.

    113. R. TURCAN,Mithras Platonicus(cit n. 58), p. 105-128.

    niveau cosmique, puis le monde intelligible, le niveauhypercosmique. Pour lempereur romain, Hlios taitlintermdiaire entre les deux niveaux, manant la fois

    de lUn inconnaissable et rgnant sur le monde sensible.La position centrale que le dieu solaire occupait danscette conception en faisait une reprsentation religieusequi se rapproche de lhnothisme114. Dautre part, lathologie de Julien nest pas seulement intellectuelle.Il commence en effet son trait en affirmant quil est ladepte, le compagnon () dHlios, ajoutantquil ne peut dire pourquoi sans encourir de blme () (Sur Hlios-Roi1). Il semble bien quily ait ici une allusion un rite mystrique. Dans un critprcdent, o il tente de dmontrer la pertinence desmythes ridiculiss par les philosophes cyniques, Julienraconte son propre mythe : sa rencontre avec legrand dieu Hlios. Tandis que le jeune homme insiste

    pour rester auprs du dieu, ce dernier lui rtorque quecela nest pas possible tant quil na pas accompli sondestin politique. Mais il lui dit aussi : tu es jeuneet non initi (). Va donc dans ta patrie afinque linitiation ty assure la scurit de la vie ( ) (ContreHracleios 22). Plus loin, Julien insiste sur limpor-tance des initiations au point de croire ncessaire de sefaire initier tous les mystres, surtout les plus sacrs,suivant en cela le prcepte de Jamblique (Contre Hra-cleios24). Lascendant du philosophe noplatonicien surlempereur, par lintermdiaire de Maxime disciple deJamblique, se retrouve clairement dans les conceptionsphilolosphico-religieuses de Julien115. Or, la diffrence

    de Porphyre, Jamblique affirmait quil y avait unesolution rituelle la gnration : la thurgie116. Cetteconception est dsormais distingue des pratiquesmagiques117et est apprhende comme une rgnration

    114. Il est bien difficile de savoir quel terme employer pourparler des conceptions thologiques des philosophes etdes lites de lAntiquit tardive. Il est certain quellesne sont pas si loignes de celles des chrtiens et quelopposition polythisme / monothisme ne peut conve-nir. Voir les tudes runies dans Pagan Monotheismin Late Antiquity, P. ATHANASSIADI, M. FREDE (d.),Oxford, 1999.

    115. Voir notamment J. SIRINELLI,Les enfants dAlexandre.

    La littrature et la pense grecque (334 av. J.-C.529ap. J.-C.), Paris, 1993, p. 469-481 : Julien et la traditionnoplatonicienne .

    116. Cest donc pour gurir notre me, pour modrer lesmaux qui sattachent elle du fait de la gnration, pourlaffranchir et la dbarrasser de ses liens quon se livre ces actions (Les mystres dgypteI, 11).

    117. Comme lnonce clairement Jamblique lui-mme, lathurgie vient des dieux et non des hommes, les riteseffectus par ces derniers ne sont en aucune manire unecontrainte exerce sur eux (Les mystres dgypteII, 11).

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    Aspects du culte de Mithra 153

    du paganisme 118. Lhomme qui pratiquait la thurgieaccdait terme l, cest--dire limmortalisation en devenant divin119. Cest pourquoi

    Julien devait vivre sa vie dhomme, tre initi et mourirafin de parvenir terme au monde des dieux. Lorsquilconclut son trait Sur la Mre des Dieux, il ne dit pasautre chose : accorde-moi de recueillir [] la vritdans les dogmes touchant les Dieux, la perfection dansles pratiques thurgiques et la vertu accompagne de laBonne Fortune dans toutes les tches que nous assumonsdans les ordres politiques et militaires ; que le terme dema vie soit affranchi de la peine et glorieux, soutenupar la Bonne Esprance de parvenir jusqu Vous !

    Ainsi, Julien dut se faire initier de nombreuxmystres puisquil considrait ces rites comme tantthurgiques120. Mais comment pouvait-il tre compa-gnon dHlios sans pouvoir en donner lexplication

    alors quil nexistait pas de mystres hliaques ? Laseule solution semble tre linitiation Mithra car il estdifficile de contester la conclusion des Csars. Dans cetrait crit quelques jours avant celui sur Hlios, aumoment des Saturnales et Antioche en 362, Julienmet en scne ses prdcesseurs dans leur sjour postmortemet imagine que lun dentre eux sera dsignpour tre lev parmi les dieux. Aprs avoir pass enrevue les diffrents empereurs, lu Marc Aurle etraill Constantin, il voque son sort. Le dieu Hermslui dit : je tai donn de connatre Mithra, ton pre.Observe ses commandements : tu mnageras ainsi ta vie une amarre et un havre assurs, et, lheure oil faudra quitter ce monde, avec lHeureuse Esprance

    ce divin guide sera toute bienveillance pour toi (Les Csars38). Lallusion aux mystres de Mithra estdautant plus limpide que Julien mentionne le rle dePre du dieu perse que lon retrouve dans le grade dePater. Comme la fin du discours sur Cyble, il voquel , la Bonne ou lHeureuse Esprance

    118. Renouvelant notamment lapproche dE. R. DODDS( Theurgy and its relationship to Neoplatonism ,

    Journal of Roman Studies[abrgJRS] 37, 1947, p. 55-69) : P. ATHANASSIADI, Dreams, theurgy and freelancedivination: the testimony of Iamblichus , JRS83,1993, p. 115-130 ; A. CHARLES-SAGET, La thurgie,

    nouvelle figure de lergondans la vie philosophique ,The Divine Iamblichus Philosopher and Man of Gods,H. J. BLUMENTHAL, E. G. CLARK (ds), Londres, 1993,

    p. 107-115 ; C. VAN LIEFFERINGE, La Thurgie. DesOracles Chaldaques Proclus,KernosSupplment 9,Lige, 1999.

    119. P. CHUVIN, Chronique des derniers paens. La disparitiondu paganisme dans lEmpire romain, du rgne deConstantin celui de Justinien, Paris, 1991, p. 258-261.

    120. Libanios parle dailleurs dinitiations innombrables ( ) son sujet (DiscoursXXIV, 36).

    qui fait rfrence aux mystres dEleusis121et il terminepar lvocation de son salut, en prcisant cette fois queMithra sera son . Autrement dit, pour

    monter jusquau monde des dieux, son me aura besoindu dieu psychopompe122. Si Mithra nest pas mentionnplus souvent dans luvre de Julien, cest parce queson rle, certes crucial, nallait pas au-del de cettefonction : Hlios nest pas Mithra dans luvre deJulien ! Cependant, linitiation Mithra tait parache-ve par la rvlation du dieu Sol-Hlios. Dailleurs,lempereur les associe clairement vers la fin de sontrait sur Hlios : Si je dclare aprs cela que nousvnrons Mithra et quen lhonneur dHlios nousclbrons des jeux quadriennaux, on me jugera tropmoderne (Sur Hlios-Roi41). Le nous se rfrantaux descendants de Romulus et dne (Sur Hlios-Roi40) et les jeux quadriennaux au culte officiel de Sol

    institu un sicle plus tt par Aurlien, rfrence quisajoute au fait que Julien a compos ce trait pourcommmorer la fte du Solis Agondu 25 dcembreinstitue par le mme empereur , Julien semble vou-loir dire que les Romains clbrent Sol sans penserquainsi ils vnrent aussi Mithra. Le dernier empereur paen situe donc sa croyance au sujet de la supr-matie du dieu solaire en se rfrant la fois au culteofficiel de cette divinit et aux mystres de Mithra : parlinitiation au dieu perse, Sol-Hlios serait devenu le compagnon de lempereur.

    Que le culte de Mithra ait conduit la reconnaissancede Sol comme dieu principal ne doit pas nous tonnerplus que cela puisque le dieu solaire est clairement

    prsent dans liconographie des mystres et clairementdistingu du dieu perse. Le relief biface de Dieburg(CIMRM1247) montre dailleurs des scnes de Mithraassez classiques sur lavers et Sol en majest sur lerevers, trnant en roi des dieux devant un temple123.Il en rsulte que les mentions de Sol Invictus sur les

    121. Voir N. GAUTHIER, Les initiations mystriques de lempe-reur Julien ,Mlanges Pierre Lvque, M.-M. MACTOUX,E. GENY(d.), vol. 6, Paris, 1992, p. 89-104.

    122. Il faut donc aller au-del dun salut global et cosmiquevaguement rattach au dualisme iranien comme le pensaitR. TURCAN, Salut mithriaque et sotriologie noplatoni-

    cienne ,La Soteriologia dei culti orientali nellimperoromano, U. BIANCHI, M. J. VERMASEREN(d.), EPRO 92,Leyde, 1982, p. 173-189.

    123. Dun point de vue archologique, voir aussi la construc-tion de temples de Sol Invictus sur des Mithraea :V.NAJDENOVA, Un sanctuaire syncrtiste de Mithra etSol Augustus dcouvert Novae (Msie infrieure) ,Studies in Mithraism, J. R. HINNELLS(cit n. 3), p. 225-228. Les adeptes du culte du Soleil (taient-ils aussides dvots de Mithra ?) construisirent intentionnelle-ment le nouveau sanctuaire sur lemplacement exact de

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    monnaies impriales du IIIe et du IVe sicle devraienttre rexamines en fonction de ce contexte124, dautantplus lorsquelles comportent le terme de compa-

    gnon 125 comme sur les premires monnaies deConstantin : SOLI INVICTO COMITI126. Ainsi, il estbien possible quAurlien ait t un adepte de Mithra,sa croyance si manifeste en Sol lattesterait127, et quilait institutionnalis un systme connu des seuls initisdont quelques empereurs avant lui avaient fait partie.Les mmes lgendes se retrouvant sur dautres mon-naies impriales celles de Gallien, peu avant Aurlien(270-274), de Probus, des Ttrarques128, nous pour-rions envisager une religion romaine rgnre par les

    lancien mithraeum[] ,Ead., Nouvelles vidences

    sur le culte de Sol Augustus Novae (Msie infrieure) ,Les empereurs illyriens. Actes du colloque de Strasbourg(11-13 octobre 1990), . FRZOULS, H. JOUFFROY(d.),Strasbourg, 1998, p. 175.

    124. Si le titre dInvictus a pu tre attribu quelques autresdivinits voir R. TURCAN, Le culte imprial auIIIesicle ,ANRWII, 16, 2, 1978, p. 1062 , lensemblede lexpression Sol Invictus nest commune quaudieu du culte officiel romain du IIIesicle et quau dieu

    perse.125. Les monnaies de ce type font apparatre une consubs-

    tantialit entre Sol et lempereur , deux faces dunemme puissance souveraine , ibid., p. 1072. Pour cetaspect et pour le terme comesmarquant un changementdans les mentalits, voir P. BROWN, Gense de lAnti-quit tardive, Paris, 1983, p. 135-138.

    126. D. W. MACDOWALL, Sol Invictus and Mithra (cit

    n. 101), p. 557-558. Le premier empereur chrtien acontinu dailleurs utiliser des symboles solaires, intgrsau besoin dans une vision chrtienne. Voir P. CHUVIN,Chronique des derniers paens(cit n. 119), p. 34-35.Curieusement, sous Julien, ce type montaire est peuattest. En revanche, il est possible que la recrudescencedes inscriptions concernant Mithra partir de 357fasse cho lascension de Julien vers le pouvoir :R. MERKELBACH,Mithras(cit n. 69), p. 247.

    127. Cette possibilit est habituellement rejete en labsencede documentation. Voir E. CIZEK,LEmpereur Aurlienet son temps(cit n. 104), p. 176-177. Dans son discourssur les Csars, Julien sauve quelque peu un empereurconnu pour sa cruaut et quil naime pas : Mais leSoleil, mon Matre, qui lavait assist en maintes occa-sions, ne lui fut pas moins favorable en la circonstance

    (Les Csars12).128. D. W. MACDOWALL, Sol Invictus and Mithra (citn. 101), p. 566-567. Diocltien, pourtant adepte de Soldans ses premires annes, semble avoir promu le plustraditionnel Jupiter pour des raisons politiques, lhno-thisme solaire convenant peu au partage du pouvoir quiltablit : J.-P. MARTIN, Pouvoir et religions (cit n. 105),

    p. 57. Pour une influence de Mithra sur la thologieimpriale de la Ttrarchie, voir W. SESTON, Diocltienet la ttrarchie. I, Guerres et rformes (284-300), Paris,1946, p. 225-226 et 251.

    mystres de Mithra et de Sol, bien avant que la religionromaine ne devienne chrtienne129.

    Que Mithra soit devenu une divinit psychopompe

    est plus facilement acceptable. Dune part, parce quilest dj le juge des mes dans la tradition iranienne,tout en tant, comme dans liconographie des mystres,celui qui permet lascension du soleil130. Dautre part,parce que les conceptions astrologiques131 puis no-platoniciennes acceptant les principes thurgiques ontpu enrichir les conceptions mmes des adeptes deMithra132. tre initi aux mystres de Mithra permettaitde rejoindre le monde des dieux afin dtre lun dentreeux. Cest dans ce sens que lon pourrait comprendrepourquoi Aurlien, sur certaines monnaies, se qualifiede dieu 133. Comme Julien, il pouvait tre sr de sadestine aprs une initiation au dieu psychopompecomprise dans un sens thurgique. Et si lon en croit

    lempereur-philosophe, lascension devait aboutir rsider prs de Sol : daigne, en rcompense de ce zle,Hlios, roi de lunivers, mtre propice []. Que je

    129. Le premier Constantin tait un adepte de Sol mais,selon linterpretatio graeca, dsign comme tant Apollon

    par le pangyriste anonyme : M. SIMON, Mithra et lesempereurs (cit n. 108), p. 416. Ainsi, rien ne sopposevritablement pour situer le premier empereur chrtiendans la filiation religieuse de ses prdcesseurs.

    130. J. KELLENS, La fonction aurorale de Mira et la Dan ,Studies in Mithraism, J. R. HINNELLS(cit n. 3), p. 165-171.

    131. Mme si lastrologie des grottes semble quelque peu

    htrodoxe : T. BARTON, Ancient Astrology, Londres /New York, 1994, p. 197-203 : Mithraism [] seemsto have invested its own meanings in the planets, thezodiac signs and the constellations, as well as drawingon arcane astrological doctrines in order to encode thesemeanings in the cults iconography (p. 206-207).

    132. Voir dj R. G. EDMONDS, Did the mithraists inhale? a technique for theurgic ascent in the Mithras liturgy,the Chaldaean Oracles, and some Mithraic frescoes ,

    Ancient World32, 2000, p. 10-24. Mais il faut dire aussiquen amont, cest--dire dans le platonisme, lide dunemonte au ciel de lme aprs la mort peut dj provenirde linfluence iranienne : W. BURKERT, Lavnementdes mages , La tradition orientale dans la culture

    grecque, Paris, 2001, Venise, 1999, p. 103-133.133. DEO ET DOMINO NATO AVRELIANO AVG(usto),

    avec un datif dhommage comme sil sagissait dun vraidieu. J.-P. MARTIN, Pouvoir et religions (cit n. 105),p. 73. Contrairement R. TURCAN( Le culte imprial [cit n. 124], p. 1081-1083), nous ne pensons pas que le

    passage du divusau deusau cours du IIIe sicle ait t uneultime volution du culte imprial. Tout comme Sol In-victus peut difficilement tre le Sol Indiges des Romains,mme si cela rattachait les empereurs ne (?) (ibid.,

    p. 1083), la vieille notion du geniusne peut permettredexpliquer vritablement cette volution qui est sansdoute bien plus religieuse que politique.

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    quitte cette existence en toute srnit, lheure vouluepar le destin. Quensuite je mlve vers lui et me fixeauprs de lui jamais (Sur Hlios-Roi44)134.

    CONCLUSION

    Les aspects du culte romain de Mithra que nousavons abords ne permettent pas de comprendre lesmystres dans leur intgralit et dans leur complexit.Dautant plus que notre angle dapproche ntait pasdes plus habituels. Nanmoins, nous esprons avoirouvert de nouvelles pistes par nos suggestions.

    En voulant traiter du repas rituel et non des ritesinitiatiques, nous avons pos la question du culte dansles mystres de Mithra. Labsence de sacrifices nousa conduit comparer ce repas au banquet smitique

    appel marzea. Cette comparaison navait pas pourfinalit dtablir tant des quivalences que de susciterla rflexion. Il nous est apparu que ce type de rituel,ninstaurant pas la distance habituelle entre les hommeset les dieux par lautel sacrificiel, avait pour butdentrer en contact avec le divin dans un cadre moinsofficiel. Le contexte funraire du marzea et laspectnaturellement chthonien des grottes de Mithra sugg-rent quil sagissait dans les deux cas de soccuper desa destinepost mortem.

    Aprs avoir pris le problme avec de la distance etsous un angle inattendu, nous avons tudi le thmecentral du sujet : la tauroctonie. la diffrence de biendes analyses, nous avons lu ce motif iconographique

    non de la gauche vers la droite mais de haut en bas.Ne rejetant pas demble les conceptions perses quelimage peut contenir, nous avons mis en vidence sesaspects chthoniens. Mithra y apparat comme un dieu-hros offrant un sacrifice apotropaque en contrepartie

    134. Dune part, le dieu hypercosmique est bien Sol et nonMithra contrairement D. ULANSEY, Mithras and theHypercosmic Sun , Studies in Mithraism, J. R. HINNELLS(cit n. 3), p. 257-264 , dautre part, le papyrus magiquede Paris et lhypothse dAlbert DIETRICH,Eine Mithras-liturgie, Leipzig, 1903, pourraient tre reconsidrs la lumire de ces nouveaux lments contrairement H. D. BETZ, The Mithras Liturgy: Text, Translation,

    and Commentary, Studien und Texte zu Antike undChristentum 18, Tbingen, 2003. En effet, la mentionde Sol Mithra, des mustria, du Pre comme Aigle

    ce qunonce galement Porphyre (De labstinenceIV,3) , sont difficilement contournables et lensemble dutexte peut laisser penser quil sagit de lascension deliniti suprme, le Pater, vers les cieux pour rejoindrele grand dieu. Mme relu et modifi par des magiciensgyptiens, ce document fait tat de conceptions thurgi-ques par lnonciation dun processus dimmortalisation().

    de la vgtation. Dans cette optique, nous avons iden-tifi le personnage tte de lion des grottes de Mithracomme tant le dieu du mal des zoroastriens : Ahriman.

    Cette identification est rendue possible par quelquesinscriptions mme sil faut penser que le lontocphaleavait t rinterprt en fonction de conceptionsgrco-romaines. Dailleurs, nous avons mis lhypo-thse que cette figure monstrueuse pouvait jouer unrle dans linitiation au stade du grade de Lion, cest--dire au moment o le myste quittait les trois premiersgrades infrieurs pour atteindre les trois derniers gradessuprieurs.

    Reconnaissant Mithra comme un dieu mdiateur etidentifiant le lontocphale comme tant une figureproprement chthonienne, il nous manquait un dieucleste. Liconographie de Mithra reprsente souventle dieu Sol aprs la tauroctonie. Le mythe racont en

    images semble