le baromaitre n°3 l'economie collaborative

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UN NOUVEAU PARADIGME ? LE MOT DE FRÉDÉRIC SICARD BÂTONNIER DE PARIS ENTRETIEN AVEC PHILIPPE BILGER ANCIEN AVOCAT GÉNÉRAL TRIBUNE LIBRE LE POINT DE VUE DES ÉLÈVES AVOCATS INTERVIEW DU DÉPUTÉ PASCAL TERRASSE L'AVIS DES SPÉCIALISTES : CROWDFUNDING ET BLOCKCHAIN LE BAROMAÎTRE LE JOURNAL DES ÉLÈVES AVOCATS «L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE» LUMIÈRE SUR... JUIN 2016 - #3 PROMOTION HENRI LECLERC

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Page 1: Le baromaitre n°3 l'economie collaborative

UN NOUVEAU PARADIGME ?

LE MOT DE FRÉDÉRIC SICARDBÂTONNIER DE PARIS

ENTRETIEN AVEC PHILIPPE BILGERANCIEN AVOCAT GÉNÉRAL

TRIBUNE LIBRELE POINT DE VUE DES ÉLÈVES AVOCATS

INTERVIEW DU DÉPUTÉPASCAL TERRASSE

L'AVIS DES SPÉCIALISTES :CROWDFUNDING ET BLOCKCHAIN

LE BAROMAÎTRELE JOURNAL DES ÉLÈVES AVOCATS

«L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE»LUMIÈRE SUR...

JUIN

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PROMOTION HENRI LECLERC

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Voilà plus d’un an que l’équipe de rédaction de la promotion Henri Leclerc a repris le flambeau du Baromaître, le journal de l’EFB et s’apprête à le transmettre à la promotion Palacio-Raimondi. Voilà plus d’un an que

nous travaillons ensemble afin d’apporter notre pierre à l’édifice, afin de construire un projet commun, afin d’expérimenter.

Or, comme le disait Friedrich Nietzsche dans Aurore, « expérimenter c’est imaginer ». C’est pourquoi, ensemble, nous avons imaginé un journal pluridisciplinaire, ouvert à différents horizons professionnels et disponible sur un nouveau média audiovisuel, via notre chaîne « Youtube ». Monsieur le Bâtonnier Frédéric SICARD et Monsieur Philippe BILGER nous ont d’ailleurs fait l’honneur de bien vouloir participer à nos derniers entretiens filmés dont nos lecteurs trouveront des extraits dans ce journal.

Pour ce dernier numéro, nous avons voulu évoquer la notion d’économie collaborative, conscients de la pluralité de ses acceptions qui complexifie son appréciation. Concept en réalité assez ancien, originellement basé sur une conception du partage et de l’échange entre particuliers, l’économie collaborative a évolué. Paradoxalement, le développement des nouvelles technologies et notamment des plateformes numériques a placé l’individu, le simple particulier, au centre du processus économique, apanage traditionnel des professionnels. En effet, comme l’a souligné Monsieur le député Pascal TERRASSE alors qu’il répondait à nos questions, le progrès technique et l’utilisation croissante d’Internet ont fait naître des possibilités illimitées d’intermédiation de services entre particuliers, via des sites Internet ou des applications numériques. Ces nouveaux moyens techniques ont favorisé le développement de l’économie collaborative dans un grand nombre de secteurs et invitent notamment les juristes à se questionner sur les nouvelles trajectoires que pourra prendre l’innovation juridique.

Néanmoins, l’économie collaborative engendre des risques difficilement quantifiables, qu’ils concernent les abus relatifs au droit du travail par les professionnels de l’intermédiation, les situations anticoncurrentielles vis-à-vis des professionnels tenus à certaines obligations légales ou encore le recours massif à l’évasion fiscale. Ces risques sont vecteurs d’inquiétude et de confusion au sein d’une Nation qui souffre malheureusement d’une conjoncture économique et sociale tendue.

Un tel système rebat les cartes de nos économies classiques. Cette nouvelle donne est – pour l’instant – entretenue et alimentée par des prestataires de services professionnels qui créent des plateformes de mise en relation afin d’en tirer des bénéfices. Pourtant, une telle prédation exercée par certaines plateformes numériques sur l’économie collaborative ne correspond peut-être qu’à une phase transitoire. En effet, la professionnalisation de ces intermédiaires n’est pas conforme à l’esprit même de l’économie collaborative dans la mesure où leur implication dans les transactions accomplies est infime, donc déconnectée des bénéfices qu’ils se procurent.

L’économie collaborative, à travers le processus de dématérialisation de l’économie et la simplification des échanges, n’a pas de limite connue autre que celle du progrès technique de nos sociétés qui fluctue et évolue au fil des ans. Notre Société est entrée depuis la fin du XXème siècle dans une profonde mutation qui transforme perpétuellement nos habitudes et nos repères. Aujourd’hui, la très grande majorité de la population française ne pourrait que très difficilement se passer d’Internet et même de son téléphone. Rappelons tout de même les capacités de nos smartphones qui sont plus performants que nos ordinateurs en 2003, date à laquelle sortait le premier téléphone portable couleur. Nous-mêmes, enfants de la « génération Y », sommes parfois dépassés par la célérité des évolutions techniques contemporaines, qui par exemple, multiplient les modes d’utilisation de la géolocalisation ou permettent désormais l’impression en 3 Dimensions par un particulier.

En outre, la nécessaire compétitivité de l’Economie suppose que les technologies ne soient pas retardées par le Droit, qui de facto, a toujours un train de retard sur la société civile. Nos élus, mais nous aussi citoyens, avons la charge de nous questionner et d’anticiper les avancées technologiques afin de concevoir des modèles juridiques et économiques susceptibles d’accompagner l’innovation.

Néanmoins, ces réflexions doivent être entreprises non sans cultiver le terreau, construire le socle moral, culturel et juridique qui constitue l’essence de notre société. Gardons à l’esprit à quel point nos démocraties sont fragiles ; accompagnons les avancées technologiques mais n’oublions pas notre humanité. Comme nous le confiait notre parrain Maître Henri Leclerc lors de notre entretien d’août 2015, « Aujourd’hui, les choses ont complètement changé avec l’informatique, mais le Droit lui n’a pas changé ; sa méthode d’approche, ce qu’est la défense aussi bien au civil qu’au pénal n’a pas changé ».

Florent GASSIES, Directeur de Publication.

#3 - EDITO

ÉDITO

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QUEL STATUT POUR L'ACTIVITÉ DES PERSONNES PHYSIQUES SUR INTERNET ?

LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE

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ÉCONOMIE COLLABORATIVE : CHOIX ET MODES DE VIE 12

LA VENTE DIRECTE COMME ALTERNATIVE COLLABORATIVE 14

LA CONSOMMATION COLLABORATIVE : LES ENJEUX JURIDIQUES 16

LA FINANCE PARTICIPATIVE : VERS UNE ÉCONOMIE DE PARTAGE ? 18

WOMENABILITY - ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE : EN ROUTE ! 22

L'AVIS DES SPÉCIALISTES : WEJUSTICE ET CROWFUNDING JURIDIQUE 24

L'AVIS DES SPÉCIALISTES : LE BITCOIN ET LA BLOCKCHAIN 26

TRIBUNE LIBRE 38

ENTRETIEN AVEC LE BÂTONNIER DE PARIS FRÉDÉRIC SICARD 38

INTERNET AU SERVICE DU "JIHAD" 42

ENTRETIEN AVEC PHILIPPE BILGER 44

Sommaire

LES MICYLCES : LA TROUPE DE THÉÂTRE DE L'EFB 50

4

L'ENGAGEMENT ASSOCIATIF DANS LES LIEUX D'ENFERMEMENT - ASSOCIATION GENEPI 52

CARNET DE JUSTICE - LA CRISE DU LOGEMENT INVERSÉE 54

ENTRETIEN AVEC LE DÉPUTÉ PASCAL TERRASSE 5

ÉCONOMIE COLLABORATIVE ET SECTEUR CULTUREL 20

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LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE

Pascal TERRASSE a accepté de répondre à nos questions relatives à l'économie collaborative. Député de l'Ardèche, il a remis le 8 février 2016

un rapport sur les enjeux de l’économie collaborative. Ce rapport qui comprend 19 propositions et se fonde sur de nombreuses auditions et sur une large consultation en ligne, conclut la mission qui lui avait été confiée par le Premier ministre en octobre dernier.

Nous vous proposons des extraits choisis.

Le Baromaître : Quelles sont les suites de votre Rapport sur le développement de l'économie collaborative? Qui a participé à l’élaboration de ce rapport ?

Pascal Terrasse : Il s’agit d’un rapport commandité par le Premier ministre, à vocation interministérielle, ayant pour objectif de répondre à une thématique précise qui relève des enjeux de l’économie collaborative afin de nourrir plusieurs textes de lois. Au départ, il y avait le texte de loi sur les nouvelles opportunités économiques que devait porter Emmanuel Macron et en même temps le texte de loi porté par Myriam El Khomri sur la réforme du droit du Travail.

Depuis, les choses ont évolué, le texte de loi devrait nourrir à la fois le texte de loi porté par Axelle Lemaire, une partie portée par Myriam El Khomri

sur ce qui relève du droit du travail et une partie plus fiscale portée par le texte de Michel Sapin (Loi Sapin) présenté au mois de juin prochain sur le collectif budgétaire.

Les véhicules juridiques qui serviront à proposer par voie législative le rapport seront donc composés de trois textes. Les 19 propositions de ce rapport doivent servir d’inspiration afin de nourrir plusieurs projets de lois.

Le rapport a été élaboré avec l’aide d’un inspecteur général de l’action sociale et d’une inspectrice générale des finances. Cependant la méthode de participation à ce rapport a été assez collaborative puisque j’ai fait appel à la plateforme « Parlement et citoyens » pour que son texte soit nourri d’une information citoyenne. Il y a eu 250 contributions de citoyens qui ont pu prendre part au débat à travers un site collaboratif. Finalement, j’ai organisé plus de 70 auditions de professionnels de l’économie collaborative, des administrations et des organisations syndicales.

A partir de toutes ces réflexions, j’ai condensé ces participations et organisé des propositions qui me paraissaient être les plus adaptées à l’économie collaborative.

ENTRETIENM. le député pASCAl teRRASSeAuteur du rapport sur le développement de l'économie collaborative

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LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE

Le Baromaître : Est-ce que vous aviez des affinités particulières avec l’économie collaborative ou tout simplement le monde du numérique ?

Pascal Terrasse : Je suis rentré dans ce dossier vierge de toute arrière-pensée et j’étais affranchi de mon environnement et libre dans mes appréciations. Cela m’a permis d’avoir suffisamment de recul dans le cadre de cette réflexion. De par mon action de Président du Conseil général de l’Ardèche, j’ai été nourri par les réflexions d’un ancien directeur de France télécom, Jacques Dondoux, l’inventeur du GSM, qui m’avait dit que l’économie numérique allait révolutionner l’économie traditionnelle. Très tôt, il m’avait expliqué qu’il fallait désenclaver notre département par la fibre optique. J’ai donc été le premier Président de Conseil général à mettre en place un réseau public de fibre optique de manière à faire en sorte que la fracture numérique en milieu rural soit atténuée par l’action publique.

Le Baromaître : Pensez-vous que les pouvoirs publics ont les capacités de répondre à ce type d’économie nouvelle, créatrice de progrès, et est-ce que les lois n’ont pas toujours un « train de retard » face au progrès technologique. Est ce qu'il y a vraiment des solutions concrètes ?

Pascal Terrasse : Il faut partir du principe suivant : le temps économique est toujours plus rapide que le temps politique. Or, quand on parle d’économie numérique on est dans un temps qui est supersonique, on aura toujours un train de retard. C’est la raison pour laquelle je préconise dans mon rapport la mise en place d’un observatoire de l’économie collaborative ayant pour vocation d’anticiper les évolutions de ce secteur et qui pourrait au fil de l’eau produire éventuellement de la législation de manière à accompagner cette économie nouvelle.

Je pense qu’il ne faut pas brider l’économie collaborative ou la sur-réglementer au risque de l’abîmer. C’est un écosystème en devenir, on est dans une transition économique que l’on pourra évaluer à la fin. Plutôt que de laisser faire les choses, il faut les anticiper et les accompagner. Et, pour les accompagner, cet observatoire qui comprendrait des responsables politiques et acteurs de l’économie collaborative ainsi que des administrations, serait un lieu de débat pour anticiper les évolutions puisque l’on sait que cette économie va disrupter l’ensemble de l’économie.

L’économie collaborative est une économie qui va contourner l’économie traditionnelle et qui a vocation, non pas à l’abimer, mais à la régénérer, à inventer de nouveaux modèles économiques. Les responsables économiques ont intérêt à se préoccuper de ces enjeux

modernes qui remettent en perspective un nouveau mode de pensée dans nos organisations et les principes mêmes de production. C’est pourquoi adapter les règlements à ces nouvelles formes d’économie permettra à la France de demeurer une terre de création, une terre d’entreprenariat qui conserve sa compétitivité face au reste du monde.

Le Baromaître : En quelques sortes, s’agit-il de ne pas tomber dans le piège de Hadopi qui était assez répressif, qui venait après la démocratisation du téléchargement illégal ainsi que des plateformes privées légales, et au contraire chercher à ce que l’État anticipe et soit une partie prenante et non un État policier ?

Pascal Terrasse : Bien sûr, l’idée est d’anticiper les évolutions économiques dans tous les secteurs et non pas d’avoir une vision segmentée de l’économie. On sait que l’économie collaborative s’inscrit dans un champ très large qui touche toutes les activités.

Le premier secteur qui a été touché par l’économie collaborative est le secteur de la création artistique avec la loi Hadopi. Des jeunes ont d’abord créé des réseaux d’échange de musique en pair-à-pair. Ils ont ensuite basculé vers un système où ils ne souhaitaient plus être propriétaires de disques mais propriétaires d’un usage de la musique, qui sera développé par Spotify ou Deezer.

Lorsque l’on regarde le passé, on a eu Hadopi, les problèmes d’hier et d’aujourd’hui qui sont posés par Uber, et actuellement la problématique d’Airbnb. On voit que l’économie collaborative va toucher tout type d’activités et pas seulement le tourisme ou le transport. L’idée que je préconise est que la France doit avoir l’agilité d’une start-up dans son organisation et faire en sorte que ce secteur émergent soit accompagné pour le valoriser et pour permettre à l’économie traditionnelle de faire sa mutation. Car l’économie traditionnelle, soit elle s’inscrit dans une logique d’opposition frontale à cette économie numérisée, soit elle s’adapte et s’organise. Au fond, le plus bel exemple est Uber, si la gestion des taxis traditionnels s’était intéressée à la géolocalisation, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui. Il ne faut jamais brider un service ou une action moderne et nouvelle. Ce serait comme dire que l’on est contre l’électricité au moment où celle-ci a été créée. Le progrès nous rattrape toujours.

Le pair-à-pair est un système résilient par essence. Et aujourd’hui, toutes les relations qui ne sont pas dans le pair-à-pair, mais qui sont en "C to C", en "B to C", s’imposeront à nous dans tous les cas, puisque l’on ne bloquera jamais les réseaux internet. Ma définition au fond du rôle politique est à la fois l’anticipation et

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l’accompagnement mais surtout pas des prises de décisions qui interviennent trop tard et qui seraient contraires à une économie ouverte dans un monde ouvert.

Le Baromaître : Seriez-vous capable de définir de manière concise ce que l’on peut entendre par économie collaborative ?

Pascal Terrasse : Définir l’économie collaborative est très difficile et cela fait partie de la mission qui a été la mienne. En réalité, c’est un concept qui a été inventé il y a une trentaine d’années et qui reposait sur les services locaux (communément appelés par leur acronyme SEL). A l’origine, cette économie est très territorialisée et ne s’appuie pas sur le numérique, il s’agit d’une économie de l’échange et du troc qui a vocation à créer du service.

Néanmoins, l’avènement des plateformes numériques a massifié cette économie par l’avènement du digital. Dans ma définition, l’économie collaborative, ce n’est surtout pas l’Ubérisation de la société, mais d’abord un moyen qui permet à travers l’intermédiation d’une plateforme de faciliter l’acte d’échange, de troc ou de service. Ce que je relève dans l’économie collaborative, c’est que l’on change de paradigme dans le cadre d’une prestation, où pendant très longtemps le producteur vendait un bien. Aujourd’hui on est plus sur une valeur d’usage. C’est plutôt la mise à disposition par un prestataire d’un service, d’un usage intermédié par une plateforme numérique. Voilà comment je définirais le dispositif en sachant que je fais la différence entre l’acte professionnel et l’acte d’un particulier. On peut en effet avoir un producteur consommateur qui est un particulier mais il peut y avoir aussi un producteur de service qui est professionnel.

Le Baromaître : Ne pensez-vous pas que les intermédiaires sont voués à disparaître puisqu’ils exercent une certaine prédation économique ? Lorsque l’on voit des technologies comme la blockchain qui permettent de s’affranchir de ces intermédiaires, la finalité de l’économie collaborative n’est-elle pas de se passer totalement d’intermédiaire ?

Pascal Terrasse : En réalité, je n’aborde que très peu la blockchain dans mon rapport. C’est l’étape suivante puisque l’économie collaborative n’aura qu’une durée limitée et que l’on arrive maintenant à des systèmes de « communs » qui appartiennent à tout le monde et se mettent en place petit à petit. Au fond, le plus bel exemple est Wikipédia, qui est un « commun », dont la valeur est créée par l’utilisateur et celui qui va contribuer à l’enrichissement de l’information. Demain, en réalité, il y aura des plateformes qui seront des « communs »

et qui appartiendront autant aux producteurs de biens qu’aux consommateurs.

Je pense que les premiers à être disruptés ou ubérisés seront les plateformes telles qu’Uber notamment par une blockchain commune qui appartiendra aux utilisateurs : les taxis, mais aussi demain des clients, qui pourront eux-mêmes enrichir la plateforme sans intermédiation. L’économie collaborative a tué les intermédiaires économiques et la blockchain va tuer l’intermédiation.

En fait c’est un système transitoire du fait de l’arrivée à venir de ces « communs ». Mais ce sont des notions assez compliquées à comprendre lorsque l’on n’est pas initié. On en mesurera les conséquences dans deux ou trois ans, et l’on ne parlera sans doute plus d’économie collaborative mais de blockchain. Il y aura des systèmes de paiement avec des monnaies qui seront virtuelles, où l’on pourra vendre des biens, des services avec une sécurité redoutable puisqu’organisée par la communauté. On sera donc sur des systèmes très communautaires.

En tout état de cause, je suis favorable à l’accompagnement de tous ces changements. Mais en termes économiques, nous parlons là des « premiers habitants sur Mars ». Quand j’explique dans des colloques que l’économie collaborative disrupte l’économie automobile puisqu’aujourd’hui on est simple propriétaire d’usage grâce aux activités de partage de véhicule, où que j’explique que demain il sera possible pour les particuliers d’imprimer des moteurs de voitures sans permis avec des imprimantes 3D, les gens ne me comprennent pas forcément. Cela a, par le passé, été le cas de celui qui m’avait expliqué que j’aurai un jour un smartphone avec autant de microprocesseurs qu’il y en avait lorsque Soyouz est allé sur la Lune.

Il faut aujourd’hui avoir cette vision de ce que sera la société dans 30 ans et la blockchain sera l’évènement majeur qui va changer la relation que l’on a avec l’économie. D’ailleurs cela changera la relation que l’on a avec le fort et le faible. Quand on est consommateur, on est toujours affaibli par rapport à la production d’un bien. On sera là dans une forme d’égalité. Il y a dans l’économie collaborative cette idée de changer la nature des rapports de force, et c’est aussi une forme d’organisation d’une société vers une sobriété volontaire. On va organiser cette sobriété puisque cette économie sera source d’énergie, de matières premières ou l’épuisement de l’obsolescence programmée, pour l’instant créatrice de valeur boursière. On est dans un changement de paradigme pas seulement productiviste et économique mais aussi sociétal. Ceux aujourd’hui qui commencent à regarder ces sujets-là permettent

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l’ouverture d’un débat politique fabuleux. Ce qui est également important, c’est que l’on va changer nos modes d’organisation. On est actuellement dans une logique verticale, très corporate concernant les rapports de force. Là, nous sommes dans une logique d’organisation horizontale : c’est le collectif qui amène la force, chacun aura une contribution à améliorer un dispositif. On sera donc sur des organisations beaucoup plus horizontales et les sociétés qui n’ont pas compris ce changement majeur auront de grandes difficultés demain à faire des recrutements et à inventer le futur.

Le Baromaître : Nous avons bien saisi la liberté que peut apporter l’économie collaborative mais si l’on revient sur des sujets plus juridiques tels que le droit du travail, certaines difficultés semblent exister. En ce sens, y a-t-il des risques relatifs à l’absence de reconnaissance de ces acteurs par le droit du travail ?

Pascal Terrasse : La génération de mon père, qui a vécu l’ère industrielle et les Trente glorieuses, avait une vision : la formation pour le travail toute une vie dans une seule et unique entreprise. Ma génération, à savoir les années 1980, avait une vision différente : la nécessité de flexibilité dans le travail afin de pouvoir convenir à plusieurs employeurs, adapter sa formation aux différentes situations. La génération du jeune d’aujourd’hui est encore différente. En plus de ne pas avoir un travail permanent dans la même entreprise, il sera en réalité un acteur, un producteur de richesses, de valeurs, mais avec des statuts très différents. Une partie de la journée ou de la semaine, il sera salarié et à d’autres moments il sera indépendant ou prestataire. Il s’agit d’une situation à la fois intellectuellement intéressante mais également très insécurisante pour ce jeune.

C’est pourquoi, il faut que la puissance publique adapte des sécurisations utiles et nécessaires à ces acteurs. Tout d’abord, il faut faire vivre le Compte Personnel d’Activité, qui est un compte permettant la protection sociale non pas en fonction de la nature de l’activité mais de l’individu. Et de même, dans la perspective d’un débat politique à venir, il faudra ouvrir la possibilité d’un revenu universel de manière à sécuriser l’ensemble des acteurs économiques ayant des statuts différents.

Je suis favorable à terme à l’idée non pas de créer un statut particulier pour les acteurs de l’économie collaborative, tel que cela m’a été demandé, au risque de se trouver dans une situation où l’on licencie ses propres salariés pour les envoyer vers un statut low-cost. Je suis plutôt dans la logique de préconiser la convergence des droits sociaux entre indépendants et salariés, alors qu’en France on a à peu près 90% de salariés.

Le Baromaître : Pensez-vous que l’on est face à des personnes qui sont de fait salariés, qui seraient peut-être juridiquement reconnus salariés, mais qui sont pour l’instant dans le statut parfois précaire d’autoentrepreneur ?

Pascal Terrasse : La véritable précarité, c’est le chômage chez les jeunes aujourd’hui. En réalité ce que nous disent ces jeunes chauffeurs, c’est que l’on préfère ça à la véritable précarité puisque de nombreux chauffeurs sont issus des banlieues et des lieux où le chômage est le plus élevé chez les jeunes. Ces jeunes préfèrent cela à la véritable précarité qui est l’inactivité. En réalité, derrière ces jeunes qui se sont engagés dans l’auto-entreprenariat et qui font beaucoup d’heures en gagnant peu leur vie, il y a cette ambition de pouvoir réussir. Il s’agit d’un premier pied à l’étrier dans l’activité. Parce que ces jeunes souvent issus de milieux modestes n’ont pas accès aux stages, aux premiers emplois, cela leur permet de se sociabiliser avec la vie du travail et d’améliorer leur ordinaire pour faire autre chose.

Donc, il vaut mieux voir cela comme un premier pas dans la vie active, mais en même temps, ce que je dis dans mon rapport c’est que la précarisation existe. Il faut faire attention sur le lien de subordination : on est dépendant économiquement d’une plateforme mais également dépendant d’une coopérative, ou d’autres secteurs d’activité. Il faut être prudent sur ce lien de subordination, et moi je laisse ce sujet à l’appréciation du juge. Pour le moment le lien de subordination dépend du contrat de travail, et quand je vois à quel point il est difficile de modifier le code du travail, je me demande quel responsable politique sera capable de le faire.

Je ne suis pas convaincu aujourd’hui qu’un chauffeur Uber qui a le choix de son lieu de travail, le choix de ses horaires de travail et clients soit considéré comme un salarié normal au titre d’un contrat de travail traditionnel. Car si l’on considère que quelqu’un qui travaille quand il le souhaite et qui organise son activité comme il le sent est un salarié, ce qui vaut pour un chauffeur Uber vaut pour n’importe quel salarié en France.

Le Baromaître : Comment appréhender les cas de concurrence déloyale que les professionnels soulignent notamment lorsqu’ils sont tenus d’obligations imposées par la loi contrairement aux particuliers qui pourtant proposent des services similaires ?

Pascal Terrasse : Je suis sensible à la concurrence déloyale. Car certaines obligations existent pour les professionnels, notamment en termes de normes de sécurité, ce qui n’est pas forcément le cas pour les particuliers qui louent leur appartement sur une

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plateforme. Vous ne pouvez pas demander le même niveau de prestation chez un particulier que chez un professionnel.

Si aujourd’hui vous êtes considéré comme un loueur de meublés pour touristes, vous devez payer la fiscalité normalement. Si, en revanche, vous louez votre résidence principale à titre occasionnel, vous n’entrez pas dans ce champ concurrentiel. Il faut distinguer ce qui relève d’une action qui va occasionnellement mettre à disposition une prestation d’un professionnel.

C’est pourquoi, mon rapport ne crée aucune taxe nouvelle. Il ne fait que rappeler la loi. Il va même plus loin et demande à l’administration de faire du rescrit fiscal puisque certains secteurs sont mal mesurés. Il y a un besoin que l’administration fiscale nous donne des informations lisibles sur le droit fiscal, ce qui pour le moment est très compliqué. Par exemple sur le prix d’un véhicule, on sait que l’amortissement est en moyenne de 6 000 euros par an. Chaque Français peut donc en théorie défalquer de son impôt sur le revenu cette somme. Si les gains de la location de votre véhicule accumulés sur une année sont inférieurs à 6 000 euros, on peut considérer que vous êtes dans l’économie du partage et, à ce titre, vous ne pourrez pas être fiscalisé. En revanche, si vous en tirez plus de 6 000 euros de gains annuels, vous êtes considéré comme un loueur de véhicule et devrez vous acquitter de l’impôt sur le revenu en conséquence. Ce que je reproche au système actuel, c’est que l’on a des professionnels qui habilement se sont glissés dans l’économie collaborative pour échapper à toute norme et toute fiscalité.

Le Baromaître : Pour terminer, pensez-vous qu’il est possible pour l’État français de lutter contre la défiscalisation des entreprises facilité par la dématérialisation des activités concernées ?

Pascal Terrasse : C’est un sujet qui ne relevait pas au départ de ma mission pour ce rapport. En réalité, l’ère numérique a mis en évidence des sociétés multinationales qui font de l’efficacité fiscale une source de revenus non négligeable (Google ou Amazon par exemple). Ayant leur siège fiscal dans des paradis fiscaux, elles ne paient donc pas ou très peu d’impôts.

D’une manière générale, les États ont bien compris qu’aujourd’hui il y a une grosse partie de la fiscalité qui leur échappe. Le G20 à Antalya en Turquie l’an dernier a convenu que l’accord BEPS de l’OCDE devait se mettre en place, ce qui est très important. En réalité ce que les États du G20 sont convenus c’est que chaque entreprise, dans le cadre des accords de l’OMC, devra payer ses impôts dans l’État où elle exerce son activité. C’est

un accord qui devra avoir une portée internationale. Néanmoins, il faudra peut-être deux ou trois ans avant sa mise en place. Cette volonté est aujourd’hui exprimée, et c'est pourquoi, dans mon rapport, j’indique qu’il faut que le gouvernement français soit un acteur plein et total de manière à ce que des décisions multilatérales soient prises dans les meilleurs délais.

Il faut cependant être prudent. Comme toujours, nous regardons notre économie avec l’œil qui nous concerne très directement , par exemple, Google qui ne paie pas ses impôts en France. Il ne faut pas oublier que des établissements français ont des activités à l’étranger et, pour certaines, ne paient pas leurs impôts à l’étranger. Ainsi, ce que nous allons gagner d’un côté, nous risquons de le perdre de l’autre. Si l’on prend par exemple Le Bon coin, entreprise finlandaise, dont le siège fiscal est en France et qui a des activités en Suisse. Il s’agit d’une entreprise qui paie l’intégralité de ses impôts en France aujourd’hui et qui sera demain amenée à payer ses impôts partout ailleurs. Le montant collecté par l’État français au titre de l’impôt sera plus faible car Le Bon coin sera obligé de déclarer ses revenus dans chaque pays et de payer la fiscalité en conséquence. Nous serons donc perdants.

Dans tous les cas, ce système sera plus équilibré. Pour l’opinion publique, il y a un besoin d’un discours véritable sur la transparence fiscale. On voit par exemple qu’Airbnb a son siège social en Irlande et que celui d’Uber est aux Pays-Bas. Tous deux font de l’efficacité fiscale un moteur de leur croissance, ce qui n’est pas acceptable et pas compréhensible par l’opinion publique.

Propos recueillis par Florent GASSIES,Elève avocat.

Avec l'aide d'Adli TAKKAL BATAILLE, fondateur du site spécialisé Bitcoin et Blockchain "Le Coin Coin", président du "Cercle du Coin".

Article disponible en version numérique sur :

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LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE

Ces dernières années, de nombreuses plates-formes Internet de l’économie collaborative se sont développées, dans des domaines divers et variés : en matière de biens avec la location en tous genres (appartements, maisons, voitures, objets du quotidien), la vente d’objets d’occasion et en matière de services. Grâce à ces plates-formes Internet, tout un chacun, même sans compétence particulière, peut désormais devenir bailleur, vendeur, prestataire de services. Ces plates-formes Internet posent un tout nouveau problème : celui de l’activité des personnes physiques sur ces plates-formes.

Il y a trois catégories d’activités de personnes physiques sur ce type de plates-formes. La première catégorie comprend les personnes physiques qui ont une activité occasionnelle, c’est-à-dire celles qui vendent de temps en temps un objet sur le Bon Coin, ou encore louent leur voiture à l’occasion. Il s’agit d’une activité non régulière leur permettant de générer un revenu assez faible. Il apparait clairement que ces personnes ne sont pas des professionnels car cette activité lucrative n’est pas régulière et ne leur permet pas d’en vivre.

La seconde catégorie comprend des personnes physiques qui sont des professionnels et

déclarées comme tels sur ces plates-formes et ont donc un statut juridique défini.

C’est la troisième catégorie de personnes physiques ayant une activité sur ces plates-formes Internet qui pose problème. Cette dernière catégorie se situe entre les deux précédemment citées : ces personnes génèrent un revenu important de leur activité et de façon régulière, mais qui n'est pas suffisant pour les qualifier de professionnels. Et, de toute évidence, elles ne se déclarent pas comme tels. Cette activité a été permise par les plates-formes Internet de l’économie collaborative et, réciproquement, permet le développement de ces plates-formes.

Cette activité, qui se situe entre celle du particulier et du professionnel, recouvre le terme « barbare » de « paracommercialité ». La paracommercialité est définie par la circulaire du 12 août 1987, en matière de paracommercialité des personnes morales, comme des pratiques « qui consistent à se livrer à une activité commerciale sans supporter les charges correspondantes »1 2.

L’ÉTAT DES LIEUX

L’activité des personnes physiques sur les plates-formes Internet n'est pas réglementée de

1 Circulaire du 12 août 1987 relative à la lutte contre les pratiques paracommerciales.

2 Dans cet article, la paracommercialité des personnes morales n'est pas envisagée, et plus précisément celle des associations, qui est régie par la loi (article L. 442-7 du code de commerce). Le législateur s’y est intéressé dès les années 1980, les considérant plus nocives que les personnes physiques car pouvant exercer la paracommercialité à plus grande échelle et se comporter comme des entreprises.

QUEL STATUT POUR L'ACTIVITÉ DES PERSONNES PHYSIQUES SUR INTERNET ?

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manière générale3. En principe, les personnes physiques doivent déclarer tous les revenus qu’elles touchent, notamment ceux provenant d’activités sur Internet, lors de leur déclaration sur le revenu. Si celles-ci ne le font pas, il est très difficile pour l’administration fiscale de les contrôler. En n’ayant pas de statut juridique particulier, ces paracommerçants ne respectent pas de nombreuses obligations qui leur incombent : les obligations sociales et fiscales des professionnels, les obligations protectrices du consommateur prévues par le code de la consommation et les obligations de droit commun telles que la garantie des vices cachés en matière de vente. La conséquence de cette activité de paracommerçants est de créer une distorsion de concurrence avec les professionnels qui ont des obligations strictes à respecter et qui sont bien souvent sur les mêmes plates-formes Internet que les paracommerçants.

Mais pourquoi un tel développement des activités paracommerciales sur les plates-formes Internet ? Il ressort que ce développement relèverait davantage d’un manque d’information des obligations relatives aux activités paracommerciales plutôt que d’un désir de fraude. « Le développement des pratiques paracommerciales est un mouvement spontané qui témoigne souvent moins d’un désir de fraude que d’initiatives naturelles de personnes ou d’organismes voulant développer leur activité sans prendre connaissance des règles qui leur sont applicables »4.

POURQUOI UN TEL VIDE JURIDIQUE ?

Tout d’abord, il convient de rappeler que le phénomène de la paracommercialité des personnes physiques est permis par le développement des plates-formes Internet de l’économie collaborative qui est un phénomène relativement nouveau, celles-ci s’étant considérablement développées durant la dernière décennie. Ensuite, il existe de nombreuses plates-formes Internet recouvrant des activités très variées : vente, location, prestation de services en tous genres. Un même utilisateur peut être à la fois sur plusieurs plates-formes Internet.

Il est difficile d’appréhender l’activité de paracommerçant dans la mesure où il n’existe pas de critère quantitatif définissant le professionnel. Le critère commun aux qualifications de professionnel et de commerçant est celui de la « pratique habituelle »5. En dehors de ce critère, il n’existe pas de seuil précis à partir duquel un particulier devient un professionnel.

En 2006, un internaute a été condamné pour dissimulation d’une activité commerciale non déclarée6 et pour absence de tenue du « livre de police »7 pour s’être livré à des opérations d’achat-revente de biens habituellement négociés sur le marché de l’art8. L’internaute avait vendu sur le site eBay, en deux ans, plus de 470 objets acquis sur Internet ou achetés sur des marchés aux puces. Il avait accumulé un montant de recettes de 6.917 euros au cours des trois derniers mois grâce à cette activité. Les juges ont appliqué trois critères à savoir le nombre de transactions, le délai séparant la revente de l’achat et le montant du profit réalisé. Ce faisceau d’indices semble efficace et est plus souple que ne le serait un seuil défini à partir duquel un particulier serait incontestablement considéré comme un professionnel.

Cependant, bien que ce faisceau d’indices soit un bon outil pour le juge, il serait nécessaire de définir un seuil de revenus permettant au particulier d’avoir un repère et de savoir à partir de quel montant il peut être considéré comme étant un professionnel.

Solène GÉRARDINÉlève avocat

3 Bien qu'un début de règlementation s'esquisse en matière de location saisonnière avec l'obligation légale de changement d'usage (article L. 324-1-1 du code du tourisme).

4 Circulaire du 12 août 1987 relative à la lutte contre les pratiques paracommerciales.

5 Article L. 121-1 du code commerce qui définit les commerçants comme « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ». La jurisprudence et la doctrine françaises défi-nissent le professionnel comme celui qui exerce une activité artisanale, commerciale, agricole, libérale à titre habituel et dont il tire profit.

6 Article L. 8221-3 du code du travail.

7 Article L. 321-7 et ss du code de commerce.

8 TGI Mulhouse, 12 janvier 2006.

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L’économie collaborative s’est développée en réaction à l’hyperconsommation et à une crise économique et environnementale

explique Rachel BOTSMAN1. Selon la spécialiste de l’économie collaborative, ce nouveau paradigme a été alimenté par quatre facteurs : le développement des réseaux sociaux et du pair à pair, des considérations écologiques, des changements de comportements de consommation, et le renouvellement de l’importance de la communauté pour le consommateur2.

Ces dernières années, de nouvelles pratiques, basées sur la confiance, se sont développées via les plateformes numériques. Une mouvance du libre se traduisant par le développement de l’open source et de logiciels libres a remis en question le rapport du consommateur au droit de propriété et au droit d’auteur. Les échanges se sont également accrus avec le développement de l’économie du don : une libre coopération entre producteur et consommateur a fait passer ce dernier de la passivité à la créativité, avec l’apparition des encyclopédies collaboratives, magasins gratuits, gives box3.

Il est désormais non seulement possible de dormir dans le domicile d’un particulier inconnu (Airbnb), de partager/emprunter le véhicule d’un particulier (Blablacar ; Ouicar), mais encore d’emprunter de l’argent à un particulier (Creditcollaboratif), de financer un projet (Kisskissbankbank), de partager des objets ou des services entre voisins (Ilokyou, Banques du temps), de partager les espaces inutilisés de son jardin (Landshare), ou encore

de proposer les surplus de son réfrigérateur à qui veut (Partagetonfrigo.fr).

Ces nouvelles pratiques permettent de contourner le monopole d’institutions selon Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP4. Par exemple, les applications permettant d’avoir recours aux véhicules de transport avec chauffeur (VTC) ou le développement du covoiturage permettent de contourner le recours aux taxis ou au train. De même, le développement des prêts entre particuliers permet d’éviter un recours à l’institution bancaire. Egalement, le développement des formations en ligne (ou MOOC5) avec parfois à la clef l’octroi de diplômes en ligne, permet de contourner l’institution de l’école.

Ces pratiques peuvent aussi traduire des choix sociétaux et une volonté de satisfaire des considérations écologiques : elles permettent de développer la durée de vie d’un produit pour réduire le gaspillage. Se développe ainsi le marché de redistribution de vêtements (vides-dressings), de meubles (recycleries), d’objets technologiques (réusinages d’objets), en réaction à l’obsolescence programmée et la société du tout jetable.

Elles tendent parfois à la création de liens entre particuliers via des communautés d’intérêts, par le développement du coworking, du couchsurfing, du footing collectif... Enfin, ces pratiques peuvent poursuivre des motivations économiques de gain de pouvoir d’achat en réaction à la récession.

ECONOMIE COLLABORATIVE : CHOIX ET MODES DE VIE

1 Conférence TEDx Sydney de Rachel BOTSMAN en date de Mai 2010, «The case for collaborative consumption », disponible via le lien http://www.ted.com/talks/rachel_botsman_the_case_for_colla-borative_consump-tion#t-16154.

2 Conférence TEDxSydney de Rachel BOTSMAN en date de Mai 2010, précitée.

3 Give box : « Boite à dons », installée dans un lieu public pour que les passants déposent et se servent des objets gratuitement.

4 Interview radiodif-fusée de Jean-Marc DANIEL en date du 15 septembre 2015, « l’Ubérisation en question », France Culture.

5 MOOC, de l’anglais massive open online courses, cours diffusés.

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Au constat du développement des pratiques collaboratives, Jérémy RIFKIN, économiste américain, annonce une « troisième révolution industrielle »6. Mais, ses propos sont à nuancer : Rachel BOTSMAN rappelle que des pratiques collaboratives existaient auparavant, avec l’organisation de coopératives, la revente d’objets dans des brocantes, l’achat de vêtements dans des friperies, ou encore la chasse en meute pour mutualiser les forces7.

Toujours est-il que la restructuration des tissus productifs et de l’emploi générée par le développement de l’économie collaborative suscite des craintes. Les professions réglementées et protégées dénoncent la concurrence sauvage de prestataires dont l’encadrement juridique n’est pas clarifié, en témoigne le conflit récurrent opposant les taxis aux VTC ou les avocats aux starts-up juridiques. L’ubérisation du travail en raison du développement de l’économie collaborative inquiète. D’ailleurs, six rapports d’autorités publiques ont été publiés sur l’économie collaborative depuis juillet 2015 sur les perspectives de l’économie numérique, sa fiscalité et ses enjeux.

Dans le dernier rapport en date8, remis en février 2016, le député de l’Ardèche Pascal Terrasse rappelle pourtant que l’économie collaborative n’est pas une zone de non droit : « un particulier peut vendre des biens sur Le Bon Coin comme il peut participer à des ventes au déballage (brocantes, vides-greniers), mais si cela devient une activité habituelle, il est commerçant ; proposer son appartement en location sur Airbnb est une location de meublé de tourisme (comme sur paruvendu ou abritel), mais si l’appartement n’est pas sa résidence principale, il faut s’enregistrer en mairie et si l’on en tire l’essentiel de ses revenus, on devient un professionnel ; les chauffeurs de Uber, qui doivent être des professionnels, proposent des services de véhicule de transport avec chauffeur (VTC), dont la loi a précisé les contours par rapport à l’activité des taxis ».

Il note que, quand bien même 9 français sur 10 ont pratiqué l’échange collaboratif, cette économie ne représente que 0,1% du PIB français. Il cite des chiffres de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), démontrant que les dépenses effectuées sur les plateformes numériques ne correspondent qu’à 0,3% des dépenses de consommation des ménages. Par exemple, la location d’habitat à un particulier via une plateforme numérique ne représente que 0,25 % des consommations de nuitées.

Selon lui, il n’est donc pas urgent de créer un régime à part des travailleurs de l’économie numérique. Le député estime qu’un tel régime juridique serait en tout état de cause difficile à créer sans entraver la libre prestation de service garantie au niveau de l’Union européenne. Il en conclut que c’est à cette échelle qu’il est nécessaire de créer des obligations nouvelles harmonisées.

Alice ALTUNÉlève avocat

6 Jeremy RIFKIN, La troisième révolution industrielle, Editions Les liens qui libèrent, 28 janvier 2012.

7 Conférence TEDx Sydney de Rachel BOTSMAN en date de Mai 2010, précitée.

8 Rapport au Premier ministre sur l’économie collaborative, de Pascal TERRASSE, député de l’Ardèche, en date de février 2016.

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LA VENTE DIRECTE COMME ALTERNATIVE COLLABORATIVE

EN QUOI CONSISTE LA VENTE DIRECTE ?

La vente directe, dans un sens restreint, peut être entendue comme étant la réunion physique d’un vendeur et d’un consommateur hors d’un lieu destiné à la commercialisation.

Elle correspond à tout acte de vente réalisé de manière directe du producteur au consommateur final, sans remédier à un quelconque intermédiaire distributeur : le producteur assure lui-même l’activité de vente et de distribution.

Si le mécanisme de la vente directe est loin d’être nouveau, il adopte désormais des formes nouvelles. Initialement, la vente directe concernait le porte à porte et la vente en réunion tandis qu’aujourd’hui, elle concerne principalement l’utilisation des plateformes internet.

Dans le domaine de la vente directe de produits alimentaires, plusieurs types de ventes directes existent. Traditionnellement, on y retrouve la vente à la ferme ou sur les marchés mais depuis quelques années, de nouveaux moyens de vente directe sont apparus tels que les ventes de panier, notamment par l’AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) qui est basée sur un partenariat où les clients reçoivent un

panier de fruits et légumes en fonction des produits de saison.

Ces modes de vente directe se sont accrus avec le développement des plateformes en ligne. Une entreprise peut commercialiser directement son produit sans avoir à passer par des distributeurs.

QUELS SONT LES AVANTAGES DE LA VENTE DIRECTE ?

La vente directe présente plusieurs avantages dont le plus important est le contact direct entre le producteur et le consommateur.

Ainsi, le producteur peut identifier sa clientèle et avoir une meilleure connaissance de la demande afin de mieux y répondre en proposant des produits conformes à leurs attentes. C’est ce que l’on dénomme la "mercatique relationnelle", supposant une connaissance approfondie des besoins des consommateurs afin d’adapter l’offre.

Le producteur propose ainsi un service personnalisé à ses clients et fixe librement ses prix qui ne seront pas augmentés des marges des distributeurs.

Par l’utilisation des plateformes en ligne, les producteurs peuvent ainsi vendre directement leurs

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produits au client final à moindres frais car cela nécessite un faible investissement. De plus, dans le système de la vente directe, le producteur n’a pas ou peu de capital à fournir dans la mesure où, souvent, il n’a nul besoin d’avoir un magasin ou du personnel. En effet, il peut vendre en tout lieu (domicile, point de rendez-vous et lieu de travail).

A priori, la vente directe ne présente pas d’inconvénients si ce n’est que souvent, elle ne concerne que certains produits. Ce n’est donc pas encore le mode de consommation privilégié des consommateurs qui ont encore tendance à se diriger vers les grands magasins pour y trouver l’ensemble des produits dont ils ont besoin et ainsi éviter de multiplier les lieux d’achats.

UN EXEMPLE CONCRET :

- Tu es à une Ruche toi ?

- Euh…non j’achète mon miel au supermarché.

Nous allons vous apporter un éclairage sur ce qu’est « La Ruche qui dit oui ! » exemple parfait de désintermédiation qui va vous permettre, en plus, de briller en soirée.

QU’EST-CE QUE « LA RUCHE QUI DIT OUI » ?

« La Ruche qui dit oui ! » est une start-up née en 2011 en Haute-Garonne, elle compte aujourd’hui plus de 700 "Ruches" dans toute la France et plus de 60 salariés. Par le biais d’une plateforme internet (https://laruchequiditoui.fr) des producteurs locaux vendent leurs produits à des consommateurs. La société promeut des valeurs de transition et de coopération.

COMMENT FONCTIONNE « LA RUCHE QUI DIT OUI »

Cette jeune société met en relation des producteurs locaux avec des réseaux de consommateurs. Chaque responsable de Ruche intervient comme pivot et organise le fonctionnement autonome de la Ruche (choix des producteurs, distribution etc.). Les membres commandent leurs produits et viennent les chercher le jour de la distribution.

QUI ACHÈTE ? COMMENT ET QUOI COMMANDER ?

Tout le monde peut acheter à « la Ruche qui dit oui ! », il suffit de s’inscrire gratuitement sur le site : aucune obligation de minimum d’achat, ni panier imposé (pas obligé de manger du chou d’octobre à janvier !). Le consommateur choisit les produits qu’il désire.

Chaque Ruche effectue une vente par semaine. Les produits proposés sont de saison, bios ou non. La variété est grande et varie d’une Ruche à une autre : fruits, légumes, viandes, produits laitiers, pain, produits transformés comme de la confiture ou encore du savon.

GAGNANT-GAGNANT ?

Les prix sont librement fixés par les producteurs dans la mesure où les intermédiaires sont évités. Le consommateur connait les produits qu’il consomme et le site lui offre une grande souplesse dans ses choix.

Alice MARTINEZ, Laëtitia BRAHAMI et Suzanne HUMBAIRE,

Élèves avocats

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Les sites et applications tels qu’Airbnb, Leboncoin, Blablacar, Uber, pour ne citer qu’eux, font désormais partie des habitudes

de consommation des Français. Ils forment ce que l’on appelle la consommation collaborative. La consommation collaborative repose sur un état d’esprit d’entraide : il s’agit pour une communauté de particuliers d’échanger, de prêter, de donner, de louer, de partager, de financer, d’acheter des biens et services, avec ou sans contrepartie monétaire.

La consommation collaborative présente plusieurs avantages. Source de revenus, elle permet d’accroître le pouvoir d’achat des consommateurs tout en rendant service à autrui. Si la consommation collaborative offre des opportunités économiques, elle peut faire l’objet de critiques par les acteurs conventionnels préexistants. On peut citer, à titre d’exemple, le mécontentement des hôteliers face à Airbnb.

Face à ce phénomène, les pouvoirs publics cherchent à maîtriser au mieux le développement de la consommation collaborative en instaurant un cadre juridique à ces pratiques.

QUELLES SONT LES ORIGINES DE LA CONSOMMATION COLLABORATIVE ?

D’un point de vue historique, la crise économique de 2008 a participé à l’essor de la consommation collaborative. Les consommateurs ont commencé à chercher des revenus complémentaires et à réaliser des économies en acquérant des biens et services à moindre coût.

Ensuite, la forte démocratisation des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) a contribué à l’accélération du phénomène. L’accès à l’offre est simplifié par une dématérialisation de la relation entre le consommateur et l’offrant grâce à diverses plateformes présentes sur Internet et autres supports. Enfin, la consommation collaborative repose sur un esprit de solidarité : elle permet d’aider les gens, via l’offre de services ou de partage de biens, tout en réalisant des économies. Dans cette optique, le statut du consommateur change. Il cumule deux qualités : il est à la fois demandeur et offreur de biens et services. De ce fait, la consommation collaborative touche pratiquement tous les secteurs d’activité (le logement, le transport, équipement etc.) ce qui peut être source de conflits avec les acteurs dits conventionnels. C’est le cas des taxis qui dénoncent des actes de concurrence

LA CONSOMMATION COLLABORATIVE :LES ENJEUX JURIDIQUES

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déloyale et qui s’opposent de manière frontale à Uber. Face à l’engouement que représente la consommation collaborative et les situations conflictuelles qu’elle peut engendrer, un encadrement juridique apparaît nécessaire1.

UN ENCADREMENT JURIDIQUE EN CONSTRUCTION

Les enjeux fiscaux de la consommation collaborative

La consommation collaborative génère des bénéfices pour les acteurs qui doivent donc être imposés selon les règles de droit commun. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’une activité occasionnelle, les particuliers devront déclarer leurs revenus et seront soumis à l’IR (impôt sur le revenu). En revanche, lorsqu’il s’agit d’une activité habituelle, le contribuable sera imposé au titre des bénéfices commerciaux et industriels (BIC). En pratique le système est inadapté : en raison des faibles contrôles fiscaux en la matière, très peu de contribuables déclarent les bénéfices perçus, ce qui peut engendrer un manque à gagner pour l’administration fiscale. Afin de pallier cet inconvénient, la législation a évolué. La loi de finance de 2015 a, par exemple, ouvert la faculté pour les plateformes de réservation de séjour de collecter la taxe de séjour. La loi de finance 2016, en son article 87, impose aux plateformes de location de biens ou de services l’obligation de communiquer une « information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions » et « un document récapitulant le montant brut des transactions dont elles ont connaissance et qu'[elles] ont perçu ». Avec cette disposition, il s’agit d’encourager les contribuables à déclarer les revenus générés par leur activité. En effet, les plateformes n’ont pas l’obligation de transmettre ces informations à l’administration fiscale, même si le rapport sur l’économie collaborative du député Pascal Terrasse, remis au premier ministre le 8 février 2016, le recommande fortement2.

Une obligation d’information et de transparence nécessaire

Lors des transactions, les acheteurs-vendeurs particuliers sont soumis aux dispositions du code civil, le code de la consommation s’appliquant pour les relations professionnels-consommateurs.

Par conséquent, en cas de contrat transférant la propriété d’un bien à titre onéreux, le régime juridique du contrat de vente (ou du contrat d’échange) s’applique, ainsi que toutes les obligations de garantie et d’information qui en découlent. Lorsque seule la jouissance d’un bien

est transmise, la qualification, notamment, de contrat de prêt pourra être retenue. Lorsque la transaction porte sur l’échange de services, l’article 1382 du code civil s’appliquera. En effet, dans ce cadre spécifique, les particuliers s’échangent mutuellement un service. En cas de dommage, la responsabilité délictuelle devra être recherchée. En pratique, il est fort probable que les acheteurs-vendeurs ne soient pas conscients des obligations qui pèsent à leur égard. Il serait donc opportun de légiférer sur une obligation d’information pesant sur les plateformes qui obligerait les particuliers à communiquer sur les droits et obligations de leurs cocontractants.

Le succès de la consommation collaborative repose également sur la confiance de ses utilisateurs. L’évaluation du sérieux des acheteurs-vendeurs passe notamment par des systèmes de notation et d’avis en ligne. Afin d’en garantir l’authenticité, le projet de loi pour une république numérique souhaite insérer dans le code de la consommation un article L.111-5-3 qui imposerait de délivrer aux utilisateurs « une information loyale, claire et transparente sur les modalités de contrôle des avis mis en ligne ».

Ponnidevi TILLENAYAGANEÉlève avocat

1http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/e t u d e s - e t - s t a t i s t i q u e s / p r o s p e c t i v e / N u m e r i q u e / 2 0 1 5 - 0 7 -Consommation-collaborative-Rapport-final.pdf

2 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/liseuse/6421/m a s t e r / p r o j e t / R a p p o r t - d e - P a s c a l - T e r r a s s e - s u r - l e -d%C3%A9veloppement-de-l-%C3%A9conomie-collaborative.pdf

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En France, le crowdfunding a connu une croissance fulgurante en 2015 avec plus de 297 millions d’euros collectés selon les

chiffres de l’association "Finance Participative France".

La finance participative est un mode de financement original, en ce qu’il se démarque des modes de financement traditionnels proposés par les établissements de crédit et les établissements financiers. Elle est dite désintermédiée car la foule va pouvoir « prêter » de l’argent directement à des porteurs de projet par le biais d’une plate-forme en ligne, sans utiliser les services d’une banque. Le développement de la finance participative puise sa source dans une série de facteurs économiques, passant de la crise financière de 2007 à la mise en place de réglementations prudentielles du secteur financier à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale. Le résultat de ces joyeux événements est le resserrement du crédit bancaire.

Ainsi, malgré l’individualisme croissant qui gouverne nos sociétés contemporaines, la finance participative apparait comme providentielle pour contrer la pénurie des crédits. En outre elle représente le parfait exemple de l’économie de partage et revêt trois formes à savoir le don avec et sans contrepartie, le prêt aux particuliers et aux entreprises et l’investissement au capital par souscription de titres d’une société non cotée. Plus qu’aider son prochain, la finance participative a pour avantage de procéder indirectement à une étude de marché en mesurant l’appétit de

l’investisseur, nonobstant le profil à risque de l’emprunteur. En effet, la foule, du fait de sa participation, va pouvoir décider du lancement d’un projet porté par des entrepreneurs créatifs qui s’étaient vu refuser l’octroi d’un crédit faute d’avoir été autorisés à prendre un risque par un banquier.

La finance participative a très largement profité de l’évolution du cadre législatif fin 2014, marquée notamment par la validation du prêt participatif aux entreprises - un nouveau coup porté au monopole bancaire, deux fois n’est plus coutume - et par la création d’un statut d’intermédiaire en financement participatif afin de soumettre ces derniers à des droits et obligations similaires à ceux des banques. Pour autant, ce nouveau dispositif va t’il être en mesure d’absorber toutes les dérives liées à l’essor du crowdfunding ?

La question se pose car derrière de nombreux projets louables, comme les projets artistiques ou solidaires, le financement de start-up ou encore des études, se cachent, tapis dans l’ombre, des escrocs. En effet, de nombreux exemples viennent entacher le doux bonheur et la réputation des intervenants de la finance participative. Les risques se concentrent essentiellement autour du porteur de projet et de la plate-forme en ligne. Le porteur de projet peut encaisser l’argent récolté sans pour autant réaliser le projet tant voulu. Ce fut notamment le cas d’un particulier aux États-Unis qui avait préféré utiliser les 100.000 dollars reçus pour payer son loyer et financer ses

LA FINANCE PARTICIPATIVE : VERS UNE ÉCONOMIE DE PARTAGE ?

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activités personnelles plutôt que de mettre en œuvre le projet. Il vient d’être condamné par la Federal Trade Commission (FTC) à rembourser l’intégralité des financeurs. Pire encore, la plate-forme qui met en ligne des projets et récolte des fonds peut constituer un simulacre. Ce fut notamment le cas d’un site chinois de prêts entre particuliers qui a récupéré plus de 7 milliards d’euros avant de fermer boutique.

A l’heure actuelle, en France, la pratique du crowdfunding semble assez vertueuse en raison du cadre légal existant qui protège les investisseurs. Ce cadre est également complété par de nombreux guides, publiés par les autorités de contrôle et de surveillance françaises, en vue de mettre en garde les investisseurs.

La finance participative reste donc un exemple réussi d’économie de partage avec une mutualisation des gains mais aussi des pertes. En effet, il ne faut pas perdre à l’esprit que nous restons dans le secteur de la finance et que, devant chaque chance de gain, il y a un risque de perte. A partir de là, une ligne Maginot semble se dessiner entre les investisseurs animés par une pensée purement altruiste et dont le retour sur investissement importe peu, et de l’autre les investisseurs animés par l’appât du gain et menant parfois une activité professionnelle.

Nul doute que la finance participative va continuer à se développer. Peut-être même qu’un jour vous serez amenés à y participer. Dans ce cas, il faudra se souvenir du conseil suivant : « Faites vos jeux » mais soyez vigilants !

Agnès DELFOSSEÉlève avocat

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USAGE ET LIMITE DE L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE DANS LE SECTEUR CULTUREL

L’économie collaborative est un terme qui regroupe un ensemble de secteurs qui n’ont pas nécessairement de dénominateur

commun. Concrètement, l’économie collaborative, dont l’essor actuel est dû à l’utilisation de nouvelles technologies, propose une manière différente de consommer et de produire des biens, basée sur le partage. Dans le domaine culturel, l’économie collaborative prend une forme différente de par la particularité du secteur. Effectivement, la consommation et la production des biens culturels répondent à une logique qui leur est propre. Les produits culturels sont difficiles à évaluer pour le consommateur car ils ne sont pas testables. Le produit culturel est complexe, néophytes et habitués n’ont pas les mêmes attentes en matière culturelle. De plus, les économistes ont tardé à s’intéresser à l’art et à la culture. Il faut attendre les années 60-70 aux États-Unis pour que les experts prennent conscience du potentiel économique de la culture. En matière de politique et d’économie, la France a une longue tradition interventionniste dans ce domaine. Les historiens attribuent à diverses époques les débuts de la politique culturelle française telle que nous la connaissons aujourd’hui. Nous pouvons évoquer la Révolution Française de 1789, le Front Populaire à la fin des années 1930 ou encore la création du ministère des Affaires culturelles d’André Malraux en 19591. Néanmoins, depuis quelques années, on note un affaiblissement de cette dynamique. En résumé, il existe deux formes d’économie culturelle : celle assumée par les particuliers et celle assumée par les subventions.

L’économie collaborative est présentée comme une nouvelle économie basée sur la confiance au

sein des communautés. L’interaction entre ces communautés est rendue possible par l’avènement du numérique. Elles se rencontrent et interagissent sur les réseaux en ligne mais aussi dans la vie réelle, notamment dans les espaces de coworking. Le modèle est relativement simple. Les acteurs de ces nouveaux échanges permettent de rendre possible le lien entre des individus possédant ou ayant besoin d’un produit ou d’un service. Quatre grands pôles qui répondent à des enjeux sociétaux contemporains permettent d’établir le périmètre de cette économie : la consommation collaborative, la production collaborative, la gouvernance horizontale et la connaissance ouverte2. Comme nous l’avons indiqué, le secteur culturel répond à des logiques de financement et de consommation qui lui sont propres. Afin d’avoir un aperçu des possibilités que propose l’essor de l’économie collaborative dans le secteur culturel, analysons cette nouvelle tendance par le biais d’indicateurs tels que le public ou le consommateur, le territoire artistique, le cadre juridique et l’emploi.

ECONOMIE COLLABORATIVE ET PUBLIC DU SECTEUR CULTUREL

Dans ce cadre, la dimension participative est primordiale. La personne qui reçoit l’objet culturel a la possibilité d’être également producteur et de participer à l’élaboration d’un projet. Cette économie s’appuie sur les technologies du numérique et se structure notamment autour d’applications mobiles ou de plateformes Internet permettant de mettre en relation le produit et le consommateur. Les services de la médiation des institutions culturelles ont intégré cette dimension et produisent des applications mobiles d’aide à la visite qui incluent la dimension de partage. Effectivement, le public d’une exposition ou les spectateurs d’une œuvre musicale

1 Sinigaglia, J. (2015-2016). – Socio-économie de la culture. Université de Strasbourg.

2 L’économie collaborative, ouishare, [en ligne]. Disponible sur : [http://ouishare.net/fr/about/colla-borative_eco-nomy].

ÉCONOMIE COLLABORATIVE ET SECTEUR CULTUREL

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LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVEont, dorénavant, la possibilité de partager sur des applications mobiles dédiées leurs impressions, leurs expériences de visites, leurs photos etc. D’autres plateformes numériques proposent à une communauté d’aficionados3 de créer leur propre galerie en ligne et de se constituer un répertoire d’œuvres d’art. Ces répertoires peuvent se partager. Ces usages permettent de créer des liens entre différents individus. Effectivement, l’économie collaborative bouleverse les limites géographiques et permet d’opérer des échanges réciproques de savoirs sur l’objet culturel entre particuliers4. Se crée ainsi une communauté virtuelle qui est une ressource non négligeable pour les artistes, les industries et les institutions culturelles. L’usage récent du financement participatif en est un exemple. Cette pratique favorise la circulation des capitaux entre les individus qui permet notamment de financer des projets créatifs et culturels. Il est fort probable que la diminution des subventions allouées aux projets culturels favorise l’avènement de cette pratique. De plus, cette nouvelle forme d’économie permet d’impliquer le citoyen dans la vie artistique en lui laissant la possibilité de devenir producteur d’un objet culturel de son choix. Ce processus pourrait donc s‘inscrire également dans une démarche de démocratie culturelle. Cependant, il ne faut pas négliger l’aspect marketing qui permet à l’artiste de fidéliser son public, de recruter de nouveaux clients et de développer une campagne de communication.

L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE ET LE TERRITOIRE ARTISTIQUE

Les outils numériques et leurs usages par les acteurs de l’économie collaborative bouleversent également le territoire artistique habituel. Dans ce cadre, l’économie collaborative s’exprime différemment car on ne consomme ni ne possède un produit culturel comme un autre produit. De par les usages du numérique au sein des communautés et les échanges artistiques qui peuvent s’opérer, on peut parler d’internationalisation du monde de l’art.

Via le numérique, l’interaction entre le public et l’œuvre ne se limite plus à un lieu unique d’exposition ou de représentation, mais à des espaces multiples présents sur Internet. Cela pose des questions notamment en termes de droit d’auteur et du statut d’œuvre d’art. La production d’œuvres n’est également plus le seul apanage des artistes, les fablab5 réinventent les processus de création. Musées ou centres d’art se dotent de

leur fablab afin de proposer un lieu ouvert où sont mis à disposition des outils permettant de réaliser une création originale. Ce concept démocratise le processus de conception.

L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE ET LE CADRE JURIDIQUE

Le partage des données, la reproductibilité, le changement de statut de l’œuvre d’art sont des comportements et des modifications induits par l’économie participative. Ces comportements amènent à se poser des questions en termes de droit d’auteur. Par exemple, le Google Art Project6, projet mené par Google, se compare à un institut culturel numérique permettant l’accès en ligne à de nombreuses œuvres et la constitution, par l’utilisateur, de sa propre galerie. Google, entreprise privée, s’empare, d’une certaine manière, du domaine public. Se pose alors également la question de la modification des rapports public/privé. Où se situe, dans ce cadre virtuel aux limites floues, la distinction entre art du domaine public et art du domaine privé ?

L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE ET L’EMPLOI

L’économie collaborative propose avant tout une forme différente de consommer et de produire. Le premier acteur de cette économie est l’individu car il se place à la fois en tant que consommateur et acteur de cette économie. Elle propose également une transformation des organisations basées sur une gouvernance ouverte et horizontale. Néanmoins, il est nécessaire de poser la question de l’emploi notamment dans le secteur culturel. L’économie solidaire et sociale peut être proposée comme une solution. Ceci nous amène à évoquer les coopératives d’activités d’emplois qui apportent une réponse innovante aux défis et enjeux sociétaux que rencontrent au quotidien les artistes et les acteurs culturels. Les artistes découvrent une manière inédite et originale d’entreprendre en collectif, de partager leurs compétences et leurs ressources et d’affiner leurs besoins de structuration et de gestion de leurs activités créatives7.

Alice MOULDAÏAÉtudiante en deuxième année de master Politique et Gestion de la Culture à l’Institut d’Études Politiques de Strasbourg.

En stage au service du développement des publics du Centre Pompidou.

3 Une communauté de fans.

4 De La Porte Xavier. L’économie collaborative en question, Diffusée le 05 mars 2014, France culture.

5 Contraction de l’anglais fabrication laboratory, « laboratoire de fabrication ».

6 https://www.google.com/culturalinsti-tute/project/art-project?hl=fr

7 http://artenreel.com/la-cooperative/

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LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE

L orsque vous êtes rentré.es à l'EFB, vous avez sûrement entendu dire que « la concurrence est rude, vous êtes nombreux, il faut être

malin, il faut être créatif/créative ». Quelque chose de ce genre ? Si vous avez mis le nez dans des livres d'économie, soit-elle politique, vous avez aussi appris combien cette lutte des individus les uns contre les autres est précieuse à l'économie capitalistique. Vous avez aussi peut-être appris que là est le « sens de l'Histoire ».

Un jour vous avez pénétré dans une mine et vous êtes allé.es au fond. On vous a expliqué comment on s'y prenait pour trouver des galeries : on envoyait des enfants de treize ans, ou moins, avec une pioche et on leur demandait d'ouvrir « la veine » afin de vérifier qu'il y a du charbon. Peut-être que des membres de votre famille ont péri dans la mine, ou de la mine qui encrasse les poumons et tout le corps. Pourtant, celles et ceux qui descendaient à la mine avaient leur rythme de vie, leur bonheur construit et imaginé.

Mais vous, vous n'êtes pas né.es à l'époque du charbon, vous, vous êtes né.es après Tchernobyl. Quand vous avez commencé à lire les journaux, vous avez lu « Fukushima ». C'est ça l'économie ?

Vous avez grandi avec les mots « développement », « durable », « solidaire ». Vous avez aussi grandi avec les grandes marques et les grandes enseignes qui s'essaiment plus vite que le pollen maintenant que les abeilles sont trop malades à cause des polluants.

Pas très heureux tout cela ! Non, « pas très ».

Et maintenant vous vous demandez : « économie solidaire », en pratique, qu'est-ce-que cela signifie ?Le sens que nous allons donner à ces mots pourrait ne demeurer que des slogans marketing alimentant des cabinets de conseils et les sites de différentes sociétés et rester finalement lettre morte d'un point de vue pratique. Mais peut-être que vous pourriez, vous aussi, avocates, avocats, contribuer à donner du sens à ce terme.

COMMENT ?

Bonne question... à laquelle vous avez peut-être déjà répondu par vous-mêmes ou à laquelle vous répondrez peut-être à votre manière.

Voici un exemple de projet social et solidaire qui aurait besoin de vos talents.

L'association Womenability ambitionne la rédaction d'une charte internationale portant sur la transformation des espaces urbains afin qu'ils répondent de manière plus adaptée aux besoins des habitants (http://www.womenability.org).

Tout a commencé à la Courneuve lorsque deux jeunes femmes racontèrent à l'un de leur collègue masculin le temps supplémentaire de trajet en vélo que leur imposaient des détours pour venir travailler.

WOMENABILITYECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE : EN ROUTE !

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LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE

« Mais vous vous en moquez des gens qui vous regardent dans la rue » leur rétorquait-il.

Leur collègue ne comprenait pas qu'elles ne voulaient pas subir sifflement, railleries et insultes parce qu'elles sont des femmes. Lorsqu'elles expliquaient qu'il leur était devenu impossible de porter certains vêtements pour aller travailler, là encore, il se moquait.

Lorsqu'elles lui indiquaient qu'elles ne pouvaient pas aller prendre un café au bar d'en face, de nouveau, il se moquait.

Puis un jour, il les a suivies et a observé par lui-même les regards, les insultes, les menaces dont elles étaient victimes, quotidiennement.

Tous les trois ont eu envie que cela change. Ces jeunes gens se sont mis à regarder leur commune, puis à réfléchir sur l'organisation de la ville en général. Ils se sont ensuite intéressés à plusieurs villes dans le monde et en sont venus à s’interroger sur ce qui fonctionne et sur ce qui pourrait être amélioré.

Pour cela, ces trois personnes ont trouvé un outil : la marche exploratoire développée par les mouvements féministes canadiens dans les années 1970. Après un test en région parisienne, avec des hommes, des femmes et des enfants, des listes d’idées repérées, de souhaits, de critiques, d'étonnement, de félicitations ont été dressées.

Réunis, les trois collègues ont décidé de faire grandir leur projet sur la scène internationale et de se rendre dans 40 villes du monde, peuplées de plus de 200.000 habitant.es et dont la maire est une femme. Sur place, les échanges se déroulent de la façon suivante. Deux membres de l'association Womenability rencontrent d'autres associations locales avec lesquelles ils organisent des marches exploratoires. Pendant ces marches, participantes et participants se forment à la méthodologie nécessaire à la pérennisation du projet dans l'avenir.

Lorsque toutes les marches exploratoires auront été menées, l'association a pour objectif la rédaction d'une charte internationale ainsi que la création d'un forum d'échange de best practices formulées sur des « fiches action » fournissant des exemples pratiques.

Aujourd'hui, l'organisation fonctionne uniquement sur le dévouement de bénévoles et le soutien de précieux partenaires.

Nous avons dit économie sociale et solidaire ? Et si les avocates, avocats, que vous devenez faisaient le choix de contribuer à des villes plus respectueuses de chacun ? Et si économie signifiait activité au service de nos besoins fondamentaux, respectueuse de la terre et des êtres ? Et si social signifiait véritablement cohésion sociale ? Et si solidaire signifiait travailler ensemble ?

Les termes « économie », « sociale » et « solidaire » voudront bien dire le sens que vous leur donnerez. Nous avons la chance de pouvoir choisir ce sens, saisissons là !

Choralyne DUMESNILÉlève avocat

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Pouvez-vous nous décrire dans ses grandes lignes le fonctionnement de WeJustice ?

WeJustice est une plateforme de financement participatif spécialisée dans les actions en justice. Nous aidons des personnes physiques, des associations ou des entreprises à lever des fonds auprès du public afin qu’ils puissent financer leur défense devant les tribunaux.

La levée de fonds sur WeJustice est-elle ouverte à tous ?

Non, bien sûr. Nous avons une ligne éditoriale qui nous permet de filtrer les très nombreuses demandes que nous avons. Elle repose sur deux critères : d’abord le litige doit opposer des parties aux rapports de force déséquilibrés, ensuite ce litige doit nécessairement présenter un caractère collectif ou solidaire.

En revanche, nous pouvons traiter de problématiques très variées qu’il s’agisse de droit de l’environnement, de droit de la santé, de droit du travail, de propriété intellectuelle ou de droit de la famille.

Serait-ce donc une sorte de "class action 2.0" ?

Il ne s’agit pas vraiment d’une action de groupe dans la mesure où nous ne sommes soumis à aucune des limites posées par la loi HAMON qui exclut notamment toute action en matière de santé ou d’environnement.

L’objectif de WeJustice n’est pas de regrouper 1.000 personnes subissant le même préjudice. Notre travail est simplement de mettre en relation un porteur de Cause avec 1.000 personnes sensibles à sa situation et qui sont désireuses de l’aider à financer sa défense.

Quel genre d’action avez-vous déjà financées ?

Nous avons lancé le site il y a un peu moins de six mois. Notre première cause visait à financer une action contre le club du Paris Saint Germain concernant les interdictions de stade abusives de certains supporters ainsi que la constitution d’une blacklist illégale. Cette campagne a permis à l’Association de Défense et d’Assistance Juridique des Intérêts des Supporters (ADAJIS) de lever 16.000 €.

En quoi consiste votre travail exactement ?

Nous accompagnons nos porteurs de projets de A à Z dans le déroulement de leur campagne. Nous les aidons à rédiger leur texte, nous mettons en place des plans de communication efficaces pour assurer une médiatisation importante de l’affaire et nous les accompagnons dans l’animation de la campagne sur le site et sur les réseaux sociaux. Lors de la campagne des supporters du PSG par exemple, nous avons réussi à obtenir plus de 50 articles de presse, web, radio et télévision. C’est ce qui nous a permis de toucher les 577 contributeurs de cette Cause. En revanche, nous ne fournissons aucun conseil juridique, cela relève exclusivement de la compétence des avocats avec lesquels nous travaillons.

Racontez-nous un peu votre parcours et comment s’est déroulé le développement de ce projet en parallèle de vos études à l’Ecole Française du Barreau de Paris (EFB) ?

J’ai fait toutes mes études à l’Université Paris II ASSAS, de ma licence à mon Master II. J’y suis toujours très lié puisque j’y enseigne aujourd’hui en tant que chargé de TD en droit pénal et procédure pénale. J’ai fait mon stage final chez Me Eric DUPOND MORETTI et mon

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L'AVIS DES SPÉCIALISTES JULIEN ZANATTA DOS ANJOSJulien Zanatta Dos Anjos est élève avocat et co-fondateur de WeJustice, plateforme de financement participatif spécialisée dans les

actions en justice, fondée en 2015.

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PPI auprès du Parquet général de la Cour d’assises de Paris. A priori je n’ai donc pas grand chose à voir avec le web et les métiers de la communication.

Mener le développement d’un projet entrepreneurial parallèlement à mes études à l’EFB n’a pas été si compliqué. Il y a d’ailleurs énormément d’étudiants qui sont dans la même situation. L’école est très réceptive et s’intéresse beaucoup aux projets développés par ses étudiants.

Avez-vous eu besoin de lever des fonds pour lancer le site ?

Rires. Non, nous n’avons pas levé de fonds à proprement parler. Mais nous avons eu besoin d’argent effectivement. À la base nous sommes tous amis dans l’équipe, et lorsque nous nous sommes rendus compte que nous aurions des dépenses importantes en matière de graphisme et de développement web, nous avons eu l’idée d’avoir recours à Airbnb pour pouvoir financer ces dépenses indispensables.

On a donc passé plusieurs semaines à dormir les uns chez les autres pour pouvoir régler ces frais. En plus de nous permettre de financer notre projet, cela nous a aussi permis de nous rapprocher et de solidifier les liens entre les membres de l’équipe.

Au final, Airbnb est une vraie solution pour financer des projets de cette nature !

Pouvez-vous nous parler des prochaines Causes que vous comptez lancer ?

Nous lançons dans les semaines qui viennent une levée de fonds pour une importante association de lutte contre le tabagisme. Le lancement d’une campagne contre une grande société américaine de transport de personnes est également prévu mi-avril. Il s’agira de solliciter la requalification des contrats des chauffeurs en contrat de travail.

Nous essayons le plus possible de rencontrer de jeunes avocats qui s’investissent dans des combats revêtant un caractère collectif ou solidaire au travers de Causes que nous pourrions financer. Il s’agit de proposer une réelle alternative à la défense pro bono de dossiers qui sont souvent passionnants mais que de jeunes avocats n’arrivent pas à assurer pour des raisons économiques. Nous devons réinventer notre métier à l’heure où on nous dit trop qu’il y a « trop d’avocats sur le marché ». L’heure est à l’optimisme !

Comment les avocats réagissent-ils face à cette nouvelle plateforme ? Est-ce plutôt de la crainte ou de la confiance ?

Les réactions des avocats sont extrêmement partagées. Il y a une véritable fracture générationnelle sur le sujet de l’innovation juridique en France. De façon schématique, les avocats ayant un nombre important d’années de barreau voient d’un mauvais œil l’arrivée d’une nouvelle forme d’exercice, alors que les avocats un peu plus « jeunes » voient dans ce projet – et dans l’innovation juridique - une véritable opportunité de réinventer le métier. Concernant les institutions représentatives, elles ont toujours été bienveillantes à notre égard. Nous avons, par exemple, été selectionnés pour participer au prix de l’incubateur du barreau de Paris ainsi qu’aux Trophées Pro bono du barreau parisien.

Pensez-vous que WeJustice fasse partie de ce que l’on appelle l’économie collaborative ?

Si l'économie collaborative est celle qui permet la mise à disposition d’outils destinés à permettre l’organisation de citoyens en « réseaux » ou en « communauté » alors oui, indéniablement WeJustice s’inscrit dans ce mouvement. Après tout, pour quelle raison une multinationale devrait continuer à être plus puissante qu’un particulier soutenu par des milliers d’internautes ?

Propos recueillis par Malcolm MOULDAÏA-MAUGER,

Élève avocat

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Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous vous présenter rapidement ?

Je suis étudiant et je travaille en freelance dans le numérique. Passionné depuis toujours par la technologie, j'ai fait il y a quelques années, la connaissance d’un objet fascinant : le Bitcoin. Depuis plus de deux ans je suis très présent dans la communauté des monnaies numériques et de la blockchain.

J’ai donc fondé un site consacré à la production d'écrits sur le sujet : Le « Coin Coin »1. Je suis également président d’une des premières associations européennes qui promeut ces technologies dans la francophonie : « Le Cercle du Coin »2. Je co-organise des repas mensuels de discussion sur ces monnaies en France, en Belgique, en Suisse et au Luxembourg : « les Repas du Coin ». Enfin, je donne des conférences en essayant d’apporter un angle de réflexion particulier3 aux crypto-monnaies grâce à ma formation classique en sciences humaines4. Cependant, mon attrait pour l’entrepreneuriat me rattrape et je commence aussi à faire du conseil pour les entreprises dans ce domaine5.

Le sujet est désormais sur la table, mais il est probable que beaucoup de nos lecteurs n’aient pas connaissance du Bitcoin et de la blockchain, pourriez-vous nous résumer ces concepts ?

Tout d'abord, le Bitcoin utilise une blockchain (chaîne de blocs en français) qui est la technologie sous-jacente au Bitcoin. Celle-ci

permet de mettre en place une base de données décentralisée, fiable et infalsifiable. Revenons sur ces trois points : en premier lieu, cette base de données est décentralisée, cela signifie qu’elle ne possède aucune autorité centrale. En ce sens, il est impossible pour un acteur d’enfreindre les règles définies dans le code de base du protocole utilisé6. Cet ensemble de données pourrait donc se rapprocher d'une notion juridique que vos lecteurs doivent bien connaître, c’est celle des « communs ». Dans un second lieu, la blockchain est fiable par essence car il est impossible de tromper le système qui est bâti sur une architecture décentralisée (il est résiliant car sans point d’attaque central) et qui, de surcroît, fonctionne grâce à de la cryptographie ayant fait ses preuves. Enfin, dans un troisième temps, elle est infalsifiable car une fois que quelque chose est écrit dans la blockchain accompagnée de son horodatage7, cette écriture est dupliquée sur tous les ordinateurs du réseau et restera inviolable et consultable à jamais.

Donc, pour résumer par analogie, la blockchain est comme un grand livre dans lequel chacun peut écrire une page, en respectant les règles d’écritures de celui-ci, sans que l'on puisse le détruire ou réécrire dessus.

Le Bitcoin est donc un usage monétaire de la technologie blockchain. En effet, depuis longtemps, nos comptes ne sont que des lignes d’écritures en comptabilité double. La blockchain est avant-tout le résultat du désir de créer une réserve de valeur numérique

L'AVIS DES SPÉCIALISTES ADLI TAKKAL BATAILLEAdli Takkal Bataille est fondateur du site dédié au Bitcoin et à la Blockchain "Le Coin Coin", président du "Cercle du Coin".

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1 https://le-coin-coin.fr/ : production d’articles réflexifs, suivis des actualités et dossiers.

2 http://lecercleducoin.fr/

3 Conférence les mots et les bitcoins : https://www.youtube.com/watch?v=UeeTgSCE4-o

4 Classe préparatoire Littéraire, Licence lettres classiques et actuel-lement cursus master recherche en linguistique et applications informatiques.

5 Co-écriture et conseil sur le livre blanc « Comprendre la Blockchain » : http://www.uchange.co/#whitepaper

6 Le système fonctionne en peer-to-peer comme pour le téléchargement (souvent illégal).

7 Fait de tamponner avec l'heure et la date (similaire au tampon postal par exemple).

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LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE

décentralisée exprimé à travers la conception de Bitcoin. Le fait qu'une blockchain ne puisse être falsifiée permet de donner de la valeur aux données. Grâce à son système de règles d’émission8 par un processus assez complexe appelé minage, les bitcoins sont créés en quantité limitée et ne peuvent pas être créés à loisir par n'importe qui. Pour en créer il faudra dépenser de l’énergie9 à l'aide d’un ordinateur. On nomme cette procédure la preuve de travail. La possession, elle, est gérée à l'aide de la blockchain qui fonctionne avec un système de clé privée (similaire à un code secret bancaire) et de clé publique (similaire à un identifiant). Vous seul êtes détenteur de vos bitcoins grâce à votre clef privée et nul besoin de passer par un tiers pour stocker des fonds ou effectuer des transactions.

Pour faire à nouveau une analogie simplificatrice, Bitcoin est à la monnaie ce que l’email est au courrier. Le système n'en est qu'à ses balbutiements mais est déjà la première monnaie alternative mondiale et c'est hélas assez rarement mentionné.

Quelles sont les différences entre le Bitcoin et les monnaies fiduciaires classiques ?

Une première différence fondamentale est la gestion de l'émission de la monnaie. Comme dit auparavant, le Bitcoin a une émission limitée par son code ce qui fait qu'il n'est pas sujet au bon vouloir des banques centrales ou de toute autre autorité.

Ce même code est libre donc tout le monde peut l'auditer et l’améliorer. Il ne faut pas oublier que la fraude bancaire coûte une fortune chaque année et que l'on est loin d'avoir une sécurité optimale en matière de paiement. Dans le cadre du Bitcoin, la sécurité est maximale grâce à la décentralisation et la cryptographie10.

Mais sa sécurité est loin d'être le seul avantage, la monnaie possède aussi un coût de transaction internationale quasi-nul vu que le réseau se situe dans le cyberespace, en dehors de toute frontière physique si ce n'est celle de la vitesse de la lumière. Un corollaire de cela est l'instantanéité des transactions et leur « infalsifiabilité ». Les

transactions ne sont pas répudiables ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient11. Ensuite, le Bitcoin est extra-divisible car il possède huit zéros après la virgule, cela peut permettre de faire des micro-transactions avec efficacité bien que la montée de son cours rende cela moins intéressant.

Enfin, dans la blockchain tout est transparent, ce qui est également une caractéristique à double tranchant qui fait du Bitcoin une monnaie non-fongible12 (même si des alternatives opaques et fongibles tendent à se développer). Tout le monde peut, à tout moment, consulter intégralement le livre de compte de Bitcoin. Il suffit dès lors de réussir à déterminer qui est derrière l’adresse, une sorte de numéro de compte, afin de tracer toutes les transactions de ce portefeuille. On dit de ce fait que le Bitcoin est « pseudonyme » et non anonyme comme on voudrait le penser. Et cela, le renseignement l'a bien compris ayant beaucoup moins peur du Bitcoin et du Darknet face à la menace qu'est l'argent liquide et les réseaux de bandits13.

Que pensez-vous de l'économie collaborative qui se présente elle aussi comme un paradigme disruptif ?

Pour ma part je ne suis pas pour l’instant un grand utilisateur de l’économie collaborative. Le sujet me passionne depuis longtemps mais je n’ai pour l’instant ni le temps, ni les besoins qui provoqueraient une utilisation récurrente des plateformes collaboratives. J’utilise occasionnellement « Le Bon Coin » ou « Uber », mais je n’ai pas encore été très loin dans l’expérience de ce nouveau paradigme. C’est donc en tant qu’observateur plus qu'en tant qu'utilisateur que je vous répondrai.

L'économie collaborative est en réalité un modèle de société assez ancien. C'est l’échelle dans laquelle celle-ci peut s’exercer qui est véritablement chamboulée. La globalisation se dote désormais d’un niveau plus local avec des standards internationaux. Ainsi vous pouvez utiliser « Uber » ou « AirnBnb » dans de nombreuses villes du monde de la même manière, avec la même application, et ce genre d'organisations

8 50 bitcoins toutes les dix minutes, récompense divisée par deux tous les quatre ans jusqu’à 21 millions d’unités en circulation (le bitcoin est donc déflationniste)

9 C'est grâce à cette limite naturelle qu’est l’énergie que le système fonctionne.

10 Le seul risque de-meure l’ordinateur utilisé pour les transactions. Si celui-ci est vérolé vous pouvez avoir des risques. Mais ces risques peuvent être combattus avec des appareils physiques dédiés comme le Ledger Wallet (https://www.ledgerwallet.com/).

11 Qu'il est impossible d'annuler.

12 Dans le cadre de la monnaie, l'impossibilité de discerner des unités. Ex : le cash est fongible car il est impossible de différencier la valeur de billets différents.

13 cf Zone interdite du 1/02/15 avec Frederic Veaux, directeur central adjoint de la Police judiciaire expliquant : « internet c'est pour les honnêtes gens ».

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LUMIÈRE SUR... L'ÉCONOMIE COLLABORATIVE

14 Système permettant de se noter entre pairs.

15 "Scalabilité" : le fait de supporter la montée en charge, le changement d'échelle (conformité ou recon-naissance législative et autres).

16 Si la SNCF décide d'adopter une blockchain pour gérer ses remboursements lié au retard, on peut imaginer que la position GPS en gare par rapport à l’horaire attendue déclencherait automatique un remboursement en cas de retard. Dans ce genre d'opération, le litige est quasi-impossible, ce ne sont que des chiffres.

17 C'est le système qu'a choisi OpenBazaar, une sorte d’Ebay/Le bon Coin décentralisé.

18 Avec des initiatives comme le colloque « blockchain : oppor-tunités et disruption » (Colloque organisé par CSSPPCE (Commission transpartisane et bica-mérale) dans le cadre de l'ouverture d'une commission de réflexion sur les enjeux de la blockchain.) où certains acteurs du secteur tels que le Secrétaire du « Cercle du Coin », Jacques Favier, étaient invités à s’exprimer à la tribune.

qui était limité au niveau local, de par la difficulté de coordonner des indépendants, se voit acquérir un public tout autour du monde. Paradoxalement, cela remet l'individu au cœur de l'échange, car, même si vous faites appel à un intermédiaire qui est une société mondialement connue, vous vous dîtes que cet homme qui vous amène prendre votre train pourrait être votre voisin qui arrondit ses fins de mois (même si c'est loin d'être toujours la réalité).

Quelle est la différence entre l’économie collaborative et celle de la blockchain ?

Il n’y a pas de différence dans le sens où ce sont deux plans différents. Quand on pense à l’économie collaborative, on pense à celle que l’on constate aujourd’hui (nous sommes conditionnés par les entreprises actuelles mais l’idéal collaboratif se situe ailleurs). Cependant l’économie collaborative, dans son essence, ne ressemble pas à « Uber » ou « AirBnB ».

L’économie collaborative est horizontale, la forme des leaders du marché respecte cela mais avec des péages sur ces réseaux horizontaux. Ainsi, les acteurs exercent une forte prédation avec des commissions élevées et pas forcément justifiées. L'économie collaborative tend vers une égalité totale entre les acteurs, autant le client que le fournisseur de services. Les grands acteurs du marché ne respectent pas cela et finissent par être dans une position de domination envers les deux utilisateurs.

Là où la blockchain intervient, c’est dans ces rapports de confiance. En effet, cette technologie permet de bouleverser les relations entre pairs. Avec une blockchain vous pouvez vous passer du tiers de confiance qui fait l’intermédiaire. Grâce aux mécanismes que nous avons décrits précédemment, les utilisateurs d'un réseau bâti sur une blockchain peuvent échanger en toute confiance sans se connaître. Votre preuve de possession est forcément valide et fiable au sein de la blockchain. Le challenge sera de réussir à faire le lien entre le physique et le numérique. Mais une fois ce défi relevé,

une blockchain couplée à un système de réputation14 deviendra la technologie idéale pour échanger de manière collaborative. Ce n’est plus « l’arroseur arrosé » mais le « disrupteur disrupté ».

Pensez-vous que le système décentralisé que vous présentez est soutenable ? Comment peut-il s’organiser et être compatible avec la législation en vigueur?

Ce système sera soutenable. Pour l’instant, toutes les blockchains qui fonctionnent sont de remarquables prototypes (valant parfois des milliards de dollars à l’image de Bitcoin). Il ne faut pas oublier que cette technologie n’en est qu’à ses débuts. Lorsque celle-ci aura réglé ses problèmes de jeunesse15, elle pourra fonctionner parfaitement. En revanche, il reste un nouvel enjeu au niveau des litiges, car dans ces échanges décentralisés, il faudra des systèmes permettant de gérer les cas où cela se passe mal. En effet sur une plateforme classique comme « Ebay », il suffit de se plaindre pour être dédommagé si vous avez été floué, alors que dans un système décentralisé, ce n'est pas le cas, personne ne pourra décider d'annuler une transaction. Mis à part ce problème, de taille, il faut l'avouer, l’avenir semble radieux pour ce nouveau paradigme. De plus des solutions existent déjà : soit les opérations sont fiables car totalement automatisées16, soit des tiers de confiance sont choisis parmi les pairs17.

La législation, elle, va devoir s’adapter. En France, l’État commence à prendre conscience de l’importance du phénomène18. Il y a une véritable volonté de la part des Institutions d’accompagner la technologie et de réussir à ne pas faire les mêmes erreurs que par le passé. Toutefois, il est difficile pour les gouvernants d'aborder le sujet car c’est précisément tous les pouvoirs régaliens qui sont confisqués par la blockchain ; de la propriété à la monnaie. L’État ne doit pas voir cela comme une menace directe mais comme une mutation sociétale qu'il va devoir apprivoiser. L’aspect législatif est donc capital et ne doit pas freiner le développement de ces nouveaux usages. C’est pourquoi, le

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législateur va devoir rapidement adopter des standards permettant de reconnaître la fiabilité d’une blockchain. Pour obtenir, par exemple, une preuve d’antériorité19, dans un schéma classique, vous devez utiliser une enveloppe Soleau délivrée par l’INPI. Cependant la blockchain permet de faire la même chose sans organe central. C'est vraiment l'illustration parfaite de la centralisation autrefois requise pour garantir une certaine fiabilité. Mais c'est aussi un cas d'usage illustrant parfaitement la puissance de la blockchain : vous pouvez déposer un document en son sein sans que personne ne puisse le lire tout en pouvant prouver votre antériorité via des milliers de témoins : les nœuds du réseau20.

L’utilisation de ces plateformes est-elle un vecteur de développement pour les monnaies numériques ? Comment ces plateformes pourraient-elles fonctionner pour des biens ou services plus communs ?

Clairement. Il est beaucoup plus simple d’utiliser, pour le moment, une monnaie numérique sur la blockchain : « l'euro n’est pas une smart-money »21. Cela permet des opérations d’automatisation nommées smart contracts dans lesquelles il est possible de définir des actions répondant à des conditions. Avec le développement des outils qui vont venir récupérer des données multiples, on peut songer à de multiples possibilités. Et dans tout système d’échange, la monnaie est au cœur, la blockchain n’échappe pas à cela.

L'avantage de ces plateformes est qu'elles pourront s’adapter à toutes les échelles et pour toutes sortes de besoin. Finalement, quelle est la nécessité de personnes voulant créer une mutuelle22 ? Ils ont besoin d'être sûrs que les fonds qu'ils mettront dans un séquestre seront bloqués et pourront être débloqués uniquement en cas de problème.

Avec une monnaie numérique, cette procédure est très simple et peu coûteuse : il suffit de mettre dans un fonds commun

une certaine somme de Bitcoins par exemple23. Si un problème survient et qu'il faut délivrer de l'argent du fonds commun, plusieurs solutions existent. Soit le compte commun possède un contrat intelligent qui permet de libérer de l'argent avec des conditions automatisées (c'est possible par exemple pour des conditions "dégâts climatiques" à l'aide de capteurs météorologiques) soit les participants délibèrent à l'aide d'un vote décentralisé pour allouer une certaine somme à un dégât. Ainsi, vous avez ce que l'on nomme une DAO (decentralized autonomous organization) qui peut aisément fonctionner pour un coût nul. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ! C’est pour cette raison que j’appelle le Bitcoin une meta-monnaie, car elle permet d’aller au-delà de la monnaie.

Un dernier mot ?

Qui dit paradigme nouveau dit problématiques nouvelles, c’est donc une terra incognita passionnante auquel nous devons faire face. Dès lors que celle-ci sera explorée puis dépassée, nous serons à même d’obtenir plus d’horizontalité, de pouvoir et de démocratie. Un beau programme en somme !

Propos recueillis par Florent GASSSIES,

Élève avocat

19 Document légal permettant de prouver que vous avez écrit/produit quelque chose à un instant T. Cela peut permettre par exemple de demander la propriété d’une invention ou d’un concept si vous l’aviez déposé auparavant.

20 Un nœud sur le réseau est un ordinateur qui diffuse les données. Dans une blockchain, chaque fois que vous envoyez un document (plus précisément l'em-preinte de ce document), vous le diffusez à travers le réseau par l'intermé-diaire de nœuds qui joue le rôle de témoins.

21 Tournure d'Adrian Sauzade, voir en contexte dans l'article Le Spectre par Jacques Favier : https://le-coin-coin.fr/4088-le-spectre/.

22 En effet nous l'oublions souvent mais la mutuelle est avant tout un système de gestion entre particuliers.

23 Il est possible de créer des comptes partagés très facilement avec Bitcoin. Cela se nomme la multisignature et cela permet de gérer les procédures nécessaires à la libération des fonds dans le cadre d'une ges-tion commune (exemple : seul 3 personnes sur 4 suffisent pour effectuer une transaction).

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TRIBUNE LIBRE

Frédéric Sicard, Bâtonnier du Barreau de Paris nous a fait l'honneur de nous recevoir et de répondre aux questions de l'équipe du Baromaître. Cet

entretien a fait l'objet d'une interview disponible sur la chaîne youtube du "Baromaitre". Nous vous en livrons des propos choisis.

Le Baromaître : Qu’est-ce qui vous a poussé à embrasser la carrière d’avocat ?

Frédéric Sicard : La profession d’avocat m’est apparue comme une évidence. Je n’ai jamais vraiment réfléchi, si ce n’est que je voulais être avocat et je suis bien incapable de vous dire pourquoi car l’idée est tellement ancienne que je ne saurais aujourd’hui en identifier la raison ou les raisons.

Le Baromaître : Où avez-vous fait vos études ?

F.S. : Je suis un enfant d’Ile-de-France, j’ai donc fait mes études en banlieue puis mes études universitaires à Paris. J’ai été à l’Université Paris II à partir de mon premier diplôme de 3e cycle (à savoir DEA), aujourd’hui équivalent du Master 2, puis l’Université Paris I. J’ai enseigné à Paris I, Paris II et Paris X, ce qui fait qu’on peut dire que je suis un minimum éclectique.

Le Baromaître : Vous avez été élu Bâtonnier de Paris en juin 2015, cela fait donc 4 mois que vous êtes le Bâtonnier de Paris, comment appréhendez-vous ce rôle maintenant que vous êtes en charge ?

F.S. : On voit le Bâtonnier comme un garant de la discipline. C’est un rôle ingrat que je n’oublie pas, mais le rôle principal du Bâtonnier est d’appuyer et de soutenir fondamentalement les avocats, ceux qui veulent devenir avocats et également nos concitoyens qui ont envie de droits et de justice. C’est donc trouver des moyens pour que toutes ces volontés se rencontrent. Et bien sûr, il y a les affaires publiques : on rencontre des élus nationaux et européens. Mais fondamentalement, c’est de répondre aux courriers, aux demandes de rendez-vous, aux sollicitations de gens qui ont besoin que soit dispensée de la justice et du droit, ce qui est quand même la finalité fondamentale de notre profession.

Le Baromaître : Selon vous, quels sont les grands projets d’avenir du Barreau de Paris ?

F.S. : L’avenir est celui du développement du conseil. A Paris, il y a 30% de contentieux et 70% de conseil. Je pense que l’avocat parisien est un avocat qui plaide et qui conseille. Cet avocat doit apprendre à conseiller encore plus, à conseiller sur le long terme. C’est la raison pour laquelle je voudrais un avocat qui soit aussi correspondant des entreprises, des particuliers. On pourrait aussi l’appeler l’avocat auditeur. C’est celui à qui vous pourrez confier votre vie, vos ambitions. C’est cet appui qui fait l’essence du métier. Le serment c’est ça : nous offrons un appui aux autres en droit et en éthique. C’est là votre avenir en France et en Europe. On peut tout à fait exercer à Paris, mais il faut avoir l’esprit large.

ENTRETIENMe FRédéRIC SICARdBÂTONNIER DU BARREAU DE PARIS

36 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Page 37: Le baromaitre n°3 l'economie collaborative

TRIBUNE LIBRE

Il faut savoir que 5% des avocats parisiens exercent à l’étranger. Toutes les frontières vous sont ouvertes avec l’idée que le métier ne se concentre pas sur une toute petite part.

Le Baromaître : Comment faire pour lutter contre la surspécialisation que l’on retrouve dans la plupart des grands cabinets ?

F.S. : Deux choses : il ne faut surtout pas lutter contre la spécialisation. Cela est le sens du droit. Il est assez logique que l’on vous demande de vous spécialiser lorsqu'un client veut un conseil particulier et spécifique.

Quant à la surspécialisation, c’est l’enjeu de la recherche de votre première collaboration. Plus vous allez être surspécialisé, plus vous êtes sûrs d’être bien payés. Il faut que vous réfléchissiez aux choix que vous voulez faire. Vous pouvez accepter la surspécialisation avec ses contraintes, c’est à dire que l’évolution de votre carrière dépendra d’un schéma-client très restreint. Cela dépend aussi de la cooptation et la capacité dans ce milieu que vous avez choisi, de convaincre ceux qui sont en place de vous agréger à leur schéma de travail. Si vous êtes moins spécialisés, vous êtes à ce moment-là sur un autre créneau, mais la difficulté ici est que l’on vous paie moins au départ.

Donc, il y a une réflexion à mener sur le développement de la carrière que l’on veut et des choix que l’on veut faire. Tout est bon à prendre dès lors que ce sont des choix réfléchis. En réalité, vous ne tiendrez pas plus de 40 ans de carrière si vous n’adhérez pas au schéma développement économique et social que vous aurez choisi. Faites attention, le choix de la collaboration n’est pas qu’un problème d’argent. C’est aussi un problème de schéma : quel est le schéma auquel vous adhérez le mieux et qui vous convient mieux ?

C’est pour cela que je soutiens l’idée de tutorat, c’est à dire quelqu’un vers qui vous pourrez vous tourner et demander "si je fais ou non le bon choix".

Le Baromaître : Chaque Bâtonnier inscrit son bâtonnat dans l’histoire du Barreau. Quels sont les traces que vous souhaiteriez laisser ?

F.S. : Nous sommes dans un mouvement de transparence et nous sommes allés bien plus loin que le programme pour lequel nous avons été élus (ndlr filmer les débats). Les membres du Conseil de l’ordre se sont pris au jeu. Il y a un bénéfice à ce que les avocats débattent en public.

Je souhaite d’ailleurs que les débats du Conseil d’administration de l’EFB soient aussi filmés et que les élèves avocats intéressés puissent les suivre pour comprendre l’ensemble des problématiques bien que j’admette qu’il y ait des problématiques de confidentialité.

Le Baromaître : A votre avis, quelle réforme de la justice doit-elle être entreprise ?

F.S. : L’urgence est la reconnaissance constitutionnelle qu’il n’y a pas de justice, pas de défense de droits, sans avocats libres, indépendants et tenus au secret professionnel.

Il est aujourd’hui question de lever le secret professionnel pour permettre aux lanceurs d’alerte d’agir. C’est de la délation. Moi, je n’ai pas envie d’une France maccarthysée où l’on dénonce les uns et les autres. Je n’ai pas envie de vivre sous la dictature du colonel Sponsz.

Le Baromaître : La France est toujours en État d’urgence, qui vient d’ailleurs d’être prorogé. Pensez-vous que cet État d’urgence peut conduire à limiter voire aller à l’encontre de certaines libertés ?

F.S. : C’est le cas. Le nombre des perquisitions est beaucoup plus élevé que le nombre de procédures qui ont suivi ces perquisitions. On nous dit très fièrement que 7% des perquisitions ont été suivies de procédures de mises en examen. Mais le reste des 93%, il leur est arrivé quoi ? Vous ne pensez pas qu’il y a un problème ? Ce qui fonctionne ce n’est pas la pêche au filet, c’est la pêche à la ligne. Ce qui fonctionne c’est quand une démocratie suit ses procédures. Aux États-Unis, il y a eu les attentats de tours jumelles, puis le Patriot Act, et les Américains sont revenus dessus.

Ce qu’il faut c’est repérer l’individu caché qui va se lancer dans un acte barbare et abominable. C’est d’ailleurs ce qu’expliquent les juges spécialisés qui connaissent le sujet. Ce n’est pas l’État d’urgence qui change grand-chose à ce qui doit être fait. Par contre, il faut avoir conscience que ce qui doit être fait doit l’être et que vous vivez dans une situation exceptionnelle.

Il y a des choses qui ne sont pas admissibles dans une société agressée. Nous sommes une société agressée. Il faut en avoir conscience mais ce n’est pas parce que nous sommes une société agressée qu’il faut pour autant suspendre les libertés. C’est toujours comme cela que se perd une guerre.

AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE | 37

Page 38: Le baromaitre n°3 l'economie collaborative

TRIBUNE LIBRE

Le Baromaître : Est-ce que vous pensez que la loi sur le renseignement peut s’analyser comme une sorte de Patriot Act à la française ? Si oui, pensez-vous que nous reviendrons dessus à l’avenir?

F.S. : La loi sur le renseignement est assurément un Patriot Act à la française. Il n’y a pas de secret là-dessus. Il y en aura d’autres et cela ne marchera jamais. En effet, appliquer des méthodes antiterroristes à l’ensemble de la répression pénale n’a jamais fonctionné. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. On peut suivre la méthode italienne, qui a à peu près marché, qui est de dire qu’il y a la répression pénale, pour certains crimes particuliers comme le terrorisme ou les crimes liés à la mafia, pour lesquels il y a une législation d’exception. Appliquer cette législation à l’ensemble de la répression ne pourra qu’échouer, nous n’en avons pas les moyens, et philosophiquement cela ne sert à rien. Donc, je ne comprends pas l'intérêt d'une loi qui, par avance, est inefficace.

Le Baromaître : Etes-vous familier de la notion d’économie collaborative? Pensez-vous que ce phénomène constitue un risque pour notre profession?

F.S. : Notre profession est éminemment indépendante et difficile dans la mesure où nous pouvons tout perdre du jour au lendemain. Mais, c’est aussi une profession solidaire, donc le mot économie collaborative doit résonner pour un avocat comme quelque chose qu’il identifie très bien. Ce sont des raisonnements typiquement ordinaux qui ont créé ce qu'est le Barreau au sens moderne du terme tel que nous le connaissons : le partage de la connaissance, des livres, des moyens. Tout cela ne doit pas faire peur.

Nous avons créé « un fonds de soutien récréatif » et j’espère que votre génération s’en servira. Nous, l’Ordre, nous sommes déjà capables de vous faire des avances financières pour soutenir un projet. Ces avances doivent permettre à d’autres d’imaginer et de venir également soutenir votre projet via le financement participatif. C’est déjà le début de l’économie collaborative qui vient derrière. Je ne pense pas que cela doit faire peur aux avocats et à la profession en général. De ce point de vue-là, nous devons être à la tête de la société et toujours accompagner ce mouvement.

Le Baromaître : Alors que peut-on dire à ces avocats qui rédigent des contrats ou des actes de la vie des sociétés, qui se retrouvent en concurrence avec des personnes qui ne sont pas dans la profession et qui permettent via un site internet de proposer les mêmes services à des prix beaucoup plus compétitifs ?

F.S. : Il y a deux schémas de développement économique qui sont possibles. Il faut à un moment que vous puissiez faire de la marge et faire du gain. On va voir un avocat car il sait traduire sa connaissance en un conseil. C’est quelque chose qui constitue votre valeur ajoutée, votre plus-value. C’est sur cette plus-value qu’il faut que vous réfléchissiez.

Mon sentiment, c’est que vous gagnerez en ne faisant pas que du droit. Vous vendrez du « coaching ». Vous accompagnerez avec un conseil humain. C’est cette plus-value qu’une machine ne peut pas donner et c’est cette plus-value là qu’aucun professionnel qui n’est pas avocat ne peut donner car elle est dans notre serment. Un des fondements de celui-ci c’est le mot « humanité ». C’est la nécessité d’avoir une plus-value, cette plus-value est éthique et elle se tourne vers l’humanité.

Le Baromaître : Que doit être l’EFB selon vous ? Envisagez-vous de supprimer cette école ?

F.S. : Rires. L’EFB doit être une école de pratique qui vous permette de finaliser vos études en vous donnant des connaissances permettant de passer en pratique les connaissances théoriques que vous avez et y ajouter la déontologie puisque vous donnez un sens à toutes vos études juridiques.

On pourrait supprimer l’école. Dans ce cas, on appliquerait le système allemand : deux années d’études supérieures et de stages extrêmement dures, gérées par les Universités, avec un niveau très sélectif. Il faudra concevoir dans ce cas un nouveau système.

Le Baromaître : Pendant la campagne, vous aviez 3 axes d’engagement pour l’EFB : structurer, partager (se tourner vers l’international) et rassembler. Cela fait 4 mois que vous êtes Président de l’Ecole, c’est court. Mais où en êtes-vous par rapport à ces objectifs ?

F.S. : La structuration a démarré. On a stabilisé un organigramme auquel je tenais beaucoup pour rendre plus de lisibilité. On a également créé un guichet d’accueil pour les élèves avocats et co-écrit un cours de déontologie.

Il ne reste plus qu’à attaquer l’international de proximité et les discussions ont commencé. Je m’occupe de l’Allemagne car ce système suppose en effet que l’on soit d’accord avec l’État (il faut donc plusieurs votes de l’Université en plus de la signature de l’État). C’est donc un système compliqué mais je pense avoir trouvé un filon pour que nous puissions avoir des échanges efficaces avec l’Allemagne.

38 | AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE

Page 39: Le baromaitre n°3 l'economie collaborative

TRIBUNE LIBREMadame la vice-Bâtonnière travaille quant à elle au rapprochement avec l’Espagne, en particulier les Barreaux de Madrid et de Barcelone. Nous avons aussi la possibilité de nous rapprocher de l’Italie mais cela sera dans un deuxième temps.

Ce sont des objectifs très concrets. Mais là encore, cela est plus difficile que je le croyais car nous avons plusieurs étapes de législation à passer.

J’ai un peu revu mes objectifs à la baisse. Mais au moins, nous aurons posé les bases notamment sur les échanges avec l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne, le Luxembourg et la Suisse.

Concernant le partage, compte tenu de la difficulté qu’il y a à faire bouger les choses, ma priorité est la publicité des débats du Conseil d’administration. Après, j’attends beaucoup de l’AEA car je pense que c’est à vous de vous saisir des sujets.

Vous m’avez interpellé hier en demandant si je comptais organiser des États-généraux des élèves avocats. J’y compte bien. Mais attention, il faudra les organiser et il faudra du concret c’est à dire des vrais commissions de travail.

Au prochain Conseil d’administration, je vais lancer l’idée de la participation des élèves avocats aux travaux du gouvernement. Nous nous ferons le relais de ce que vous, élèves du Barreau, nous direz. Ce sera l’occasion pour vous de prendre part au débat national.

Enfin, il est temps que vous fassiez du sport. J’ai l’idée de manifestations culturelles, sportives. Mais c’est à vous de vous en saisir. Il faut donc trouver l’axe de communication qui vous intéresse.

Le Baromaître : La promotion Henri Leclerc s’apprête à embrasser la profession d’avocat dans l’angoisse. Les élèves ne savent pas où ils feront leur première collaboration. Comment concrètement, vous entendez les aider ?

F.S. : Moi, tout seul, c’est impossible. Essayer de trouver une solution, oui. J’ai pensé à deux pistes. D’abord formaliser le partenariat avec l’UJA, qui est la délégation qui aide à trouver des collaborations.

Nous devons par ailleurs porter le regard au-delà de Paris (banlieue et province). Votre génération est par définition très mobile. Vos axes de recherche doivent donc être structurés au niveau national.

Après, il va falloir que la chance soit avec vous et nous vous aiderons au maximum pour que vous trouviez.

Le Baromaître : Sans parler de numerus clausus, ne pensez-vous pas qu’il est hypocrite voire irresponsable de laisser le nombre d’élèves avocats s’accroître à chaque nouvelle promotion ?

F.S. : Je le pense. Il faudrait établir un examen national pour que nous garantissions à tous l’égalité de l’épreuve pour entrer dans la profession, et qu’au lieu d’avoir 3.000 jeunes qui prêtent serment chaque année, nous en ayons 2.500. C’est la voie étroite qui est la meilleure : il faudrait donc sélectionner par écrit au niveau national puis avec des épreuves orales qui ne seront que complémentaires.

Le Baromaître : Quels conseils donneriez-vous à un jeune élève avocat ?

F.S. : Je donnerai deux conseils.

Tout d’abord, allez en cours. Vous embrassez une profession, et en embrassant cette profession, l’école c’est fini. Vous n’y allez plus parce que c’est obligatoire mais parce que le peu que vous allez y apprendre vous est vital pour l’avenir.

Ensuite, faîtes ce qui vous plait. Choisissez de manière raisonnable mais faîtes ce qui vous plait. On ne reste dans cette profession que parce qu’on a la curiosité de l’autre et la curiosité des matières. Soyez curieux et choisissez la spécialisation qui vous convient. Même si le marché est plus dur, faîtes ce qu’il vous plait.

Propos recueillis parClémence AMARA-BETTATI

et Florent GASSIES,Elèves avocats.

Avec l'aide de Stéphanie MANGUELE et Grégoire SILHOL.

Elèves avocats.

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Page 40: Le baromaitre n°3 l'economie collaborative

TRIBUNE LIBRE

Pour les cellules terroristes, Internet est devenu le moyen de communication le plus efficace. A travers Internet, elles

planifient et endoctrinent pour atteindre des fidèles adeptes partout dans le monde. Les correspondants du « jihad » islamique sont les plus organisés et maîtrisent parfaitement l’utilisation d’Internet. Internet a permis à ces groupes d’intensifier leurs travaux sur les questions primordiales comme la réalisation de l’homogénéité et l’identité de leurs groupes1.

Endoctrinement, entraînement, diffusion de l’information et communication entre les différentes cellules, sont répandus instantanément à travers le monde2.Internet est devenu un dispositif important d’endoctrinement à travers deux procédés cruciaux : l’information et la communication.

INTERNET, UN DISPOSITIF D’ENDOCTRINEMENT

L’endoctrinement est un élément très important dans le terrorisme3. A travers Internet, les dirigeants des mouvements terroristes diffusent des images, des textes

et des vidéos pour que les autres membres dans d’autres pays du monde puissent avoir connaissance de toutes les questions portant sur la souffrance de la communauté islamique. Ces documents font appel à l’empathie, exhortent à prendre la place de ceux qui souffrent et à prendre les armes pour leur défense5.

De la même manière, ces dirigeants exhibent tout le matériel montrant leurs « réalisations » terroristes. Leur objectif principal est de remonter le moral des terroristes et leurs partisans et de les encourager à l’accomplissement d’autres actes terroristes, en les classifiant même comme « trophées de guerre ».

Ainsi, Internet joue un rôle déterminant dans l’entraînement des actuels et futurs « soldats » du « jihad » islamique. A travers le réseau sont distribués des manuels opérationnels qui sont des fondamentaux pour les actions terroristes6. Ces entraînements en ligne sont dispensés à des cellules dispersées dans plusieurs endroits du monde. De plus, il s’agit d’offrir des conseils sur des thématiques comme les armes nucléaires de destruction massive, la

INTERNET AU SERVICE DU « JIHAD »

1 JORDÁN (Javier), TORRES (Manuel R.), Internet y actividades-terroristas: el casodel 11-M”. In: El profesional de la información, 2007, mars-avril, v. 16, n°. 2, pp. 123-130.

2 Op. cit.

3 L’endoctrinement renforce le sens d’appartenance à un groupe, donne un cadre de légitimité pour des actions terroristes.

4 Les souffrances en Irak à cause de l’invasion américaine ou en Palestine.

5 Op.cit.

6 Par exemple comment poser une bombe, com-ment fuir, que faire en cas d’arrestation par la police et beaucoup d’autres détails de base pour ceux qui exercent ou exerceront des actions directes pris en considération par les organisations terroristes.

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guerre des guérillas ou les embuscades, avec l’intention de faire du terrorisme un « jihad » et une guerre, mais avec d’autres éléments et objectifs7.

LE RÔLE DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION DANS LE « JIHAD »

CYBERNÉTIQUE

Pour la promotion du terrorisme, la facilitation de l’information est une prérogative qui permet aux groupes terroristes armés d’accéder à l’information disponible sur le réseau Internet. A travers des « objectifs souples »8, ils offrent sur leurs propres sites web des données d’informations très importantes et utiles9. Pour l’établissement des communications, surtout privées10, le réseau web, à son tour, offre beaucoup de facilités de diffusion des actions terroristes, ainsi que les fondements islamistes justifiant le « jihad », à travers les pages web et les vidéos11.

Le téléphone mobile est également un élément nécessaire qui sert les « jihadistes » de manière ahurissante. Il est devenu un allié indispensable pour l’organisation de leurs actions. Mais cet allié peut devenir le pire ennemi du terrorisme en quelques secondes12. En effet, c’est à travers l’analyse du téléphone de Sid Ahmed Ghlam, principal suspect dans l'enquête sur l'attentat déjoué contre une église de Villejuif, que les enquêteurs ont pu découvrir des contacts en Syrie. Les enquêteurs sont aussi rapidement parvenus à déchiffrer le téléphone de Yassin Salhi, auteur présumé de l'attaque en Isère, et ont découvert sa connexion syrienne13.

Internet est même devenu un hypothétique champ de bataille. Il est probable de prévoir une future « cyber-guerre » entre la communauté terroriste islamiste et l’Occident. Jusqu’à présent, les attaques cybernétiques qui ont été

perpétrées n’ont pas été d’une amplitude suffisante pour les considérer comme importantes. Il se peut cependant que, à l’avenir, nous soyons confrontés à un « jihad » purement virtuel étant donné la cyberdépendance qui touche actuellement le monde occidental et l’importance d’Internet dans l’économie mondiale. Internet pourrait devenir le terrain de prédilection des terroristes afin d’attaquer notre économie qu’ils considèrent contraire à leurs principes.

Est-il est possible d’attribuer l’avancée de la violence organisée et l’expansion du terrorisme global à Internet ?

De facto, les voies infinies de la liberté d’expression qu’offre Internet créent des dichotomies au cœur même des libertés fondamentales.

Ahlem HANNACHI

Docteur en Droit

7 Op. cit.

8 Par exemple les synagogues, les centres commerciaux, les discothèques, les écoles chrétiennes et juives, les stations d’autobus et de métro, les gares, les aéroports, etc.

9 Par exemple l’adresse, l’heure d’ouverture et de fer-meture, visite virtuelle et d’autres détails qui peuvent être utilisés par les exécutants lors de la réalisation de leurs objectifs terroristes.

10 Les mails électro-niques, facebook.

11 Téléchargement des vidéos sur Youtube. Op. cit.

12 Op.cit.

13 Attentats : le Smartphone, meilleur ami ou ennemi des terroristes ?, Jérémie Pham-Lê et Eric Pelletier, Journal LEXPRESS.fr, le 14 aout 2015. Disponible sur le site : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/jus-tice/attentats-le-smart-phone-meil-leur-ami-ou-en-nemi-des-terro-

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Philippe Bilger, ancien avocat général et intervenant à l’Ecole de Formation des avocats de la Cour d’appel de Paris, nous a reçu et a

répondu aux questions de l'équipe du Baromaître. Cet entretien a fait l'objet d'une interview disponible sur la chaîne youtube du "Baromaitre". Nous vous en livrons des propos choisis.

Le Baromaître : Tout d’abord, quelle est votre formation ? Et qu’est-ce qui vous a poussé à devenir avocat général ?

Philippe Bilger : Au départ je ne voulais pas du tout être magistrat, j’ai fait une licence de lettre classique, j’ai présenté normal sup lettres à la rue d’Ulm et j’ai échoué.

Je voulais être écrivain, éventuellement professeur, mais j’ai compris très vite que je détestais enseigner. Je n’ai pas fait de licence en droit parce qu’il fallait vraiment que j’ai un métier, sous l’influence de ma mère, et j’ai réussi miraculeusement le concours de l’ENM grâce à la culture générale et l’anglais, en revanche j’ai failli être éliminé à cause du droit civil. C’est un métier qui finalement correspond véritablement à des tréfonds en moi et qui m’a offert la belle opportunité d’abord d’une fonction que j’ai adorée, puisque j’ai eu la chance d’exercer deux justices de luxe : le droit de la presse et la Cour d’assises, et de me permettre une infinité d’autres activités à côté de ce noyau central. Si je n’ai qu’un conseil à vous donner plus tard, c’est de choisir un métier qui vous permet de faire mille choses en même temps que vous l’exercez.

En réalité, d’emblée je me suis située dans la magistrature en ayant une profonde répugnance à l’égard du droit, pour lequel je n’ai jamais été doué, mais en ayant toujours l’opportunité de pouvoir appréhender cette double justice de luxe grâce à la culture littéraire et j’allais dire presque morale.

Le Baromaître : Est-ce qu’il y a des dossiers qui vous ont marqué en droit de la presse et en droit pénal ?

P.B. : Bien sûr, en droit de la presse j’ai connu des affaires diverses notamment les deux procès engagés par Jean-Marie Le Pen contre Libération et Le Canard enchainé qui avaient dit qu’il avait torturé pendant la Guerre d’Algérie. J’étais au Ministère public et j’ai connu également d’autres procès très passionnants comme Laurent Wetzel sur Marcel Paul, Duverger contre Actuel.

J’étais plutôt à la 17ème chambre, c’était des procès passionnants car la plupart du temps, les instructions implicites de la hiérarchie étaient de demander au parquet de ne rien dire. Plus l’affaire était importante culturellement, socialement, judiciairement, moins il fallait en dire. Et là, j’ai toujours été en porte à faux - et je n’ai jamais eu de soucis « officiel » avec ça - mais je pense que je créais une forme d’insécurité pour la hiérarchie. J’ai toujours refusé de me taire à partir du moment, précisément, où j’étais dans une section qui imposait encore plus la parole et le point de vue du parquet.

En pénal, j’ai été à Bobigny au Tribunal correctionnel avec des grosses affaires de stupéfiants. Et, aux assises, j’ai connu un certain nombre d’affaires très

ENTRETIENM. phIlIppe BIlGeRMAGISTRAT HONORAIRE ET ANCIEN AVOCAT GÉNÉRAL

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passionnantes. Dans les affaires classiques, il y avait des affaires médiatisées ou non, mais les rares qui m’ont paru extraordinaires, étaient celles où d’une certaine manière, je ne requérais pas contre l’accusé mais avec lui. Des affaires où, au fond, la cause était entendue avant même que je requière parce que j’avais affaire à des accusés exceptionnels, qui avaient peut-être commis le pire à une certaine époque, mais qui me permettaient des échanges, grâce à eux, de haut niveau. Parfois, je trouvais presque dans ces cas-là la présence d’un Président superfétatoire. Au fond, c’était des choses qui se faisaient avec eux parce qu’ils collaboreraient très directement à l’œuvre de vérité.

Le Baromaître : Vous avez toujours eu la volonté d’incarner la liberté d’expression, alors que pensez-vous de cette phrase de Vincent de MORO-GIAFFERRI : « L’opinion publique, chassez-la, cette intruse, cette prostituée qui tire le Juge par la manche » ?

P.B. : Je n’incarne pas la liberté d’expression, j’ai toujours tenté, autant que j’ai pu, de la respecter et de ne jamais céder.

Pour ma part je n’ai jamais cédé à cela parce que tout simplement, j’étais au Ministère public. J’avais un rôle parmi d’autres, mais je ne suis pas sûr que certaines décisions, au-delà même des justices de luxe auxquelles j’ai participées, n’aient pas été parfois plus sensibles au trouble créé pour l’opinion publique qu’au trouble à l’ordre public, ce qui est très différent. C’est sûr que l’on ne peut pas complétement négliger l’émoi de l’opinion publique : il arrive, il surgit tout de suite mais la grande magistrature à mon sens, c’est celle qui a le courage parfois, à la fois de tenir compte de ce qu’elle a fait surgir dans le débat mais évidemment de s’en extraire lorsque la justice impose une réflexion sereine, plus lucide et plus maitrisée.

Le Baromaître : Est-ce qu’il y a dans une de ces « justices de luxe », un dossier qui vous a marqué plus que les autres ?

P.B. : Dans la justice du droit de la presse, il y a eu des affaires parfaitement anodines et banales. Je ne veux pas laisser croire qu’à chaque seconde il y avait une intensité intellectuelle et judiciaire, ce serait mentir. Mais, j’étais dans une section de la presse et des libertés publiques très médiatisée, et pour moi, la hiérarchie de la grandeur et de la petitesse n’avait pas de sens dans la mesure où de manière

narcissique peut-être, j’ai toujours considéré qu’une affaire ne devenait importante pour moi que lorsque j’avais de la volupté à m’exprimer. Cela ne renvoyait absolument pas à la vanité de « l’être Bilger », mais au grand bonheur d’avoir à dire des choses sur des thèmes passionnants, qui dépassaient le champ clos de l’audience et imposaient qu’on appréhende des sujets d’intérêts généraux ou sociaux.

Le Baromaître : Et l’avocat qui était en face de vous, que pensez-vous de son rôle en tant qu’avocat ?

P.B. : Il a un vrai rôle aux assises, la parole et l’intelligence du procès, la qualité de la plaidoirie. Il faut bien comprendre que la force et la faiblesse de la cour d’assises c’est qu’elle exige l’excellence, c’est à dire qu’elle exige un président remarquable, une défense de haut niveau, si possible un avocat général convenable, un avocat de partie civile tout à fait valable. Et, lorsque l’on ne trouve pas l’ensemble de cela, la cour d’assises peut sensiblement ou considérablement se déliter. S’il n’y a pas une grande parole, s’il n’y a pas d’écoute, s’il n’y a pas une contradiction, dans quelque support que ce soit, il n’existe pas un grand avocat général lorsqu’il n’a pas techniquement de grande défense en face.

Le Baromaître : Et celui d’un grand président ?

P.B. : Beaucoup m’ont obligé à me détourner de l’objet central de la cour d’assises, qui est d’écouter, de questionner, de comprendre.

Personnellement, j’aurais souhaité qu’on vienne à une procédure américaine au niveau de l’audience, et contrairement à ce que l’on croit en France, il aurait été encore plus difficile de trouver des présidents à l’américaine que les présidents inquisitoires à la française, parce que c’est finalement plus facile comme démarche intellectuelle d’être dans notre situation en France que d’être un président exemplaire, un arbitre comme aux États Unis.

Des présidents, j’en ai connu quelques-uns de remarquables. Mais, en définitive, il y a vraiment eu deux présidents que j’ai trouvé remarquables, un président qui s’appelait Floch, qui a été un grand magistrat instructeur ; et, je pense que le plus grand président de cour d’assises pour lequel j’étais descendu spécialement à Aix-en-Provence, c’est Bernard Fayolle, très remarquable et meilleur que tous ceux que j’ai entendu à Paris. Un jour, il a voulu venir à Paris et je rêvais de le voir aux assises, et comme il est de juste dans notre système,

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comme il était doué pour les assises, on lui a proposé éventuellement un autre poste ; il a dit non et est resté à Aix-en-Provence.

Il y en a un autre également, un très grand président qui s’appelait Henri-Claude Le Gall, le plus grand crack en matière de procédure criminelle, qui a présidé la Cour de justice et qui notamment avait présidé un procès extraordinaire que j’avais eu, où Yves Chalier, l’ancien chef de cabinet d’un Ministre de la Coopération dévoyée, Christian Nucci, est passé aux assises. Le Gall avait été extraordinaire car c’était la première fois que de manière spontanée il avait mis en œuvre ce que j’appellerai une procédure parfaitement accusatoire. Il ne laissait presque pas poser de questions aux jurés, lui-même n’en posait pratiquement aucune, mais pas par effacement, par intelligence. Cela, c’est tout à fait fondamental, Fayolle également avait su faire le partage de manière remarquable entre l’accusatoire et l’inquisitoire.

Le Baromaître : Reconnaissez-vous qu’actuellement, en procédure pénale française, certains présidents prennent des positions indirectes dans un sens ou dans l’autre en cour d’assises ? C’est par exemple ce que soutient Me Dupont-Morretti dans son livre « La bête noire ».

P.B. : Je ne le dirai pas et il ne faut pas voir cela dans ma précédente réponse. La conception qu’a Eric Dupont-Morretti de la magistrature est très commode pour l’avocat parce que lorsqu’il parle de l’impartialité du magistrat, lorsqu’il parle de la culture du doute, au fond il rêverait d’un magistrat qui ne tranche jamais et qui donnerait forcément raison au brillant avocat et à l’exceptionnel plaideur qu’il est. Bien sûr, j’admets volontiers qu’il nous donne des conseils judicieux.

Ce que je crois fondamentalement c’est que, d’abord, les présidents ont progressé au point que j’ose dire que dans mes dernières années, les droits de l’accusation étaient davantage à protéger que ceux de la défense. On a eu des présidents syndiqués dont je pense que la "bête noire" n’était pas le barreau mais l’accusateur public. Plus globalement, ils se sont améliorés, les coups de boutoirs des grands avocats ont servi à quelque chose. Peu à peu, le président s’est effacé de manière intelligemment ostensible et puis la présence des jurés qui n’était pas la même qu’à une certaine époque. Donc, je ferais attention en répondant et je récuse le fait, sans ironie, que pour quelques très grands avocats, une cour d’assises a nécessairement mal fonctionné lorsqu’il a perdu son procès. C’est pour ça que je ne crois pas non plus à la mythologie

de l’erreur judiciaire qui trop souvent vient couronner abstraitement quelque chose qui relève de l’échec judiciaire de la part de tel ou tel plaideur, et parfois moi-même quand j’étais avocat général. Une fois cela dit, il est évident que j’admets bien volontiers que les parties ne sont jamais à la hauteur de leur idéal et que j’ai connu des présidents qui m’exaspéraient parce qu’ils donnaient subtilement leur opinion.

Le Baromaître : Vous parlez des droits de l’accusation mais aujourd’hui, en plein État d’urgence avec 400 perquisitions pour arrêter Salah Abdeslam, quels sont les droits de la défense ?

P.B. : J’en suis ravi, les droits de la défense ont encore plus d’importance à partir du moment où les droits qui lui sont reconnus ne sont pas reniés. Je ne vais pas jouer à l’hypocrite avec vous, l’État de droit est en train de se vertébrer et de devenir vigoureux parce que nous sommes confrontés à un danger unique et qui va perdurer. Mais, je comprends tout à fait qu’à un certain moment il faudra bien arrêter l’État d’urgence et donc le raisonnement que je tiens à l’égard de la défense, ça n'est pas un paradoxe. Je pense qu’avec les moyens qui sont les siens aujourd’hui, la défense va être d’autant plus nécessaire dans la lutte contre ce qui pourrait relever de l’abus de pouvoir d’un État très largement inspiré par le Ministère de l’intérieur, la Police et l’État tel que vous l’entendez, donc la présence de l’avocat sera encore plus fondamentale.

Mais, je ne suis pas corporatiste, je récuse absolument les doléances des magistrats. Aujourd’hui, on a de la chance, le meilleur des magistrats c’est le premier, Bertrand Louvel, premier président de la Cour de Cassation. Mais je n’aurais pas peur, un magistrat est capable de comprendre que l’on mette entre parenthèses pendant quelques temps l’étendue de ses pouvoirs dans le cas où l'on serait dans une crise qui ne permettrait pas le raffinement et la sophistication des procédures judiciaires. Je n’ai pas le sentiment que la justice soit mise sur la touche à partir du moment où elle est capable elle aussi de prendre conscience de circonstances exceptionnelles qui ne deviendraient dramatiques que si, de manière durable, l’État de droit tel que je le connais aujourd’hui ne redonnait pas un peu de lustre à la justice traditionnelle.

Le Baromaître : Par cette Etat d'urgence, n’en viendrait-on pas à toucher aux libertés individuelles de personnes qui ne le mériteraient pas forcément ?

P.B. : A chaque tragédie, c’était vrai après l’affaire Merah, cela a été vrai en janvier 2015, il y a cet

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éternel débat entre sécurité et liberté. Après le consensus crée par l’indignation devant les crimes, on a un certain nombre d’intellectuels, de sociologiques, de professeurs de droit qui viennent nous dire « attention on est en train de perdre un peu nos libertés » et j’ai envie de leur répondre « et alors ? ». En ce qui me concerne, cela n’a jamais été un problème. Je suis prêt à perdre un peu de mes libertés pour la sécurité de tous. Si c’est « le prix à payer », ce n’est pas un prix honteux et dégradant, et je suis ravi de participer à quelque chose qui servira la tranquillité publique collective, à partir du moment où l’on n’est pas dans un état dictatorial.

Pourquoi j’éprouve cette volonté d’adhésion à ce qui se passe aujourd’hui ? C’est que même dans les temps ordinaires, j’ai toujours considéré que l’on avait une définition trop émolliente de l’État de droit. En ce qui me concerne, j’ai toujours considéré que cette définition, même dans les temps non troublés, ne semblait privilégier que les droits et garanties des transgresseurs alors que, pour ma part, je serais très sensible à un État de droit dont la principale vocation serait de satisfaire et défendre par une habile alliance entre les droits et devoirs de chacun, l’infinie, l’immense société des honnêtes gens.

Le Baromaître : État de droit, État d’urgence et justice : est-ce qu'aujourd’hui, la justice doit être réformée ?

P.B. : Je ne suis pas sûr. J’ai été un enthousiaste absolu de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, on a eu des bouts de politiques pénales que j’ai approuvées. J’attendais beaucoup de Christiane Taubira et je constate qu’elle a été une somptueuse catastrophe. La contrainte pénale, c’est une loi parfaitement superfétatoire, inutile : il fallait bien qu’elle accolât son nom sur une loi. Quand on pense que son bilan c’est ça tout de même. En 4 ans, un projet de loi sur les mineurs que, peut-être, Jean-Jacques Urvoas ne reprendra pas, la contrainte pénale et évidemment le sacro-saint mariage pour tous. C’est tout de même peu pour une politique pénale, parce que pendant quatre ans, elle a pensé que son verbe servirait de politique.

Le Baromaître : La contrainte pénale n’est pas une amélioration, un moyen de lutter contre la récidive ? Pourtant, les statistiques le montrent.

P.B. : Là, je n’ai aucun scrupule à vous contredire puisqu’aujourd’hui tout le monde est d’accord sur le

fait que la contrainte pénale a été très peu utilisée. C’est peut-être à cause des magistrats, mais c’est surtout car elle n’avait aucun sens. Déjà, quand on a un bilan calamiteux, a-t-on l’idée de proposer une loi qui est le clone du sursis probatoire même si en réalité la contrainte pénale est une sanction autonome. Mais c’est là où, profondément, le réactionnaire que je suis se distingue. J’entends bien que la prison peut avoir des effets délétères sur certaines destinés, mais je ne suis pas du tout d’accord avec l’école du crime et toutes ces bêtises que la gauche malheureusement a mis dans la tête de la droite également. Mais, en revanche, je considère tout bêtement que le responsable du délit, c’est le délinquant, de la récidive, c’est le récidiviste et du crime, le criminel. Ensuite que l’on vienne, dans le jugement de l’affaire, enrichir tout cela avec des données pénitentiaires, pourquoi pas. Mais, c’est là l’erreur profonde de Christiane Taubira et cette gauche doctrinaire, c’est qu’elle est persuadée que la prison crée la récidive, ça n’est pas vrai.

Et paradoxalement, si vous me permettez, la position que je tiens est plus conforme à la leur parce-que, qu’est-ce que c’est que cet être qui est vidé de toute substance, que l’on estime être le jouet des éléments et du destin, tandis que moi je le crédite de l’honneur de savoir ce qu’est une liberté, une lucidité et une capacité à diriger sa vie avec un environnement qui peut créer des chances ou des risques. Jamais de la vie je n’ai prétendu méconnaitre le fait que, tout le monde, dans un environnement social, n’a pas les mêmes chances. Mais, il reste toujours le « je » qui, peu ou prou, renvoie à une forme de responsabilité et de liberté et lorsque l’on prétend en permanence que la prison est l’école du crime, on vide l’humain de son humanité.

Le Baromaître : Qu’est-ce que vous faites aujourd’hui à part écrire en tant que chroniqueur du Figaro ou sur votre blog ?

P.B. : Au fond, ce métier que j’ai choisi par hasard, il est devenu durant 40 ans une véritable passion car il n’a jamais été un métier. Je crois que si je n’avais pas eu ces plus de 20 ans aux assises, je ne serai pas devenu plus caractériel que ce je suis, mais je pense que je n’ai jamais vu la cour d’assises comme une charge ou un métier mais comme la continuation d’un être, d’une vie intime qui aime l’extrémité, l’intensité, la compréhension d’autrui, parce que tout simplement, cet être-là retrouve les chemins obscurs et éclatants et que, au fond, tout à coup à l’audience, à la cour d’assises, peu ou prou il a pu les emprunter à son tour. Ça n’a jamais été une

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psychanalyse, ce qui serait une catastrophe, mais je l’ai vécu comme une sombre chance car évidemment on est confronté au crime et à la détresse de victimes.

Mais aujourd’hui, depuis 2011, j’ai pu continuer, j’ai l’impression de faire la même chose que durant 40 ans, j’ai la faiblesse d’essayer de penser, j’espère y parvenir parfois, d’écrire et de parler. Je ne termine plus par des réquisitions. Mais, l’atmosphère générale de la cour d’assises, au fond telle qu’elle me passionnait, et qui ne mettait pas entre parenthèses la sanction, j’ai l’impression de continuer à le vivre dans la formation que je donne pour « l’Institut de la parole » et puis plus globalement dans cette liberté absolue qui est la mienne, qui est sans arrêt brimée, ou plutôt contestée car c’est comme si, en réalité, on aimait rendre hommage à la liberté d’expression mais que l’on détestait profondément l’être qui l’assume dans sa plénitude.

Le Baromaître : La parole, « l’Institut de la parole », est-ce que vous pouvez nous en parler ?

P.B. : « L’Institut de la parole », c’est quelque chose que j’ai toujours voulu créer même lorsqu’à la cour d’assises, je pouvais, en quelques sortes, me contenter d’écouter les autres. J’ai beaucoup évolué sur la définition de l’éloquence. Au début, c’était peut-être je le suppose un petit peu comme vous, j’avais une conception esthétique de l’éloquence, j’admirais les avocats qui étaient capables de donner à leur forme un tour somptueux. Puis peu à peu, je me suis rendu compte qu’au fond ce qui comptait, c’était une banalité, à savoir l’intelligence, et peut-être au-delà, la personnalité qui se projette dans le débat et qui montre les vertus qui l’imprègne.

J’ai toujours voulu créer cet Institut de la parole qui renvoie à la certitude qu’il n’existe pas de parole authentique et convaincante s’il n’y a pas un être tout entier qui se projette dans l’espace. Autrement dit, j’ai voulu démontrer la double validité du propos suivant : la parole est une chance, la parole authentique, intense, pas la parole utilitaire, et pour exister il faut parler. Le lien fondamental entre parole et être à la fois sur le plan de la psychologie et sur le plan de la technique révèle qu’il n’y a pas de recette et de technique mais simplement un être jeune ou moins jeune qui va se greffer sur le formidable capital humain qui est le sien et qui va tenter de faire ce que l’on ne fait plus, c’est à dire parler en même temps que l’on élabore sa pensée. Je ne surestime pas l’exercice, d’autres sauraient le faire mais c’est autre chose de faire la même chose dans le cadre d’un discours même de cinq minutes où vous choisissez un sujet, le structurez dans votre tête

et de faire un discours construit, libre et spontané. Je peux vous assurer que plus personne ne sait le faire et c’est ce que je cherche à apprendre.

Le Baromaître : Vous essayez d’enseigner la parole, mais est-ce que la parole n’a pas déjà trop de place ? Ne sommes-nous justement pas dans une société en excès de communication notamment dans la sphère politique ?

P.B. : La parole qui domine dans l’espace médiatique culturel et politique, c’est une parole sans contenu, vide de sens car elle n’a pas le loisir d’être authentique, sincère, courageuse. Mais rien n’interdit aux êtres qui sont dans cet espace-là de donner de la densité à leur parole tout simplement en affirmant leur propre identité.

Moi, je trouve lamentable, en effet, que le débat public soit en train de se dégrader tout simplement parce-que, ou bien les êtres croient qu’ils n’ont plus le droit de tout dire à cause par exemple de l’inconditionnalité partisane, ou bien tout simplement parce qu’ils n’ont plus la dialectique suffisante, avec la richesse du langage et du vocabulaire pour savoir traduire une pensée qui elle-même devient de moins en moins complexe. Il faut bien comprendre, et pour vous ça doit être le cas, vous qui représentez l’avenir : attention, plus le langage devient pauvre, plus la pensée le deviendra et plus la pensée est pauvre plus le langage le deviendra.

Je ne veux pas tomber dans un radotage, mais les humanités ont disparu, la pauvreté de la pensée vient aussi du fait que des êtres pourtant intelligents, qui se croient très importants ne sont plus capables de mettre dans leur discours de quoi l’emplir.

Le Baromaître : Vous parlez des liens entre le physique et la parole, entre ce que l’être ressent et ce qu’il capable de dire, entre ce qu’est une pensée et comment le corps l’exprime. Vous-même, quand vous deviez vous exprimer, vous ressentiez physiquement des choses ? Vous ressentiez de la pression ou de la peur ? Ou cela devient-il un quotidien ?

P.B. : C’est une très bonne question, car elle renvoie à une affirmation très juste d’un immense avocat qui est un ami, Thierry Lévy qui disait dans un très grand livre, avec Jean-Denis Bredin : « on a la parole de son corps ». Donc vous avez totalement raison. Mais, moi-même, comme j’ai décidé de tout vous dire, c’est sûr que j’ai vécu et je continue à vivre une relation très malaisée avec mon corps, avec mon

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être physique, j’aurais rêvé de la grâce, de l’élégance, j’aurais rêvé l’urbanité absolue, je sens en moi sur tous les plans physiques et tout ce qui fait l’écorce, une sorte de rusticité, j’admire les élégants, je hais mon cheveu sur la langue mais évidemment j’ai ce trac, j’espère celui de l’intelligence, qui s’efface au bout d’une minute lorsque la volupté, l’allégresse de la parole qui convainc intervient. Et, c’est pour ça que j’insiste sur le fait qu’il n’y a pas de recette ou de technique, je ne veux pas décourager tous ceux qui, comme moi, ont peut-être un rapport malaisé avec leur propre corps et, en même temps, j’ai eu la grande chance de ne plus en tenir compte.

Je ne parle pas de moi là, mais de la même manière que Balzac était un romancier génial car son génie littéraire a dominé son idéologie et sa philosophie, je souhaite à tous ceux qui veulent embrasser la parole d’avoir assez d’intensité et de talent, si j’ose ce terme, pour dominer les peurs qui peuvent être les leurs. Il y a un moment où l’allégresse de convaincre et de parler doit reléguer ou faire disparaitre tout ce qu’une conscience et une lucidité peut vous apporter de pire sur vous-même.

Le Baromaître : Est-ce votre conseil pour nous, jeunes avocats ?

P.B. : Etre vous-même. Pardon de revenir sur « l’Institut de la parole » mais j’ai entendu tellement de questions stupides, de futurs avocats me disant « à quoi va nous servir la parole, je ne vais pas plaider, je serai avocat ». Je leur disais, mais la parole que je veux vous enseigner, elle est valable y compris sur le plan professionnel c’est un outil humain, fondamental qui va vous servir partout.

Donc, le conseil, c’est évidemment d’être vous-même, de vous méfier des conseils, des techniques et des recettes. Vous aurez une terrible rançon au début : l’imperfection. Mais moi-même et d’autres avec moi en ont. L’imperfection ne sera pas guérie par l’imparfait du subjonctif qui n’est pas notre souci ; elle sera guérie pas une capacité à nous projeter avec intelligence, liberté, spontanéité dans l’espace public et dans l’espace professionnel avec, et c’est là où j’insiste, « être soi ». C’est un conseil très fort que je donne, mais avec tout ce que vous devez cultiver et améliorer, avec cette culture générale qui est fondamentale. On ne peut pas devenir un grand maître de la parole au barreau ou ailleurs si l'on n’a pas de quoi le remplir, même si on a une intelligence abstraite qui est là, il faut tout de même qu’elle ait de la substance.

Très souvent, c'est ce qui pose problème dans cette parole scolastique, théorique, byzantine. Je pense à certains grands avocats qui, parfois, n’auraient pas été loin d’entrainer un fou rire chez ceux qui les entendaient tellement le chemin était parallèle entre le formalisme splendide de l’expression et la stratégie de conviction complètement appauvrie.La parole, comme le dit Thierry Lévy, c’est ce que l’on attend, c’est ce qui va venir, c’est ce que l’on espère. Il y a tant de gens dont on n’espère pas la parole. Pourquoi on l’attend ? Car ce n’est pas une parole uniquement qui respecte le formalisme de l’imparfait du subjonctif ; c’est une parole dont on est à peu près sûr qu’elle n’ennuiera pas, qu’elle sera écoutée. C’est dans ce sens-là, pour tomber dans un narcissisme nostalgique, j’ai toujours été invité dans les médias non pas parce que j’occupais des postes importants mais puisque l’on était assuré qu’avec moi il y aurait la liberté d’un être. Cela montre que c’est tout de même assez rare alors que j’ai trop bien et souvent cultivé l’art de déplaire.

Propos recueillis par Florent GASSIES,Elève avocat.

Avec l'aide de Malcolm Mouldaia-Mauger, et Blanche Henry-Ecouellan, Elèves avocats.

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TRIBUNE LIBRE

Les Micycles, troupe de théâtre de l’EFB, joue la pièce Songe d’une nuit d’été de William SHAKESPEARE, le 24 juin au théâtre Adyar

(réservation sur le site www.yesgolive.com). Dylan SLAMA et Alice ALTUN, tous deux élèves avocats et respectivement président et membre de la troupe, livrent un retour d’expérience sur leur année au sein de l’association.

DYLAN SLAMA : NAISSANCE DES MICYCLES

Depuis la fin du lycée, j'ai toujours souhaité faire du théâtre. La vie étudiante étant ce qu'elle est, il est aussi difficile de trouver le temps que l'opportunité de monter sur scène. Enfin, l'EFB vint. Au regard de la capacité des (élèves-)avocats à s'écouter parler, j'ai été très étonné de constater qu'aucune troupe de théâtre n'existait dans cette école.

Qu'à cela ne tienne ! Avec quelques camarades, nous nous sommes réunis au printemps 2015 dans un café dénommé « L'entracte » - un signe ? - pour dessiner les contours de cette future troupe.

Rapidement, plusieurs points ont été arrêtés : création d'une association, représentation en début d'année 2016, répétitions tous les samedis matins etc. De même, nous nous sommes très rapidement mis d'accord sur le fait qu'il serait bon de reverser l'intégralité des bénéfices de la représentation à une association caritative. Nous avons opté pour Avocats Sans Frontières, qui œuvre pour l'accès au droit dans le monde.

Deux choix décisifs demeuraient cependant. Il fallait encore déterminer le nom de la troupe. Plusieurs possibilités émergèrent : Rideau sur le parquet,

Les citrons pressés, les Acteurs du Droit ou tout simplement La troupe de l'EFB. Finalement, nous choisîmes Les Micycles. Ce petit jeu de mots a en effet l'avantage de rappeler les deux dénominateurs communs des membres de la troupe : le droit et le théâtre. Il a ensuite fallu choisir une pièce. Au vu du nombre de personnes dans la troupe, nous nous sommes rapidement mis d'accord sur une pièce avec de nombreux personnages (34 rôles au total) que l'on pourrait se répartir avec facilité : Building, une pièce moderne et mordante sur le monde du travail de Léonore Confino.

L'été a ensuite été le temps du travail associatif important : choix du théâtre, ouverture d'un compte en banque, recherche d'un partenariat pour financer le théâtre, répartition des rôles...

En septembre 2015, tout était prêt pour que nous puissions répéter dans d'excellentes conditions, grâce, notamment, au soutien du fonds de dotation Betto Seraglini. Nous avons même eu la chance de trouver en Constantin Balsan un metteur en scène aussi talentueux que dévoué.

En très peu de temps, la glace fût brisée entre les différents membres de la troupe qui ne se connaissaient pourtant pas du tout. Mais les inquiétudes demeurèrent : serions-nous prêt à temps ? Allions-nous réussir à remplir la salle de 381 places ? Qu'importe. Il fallait foncer. Alors, nous foncions. Samedis après samedis, nous prenions confiance en nous. Individuellement, mais aussi collectivement. La pièce prenait forme, les personnages se dessinaient et la visibilité de la troupe progressait, notamment grâce à Facebook.

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TRIBUNE LIBRE

Avec le temps qui passait, la peur, nécessairement, augmentait. Lancée au début du mois de janvier, les places partaient au compte-goutte. La promo battait pourtant son plein : publicité massive sur Facebook et relais de l'événement par plusieurs médias et institutions, de Dalloz à l'Ordre du barreau de Paris en passant par l'UJA ou encore Lextenso.

A une quinzaine de jours de la représentation, nous avons toutefois franchi la barre des 200 spectateurs. A peine la moitié de la capacité d'accueil du théâtre certes, mais l'humiliation d'une salle vide était évitée. Puis, à quelques jours de la date, la plate-forme de réservation s'enflamme. 250 places vendues. Puis 300. Bientôt 350. La veille de la représentation, nous affichions complet et étions obligés de refuser de nombreuses demandes de places. Quel plaisir de sentir que les Micycles avaient un public. Grâce à ce public, 3.000 euros ont pu être reversés à Avocats Sans Frontières. Mais cet enthousiasme ne faisait pas redescendre la pression... bien au contraire !

10 mars 2016, 20h30 : la salle est remplie. La lumière s'éteint. Il est alors difficile de trouver les mots pour exprimer ce qu'il s'est passé pour les membres de cette troupe durant ces 90 minutes de représentation. Cela ressemblait beaucoup, après plusieurs longs mois de préliminaires, à un orgasme. De manière plus feutrée, on pourrait aussi dire qu'après de longs mois de gestation, la troupe de théâtre Les Micycles venait de naître. C'est à un véritable accouchement qu'ont assisté les 380 spectateurs venus nous voir. Difficile de se faire une idée objective de la qualité du spectacle mais voir les sourires des spectateurs au moment du salut a été un moment de bonheur intense comme il en existe peu.

Il ne s'agissait cependant ce soir là que de la fin du premier acte de cette troupe. En effet, de nouveaux projets ont aussitôt été lancés : une deuxième représentation au théâtre d'Issy-Les-Moulineaux le 10 mai 2016, une représentation dans le centre pénitencier de Melun le 8 juillet 2016...

Mais surtout, le lancement d'un tout nouveau projet avec la promo PALACIO : Le songe d'une nuit d'été de Shakespeare le 24 juin au théâtre Adyar. Et pour 2017, de nouveaux projets sont

encore à venir... Nous espérons que les Micycles ont encore de longues et belles années à vivre.

La création des Micycles restera en tout cas l'une des plus belles aventures humaines, associatives et artistiques que j'ai eu l'occasion de vivre.

ALICE ALTUN : RETOUR D’EXPÉRIENCE

Les répétitions de la troupe alternaient des exercices d’improvisation libre en groupe et d'improvisation sur les scènes à jouer. Les treize membres des Micycles ont appris à se connaître, se faire confiance et s’écouter mutuellement, prendre des risques, s’autoriser à faire des erreurs sous les conseils expérimentés de leur metteur en scène, Constantin BALSAN.

L’expérience a été extrêmement enrichissante. Nous avons tous un peu découvert davantage sur nous-même, sur les autres membres de la troupe et sur notre relation à un groupe social. L’apprentissage de la confiance en l’équipe que forme la troupe nous a permis de partir soudés et complices vers la première représentation des Micycles au théâtre Adyar, puis vers la deuxième à l’Espace Icare, et prochainement pour une représentation au centre de détention de Melun.

A titre personnel, d’habitude mal à l’aise quand il s’agit de prendre la parole en public, il me paraissait important de dépasser mes inhibitions pour pouvoir un jour représenter un client en toute confiance devant un tribunal. Au théâtre Adyar, j’ai beaucoup aimé jouer sur scène devant plus de 300 personnes. J’ai beaucoup moins peur de faire des erreurs dans les projets dans lesquels je m’implique, et cela est une vraie délivrance.

J’espère que de promotions en promotions, les Micycles vivront des expériences aussi riches que celle que l’on a eu la chance de vivre.

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TRIBUNE LIBRE

L’absence de respect des droits fondamentaux dans les lieux d’enfermement fait régulièrement

l’actualité. La jurisprudence et les rapports affluent : la France est condamnée quasi annuellement par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitements inhumains et dégradants en centres de détention, le régime juridique du travail en prison n’est pas clarifié, la surpopulation carcérale est dénoncée. Encore récemment, le Conseil constitutionnel reconnaissait que l’absence de recours contre les permis de visite et d’autorisation de téléphoner pour les personnes en détention provisoire était contraire à la Constitution.

En tant qu’élèves-avocats, il est possible de s’engager dans le militantisme pour le respect des droits des personnes détenues.

L’association GENEPI lutte pour le décloisonnement des prisons depuis 1976. Son action se fait par deux voies : la sensibilisation du public et l’organisation d’ateliers socio-culturels en détention. L’engagement dans

l’association demande une certaine implication, puisque la participation à quelques réunions est obligatoire pour pouvoir en être membre. J’ai décidé de sauter le pas en septembre dernier, pour me forger ma propre opinion sur les lieux d’enfermement.

L’association a adopté un calendrier qui suit le rythme universitaire : rentrée, recrutement et formations des bénévoles en septembre/octobre, début des interventions de sensibilisation du public après la rentrée, et démarrage des interventions en centre de détention vers janvier. La formation des bénévoles permet de les préparer au militantisme par l’approfondissement des connaissances sur le contexte juridique et politique de la détention, mais aussi de leur transmettre les règles à respecter en centre de détention.

Les bénévoles sont réunis par groupes locaux, selon les centres de détention dans lesquels ils organisent des ateliers. Des évènements de

L’ENGAGEMENT ASSOCIATIF DANS LES LIEUX D’ENFERMEMENT

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TRIBUNE LIBRE

sensibilisation du public sont également préparés par les bénévoles de ces groupes locaux.

J’ai rejoint celui du centre pour peines aménagées de Villejuif, avec lequel nous avons jusqu’à présent organisé un ciné-débat (projection des films les Hurleuses et Enfermés Vivants, puis débat en présence de Yazid Kherfi), et une intervention de sensibilisation en lycée. En parallèle nous avons également organisé des ateliers hebdomadaires en centre pour peine aménagée en anglais, expression orale et écrite pour les personnes détenues qui souhaitent y participer. Dans d’autres lieux d’enfermement, l’association organise des ateliers de théâtre, cuisine, jeux de société, langues vivantes, mathématiques…

Pour les bénévoles, les interventions en prison sont souvent l’occasion d’une remise en question de préjugés : à l’arrivée en prison, on se rend compte qu’il ne s’agit pas du lieu de violence dépeints dans les œuvres de fiction. Egalement, on constate rapidement que les personnes détenues ont autant que les bénévoles un bagage de connaissances à partager, si bien que la plupart des ateliers deviennent davantage des moments échanges que des cours.

Ces ateliers peuvent aussi être l’occasion d’une réflexion sur le sens et les effets de la peine d’enfermement : difficile de penser que les conditions de détention permettent une réinsertion des personnes détenues, et partant, d’approuver l’enfermement dans ces conditions actuelles.

Plus largement, l’intervention en détention peut éveiller un questionnement sur l’organisation de la société. Par exemple, au constat que les femmes représentent 3,5% de la population carcérale, il est possible se demander quelles différences dans l’organisation sociale expliquent un tel chiffre.

En tout cas, l’intégration de cette association a pleinement renforcé mes convictions quant à la nécessaire défense tant des droits des personnes qui risquent l’incarcération que ceux des personnes en détention.

Pour plus de renseignements sur les actions du GENEPI, rendez-vous le 11 juin, à partir de 21h, à la Scène (53 rue Vergniaud, 75013 Paris) pour le « Concert miroir » organisé par l’association (lien vers l’évènement facebook : https://www.facebook.com/events/602386929917839/), ou sur http://www.genepi.fr/.

Alice ALTUNÉlève avocat

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TRIBUNE LIBRE

Depuis deux ans, je ne peux plus vivre chez moi. Deux ans, quand on n’a pas de toit, c’est long, surtout quand on est propriétaire d’un

appartement parfaitement situé en plein cœur de Paris.

Je sais que je ne vais pas vous faire pleurer, avec mes petits problèmes d’intendance de gosse bien né, héritier d’une tante mal décédée, propriétaire d’un appartement à Paris avant même d’avoir commencé à gagner sa vie. Une situation de privilégié dont je suis lâchement coupable, mais une situation sur laquelle on a mis un joli cache-misère, pour occulter un problème que personne ne veut avoir à régler. Il existe des zones de non-droit même dans les beaux quartiers de la capitale, où un système visant à protéger les locataires les plus faibles est utilisé aujourd’hui par certains, pour se loger quasi gratuitement aux frais de la princesse qui en l’occurrence n’a pas de couronne mais une montagne de dettes au dessus de la tête.

C’est ce qui m’est arrivé, presque par hasard, quand j’ai accepté de louer mon appartement à une vague connaissance, qui semblait gagner bien sa vie et mener grand train, pour rembourser les droits de succession. Le bail signé, les premiers loyers étaient alors réglés en temps et en heure. Puis les heures sont devenues des jours et les jours des mois de retard. A chaque fois, une bonne excuse : « j’attends que ma banque encaisse un chèque », ou encore le fameux « demain, sans faute », suivi d’un jeu de cache-cache grossier pour ne plus me croiser.

Les promesses n’engagent que ceux qui les croient, les politiques le savent bien et mon locataire, sous ses airs de ne pas y toucher, aurait surement fait une grande carrière dans les arcanes d’un pouvoir corrompu.

Ce qui devait arriver arriva, un jour il ne s’encombrât plus d’excuses bidon et passa au registre de la menace (physique et psychologique). Les loyers n’étaient plus versés, le discours rompu avec pour seul horizon, l’espoir lointain d’une décision judiciaire en ma faveur.

Je ne suis pas un spécialiste du droit immobilier, ni même du droit tout court, mais la vie se charge parfois de vous faire regretter de ne pas avoir poussé un peu plus loin votre cursus universitaire et vos aspirations à devenir avocat. Mon squatteur le savait bien, il avait été confronté plusieurs fois à la justice dans le cadre du redressement de ses sociétés. Il avait la lenteur de la justice de son côté, sachant pertinemment comment jouer avec ses rouages,

et avait organisé soigneusement son insolvabilité. En gros, il avait toutes les cartes en main pour faire durer la partie et rien à miser dans la grande balance de la justice.

J’ai donc appris à mes dépends, une première règle : Il est toujours déconseillé de se battre contre quelqu’un qui n’a plus rien à perdre.

Avec l’aide d’un avocat spécialisé dans ce genre d’affaires et chaudement recommandé par mon entourage, nous avons entamé une procédure d’expulsion légale pour non paiement des loyers.

Je précise légale, car il y a une autre manière d’expulser les gens, beaucoup moins légale, que l’on s’empresse de vous suggérer. C’est la méthode forte, très bien illustrée dans le film « de battre mon cœur s’est arrêté », qui consiste à foutre dehors manu militari le mauvais payeur, changer les serrures et reprendre tel un gangster son territoire.

Comme tout bon élève, face à une nouvelle épreuve, j’ai étudié avec soin les différentes solutions qui s’offraient à moi. J’ai donc rencontré des gros bras aux mines patibulaires et aux CV explicites : « ancien membres du gang des requins vicieux », « mercenaires en Egypte », « truands serbes »… Une véritable armée de grandes frappes et un commando d’élite de la voyoucratie, prêts à tout moyennant une rémunération au forfait (« on peut lui péter une jambe et un bras si tu rajoutes 1.000 euros), pour une opération au succès garanti. Seule ombre à ce plan parfaitement illégal, je me retrouvais le chef commanditaire, responsable de l’assaut et en cas d’échec, ce qu’il faut toujours prévoir, j’aurais le plus grand mal à me faire rembourser en invoquant le serment d’allégeance à mes nouveaux soldats sans foi ni loi.

Le risque légal, 2 ans de prison ferme et des dizaines de milliers d’euros d’indemnités, a fini d’enterrer ce projet de coup d’état dans mon propre appartement. Je suis lâche peut être, mais j’ai au moins le courage de l’admettre, sans compter que la prison n’est pas vraiment le genre de bar que je fréquente.

J’ai donc pris mon mal en patience, un avocat et un canapé lit chez des amis, confiant en la justice de mon pays et en mon statut intolérable de victime dans cette affaire.

CARNET DE JUSTICE : LA CRISE DU LOGEMENT INVERSÉEOu comment le propriétaire est devenu la vache à lait d’un système où le locataire est roi.

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TRIBUNE LIBRE

Commandement de payer, assignation… La machine judiciaire était en marche et la date de l’audience fixée au 20 novembre.

A l’approche de celle-ci, mon avocat (trop) confiant, me rassurait en me disant que notre dossier était complet et le locataire indéfendable.

Seul problème au scénario judiciaire que nous avions, mon avocat et moi, imaginé, je me suis fait immédiatement piquer le rôle vedette de la victime par le locataire, relégué au second plan dans le personnage du méchant et vénal propriétaire, jeune de surcroit, et donc louche. Vouloir expulser quelqu’un, même avec les meilleures motivations du monde, c’est vouloir mettre un homme à la rue, ce qui revient à passer pour une bête sans cœur, un monstre d’égoïsme que la vie a déjà trop gâté pour se plaindre.

Invoquant une maladie psychologiquement obscure (secret médical oblige) mais récusant l’ensemble des accusations qui lui étaient faites, il demanda l’aide juridictionnelle, en vertu de la loi lui permettant d’obtenir un avocat pour mieux se défendre. Accordée ! L’audience est reportée dans deux mois sans que nous puissions esquisser la moindre demande ou plaider en notre faveur.

La patience. Voilà la deuxième règle judiciaire qu’il me fallait apprendre. La patience est un mal qu’il faut prendre en patience. Deuxième audience, l’avocat commis d’office est là, mais vient d’être désigné et ne connait pas le dossier. Report d’audience, à dans deux mois ! Deux mois plus tard, cette fois, le locataire ne souhaite plus être défendu par son avocat, dont il réclamait l’aide 4 mois plus tôt. Pris entre l’absurdité de cette demande et la sincérité de cette personne voulant se défendre seule, pas de doute, il faut repousser l’audience. Je vous épargne les détails mais à trois reprises encore, l’affaire sera repoussée par des juges (à chaque fois différents), pris d’une violente crise de procrastination, repoussant inlassablement à « dans deux mois », ce qu’ils pourraient traiter immédiatement.

L’affaire est enfin plaidée en juin, 8 mois après la date initialement prévue. La date se fixe enfin mais la dette locative file...

Sans surprise la partie adverse s’enferme dans un raisonnement impossible à tenir, tendant à démontrer que l’ensemble des loyers a bien été payé, mais il y a longtemps, comme l’atteste un papier (un faux grossier), truffé de fautes d’orthographe et très vague, que j’aurais signé (visiblement avec mes pieds) et qui apparait comme par magie aujourd’hui. Bref on nage en

plein délire mais les juges, dans leur grande clémence, demandent une réouverture des débats.

Plus le mensonge est gros plus il passe. Sur le moment je me dis que si cette imitation de signature ressemblait un tout petit peu à l’originale, ça ne serait jamais passé. La justice joue au ballon prisonnier mais ne voulant cogner sur personne, préfère faire une passe à 5. Le coup de marteau tombe mais la balance ne penche toujours pas et je me dis alors dans mon fond intérieur, que ce n’est pas parce que les juges portent des robes que ça les contraint à ne pas avoir de couilles.

Presque résigné, abruti par tant d’incompétence et engourdi dans l’absurdité de cet univers kafkaïen, je commençais à regretter ma petite armée d’expulsion punitive mais avec une dette locative s’élevant à plus de 40 000€ et les frais d’avocat, je n’avais même plus de quoi me payer le forfait cassage de bras et de jambe. Peut être un doigt, et encore… La vengeance est une justice sauvage, après tout, mais encore faut-il en avoir les moyens.

C’est avec mon mal, non plus en patience, mais en léthargie, que j’allais affronter cette réouverture du débat qui n’en était pas un. Et cette fois les choses sont allés beaucoup plus vite. Après un petit renvoi (on ne change pas un système qui n’a rien à perdre ou à gagner), l’affaire fut à nouveau plaidée. Miracle, un juge qui avait lu la première page du dossier, compris que la victime était en fait coupable, l’horrible propriétaire bien élevé, une victime, et que la justice ne pouvait plus ralentir devant cette évidence.

C’est ainsi que contre toute attente, le juge rendit son délibéré : expulsion ordonnée avec la clause résolutoire, et condamnation à payer la dette locative (on peut toujours rêver mais de le voir écrit fait du bien).

La procédure d’expulsion est en cours et le locataire profite toujours gratuitement d’un appartement de 70m2. Il devrait partir, sauf nouveau rebondissement extraordinaire, durant l’été. Il aura joui de mon bien pendant plus de 24 mois, avec l’aide complice de la justice, ne voulant pas se salir les mains. De mon coté, j’aurais été la belle vache à lait d’un système qui refuse de mettre les gens dehors sous prétexte que l’état ne sait pas comment les reloger. Une faille dans laquelle s’engouffre la malhonnêteté du genre humain, qu’il faut loger, nourrir mais ne surtout pas déranger.

Il existe une justice aveugle, sourde et muette mais elle ne suffit pas à vaincre le sentiment profond d’injustice

. Edouard de LUZE,,Chroniqueur animalier (cru, cuit, vivant)

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