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CoConseil McCarthy Tétrault : litige Volume 2, numéro 1 Mars — Juin 2008 CoConseil

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  • CoConseil McCarthy Tétrault :

    litige Volume 2, numéro 1

    Mars — Juin 2008

    CoConseil

  • Voici le volume 2, numéro 1 du CoConseil McCarthy Tétrault : litige.

    Ce numéro souligne la puissance, la perspective et la profondeur que nous sommes en mesure d’offrir en raison des intérêts et de l’expertise diversifiée des plaideurs de notre cabinet — en droit autochtone et en droit fiscal, en passant par l’arbitrage, les recours collectifs et plusieurs autres domaines.

    Notre expertise nationale en matière de droit autochtone est démontrée par un nouveau livre de Thomas Isaac, qui a écrit de nombreux livres et articles sur ce sujet. Son dernier livre, Métis Rights, offre une perspective éclairée sur les droits de ce groupe d’Autochtones en particulier et aidera à fournir plus de clarté et de certitude aux parties concernées par les revendications des peuples autochtones.

    Dans ce numéro, nous examinons également certaines questions en matière d’arbitrage dans le cadre de l’analyse d’une décision de la Cour d’appel du Québec relativement au concept d’ordre public comme motif pour refuser de reconnaître et d’exécuter une sentence arbitrale rendue dans un pays étranger.

    En matière de droit administratif, les règles de contrôle judiciaire sont restreintes par la décision de la Cour suprême du Canada de ne conserver que deux des trois normes de contrôle dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick.

    En matière de faillite et d’insolvabilité, nous étudions la question de savoir si vous êtes tenu de vendre à un acheteur insolvable.

    Nous examinons ensuite la tendance en matière de recours collectif dans deux juridictions, en étudiant une affaire de la Cour d’appel du Québec qui démontre une approche plus sévère quant à la procédure d’autorisation d’exercer un recours collectif dans cette province par rapport à une décision préalable rendue par le nouveau juge en chef de l’Ontario, l’honorable Warren K. Winkler. Cette décision envoie un message clair en Ontario, en faveur de la certification des recours collectifs en vertu de la Loi de 1992 sur les recours collectifs, laquelle est interprétée comme un outil souple et puissant dans les affaires liées à la consommation lorsque les montants réclamés sont peu élevés.

    Finalement, nous approfondissons diverses questions : i) la technologie et la preuve électronique, selon les Principes de Sedona Canada; ii) les questions environnementales, particulièrement l’utilisation par la Cour d’appel du Québec du « droit à un environnement sain » pour l’interprétation d’un contrat;

    CoConseil : litige Volume 2, numéro 1

  • CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    iii) le droit des assurances, en particulier la déclaration des réclamations; iv) les questions relatives aux recours des actionnaires; et v) un contexte constitutionnel pour la distinction entre une taxe et une redevance de nature réglementaire.

    Notre éminent chroniqueur, l’honorable James M. Farley, nous donne son point de vue sur un recours relativement peu réglementé dans son article « L’huissier frappe à la porte — Les ordonnances de type Anton Piller ».

    Nous n’avons rien oublié dans cette édition et nous faisons preuve de la même rigueur dans notre manière d’exercer le droit, de succès en succès et d’un océan à l’autre, en tirant parti de l’expertise de nos avocats dans tous les groupes de pratique pertinents, et ce, dans tout le pays.

    Nous vous invitons à nous faire part de vos questions et de vos commentaires. Si vous désirez vous abonner à cette publication, il suffit de communiquer avec nous et nous ajouterons votre nom à notre liste d’envoi.

    Bonne lecture!

    Geoff R. Hall (Toronto) Rédacteur en chef

    Shaun Emery Finn (Montréal), Kara L. Smyth (Calgary), Miranda Lam (Vancouver)

    Martin B. Halpern Avocat, Gestion des connaissances, groupe de litige Juillet 2008

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1641http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=6043http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=5561http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=6220http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=3619mailto:[email protected]?Subject=Litigation Co-Counsel Subscription

  • CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    Table des matières

    Publications......................................................................................... 1

    Droits des Métis ....................................................................................................1

    Arbitrage ............................................................................................ 3

    Affaire Smart Systems, 2008 .....................................................................................3

    Droit administratif ................................................................................ 5

    Dunsmuir : nouvelle réduction des normes de contrôle.....................................................5

    Faillite et insolvabilité ........................................................................... 8

    Êtes-vous tenu de vendre à un acheteur insolvable? ........................................................8

    Recours collectif..................................................................................11

    Cassano v. TD — Confirmation d’un changement de paradigme vers la certification de recours collectif.............................................................................................. 11 Des raisons de se réjouir pour les défendeurs en recours collectif? Harmegnies c. Toyota et l’approche plus rigoureuse quant à l’autorisation des recours collectifs ........................... 13

    Communication de documents électroniques ..............................................16

    Se familiariser avec l’administration de la preuve électronique grâce aux Principes de Sedona Canada ................................................................................... 16

  • CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    Droit de l’environnement ......................................................................20

    La Cour d’appel s’appuie sur le droit à un environnement sain pour l’interprétation d’un contrat .................................................................................. 20

    Droit des assurances .............................................................................23

    Déclaration des réclamations et des circonstances dans les polices basées sur la présentation d’une réclamation ........................................................................... 23

    Recours des actionnaires .......................................................................26

    Aucune distinction nette entre les actions obliques et les recours en cas d’abus .................... 26

    Droit fiscal .........................................................................................28

    Distinction entre une taxe et une redevance de nature réglementaire, et la restitution des fonds indûment perçus ................................................................ 28

    Observations de Me Farley......................................................................33

    L’huissier frappe à la porte — Les ordonnances de type Anton Piller................................... 33

  • Page 1 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    Publications

    Droits des Métis

    Les Métis, les Premières Nations et les Inuits sont des peuples autochtones distincts dont les droits sont reconnus et confirmés en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cependant, la nature et l’étendue des droits des Métis demeurent mal définies car l’essentiel de la jurisprudence et de la doctrine porte sur les droits des Premières Nations. Les décisions rendues par la Cour suprême du Canada traitant expressément des droits des Métis peuvent se compter sur les doigts d’une main. Les droits des Inuits, à quelques exceptions près, ont été définis, surtout dans le cadre de traités modernes et de règlements en matière de revendications territoriales dans le nord du Canada.

    La question des Métis demeure toutefois entière. Les questions d’ordre juridique qui sont au cœur des préoccupations de ce groupe « oublié » (soit le nom qu’ils se donnent) faisant partie des peuples autochtones sont : « Qui sont les Métis aux fins de l’article 35? » et « Quels sont les droits des Métis? »

    Ces questions sont certainement pertinentes pour les entreprises exerçant des activités au Canada, car les réponses peuvent leur permettre de déterminer leur exposition aux questions liées aux Autochtones en général et les aider à planifier leurs stratégies pour aborder ces questions. C’est d’ailleurs sur ces questions qu’un associé de McCarthy Tétrault, Thomas Isaac, entame sa réflexion et son analyse au sujet des droits des Métis en vertu

    de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et examine la jurisprudence connexe.

    Thomas Isaac a une vaste expérience dans la pratique du droit autochtone à l’échelle nationale. Il vient de publier un livre intitulé Métis Rights, le deuxième livre de sa série éducative sur le droit autochtone contemporain.

    Métis Rights traite de sujets importants comme :

    • la quête de soi des Métis;

    • la signification du terme Métis aux fins des droits ancestraux enchâssés dans la Constitution et du « test Powley »;

    • le terme « Indiens » et la question visant à établir si les Métis sont des « Indiens » aux fins du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867;

    • les critères afin de déterminer l’admissibilité des Métis aux droits ancestraux enchâssés dans la Constitution, ainsi que la nature et l’étendue de ces droits;

    • les défis auxquels sont confrontés les Métis dans leurs revendications du titre ancestral;

    • l’application de l’obligation de la Couronne de consulter le peuple Métis; et

    • les perspectives fédérales et provinciales sur les questions relatives aux Métis.

  • Page 2 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    À jour au 15 janvier 2008, Métis Rights comprend un examen des décisions publiées en décembre 2007 — Manitoba Métis Federation Inc. v. Canada (Procureur général) et Labrador Métis Nation v. Newfoundland and Labrador (Minister of Transportation and Works) — ainsi que des données statistiques sur le peuple métis tirées du recensement de 2006.

    Reconnu comme étant un spécialiste en droit autochtone au Canada, Thomas Isaac a représenté des entreprises à cet égard devant bon nombre de tribunaux, notamment la Cour suprême du Canada.

    Communiquez avec : Thomas F. Isaac à Vancouver ou à Calgary à [email protected]

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=4143

  • Page 3 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    Arbitrage

    Affaire Smart Systems, 2008

    La Cour d’appel du Québec a récemment ajouté une nouvelle, quoique incertaine, subtilité à l’ordre public dans le contexte de l’arbitrage. Aux termes de l’article 949 du Code de procédure civile (« C.p.c. ») du Québec, un tribunal québécois peut refuser de reconnaître et d’exécuter une sentence arbitrale rendue dans un pays étranger si sa reconnaissance et son exécution sont « contraires à l’ordre public ». La notion d’ordre public, notamment dans le contexte de l’exécution de sentences arbitrales, est une question de valeurs et de principes fondamentaux d’un système juridique, plutôt qu’une question de règles de fond impératives (voir Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc., [2003] 1 R.C.S. 178). Aux fins de l’exécution des sentences arbitrales, le résultat de la sentence est évalué par rapport à cette notion d’ordre public.

    Dans l’affaire Smart Systems Technology c. Domotique Secant Inc., Smart Systems demandait la reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale rendue au Nouveau-Mexique. La sentence annulait l’achat de biens par Smart Systems, refusait une demande du paiement du prix par le vendeur, Domotique, et condamnait ce dernier à des dommages-intérêts et dommages exemplaires et aux dépens.

    La Cour d’appel du Québec a confirmé le jugement de première instance et a refusé de reconnaître la sentence arbitrale étrangère au motif que la reconnaissance serait contraire à l’ordre public, tel qu’il est entendu, principalement dans les relations internationales. D’après le raisonnement de la Cour d’appel, la sentence arbitrale a été rendue sans motif en violation de la convention d’arbitrage des parties. La Cour a reconnu que les parties peuvent expressément renoncer à une sentence motivée. L’absence de motivation ne sera pas toujours une cause d’annulation d’une sentence arbitrale, même dans certains cas où la convention d’arbitrage prévoit que la sentence doit être motivée. La Cour donne l’exemple d’une décision « où tout est blanc ou tout noir » fondée essentiellement sur la crédibilité de deux témoins. La sentence arbitrale dans cette affaire n’était pas contraire à l’ordre public.

    La Cour a néanmoins semblé indiquer que les parties devraient être en mesure d’examiner ses motifs compte tenu de la gravité du résultat. Outre la question d’ordre public, la Cour a refusé de reconnaître la sentence en application des paragraphes 950(4) et (5) du C.p.c. i) parce que les arbitres ont excédé leur compétence en annulant le contrat et en accordant des dommages punitifs, outrepassant ainsi leur mandat, et ii) en raison de vices de procédure, notamment une communication privée entre un arbitre et une des parties

    http://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2008/2008qcca444/2008qcca444.htmlhttp://www.canlii.org/qc/legis/loi/c-25/20080314/tout.html

  • Page 4 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    pendant les délibérations. La Cour a statué que le fait que la sentence ait été homologuée par un tribunal du Nouveau-Mexique n’empêche pas qu’un tribunal québécois refuse de la reconnaître.

    Remarques de McCarthy Tétrault

    Cet arrêt soulève clairement la question de l’ordre public par rapport à la stricte observation de la procédure d’arbitrage. Bien que la Cour d’appel semble élever l’exigence d’une sentence arbitrale motivée au statut d’ordre public, l’incertitude demeure quant au moment où cette exigence sera expressément considérée comme une valeur fondamentale en droit québécois. La teneur de la décision brouille également la distinction entre la procédure et le fond en matière d’arbitrage quant au processus de reconnaissance des sentences arbitrales. Bien que l’affaire ne semble pas encore avoir été portée en appel devant la Cour suprême du Canada, on peut assurément présumer qu’elle aura des rebondissements.

    Communiquez avec : Martin Boodman à Montréal à [email protected] ou Mason Poplaw à Montréal à [email protected] ou Chantal C. Tremblay à Montréal à [email protected]

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2250http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=3537http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1224

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    Droit administratif

    Dunsmuir : nouvelle réduction des normes de contrôle

    À la suite de la récente décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, les règles de contrôle judiciaire ont encore une fois changé. Par ces changements, la Cour suprême cherche à obtenir ce que les critères précédents n’ont pas réussi à obtenir, c’est-à-dire « une solution [qui] offre de véritables repères aux parties, à leurs avocats, aux décideurs administratifs [et] aux cours de justice saisies de demande de contrôle judiciaire ». Seul le temps nous dira si la décision dans l’affaire Dunsmuir modifiera l’application des principes administratifs.

    Pour l’instant, les trois directives comprises dans les motifs des juges majoritaires de la Cour suprême apportent d’importantes précisions à la jurisprudence relative au contrôle judiciaire. Ces précisions pourraient favoriser un changement en faveur d’une plus grande déférence accordée aux tribunaux administratifs et mener vers l’application d’une seule norme de contrôle.

    Le changement le plus important apporté au contrôle judiciaire consiste en l’abolition de l’« approche pragmatique et fonctionnelle » et de ses trois normes de contrôle, c’est-à-dire la décision correcte, la décision raisonnable simpliciter et la décision manifestement déraisonnable. Pour remplacer cette approche, la Cour suprême a adopté l’« analyse relative à

    la norme de contrôle » ne conservant ainsi que deux normes de contrôle judiciaire, soit la décision correcte et la décision raisonnable.

    La Cour suprême a éliminé la distinction entre la norme du « raisonnable simpliciter » et celle du « manifestement déraisonnable » et a signifié son accord avec la critique de D.M. Mullan qui a affirmé qu’« une décision ne peut être un peu irrationnelle ». Quiconque a passé — ou de façon plus cynique, a perdu — des jours devant un tribunal à tenter d’articuler la différence entre les deux normes de contrôle sera d’avis que la décision de la Cour suprême apporte une précision utile et opportune.

    La décision des juges majoritaires a également fourni des précisions quant au critère de raisonnabilité et a fait ressortir ce qui suit : i) les décisions administratives peuvent « donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables »; et ii) un contrôle judiciaire tient à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Ce critère de raisonnabilité est semblable au critère fréquemment cité dans l’arrêt Ryan et continuera de guider les cours de révision.

    Afin d’établir si une cour de révision doit appliquer la norme de la décision correcte ou la norme de la décision raisonnable, la nouvelle « analyse relative à la norme de contrôle » exige que l’on tienne compte des quatre facteurs suivants :

    http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2008/2008csc9/2008csc9.html

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    1. l’existence ou l’inexistence d’une clause privative;

    2. la raison d’être du tribunal administratif suivant l’interprétation de sa loi habilitante;

    3. la nature de la question en cause; et

    4. l’expertise du tribunal administratif.

    En apparence, ces facteurs peuvent paraître semblables, sinon identiques, aux facteurs dont il était question dans l’analyse « pragmatique et fonctionnelle » des décisions antérieures de la Cour suprême. Toutefois, l’opinion des juges majoritaires à l’égard de ces facteurs laisse entrevoir une tendance vers une plus grande déférence en ce qui a trait à l’expertise des tribunaux administratifs et, de façon plus marquée, une présomption de la norme de raisonnabilité.

    Remarques de McCarthy Tétrault

    Le passage à la norme de raisonnabilité est marqué par la discussion des juges majoritaires à propos du quatrième facteur, soit la « nature de la question ». La Cour suprême a clairement indiqué que même dans les circonstances où la question présentée devant le tribunal administratif n’est qu’une « question de droit », la déférence sera souvent accordée. Les juges majoritaires ont affirmé qu’« il n’y a rien d’incohérent dans le fait de trancher certaines questions de droit au regard du caractère raisonnable ». Les commentaires formulés dans les motifs

    invoqués par les juges majoritaires supposent qu’à moins que la question en cause ne soit une question touchant véritablement à la constitutionalité ou qu’elle ne soit une question de droit général « qui revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui est étrangère au domaine d’expertise de l’arbitre », la norme de raisonnabilité s’appliquera. Ces commentaires analysent de façon très précise les types de décisions qui seront examinés en fonction de la norme de la décision correcte.

    Bien que la fusion des deux normes de raisonnabilité dans l’affaire Dunsmuir constitue le développement le plus évident dans le langage administratif, ne laissant que deux normes de contrôle, la restriction de la norme de la décision correcte par les juges majoritaires aura l’effet le plus important sur la pratique administrative, laissant un nombre élevé de décisions administratives à être examinées en fonction de la norme de la raisonnabilité.

    Pour obtenir une analyse de cette affaire d’un point de vue du droit du travail et de l’emploi, consultez l’article intitulé Ce n’est peut-être pas encore fini : il pourrait être plus facile de faire appel des décisions rendues par les tribunaux administratifs grâce à la Cour suprême du Canada publié dans le CoConseil : le trimestriel en droit du travail et de l’emploi, volume 2, numéro 2.

    http://www.mccarthy.ca/fr/article_detail.aspx?id=4005

  • Page 7 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    Communiquez avec : Kara L. Smyth à Calgary à [email protected] ou Geoff R. Hall à Toronto à [email protected] ou Andrew Wilkinson, c.r. à Vancouver à [email protected] ou Catherine Mandeville à Montréal à [email protected]

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=5561http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1641http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=6122http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1283

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    Faillite et insolvabilité

    Êtes-vous tenu de vendre à un acheteur insolvable?

    Étant donné l’état actuel de l’économie, un fournisseur peut fréquemment recevoir à court terme une demande visant la vente et la livraison de nouveaux biens à un acheteur ayant déposé une demande aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) ou du chapitre 11 du United States Bankruptcy Code (Code) et qui a déjà des dettes relativement à des ventes impayées avant le dépôt de la demande.

    Le fournisseur peut-il simplement refuser de vendre de nouveaux biens? Le fournisseur peut-il imposer une condition selon laquelle une partie ou la totalité des factures préalables au dépôt de la demande soit tout d’abord payée? Quelle garantie le fournisseur peut-il obtenir que les nouvelles ventes réalisées après le dépôt de la demande seront réellement payées?

    Dans le cadre des procédures aux termes de la LACC et du chapitre 11, pour répondre à ces questions, il est nécessaire de savoir si le fournisseur est lié ou non, au moment du dépôt de la demande, par une obligation autrement valide de vendre, par exemple, aux termes d’un contrat d’approvisionnement à long terme.

    Dans le cadre des procédures aux termes de la LACC, le tribunal ordonnera généralement qu’aucun fournisseur ne modifie ni ne résilie

    les contrats d’approvisionnement en cours. Par conséquent, les fournisseurs liés par de tels contrats seraient tenus de vendre de nouveaux biens pendant la période postérieure au dépôt de la demande.

    Heureusement, la LACC prévoit que dans de telles circonstances un fournisseur peut demander le paiement immédiat des ventes de biens postérieures au dépôt de la demande. Cette règle peut mener à la conclusion d’arrangements entre les parties prévoyant le paiement des ventes postérieures au dépôt de la demande, habituellement l’émission d’une lettre de crédit en faveur du fournisseur.

    Lorsque le fournisseur n’est pas, au moment du dépôt de la demande, lié par une obligation de vendre, il pourrait convenir de le faire après le dépôt de la demande en contrepartie du paiement de la totalité ou d’une partie des ventes impayées réalisées avant le dépôt de la demande. Cette situation pourrait se produire lorsque la capacité de l’acheteur de continuer d’exercer ses activités pendant la période qui suit le dépôt de la demande dépend essentiellement du fournisseur. De plus amples renseignements concernant les fournisseurs essentiels seront donnés ci-après lors de l’analyse des procédures aux termes du chapitre 11.

    Les fournisseurs qui choisissent de continuer de consentir un crédit pendant la période suivant le dépôt de la demande devraient savoir que si une restructuration aux termes de la LACC

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    échoue et que l’acheteur déclare faillite, leurs réclamations prendront en principe rang à titre de réclamations non garanties avec toutes les autres réclamations non garanties antérieures et postérieures au dépôt de la demande au titre de la LACC.

    Dans le cadre des procédures aux termes du chapitre 11, la suspension automatique, imposée aux créanciers par le Code, qui interdit aux créanciers de prendre toute mesure pour faire valoir leurs droits à l’encontre d’un débiteur sans l’autorisation spécifique du tribunal, empêchera les fournisseurs de modifier ou de résilier leurs contrats d’approvisionnement.

    Les tribunaux américains ont conclu qu’un fournisseur de longue date qui refuse de continuer à fournir des biens au débiteur viole la suspension. Ils ont rendu des injonctions qui forcent le fournisseur à continuer de faire affaire avec le débiteur. Toutefois, les tribunaux peuvent imposer des conditions de paiement pour garantir le paiement des ventes réalisées après le dépôt de la demande1.

    Le fournisseur peut se trouver dans une situation plus favorable si le débiteur décide d’accepter le contrat d’approvisionnement. Aux termes du Code, un débiteur peut accepter des contrats exécutoires avantageux et rejeter les contrats désavantageux2. Pour accepter un

    1 Voir In re SportFame of Ohio Inc., 40 B.R. 47, 1984 Bankr. Lexis 5810, (Bankr. N.D. Ohio 1984), In re Ike Kempner &Bros. Inc, 4 B.R. 31; 1980 Bankr. Lexis 5716; In re:The Elder-Beerman Stores Corp., 195 B.R. 1019, 1996 Bankr. Lexis 543. 2 Chapitre 11 U.S.C. art. 365.

    contrat, le code exige que le débiteur corrige les défauts préalables au dépôt de la demande (ou donne au moins des garanties adéquates que ces défauts seront corrigés dans les meilleurs délais) et fournisse des garanties adéquates de son rendement futur.

    Toutefois, le débiteur dispose d’un délai allant jusqu’à la confirmation de son plan de réorganisation pour décider s’il accepte ou rejette les contrats. Même si le Code permet à un créancier de déposer une motion exigeant que le débiteur accepte ou rejette le contrat plus tôt, de telles motions ne sont pas accordées facilement. En attendant l’acceptation, la suspension automatique empêche le créancier de prendre quelque mesure que ce soit. Les créanciers ne peuvent faire valoir leurs droits ni résilier leurs contrats, et ils ne peuvent pas non plus tenter d’imposer le paiement des réclamations antérieures au dépôt de la demande comme condition aux livraisons futures.

    De manière significative, la suspension automatique et le choix du débiteur d’accepter ou de rejeter les contrats s’appliquent uniquement aux créanciers liés par un contrat exécutoire. Par conséquent, un fournisseur qui a vendu des biens à un débiteur en fonction de chaque commande et qui n’a aucune obligation continue de lui vendre des biens peut tenter d’imposer le paiement des dettes préalables au dépôt de la demande comme condition aux ventes futures. Le tribunal de la faillite doit approuver le paiement des dettes préalables au dépôt de la demande et doit le faire au moyen d’une motion déposée par le débiteur. Cette

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    procédure est habituellement appelée une « motion du fournisseur essentiel » (Critical Supplier Motion). Si le débiteur peut convaincre le tribunal que certains fournisseurs sont essentiels à la survie de son entreprise, le débiteur peut alors être en mesure de convaincre le tribunal de permettre le paiement partiel ou intégral de la dette préalable au dépôt de la demande de ce fournisseur.

    Remarques de McCarthy Tétrault

    La motion du fournisseur essentiel n’est pas reconnue par tous les tribunaux américains, de sorte que certains débiteurs choisiront le territoire où déposer leur procédure de faillite partiellement en fonction de cette question.

    Dans l’arrêt Kmart3, la cour d’appel fédérale des États-Unis pour le 7e circuit a établi que le débiteur doit, pour déposer avec succès une motion du fournisseur essentiel, démontrer ce qui suit :

    1. les fournisseurs essentiels qu’il souhaite payer sont, en fait, « essentiels » à sa restructuration;

    2. la discrimination entre les créanciers ordinaires est la seule manière de faciliter la restructuration;

    3 In re Kmart Corp., 359 F.3d 866 (7th Cir.2004).

    3. les fournisseurs non essentiels ne seront donc pas défavorisés par la réalisation de la commande du fournisseur essentiel; et

    4. les paiements ne s’appliqueront pas en diminution des fonds qui seront en bout de ligne disponibles au paiement des fournisseurs non essentiels.

    Pour établir qu’un fournisseur en particulier est réellement essentiel, un débiteur doit pouvoir convaincre le tribunal que le fournisseur en question est « presque indispensable aux activités rentables ou à la préservation des actifs » [traduction]4. Un vendeur qui est l’unique fournisseur d’un produit dont dépend l’exploitation d’une entreprise constitue un bon exemple.

    Communiquez avec : Sylvain A. Vauclair à Montréal à [email protected] ou Larry B. Robinson, c.r. à Vancouver ou à Calgary à [email protected] ou James D. Gage à Toronto à [email protected]

    4 Voir, par exemple, les tests établis dans la décision In re CoServ L.L.C., 273 B.R. 487 (Bankr. N.D. Tex. 2002).

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2689http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=5320http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1843

  • Page 11 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    Recours collectif

    Cassano v. TD — Confirmation d’un changement de paradigme vers la certification de recours collectif

    Dans le cadre de l’une de ses premières décisions de fond à titre de juge en chef de l’Ontario, le juge Winkler (au nom des juges unanimes de la Cour d’appel) a envoyé un message clair en faveur de la certification des recours collectifs dans les affaires liées à la consommation lorsque les montants réclamés sont peu élevés. L’interprétation que fait le juge en chef Winkler de la Loi de 1992 sur les recours collectifs (Loi sur les recours collectifs) redéfinit cette loi comme un outil souple et puissant dont l’objet ne devrait pas être miné à l’étape de la certification.

    L’affaire en cause visait une demande des titulaires de cartes de crédit Visa TD qui prétendaient que les frais de conversion et d’émission demandés à l’égard d’opérations en devises n’étaient pas autorisés aux termes des contrats des titulaires. Le juge Cullity, appelé à se prononcer sur la certification, a conclu qu’il faudrait effectuer des enquêtes individuelles relativement à la façon dont chaque membre du recours collectif aurait utilisé sa carte Visa s’il avait été au courant des frais afin d’établir si un membre en particulier avait subi une perte, et que la nécessité de ces évaluations individuelles empêchait d’accorder un montant pour les dommages totaux prévus à la Loi sur les recours collectifs. La seule question commune pertinente, soit celle de savoir si TD a violé le contrat conclu avec les détenteurs de

    cartes, n’était pas suffisante pour conclure qu’un recours collectif était la voie à suivre. Par conséquent, la motion en vue de faire certifier le recours collectif a été rejetée. La Cour divisionnaire a confirmé le rejet.

    Le juge en chef Winkler a renversé les décisions des tribunaux inférieurs. Ce faisant, il a souligné l’importance des politiques fondamentales selon lesquelles les recours collectifs visent à promouvoir l’accès à la justice, l’économie des ressources judiciaires et la modification des comportements des défendeurs. Il a par la suite expliqué qu’il convient de donner une interprétation large et souple aux dispositions de la Loi sur les recours collectifs pour favoriser l’objet de la loi plutôt que de l’amoindrir.

    Le juge en chef Winkler s’est concentré sur trois façons dont la Loi sur les recours collectifs peut permettre de surmonter des problèmes pouvant sembler insurmontables relativement aux évaluations individuelles :

    1. Dommages totaux — Le juge en chef Winkler a confirmé que des dommages totaux peuvent être accordés lorsque la responsabilité du défendeur peut être établie à l’égard de l’ensemble des membres du groupe, mais le droit à un redressement pécuniaire peut dépendre des évaluations individuelles. Dans l’affaire en cause, il a conclu que si TD est reconnu coupable d’avoir violé les contrats des titulaires, les frais de conversion et

    http://www.canlii.org/en/on/onca/doc/2007/2007onca781/2007onca781.html

  • Page 12 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    d’émission facturés pour les opérations en devises seraient alors considérés comme étant abusifs. Il a refusé la réponse de TD selon laquelle le processus visant à revoir la totalité des relevés de carte de crédit pour la période pertinente demanderait un travail démesuré (soit 1 500 personnes à temps plein pendant un an, selon les estimations de TD). Le fait de permettre à cette position de miner la certification serait inéquitable et, de l’avis du juge en chef Winkler, « fausserait la politique sous-jacente à la loi » [traduction].

    2. Souplesse dans l’estimation des dommages individuels — Lorsqu’un tribunal doit évaluer le droit, d’un membre particulier du recours collectif, aux dommages totaux ou à une perte individuelle dans les cas où les dommages totaux ne sont pas disponibles, la Loi sur les recours collectifs offre au tribunal diverses options pour effectuer efficacement les évaluations. Par exemple, la Loi sur les recours collectifs permet au tribunal :

    • d’ordonner aux membres du groupe qu’ils se partagent un montant total selon la règle de la moyenne ou de la proportionnalité, s’il est inefficace ou impossible d’identifier les droits individuellement;

    • d’exiger des formules de demande, des déclarations sous serment individuelles ou la vérification par échantillonnage pour confirmer l’admissibilité à participer à la demande; et

    • de donner des directives pour que les procédures (notamment les audiences, les consultations, les enquêtes, etc.) entreprises déterminent les questions particulières après le règlement des questions communes au procès.

    3. Souplesse lors de la distribution des montants accordés pour dommages — Le juge en chef Winkler a par ailleurs confirmé que la Loi sur les recours collectifs prévoit une vaste gamme d’options pour distribuer les montants accordés aux membres du groupe, y compris sous forme de crédit ou de réduction.

    Le tribunal conclut que la souplesse inhérente à la Loi sur les recours collectifs existe précisément pour surmonter les difficultés posées par les évaluations individuelles dans le cadre de demandes relativement petites, et appuiera la conclusion, tel qu’il a été le cas dans l’affaire en cause, qu’un recours collectif constitue la voie à suivre. Comme l’a déclaré le juge en chef Winkler, « la loi est un puissant mécanisme procédural qui permet au tribunal de prendre diverses approches dans le règlement des demandes des membres du groupe » [traduction].

    Remarques de McCarthy Tétrault

    Cette affaire renforce la tendance vers la certification des recours collectifs en Ontario. L’approche libérale et souple prise par la Cour d’appel fera en sorte qu’il sera extrêmement difficile à l’avenir de

  • Page 13 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    s’opposer à une requête en vue de faire certifier un recours collectif. La bataille ne sera plus menée à l’étape de la certification mais plutôt à l’étape de l’instruction des questions communes.

    Communiquez avec : Julie K. Parla à Toronto à [email protected] ou Harry C.G. Underwood à Toronto à [email protected] ou Warren B. Milman à Vancouver à [email protected] ou Sean S. Smyth à Calgary à [email protected] ou Donald Bisson à Montréal à [email protected]

    Des raisons de se réjouir pour les défendeurs en recours collectif? Harmegnies c. Toyota et l’approche plus rigoureuse quant à l’autorisation des recours collectifs

    Un requérant peut-il obtenir l’autorisation d’exercer un recours collectif sur la foi d’allégations vagues et de ouï-dire? N’importe quelle question similaire ou connexe pourra-t-elle justifier une procédure en recours collectif? Ces questions reçoivent un « non » catégorique dans l’arrêt Harmegnies c. Toyota Canada Inc.

    L’intimé, Toyota Canada, avait lancé un nouveau programme intitulé « Accès Toyota », pour la vente de ses automobiles dans la région métropolitaine de Montréal. Aux termes de ce programme, les consommateurs pouvaient obtenir le prix du concessionnaire moyen pour chaque modèle de véhicule et, au moyen d’une formule mathématique, Toyota établissait un prix uniforme pour tous les concessionnaires participants.

    Malheureusement, la stratégie de vente a, dans les faits, effectivement privé le consommateur de la possibilité de négocier avec les concessionnaires et de choisir parmi eux celui offrant le prix le plus concurrentiel. Toyota, reconnaissant que son programme peut avoir contrevenu aux articles 52 et 61 de la Loi sur la concurrence, a convenu de faire un don de 2,3 millions de dollars tenant lieu de dommages-intérêts à des organismes caritatifs.

    Les représentants de l’appelant n’ont néanmoins pas abandonné leur réclamation en

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=3383http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1736http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2962http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=5559http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1357http://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2008/2008qcca380/2008qcca380.html

  • Page 14 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    dommages-intérêts pour le compte d’un groupe de consommateurs qui avaient acheté ou loué un véhicule Toyota dans le cadre du programme Accès Toyota.

    Jugement de la Cour supérieure

    Madame la juge Hélène Poulin de la Cour supérieure a rejeté la requête pour deux motifs : i) aucune preuve prima facie sérieuse d’un préjudice n’a été présentée à l’appui de la requête en autorisation d’intenter un recours collectif, et ii) la condition de l’alinéa 1003a) du Code de procédure civile du Québec (C.p.c.), selon lequel le recours doit soulever des questions de droit ou de fait, identiques, similaires ou connexes, n’a pas été rempli au motif qu’il existait de nombreuses différences irréconciliables entre les réclamations potentielles des différents membres du groupe.

    Jugement de la Cour d’appel

    Monsieur le juge Baudoin de la Cour d’appel du Québec, avant de donner les motifs du rejet de l’appel, a rappelé quelques principes de base de la procédure en recours collectif :

    • Les différences entre la procédure d’autorisation d’intenter un recours collectif au Québec et celle d’autres provinces sont telles qu’il peut parfois être dangereux d’invoquer des sources externes. Au Québec, dès lors que les quatre conditions énumérées à l’article 1003 du C.p.c. sont réunies, les juges ne peuvent pas refuser l’autorisation.

    • Dans le contexte d’un recours collectif, les juges de la Cour d’appel doivent faire preuve du même degré de déférence dont ils feraient preuve dans toute autre affaire envers les juges de la Cour supérieure relativement à des questions de fait.

    • Les dispositions relatives au recours collectif doivent recevoir une interprétation large et généreuse.

    • Les recours collectifs ne doivent pas être considérés comme des remèdes exceptionnels, mais plutôt comme des remèdes ordinaires qui visent à favoriser une meilleure justice sociale.

    • Dans le contexte d’une requête en autorisation d’exercer un recours collectif, le fardeau du requérant en est un de simple démonstration et non de preuve par prépondérance. Le requérant doit néanmoins établir une apparence sérieuse de droit en démontrant que les faits allégués appuient directement les conclusions demandées.

    • En dernier lieu, afin de remplir la condition prévue à l’alinéa 1003a) du C.p.c., il suffit de démontrer qu’un certain nombre de questions sont communes au groupe dans son ensemble.

    Dans sa décision, la Cour d’appel a statué que, en ce qui a trait aux trois éléments de la responsabilité extracontractuelle (soit la faute, le dommage et lien de causalité), la faute a été clairement établie.

  • Page 15 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    Toutefois, la Cour a conclu que la preuve soumise était insuffisante pour alléguer un préjudice subi, même selon le critère beaucoup moins élevé d’une simple apparence de droit. L’appelant n’a jamais véritablement comparé les prix des concessionnaires de Montréal dans le cadre du programme Accès Toyota avec ceux des autres concessionnaires dans la province de Québec, et aucune preuve n’indiquait que ce programme en particulier avait effectivement eu pour effet d’augmenter les prix des véhicules Toyota à Montréal. Le juge du procès était donc fondé à conclure que la réclamation reposait uniquement sur des impressions vagues et du ouï-dire quant au préjudice subi.

    Même s’il existait une preuve suffisante de préjudice, le juge du procès n’a pas commis une erreur en droit en concluant qu’il n’existait pas de questions de droit suffisamment identiques ou connexes à l’appui d’une autorisation du recours collectifs. La valeur de chaque véhicule est une question individuelle propre à chaque membre du groupe et l’ampleur des dommages (s’il y en a) variera d’un membre à l’autre — donnant ainsi lieu à plusieurs petits procès dans un grand recours collectif.

    Remarques de McCarthy Tétrault

    Bien que la Cour d’appel ait réitéré certains des principes ayant favorisé la prolifération des procédures en recours collectif, sa décision dans l’arrêt Harmegnies indique qu’une approche plus rigoureuse en matière d’autorisation d’exercer un recours collectif est maintenant adoptée, du moins dans la

    province de Québec. Tout comme dans d’autres causes récentes, la Cour d’appel souligne qu’il ne suffit pas que les requérants formulent des prétentions ambigües ou invoquent des conclusions plutôt que des faits vérifiables. Au contraire, le recours collectif projeté doit, à première vue, sembler justifié du point de vue des faits, de la logique et du droit. De même, les questions communes — quelle que soit leur nature ou leur portée — ne seront pas un gage d’une autorisation certaine d’exercer un recours collectif. La Cour d’appel laisse entendre que ces questions doivent être suffisamment importantes et convaincantes pour justifier la complexité, la difficulté et les frais associés aux procédures en recours collectif.

    Communiquez avec : Shaun Emery Finn à Montréal à [email protected] ou Donald Bisson à Montréal à [email protected] ou Warren B. Milman à Vancouver à [email protected] ou Sean S. Smyth à Calgary à [email protected] ou F. Paul Morrison à Toronto à [email protected] ou Harry C.G. Underwood à Toronto à [email protected]

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=6043http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1357http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2962http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=5559http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2562http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1736

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    Communication de documents électroniques

    Se familiariser avec l’administration de la preuve électronique grâce aux Principes de Sedona Canada

    En janvier 2008, le Groupe de travail de Sedona Canada a publié son ébauche finale des Principes de Sedona Canada sur l’administration de la preuve électronique, un ensemble de principes appropriés et adéquats relatifs à l’administration de la preuve électronique au Canada.

    Sedona Canada, qui se compose d’avocats, de juges, de conseillers juridiques internes et de représentants du gouvernement provenant des quatre coins du Canada, a élaboré ces principes en utilisant les principes de Sedona aux États-Unis comme ligne directrice.

    L’évolution et l’adoption rapides des technologies de l’information en milieu de travail ont donné lieu à d’importants problèmes en ce qui a trait à l’administration de la preuve. Comme les principes juridiques entourant l’administration de la preuve ont été créés pour les documents papier, certains de ces principes deviennent soit non pertinents, soit inappropriés, lorsqu’on les applique à l’administration de la preuve électronique.

    À l’heure actuelle, on estime que plus de 90 % de l’ensemble de l’information est créée en format électronique, et le respect rigoureux

    des principes traditionnels en matière d’administration de la preuve a souvent pour effet de submerger les parties au litige d’une quantité démesurée de documents à examiner, ce qui est plus coûteux et inefficace. En conséquence, Sedona Canada a évalué les principes traditionnels en tenant compte des différences entre les documents papier et l’information électronique et a élaboré un ensemble de principes adaptés à l’administration de la preuve électronique.

    Les Principes de Sedona Canada sont les suivants :

    1. Les documents électroniques sont soumis aux règles d’administration de la preuve.

    2. Dans toute instance, les parties devraient s’assurer que les étapes suivies dans le cadre de l’administration de la preuve sont proportionnelles, eu égard à i) la nature et l’importance du litige, incluant l’importance et la complexité des questions en litige, des intérêts et des montants en jeu, ii) la pertinence des documents électroniques disponibles, iii) l’incidence des documents électroniques sur le processus décisionnel du tribunal dans chaque instance, et aux iv) coûts, fardeau et délais que les parties devront assumer afin de gérer les documents électroniques.

  • Page 17 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    3. Dès qu’il est raisonnable d’anticiper une poursuite, les parties devraient immédiatement envisager leur obligation de prendre de bonne foi des mesures raisonnables afin de préserver les documents électroniques potentiellement pertinents.

    4. Les avocats et les parties devraient se rencontrer dès que possible et régulièrement afin de discuter de l’identification, la préservation, la collecte, l’analyse et la communication des documents électroniques.

    5. Les parties devraient être prêtes à communiquer tous les documents électroniques pertinents et raisonnablement accessibles eu égard aux coûts et au fardeau administratif.

    6. Une partie ne devrait pas être contrainte de chercher et de recueillir les documents électroniques supprimés ou résiduels, à moins d’une entente entre les parties ou d’une ordonnance du tribunal démontrant le besoin et la pertinence de ces informations.

    7. Une partie peut remplir ses obligations de préservation, collecte, révision et communication des documents électroniques en utilisant de bonne foi des outils et des processus électroniques, tels que l’échantillonnage de données et l’utilisation de critères de recherche afin de recueillir des documents électroniques potentiellement pertinents.

    8. Les parties devraient s’entendre dès que possible dans le cadre d’un litige sur le format de communication des documents électroniques, ainsi que sur le format, le contenu et l’organisation des informations qui seront échangées dans toute liste de documents requise dans le cadre du processus de communication de la preuve.

    9. Dans le cadre de l’administration de la preuve électronique, les parties devraient s’entendre ou, s’il est nécessaire, obtenir une ordonnance de la Cour, afin que des mesures soient prises pour protéger les informations privilégiées, les renseignements personnels, les secrets commerciaux et autre information confidentielle.

    10. Dans le cadre du processus d’administration de la preuve, les parties devraient respecter les règles du forum dans lequel se déroule le litige, en tenant compte de l’incidence que toute décision pourrait avoir sur des dossiers connexes se déroulant dans d’autres forums.

    11. Des sanctions devraient être imposées par les tribunaux lorsqu’une partie ne respecte pas ses obligations de préserver, de conserver, de recueillir, d’analyser ou de communiquer des documents électroniques et qu’elle cause un préjudice sérieux à l’autre partie. La partie défaillante pourrait éviter lesdites sanctions en démontrant que son manquement n’était ni intentionnel ni négligent.

  • Page 18 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    12. Les coûts raisonnables liés à la préservation, la collecte et l’analyse des documents électroniques devraient être assumés par la partie ayant l’obligation de les communiquer. Dans de rares cas, les parties devraient s’entendre sur une répartition différente des coûts à titre provisoire, ou obtenir une ordonnance de la cour à cet effet.

    Sedona Canada espère que les Principes de Sedona Canada seront adoptés par les législateurs et les tribunaux à titre d’avis de pratique ou de changements réglementaires afin de régler les problèmes découlant de l’administration de la preuve électronique. On prévoit que certaines provinces qui projettent d’amorcer une réforme de leurs règles de procédure, comme la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse, adopteront les nouveaux Principes.

    Remarques de McCarthy Tétrault

    Les plaideurs et les conseillers juridiques sont souvent confrontés à la tâche quasi insurmontable de dépouiller des montagnes d’information électronique dans le cadre de l’administration de la preuve électronique. En outre, des problèmes surgissent à la fois dans la production de documents relatifs à l’administration de la preuve et dans l’examen des documents produits.

    Pour ce qui est de la communication de documents, vu le volume d’information que contiennent les systèmes informatiques des

    sociétés, le fait d’établir la portée de la communication et de déterminer les documents qui sont privilégiés et confidentiels est trop coûteux et exige trop de temps. Toutefois, l’examen des documents présentés aux fins de l’administration de la preuve électronique nécessite des ressources et des efforts considérables, même si bon nombre de ces documents ne sont pas pertinents.

    Les Principes de Sedona Canada visent à assurer que seuls les documents électroniques véritablement pertinents sont communiqués dans le cadre du processus d’administration de la preuve et que les obligations en matière d’administration de la preuve ne submergent pas les plaideurs. Ces principes sont liés au concept de la proportionnalité dans le cadre de l’établissement de la portée de la production et de la conservation des documents électroniques. Les Principes se concentrent principalement sur les plaideurs et leurs conseillers juridiques afin de trouver et d’instaurer la meilleure approche en matière d’administration de la preuve électronique. De plus, les Principes modifient certaines pratiques administratives afin d’assurer que la preuve électronique ne devienne pas trop astreignante. Les Principes préconisent également l’usage d’une technologie, comme des outils de recherche et des logiciels, afin de réduire le volume de documents en double et de diminuer le nombre de documents non pertinents en

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    simplifiant le processus d’administration de la preuve électronique. Finalement, les tribunaux devraient jouer un rôle important dans le processus en fournissant des directives, lorsque les parties ne s’entendent pas, et en sanctionnant les parties qui ne respectent pas leurs obligations.

    Communiquez avec : Andrew Wilkinson, c.r. à Vancouver à [email protected] ou Thomas N.T. Sutton à Toronto à [email protected] ou David Gray à Montréal à [email protected] ou Michael D. Briggs à Calgary à [email protected]

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=6122http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2915http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=4492http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2257

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    Droit de l’environnement

    La Cour d’appel s’appuie sur le droit à un environnement sain pour l’interprétation d’un contrat

    Le droit à un environnement sain a été reconnu dans la Charte des droits et libertés de la personne5 en 2006. Au moment où ce droit a été intégré à la Charte, plusieurs se demandaient si la reconnaissance du droit à un environnement sain aurait une valeur symbolique ou un effet concret.

    Une décision récente de la Cour d’appel, Municipalité de Saint-Luc-de-Vincennes c. Compostage Mauricie Inc.6, rendue le 8 février dernier, apporte un certain éclairage à cet égard. En effet, dans cette affaire, la Cour d’appel s’est appuyée notamment sur la Charte afin d’interpréter un contrat intervenu entre une municipalité et l’exploitant d’un site de compostage.

    Rappel des faits et decision de la Cour d’appel

    Dans cette affaire, la municipalité de Saint-Luc-de-Vincennes (« Municipalité ») a porté en appel un jugement de la Cour supérieure qui a accueilli en partie sa requête en jugement déclaratoire et en injonction permanente. La Municipalité souhaitait mettre un terme

    5 L.R.Q., c. C-12, à l’article 46.1 (ci-après « Charte »). 6 2008 QCCA 235.

    au traitement, par Compostage Mauricie (« Compostage »), de résidus d’origine animale sur son site.

    La question soulevée par ce pourvoi consistait à déterminer si le juge de première instance avait erré en concluant que Compostage pouvait recevoir sur son site tout intrant organique pouvant concourir à la fabrication de compost, qu’il soit végétal ou animal, en se fondant sur les termes d’une entente intervenue entre la Municipalité et Compostage en 1995.

    En première instance, le juge avait retenu de la preuve que lors des négociations de cette entente, la Municipalité avait exprimé une préoccupation pour la qualité de l’environnement et le bien-être de ses citoyens, et qu’il n’avait jamais été question de matières organiques animales. Néanmoins, le juge avait conclu que les termes de l’entente visaient les matières organiques végétales et les matières organiques animales.

    La Cour d’appel a renversé ce jugement, considérant que cette conclusion était inconciliable avec la preuve pourtant retenue, laquelle démontrait clairement que les discussions entre les parties n’avaient porté que sur le compostage de résidus verts. La Cour a également retenue que les matières organiques visées par l’entente devaient être

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    de nature végétale et non animale suivant une interprétation des termes de l’entente en application de la règle ejusdem generis. Suivant cette règle, l’expression générale « autres matières organiques » étant précédée de plusieurs termes spécifiques, à savoir « résidus de pâtes et papiers, de feuilles, de gazon », sa portée devait en être limitée de sorte que les matières organiques devaient être de même nature que celles énoncées.

    En outre, la Cour a signalé que même si un doute subsistait quant aux termes de l’entente, il ne fallait pas privilégier une interprétation qui pouvait être contraire à l’objectif de préservation de l’environnement, lequel doit être poursuivi par tous les ordres de gouvernement. La Cour d’appel a mentionné :

    « Comme l'a reconnu la Cour suprême dans les arrêts Ontario c. Canadien Pacifique ltée et Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), la protection de l'environnement est devenue une valeur fondamentale de la société canadienne et un impératif collectif. Par ailleurs, le droit à un environnement sain a récemment été investi d'une valeur quasi constitutionnelle puisqu'il est désormais inscrit à l'article 46.1 de la Charte (…)

    Le contrat intervenu le 10 avril 1995 entre les parties était susceptible d'affecter grandement la qualité de l'environnement des citoyens de la Municipalité. Comme le constate lui-même le juge de première instance, la preuve établit clairement qu'il

    n'a jamais été question entre les parties d'autres choses que de résidus verts. En outre, l'appelante, lors des négociations, était fort préoccupée par la préservation de la qualité de vie de ses citoyens et, en particulier, par les odeurs que pourrait entraîner la réalisation du projet. À mon avis, même si un doute subsistait quant à l'interprétation à donner à la clause 4, il ne faudrait pas privilégier celle qui serait contraire à l'objectif de préservation de l'environnement, lequel doit être poursuivi à tous les niveaux de gouvernement. »7 [Références omises] [Nos soulignés]

    Sur la base de cette interprétation, la Cour d’appel a donc renversé le jugement rendu en première instance et a prononcé une ordonnance d’injonction enjoignant à Compostage de cesser de recevoir et de traiter sur son site des résidus d’origine animale, et ce, malgré que l’entreprise avait obtenu un certificat d’autorisation du ministère du Développement Durable, de l’Environnement et des Parcs lui permettant de recevoir de tels résidus.

    Il est à retenir également que la Cour a invoqué le droit à un environnement sain au soutien de son interprétation d’un contrat intervenu en 1995 alors que ce droit a été reconnu dans la Charte seulement en 2006, une approche qui semble contraire aux principes usuels d’interprétation. Cette référence à l'article 46.1 de la Charte doit donc être considérée comme un obiter dictum.

    7 Idem., aux paragr. 46 et 47.

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    Remarques de McCarthy Tétrault

    Peu a été dit à ce jour sur l’article 46.1 de la Charte, lequel énonce le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité.

    Cet article, qui se situe au chapitre IV de la Charte intitulée « Droits économiques et sociaux », n’est pas visé par l’article 52 de la Charte, lequel prévoit qu’« aucune disposition d'une loi, même postérieure à la Charte, ne peut déroger aux articles 1 à 38, sauf dans la mesure prévue par ces articles, à moins que cette loi n'énonce expressément que cette disposition s'applique malgré la Charte ». Ceci signifie que l’article 46.1 n’a pas préséance sur les autres lois ni ne jouit d’un statut privilégié. Les tribunaux n’ont pas le pouvoir d’invalider des lois qui sont incompatibles avec les droits sociaux et économiques prévus au chapitre IV de la Charte.8

    Par ailleurs, le droit à un environnement sain, tel que prévu à l’article 46.1 de la Charte, existe seulement dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi. Il est donc raisonnable de prétendre que les limites du droit à un environnement sain sont notamment celles prévues par la Loi sur la qualité de l’environnement.9 Ceci est au surplus cohérent avec les contours du

    8 Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés, [1996] 2 R.C.S. 345 et Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429. 9 L.R.Q. c. Q-2 (ci-après « L.Q.E. »).

    droit à la qualité de l’environnement tel que prévu à l’article 19.1 L.Q.E.10

    Quelque soit la portée réelle de l’article 46.1 de la Charte, cette décision de la Cour d’appel illustre l’importance grandissante qu’accordent les tribunaux à la préservation de l’environnement. Il sera intéressant de voir de quelle façon sera appliqué concrètement l’article 46.1 de la Charte dans différents débats qui seront soumis aux tribunaux au cours des prochaines années, et la portée qui sera donnée à cette disposition.

    Communiquez avec : Michel Gagné à Montréal à [email protected] ou Jérémie-Nicolas Moisan à Montréal à [email protected]

    10 L’article 19.1 de la L.Q.E. se lit ainsi : « 19.1. Toute personne a droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l’un ou l’autre des articles de la présente loi ainsi que, en matière d’odeurs inhérentes aux activités agricoles, dans la mesure prévue par toute norme découlant de l’exercice des pouvoirs prévus au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l’article 113 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (chapitre A-19.1).» [Nos soulignés]

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=4984http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=5527

  • Page 23 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    Droit des assurances

    Déclaration des réclamations et des circonstances dans les polices basées sur la présentation d’une réclamation

    Lorsqu’un assuré aux termes d’une police basée sur la présentation d’une réclamation prend connaissance d’un événement susceptible de donner lieu à une réclamation, est-il tenu de le signaler à l’assureur? S’il n’existe aucune obligation, y-a-t-il un avantage ou un inconvénient à signaler l’événement à l’assureur? Il ressort de deux affaires récentes que les réponses à ces questions exigent une lecture attentive de la police en question et un examen approfondi des conséquences pouvant en résulter.

    Aux termes d’une police basée sur la présentation d’une réclamation, la garantie ne prend effet que lorsqu’une réclamation est présentée contre l’assuré, et non pas lorsque l’événement donnant lieu à la réclamation se produit. Toutefois, certaines polices basées sur la présentation d’une réclamation exigent aussi de l’assuré qu’il signale à l’assureur tout accident ou toute situation pouvant donner lieu à une réclamation. La Cour suprême du Canada a examiné l’effet de cette exigence dans l’arrêt Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada.

    Dans l’arrêt Jesuit Fathers, l’assuré a informé l’assureur de nombreux événements qui s’étaient produits, pendant la période d’assurance, susceptibles de donner lieu à

    des réclamations. L’assureur a ultérieurement refusé de renouveler la police. Après l’expiration de la police, l’assuré a présenté de nombreuses réclamations fondées sur les événements signalés.

    La Cour a établi que pour qu’il y ait réclamation, la common law exige essentiellement qu’un tiers ait communiqué son intention de tenir l’assuré responsable d’un dommage. La Cour a statué qu’une obligation de défendre naît « lorsque la plainte s’appuie sur des faits susceptibles d’emporter l’application de la garantie », mais que nul ne saurait être tenu de quelque obligation à l’égard de réclamations présentées après la période d’assurance. Autrement dit, malgré l’obligation de l’assuré de déclarer les accidents et les situations, ceux-ci n’étaient pas couverts par la police tant qu’une réclamation d’un tiers n’était effectivement communiquée à l’assuré et, par conséquent, aucune obligation de défendre ne pouvait naître à l’égard de réclamations communiquées après l’expiration de la police.

    Une question connexe a été examinée dans une décision récente de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, MWH International, Inc. v. Lumbermens Mutual Casualty Company. En l’espèce, une « réclamation » s’entend, au sens de la police, d’une [traduction] « demande de fonds ou de services reçue par l’assuré ». La police comprenait toutefois un avenant visant à élargir la définition d’une réclamation afin d’inclure une « circonstance ». Une circonstance y était définit comme

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    [traduction] « un événement déclaré pendant la période d’assurance dont l’assuré s’attend raisonnablement à ce qu’il donne lieu à une réclamation ». La question soulevée était de savoir si l’assureur était obligé de rembourser à l’assuré les frais juridiques engagés pour la protection de l’intérêt de l’assuré après la survenance d’un événement susceptible de donner lieu à une réclamation.

    En concluant que l’assureur n’avait aucune obligation de défendre l’assuré, la cour, dans une décision rendue à la majorité, a examiné le libellé de la police, voulant que l’assureur soit tenu de [traduction] « défendre toute réclamation contre l’assuré à l’égard de dommages visés par cette assurance ». La majorité a statué que malgré la définition large de « réclamation » aux termes de la police, jusqu’à ce qu’un tiers réclame des dommages contre l’assuré, l’assureur n’a aucune obligation de défendre.

    Remarques de McCarthy Tétrault

    Comme l’illustrent les deux affaires précitées, avant que des événements susceptibles d’entraîner une responsabilité ne se produise, un assuré devrait examiner attentivement ses polices afin d’en découvrir les lacunes en matière de garantie. Par exemple, si un assuré est tenu de déclarer des circonstances susceptibles de donner lieu à une réclamation, mais que la police ne couvre que les réclamations, la déclaration de ces circonstances peut donner lieu à un refus de renouveler la police alors

    qu’aucune réclamation n’a encore été présentée. Étant donné que les polices basées sur la présentation d’une réclamation excluent de la garantie les réclamations découlant de circonstances connues avant la période d’assurance, aucune garantie pour des réclamations découlant de circonstances déclarées ne serait offerte dans des polices subséquentes.

    Lorsqu’un événement susceptible d’entraîner une responsabilité se produit, l’assuré devrait examiner attentivement la police et ses définitions afin d’établir s’il est obligé de déclarer l’événement soit comme une « réclamation », soit comme une « circonstance » susceptible de donner lieu à une réclamation. Le cas échéant, il est important pour un assuré de se conformer rigoureusement aux dispositions de déclaration de la police. Sinon, l’assuré devrait tenir compte des conséquences possibles de la déclaration, notamment la possibilité qu’un assureur refuse de renouveler la police. Si l’événement n’est pas couvert par la police, l’assuré doit savoir que les frais juridiques engagés avant qu’une réclamation ne soit effectivement présentée ne seront pas recouvrables.

    Nombre de polices basées sur la présentation d’une réclamation permettent à l’assuré de déclarer des événements susceptibles de donner ultérieurement lieu à une réclamation et offrent une garantie pour des réclamations pouvant découler de

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    ces événements (si les événements sont déclarés en bonne et due forme pendant la période d’assurance) après l’expiration de la période d’assurance. Lorsque cette garantie est offerte, il y a lieu d’examiner attentivement les conditions d’application de cette garantie afin d’éviter les surprises.

    Dans chaque cas, l’assuré doit prendre une décision éclairée et stratégique quant à la déclaration soit d’une réclamation, soit de circonstances susceptibles de donner lieu à une réclamation.

    Le présent article a initialement paru dans le numéro du 11 janvier 2008 de The Lawyers Weekly publié par LexisNexis Canada Inc.

    Communiquez avec : Ariel DeJong à Vancouver à [email protected] ou David Thomas Mckenzie à Vancouver à [email protected] ou William G. Scott à Toronto à [email protected] ou Douglas T. Yoshida à Calgary à [email protected] ou Daniel W. Payette à Montréal à [email protected]

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1030http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=6357http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2968http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=3292http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1457

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    Recours des actionnaires

    Aucune distinction nette entre les actions obliques et les recours en cas d’abus

    Dans le cadre de sa décision rendue dans l’arrêt Malata Group (HK) Limited v. Jung, 2008 ONCA 111, la Cour d’appel de l’Ontario s’est récemment penchée sur la relation qui existe entre l’action oblique, qu’un actionnaire peut intenter au nom d’une société, et le recours personnel de l’actionnaire en cas d’abus.

    Cette décision découle de la demande faite par Henry Chi Hang Jung visant le rejet de certains éléments de la poursuite intentée contre lui par Malata Group (HK) Limited (« MHK »). Selon la demande introductive d’instance, MHK et M. Jung étaient deux des trois actionnaires de Malata Canada Ltd. (« Malata »). M. Jung occupait également les fonctions d’administrateur et de dirigeant.

    MHK a allégué, notamment, que M. Jung avait détourné des fonds de Malata et avait par ailleurs manqué à ses obligations fiduciaires envers cette société. MHK a sollicité un jugement déclaratoire à cet égard et une ordonnance forçant M. Jung à restituer plus de 1,5 million de dollars dans les comptes bancaires de Malata.

    M. Jung a demandé le rejet de ces éléments de la poursuite intentée par MHK. Il a soutenu

    que les réclamations en question portaient sur des préjudices occasionnés à Malata et, qu’à ce titre, elles pouvaient être faites uniquement dans le contexte d’une action oblique intentée au nom de Malata avec l’autorisation de la Cour.

    Le juge saisi de la requête a rejeté la demande de M. Jung au motif que MHK pouvait faire valoir ses revendications personnellement dans le cadre d’un recours en cas d’abus.

    La Cour d’appel a rejeté l’appel de M. Jung. Le juge Armstrong, qui a rédigé la décision unanime de la Cour, a confirmé qu’il n’existe généralement pas de « distinction nette » entre les revendications qui peuvent être formulées dans le cadre d’une action oblique et celles qui peuvent l’être dans le cadre d’un recours en cas d’abus. Il a fait remarquer que l’article portant sur le recours en cas d’abus de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario (comme c’est le cas dans les autres lois du Canada régissant les sociétés) « est libellé en des termes généraux, tant pour ce qui est des préjudices qui y sont décrits que pour ce qui est de la liste non exhaustive des recours prévus » [traduction]. Il a aussi fait remarquer que les actions obliques et les recours en cas d’abus se chevauchent souvent « lorsque des administrateurs de sociétés à capital fermé prennent part à des opérations intéressées au détriment de la société et des autres actionnaires ou des créanciers [traduction] ».

    http://www.canlii.org/en/on/onca/doc/2008/2008onca111/2008onca111.html

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    Remarques de McCarthy Tétrault

    La décision de la Cour d’appel reconnaît à juste titre que l’inconduite d’un administrateur d’une société, particulièrement une société à capital fermé, peut occasionner un préjudice à la fois à la société et à ses actionnaires. Si l’inconduite de l’administrateur remplit les conditions prévues par la loi pour un recours en cas d’abus, l’actionnaire concerné pourra intenter une poursuite à titre personnel s’il souhaite le faire.

    Or, il est souvent difficile de remplir les conditions prévues par la loi pour un recours en cas d’abus. La majorité des lois canadiennes régissant les sociétés prévoient que, pour qu’il y ait recours en cas d’abus, un geste doit constituer un « abus », être « injustement préjudiciable » envers un actionnaire ou « ne pas tenir compte des intérêts » d’un actionnaire. Ainsi, à moins qu’une société ne soit fermée, de sorte qu’un préjudice occasionné à la société influe très directement sur ses actionnaires, l’actionnaire qui souhaite intenter une poursuite en raison de ce type de préjudice ne pourra le faire qu’au nom de la société même, dans le cadre d’une action oblique et avec l’autorisation de la Cour.

    Communiquez avec : Michael A. Feder à Vancouver à [email protected] ou Mendy M. Chernos à Calgary à [email protected] ou Dana M. Peebles à Toronto à [email protected] ou William J. Atkinson à Montréal à [email protected]

    http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=5549http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2270http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=1458http://www.mccarthy.ca/fr/lawyer_detail.aspx?id=2957

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    Droit fiscal

    Distinction entre une taxe et une redevance de nature réglementaire, et la restitution des fonds indûment perçus

    L’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule que « [t]out bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des Communes ».

    Cette disposition donne effet à un principe fondamental des démocraties parlementaires selon lequel il ne peut y avoir de taxation sans représentation et, de ce fait, une mesure imposant une taxe ou un impôt doit émaner de la législature. Les pouvoirs de taxation ne peuvent donc pas découler accessoirement d’un règlement ou de quelque autre mesure législative subordonnée.

    Ainsi, lorsque la législation prévoit qu’un ministre ou un organisme est autorisé à percevoir des « droits » par règlement (lequel prescrira le montant à verser et les modalités de paiement), le ministre ou l’organisme ne peut pas exercer abusivement son pouvoir de perception pour percevoir ce qui constitue, en fait et en droit, un impôt.

    Au cours des deux dernières décennies, la Cour suprême du Canada (CSC) a progressivement établi la jurisprudence visant à répondre à deux questions découlant de l’article 53 et

    de l’exercice abusif possible du pouvoir de percevoir des droits.

    Première question : Quelle est la distinction entre une taxe et certaines autres redevances de nature réglementaire? La CSC a répondu à cette question dans l’arrêt 620 Connaught Ltd. c. Canada (Procureur général), 2008 CSC 7 (« 620 »), en créant un cadre analytique permettant d’établir une distinction entre une taxe et une redevance de nature réglementaire.

    Deuxième question : Qu’advient-il des montants perçus, si les droits constituent une taxe qui n’émane pas de la législature? La CSC a répondu à cette question dans l’arrêt Kingstreet Investment Ltd. c. Nouveau-Brunswick, [2007] 1 R.C.S. 3 (Kingstreet), aux termes duquel il est établi que, sous réserve des délais de prescription et des lois correctives, la Couronne doit restituer à la personne les fonds qui lui ont été abusivement prélevés.

    L’arrêt 620 — À quel moment des droits deviennent-ils une taxe?

    Dans l’arrêt 620, la CSC a élaboré un cadre analytique clair permettant de déterminer si un prélèvement gouvernemental constitue une taxe ou une redevance de nature réglementaire. Le but de l’analyse est de décortiquer le prélèvement en ses caractéristiques principales ou les plus importantes (par opposition à ses caractéristiques accessoires), et d’en faire

    http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2007/2007csc1/2007csc1.html

  • Page 29 CoConseil : litige, volume 2, numéro 1

    ressortir l’objet principal. L’analyse s’inscrit dans un processus en deux étapes aux termes duquel un tribunal examine d’abord si le prélèvement a des caractéristiques d’une taxe et ensuite si le prélèvement est lié à un régime de réglementation.

    Première étape — Le prélèvement a-t-il les caractéristiques d’une taxe?

    La première étape de l’analyse vise à établir si le prélèvement possède les caractéristiques d’une taxe eu égard aux caractéristiques suivantes :

    1. elle est exigée par la loi — cette condition est remplie lorsqu’il existe une obligation légale de payer ou une contrainte de fait de sorte que le défaut de paiement entraîne le retrait de certains permis ou de certaines autorisations délivrés par le gouvernement permettant d’exercer certaines activités ou entreprises, ou encore certaines autres sanctions;

    2. imposée sous l’autorité de la législature — cette condition est remplie lorsque la redevance a le caractère d’une somme imposée en vertu du pouvoir conféré par une loi;

    3. perçue par un organisme public — le prélèvement ne peut pas émaner d’une entité privée; et

    4. pour une fin d’intérêt public — cette condition est remplie lorsque l’objet du prélèvement est de percevoir des fonds à des fins publiques.

    Tel que l’indique la CSC dans l’arrêt 620, il est probable que ces caractéristiques s’appliqueront à la plupart des prélèvements gouvernementaux. Il faut donc se demander s’il s’agit là des caractéristiques principales du prélèvement ou si elles sont simplement accessoires. Si elles sont simplement accessoires, le prélèvement ne sera alors pas considéré comme une taxe. Aussi, il est important de noter que le premier énoncé de ces facteurs par la CSC remonte à 1931 dans l’arrêt Lawson v. Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, [1931] R.C.S. 357, au moment où la réglementation gouvernementale et les droits afférents n’étaient pas aussi envahissants qu’aujourd’hui.

    En supposant que ces conditions soient remplies, le tribunal se penchera ensuite sur la deuxième partie de l’analyse et se demandera si le prélèvement est lié à un régime de réglementation.

    Deuxième étape — Le prélèvement est-il lié à un régime de réglementation?

    La deuxième étape de l’analyse a été élaborée plus récemment par la CSC dans les arrêts Successions Eurig (Re), [1998] 2 R.C.S. 565 et Première nation de Westbank c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1999] 3 R.C.S. 134. À cette étape, le tribunal doit se demander si le prélèvement ne possède « aucun lien avec une forme de régime de réglementation » ou est « indissociable d’une réglementation plus générale ». Lorsque le prélèvement ne possède aucun lien avec un régime de réglementation, il s’agira alors

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    d’une taxe. Lorsque le prélèvement possède un lien nécessaire avec une forme de régime de réglementation, il s’agira alors d’une redevance de nature réglementaire.

    Afin d’établir si le prélèvement possède un lien avec un régime de réglementation, le tribunal doit rechercher la présence d’un ou de plusieurs des indices suivants :

    1. un code de réglementation complet, complexe et détaillé;

    2. un objet de réglementation qui cherche à influer un comportement donné;

    3. la présence de coûts réels ou estimés liés à la réglementation;

    4. un rapport entre la réglementation et la personne visée qui en bénéficie ou qui en a causé le besoin.

    Tel que l’indique la CSC dans l’arrêt 620, les trois premiers indices établissent l’existence d’un régime de réglementation, tandis que le quatrième établit un rapport entre le régime de réglementation et la personne visée. Il existe un lien entre le régime et la personne visée lorsque les revenus sont liés aux coûts du régime de réglementation (c.-à-d., il existe un lien raisonnable entre les fonds perçus au moyen du prélèvement et les coûts de financement du régime de réglementation), ou lorsque les redevances elles-mêmes ont un objet de réglementation (c.-à-d., encourager ou décourager certains comportements).

    Le quatrième indice est le plus susceptible d’interprétation judiciaire du fait que le tribunal doit déterminer s’il existe un lien suffisant entre le régime de réglementation et la personne visée et s’il s’agit d’une relation directe ou indirecte. Les personnes qui cherchent à contester l’imposition d’un prélèvement, sur le fondement qu’il s’agit d’une taxe inconstitutionnelle pour absence d’autorisation de la législature, se doivent donc de savoir qu’un tribunal définira largement le régime de réglementation et n’appliquera pas strictement le critère d’un lien direct entre la personne visée et le régime de réglementation.

    Cependant, dans l’arrêt 620, la CSC a clairement statué que le lien entre le régime et la personne visée doit être suffisant et direct. Dans l’arrêt 620, la CSC a retenu les motifs de la Cour d’appel fédérale, qui avait statué que le régime de réglementation avait des liens suffisamment étroits et directs avec la personne visée du fait que les montants perçus étaient appliqués d’une manière qui procurait un avantage direct à l’entreprise de la personne. Dans l’arrêt 620, les propriétaires de restaurants et de bars étaient tenus de payer des droits sur les boissons alcoolisées qu’ils vendaient dans le parc national Jasper. Les montants perçus étaient affectés au financement de l’exploitation du parc national Jasper où les boissons alcoolisées étaient vendues. Par conséquent, les montants étaient affectés d’une manière susceptible d’accroître la clientèle possible de la personne (c.-à-d., qu’il y avait un avantage indirect). Fait à noter, la Cour d’appel fédérale a statué, et la CSC a confirmé, que la personne ne recevrait qu’un

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    avantage indirect si les montants perçus étaient affectés au financement du réseau général des parcs nationaux ou au financement de l’administration centrale des parcs nationaux, renforçant ainsi la nécessité d’un lien direct.

    Distinction entre taxes et redevances de nature réglementaire et frais d’utilisation et redevances afférentes au droit de propriété de l’État

    Dans l’arrêt 620, la CSC a établi une distinction entre une taxe, au sens défini ci-dessus (et devant émaner de la législature), et des redevances de nature réglementaire, des frais d’utilisation et des redevances afférentes au droit de propriété de l’État.

    Au sens de l’arrêt de la CSC, « redevances de nature réglementaire » s’entend d’un prélèvement exigé à l’égard de droits ou d’avantages accordés par le gouvernement. Les sommes perçues en vertu du régime de réglementation auquel se rapporte le prélèvement servent à financer le régime ou visent à modifier les comportements individuels.

    En revanche, la CSC définit « frais d’utilisation » comme des droits prélevés par le gouvernement pour l’utilisation d’installations ou de services gouvernementaux. Pour que les prélèvements soient considérés comme des « frais d’utilisation », il doit exister un lien clair entre la somme exigée et ce qu’il en coûte au gouvernement pour fournir les services ou les installations. Les frais exigés ne peuvent dépasser ce qu’il en coûte au

    gouvernement pour fournir les services ou les installations.

    Dans l’arrêt 620, la SCS a également distingué une quatrième catégorie de prélèvements, soit les « redevances afférentes au droit de propriété de l’État ». Les « redevances afférentes au droit de propriété de l’État » sont des droits exigés pour les produits et services fournis dans un contexte commercial. Citant des commentateurs, la CSC a reconnu que des versements comme des redevances ou des loyers permettant l’exploitation de ressources naturelles appartenant à une province constituent des exemples de redevances afférentes au droit de propriété de l’État.

    Kingstreet — Qu’advient-il des sommes perçues?

    Si un tribunal conclut qu’un prélèvement constitue une taxe plutôt qu’une redevance de nature réglementaire et que la taxe n’émane pas de la législature, conformément à l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867, il doit alors se demander ce qu’il convient de faire avec les sommes abusivement perçues.

    Dans l’arrêt Kingstreet, la CSC a simplement statué que les sommes perçues doivent être restituées à la personne qui les a versées.

    Dans une décision unanime, la CSC a catégoriquement statué que les taxes illégalement perçues doivent être restituées, sous réserve des délais de prescription et des lois correctives, à la personne qui les a payées. Selon la CSC, permettre à la Couronne

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