l'alliance de bois
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Nouvelle par Aurélie MullotTRANSCRIPT
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[Tapez une citation prise dans le document ou la synthèse d'un passage intéressant. Vous pouvez
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modifier la mise en forme de la zone de texte de la citation.] L’Ombre et la Lumière de l’Imaginaire
L’Alliance de bois d’Aurélie Mullot
Saya lèves toi !!!! Me cria ma tante du salon.
Encore endormie je jetai un œil au réveil. 8H: Mince encore en retard! Je me levai
rapidement, enfilai un jean et un vieux tee-shirt de la veille et descendis en trombe au
http://ombre-et-lumiere-de-l-imaginaire.over-blog.com
- Mai 2011 -
Marie regardait par la fenêtre la pluie tomber drue. Le ciel bas et gris semblait couper
toute échappatoire à l’imagination de la jeune fille, dont les yeux ne pouvaient se
détacher de cette petite place avec ses trois arbres, son bassin et ses quelques places de
parking. Elle fut secouée par un léger frisson, sans doute dû à la faible température
qu’il régnait dans son appartement ce jour de décembre. Pourtant elle ne put
s’empêcher d’en incriminer la place. Lorsqu’elle avait visité cet appartement, 5 ans
plus tôt, elle était tout de suite tombée sous le charme de ses poutres apparentes et de
sa petite tourelle en coin, véritable prodige d’architecture. Un seul détail l’avait
ennuyé, la vue. Elle n’était pas du genre à aimer les vues sur les parcs fleuris ou sur de
grands espaces, son précédent appartement donnait d’ailleurs sur l’arrière d’une boite
de nuit et cela ne lui avait jamais posé de problème, pourtant la vue de ce petit
appartement la mettait mal à l’aise. A tel point qu’elle avait failli ne pas prendre
l’appartement à cause de celle-ci. Cela aurait tout de même été stupide de passer à côté
d’un si bel appartement seulement à cause d’une vue dérangeante. De plus, c’était une
affaire, malgré son emplacement en plein centre ville et son architecture, la
propriétaire avait du mal à trouver un locataire ! La première chose qu’elle avait faite
en emménageant ce fut de mettre des rideaux, et la voilà, cinq ans plus tard, derrière
ses rideaux transparents, avec le même sentiment de malaise. Elle retourna donc
s’asseoir à son bureau. Marie travaillait dans une bibliothèque, elle était en charge des
archives et du patrimoine de la ville. Elle s’occupait ce mois-ci des documents laissés
par une jeune duchesse, morte prématurément à ses dix sept ans. Personne ne savait si
elle avait attrapé une maladie fulgurante ou si elle avait été empoisonnée, tout ce que
l’on savait c’était qu’elle avait été retrouvée gisante sur son lit. Elle ressemblait à un
ange semble t-il avec sa robe blanche et ses cheveux auburn coiffés en de grosses
tresses. Cette mort tragique avait beaucoup marqué les esprits de l’époque et l’on avait
conservé toutes ses affaires dans une pièce du palais. Les supports papiers se
retrouvant à présent dans les mains de Marie. Elle n’avait pas le droit de sortir les
documents écrits de la main de la jeune fille par contre elle pouvait emporter les livres.
Etant en charge de les traduire, elle passait énormément de temps dessus et en
l’autorisant à les emporter son employeur lui permettait de travailler chez elle, en
dehors de ses heures de travail (rien n’est désintéressé dans ce monde). Elle avait déjà
dépoussiéré trois volumes de Chrétien de Troyes. Elle prit le prochain livre de la pile
et se rendit compte qu’elle avait déjà travaillé sur ce récit de l’amour entre Guenièvre
et Lancelot. Elle n’avait pas pu se tromper de pile, le volume étant encore sale et
couvert de poussière. Elle l’ouvrit donc et relu les premières lignes de cette histoire
déjà connue : « Puisque ma dame de Champagne a pour vouloir que j’entreprenne un
conte en français, je le mettrai de grand cœur sur le métier…1 ». Mais alors qu’elle
posait le livre ouvert pour récupérer son matériel elle se rendit compte qu’il tenait
ouvert tout seul, elle s’en étonna car elle s’était agacée sur l’autre livre qui se fermait
seul. Elle se rendit alors compte que sur ce volume, l’histoire n’était rédigée que sur le
rétro des pages. Ce n’était pas forcément étonnant puisqu’à l’époque les histoires
étaient retranscrites par des scribes. Ils pouvaient donc varier les formes selon qui
réécrivait ! Malgré tout cette façon de faire n’était pas courante car le papier à
l’époque était épais et cher ! Elle sortit donc son matériel et entrepris de dépoussiérer
et détacher les pages de ce livre, une par une. Au bout de deux heures elle était
beaucoup moins performante et sirotait un thé en soufflant sur les pages qui n’en
finissaient pas. Bien sûr ce travail était toujours très long mais en principe elle pouvait
au moins s’amuser à lire l’histoire ou à étudier le travail du scribe mais celui-ci était
mauvais et elle avait déjà lu l’histoire. Elle continua ainsi pendant un peu plus d’une
heure puis s’arrêta net ! Elle se rendit compte qu’elle n’avait pas vu le passage dans la
forêt, son préféré dans le début du livre. Elle reprit donc en vitesse et se rendit compte
qu’il manquait un passage du livre. Elle vérifia alors que deux pages n’étaient pas
collées. Comme elle ne se rendait pas trop compte, elle prit une solution peu acide que
l’on utilise dans ce genre de cas. Elle en versa une petite partie sur le livre et décolla
deux pages mais alors qu’elle chauffait les pages lentement pour éviter qu’elles
gondolent elle vit apparaître un –e- sur le coin du verso qu’elle tenait du bout de
l’index droit. Elle retourna alors la page et vit qu’une fine écriture, violette recouvrait
1 Chrétien de Troyes, Lancelot le chevalier la charrette.
tout le verso de celle-ci. Très vite elle comprit qu’il s’agissait du journal intime de la
jeune fille, dissimulé entre les vers de cette geste amoureuse. Elle revint alors à la
première page pour voir si ses doutes étaient effectifs ! Elle découvrit ainsi les
premières lignes écrites par la jeune fille : « Je commence aujourd’hui ce journal pour
narrer mon histoire avec Callixte. Je sais que peu de monde me comprendrait
aujourd’hui mais peut-être que dans le futur cette histoire n’inspirera plus mépris mais
respect. Alors que je me promenais en bordure de forêt accompagnée de ma garde et
de ma servante, j’aperçus cet être angélique qui s’affairait à ramasser du bois. Je n’ai
pas besoin de préciser que je fus tout de suite sous le charme de… » Marie aussi se
retrouva tout de suite conquise par cette histoire. Elle savait qu’elle n’était pas
habilitée à traiter des documents manuscrits de la jeune duchesse mais en même temps
elle ne pouvait se résoudre à arrêter cette histoire ainsi. C’est toujours extraordinaire
de découvrir un document original mais il y avait quelque chose de plus encore ici.
Elle avait déjà été blessée de par le passé par le vol médiatique de certaines de ses
découvertes par son patron et elle savait bien qu’ici encore elle se retrouverait privée
de reconnaissance mais ça ne l’importait pas. Ce qui la gênait vraiment, c’était qu’elle
n’aurait le droit de consulter l’histoire déchiffrée qu’en même temps que le grand
public et elle ne souhaitait pas autant attendre. Il y avait quelque chose dans cette
écriture frêle, hésitante mais si sincère qui touchait profondément Marie. De plus,
confier ce journal intime d’une jeune âme à la machine sans cœur qu’était son patron
était assez dérangeant. Elle décida de continuer sa lecture pour la soirée, si elle séchait
correctement les pages, elle pourrait tout de même le rendre sans éveiller de soupçons
le lendemain. Elle lu, tout en retranscrivant sa traduction sur un petit carnet, l’histoire
de la jeune fille. Elle décrivait ses activités de jeune duchesse qui, bien que toujours
fastueuses, manquaient parfois de piquant ! Puis elle fit une description plus poussé de
son « âme sœur » : « … j’eus alors le loisir de l’observer plus longuement. Il était plus
grand que moi mais pas d’une stature très haute, ses cheveux couleur de miel
cascadaient sur ses épaules, son regard vert tendre comme l’herbe de printemps
inspirait tout de suite confiance. Pourtant ce qui m’attira le plus ce fut son léger sourire
lorsqu’il posa un regard sur moi. Celui-ci était à la fois doux et malicieux. Je
succombais à l’instant même où je posais mon regard sur son visage d’ange. » Elle
décrivit les premiers temps où elle passait des heures à la fenêtre de son palais pour le
voir, peut-être, sur le chemin. Elle multiplia également les balades en bord de forêt et il
fut à chaque fois présent sur sa route. Mais elle ne pouvait lui adresser la parole en
présence de sa garde et de sa gouvernante, ce n’était qu’un jeune paysan mais elle ne
pouvait s’empêcher de le chercher bien que cela fut vain. Cependant un jour de mai, sa
gouvernante malade ne put l’accompagner dehors et les gardes étaient tous
réquisitionnés pour escorter un prince de passage en ville. Bien qu’elle ait promis à ses
parents de ne pas sortir, elle se faufila (grâce à un passage secret situé dans la
bibliothèque) à l’extérieur et alla rejoindre son ange. Marie fit une pause à ce moment.
Elle voulait profiter au maximum de ce récit. Alors qu’elle faisait errer son regard sur
les objets qui l’entouraient elle aperçu son réveil. Il était à présent 3H34 du matin et
elle se levait à 7H30. Elle se décida donc, à regret, à abandonner son livre pour
s’endormir. Elle rêva de jeune gens en costumes d’époque durant une bonne partie de
sa courte nuit.
Elle se réveilla seulement 10 minutes avant de partir et donc dû se laver et s’habiller
à toute vitesse. Alors qu’elle regardait par la fenêtre pour contrôler le temps et savoir si
elle devait prendre son parapluie, elle aperçut une jeune fille aux longs cheveux bruns,
dans une robe à cerceaux blancs. Son teint laiteux et ses yeux bruns en amande
reflétaient une grande mélancolie, elle se tenait appuyée contre un arbre. Marie ne
l’aperçut qu’un instant, car alors que celle-ci relevait les yeux et rencontrait le regard
de Marie, un homme, grand, vêtu de noir passa devant la jeune fille et elle disparue.
Marie resta figée quelques secondes devant sa fenêtre puis partie pour son travail. Elle
habitait à deux pas des archives et n’eut donc pas le temps de repenser à la jeune fille
sur le chemin. Ce n’est que dans la matinée, en apercevant le portrait de la jeune
duchesse qu’elle comprit qu’elle avait dû rêver ce moment car le portrait qu’elle voyait
recelait de la même mélancolie que la jeune fille du parc, et elles étaient identiques. La
journée traîna un peu en longueur, Marie avait oublié le livre chez elle, et elle avait
hâte de le retrouver. N’ayant plus rien à manger, elle dû passer par le centre ville avant
de retrouver son petit appartement. Là encore alors qu’elle s’apprêtait à traverser la rue
de la Liberté, elle vu la jeune fille sur le trottoir en face qui la regardait en pleurant
mais un bus passa dans la seconde suivante où elle l’aperçut et elle ne la retrouva plus.
Elle était vraiment fatiguée après sa courte nuit. Elle décida donc de prendre un bain et
d’aller se coucher tôt en rentrant. Elle s’acheta un plat cuisiné puis rentra. Elle déposa
ses courses sur la table puis alla faire couler de l’eau chaude et mit quelques essences
de rose et de tilleul dans son bain. Elle réchauffa son plat deux minutes au micro-onde,
en mit trois à tout avaler puis s’immergea dans son bain. Bien qu’elle ait décidé de se
reposer, elle avait aussi apporté le journal de la duchesse dans son bain, juste pour
prendre un peu d’avance sur ce qu’elle allait traduire. Elle était allongée dans sa
baignoire et tenait le livre à bout de bras pour ne pas qu’il s’abîme. La jeune duchesse
décrivit leur première rencontre : « Alors que je désespérais de ne pas le retrouver, je
l’aperçus, assit dans l’herbe taillant un morceau de bois. Je me tins à distance un
moment pour l’observer, mon cœur s’était emballé à sa vue, mes joues empourprées,
je le sentais, et je ne voulais pas me présenter dans cet état. Du reste, souhaitais-je
réellement me présenter ? Je le pense puisque je le cherchais mais ma peur de ne pas
être à la hauteur de notre rencontre me paralysait. Il était si beau, sous ce léger soleil
de printemps, la cascade de ses cheveux tombait sur ses fines mains brunies par le
soleil. Ses mains virevoltaient avec agilité sur le morceau de bois, créant (petit à petit)
une silhouette dont lui seul connaissait la finalité. Cette vue créa des fourmillements
dans mon ventre et je me sentis bouillir intérieurement, je ne pus empêcher un sourire
de se former sur mes lèvres. C’est à ce moment là qu’il se retourna. Son regard posé
sur moi fit déferler une vague de désir dans mon corps, mon cœur battit plus fort, si
bien que j’en eus les larmes aux yeux. Je me repris très vite et avançai vers lui pour ne
pas qu’il voit que j’étais morte de peur. La conversation s’engagea rapidement, il
n’avait pas les mêmes marques de respect envers moi que les autres serviteurs. Bien
que cela me choqua un peu au départ, je fus vite à l’aise. Callixte est un jeune homme
plein de fantaisie, il manque bien entendu de culture, d’éducation, mais il comble ses
manques par son imagination. Il est aussi très doux malgré son travail manuel, sa
créativité dégrossit un peu son allure. Il est aussi très soigné, si je ne l’avais pas vu au
travail, j’aurais pu le prendre pour un noble. Ces deux heures passées auprès de lui
furent des instants merveilleux. J’eus les larmes aux yeux lorsque je dus le quitter, les
serviteurs devaient s’être mit à ma recherche et nous aurions eu des problèmes s’ils
nous avaient trouvé ainsi. Pourtant mon cœur se serra au moment de prendre congé. Il
me remit alors un papillon en bois qu’il avait façonné en me parlant. Lorsque nos
mains se touchèrent, une décharge de plaisir me submergea et je lu dans ses yeux que
lui aussi l’avait ressenti. Bien sûr je fus réprimandé en rentrant mais je dis à Père que
je lisais calmement dans la bibliothèque, il ne dit rien, du reste il avait bien d’autres
problèmes. Ce soir là je me couchais dans un état de nerfs terrible, j’étais déchirée
entre le plaisir, l’amour que m’avait apporté cet après midi et la peine et le manque
profond que je ressentais depuis que son regard m’avait quitté. » Marie se rendit
compte à ce moment là que l’eau de son bain était froide et qu’elle risquait de tomber
malade. Elle était troublée par ce récit, elle qui n’avait jamais connu l’amour, elle
retrouvait tous ses rêves dans ce récit de jeune fille. Elle sortit de son bain et se rendit
compte qu’il était déjà 23H00, malgré cela elle décida de lire encore un peu cette
histoire qui la passionnait. Elle lit ainsi l’épanchement de la jeune fille sur ses longs
après midi nostalgiques où elle ne pouvait le voir. Elle restait ainsi à sa fenêtre à
l’imaginer. Puis grâce aux différentes révoltes paysannes en cours dans la région, la
surveillance d’Aline fut atténuée. De plus, Callixte, grâce à son acharnement et un
travail continu, réussi à se faire embaucher au château au bout de quelques mois. Il
était responsable des torchères. Ce travail n’était pas extraordinaire mais il lui
permettait d’arpenter le château et de rencontrer la jeune duchesse au détour des
couloirs ou pour de courts rendez vous dans la bibliothèque. Cette romance dura
plusieurs mois, Marie lut ses confessions sans interruption jusqu’à 4h du matin. Elle
lut plusieurs fois les passages les plus romantiques comme le premier baiser des deux
jeunes gens : « c’est ainsi que Callixte nous fit sortir du château sans êtres aperçus des
gardes. Il avait « emprunté » au palais un rideau pourpre qui nous fit un sol moelleux
pour notre déjeuner au bord du canal. Il avait choisit un espace très à l’écart des
habitations, nous dûmes prendre un cheval pour nous y rendre. J’étais si bien auprès de
lui que j’avais parfois du mal à retenir mes rires lorsque nous étions au château. Bien
sûr personne ne doit nous voir, mais je ne comprends pas pourquoi. C’est difficile pour
une jeune fille de comprendre les rouages de l’étiquette. Comment notre amour peut-il
être néfaste ? Le paysage où nous nous installâmes pour le déjeuner était sublime. Il
m’offrit une fleur avant celui-ci. Il avait préparé lui-même tout ce que nous
mangeâmes. Juste après avoir mangé le dessert il m’offrit enfin un poème, chose que
je lui réclamai depuis qu’il m’avait appris qu’il en écrivait ! Celui-ci me bouleversa
totalement, je ne le retranscrirai pas ici car ce moment ne peut être partagé, il restera à
jamais gravé dans ce moment, dans la magie de ce lieu. Sans que je ne m’en sois rendu
compte, mon corps s’était tendu vers lui durant sa récitation. Lorsque les dernières
syllabes se perdirent dans l’air je n’étais plus qu’à quelques centimètres de lui.
Centimètres qu’il franchit en un instant, ses lèvres se posèrent sur les miennes dans la
caresse d’une plume. Je pus goûter au miel de sa bouche qui reflétait la couleur de ses
cheveux. Nos deux corps bougeaient à l’unisson, se collant l’un à l’autre sans se
bousculer. A cet instant tous les moments de tensions dus à nos conditions et à mon
entourage disparurent. Je pus jouir du plaisir d’être dans ses bras, là où mon âme et
mon corps rêvaient d’être depuis plusieurs mois. Ces sensations furent si intenses que
je cru mourir à la fin de ce baiser. Dans mon esprit j’avais accomplie ma vie par ce
geste. Mon corps tout entier me semblait engourdit comme si toutes les sensations
s’étaient intériorisées et que l’extérieur n’avait plus de prise sur moi. Mais le moment
qui restera à jamais gravé dans mon cœur fut lorsqu’il plongea son regard dans le mien
en se détachant de mon visage. J’y lu tout son amour, tout le mien, tout ce qui nous
liait à présent et je su que je ne pourrai revenir en arrière. » Marie fut aussi touchée par
la demande en mariage. Leur romance pu continuer ainsi plusieurs mois car le Duc
souhaitait marier son fils à une jeune noble d’un duché ennemi et donc la mise en
place de l’alliance prenait énormément de temps à tous. L’organisation des noces
prenait aussi énormément de place dans la vie du palais. Les jeunes amoureux purent
donc se voir régulièrement sans trop attirer l’attention. Pourtant le jeune homme
négligea son travail et il fut renvoyé au grand désarroi du jeune couple. La jeune fille
exprimait sa détresse à ce moment là. « Lorsqu’il m’apprit la nouvelle de son renvoi
je fus anéantie. De grosses larmes chaudes coulaient sur ses joues me renvoyant à ma
propre tristesse. Nous étions habitués à nous voir tous les jours, nos corps se
reconnaissaient, je ne pouvais m’imaginer une journée sans lui. Sa seule présence
dans le même lieu que moi suffisait à me faire tenir, je ne concevais pas la vie sans lui.
Je passais donc plusieurs nuits en pleurs et passais mes journées à la fenêtre,
l’observant à l’extérieur qui surveillait le palais, couvant des yeux ma fenêtre, comme
si ce seul geste pouvait le maintenir à mes côtés. Je perdis du poids en seulement deux
jours et dû faire des efforts surhumain au mariage de mon frère le samedi suivant pour
ne pas m’effondrer. Pourtant il arrivait à venir me voir de temps en temps, déjouant la
surveillance des gardes, et je parvenais à m’échapper du palais parfois, mais nous
avions besoin de plus. » Ce fut après le mariage du Duc qui mobilisa toute la région
que Callixte fit la surprise à Aline. La chambre de la jeune fille donnait sur un chêne et
il passa par celui-ci pour venir la visiter, ce soir de mai : « Je fus d’abord un peu gênée
qu’il se soit permit de venir dans ma chambre, alors que j’étais déjà en nuisette.
Pourtant cette sensation dura une seconde car le plaisir et le besoin d’être près de lui
dominait toute autre chose. Je su en le regardant et à sa façon de me serrer contre lui
que quelque chose d’important se préparait. Je fus prise de panique à l’idée qu’il
puisse vouloir mettre un terme à notre relation mais son sourire gêné me rassura
aussitôt. Il ne prit pas le temps de m’expliquer quoi que ce soit. Il mit un genou à terre
en me récitant de nouveau le poème de notre premier baiser et me demanda ma main.
J’acceptai sans réfléchir à comment, où. Rien n’aurait pu me faire répondre autrement
à l’être que j’aimais tant. Nous nous étreignîmes, pleurant de bonheur, nous
murmurant des je t’aime. Nous prîmes la décision de nous faire marier par un prêtre
païen que Callixte connaissait bien. La cérémonie se déroulerait à l’endroit où nous
nous étions vu la toute première fois, alors que je me promenais avec ma garde. Le
jour de la cérémonie arriva vite. Je dus redoubler de prudence. Mon frère étant marié
mes parents se préoccupaient plus de moi. Mon père étant parti trouver un jeune noble
à qui me marier dans les contrées voisines, ma mère, elle, se consacrait à mon
éducation. J’eus la chance inespérée d’être défendue par mon précepteur. Celui-ci est
comme un père pour moi et il avait deviné depuis quelque temps notre amour. Il
m’avait laissé faire, pensant que notre passion s’éteindrait rapidement mais il comprit
que notre amour ne pouvait être ignoré, seule la mort pourrait me séparer de Callixte.
Il dit donc à ma mère que nous allions étudier les manières des dames au centre ville,
dans les magasins, pour m’habituer à la vie en société, moi qui étais si protégée dans
le palais. Il participa ainsi à la cérémonie, à contre cœur car il savait que cette union
ne pourrait aboutir à quelque chose de positif mais avec le regard ému du père qui
voit son enfant s’épanouir, être heureux. » Marie tombait de sommeil, il était à présent
5h du matin et bien que cette histoire la passionne, elle ne voyait plus les lettres. Elle
se décida donc à se coucher. Cette nuit encore elle rêva de jeunes gens en costume
d’époque mais l’atmosphère de ces rêves était cauchemardesque. Ils se trouvaient sur
une plaine mais le temps était à l’orage et ils étaient oppressés par l’air lourd. Bien
qu’au même endroit, les deux amoureux ne semblaient pas se voir. Ils n’arrivaient pas
à se retrouver, à se rejoindre. Dans d’autres rêves, seule la jeune fille apparaissait. Elle
venait à la rencontre de Marie et la suppliait de l’aider. Elle observait le sol à la
recherche d’un objet que Marie ne pouvait voir et levait des yeux implorants sur la
jeune fille. La jeune duchesse était livide et ses cheveux semblaient trempés, à l’image
de son visage nimbé de pleurs. Marie se réveilla plusieurs fois en larmes durant la nuit
et à chaque fois elle regarda du côté de la fenêtre et cela accroissait son angoisse.
Le lendemain, Marie fut réveillée par le téléphone à neuf heures, elle n’eut pas à
inventer d’excuse pour ne pas aller travailler. Son séjour prolongé dans la baignoire
l’avait rendu malade. Elle répondit avec une voix enrouée et un nez bouché. Son
directeur lui dit de se soigner et de penser à voir un médecin. Mais Marie n’en fit rien,
en tout cas pas pour le moment. Elle se contenta de remonter la couette et déposa le
journal sur ses genoux. Elle se replongea très vite dans la lecture. Elle en était déjà à la
cérémonie de mariage : « Lorsque j’arrivai à proximité de la plaine, je découvris un
tapis de pétales de fleurs qui s’étendait sur une quinzaine de mètres. Au bout de ce
tapis, Callixte m’attendait. Il était vêtu d’un habit émeraude qui se mariait
parfaitement à sa chevelure blonde et à ses yeux verts. Il était la parfaite incarnation
de l’ange pour moi. Le temps se figea un instant et le poids de ce jour tomba sur mes
épaules sans lourdeur, me rappelant seulement l’importance de ce moment. Ici, à cet
instant je scellai mon avenir de la plus belle façon possible, liant à jamais ma destinée
à la sienne. Les larmes me vinrent aux yeux et coulèrent sur mes joues, j’étais si
heureuse. Mon précepteur me prit alors par la main et me conduisit auprès de mon
âme sœur. Durant cette cérémonie nous exprimâmes notre amour tout en nous liant à
la terre. Le prêtre nous promit qu’en échangeant notre amour ainsi, avec la terre et le
ciel pour témoin, nous jouirions d’une protection éternelle des cieux. Je senti, au
moment où Callixte me passa l’anneau au doigt, le lien qui nous unissait de manière
physique. Il était quasiment matérialisé et même le précepteur et le prêtre le virent. Je
senti aussi dans cet anneau le poids de notre amour. Cet anneau m’ancrait à cette
terre par l’amour de mon ange. La cérémonie fut courte mais elle me sembla durer
une éternité car les vœux que nous prononçâmes à ce moment étaient des vœux
d’éternité. Nous ne faisions qu’exprimer au monde cet amour qui nous consumait
depuis le premier regard. Rien ne pourrait nous séparer sur cette terre. J’avais prévue
de partir le soir même avec lui pour tenter de construire notre vie dans une autre
contrée, dans un autre pays. Je savais que je devrai travailler, que je changerai de
classe social, de milieu mais mon univers à présent se trouvait à ses côtés et rien
d’autre ne comptait. » Marie avait de plus en plus de mal à lire le texte, les lettres
étaient troubles, doublées, peut-être à cause de mauvaises conditions dans lesquelles ce
récit avait été écrit. Les lettres se faisaient aussi de plus en plus penchées, comme si la
jeune fille avait écrit plus rapidement. « Nous nous embrassâmes de toutes nos âmes
comme si le monde n’existait plus autour de nous. Je m’étais unie à lui, je fuirai avec
lui et j’espérais pouvoir bientôt porter son enfant. Je dus rentrer au plus vite car nous
ne devions pas éveiller la méfiance de mère. Je ne pus conserver mon anneau à mon
doigt, je le mis donc à une chaîne que je faisais passer dans mon corsage. Il était
convenu que nous nous retrouverions, en bas de mes appartements, au coucher du
soleil pour fuir ensemble. Je rentrai donc et ne trouvais point ma mère. Me réjouissant
de cette heureuse coïncidence je montais préparer mes affaires, congédiant mes
servantes et attendis patiemment que le soleil se couche. Alors que je passai par ma
fenêtre pour rejoindre mon mari, mon frère entra dans ma chambre. Ma mère, se
doutant de quelque chose depuis plusieurs jours l’avait fait venir. Il n’avait pas hésité
à faire un mariage d’alliance et était encore plus dépendant du pouvoir que ne
l’étaient mes parents. Je savais qu’il ne me comprendrait pas. Prise de panique je me
jetai par la fenêtre et cria à Callixte de fuir mais celui-ci m’attendit. Nous traversâmes
la cour en quelques enjambées, prenant de surprise les gardes que nous bousculâmes
au passage. N’ayant pas encore reçu d’ordres, ils nous laissèrent passer. Mais bientôt
nous fûmes poursuivis. Nous courûmes à peine quarante minutes avant d’être
rattrapés par mon frère et sa garde. Ils immobilisèrent brutalement mon amour et mon
frère me saisit par les cheveux. Se refusant à régler cette affaire en public, ils nous
tirèrent à l’écart. J’étais à présent sure de mourir ce soir et étais seulement ravie de
pouvoir partir avec mon aimé. Mon frère nous questionna sur notre passion, nous
molestant l’un l’autre mais s’en prenant surtout à Callixte. Chaque coup qui
l’atteignait résonnait en moi et brisait mon être je priai la mort de nous prendre vite
pour ne plus le voir souffrir ainsi. Lorsque mon frère comprit que nous nous étions
marié mais que nous n’avions pas consommé ce mariage il changea de ton. Il me dit
que ce n’était pas si grave et que je devais simplement être éloigné de mon amant et
mariée à un jeune duc. Ne pouvant renier mon amour je lui répliquais que rien sur
cette terre ne pourrait m’empêcher de vivre auprès de l’être que mon cœur avait choisi
et que je ne suivrai jamais la voie qu’il m’avait tracé. Il eut alors un sourire froid qui
me fit frissonner et je sus que l’enfer m’attendait sous peu. Ne pouvant m’éloigner de
mon amant il décida de l’éloigner de moi. Il demanda donc à ses hommes de battre à
mort l’être qui m’était cher. Devançant ma réaction il me ceintura de son bras gauche
et étouffa mes cris de sa main droite. L’enfer commença alors pour moi, je me
débattis, hurlais, cognais. Il dut me frapper plusieurs fois et quasiment m’étouffer
pour camoufler mes cris. Chaque coup provoquait une souffrance terrible dans mon
âme. Je voyais mon ange, se transformer peu à peu en un amas de chair disloquée,
sanguinolente, désarticulée. Son dernier regard fut pour moi et malgré sa souffrance
et la mort qui s’insinuait en lui, j’y lus tout son amour pour moi et un dernier « je
t’aime » formulé au fond de ses iris émeraude. Je hurlais alors et mordis si fort la
main qui m’étouffait que je sentis un goût de rouille s’insinuer dans ma bouche. Je fus
alors surprise par un coup et sombrais dans le néant. Combien de temps y suis-je
restée ? Je ne saurais le dire. Ce que je sais à présent c’est que mon temps se fini. Je
ne sais ce que mes parents auraient décidé, ni ce qu’il est advenu du corps de mon
bien aimé, ni ce qu’il arrivera à mon précepteur (mon Dieu je vous en prie veillez sur
lui, il n’a fait qu’aider deux âmes sœurs à se retrouver). Le vide que j’ai ressenti en
me réveillant m’a confirmé que je n’ai pas rêvé la scène de ce soir, Callixte a quitté ce
monde et je le rejoindrai très bientôt. J’avais acheté de quoi mourir paisiblement dans
mon sommeil lorsqu’il avait perdu son travail et ce breuvage me permettra ce soir de
le retrouver pour nous aimer pour l’éternité. J’ai conservé ma tenue de mariée, il est
logique que je meure dans ces vêtements qui symbolisent notre union. J’ai par contre
entrouvert ma fenêtre pour jeter mon anneau dans le chêne sous celle-ci. Mon frère ne
comprenant pas mon geste, ni le sens de l’amour fait surveiller ma porte et la Cour
pour ne pas que je me sauve mais il ne soupçonne pas mon amour. Ce n’est pas de sa
faute, il n’aime que lui comment pourrait-il comprendre qu’un être puisse tellement
compter à vos yeux qu’il devienne l’air même dont vous avez besoin pour vivre. Mon
anneau repose ainsi au creux de ce chêne qu’y a été un allié dans notre passion, je ne
tiens pas à ce que ma famille le découvre sur mon corps et le jette, il sera mieux ici.
J’ai tenu à consigner mon histoire dans ce cahier que je dissimulerai car bien que
cette vie s’achève si vite, je ne peux la regretter. Cet amour m’a tant apporté. J’ai vu à
travers les yeux d’un autre, je me suis vue à travers l’être aimé, je ne peux concevoir
plus belle expérience. J’espère qu’un jour ce récit pourra apprendre à d’autre jeunes
gens combien l’amour est important et combien la vie est belle pour ce qu’elle est et
non pour ce qu’elle devrait être selon les règles. Aucune règle ne peut apprendre à
voir le monde, à se construire une destinée, une personnalité, chacun doit le vivre et
non l’analyser. Je vois l’aube poindre au loin, il est à présent temps pour moi de
quitter cette vie, je ne sais ce qui m’attend mais j’y vais sans crainte car je ne peux
trouver d’apaisement dans ce monde. » Les pages suivantes étaient blanches et Marie
comprit qu’elle n’aurait pas d’autre récit. C’était donc ainsi que la jeune duchesse était
morte, en se donnant elle-même la mort pour rejoindre l’être aimé. La jeune archiviste
était bouleversée par ce récit, elle se dirigea en larmes jusqu’à la salle de bain. Le
contact de l’eau chaude sur sa peau lui fit le plus grand bien. Elle avait tellement de
mal à s’en remettre. C’était une histoire poignante et pour elle qui n’avait pas vécu
beaucoup d’histoires d’amour et dont la dernière relation s’était terminée brutalement
après qu’elle ait surpris son copain avec une autre, ces amants maudits représentaient
quelque chose de terrible et de magnifique à la fois. Elle se doucha rapidement et sortit
se sécher. Alors qu’elle essuyait le miroir, l’espace d’un instant, son reflet fut remplacé
par celui d’Aline. Elle eut un mouvement de recul et décida de ne pas sortir de la
journée, son état étant assez sérieux. Elle avait encore du travail sur l’œuvre mais elle
ne voulu pas la reprendre tout de suite, cette histoire la tourmentait. Elle s’assit donc à
son bureau et commença à traduire les notes d’un professeur du 17ème
qui travaillait sur
le crottin de cheval et ses vertus au sein de l’agriculture. Bien entendu elle n’arrivait
pas à se concentrer, son esprit revenait toujours au journal. Elle alla jusqu’à la fenêtre
de laquelle elle pouvait admirer les arrières du palais des Ducs. Bien sûr il avait bien
changé depuis l’époque d’Aline, pourtant, elle avait l’impression de pouvoir revoir, en
insistant bien, les gens de cette époque et le jeune couple. Elle revit alors la jeune
femme devant l’arbre mais cette fois celle-ci tendait le bras vers elle. Bien que comme
les précédentes, la vision ne dura qu’une seconde, Marie en fut horrifiée. Elle ne savait
pas si elle devenait folle ou si la maladie provoquait des visions. Elle courut donc chez
un médecin qui lui prescrivit un sirop pour sa toux seulement, elle n’osa pas lui parler
de ses hallucinations et rentra donc sans être plus avancée. Elle se mit devant la télé et
décida de se coucher tôt mais elle ne pouvait dormir, elle voyait le visage de la jeune
duchesse dans tous ses rêves et sa tristesse lui brisait le cœur. Elle se leva et se prépara
une tisane, elle retourna alors à sa fenêtre pour voir si elle avait encore des visions et
vit une fois encore la jeune duchesse près de l’arbre mais elle ne la regardait plus, elle
semblait résignée et pleurait devant l’arbre. La vision fut un peu moins courte que les
précédentes et Marie qui se sentait sombrer dans la folie, descendit dans l’idée d’aller
jusqu’au pied de l’arbre voir si elle pouvait distinguer quelque chose. Il ne fut pas
facile d’arriver jusqu’à celui-ci car le parc était fermé mais la serrure était mauvaise et
Marie réussit à la forcer avec un tournevis, pris à cet effet (la barrette à cheveux étant
un mythe). Elle remercia la nuit d’être si nuageuse et donc si peu lumineuse car
beaucoup d’habitations entouraient ce parc. Elle arriva rapidement au pied de l’arbre
mais ne vit rien, alors qu’elle s’apprêtait à repartir elle entendit des sanglots étouffés
dans son dos. Elle se retourna pleine d’appréhension et rencontra le regard triste de la
jeune duchesse. Elles se regardèrent quelques minutes sans rien dire, Marie était morte
de peur puis Aline prit la parole.
- Pourquoi ne puis-je pas le revoir. Cela fait maintenant près de sept siècles que
j’attends. Aidez-moi je vous en prie.
- Comment ? Ce mot avait échappé à Marie, elle était traumatisée par cette vision
pourtant cette vue de la jeune fille en pleurs la touchait au plus profond d’elle
faisant disparaître sa retenue. Pourquoi êtes-vous ici ?
- Lors de la cérémonie de mariage qui m’unit à mon bien aimé, le prêtre prononça
un discours qui nous unit tous deux ensemble et à cette terre. L’anneau de ce rituel
était le symbole de notre attachement sur cette terre. Lorsque mon frère brûla le
cadavre de mon ange, il détruisit cet anneau et il put donc passer de l’autre côté
où il m’attend.
- Votre anneau ! Marie avait comprit en une seconde le problème qui retenait
prisonnière la jeune fille depuis plusieurs siècles. Les larmes lui vinrent alors aux
yeux et débordèrent.
- Je ne voulais pas que le symbole de notre amour soit détruit mais en le lançant
dans cet arbre, je me suis enchaînée à cet arbre pour l’éternité. Je dois le détruire
mais je ne peux le toucher, je ne peux que le sentir.
- Je souhaiterais vous aider mais je ne vois pas comment faire. Je ne peux abattre un
arbre
- .Peut-être pouvez vous seulement récupérer cet anneau pour moi ? Je peux vous
guider au sein de l’arbre bien que je ne puisse le toucher.
- Comment ?
- Il vous suffit de grimper, il y’a un creux entre ces branches, c’est dans cette faille
que l’anneau a chuté et s’est emprisonné.
Marie regarda les branches, elle ne se voyait pas grimper, en même temps, elle se
retrouvait face à une âme damnée, après avoir gardé un document qu’elle aurait du
rendre au musée, forcé un portail, et avoir été hantée trois jours par une duchesse
morte depuis des siècles, elle commença donc à grimper avec beaucoup de difficultés.
Après une heure de pirouettes et d’acharnement elle arriva sur une branche, devant
une fente qui s’ouvrait dans le bois. Celle-ci était remplit de feuilles, de saletés et sans
doute d’une multitude d’insectes que Marie n’avait aucune envie de déranger.
Pourtant il le fallait. Ne pouvant se résoudre à fouiller ce creux à main nu, elle enroula
son bras dans son pull et commença à ramasser et à sortir de là tout ce qui encombrait
sa vue. Bientôt une multitude d’insectes précéda ses manœuvres, fuyants devant cette
étoffe pourpre qui détruisait leur habitat. Le fantôme d’Aline flottait à ses côtés, la
guidant dans ses recherches. Elle atteint alors, au bout de deux heures, une chaîne en
argent qui vint sans difficultés. Malheureusement elle était cassée et ne portait plus
trace d’un anneau. Marie sorti donc son téléphone, qui avait une application torche et
vit une enflure dans le bois. Un regard vers la jeune duchesse confirma ses peurs. Le
bois s’était développé autour de l’anneau, l’enfermant en soi. Marie était sur le point
de se mettre à pleurer de rage lorsqu’elle se rappela le tournevis au fond de sa poche.
Elle se mit donc à donner de violents coups dans le bois, s’excusant silencieusement
auprès de Dame Nature. Après 1heure et quart de travail, elle put dégager une pièce
de bois qui enfermait sans aucun doute l’anneau.
Elle descendit alors de l’arbre et la fixa demandant à la jeune fille quoi faire.
- Il faut le détruire et le feu est le moyen le plus efficace pour cela.
- Mais je n’ai qu’un petit briquet sur moi, je ne suis pas sure que cela suffise.
- J’attends depuis des siècles de pouvoir enfin rejoindre mon âme sœur, je t’en
supplie délivres moi.
Ne savant quoi faire d’autre, Marie sortit son bric de sa poche et pria (bien qu’athée)
pour que cela fonctionne. Elle le tint allumer sous la pièce de bois le voyant consumer
à petit feu le chêne. Elle savait qu’il n’y avait pas beaucoup de gaz dans ceux-ci et
doutait qu’il puisse venir à bout du morceau de bois. C’est alors que des flammèches
émeraudes apparurent, le feu avait semble t-il atteint l’anneau qui se consumait
rapidement au sein du morceau de bois, faisant disparaître également la pièce qui
l’entourait. Marie éteignit son briquet et ne put s’empêcher de garder en main la pièce
de bois qui était parcourue de petites flammes vertes. L’une d’entre elle vint lécher la
paume de Marie qui lâcha le bout de bois de surprise et de douleur. Elle leva alors la
tête pour admirer Aline dont les traits détendus avait rendu sa beauté. Ses fines lèvres
roses esquissaient à présent un sourire et ses yeux étincelaient de bonheur et de paix.
Marie y lut toute la gratitude alors qu’elle voyait se former à côté d’elle le fantôme de
Callixte. Les deux amants se regardèrent et s’embrassèrent tendrement devant les yeux
ébahis de Marie puis ils lui lancèrent un regard plein d’amour et disparurent la laissant
seule, en pleurs et en tee shirt, en plein milieu d’un parc public.
Cette nuit là elle ne fit pas de cauchemars mais un très beau rêve dans lequel elle était
conviée par le couple à un déjeuner au bord d’un fleuve. Aline lui dit alors au revoir et
lui demanda de publier son histoire, même si elle devait changer les noms, même en en
modifiant la forme, simplement pour donner un peu d’espoir à d’autres amants.
Marie dès son réveil poursuivit la traduction du journal allant jusqu’au suicide de la
jeune fille puis l’envoya à plusieurs éditeurs mais tous la refusèrent. Désespérée, elle
me la confia espérant que je pourrai la léguer aux générations futures. Elle ne sut
jamais si cela avait vraiment été un hasard que ce soit elle, jeune femme désespérée
par l’amour et vivant en face du parc qui avait trouvé ce livre mais elle ne s’en
préoccupa pas. Elle conserva son appartement dans lequel elle se sentait si bien à
présent, ainsi qu’une brûlure en forme de papillon au creux de la main gauche. Elle
quitta son emploi aux Archives pour un autre dans une boutique de livres anciens où
ses compétences furent plus valorisée et se mit à la recherche de son âme sœur bien
que se refusant à tout projet de mariage.