l’auto est morte vive l’auto · sites de son entreprise. bravo à elle ! la famille proix,...
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Conso
saga Monopoly
VIVE l’auto ?
PS - VErtS ChronIquE d’unE fISSIon ProgramméE
Belgique, Luxembourg, Portugal « Cont. » : 5,90 euros - Suisse : 9,80 FS - Canada : 10,25 $C DOM : 5,70 euros
sagala fraise tagadala ramène encore Monopolyqui achèteles terres africaines ?
moins gourmand, plus léger, le modèle idéal débarquechez vous
ConsoPas toute blanche, la lessive écolo
L’auto est morte
VIVE l’auto ?PratIquE
Comment faire
sans voiture
terra eco octobre 2012 3
RAPHAËL BALDOS(Le reportage)Reporter et photographe,
Raphaël est tombé petit
dans la marmite de
l’écologie, lorsque son
grand-père forestier lui a
fait découvrir le royaume des arbres. Formé
à l’Institut pratique de journalisme et à la
Napier University d’Edimbourg, en Ecosse,
il triture un compost de mots et d’images
pour raconter sa vision de l’aventure
humaine. Ses reportages l’entraînent
vers des jardins inexplorés d’Europe et
d’Amérique du Sud. Sa rencontre avec
l’île d’El Hierro lui a inspiré un webdoc sur
l’énergie et l’imagination renouvelables.
www.objectif-plume.fr/raphael_baldos
ils ont participé
éditorial
CÉCILE BOuRDAIS(L’économie expliquée et dossier)En tant que graphiste ?
Rendre accessible
les enjeux
environnementaux
et sociaux ou rendre séduisant le travail
d’entreprises ou de collectivités qui
œuvrent à changer le monde, comme
la ville de Lille, Enercoop ou le cabinet
Huglo Lepage, pour qui j’ai conçu
expositions et identités visuelles. Comme
plasticienne ? Repenser notre lien à
la matière, retravailler ce qui est déchet
(billets de banque, papier, etc.) pour
une « re-naissance ».
http://cecilebourdais.wordpress.com
JuSTINE BOuLO(La santé)Née au bout de la Loire,
un pied dans l’océan
Atlantique, l’autre
embourbé dans la terre,
Justine s’intéresse
aux piafs et aux hortensias, observe
ses voisins paysans et leurs élevages
bovins. Et enrage devant les marées
noires. Licenciée en lettres, elle sort
diplômée de l’Institut pratique
du journalisme de Paris en avril 2012.
Elle scrute les passerelles qui lient
les hommes à leurs terres.
Parce que raconter la planète,
c’est écrire au-delà des pommes bios
et du recyclage de papier.
L’environnement, c’est l’emploiPar WALTER BOuvAIS, directeur de la publication
Disons-le franchement, le Grenelle, on y avait cru. C’était, à l’automne 2007,
un discours en grande pompe sous les ors de l’Elysée, en présence d’une marée de « people » et de quelques prix Nobel, dont Al Gore, le plus célèbre ex-futur
président des Etats-Unis. Une ambition forte, un déluge d’annonces. Et puis, objectivement, une société qui se met en mouvement : l’Etat, les institutions, les collectivités, les entreprises, la société civile y croient et se mettent au travail… Avant que, patatras, on apprenne que l’environnement, « ça commence à bien faire ».Les crises économique et financière sont passées par là. L’échec de grands sommets tels que la conférence de Copenhague sur le climat, en 2009, ont sans doute aussi démobilisé. En cet automne 2012, le Grenelle sarkozien a laissé place à une conférence environnementale hollandaise, dans le cadre du Conseil économique, social et environnemental. Une institution méconnue mais « normale ». Objectivement moins « people », l’événement est presque passé inaperçu, si l’on s’en réfère au baromètre que sont les journaux télévisés. L’ambition semble là, intacte. Voire un peu
plus grande : enfin, le développement durable est présenté à la fois comme une nécessité et comme une chance. La transition écologique et l’émergence d’une « nouvelle économie », plus verte, plus juste, sont des facteurs de création d’activité et d’emploi. Elles peuvent contribuer au bien-être de la population.
Encourageons une sortie « par le haut »Le message est clair : il n’y a plus de sens à opposer écologie et économie. Et se préoccuper du futur – du nôtre, de celui de nos enfants – n’est pas un luxe mais la seule sortie « par le haut » de cette crise dans laquelle nous sommes embourbés. Réinventons l’énergie : sobre, renouvelable et décentralisée. Réinventons les déplacements : moins nombreux, plus efficaces, avec notamment des voitures pensées autrement. Réinventons la consommation : collaborative, appuyée sur les nouvelles technologies, moins productrice de déchets, plus attentive à la santé. Encourageons le foisonnement d’idées et d’initiatives. Encourageons les audacieux. Nous y gagnerons à court terme en lançant des activités innovantes, créatrices d’emplois non délocalisables. Nous entrerons dans une ère de la créativité qui réenchantera notre quotidien et donnera, enfin, un vrai projet et du souffle à notre pays. —
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4 octobre 2012 terra eco
« Ambassadeurs de la transition », vos rapports !La rentrée venait à peine de sonner que la communauté lancée par « Terra eco » relevait les défi s du covoiturage et du « made in France ». Premier bilan.
terra responsable
Dans notre dernier numéro, vous avez découvert les pre-
mières épreuves de cette course de fond qu’est la transition ! Florilège de vos comptes rendus.
CovoiturageGoocha a livré son meilleur souvenir de covoiturage : « J’ai eu l’occasion de ramener à la gare une personne venue pour un colloque scientifi que : une rencontre très intéressante au cours de laquelle j’ai eu un aperçu de la vie sans voiture. » Elle cherche – sans succès pour l’instant – des voyageurs faisant le même trajet qu’elle chaque jour. Mais, persévérante, elle monte une plateforme de covoiturage pour les déplacements entre les différents sites de son entreprise. Bravo à elle ! La famille Proix, pionnière de cette aven-ture (1), n’a, elle, pas pu remplir cette première mission. Hélène et Olivier travaillent au même endroit et à quelques minutes de chez eux, mais avec des horaires inversés. Bilan : ils prennent chacun leur voiture, ne trouvent pas de covoitureurs et ont quatre sièges auto pour leurs deux enfants.
« Made in France »Les Proix ont choisi de s’attaquer à la nourriture locale. Déjà adeptes des maga-
sins bios et des légumes de saison, ils se sont inscrits à une Amap à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Objectif : passer de
deux visites par mois au supermarché à une
seule. Ysza n’a pas eu à se creuser la tête : son école lyonnaise pra-tique le « cartable vert ». « Pour chaque enfant, on donne 20 euros, avec lesquels l’école achète tout le matériel nécessaire, en privilégiant les fournitures écologiques et fabriquées en France. Et si du matériel est manquant ou usé en cours d’année, l’école le remplace, sans demande d’argent supplémentaire. Les enfants ont tous la même chose : du matériel simple et solide. »Marion, de Toulouse, a, elle, acheté la veste made in France de son aîné sur un site Internet choisi avec soin. Elle a trouvé une « petite perle », « une veste en coton conçue et fabriquée en France dans un atelier de confection ». Seul hic : le bilan carbone pour le transport du vêtement et le prix : 50 euros. Conclusion de l’intéressée, après un débat avec une autre ambassadrice sur le forum de son blog : « Une répartition de nos achats entre 90 % d’occasion et 10 % de neuf “ bio/éthique/made in France ” est un bon objectif pour ma famille ! » —(1) A lire ici : www.terraeco.net/a44608.html
VOS NOUVEAUX DÉFIS1/ Chez vous, chez un voisin, dans un jardin partagé, ou sur votre balconnet : plantez ! Quoi ? Jusqu’à la fi n du mois d’octobre – sauf grand froid –, de la mâche, des radis, des épinards, des artichauts… 2/ Rejoignez les « Incroyables comestibles ». L’idée ? On plante dans les espaces publics des légumes que tout le monde peut cueillir gratuitement. Le mouvement essaime et est à retrouver ici : www.terraeco.net/a45755.html
Pour rejoindre les ambassadeurs, « fl ashez » le « QR Code » ci-contre, envoyez un mail à : [email protected] ou rejoignez la page Facebook : www.facebook.com/LesAmbassadeursTerraEco
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6 octobre 2012 terra eco
Directeur de la rédaction David SolonChefs d’éditionFrançois Meurisse (papier)Karine Le Loët et Thibaut Schepman (numérique)Editrice Claire Baudiffi er Directeur artistique Denis Esnault Ont participé à ce numéro(en ordre alphabétique inversé) Emmanuelle Vibert, Laure Noualhat, Bridget Kyoto, Arnaud Gonzague, Valérie Devillaine, Anne de Malleray, Cécile Cazenave, Justine Boulo, Alexandra Bogaert, Simon Barthélémy, Raphaël BaldosIllustrateurs et photographesLaurent Taudin, Julien Couty, Jon Berkeley / Vu, Tendance fl oue, Sipa, Rue des archives, Réa, Fotolia, Léa Crespi, Cécile Bourdais, Pascal BastienCorrectriceNathalie Dalla CorteCouverture Jon Berkeley pour Terra eco
Directeur de la publicationWalter BouvaisAssistante de direction, coordination RSE Lise FeuvraisDirecteur des systèmes d’information Grégory FabreDirectrice commercialeStéphanie [email protected] 09 05 24 75Consultant commercial seniorGérard CrépelChef de publicitéDorothée [email protected] 90 87 03 92 - 06 28 60 26 71Responsable partenariats et publicitéBaptiste Brelet (02 40 47 61 53) Conseillers abonnementsSophie Lelou, Charlotte BichonAssistante commerciale, communicationElise Parois
Terra eco est édité par la maisonTerra Economica, SAS au capital de 248 591 euros – RCS Nantes 451 683 718Siège social 1, allée Cassard44 000 Nantes, France tél : + 33 (0) 2 40 47 42 66courriel : [email protected] associésWalter Bouvais (président), Grégory Fabre, David Solon, Doxa SAS, Eric EustacheCofondateur Mathieu Ollivier
Dépôt légal à parution – Numéro ISSN : 2100-1472. Commission paritaire : 1016 K 84334. Numéro Cnil : 1012873Impression sur papier labellisé FSC sources mixtes comprenant 60 % de pâte recyclée.Imprimé par Imaye Graphic (Agir Graphic)bd Henri-Becquerel, B.P. 2159, ZI des Touches, 53 021 Laval Cedex 9Diffusion PresstalisContact pour réassort Ajuste Titres+33 (0)4 88 15 12 40Ce magazine comprend un encart broché « Offre d’abonnement »de 4 pages en pages centrales 42-43.
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Abonnement Terra eco1, allée Cassard - 44000 Nantes France - +33 (0)2 40 47 42 66www.terraeco.net/abo - [email protected]
Réagissez surRéagissez sur
8 Le courrier des lecteurs
10 L’actualité en bref
12 Lu d’ailleurs
14 Retour sur Conférence environnementale : deux discours mais pas de méthode16 La polémique Les idées vertes ont-elles besoin des écologistes ?20 Le marketing expliqué à ma mère Bic crée le jetable durable… Et demain on rase gratis ?
22 L’ENTRETIEN Marie-MoniqueRobin:«L’agroécologie, c’estlasciencedufutur»26 Le reportage El Hierro, l’île qui prend le vent du renouvelable32 L’économie expliquée à mon père Qui rachète l’Afrique ?34 Le portrait Michel Ocelot, l’œil du maître38 Le zoom La mémoire en friches industriellesRetrouvez
pourquoi
« Bridget
déteste les
anti-vélos »
page 82
terra eco octobre 2012 7
Ce magazine est imprimé sur papier labellisé FSC® sources mixtes comprenant 60 % de pâte recyclée.
Pour faciliter la lecture de « Terra eco », nous avons inventé ce baromètre, qui annonce la couleur pour chaque article : plutôt écologique, plutôt sociétal, plutôt économique, ou les trois !
58 L’éco-conso60 Ils changent le monde L’hôpital verdit à Plaisir62 Avec CitéGreen, triez, pédalez et… encaissez !64 Kingersheim met la participation en chantier66 J’ai testé Le bolide électrique68 Soon soon soon Passionné ? Devenez passionnant !70 Derrière l’étiquette La lessive écolo dans de beaux draps
72 L’ALIMENTATION PourquoilafraiseTagadalaramènetant74 La santé « J’ai (bien) vécu sans huile de palme »
76 Ciné78 Livres80 L’agenda82 Côté couloir
42 DOSSIER L’AUTOESTMORTE: VIVEL’AUTO?45 ENQUÊTE Contrôle technique pour une automobile durable52 INFOGRAPHIE La voiture idéale débarque dans votre garage54 INFOGRAPHIE Quels papiers du véhicule pour quelle carte d’identité ?56 QUIZ Petit crash-test pour éviter le zéro de conduite
Le courrierle courrier
8 octobre 2012 terra eco
Vous voulez réagir,écrivez-nous [email protected]
Equilibres bouleversés« Pas de bouleversement énergétique avant trente ans (à propos de l’interview du chercheur Bastien Alex, ndlr) ? Il sera alors trop tard ! Les crises de l’eau, du climat et de
l’énergie provoqueront des changements radicaux dans la gouvernance et les équilibres mondiaux qui obligeront la Chine, comme les Etats-Unis et le Brésil, à changer de paradigme. »CHRISTOPHE BULTEL
L’énergie près de chez soi« Il faut favoriser les petites unités locales de production énergétique et alimentaire, plutôt que continuer à dépendre des monopoles économiques. »DARNA MEN
Balance à revoir« Vous oubliez de mentionner la taxation des énergies fossiles qui est très élevée. Ce n’est pas le cas des renouvelables. Que donne la balance en prenant compte de cette source de revenus non négligeable ? »CHARLES SAUTHIER
Eoliennes atomiques« Pourquoi ne pas installer des champs d’éoliennes sur les terrain des centrales nucléaires en attendant la fermeture de certaines ? »MARION DELMOLINO
Des énergies propres partout ! Le songe de notre dernier numéro vous a donné du souffl e. Sélection de vos réactions.
J’ai rêvé d’une France 100 % renouvelable
10 octobre 2012 terra eco
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LE dEssiN oBama, RomNEY Et LEs moNtagNEs amÉRicaiNEs
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14 Retour sur info
16 La polémique
20 Le marketing expliqué à ma mère Bic crée le jetable durable… et demain on rase gratis ?
22 L’entretien Marie-Monique Robin : « L’agroécologie, c’est la science du futur »
26 Le reportage El Hierro, l’île qui prend le vent du renouvelable
32 L’économie expliquée à mon père Qui rachète l’Afrique ?
34 Le portrait Michel Ocelot, l’œil du maître
38 Le zoom La mémoire en friches industrielles
« je me sens mieux en portant une arme. je ne me sens pas en sécurité, je n’ai pas l’impression que ma maison est complètement sûre si je n’ai pas une arme cachée quelque part. »L’acteur américain Brad pitt lors d’une interview au magazine Live Mag, le 8 septembre dernier.
Iphone 5 : le côté obscur du travail forcé ?Pour être certain de pouvoir fournir à temps son nouveau bébé à Apple – l’Iphone 5 –, Foxconn, sous-traitant taïwanais de la fi rme à la pomme, a-t-il forcé des
étudiants stagiaires à travailler sur ses lignes de montage ? Cette accusation, proférée par l’ONG China Labor Watch, a été rejetée en bloc par Foxconn, mais vient assombrir un peu plus la sortie du nouveau joujou, déjà épinglé pour sa nouvelle connectique. Incompatible avec les anciens accessoires, elle forcera les utilisateurs à faire de nouveaux achats – estampillés Apple, bien sûr – et donc à produire de nouveaux déchets.
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kr La photo ENtRE La chiNE Et LE japoN, dEs îLEs daNs LE gaz
« L’île Diaoyu appartient à la Chine, les Japonais, dehors ! », dit une pancarte brandie par un manifestant chinois, devant l’ambassade du Japon à Pékin, le 11 septembre dernier. Les deux pays se disputent des îles en mer de Chine orientale, après que Tokyo a annoncé son intention de racheter l’archipel qui pourrait abriter du pétrole et du gaz. (Ng HaN guaN - associated press - sipa)
LE gRos mot medicanePour se dorer la pilule, mieux valait passer l’été sur les bords de la Méditerranée, où les températures ont atteint des records. Mais la région pourrait en subir le contrecoup quand la bise sera venue. Chaque automne, les masses de chaleur humide accumulées s’élèvent dans l’atmosphère et provoquent des orages, notamment sur les côtes montagneuses de la région. Mais, cette année, les pics estivaux font craindre à Météo France des tempêtes exceptionnelles, appelées « Medicanes », un mot formé à partir de « Méditerranée » et de « hurricane » (ouragan, en anglais). Elles s’apparentent à des ouragans, avec des vents pouvant dépasser 160 km/h.
terra eco octobre 2012 11
Une marée noire ? Sortez les aimants !Magnétiser le pétrole, c’est l’idée géniale de Marcus Zahn, de l’Institut de Technologie du Massachusetts. Son labo vient de mettre au point une technique qui charge le mélange « eau de mer + pétrole » en nanoparticules ferreuses. En cas de marée noire, on aimante le tout et on sépare les éléments. Une fois démagnétisé, l’or noir pourrait même être raffiné !
4 milliards de tonnesC’est la quantité d’uranium qui pourrait être bientôt exploitable, selon des scientifiques américains. Et où est ce trésor ? Dans les océans. « Il y a beaucoup plus d’uranium dilué dans l’eau de mer que dans tous les gisements terrestres connus », estime ainsi le docteur en chimie
LE chiffRERobin Rogers, de l’université d’Alabama. « Ce qui rendait son extraction très chère était sa très faible concentration, mais nous progressons », explique le chercheur, dont l’équipe a développé des filtres à partir de carapaces de crevettes pour séparer l’uranium de l’eau.
12 octobre 2012 terra eco
L’apocalypse, c’est maintenant« Après la fusion », « tenir bon », « savoir quoi manger » : pas joyeux, le sommaire du magazine italien Colors. Et pour cause, il se penche sur l’apocalypse qui approche. Dans un passionnant article, il donne aussi des conseils pour « apprendre à fl otter » comme les habitants du Bangladesh, soumis aux inondations à répétition.www.colorsmagazine.com
Une petite révolution serait-elle en marche ? Etre capable d’autodiagnostiquer un cancer. Des ingénieurs de l’université Harvard, aux Etats-Unis, ont créé
le Tricorder. Grâce à ses capteurs, ce gant ultrasensible détecte vibrations, sons et température, rapporte le mensuel Fast Company. Il permettrait donc de dépister un cancer du sein en décelant l’emplacement et la taille de la tumeur. Le Tricoder pourrait être mis à disposition des médecins dans un premier temps, puis de la population dans son ensemble.www.fastcoexist.com
Espagne : la côte d’usure Dans le dernier numéro du mag Achtung, le directeur
de Greenpeace Espagne se paye le Premier ministre Mariano Rajoy. En cause, la loi « littoral » qui favorise l’achat d’appartements par des étrangers. Les concessions des propriétés situées dans le domaine public maritime devraient, elles, être prolongées de 75 ans. Voir les constructions anarchiques disparaître des côtes espagnoles ressemble désormais à un doux rêve. www.achtungmag.com
DÉJÀ MEURTRIER, LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ?Chicago a connu l’un des étés les plus chauds et les plus meurtriers de son histoire. Ces deux records pourraient être liés, note le site américain Grist, qui cite une étude montrant que ces corrélations sont très fréquentes dans l’histoire. Un chercheur a même calculé qu’une légère montée des températures pourrait entraîner une hausse de plusieurs dizaines de milliers de meurtres dans le pays d’ici à la fi n du siècle. www.grist.org
« Mon plan est de continuer à réduire les émissions de CO
2 qui réchauffent
la planète car le changement climatique est une réalité. Les sécheresses, les inondations et les incendies de forêt ne sont pas une blague. »Le président américain Barack Obama lors de son discours à la convention démocrate, à Charlotte, en Caroline du Nord, le 6 septembre dernier.
lu d’ailleurs
Retourner le cancer comme un gant
14 octobre 2012 terra eco
Retour sur info
Les prix alimentaires pourraient doubler d’ici à vingt ans à cause du changement climatique, selon l’ONG Oxfam. ----------------------------------------------------
Conférence environnementale : deux discours mais pas de méthodeL’événement-phare de la rentrée gouvernementale a accouché d’une souris, selon Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, car on y a confondu oral de passage pour l’exécutif et amorce d’un véritable dialogue vert.
Lors de la conférence environnemen-tale, j’ai été frappé par le contraste entre l’emphase du discours du président de la République et
l’ennui qui se dégageait des comptes rendus par les « facilitateurs » des débats lors des tables rondes. Avant que le Premier ministre ne prononce son discours de clôture, les experts chargés de conduire les débats se sont succédé à la tribune du Conseil économique,
social et environnemental pour rendre compte des travaux des participants. Eux-mêmes semblaient parfois gênés par l’exercice. Car les tables rondes qui ont réuni près de 300 participants en quelques heures n’ont pas permis plus qu’une suite de déclarations très courtes, souvent sans lien les unes avec les autres. Difficile de débattre lorsque l’on réagit à une intervention réalisée une demi-heure plus tôt.
« Verdissement » de la majoritéDifficile donc pour les facilitateurs, en si peu de temps et avec tant de monde sur tant de sujets, de repérer ce qui peut réunir ou diviser les parties pre-nantes. Résultat : des comptes rendus d’une grande généralité faisant souvent état de mesures ou d’objectifs déjà inscrits dans la loi. La conférence de la méthode a donc un problème de méthode. La cause ? L’Etat n’a pas tiré toutes les leçons du Grenelle de l’environnement. Rappelons que le dialogue environnemental n’est pas
Le président François Hollande, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et la ministre de l’Ecologie Delphine Batho.
Article publié sur
La politique environnementale sur Terraeco.netAnalyses, infographies, tribunes,
enquêtes, (re)découvrez tous
nos articles sur la politique
environnementale menée sous
les deux derniers présidents sur :
www.terraeco.net
enquête
Grenelle : 10 promesses
non tenues
Retour sur un paquet
de mesures qui s’est
effiloché.
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Arnaud Gossement est avocat en droit de l’environnement.
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terra eco octobre 2012 15
Chasse, maladies, destruction d’habitat… 761 espèces ont disparu de la planète depuis le XVIe siècle.---------------------------------------------------
La Cour suprême du Brésil a autorisé la reprise des travaux du barrage géant de Belo Monte, sur le fl euve Xingu.----------------------------------------------------
un échange entre l’Etat d’un côté et tous les autres acteurs de l’autre. Il n’est pas uniquement destiné à ce que l’Etat donne des gages aux ONG. Il n’a pas pour but de démontrer le « verdisse-ment » de la majorité présidentielle. Or, la conférence environnementale a surtout été marquée par deux discours : celui du président de la République, puis du Premier ministre, écoutés par le reste des participants. Tout ceci donnait le sentiment que la conférence était d’abord un oral de passage pour les deux têtes du pouvoir exécutif, venues rappeler leurs engagements électoraux et justifi er les politiques menées. Or, le dialogue environnemental sup-pose un échange, une « co-construc-tion » entre les parties prenantes pour
entraîner la société tout entière et créer une économie verte. C’est cet effet d’entraînement qui doit ensuite générer des collaborations, des partenariats, des échanges fructueux, etc.
Pas d’effet d’entraînementMener une politique de développe-ment durable, sans les entreprises, sans les syndicats, sans les élus locaux n’a bien entendu pas de sens. Nul doute notamment que c’est dans le tissu des petites et moyennes entreprises que se trouvent les envies, les initiatives et les fi nancements qui permettront l’émergence d’une économie verte. De ce point de vue, le bilan de la confé-rence environnementale est maigre car elle n’a sans doute pas créé cet
« Le dialogue environnemental n’est pas uniquement destiné à ce que l’Etat donne des gages aux ONG. »
entretien
« La hausse du prix
de l’énergie est
inévitable »
La visionde François
Hollande en 2011.
www.bit.ly/pgMuMS
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« Je veux des
progrès écologiques
irréversibles »
Rencontre avec
Delphine Batho.
www.bit.ly/PE58l7
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« François Hollande
et le monde d’hier »
Analyse de la récente
intervention de
François Hollande.
www.bit.ly/P72vdYdavi
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effet d’entraînement. A la sortie, la plupart des participants ont exprimé leurs doutes. Certes, le Medef, le Mouvement des entreprises de France, a admis que la conférence environnementale avait été « utile ». Il a aussi regretté que les entreprises soient mal représentées. La FNSEA (Fédération nationale des syndi-cats d’exploitants agricoles) a exprimé sa « satisfaction », mais sur le seul objectif de lutte contre l’artifi cialisation des sols. Les professionnels de l’éolien, par la voix de France énergie éolienne, ont indiqué hésiter entre espoir et décep-tion. La CFDT et la CGT ont dénoncé la fermeture « précipitée » de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) et la position du gouvernement sur les gaz de schiste. Côté associations, les réactions ont été « mitigées », selon l’AFP. Le plus préoccupant tient cependant à ce que la conférence environnemen-tale ne semble pas avoir passionné la société française dans son ensemble. Les réactions ont été très peu nombreuses parmi les personnes qui n’ont pas direc-tement participé à la conférence. Elus, experts, associations : peu se sont sentis concernés par un événement qui est resté « parisien ». Certes, le gouvernement a annoncé une grande campagne de communication. Cela suffi ra-t-il ? Il y a urgence, pourtant. —
Réactions, analyses, retrouvez tous nos débats sur
Après les discours, les tables rondes ont réuni 300 personnes.
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16 octobre 2012 terra eco
la polémique
Les idées vertes ont-elles besoin des écologistes ?Une sortie pronucléaire d’Arnaud Montebourg par-ci, un schmilblick sur l’exploitation des gaz de schiste par-là… Les désaccords se multiplient entre ténors du PS et leaders d’Europe Ecologie - Les Verts. Au point de remettre en cause la participation de ces derniers au gouvernement ? Et si c’était une bonne idée ? Débat.
Le gouvernement Ayrault II, en juin 2012, à Paris.
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Les thèses écologistes ont-elles besoin des Verts pour être portées ?Cette question, c’est celle de la néces-sité ou non d’une écologie politique forte. Moi, je pense que oui. Sinon, je ne serais pas secrétaire national d’un mouvement d’écologie poli-tique ! Il n’y a que les écologistes qui peuvent faire basculer le modèle. Ou alors on ne parle que de choses à la marge, d’un greenwashing qui n’est que l’habillage d’un modèle dépassé. Si on veut avoir les marqueurs d’un basculement, les écologistes doivent faire entendre leur voix.
L’écologie a-t-elle vocation à disparaître quand ses thèses auront gagné les autres partis ?C’est une idée que je défends, même si ce n’est pas forcément celle de la majorité du mouvement. A la fin du XIXe siècle, le parti radical défen-dait l’idée de la démocratie et de la République, à un moment où l’op-position était encore forte. Pendant cinquante ans, il est resté très puissant. Et puis, l’histoire l’a fait décliner. Ce qui est arrivé à ce parti arrivera peut-être
« Seuls les écologistes peuvent faire basculer le modèle »
Pascal Durand est secrétaire national d'Europe Ecologie - Les Verts.
à l’écologie politique quand on sera passés de la transition à l’intégration de la dimension écologique. Mais, pour le moment, on en est encore très loin, il reste énormément de résistance. On a encore besoin de nous.
Pensez-vous pouvoir influencer les décisions du gouvernement en occupant les ministères du Logement et du Développement ?On ne les a pas choisis. On pourrait penser que, parce qu’on n’a pas le minis-tère de l’Ecologie, on peut difficilement mettre en œuvre la transversabilité telle que nous la concevons. Mais les ministères que nous avons sont très importants. Dans le Logement, il y a l’aménagement du territoire, avec des thèmes essentiels comme l’artificialisa-tion des sols, les projets d’infrastructures, la préservation des terres agricoles… Le développement touche une ques-tion essentielle : comment aide-t-on les pays du Sud à développer leur propre agriculture vivrière ? Cependant, si vous me demandez si on aurait aimé avoir le ministère de l’Ecologie et gérer l’énergie en France, la réponse est oui. Mais, pour cela, il aurait fallu faire un autre score aux élections.
Pour Pascal Durand, patron d’EELV, les siens doivent rester au gouvernement pour faire bouger les lignes avant, peut-être, de disparaître un jour.Recueilli par KARINE LE LOËT
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Les conclusions de la conférence environnementale vous ont-elles satisfait ? Pensez-vous aujourd’hui qu’Europe Ecologie - Les Verts doive rester au gouvernement ?Même avant la conférence, j’ai tou-jours défendu le fait que nous soyons présents au gouvernement. Vous ne m’entendrez jamais dire que c’était un mauvais choix. On ne peut pas rester dans l’affirmation de la nécessité de faire bouger les lignes et rester au dehors. Tout en se sachant minoritaires, on veut peser avec nos arguments aux côtés des ONG, des syndicats, de ceux qui ont envie de faire bouger les lignes d’un modèle qui n’est pas le nôtre : celui d’une logique productiviste, d’une vision keynésienne des solutions. Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas voir dans les discours de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault une évolution. Quand le président de la République dit, comme il l’a fait en ouverture de la conférence environne-mentale, que les crises ne se séparent pas mais se cumulent, qu’on ne résoudra pas la question sociale et économique sans la question environnementale, je suis content. —
« Si vous me demandez si on aurait aimé avoir le ministère de l’Ecologie et gérer l’énergie en France, la réponse est oui. »
18 octobre 2012 terra eco
la polémique
Les thèses écologistes ont-elles besoin des écolos ?Je distinguerai les Verts et Europe Ecologie. Aujourd’hui, les Verts ont repris la main sur Europe Ecologie avec une vision marquée très à l’ex-trême gauche. Ils s’inscrivent dans un clivage gauche-droite traditionnel avec un discours qui oppose croissance et décroissance. Ils sclérosent le discours sur l’écologie. Ils font croire qu’il n’y a qu’une vision, qu’une doctrine possible sur l’écologie et, si vous n’êtes pas d’ac-cord avec eux, vous n’êtes pas écolo. Or, il me semble qu’on peut partager le constat sur l’état économique et social de la France. Après, sur la manière d’apporter une réponse, on peut avoir différentes visions. Le nucléaire est, en ce sens, un très bon exemple. On doit arbitrer entre plusieurs risques : le risque d’accident et le risque d’accélération du changement climatique. Certains vont dire que le changement climatique est en train d’arriver et que c’est un défi qu’on peut relever grâce au nucléaire parce que c’est une énergie qui émet peu de gaz à effet de serre. D’autres diront : « Pour moi, le risque d’accident est plus important. » C’est un arbitrage démocratique. Les Verts – pas Europe
« Les Verts font croire qu’il n’y a qu’une vision sur l’écologie »
Chantal Jouannoest sénatrice et ancienne secrétaire d’Etat à l’Ecologie.
Ecologie – font beaucoup de mal au débat démocratique.
L’écologie peut-elle être défendue par un autre parti ?En France, les premières grandes lois sur l’environnement ont été portées par la droite, sur l’air, le paysage. Le premier ministère de l’Environnement a été créé sous la droite. Certes, avec une vision patrimoniale des choses. Mais si on prend l’ensemble de l’his-toire… Jacques Chirac, par exemple, a clairement défendu le sujet.
Vous pensez aussi au Grenelle de l’Environnement ?La façon dont a été conçu le Grenelle était une profonde rupture avec la culture de la droite, très centralisatrice, très étatique. Là, il s’agissait de renvoyer le débat à la société civile, que l’Etat se taise. On introduisait une démo-cratie participative, avec cinq collèges. Il n’y avait pas de hiérarchie, de vision pyramidale du chef. Et ça s’est très bien passé. Mais c’est sur l’agriculture que les choses ont achoppé. Moi, je pense que l’avenir de l’agriculture en France, ce ne sont pas les grandes céréales. Mais ça n’a pas été compris par la droite. Ça, et après le président qui déclare :
L’ancienne secrétaire d’Etat UMP Chantal Jouanno estime qu’il ne faut pas un, mais plusieurs partis écolos pour que les thématiques vertes irriguent la société.Recueilli par KARINE LE LOËT
« L’écologie, ça commence à bien faire. » C’était impossible médiatiquement. On avait perdu la bataille.
Si les idées écolos se diffusent suffisamment, pourra-t-on se passer d’un parti écologiste ? Je vais peut-être vous surprendre, mais je vous dirais que non. En revanche, il ne faut pas un, mais des partis écolos. La droite et la gauche continuent à être des partis productivistes qui parient sur une croissance portée par la production et relancée par l’investissement et la consommation. Ils intègrent l’écologie de manière un peu annexe. Les discours de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault à la conférence environnemen-tale n’ont rien à envier à ceux de Nicolas Sarkozy. Ayrault a par exemple dit que la biodiversité pouvait être l’occasion d’une création de richesses, via l’exploitation de médicaments. Cela en a fait sursauter certains. J’ai la conviction qu’il faut une rupture de paradigme. On n’est plus autour du comment générer une production : il faut développer notre pays dans une contrainte de rareté. Pour opérer cette rupture, je pense que des partis écologistes sont utiles (mais pas les Verts). Ils ont même vocation à devenir majoritaires. —
« En France, les premières grandes lois sur l’environnement, l’air, le paysage, ont été portées par la droite. »
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terra eco octobre 2012 19
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Les thèses écologistes ont-elles besoin des Verts pour être portées ?Le Grenelle n’a pas été inventé par les Verts. Il peut y avoir un partage poli-tique sur ces thématiques même si, en règle générale, la droite n’est pas très intéressée par les questions d’écologie. Le Grenelle, c’est un incident de l’his-toire, c’est la rencontre entre Sarkozy et des ONG. Certes, on ne peut pas dire que la droite n’ait rien fait pour l’écologie – même Hollande reconnaît que ce n’est pas nul –, mais c’est arrivé dans une conjoncture politique très
« S’ils partent maintenant, ils se ridiculisent »
Daniel Boyest politologue, spécialiste des mouvements écolos
particulière. D’ailleurs, à la fi n de son mandat, Sarkozy disait plutôt que l’en-vironnement, « ça commençait à aller ». A mon avis, les écolos sont encore les meilleurs défenseurs de ces questions. C’est absolument nécessaire qu’il y ait un parti écolo, un mouvement écolo. Il n’y a qu’un cas en Europe où il n’y avait pas, jusqu’à récemment, de grand parti dédié : c’est le Danemark. Simplement parce que les autres partis font aussi de l’écologie. Mais, en France, si vous confi ez ces questions au PS et à l’UMP, ça ira tout doucement.
Les Verts peuvent-ils mieux faire passer leurs idées en étant au gouvernement ?
Le politologue Daniel Boy considère que la présence des écolos dans l’exécutif permet de faire avancer leur cause.Recueilli par KARINE LE LOËT
Oui, au gouvernement, ils peuvent avoir du poids. Et puis, ils ont un groupe à l’Assemblée, un autre au Sénat. Cécile Dufl ot (ministre du Logement, ndlr) dans sa position actuelle peut faire avancer leurs idées. Sans cette position, ils n’au-raient pas obtenu la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.
Il n’est donc pas temps pour les Verts de quitter le gouvernement ?Il y a eu tant d’efforts… Depuis 2009 et les élections européennes, ils se battent pour trouver un accord. S’ils partaient au bout de quatre mois, ce serait un aveu que leur stratégie était mauvaise. Ils se ridiculiseraient en public et vis-à-vis du mouvement ! Si on regarde la conférence environnementale, mon sentiment est que Hollande a assuré politiquement. Il a annoncé la fermeture de Fessenheim en 2016, il a dit qu’il n’était plus question de gaz de schiste. Evidemment, il n’a pas reparlé de l’écotaxe poids lourds, de la protection des lanceurs d’alerte, de la part du ferroviaire dans les trans-ports, des tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque, etc. La vraie diffi culté n’est pas sur les questions écologiques mais sur le traité européen. Il y a un désaccord au sein des Verts – et aussi au sein du PS, d’ailleurs – sur cette question. Mais là, il va y avoir un vote. C’est une épreuve de vérité. Je ne sais pas quelle sera la réaction du gouvernement si l’ensemble du groupe s’abstient. Il y a des bonnes mœurs à respecter dans une majorité ! Quel degré de tolérance aura le Premier ministre sur les par-lementaires ? Il pourra admettre que quelques-uns s’abstiennent, mais pas beaucoup plus. —
« Sans Dufl ot, ils n’auraient pas obtenu la fermeture de Fessenheim. »
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joly
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Pascal Durand, Eva Joly et Cécile Dufl ot, le 12 juillet 2011.
20 octobre 2012 terra eco
le marketing expliqué à ma mère
dr
C’est sûr, se présenter comme le roi du jetable pendant près d’un demi-siècle puis affi cher des prétentions écolos quand
la mode du durable est venue, ça ressemble à un grand écart. Mais la fi gure ne fait pas peur à Bic ! Le groupe français commence à parler « développement durable » en 2003. Et, pour la dernière-née de ses cam-pagnes de com sur le sujet, la marque la joue factuel et propose une « ini-tiative d’information environnemen-tale pour ses rasoirs ». Sur un site Internet dédié (1), on découvre des pictogrammes sur les émissions de gaz à effet de serre, l’épuisement des ressources naturelles non renouve-lables et la consommation d’eau de ses rasoirs Bic Flex 3 et du Bic Flexi Lady. Suffi sant pour convaincre que si, si, on peut faire du jetable… durable ? Ça reste à voir.
stratégieLe groupe créé en 1945 est aujourd’hui présent dans 160 pays à travers le monde. Il vend, chaque jour, 46 millions de produits, dont 25 millions d’articles de papeterie, 10 millions de rasoirs, 6 millions de briquets et 5 millions de produits publicitaires. On n’ose même pas calculer le total sur une année. Bon, d’accord, on essaie quand même : cela donne 16 milliards 790 millions d’objets vendus par an. Et tout autant de jetés !Cela fait-il de Bic le roi du jetable irres-ponsable ? Dans son rapport développe-ment durable 2011, la marque invite à
« dépasser l’opposition jetable/durable » : « Les produits Bic sont souvent qualifi és de produits “ jetables ”. Sans être tous rechargeables, ils ne sont pas pour autant à usage unique. Bien au contraire, ils offrent pour la majorité d’entre eux une longue durée d’utilisation : jusqu’à 2 km d’écriture pour un stylo, 3 000 fl ammes pour un briquet et 7 à 10 rasages pour un rasoir. »Et, pour convaincre de sa bonne foi, la marque aligne les initiatives : 2008 voit naître Bic Ecolutions, une gamme com-posée d’un rasoir avec un manche en « bioplastique » et d’articles de papeterie (stylo à bille, crayon graphite, ruban correcteur) fabriqués – en partie – avec des matières recyclées. En 2009, il reçoit le label NF Environnement pour sept de ses produits (stylos, crayons). En 2010, il invente le rasoir recyclable et le promeut à la télé via l’image d’Eric Cantona. Un fl op : le public ne suit pas et Bic abandonne la démarche. Mais, en 2011, c’est un programme de collecte et de recyclage des stylos qui est lancé, en partenariat avec l’entre-prise TerraCycle. En 2012, c’est donc « l’information environnementale » qui est à l’honneur.
Chaque année, Bic vend près de 17 milliards d’objets. Qui fi nissent tous par être jetés.
Bic crée le jetable durable… Et demain on rase gratis ?Mine de rien, le géant français tente un coup de force : faire passer ses stylos et ses lames éphémères pour des modèles de produits écolos ! Mais jouer la transparence et distiller quelques écogestes ne garantit pas une com au poil. par EMManuEllE vIbERt
depuis 2003, Bic enchaîne les initiatives écolos. En 2012, c’est l’info factuelle qui est à l’honneur.
s
la RICHE IdéE antIpauvREté d’unIlEvERUnilever s’apprête à changer sa
stratégie marketing en Europe pour
anticiper le retour de la pauvreté
sur le Vieux Continent.
Le géant de l’agroalimentaire et
des cosmétiques – qui regroupe
des marques comme Dove, Knorr
ou Lipton – va vendre ses produits
en plus petit conditionnement
(et donc augmenter la proportion
d’emballages) pour réduire
– artificiellement – le montant
de la note lors du passage à la
caisse. Vous avez dit cynique ?
www.unilever.fr
Monsanto Et sa pub MEnsongèRE
Monsanto pourrait devoir payer
200 000 euros pour publicité
mensongère. Ainsi en a décidé un
tribunal de Porto Alegre, au Brésil.
La faute du géant américain ?
Avoir diffusé en 2004 une pub
vantant l’utilisation de graines de
soja transgéniques alors qu’elles
étaient interdites au Brésil. Pis,
le groupe y assurait qu’elles étaient
bénéfiques pour l’environnement.
Il peut encore faire appel de
sa condamnation.
www.monsanto.fr
lE « gREEnwasHIng » HoRs dEs boîtEsComment éviter infos insuffisantes,
promesses disproportionnées et
faux labels ? L’Ademe, l’Agence de
l’environnement et de la maîtrise de
l’énergie, publie un guide « anti-
greenwashing » à destination des
entreprises. Ainsi, celles-ci peuvent
désormais auto-évaluer leurs
messages de com.
www.antigreenwashing.ademe.fr
terra eco octobre 2012 21
Alexandre Legendre, de l’agence
de communication responsable
et solidaire [id-pop]
« Multinationales et
développement durable, pour
le grand public, ça ne fait pas
plus bon ménage que produits
jetables et consommation
responsable. Après une
communication très “ verte ”, Bic
a pris la voie du factuel. C’est
plutôt réussi avec une information
simple, dans le respect des règles
de l’affichage environnemental
et une méthodologie explicite.
Il manque néanmoins une
comparaison “ avant/après ” et on
perd en lisibilité sur les actions
mises en place. Mais le gros du
travail n’est-il pas avant tout du
côté des consommateurs ? »
www.idpop.fr
Avis de l’expert : 3/5
Cas d’écoleLe travail a commencé
par une analyse de cycle de vie (ACV) menée par la société
spécialisée Evea. Elle indique que l’existence d’un Flex 3 pèse 25,1 g de CO
2, 4 litres d’eau et 0,203 g en équi-
valent antimoine, l’unité de mesure pour l’épuisement des ressources naturelles. Et celle d’un Flexi Lady ? Presque autant. On y découvre aussi que les rasoirs sont fabriqués en Grèce, puis transportés par camion en France. Enfin, en répondant à un quiz, on sait tout sur la façon de « se raser respon-sable », en « baissant la température de l’eau de 2° C », en « nettoyant les lames du rasoir après chaque rasage (avec de l’eau froide) ». Et après, me direz-vous ? Une ACV et quelques conseils écolos peuvent-ils suffire à convaincre que Bic contribue « à l’émanation d’un modèle économique plus respectueux de l’environnement », selon les mots de Bruno Bich, président du conseil d’administration, dans le rapport développement durable 2011 ? Mouais… Trouve-t-on plus de billes dans ledit rapport ? On y déniche des objectifs intéressants : en 2013, 80 % des salariés du groupe travailleront dans des usines certifiées ISO 14 001 contre 66 % en janvier 2011. Mais beaucoup d’autres sont plus minimes : en 2013, le poids moyen d’emballage sera réduit de 2 % par rapport à janvier 2011, la consommation d’énergie de 3 %, celle d’eau de 3 %, celle de déchets non recy-clés de 1 %.
dr dr
verdictL’information factuelle devrait être la norme en matière de com écolo. Alors, quand on se lance dans l’affichage envi-ronnemental, on est forcément sur la bonne voie. Mais cette tentative manque singulièrement de précisions. Il en fau-drait beaucoup plus pour convaincre que Bic est devenu alchimiste et peut transformer le jetable en durable. —(1) www.bicworld.com/fr/affichage-environnemental
en bref
22 octobre 2012 terra eco
l’entretien
Au Kenya, Pérès Otiep prépare les graines de desmodium.
Marie-Monique Robin : « L’agroécologie, c’est la science du futur »Après le « Monde selon Monsanto », la documentariste sort un nouveau film-événement. Elle y loue l’efficacité du bio et veut croire à des lendemains qui chantent pour les paysans. Rencontre.Recueilli par KARINE LE LOËT
terra eco octobre 2012 23
frédé
ric p
ardo
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Nourrir la planète sans assé-cher les sols, polluer les cours d’eau ou mettre en péril la santé des hommes, c’est possible grâce à l’agro-écologie. Pour mettre à bas
les arguments de certains industriels et politiques qui ne jurent que par les grandes exploitations gorgées de pesticides, Marie-Monique Robin a fait un tour du monde des initiatives les plus réussies, s’appuyant sur les témoignages d’experts et d’agriculteurs. Du Kenya au Japon, de l’Allemagne au Mexique, la réalisatrice du Monde selon Monsanto raconte le push-pull au Kenya, le système de circuits courts des teikei au Japon, les techniques culturales simplifiées et, dans leur sillage, le retour de la souveraineté alimentaire, de la sérénité économique et du bonheur d’être paysan.
Vos documentaires précédents dressaient un constat alarmant de l’agriculture contemporaine. Dans Les Moissons du futur, vous montrez que les choses peuvent changer. Pourquoi ce revirement ?Après Le monde selon Monsanto et Notre poison quotidien, j’ai collaboré à beaucoup de projections-débats. A la fin, les gens étaient sous le choc. Ils demandaient toujours : « Qu’est-ce qu’on peut faire ? » Je me suis dit qu’il fallait répondre à cette question. L’autre point de départ, c’est ce qui s’est passé sur un plateau de télévision en février 2011. Pendant ce débat auquel je participais, Jean-René Buisson (pré-sident de l’Association nationale des industries alimentaires, ndlr) affirmait que cultiver sans pesticides revenait à réduire de 40 % la production agri-cole et à augmenter les coûts de 50 %. Je voulais vérifier ça. D’autant que, quinze jours après, devant le Conseil des droits de l’homme, Olivier de Schutter (le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, ndlr) disait totalement le contraire. Je me suis dit : « Il faut absolument tirer la pelote. » Mon métier, c’est ça : je tire les pelotes. Je vais jusqu’au bout pour démonter les vérités établies.
D’où viennent alors les chiffres cités par Jean-René Buisson ?De deux études menées par des labos européens. Mais deux études parmi d’autres ! Leurs conclusions sont devenues une espèce de vérité qui ne repose sur rien, mais qui est reprise par tout le monde. Moi-même, quand j’ai commencé cette enquête, j’avais complètement accepté l’idée qu’on perdait en rendement avec le bio ou l’agroécologie. Je me disais : « Ce n’est pas grave parce qu’on va gagner sur d’autres plans : on va moins polluer l’eau, être moins dépendants des éner-gies fossiles, on émettra moins de gaz à effet de serre et, au bout du compte, ça coûtera moins cher à la société. » Mais en fait, l’argument du rendement ne tient pas. C’est l’ultime mensonge de l’industrie de dire que c’est grâce à l’agriculture conventionnelle qu’on nourrit le monde : c’est faux. La preuve, il y a un milliard de personnes qui ne mangent pas aujourd’hui à leur faim.
Comment avez-vous découvert que l’argument du rendement était erroné ?J’ai d’abord lu le rapport d’Olivier de Schutter qui s’appuyait sur un certain nombre d’études. Et j’ai observé les choses sur le terrain. Quand on voit John Otiep au Kenya (voir la photo de son épouse, ci-contre) appliquer sa méthode du push-pull (une technique qui consiste à semer dans les champs des plantes qui repoussent les insectes et, autour de ces champs, des plantes qui les attirent, ndlr), ça vaut mille discours. Cela marche extrêmement bien. En quatre ans, il a inversé la courbe : il est passé d’un rendement de deux sacs de maïs à vingt-deux ou vingt-quatre sacs. Il s’est construit une maison, il a acheté des chèvres et des vaches et on voit bien qu’il est heureux.
Qu’est-ce exactement que l’agroécologie ?C’est réintroduire de la biodiversité, s’appuyer sur la plantation d’arbres, la rotation des cultures, les animaux qui apportent leur fumier, et se servir de leur complémentarité. Le paysan japonais de mon film fait du compost avec des résidus de soja, des excréments humains et animaux pour apporter de la matière organique au sol. C’est un circuit fermé. Dans le modèle agro-écologique, il n’y a pas non plus de sols nus. C’est une aberration, les sols nus. Dans la nature, il y a toujours quelque chose qui pousse. Manfred et Friedrich Wenz en Allemagne pratiquent les techniques culturales simplifiées et font du couvert végétal permanent. Grâce à cela, ils n’ont pas eu de pro-blème pendant la grande sécheresse de 2003, ni pendant les grands froids de février dernier. Cette agriculture s’appuie sur des pratiques ancestrales, un vrai savoir-faire. Mais on peut optimiser les savoirs ancestraux avec des connaissances nou-velles : la microbiologie, la communica-tion entre les plantes… L’agroécologie, ce n’est pas un retour à l’âge de pierre. C’est, au contraire, la science du futur. Pour cela, les scientifiques doivent sortir de leur tour d’ivoire et travailler avec les paysans dans un échange non plus vertical, mais horizontal. Enfin, c’est aussi une agriculture à hauteur d’homme, parce qu’on ne peut être autosuffisants que sur des exploitations qui ne sont pas démesurément grandes.
Ça veut dire qu’il faut davantage de paysans ? Oui. C’est une bonne nouvelle, ça !
Donc il faut attirer à nouveau les gens vers l’agriculture…Oui. C’est ce que dit Hans
« Pourquoi fait-on du cochon en Bretagne ? Parce que le port de Lorient permet d’importer du soja. C’est un non-sens total ! »
1973 Naissance dans
les Deux-Sèvres
1984 Diplômée du Centre
universitaire d’enseignement
du journalisme de Strasbourg
1995 Reçoit le prix Albert Londres
pour son docu Voleurs d’yeux
2008 Sortie du Monde
selon Monsanto
2011 Sortie de Notre poison
quotidien
Octobre 2012 Sortie des
Moissons du futur
24 octobre 2012 terra eco
l’entretien
Herren (président du Millenium Institute, organisation américaine
qui promeut l’économie verte. ndlr), il faut regarder les paysans comme on regarde les médecins. Sans paysans, pas de nourriture. Il faut donc consi-dérer le métier d’agriculteur comme un métier très important, très noble. Avec ça et des prix rémunérateurs, on attirera des gens.
Vous montrez dans votre documentaire plusieurs expériences très variées. On voit qu’il n’y a pas de modèle-type, que ce modèle doit s’adapter…Comme chaque terroir est différent, a des contraintes climatiques, de qualité des sols, il n’y a pas de recette uni-verselle. Ce qu’on sait, c’est qu’il y a une complémentarité dans les éco-systèmes et que la clé, c’est le sol. Une chose qu’on a complètement oubliée dans l’agriculture industrielle, pour ne s’intéresser qu’à la plante et à ses maladies.
Et en France, comment peut-on procéder ? Il faut arrêter les monocultures de blé. Il faut mettre des arbres, faire de la rotation de cultures, des légu-
mineuses. Ça protège les paysans : quand il y a un problème avec une culture, les autres sont là pour assurer une production. En plus, ces plantes résistent mieux grâce à l’humus qui garde l’humidité. Il faut aussi remettre les animaux dans les champs, faire en sorte qu’ils mangent ce qu’il y a sur place. Pourquoi fait-on du cochon en Bretagne ? A cause du port de Lorient (Morbihan) qui permet d’importer du soja. C’est la seule raison. Comme les
« Aujourd’hui, les paysans sont devenus des salariés des grands groupes agroalimentaires. »
paysans bretons ont arrêté de faire des céréales, les cochons ne sont plus dans la paille, le lisier va dans les rivières et on se retrouve avec des algues vertes sur les plages. Pendant ce temps, dans la Beauce, où ils n’ont plus de cochons, les agriculteurs mettent plein d’engrais chimiques parce que le blé ne pousse pas. Tout ça est un non-sens total. S’il y avait une vraie volonté politique gouvernementale, on pourrait changer de cap rapidement. Le film et le livre le montrent. En cinq ou six ans, les choses peuvent changer !
Comment se manifesterait ce soutien ? Sous forme de subventions ?
Marie-Monique Robin en dates
Culture de tomates au Mexique. mar
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Oui. Ça pourrait être fait à l’occasion de la réforme de la PAC (la Politique agricole commune, ndlr) prévue pour l’année prochaine. Les 9 milliards d’euros de subventions annuelles qui sont destinées aux plus grands pollueurs de nos pays pourraient être réorientés vers des mesures pour soutenir la conversion. Acheter des arbres pour ceux qui le veulent. Les soutenir pendant la décontamination des sols. Pour les paysans, c’est un grand frein de ne pas savoir ce qu’ils vont faire pendant trois ans, cette période pendant laquelle ils n’auront pas encore le droit aux primes réservées aux cultures bios. Mais réformer la PAC sera diffi cile. Je crains fort l’in-fl uence des lobbys. Les multinationales n’ont pas du tout intérêt à ce qu’on explique aux paysans comment se passer de leurs produits !
Vous dites dans votre livre qu’il faut remettre le paysan au cœur du système…Oui, il faut remettre le paysan au cœur du processus de production agricole, qu’il en reprenne la maîtrise. Aujourd’hui, les paysans sont devenus des salariés des grands groupes agro-alimentaires. Ceux-ci déterminent la quantité, la manière dont on produit, les prix. Les paysans sont pieds et poings liés. Il faut qu’ils entretiennent eux-mêmes la fertilité de leurs sols sans recourir aux intrants et qu’ils puissent innover. Mais, si on veut que ce soit massif, il faut un signal fort du gouvernement.
Tout le monde n’a-t-il pas intérêt à le faire ?Oui, à condition d’avoir une vision à moyen ou à long terme. A un moment, les politiques constateront que, moins on utilise d’intrants chimiques, plus les paysans s’en sortent, moins ça coûte cher à la société, en frais de santé notamment, et plus on crée d’emplois car l’agroécologie a besoin de plus de main-d’œuvre. Ça veut dire aussi qu’il faut faire du protectionnisme. Ce n’est pas un gros mot ! Il faut arrêter de considérer que l’alimentation est
un produit comme un autre. Chaque pays doit avoir les moyens de soutenir sa production agricole pour protéger ses paysans et ses consommateurs. Le Sénégal l’a fait en interdisant l’im-portation d’oignons certains mois de l’année pour protéger la culture locale. Chez nous aussi, il faut protéger nos productions. Et on doit également revoir les prix.
En incluant les externalités ?Bien entendu. Dans les débats, les gens disent toujours : « Oui, mais le bio, c’est plus cher. » Mais la réalité, c’est qu’on n’achète pas l’alimenta-tion traditionnelle assez chère. Un paysan aujourd’hui ne sait pas vrai-ment ce que produire lui coûte. Il reçoit des subventions, dispose d’un prix privilégié pour le fuel, ne paie pas pour les pollutions qu’il occasionne. Il faut réintroduire tous ces coûts dans l’alimentation.
Mais la facture risque d’augmenter pour le consommateur…Il va y avoir un moment diffi cile. Mais on peut s’y retrouver en développant les
terra eco octobre 2012 25
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circuits courts. Dans le panier bio que j’achète à mon Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne, ndlr) de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les fruits et légumes ne sont pas beaucoup plus chers qu’ailleurs. Il faut aussi faire comprendre aux gens qu’on n’achète pas des haricots verts du Sénégal en hiver. Même s’ils sont bios ! Qu’on doit manger moins de viande. Parce que la viande, ça nécessite beaucoup de céréales, d’eau, de pétrole, et c’est mauvais, à force, pour la santé. Si on revoit son budget nourriture en suivant ces règles, on retombe très vite sur ses pattes ! —
Le documentaire Les Moissons
du futur sera diffusé sur Arte
le 16 octobre à 20 h 40. Le DVD sera
disponible à la vente le 24 octobre.
Au Sénégal, les Peuls utilisent les fanes d’oignon pour nourrir leur bétail.
Les Moissons
du futur,
de Marie-Monique
Robin
(La Découverte/
Arte éditions,
sortie prévue
le 11 octobre 2012)
El Hierro, l’île qui prend le vent du renouvelable
le reportage
Les alizés
soufflent toute
l’année sur l’île.
En 1996, le gouvernement espagnol voulait transformer l’île de 270 km2 en un formidable champ de tir civil et militaire.
terra eco octobre 2012 27
Ce petit paradis des Canaries s’apprête à mettre en service une centrale combinant éolien et hydroélectricité. Il deviendra ainsi le premier territoire insulaire au monde totalement autosuffisant en énergie. La vie des habitants, elle, est en train de basculer.Texte et photos : RAPHAËL BALDOS
L’avenir d’El Hierro s’est joué le 29 décembre 1996. Ce jour-là, plus de la moitié des habitants de cette île volcanique des Canaries ont manifesté contre un projet de construction d’une base de
lancement de fusées. Madrid vou-lait transformer ce petit territoire de 270 km2 en un formidable champ de tir civil et militaire, quitte à évacuer une bonne partie de la population. Douglas Quintero Hernández avait alors 19 ans. Et se demandait s’il pourrait continuer à élever des chèvres. Aujourd’hui, son troupeau paît tranquillement sur les coteaux escarpés d’El Pinar, face à la mer. Les missiles balistiques ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Blackboulés par le cabildo, le gouvernement local, avec l’appui du Parlement de l’archipel. A la place des engins volants, la com-munauté insulaire s’est dotée, dès 1997, d’un « plan de développement durable » à plusieurs « boosters » : agriculture bio, écoconstruction et autosuffisance énergétique avec 100 % d’énergies renouvelables.Le jeune éleveur vend désormais son lait bio à très bon prix à une nouvelle fromagerie, construite sur le modèle de la « blue economy », concept cher à l’entrepreneur Gunter Pauli (Lire l’en-cadré p. 29). L’eau pour la fabrication du fromage proviendra bientôt d’une centrale électrique révolutionnaire, en phase finale de construction. Une unité combinant hydroélectricité et énergie
éolienne. « Cette centrale va nous donner l’autonomie énergétique et favoriser une économie ancrée sur son environnement. Elle va nous apporter une avance consi-dérable dans les énergies renouvelables », se réjouit Douglas.
Tuyau et turbinesElle va aussi permettre aux 11 000 habi-tants de « l’île aux mille volcans » d’éco-nomiser annuellement la bagatelle de 40 000 barils de pétrole, engloutis par la centrale électrique au diesel et l’usine de dessalement d’eau de mer. Les économies se chiffrent à 2 millions d’euros par an et 22 000 tonnes de CO
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en moins dans l’atmosphère. El Hierro, trop éloignée des côtes africaines pour être reliée à un réseau électrique, sera alors la seule île au monde à produire l’essentiel de sa consommation élec-trique. Le principe ? Cinq éoliennes d’une capacité totale de 11,5 mégawatts (MW) produisent l’électricité indis-pensable à l’économie insulaire. Le surplus (19 %) sert au au pompage de l’eau nécessaire au turbinage d’une unité hydroélectrique de 11,3 MW, construite près du port principal, à flanc de montagne. Lorsque le vent mollit, c’est elle qui prend le relais : une partie de l’eau stockée
« Les administrés vont se rendre compte que cette initiative crée de l’emploi et fait baisser les factures d’eau et d’électricité. »Alpidio Armas González, président du gouvernement local
Espagne
Canaries
El Hierro
Agadir
Alpidio Armas González, président du « cabildo », le gouvernement local.
28 octobre 2012 terra eco
dans un cratère à 710 mètres d’altitude est relâchée. Elle dévale
la pente dans un énorme tuyau jusqu’à quatre turbines Pelton, avant de ter-miner sa course dans un bassin au niveau de la mer. L’eau stockée en altitude offre une énergie disponible de 217 MWh, sans apport de l’éolien, soit deux jours d’autonomie complète pour l’île. Celle-ci sera ensuite portée à huit jours, grâce à l’augmentation de la taille du bassin supérieur. Ce système de « pile à eau » pourrait concerner une large population à travers le monde, où 700 millions de personnes habi-tent une île. En France, où fut créée en 1928 la première station de transfert
le reportage
Le système de « pile à eau » pourrait concerner les 700 millions de personnes qui habitent une île dans le monde.
d’énergie par pompage-turbinage (Step) au lac Noir, dans les Vosges, on suit avec attention l’exemple espagnol. La Réunion ou la Corse pourraient bien s’en inspirer. A Okinawa, au Japon, une Step à eau de mer est expérimentée depuis 1999. El Hierro a choisi l’eau douce. « Nous utiliserons de l’eau préala-
blement dessalée, pour éviter la corrosion des canalisations. L’excédent servira pour l’irrigation et l’approvisionnement du réseau d’eau potable », explique Juan Manuel Quintero. Le directeur délégué de Gorona del Viento, l’entreprise qui pilote le projet, relativise cependant le rôle de la centrale pour répondre au défi hydrique : l’essentiel de l’activité agricole se situe à l’opposé de la centrale, de l’autre côté des montagnes. Seul un tunnel comme celui du « basculement des eaux » de la Réunion pourrait per-mettre de transporter l’eau jusqu’aux bananeraies de La Frontera, dans le nord de l’île.« Nous prévoyons en revanche de créer un réseau d’irrigation dans le sud pour favoriser la création de potagers écolo-giques par les habitants de Valverde, principale commune de l’île, précise-t-il. Les bénéfices liés à cette activité seront réinvestis dans l’agriculture ou le réseau d’eau potable, selon les arbitrages du cabildo. » Car ce dernier détient 60 % de Gorona del Viento, société d’économie mixte constituée avec le fournisseur national d’électricité électrique Endesa (30 %) et l’Institut technologique des Canaries (10 %).
Oignons sur la « plancha »Les trois partenaires financent 62 % du budget de 64 millions d’euros. Le reste provient du ministère de l’Industrie. Le premier coup de pouce, le vote d’une enveloppe de 35 millions d’euros par les députés, a eu lieu à la suite de la visite sur l’île de l’ancien président du gouvernement, José Luis Zapatero, en 2005. L’Union européenne a aussi discrètement versé son obole à Madrid. Sans publier de chiffres. Mais produire une électricité décarbonée ne suffit pas pour vaincre son addiction à l’or noir : il faut aussi rouler propre. El Hierro s’est
L’une de ces conduitessert à pomper l’eau, l’autre alimentera l’usine hydro-électrique.
terra eco octobre 2012 29
donc fixé comme objectif de remplacer les quelque 6 400 automobiles par des véhicules électriques d’ici à 2020. Endesa et le groupe Renault-Nissan ont signé un protocole d’accord avec le gouvernement local. La première « étudiera le développement et la mainte-nance du réseau de recharge ». Le second s’est engagé à « partager son expérience pour développer un système de recharge compatible avec ses modèles électriques ». Bientôt, des panneaux photovoltaïques fleuriront un peu partout, pour contri-buer au rechargement des batteries.Qu’en disent les locaux ? Le soir, au kiosque du jeu de boules canariennes de La Frontera, on compte les points des parties en cours. On parle famille, amis, boulot, mais surtout du chômage, qui atteint 40 % aux Canaries. Le chantier a procuré du travail à une centaine de personnes et, une fois en service, la centrale emploiera encore des dizaines d’habitants. Les projets d’autosuffisance énergétique de l’île et le chantier décris-pent un peu les mâchoires. Comme celles de Carlos Díaz, 38 ans : « Je suis venu de Tenerife pour bosser comme ouvrier sur le chantier de la centrale. Chez moi, on ne trouve plus rien et tous mes amis sont au chômage. » Derrière son bar, Vidalina Armas Padrón, 49 ans, regarde d’un bon œil les travaux en cours. « Le développement des énergies renouvelables me semble une bonne chose. Il donne du travail, et fait venir des entreprises et des travailleurs de tout l’archipel », dit-elle, avant de retourner son émincé
« EL HIERRO SERT DE LABORATOIRE »
L’entrepreneur
belge
Gunter Pauli,
66 ans, est le
créateur de la
fondation Zeri
(Initiative pour
la recherche « zéro pollution »).
Quel a été votre rôle dans le projet d’El Hierro ?En 2000, j’ai participé à
l’organisation d’une réflexion
globale sur l’île : l’agriculture
devrait être la base de
développement. Or, il y avait
pénurie d’eau et d’énergie. Cela
a débouché sur l’idée, imaginée
par des ingénieurs locaux, de la
centrale hydro-éolienne. Zeri,
de son côté, s’est efforcée de
prouver qu’une agriculture bio
était possible.
Quel est le résultat de ce travail ?Nous avons réussi à créer un
digesteur de lisier de porc et
de déchets verts, qui produit
du biogaz et un digestat utilisé
comme engrais dans les cultures
de bananes et d’ananas bios.
Les vaches ont été supprimées
du cheptel. Leur poids trop
élevé entraînait une érosion des
sols et leur lait dévalorisait la
qualité des fromages. Résultat :
le prix du lait de chèvre et de
brebis a triplé. Les producteurs
gagnent désormais bien leur vie,
et 14 nouvelles fermes ont été
ouvertes.
A quoi sert un tel projet ?El Hierro sert de laboratoire.
Le nouveau gouvernement
souhaite s’en inspirer pour
d’autres territoires. Zeri, de son
côté, utilise cet exemple dans
d’autres pays, comme en Suède
ou aux îles Fidji. —
de porc, patates, poivrons et oignons qui rissole sur la plancha. A ses côtés, son fils de 28 ans, Diego Agosta Armas, approuve : « C’est un très grand projet qui suscite énormément d’espoir, dit-il, en se servant un verre de bière. Les réserves énergétiques actuelles sont finies. Utiliser des ressources alternatives va dans le bon sens. »
Imagination au pouvoir« Il y a un consensus politique aussi bien local que national autour de ce projet unique, qui place El Hierro à la pointe des territoires insulaires appuyant leur développement sur les énergies renouve-lables, assure Alpidio Armas González, président du cabildo. Les administrés s’intéressent moins au projet parce qu’il se situe à moyen terme et qu’eux ont besoin de trouver du travail immédiatement. Mais lorsqu’ils vont se rendre compte que cette initiative génère de l’emploi et fait baisser la facture d’eau et d’électricité, ils seront plus nombreux à s’y inté-resser. » Pour l’instant, le plan de
Aux Canaries,où le chômage atteint 40%, le chantier de la centrale a donné du travail à une centaine d’habitants.
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30 octobre 2012 terra eco
le reportage
développement durable suscite beaucoup d’intérêt à l’étranger.
L’Agence internationale des énergies renouvelables (Irena) a invité, les 6 et 7 septembre, les responsables de Gorona del Viento à venir présenter leur stra-tégie au sommet de Malte sur les îles et les énergies renouvelables. Rebelote quelques jours plus tard, au Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature, en Corée du Sud. « El Hierro est depuis 2000 une réserve de biosphère de l’Unesco, très inté-ressante et très active. Je pense qu’elle peut remporter son défi d’autonomie énergétique, et l’organisation appuie ce processus », souligne Miguel Clüsener-Godt, responsable du réseau mondial de réserves de biosphère insulaires et côtières de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.De l’imagination au pouvoir, une popu-lation chaleureuse, une biodiversité exceptionnelle, des paysages à couper
le souffle, y a-t-il quelque chose de pourri au royaume d’El Hierro ? « On a un problème de logistique, reconnaît Juan Manuel Quintero. La plupart des entreprises extérieures impliquées dans le chantier ont du mal à comprendre que nous ne sommes pas sur le continent. Faire venir des ingénieurs, des machines, tout est plus compliqué. Ici, il n’y a pas de grues, il faut les faire venir ! Cela prend plus de temps et coûte 30 % à 40 % plus cher. »
L’arbre capteur de brumesRésultat : les retards s’accumulent et la mise en service de la centrale, initiale-ment prévue en 2012, aura lieu au début de l’année 2013… si tout va bien. Entrer dans une économie décarbonée devrait bouleverser les rythmes de travail et de vie. « L’ensemble de l’économie insulaire s’articulera en fonction de la force du vent, anticipe Juan Manuel Quintero. La journée de travail sera organisée selon les prévisions météo. On remplira les réservoirs agricoles lorsque les éoliennes
tourneront, et l’on procèdera à l’irrigation lorsque le vent faiblira. A la maison, on allumera le four de la cuisine lorsque la brise soufflera. »Avant sa colonisation par les Espagnols, les Bimbaches, aborigènes d’El Hierro, s’approvisionnaient en eau douce grâce à l’arbre garoé, capteur de brume. Poussés par le vent, les nuages dépo-saient sur les feuilles leurs gouttelettes, qui perlaient jusqu’à des cavités creusées dans le sol. Il y a, entre cet « arbre-fon-taine » et la centrale hydro-éolienne à naître, une étrange parenté : le vent, l’eau, la vie. —
Le site de la fondation Zeri
www.zeri.orgLe site de Gorona del Viento
www.goronadelviento.esLe site de l’Irena
www.irena.org
Pour aller plus loin
A Valverde, les habitants bénéficieront d’un réseau d’irrigation provenant de la centrale pour créer des potagers écologiques.
32 octobre 2012 terra eco
Qui rachète l’Afrique ?Depuis le début du millénaire, des industriels accaparent des milliers d’hectares de terres agricoles sur le continent noir, au détriment des populations.Par THIBAUT SCHEPMAN / Infographie : CÉCILE BOURDAIS pour « Terra eco »
Cent hectares par ici, quelques mil-liers par là. Chaque semaine, des acteurs publics ou privés achètent des parcelles de terres en dehors
de leurs frontières. Le plus souvent pour produire de la nourriture sur des sols plus fertiles, sans consultation des
habitants sur place. L’accaparement des terres s’est généralisé au début des années 2000 et progresse depuis, sans faire de bruit. Des chercheurs ont décidé de rompre le silence, à coups de tableaux ! L’initiative s’appelle Land Matrix Database (1). Elle vise
l’économie expliquée à mon père
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eco
»à bâtir une base de données ouverte et mondiale sur le phénomène. Plus d’un millier de contrats ont déjà été répertoriés, sur une surface d’environ 83 millions d’hectares. Les chiffres confirment plusieurs tendances inquié-tantes. Revue de détail.
terra eco octobre 2012 33
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»
1/ Les contrats sont conclus dans les pays en manque de nourritureLes pays qui ont le plus vendu de terres font partie des plus pauvres de la pla-nète (Indonésie, République du Congo, Zambie, Soudan, Ethiopie…). Plus de 42 % des terres achetées depuis 2000 l’ont été en Afrique. A l’échelle du conti-nent, ce serait près de 5 % des terres agricoles qui auraient été accaparées. Des terres qui sont vendues et louées à des prix dérisoires. En Ethiopie, la location d’un hectare de terres agricoles coûte en moyenne 4,30 euros par an ! Comment ne pas rappeler que 5 mil-lions d’Ethiopiens ont eu besoin de l’aide alimentaire internationale pour survivre en 2011 ? Et que des centaines de milliers de personnes sont mortes
lors des épisodes de famine qui ont frappé la Corne de l’Afrique lors des étés 2010 et 2011 ?
2/ Les terres achetées servent peu (ou pas) à l’agriculture vivrièrePlus de 48 millions des hectares de terres achetées dans le monde depuis 2000 sont agricoles. On y produit de l’huile de palme, du jatropha et du maïs. La première est un ingrédient essentiel de nos biscuits : pas vraiment de l’agricul-ture vivrière ! Le second est une plante qui sert à la production d’agrocarburant. Elle peut pousser sur des sols moins fertiles et concurrencerait moins les cultures vivrières. Reste à vérifier où elle pousse. Car le rendement augmente sur des sols fertiles… Ce qui amène les
industriels à délaisser les terres arides. Le maïs est la seule culture vivrière mas-sivement produite dans le cadre de ces achats. A condition qu’il ne finisse pas en agrocarburant !
3/ Ces ventes se font au détriment des habitantsLa moitié des parcelles vendues étaient exploitées avant la signature du contrat. En Ouganda, l’ONG Oxfam affirme que plus de 22 000 personnes ont été déplacées depuis 2004 pour ins-taller des exploitations forestières aux mains d’investisseurs étrangers. Enfin, grandes consommatrices d’eau, ces cultures concurrencent les activités déjà existantes. —(1) www.landportal.info/landmatrix
34 octobre 2012 terra eco
Conteur depuis sa prime enfance, le père de Kirikou a patienté de longues années avant de rencontrer le succès. A l’aube de ses 70 ans, le réalisateur sait ce qu’il veut : se confronter à de nouvelles techniques et, toujours, se faire passeur d’histoires délicates.Par DAVID SOLON / Photo : LÉA CRESPI pour « Terra eco »
Michel Ocelot, l’œil du maître
le portrait
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Le tintement de la cloche de l’église Saint-Eustache, dans le Ier arron-dissement de Paris, épouse celui des gouttes de pluie qui frappent le patio délicat de son appartement. Comme suspendu sous le ciel de la
capitale, le délicieux jardinet semble un appendice à l’écrin du maître. C’est là que Michel Ocelot donne la vie à ses créations. Azmar, Azur, Kirikou le Lilliputien mais aussi mille dragons, princesses et princes ont ici ouvert les yeux. L’homme sait le précieux de son refuge. « C’est un studio. Sans ascenseur, sous les toits, personne n’en voulait à l’époque. Aujourd’hui, j’y suis chez moi. Je mourrai ici… en dessinant, bien entendu. »Michel Ocelot ne compte pas mourir demain. Il y a trop de plaisirs succulents, comme celui redécouvert cet été de mar-cher jambes nues à l’air libre. Non, trop d’envies poussent en lui. Alors il fait. Presque sans pause, mais doucement, car, comme il le répète, le temps ne respecte pas ce qu’on a fait sans lui. A 69 ans en octobre, il veut fouler de nouveaux sen-tiers. « La confiserie est grande. Pourquoi
se contenter d’un seul bonbon quand les univers et les histoires sont infinis ? » Ce n’est pas la gloire, dont il se « moque », ni l’argent qu’il a « obtenu, notamment grâce au succès de Kirikou », mais les messages qu’il veut transmettre et les arts dont il est serviteur, qui motivent sa quête.
Lettres à sa grand-mère« Michel sait parfaitement ce qu’il veut faire, ce qu’il veut dire », témoigne Nadine Mombo, directrice de production du dernier opus du petit Africain. Lui avoue que le fond de son œuvre est finalement assez simple. « C’est une évidence de dire qu’il est plus agréable de s’entendre que de se combattre. Car, au final, tout n’est qu’exigence de politesse. Envers les hommes, bien entendu, les animaux, les plantes et les architectures. » Xavier Kawa-Topor, directeur de l’abbaye de Fontevraud (Maine-et-Loire) et spécialiste de l’ani-mation japonaise, connaît bien Michel Ocelot. « C’est une personne qui n’a jamais cédé. Ni à la solitude professionnelle de ses débuts quand il était seul avec ses ciseaux, ni au succès d’aujourd’hui. Il ne
« Moi, écolo ? Non merci. Je sais juste que réclamer plus de croissance quand nous sommes déjà au paradis est ridicule. »
fait aucun compromis. » Les observateurs – critiques, artistes – jugent d’ailleurs l’œuvre d’Ocelot tour à tour « politique, philosophique, écologique même ». Lui s’en amuse. « Moi, écolo ? Non merci. Les sectes, très peu… Je sais juste que réclamer plus de croissance quand nous sommes déjà au paradis est ridicule. Et que se plaindre ici en France revient à critiquer la température du caviar. » Tantôt taquin – « il est vrai que pour raconter, mieux vaut avoir des choses à dire » –, tantôt roi-mage – « je fais mes films comme on offre un bonbon à sucer » –, l’artiste sait aussi dérouter.Des histoires, Michel Ocelot en dessine et en raconte depuis à peu près l’âge de huit ans. En témoignent ces lettres à sa grand-mère. Comme celle dans laquelle il invente les dialogues d’une vendeuse et d’un acheteur de raisin. Il part à cette époque vivre avec sa famille à Conakry, en Guinée, et découvre l’Afrique. « J’y faisais partie du paysage. Je n’y étais ni noir, ni blanc. Aujourd’hui, là-bas, je ne suis que blanc et c’est horrible. » Silence. Adolescent, il rêve de cent métiers : potier, danseur, marionnettiste, chorégraphe, réalisateur, etc. Mais il regagne la France et décide d’épouser l’animation après avoir découvert La Révolte des jouets (1), l’ancêtre de Toy Story, convaincu que cette voie pourrait lui offrir l’exercice de tous ces offices à la fois. Il enchaîne ensuite l’école des Beaux-Arts d’Angers (Maine-et-Loire), les Arts-décoratifs de Paris, avant de rejoindre l’Institut
36 octobre 2012 terra eco
le portrait
« Michel Ocelot n’a jamais cédé. Ni à la solitude professionnelle de ses débuts, ni au succès d’aujourd’hui. »Xavier Kawa-Topor, spécialiste de l’animation japonaise
Eco-habitéeBarbieSur le papier, « Barbie
architecte » a tout
bon. Sa maison est
en bambou, avec
toiture végétalisée
et panneaux solaires. Et son
électroménager est basse conso ! Seul
souci, en magasin, la proprio et sa
bicoque sont toujours en plastique !
Eco-dépitéChristophe de MargerieLe pédégé de Total doit être fort
marri. Lui qui espérait encore il
y a peu que la France aurait « le
courage » d’autoriser l’exploration
puis l’exploitation du gaz de schiste
a vu ses espoirs douchés quand
François Hollande a annoncé avoir
rejeté toutes les demandes de
permis en ce sens, lors de la récente
conférence environnementale.
Eco-éduquéTony Danza
La star de Madame
est servie a rangé son
tablier pour l’uniforme
d’enseignant d’anglais
dans un collège de
Philadelphie, aux
Etats-Unis. De cette
expérience d’un an, il retient une
leçon : les profs font de leur mieux
mais se heurtent au désintérêt des
élèves et des parents qui, en période
de crise, ont d’autres chats à fouetter.
Eco-traquéPaul Watson« Coincé » depuis l’été dans les eaux
internationales pour échapper à la
justice costaricaine qui lui reproche
– sous la pression du Japon – ses
méthodes contre les braconniers des
mers, le défenseur des baleines a reçu
le soutien de Daniel Cohn-Bendit,
José Bové ou Chantal Jouanno. Ces
personnalités ont signé un appel pour
qu’il puisse trouver refuge en France.
greeN peOple
1943 Naît à Villefranche-sur-mer (Alpes-Maritimes)
1976 Réalise la série Les Aventures de Gédéon
1983 César du meilleur court-métrage d’animation pour La Légende
du pauvre bossu
1998 Premier long métrage, Kirikou et la Sorcière
2011 Reçoit le prix Henri-Langlois du film d’animation et de l’image animée
pour l’ensemble de son œuvre
3 octobre 2012 Sortie de Kirikou et les hommes et les femmes
Michel Ocelot en dates
californien des arts de Los Angeles. Sa formation académique s’achève.
Reprendre le fil de l’existence de Michel Ocelot en 1998, année de la sortie de Kirikou et la Sorcière serait lui faire injure. Pourtant, l’homme n’y va pas par quatre chemins : « J’ai raté la moitié de ma vie », assène-t-il droit dans les yeux. La faute au système, aux producteurs de télé qui n’ont pas décelé le diamant. Les signes, pourtant, ne manquaient pas, les dis-tinctions internationales non plus. « J’ai fait deux fois le tour d’Europe des chaînes de télé. J’étais prêt à me tuer au travail. Personne n’a voulu m’en donner. »De cette époque, rude, le petit homme au regard qui transperce traîne beaucoup d’amertume, terreau de son acharne-ment et de la maturité d’aujourd’hui. « Au chômage, je travaillais beaucoup », raconte-t-il d’une voix douce et grave, jonglant entre pauses et soupirs. Jean-Claude Charles, son premier assistant sur Kirikou et les hommes et les femmes (Lire p. 77), pose un regard admiratif sur l’homme – le réalisateur lui-même assure que ses collaborateurs ont besoin de « l’œil du maître » – qui le dirige. « C’est simple, il écrit le scénario, crée le story-board, gère la mise en place des caméras, surveille la couleur, l’assemblage des couches, le son, les paroles de certaines chansons, donne des
indications pour la musique et dirige les comédiens pour les voix des personnages. Rien ne lui échappe. Mais il sait écouter, évoluer et valoriser. Il possède une franchise qui fait grandir ceux qui sont à ses côtés. »
Paname incandescentPour Azur et Azmar, en 2006, le chef-d’œuvre des deux rives accouché en six ans, ils étaient une soixantaine. De tous âges, du stagiaire au compagnon de toutes les aventures. Lui se définit d’ailleurs comme un « horloger face à une horloge compliquée », toujours prêt à ajuster, oser de nouvelles techniques et transmettre, notamment à l’Institut Sainte-Geneviève, à Paris, qui propose des formations en cinéma d’animation et arts appliqués. En faisant revivre à deux reprises le petit bonhomme par lui-même enfanté, Michel Ocelot a déjà remercié les millions d’anonymes qui ont porté le premier épisode réalisé sans moyens « à l’âge d’être grand-père ». A la fin de cette année, il laissera ainsi Kirikou, Karaba et le vieux crétin derrière lui. Et pourra alors embrasser un autre rêve, cousu de robes longues, de peintures, de rêves de paix et de génies, dans un Paname incandescent s’éveillant à l’aube du XXe siècle. —(1) Film de Hermina Tyrlova réalisé en 1947.
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38 octobre 2012 terra eco
La mémoire en friches industrielles
« Photographiste », Diane Dufraisy-Couraud investit depuis dix ans des usines délaissées. Elle y fixe des scènes qui exhalent une étrange beauté et témoignent d’un passé toujours présent. Par DAVID SOLON
1. « Décapage-Rinçage »
Elle piste les restes que notre civilisa-tion laisse derrière elle. Les usines désaffectées, les couloirs abandonnés. Elle vient s’y promener, imaginant les silences et les fantômes brutale-
ment délogés. Diane Dufraisy-Couraud est « photographiste ». Depuis maintenant dix ans, elle scrute les fabriques dépeuplées. « Ma démarche est un travail de mémoire,
explique-t-elle. Je pars en quête de patri-moines désertés et d’âmes humaines envolées sous d’autres cieux. » Mais l’idée ne se résume pas au seul recen-sement. Diane sème, en se faufilant dans ces paysages, « onirisme et humanité », fil rouge de ses déambulations exploratrices. Ses errances – « toujours collectives pour prévenir les dangers » – la mènent de l’Ile-
de-France à l’Allemagne ou la Belgique. L’artiste s’y met en scène, avec ou sans ses acolytes, dans des catacombes ou derrière le hublot d’une machine à laver. Et quand l’escapade photographique s’achève, ne subsistent, fixées par l’objectif, que d’im-probables silhouettes égarées parmi les empreintes industrielles d’un siècle éculé. —www.neverends.net
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2. « Scènes de la vie quotidienne - la laverie »
le zoom
3. « Votre correspondant n’est plus disponible »
4. « Lavoir à charbon »
5. « O bar »
6. « Ancienne centrale électrique »
7. « Panneau de contrôle »
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Vive l’auto ?
Dossier
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Trop gourmande en essence, trop polluante : la voiture d’hier et d’aujourd’hui est bonne pour la casse. Mais celle de demain n’est pas encore sortie des chaînes de montage. Alors, en attendant, l’industrie s’invite à la table des politiques. En pleine crise, la bagnole prendra-t-elle le bon virage ?Par SIMON BARTHÉLÉMY
n novembre au Salon de l’auto / ils vont admirer par milliers / l’dernier modèle de chez Peugeot / qu’ils pourront jamais se payer / la bagnole, la télé, l’tiercé / c’est l’opium du peuple de France / lui supprimer, c’est le tuer / c’est une drogue à accoutumance. » Les paroles d’Hexagone (1975), de Renaud (le chanteur, pas le constructeur), sonnent plus juste que jamais. Le 9 octobre, toujours au Mondial de l’automobile, les salariés de chez Peugeot vont manifester par milliers contre la charrette annoncée : 8 000 postes
Vive l’auto ?ENQUÊTEContrôle technique pour
une automobile durable....P.45INFOGRAPHIELa voiture idéale débarque
dans votre garage..............P.52PRATIQUEQuels papiers du véhicule pour
quelle carte d’identité ?.........P.54QUIZPetit crash-test pour éviter
le zéro de conduite...............P.56
Sommaire
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supprimés par PSA (Peugeot-Citroën), qui compte fermer son usine d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en 2014. Les Français ne peuvent vraiment pas s’offrir de voiture neuve, pas plus que les Italiens ou les Espagnols, clients traditionnels de PSA : ce dernier reste avec un paquet de modèles sur les bras.
Bouchon sur le marché européenLe constructeur français, n° 8 mondial, prend en effet la crise en plein pare-brise : des ventes en berne (- 21,6 % en France au premier semestre 2012) et 200 mil-lions d’euros de pertes mensuelles. A tel point que le groupe s’est fait éjecter du CAC 40, l’indice phare de la Bourse de Paris. Adieu veaux, lions, chevrons… Or, Peugeot est le platane qui cache le fossé. Toute l’industrie automobile frôle la sortie de route : elle ne produit plus que 2,2 millions de véhicules par an en France (3,5 millions en 2005).C’est encore trop, vu l’embouteillage des marchés européens, où les construc-teurs se tirent la bourre sur les gammes « premium » (C3, Clio, Polo, Fiat 500, Yaris…). Sur le Vieux Continent, une dizaine d’usines et 80 000 postes
pourraient même disparaître dans les années à venir, pronostiquent certains analystes. En France, les constructeurs ont déjà « dégraissé » 30 % de leurs effectifs en dix ans, et vont construire ailleurs (Turquie, Maroc, Europe de l’Est, etc.). Aujourd’hui, Renault ne fabrique plus qu’un quart de ses véhicules dans l’Hexagone. PSA fait mieux – un peu moins de la moitié de sa production est made in France, où il emploie 100 000 personnes –, ce qui rend
L’auto est morte
44 octobre 2012 terra eco
plus sensible encore sa restruc-turation. Huit mille suppres-
sions de postes en interne, c’est, selon les syndicats, 15 000 à 20 000 emplois menacés chez les sous-traitants.
Hollande et son hybrideCôté politiques, impossible de « déses-pérer Billancourt » (Lire p. 56) : la filière de production automobile représente plus de 600 000 salariés, dont les deux tiers chez les équipementiers. Le président François Hollande et son ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, sont d’abord montés sur leur 2 CV… Pardon, sur leurs grands chevaux, contre le plan « inacceptable » de PSA. Ils ont fina-lement opéré un virage à 180 degrés, convaincus par le rapport de l’expert Emmanuel Sartorius, qui juge « néces-saire » la fermeture d’Aulnay. Les salariés apprécieront… Pour ne pas trop afficher son impuis-sance, le gouvernement a dégainé cet été un nouveau train de mesures en faveur de la voiture propre. Il a notamment augmenté les primes du bonus-malus, qui passe ainsi de 5 000 à 7 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique. De quoi basculer enfin dans la « deuxième révolution automobile » ? Après un siècle de quasi-immobilisme technologique
lié au pétrole bon marché, la voiture a un difficile créneau à négocier, entre épuisement des ressources fossiles et lutte contre le changement climatique. Le constructeur qui inventera la bagnole durable aura une place au soleil. Les Français seront-ils en pole position ? Comme le soulignait perfidement le Canard enchaîné, le plan Montebourg va surtout relancer l’industrie…
Dossier
japonaise : sur 15 970 voitures électriques ou hybrides (moteur thermique + bat-terie électrique) vendues en France en 2011, plus de 80 % ont été fabriquées par une marque étrangère (essentiellement les Japonaises Toyota et Mitsubishi). Le plan pourrait néanmoins donner le feu
vert au décollage de la voiture électrique, scotchée à 2 270 exemplaires immatri-culés durant le premier semestre 2012. Et encore, en comptant les Bluecar d’Autolib’. Mais les 7 000 euros seront un gros coup de pouce à Renault, qui s’apprête à lancer la Zoé, 100 % élec-trique. D’autant que le gouvernement s’est aussi engagé à acquérir au moins 25 % de son parc en hybride et en fa
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électrique, à l’image de notre « président normal », qui roule en DS5 hybride. Le hic : en mode thermique classique, cette Citroën haut de gamme carbure au diesel ! Si elle consomme moins, elle émet des particules fines classées cancérogènes par l’Organisation mon-diale de la santé.
Dans l’armoire avec le ConcordeBref, la voiture officielle de l’Elysée illustre bien le délicat virage pour l’auto-mobile française. Toujours grassement choyée par les finances publiques, y com-pris de façon détournée et incohérente (voir la baisse du prix des carburants annoncée cet été), cette industrie tarde à être à nouveau innovante et à la portée de tous. Pour ne pas être rangée dans l’armoire à côté du Concorde, dépassée par ses concurrents, voire doublée par l’autopartage et le vélo, elle ferait bien de consulter nos bonus-malus de la voiture durable. Soit 10 bonnes rai-sons de sauver l’industrie automobile française. Ou pas. —
Le créneau à négocier, entre épuisement des ressources fossiles et lutte contre le changement climatique, est serré.
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En France, la voiture est une vache
à lait pour l’Etat. Vraiment ?
Taxer les carburants rapporte
gros – 34 milliards d’euros
en 2010 –, comme la TVA sur
les voitures : 20 milliards d’euros.
Mais on oublie souvent combien
l’automobiliste est cajolé. D’abord,
les routes « gratuites » coûtent
16 milliards par an au contribuable
en investissement, entretien,
police, radars, etc. Le schéma
national des infrastructures
de transport prévoit, en outre,
15 milliards d’euros pour construire
1 000 kilomètres d’autoroutes.
Ensuite, les aides sont légion :
le bonus écologique a déjà
coûté 1,5 milliard en quatre ans,
son augmentation représentera
490 millions en 2013 ! Grâce
au barème fiscal automobile,
on peut aussi déduire des impôts
ses frais de trajets professionnels.
Supérieur de 30 % aux coûts réels
du véhicule (34 centimes
d’euros au kilomètre, selon
la FNAUT, la Fédération nationale
des associations d’usagers
des transports), il pèse plus
de 700 millions par an.
Les entreprises de la filière ne
sont pas oubliées. Premières
bénéficiaires de la suppression
de la taxe professionnelle, elles
ont reçu en dix ans près
d’un milliard d’euros pour
le développement des voitures
propres. Pendant deux ans,
les ventes des constructeurs ont
été artificiellement boostées par
la prime à la casse – 1 milliard
d’euros. Pour quelle récompense ?
Non seulement les marques ne
disent pas merci, mais elles s’en
vont : PSA fabrique aujourd’hui la
moitié de ses voitures
à l’étranger, et Renault
les trois quarts. Résultat :
notre balance commerciale est,
par exemple, déficitaire avec
la Roumanie (si, si), à cause
des Logan du groupe Renault.
Malgré deux constructeurs
membres du Top 10 mondial,
l’automobile génère un déficit
commercial de 9 milliards en
2011, quand il était excédentaire
de 5,5 milliards il y a dix ans.
Champions ! Enfin, il faudrait
compter les « externalités
négatives » de la voiture, c’est-à-
dire les coûts liés aux accidents
de la route, à la pollution,
aux embouteillages ou au bruit.
L’insécurité routière coûterait
ainsi 24 milliards d’euros par an.
Verdict : MALUS
La route est-elle dégagée pour la voiture ? Industrie, carburants, alternatives : découvrez les culs-de-sac et les voies rapides du secteur. Perdra-t-il son joli permis à points ? Par SIMON BARTHÉLÉMY
Contrôle technique pour une automobile durable
L’automobile fait-elle carburer l’économie française ?
46 octobre 2012 terra eco
Dossier
A-t-on encore besoin de bagnoles ?
82 % des transports en France
se font aujourd’hui en voiture
particulière. Mais pour Jean
Sivardière, président de la FNAUT,
« l’industrie s’essouffle parce que
notre marché est saturé, et que
notre besoin d’auto diminue : la
circulation automobile baisse depuis
quinze ans dans toutes les grandes
agglomérations (sauf Fos-sur-Mer,
dans les Bouches-du-Rhône). Le
développement des alternatives
– transports en commun, vélo,
TER – commence à faire sentir ses
effets. Mais aussi la multiplication
des contraintes : les limitations de
vitesse sur les rocades, les distances
domicile-travail qui s’allongent. La
voiture attire moins les jeunes, ainsi
que le montre la baisse du nombre
de titulaires du permis chez les
18-24 ans. Ils préfèrent se distinguer
avec des objets électroniques. »
« L’industrie a un problème de
débouchés, mais cela ne veut
pas dire qu’on se détourne de la
voiture », rétorque Bernard Jullien,
directeur du Gerpisa, le Groupe
d’étude et de recherche permanent
sur l’industrie et les salariés de
l’automobile. « C’est vrai en ville,
mais 40 % de la population vit
aujourd’hui en zone périurbaine,
où la part modale de la voiture est
stable. Et les Français, en vieillissant,
s’installent à la campagne. » Or, les
réseaux de tram, métro ou même
de bus n’arrivent pas à suivre, à
moindre frais, cette rurbanisation
galopante. En attendant de
redensifier l’habitat, inch Allah, la
voiture reste alors incontournable,
insiste le patron du Gerpisa : «
Pour rouler, les Français s’équipent
massivement en véhicules
d’occasion, ce qui entrave nos
objectifs de réduction d’émissions
de CO2 . L’offre des constructeurs
français est trop chère et ne
correspond pas aux besoins. Le
gouvernement devrait donc lancer
un appel à projet pour concevoir
un véhicule propre et populaire à
6 000 euros. » Une 2 CV ?
Verdict : INCERTAIN
Le parc français est le plus
diésélisé au monde (à 60 %),
grâce à des taxes à la pompe
plus avantageuses que pour
l’essence. Cocorikofkof :
ces moteurs émettent la
majorité des particules fines
responsables de 42 000 morts
prématurées par an en France.
Près de 12 millions de Français
vivent dans des zones où cette
pollution a excédé l’an dernier
les normes européennes.
Mais les sept villes candidates
à l’expérimentation des
zones d’action prioritaires
pour l’air ont repoussé un
projet « antisocial » : fermer
les centres-villes aux vieux
modèles diesels reviendrait
à en exclure les pauvres.
Bruxelles menace donc la
France d’une lourde
condamnation. gille
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Le diesel nous envoie-t-il dans le mur ?
En 2015, la norme Euro 6
obligera les constructeurs
à équiper leurs voitures
de coûteux dispositifs
antipollution. Volkswagen
et Nissan ne vendront donc
plus de citadines diesel. PSA,
lui, ne propose pour l’instant
ses hybrides qu’en version
diesel, comme la DS5 de
François Hollande. La majorité
traîne toutefois pour forcer
la main aux constructeurs. Si
certains socialistes réclament
de barrer l’entrée de Paris
au diesel, seuls les écolos
réclament une augmentation
des taxes sur le gazole.
Lors de la conférence
environnementale,
le problème est passé
à l’as !
Verdict : MALUS
Un électrochocpour la voiture ?
S’il faut, comme dans la pub, danser sur du David Guetta pour recharger sa Twizy, pas étonnant que la voiture électrique ne décolle pas, disent les mauvaises langues. Pourtant, d’après Renault, 3 500 quadricycles se sont vendus en France, contre 4 531 bolides électriques en 2011 (sur 2 millions de voitures). La marque au losange espère désormais faire un tube avec la Zoé, qui sera lancée en 2013 au prix de 13 700 euros, bonus écolo déduit (plus 79 euros mensuels de location de batterie).Le constructeur veut ainsi dominer le marché mondial de l’électrique, qui pourrait représenter une voiture sur dix vendues en 2020. Forts de leur industrie électronique, les Asiatiques sont pour l’instant les mieux placés : la batterie de la Zoé sera produite avec le Coréen LG. PSA croit plus en l’hybride mais d’autres entreprises françaises cherchent une place dans la niche : Bolloré, dont la Bluecar équipe le service Autolib’, et Mia Electric (ex-Heuliez) qui vise plus de 3 000 ventes en 2013. Son directeur général, Laurent Buffeteau, réclame « des décisions politiques pour faciliter l’usage, comme en Norvège, où les voitures électriques peuvent rouler dans les couloirs de bus et se garer gratuitement ».
L’autonomie – 150 à 200 km – rend certains sceptiques sur l’avenir de l’électrique. « Ce frein existe chez les utilisateurs qui ont peur de tomber en panne, reconnaît Laurent Buffeteau. Mais il est purement psychologique : 80 km d’autonomie, ça suffit à 80 % des usages. » Le plan du ministre Montebourg prévoit d’ailleurs de multiplier les bornes de recharge. L’électromobilité rend-elle la voiture plus durable ? Non, pour Lorelei Limousin, du Réseau action climat : « Le bilan carbone n’est pas bon si les batteries sont rechargées aux heures de pointe, lorsque la France importe de l’électricité des centrales à charbon allemandes. Il y a aussi la question du recyclage des batteries. Et cela ne règle pas les problèmes d’accidents et de congestion des villes. » Julien Varin, directeur marketing de Bolloré-Autolib’, fulmine : « La voiture électrique n’a pas de pot d’échappement, n’émet ni CO
2 ni
aucun polluant, et ne fait pas de bruit ! » A part David Guetta.
Verdict : BONUS
La voiture doublée par l’autopartage ?
Le tiers des déplacements en
voiture font moins de 3 km, pour
les trois quarts en solo. Sur ces
distances, le vélo ou la marche
peuvent donc rivaliser ! Mais il y a
encore du chemin : avec moins de
la moitié des déplacements réalisés
en voiture, et 8 % à vélo, Strasbourg
(Bas-Rhin) fait figure de bon élève
bleu-blanc-rouge, quand la part
modale du biclou dépasse les 50 %
à Copenhague et Amsterdam !
Pour des trajets plus longs,
l’autopartage va-t-il remplacer la
voiture privée ? Selon une étude
du cabinet Frost & Sullivan, les
services type Autolib’ passeront de
700 000 adhérents à la fin de 2011
à 15 millions en 2020 en Europe :
700 000 personnes utiliseront alors
l’autopartage en pair-à-pair (les
particuliers louent leurs voitures via
des sites Internet). Or, selon diverses
études, un véhicule partagé en retire
entre 4 à 15 de la route. Pour ne pas
se faire doubler sur ces marchés, les
constructeurs tentent de lancer leurs
propres offres, comme PSA avec
« Mu by Peugeot ».
Quel impact sur l’industrie ?
Important pour certains. Bernard
Jullien, du Gerpisa, juge lui que « ces
flottes partagées seront utilisées plus
intensément et donc renouvelées
plus souvent, ce qui peut compenser
la baisse des volumes. Aujourd’hui,
les ménages traînent quinze ou
vingt ans leurs voitures. Comme les
services d’autopartage changeront
les leurs au bout de huit, le parc sera
en outre moins polluant. »
Verdict : INCERTAINgille
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48 octobre 2012 terra eco
CO2 : les Français
en pole position ?
Alors que le transport est responsable
de 34 % des émissions françaises de
CO2, dont la moitié pour les voitures
individuelles, l’Europe veut les ramener
à 95 g au km en 2020, contre 135,7 en
2011. Evidemment, les constructeurs
allemands sont contre, cela avantage
leurs concurrents français : groß
malheur ! Malgré leurs ventes en berne,
Renault, Peugeot et Citroën dominent
en effet encore le marché européen des
petites voitures, plus légères, donc plus
économes et moins émettrices. Enfin,
légères, c’est vite dit : la 208 pèse plus
d’une tonne. C’est moins que les 1 389 kg
d’une voiture neuve moyenne en 2011,
un poids toujours en augmentation,
selon l’Agence européenne de
l’environnement. Mais deux fois plus
qu’une 2 CV. La faute aux normes de
sécurité et au confort. Les constructeurs
se gargarisent de leur clim en série ; ils
pourraient plutôt opter pour le système
« Stop and start », qui coupe le moteur
lorsque la voiture s’arrête. Dans un
récent rapport, le Conseil d’analyse
stratégique décrit la voiture de 2030 :
« Un peu moins de 800 kg, possédant
une motorisation hybride, équipé d’un
moteur à 3 cylindres, à performances
“ limitées ” (vitesse maximale de
130-140 km/h) et consommant un
agrocarburant de deuxième génération.
Les émissions de CO2 d’un tel véhicule
devraient ainsi être égales, voire
inférieures à 40 g de CO2 /km. »
Verdict : BONUS
En France, on n’a pas de pétrole, mais on a du lisier. Les déchets verts issus de l’agriculture et de nos poubelles, ou de la biomasse (plantes, bois, etc.) pourraient en effet répondre à 60 % de nos besoins de transport, selon le dernier scénario de l’association Négawatt. Comment ? En les transformant en biogaz, dans les usines de méthanisation, qui se multiplient en Allemagne, et désormais en France. Puis en utilisant comme carburant ce méthane renouvelable, chimiquement identique au gaz naturel véhicule, fossile. Cette technologie est déjà largement utilisée par l’automobile, contrairement aux agrocarburants de deuxième génération, produits à partir de végétaux qui n’entrent pas en concurrence avec l’alimentation humaine. Mais il est plus difficile d’extirper le sucre nécessaire à la fabrication d’alcool du bois ou de la paille, que d’une betterave ou du blé. Résultat : encore deux fois plus cher que la première génération et presque trois fois plus que l’essence, la deuxième génération pourrait ne jamais s’imposer, selon le responsable d’une expérimentation en cours (La Croix, 9 septembre 2012). Voire se faire griller par les micro-algues. Le même sort sera-t-il réservé à l’hydrogène ? Non polluant, mais pour l’instant surtout fabriqué à partir d’énergies fossiles, ce gaz permet de stocker la production d’énergie solaire ou éolienne. Mais il nécessite de nouveaux moteurs – les piles à combustible – et un réseau complexe de distribution. L’entreprise Air liquide participe à des expérimentations.
Verdict : BONUS
Dossier
Retrouvez
le Quiz
d’Anne &
Serge
page 56
La France parée pour l’après-pétrole ?
terra eco octobre 2012 49
Des ouvriers français trop chers ?
Par rapport à leurs homologues
Chinois ou aux Roumains, sans
doute. Mais pas comparés aux
salariés anglais ou allemands
d’industries automobiles
florissantes. Dans une usine
d’assemblage comme Aulnay-
sous-Bois (Seine-Saint-Denis),
les salaires et les cotisations
sociales ne représentent que
6 % à 10 % du coût d’une voiture
(contre 2 % à 3 % pour la pub,
par exemple), selon les chiffres
des syndicats. Les baisser de
20 % ne ferait baisser le prix de
revient d’une voiture que de 1 %,
souligne la CFDT (Confédération
française démocratique du travail)
(Le Canard enchaîné, 18 juillet).
D’autres observateurs relèvent
aussi que le coût du travail est
moins problématique que le
positionnement des constructeurs
– la Yaris de Toyota, assemblée en
France et disponible en version
hybride, cartonne. « Jouer la
modération salariale comme l’a fait
l’Allemagne serait une stratégie
non coopérative néfaste à toute
l’économie européenne », estime
Bernard Jullien, du Gerpisa.
Verdict : BONUS
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Une politique industrielle en panne ?
Le récent rapport de l’expert
Emmanuel Sartorius a pointé
du doigt les jongleries financières
de PSA (rachats d’actions,
généreux dividendes versés aux
actionnaires), ses errements
stratégiques et l’opacité des
prises de décision. Des voix
s’élèvent donc pour réclamer
une politique automobile. « Les
Allemands ne parlent pas de
politique industrielle, ils la font,
grâce à la codétermination »,
souligne Frédéric Bricnet, du
cabinet d’experts Syndex,
proche de la CFDT. « Dans
les entreprises de plus de
300 salariés, leurs représentants
occupent le tiers, voire la
moitié des sièges aux conseils
d’administration. Ça n’empêche
pas le chantage à l’emploi, mais
dans le cadre d’une négociation,
avec des contreparties et le
respect de la parole donnée.
Quand Volkswagen publie
ses perspectives pour 2017, il
prend des engagements sur la
place de l’Allemagne dans le
développement global. » En
France, c’est vers l’Etat que se
tournent les syndicats (divisés,
contrairement aux Allemands)
pour exiger des contreparties
aux constructeurs. Mais l’Etat,
bien qu’actionnaire de Renault,
« ne peut pas tout », comme
disait le Premier ministre Lionel
Jospin lors de la fermeture de
l’usine Renault de Vilvoorde.
Verdict : MALUS
Itinéraire bis ou voie de garage pour l’industrie ?
Les véhicules propres représentent
aujourd’hui 1 % du marché. Mais selon une
étude réalisée en 2009 par la Confédération
européenne des syndicats, ils créeront des
emplois : 80 000 en Europe en 2030, si le
parc accueille 20 % de voitures hybrides
et électriques. Et seuls 17 000 postes
disparaîtraient dans la filière thermique.
Pourtant, le plan du ministre du redressement
productif Arnaud Montebourg ne convainc
pas Jean Sivardière : « Il ne faut pas chercher
à relancer l’industrie automobile, mais à la
reconvertir, du moins partiellement », tonne le
président de la FNAUT. Les écologistes font
d’ailleurs souvent valoir, chiffres à l’appui,
que le développement des transports en
commun au détriment de la route
créerait davantage d’emplois (dans
l’industrie ferroviaire ou à la
SNCF) qu’il n’en détruirait dans l’industrie
et les services auto (1).
Jean Sivardière cite, quant à lui, l’exemple
de Bosch, à Vénissieux (Rhône) : ses salariés
ont obtenu la reconversion de leur usine,
menacée de fermeture, de la fabrication de
pièces de rechange pour véhicules diesel à celle
de panneaux photovoltaïques. Ils ont pu se
former en Allemagne, chez Bosch, le plus gros
équipementier auto au monde, également
actif dans les énergies renouvelables. Pour le
compte de la CFDT, Syndex a accompagné
cette démarche, ainsi que celle d’une dizaine
d’autres sites industriels en difficulté. Mais
pour le responsable du pôle automobile de
ce cabinet, Frédéric Bricnet, « il n’existe pas de
baguette magique pour reconvertir des milliers
d’entreprises de la filière automobile et trouver
des substituts d’activité à 600 000 personnes.
L’industrie auto est implantée en France
dans beaucoup de bassins semi-ruraux, qui
vivent grâce à une ou deux entreprises de
150 personnes. Quand elles ferment, cela crée
des poches de misère. » D’où la volonté de ne
laisser à aucun prix caler l’automobile.
(1) A lire ici : www.bit.ly/NBn5Fe
Verdict : INCERTAIN
Dossier
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Dossier
La voiture idéale débarque dans votre garageDurant la conférence environnementale, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a plaidé pour un véhicule qui engloutit 2 litres aux 100, dans les dix ans. Chiche ! Voici notre prototype. Par THIBAUT SCHEPMAN / Infographie : CÉCILE BOURDAIS pour « Terra eco »
52 octobre 2012 terra eco
1/ L’usine Adieu les villes-usines et la production en série. Les constructeurs fourniront des micro-usines clés en main. Une grande partie des matériaux viendront de ressources locales.2/ Les mensurations Trop puissantes, blindées d’options et d’accessoires – notamment en raison des normes de sécurité –, nos bagnoles sont obèses. Alain Grandjean, cofondateur du cabinet Carbone 4, dénonce ainsi les rétroviseurs « extrêmement lourds et complexes, avec de petits moteurs intégrés ». Machine arrière ! La
voiture n’en sera que plus facilement réparable. Jean-Marc Jancovici, spécialiste de l’énergie, imagine même un véhicule de 200 kg, conçu pour rouler à 50 km/h.3/ Le carburant Un maître mot : diversité. Copions l’association Roule ma frite, qui ajoute de l’huile de friture à son carburant ! Ou l’Institut national de l’énergie solaire, avec ses panneaux sur le toit de son parking qui chargent les voitures à l’arrêt. Et continuons la recherche sur l’air comprimé, la pile à combustible et les agrocarburants de deuxième génération...
4/ La technologie Grâce à leurs capteurs, les voitures du futur rouleront en file indienne, à vitesse stable. Les flottes seront gérées grâce à des systèmes d’information en temps réel. De quoi booster le taux d’utilisation et le partage, « deux leviers formidables pour réduire les coûts et les émissions », selon Alain Grandjean.5/ La fin de vie Aujourd’hui, 20 % de la masse des véhicules hors d’usage n’est ni réutilisée ni valorisée. Soit environ 300 000 tonnes par an. A l’avenir, toutes les parties non polluées pourront être réutilisées. —
terra eco octobre 2012 53
54 octobre 2012 terra eco
Dossier
Quels papiers du véhicule pour quelle carte d’identité ?Un mode de déplacement responsable, d’accord. Mais tout le monde n’a pas les mêmes besoins. Pour y voir clair et faire votre choix, « Terra eco » nettoie votre pare-brise grâce à cinq familles-témoins.Par THIBAUT SCHEPMAN
Toute la famille utilise déjà le métro pour ses déplacements quotidiens dans la métropole. Mais
elle a besoin d’une voiture pour s’adonner au char à voile, presque chaque week-end, sur la plage de Malo-Bray-Dunes. Heureusement, leur monospace acquis de seconde main a beau avoir plus de 12 ans et
Famille Cumin Marie (24 ans), Pierre (28 ans),Léa (6 ans) et Léo (8 ans)Pessac (Gironde)
Les Cumin adooorent les week-ends à la campagne. Et Pierre ne voudrait pour rien au monde faire le trajet jusqu’au boulot sans écouter son autoradio, même si
c’est à seulement trois kilomètres de chez lui. Résultat : le ménage possède deux caisses : une longue berline et un break à grand coffre. ———————————————————Verdict Voilà un exercice douloureux
– mais salvateur – à proposer aux Cumin
et aux milliers de Français dans leur
situation. Asseyez-vous. Prenez une feuille
de papier, un stylo et une calculatrice.
Tentez maintenant d’additionner le coût
des assurances et des travaux d’entretien
et de réparation pour vos deux autos
sur une année. Ajoutez-y les frais de
stationnements, l’amortissement du prix
d’achat du véhicule puis les dépenses de
carburant et de péage. La note ? Très,
très salée. L’Automobile Club a calculé
qu’une Clio essence utilisée entre 10 000 et
15 000 km par an coûte environ 5 976 euros
à l’année. Pour une Peugeot 308 diesel,
la facture s’élève à 7 654 euros. De quoi
convaincre notre famille de s’essayer à la
marche, au vélo et au bus, puis de vendre les
titines. Pierre, lui, écoutera la radio avec des
oreillettes, bien au chaud dans le tramway.
Et pour les week-ends ? Et bien louez
maintenant (ou prenez le train) ! —
Famille Zigue Gonzague (44 ans), Martine (48 ans) et Eudes (14 ans)Lille (Nord)
150 000 bornes au compteur, il transporte sans encombre l’attirail maritime de la famille. ————————————— Verdict Si, comme la famille
Zigue, vous utilisez peu
votre monture, nul besoin de
vous précipiter chez votre
concessionnaire pour investir
dans du neuf, même électrique.
Vous éviterez les tonnes
de gaz carbonique nécessaires
à la fabrication d’un nouveau
véhicule. Mais, comme les
Zigue, n’en profitez pas pour
aller chercher votre baguette
en bagnole. Préférez d’autres
modes de déplacement quand
c’est possible. —
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terra eco octobre 2012 55
Vous ne connaissez pas Saint-Jean-de-Mermezac ? Bon, d’accord, cette commune n’existe pas. Disons qu’elle
joue ici le rôle de porte-drapeau des 18 000 communes de France qui comptent moins de 420 habitants. René et Karim Pichon viennent de s’y installer. Ils vivent dans une petite maison bleue, adossée à la colline. Seul hic : la première gare est à 20 kilomètres, leurs lieux de travail respectifs à presque 50 km. Pour corser le tout, leurs horaires professionnels sont complètement incompatibles. Jusque-là cyclistes invétérés, ils vont devoir acquérir chacun une voiture.
——————————————Verdict Si, comme René et Karim,
vous ne pouvez vraiment pas vous
passer de votre tacot et que vous
avez besoin de rouler longtemps,
suivez les conseils de l’Ademe,
l’Agence de l’environnement et
de la maîtrise de l’énergie. Très
exactement de son classement des
véhicules neufs les plus propres.
L’édition 2012 a primé dans la
catégorie essence, la Lexus CT200
hybdride suivie par la Toyota
Auris hybdride. Sur la troisième
marche du podium, la Fiat 500
TwinAir. Dans la catégorie diesel,
la première et la deuxième places
ont été attribuées à deux modèles
différents de la Smart Fortwo.
Viennent ensuite, ex æquo,
la Renault Clio 3 et les
nouvelles Seat Ibiza, Skoda
Fabia et Volkswagen Polo
Bluemotion. Karim, René,
habitants de Saint-Jean-de-
Mermezac, il ne vous reste
plus qu’à choisir ! —
Famille Pichon René (45 ans) et Karim (47 ans) Saint-Jean-de-Mermezac
Emile est étudiant à la Sorbonne, dans le centre de Paris. Pour fuir les prix exorbitants des loyers intra-muros, il a
emménagé dans une colocation à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Mais il aime rendre visite à sa famille, au moins trois fois par mois. Le trajet jusqu’à Drancy, en Seine-Saint-Denis, prend plus d’une heure et demie en métro et en bus, contre 25 minutes en voiture. Sa mie vit, elle, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) : là encore, la voiture l’y emmène en 20 minutes, le métro, en une heure. ——————————————Verdict Si, comme Emile, vous
êtes amené(e) à faire des
Famille Patte Emile (20 ans) Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne)
Chaque matin, chez les Dupont, c’est le branle-bas de combat. La faute aux horaires : tout le monde quitte la maison
en même temps. Chaque matin, donc, on se bagarre pour
la douche et pour les meilleures places à la
table du petit déj et, à 7 heures 30 précises, Mercedes lance son traditionnel :
« En voiture tout le monde ! » Elle
s’installe ensuite au volant, dépose les plus jeunes à l’école
et les aînés au lycée, puis se gare sur le parking du centre commercial, à égale
distance entre son bureau et celui d’Antonio. Le soir, tout
le monde fait le chemin inverse et les retardataires sont obligés d’emprunter le bus.——————————————Verdict Tout comme les
Dupont, vous avez l’habitude
des déplacements en ville
à plusieurs ? Notre conseil :
choisissez une voiture électrique
familiale, comme la Mia Electric,
la Renault Fluence Z.E. ou
la Nissan Leaf. —
Famille Dupont Mercedes (38 ans), Antonio (39 ans), Michaël (17 ans), Donovan (6 ans) et Julia (8 ans)Aubière (Puy-de-Dôme)
stép
hane
aud
ras
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a
déplacements
fréquents et/
ou dans des
zones mal
desservies
en milieu
urbain, vous
pouvez bien
sûr faire du
stop. Vous
pouvez aussi
investir dans
une voiture
électrique mini-
format. Au
choix une Smart
Fortwo ED, une
Renault Twizy,
une Citroën
C-Zero ou une
Mitsubishi i-MiEV.
Tenté(e) ? —dr /
rue
des
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56 octobre 2012 terra eco
EN SAVOIR PLUS
Industrie
automobile,
la croisée des
chemins
de Bernard Jullien
et Yannick Lung
(La Documentation française,
2011)
Renault
en danger !
du collectif
CFDT-Renault
(L’Harmattan, 2012)
Désobéir
à la voiture
de Xavier Renou
(Passager clandestin,
2012)
Le rapport du ministère du
Redressement productif sur PSA
www.bit.ly/QJsGFL
La Fédération nationale
des associations d’usagers
des transports
www.fnaut.asso.fr
Gerpisa, le réseau international
d’experts de l’automobile
www.gerpisa.org
Carfree, le site pour une vie
sans voitures
http://carfree.free.fr
Le site de Syndec, cabinet
d’experts proche de la CFDT
www.syndex.fr
Le Comité des constructeurs
français d’automobile
www.ccfa.fr
L’appel « Stop aux
subventions à la pollution »
www.stopsubventionspollution.fr
Dossier
1 Quel membre du « Big 3 » a fait faillite lors de la crise
de 2008 ?a. General Motorsb. Chryslerc. Lehman Brothers
2 D’où vient l’expression : « Il ne faut pas désespérer
Billancourt » ?a. Du soutien politique à la grève de l’usine Renault de Boulogne-Billancourt, en 1913, contre l’instauration du taylorismeb. D’un personnage de Sartre, qui dit qu’il faut parfois mentir aux ouvriers sur les crimes de l’URSS pour ne pas les démoraliserc. Des intellectuels de gauche en mai 1968, appelant les pouvoirs publics à ne pas oublier la classe ouvrière
3 Selon l’Organisation mondiale de la santé,
le nombre de morts prématurées en Europe liées à la pollution de l’air par les particules fines s’élève à :a. 40 000b. 400 000c. 4 millions
4 Qui a dit : « Elle va marcher beaucoup moins bien
maintenant, forcément » ?a. Carlos Ghosn, pédégé de Renault, découvrant que Peugeot casse les prix de la voiture électrique
Réponses : 1b / 2a… probablement. L’origine précise reste floue / 3b / 4c / 5c Ce pic aurait été dépassé en 2006, selon l’Agence internationale de l’énergie / 6b Plus 300 000 litres d’eau/ 7c / 8a
b. Franck Williams, patron de l’écurie Williams-Renault, voyant l’état de la F1 d’Ayrton Senna après son accident au Grand Prix de Saint-Marinc. Bourvil, dans Le Corniaud, au volant de sa 2 CV pulvérisée dans la collision avec Louis De Funès
5 Le « pic de Hubbert » désigne :
a. Un sommet de l’Antarctiqueb. Un taux d’équipement en autos insoutenable pour la planètec. La production maximale de pétrole dans le monde, qui décline ensuite
6 Quelle quantité de matières premières est nécessaire
pour construire une voiture d’une tonne :a. 3 tonnesb. 20 tonnesc. 33 tonnes
7 Combien de voitures sont envoyées à la casse
en France chaque année :a. 500 000b. 1 millionc. 2 millions
8 Un tiers des voitures dans le monde ont, un jour,
été électriques. Quand ?a. En 1900b. En 1975c. Actuellement
Petit crash-test pour éviter le zéro de conduiteVérifier le niveau d’huile, vous savez faire. Mais avez-vous celui pour répondre à nos questions ? En voiture !Par SIMON BARTHÉLÉMY
LE QUIZ
d’ANNE ET
SERGE
UN BÉBÉ TOUT MIELBébé est, comme vous, exigeant. Il ne se lave pas avec n’importe quoi. Et c’est tant mieux, parce qu’on lui a déniché un gel moussant tout bio. Concocté avec du miel
– pour ses propriétés nutritives – et de la verveine récoltés en Midi-Pyrénées. Ce produit, comme tous ceux de la marque 1 001 vies, est vendu en ligne, dans des pharmacies et les Biocoop.
Le + environnemental et social : produit bio et made in FrancePrix : 8,90 euroswww.milleetunevies.com
58 octobre 2012 terra eco
drT-shirt à rembobinerVoilà un T-shirt que vous ne retrouverez pas dans les armoires de la moitié de vos amis. La marque Laspid conçoit des vêtements en série limitée autour des thèmes de l’environnement, du voyage et de la solidarité internationale. Ceux-ci – disponibles à seulement 100 exemplaires – mettent à l’honneur la cassette audio et le vélo pour symboliser le rembobinage manuel. Ils sont en coton bio et leur fabrication – dans des ateliers indiens et portugais – respectent les règles du commerce équitable. Vous pouvez vous les procurer en ligne ou dans la boutique dédiée, à Lyon.
Le + environnemental et social : coton bio et commerce équitable Prix : 30 euros www.laspid.com
60 Ils changent le monde L’hôpital verdit à Plaisir
62 Avec CitéGreen, triez, pédalez et… encaissez !
64 Kingersheim met la participation en chantier
66 J’ai testé Le bolide électrique
68 Soon soon soon
70 Derrière l’étiquette La lessive écolo
72 L’alimentation La fraise Tagada
74 Santé « J’ai (bien) vécu sans huile de palme »
76 Enrichissez-vous
80 L’agenda
82 Côté couloir
VOS RÊVES EN CHOCOLATVous en avez assez des tablettes standardisées des supermarchés ? Big Bang Chocolat a une
solution. Ce site vous permet de composer selon vos goûts votre choco. Blanc, au lait ou noir,
choisissez d’abord votre base. Ajoutez ensuite à votre convenance céréales, confi series ou fruits séchés. Le tout est préparé avec des ingrédients exclusivement biologiques et équitables. Les moins inspirés se verront même proposer des recettes, comme la Chuck Norris, mélange de chocolat noir, de pêche, de noisettes, de cacahuètes et de pignons de pin.
Le + environnemental : produits bios et équitablesPrix : tablette de base à 2,90 euros puis le prix varie en fonction des ingrédients www.bigbangchocolat.fr
terra eco octobre 2012 59
Les animaux sortent du boisEmpiler, tout casser, recommencer… Avec ce lot de figurines animales et de fleurs champêtres, votre bambin va pouvoir s’en donner à cœur joie. Ce jouet est fabriqué en Allemagne, avec du bois certifié PEFC provenant de forêts situés à moins de 150 km de la ville – Bad Rodach, en Bavière – où est implantée l’usine de la marque. Pour parfaire le tout, les peintures sont à base d’eau et sans solvants. Au cas où votre progéniture aurait l’idée de croquer une grenouille ou une vache !Le + environnemental et social : bois PEFC et fabrication allemandePrix : 23 euros le petit lot, 35 euros le grandwww.haba.de
dr
Un Cambodge à soieC’est l’histoire d’une rencontre. Celle d’une ingénieure
française avec des Cambodgiennes tisseuses de soie sans travail.
Ensemble, elles ont confectionné ce sac à main avec des tissus dénichés dans le pays : chutes de coton, soie sauvage, coupons de satin… En vente en ligne et en boutiques en France.Le + environnemental et social : matière recyclée, commerce équitable Prix : 65 euros www.laviedevantsoie.com
Les meubles hissent les couleursVoici des meubles qui devraient plaire à tous. Les plus créatifs pourront les peaufiner et les peindre à leur guise quand les moins imaginatifs les achèteront tout prêts. Tous sont fabriqués à la main en Bretagne – les délais avant livraison s’échelonnent de quatre à six semaines – par la designeuse Cécile Jéhanno. Elle a créé la marque Argolo et utilise exclusivement du bois issu de forêts européennes durablement gérées.
Le + environnemental et social : made in France et bois durable Prix : chaises de 98 à 145 euroswww.argolodesign.com
60 octobre 2012 terra eco
L’hôpital verdit à Plaisir
Tri des déchets, réparation du matériel, vaisselle en porcelaine… Malgré les contraintes financières et sanitaires, un établissement des Yvelines montre la voie des soins responsables intensifs. Par valérie devillaine
ils changent le monde l’idée
déchets par an, soit 3,5 % de la « pro-duction » totale nationale. Et que dire de l’eau ? Entre 650 et 800 litres consommés par jour et par patient, contre moins de 200 à la maison ! Mais certains mouillent la blouse et commencent à faire de petites injec-tions de vert et de responsabilité dans
Ouverture 24 heures sur 24, équipements énergivores, produits chimiques et même radioactifs, matériel à usage unique… Ce n’est rien de le
dire, un hôpital, c’est tout, sauf écolo. En France, les 3 000 établissements de santé génèrent 700 000 tonnes de
Yvelines
Eure-et-Loir
Oise
Seine-et-Marne
Plaisir
Essonne
7-29
arc
hite
ctes
l’externat médico-pédagogique de l’hôpital gérontologique de Plaisir-Grignon.
terra eco octobre 2012 61
l’équation. C’est le cas de l’hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon, dans les Yvelines. Ses 1 100 salariés et ses 1 054 lits accueillent, au cœur de 25 hectares de verdure, des personnes âgées et handicapées, en hébergement de longue durée.Dès le portail franchi, ce sont les « mauvaises herbes » qui souhaitent la bienvenue ! Car ici, on laisse vivre les pissenlits et les petites bêtes qui vont avec. Pour le plus grand plaisir des hirondelles qui nichent sous les toits. « Cela permet également aux jar-diniers de manipuler moins de produits toxiques, se félicite Edouard Caron, le responsable des cours et des jardins de l’hôpital. On fait aussi du compost avec l’herbe et les feuilles coupées et du paillage avec les branches. Et quelle joie de voir fleurir des orchidées sauvages ! » Sous les bâtiments les plus anciens, datant du début du XXe siècle, les récupérateurs d’eau de pluie – long-temps inutilisés – servent désormais à l’arrosage des espaces verts.
« Comme à la maison »Dans les murs aussi, la mobilisation est générale. Anne-Laure Riquet et Florence Martel, les directrices adjointes, ont d’abord lancé un appel aux volontaires auprès de tous les services et de tous les corps de métiers pour constituer une commission « développement durable ». Une petite douzaine de personnes lance alors des idées, tente de les rendre concrètes et fait participer les salariés… mais aussi les patients. « L’idée est de mettre en œuvre des actions précises et courtes », précisent les deux femmes. Leur directeur, Michel Dardé, leur en est reconnaissant : « J’étais inté-ressé par le sujet mais ce n’était pas dans mes priorités. On m’avait surtout demandé de veiller aux finances. Elles m’ont ouvert les yeux et, au final, on fait des économies : 250 000 euros par an ! »Quand on pousse la porte des cuisines, la vaisselle en plastique a laissé place à la porcelaine et des récupérateurs de piles ont été installés au self-service. « On fait comme à la maison, mais à
plus grande échelle », sourit Raphaëlle Brunie, cadre de santé et membre de la commission. Moins de déchets, moins d’achats, plus d’emplois, et au final moins de dépenses. L’affaire est bien huilée. « Le maire a été impressionné quand il a vu notre directeur lire son discours imprimé sur des feuilles de brouillon ! », s’amuse Sandrine Mincheneau, assis-tante à la direction générale. Car évi-demment, dans les bureaux, le papier est utilisé recto-verso, puis trié.Au fond d’une cour, l’atelier de Mohammed Bedredine accueille des patients mal en point : des fauteuils roulants usagés. L’hôpital en possède près de 500 et, quand l’un d’entre eux est hors service, il passe entre les mains du technicien : « J’ai constitué un stock de pièces de rechange gar-dées des vieux engins irrécupérables et j’achète des pièces neuves quand c’est nécessaire. Résultat : l’établissement qui “ consommait ” une vingtaine de fauteuils par an n’en a pas acheté un seul depuis trois ans ! »
nichoirs à oiseauxEt comme aujourd’hui le pli est pris, les 20 000 m2 de nouveaux bâtiments en construction seront labellisés Haute qualité environnementale (HQE). Une partie sera conçue en bois et les toits seront végétalisés. Cela suppose « un surcoût d’un million d’euros sur un budget de 8,5, mais nous avons obtenu une subvention du Conseil régional », souligne le directeur.Et tous les jours fusent de nouvelles idées. Des nichoirs à oiseaux ? Des véhicules électriques ? Des plats bios à la cantine ? « Pour l’instant, c’est le cas seulement pendant la semaine du déve-loppement durable. On aimerait le faire
toute l’année, mais ça coûte encore trop cher, regrette Marie-Odile Malochet, autre membre de la commission, qui travaille à la direction des ressources humaines. En attendant, on privilégie les produits locaux, et nous sommes en pourparlers avec une association d’agriculteurs du coin qui pratique une culture raisonnée. » Raisonnée, comme la prise de conscience de l’hôpital. —www.hopital-plaisir-grignon.fr
Impact du projet 1 100 salariés concernés dans un
hôpital de 1 054 lits 250 000 euros économisés
chaque année
« Le maire était impressionné quand il a vu le directeur lire son discours imprimé sur des feuilles de brouillon ! »Sandrine Mincheneau, assistante à la direction générale de l’hôpital
7-29
arc
hite
ctes
les nouveaux bâtimentsen construction de l’hôpital seront labellisés « HQE ».
62 octobre 2012 terra eco
anth
ony
ghna
ssia
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ipa
Le vélo, parfois, ça gonfle. Surtout quand il faut grimper et que le soleil – ou la pluie – frappe les guiboles. Pour vous motiver,
CitéGreen vous offre la carotte. Pour trente minutes parcourues en Vélib’, les vélos parisiens en libre-service, vous recevez 10 points : un point récolté toutes les trois minutes. Des points que vous pourrez échanger pour économiser 10 euros sur un T-shirt équitable de la marque « Tudo Bom ? » ou 20 % sur une gourde Gobi.La start-up est née en février dernier, portée par trois férus de nouvelles tech-nologies. Le concept ? Récompenser les écogestes. « La communication sur l’environnement consistait surtout à culpabiliser les gens, ce qui est contre-productif, ou à agiter le bâton. On avait envie d’inverser la tendance », confie
Emmanuel Touboul, l’un des cofon-dateurs. CitéGreen a décidé de gratifier trois pratiques en particulier : l’éco-mobilité, l’énergie et le tri des déchets.
Pas de géant et poubelle jaune Elle récompense notamment la loca-tion de voitures entre particuliers via CityzenCar ou encore la consomma-tion d’électricité renouvelable avec Planète Oui. « Le client gagne des points chaque mois tant qu’il est abonné et touche une prime si sa consomma-tion d’électricité est plus basse que la moyenne », précise Emmanuel Touboul.
Avec CitéGreen, triez, pédalez et… encaissez !
Recyclage, vélo : pour encourager les écogestes, cette start-up ne décerne pas de bonnet d’âne mais distribue des bons points à échanger chez des partenaires écolos. Futé.Par KARINE LE LOËT
Pour le tri et le recyclage, deux manières de décrocher la timbale : en troquant, donnant ou louant via la plateforme Consoglobe ou en envoyant ses vieux ordis et téléphones se refaire une beauté chez Love2recycle. Mais CitéGreen prépare le prochain pas, qui sera de géant. En partenariat avec une dizaine de collectivités, elle récompensera les citoyens à chaque kilo recyclé dans leur poubelle jaune, tracée grâce à une puce. Ça tombe bien, le Grenelle a rendu obligatoire, d’ici à 2015, la taxation des ménages selon le volume de déchets produits.Mais comment faire le compte des bonus ? Certainement pas au doigt mouillé. CitéGreen calcule précisément le carbone non émis dans l’atmosphère. Exemple : si vous prenez un vélo sur 3 km, c’est autant de CO
2 qui ne sera
pas craché par une voiture. D’ailleurs, avec les points, impossible d’avoir une ristourne sur un plein d’essence ! Ils sont à dépenser chez des partenaires commerciaux qui ont un engagement bio, équitable ou « écoconceptuel ». Bref, qui répondent aux critères de la charte de CitéGreen.
Dîme auprès des partenairesMais comment l’entreprise gagne-t-elle de l’argent ? A la source, en prélevant une dîme auprès de ses partenaires au nom de la fidélisation de la clientèle. En aval, elle touche un pourcentage sur les récompenses. Et demain ? Elle s’imagine adossée à toutes les offres de vélos en libre-service, de recyclage ou au creux de votre mobile dans des applications « capables de vous accom-pagner au quotidien ». Son but ultime : réduire le bilan carbone des Français. Ambitieux mais stimulant ! —
Impact du projet 23 tonnes éq. CO2 évitées en août
grâce aux utilisateurs du Vélib’ 10 000 utilisateurs concernés
Course en Vélib’, à Paris, en septembre 2010.
Les points engrangés sont à dépenser dans des produits bios ou équitables.
ils changent le monde l’entreprise
anth
ony
ghna
ssia
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ipa
64 octobre 2012 terra eco
ils changent le monde la ville
Haut-Rhin
Haute-Saône
Vosges
Kingersheim
LECTEURS, À VOS idéES
VERTES !Covoiturage, tri des
déchets, jardinage
bio, nourriture locale
et végétarienne… Ce mois-ci,
notre lecteur-blogueur Fabrice
nous donnait sa (longue)
« check-list » pour être « plus
vert ». Vous avez été nombreux
à lui répondre, parfois pour
vous étonner de toutes ses
actions (« Tu fais réellement
tout ça ? », s’interroge ainsi
SyrieL), parfois pour renchérir
sur votre propre mode de
vie : « Je viens d’installer
un chauffe-eau solaire »,
raconte Arnaud. Alors, si vous
souhaitez nous donner vos
astuces pour être toujours plus
écolo au quotidien, voici les
deux adresses indispensables :
www.terraeco.net/a45790.html
Donner un coup de pinceau à un bâtiment, fleurir un parterre et même construire un chalet… A
Kingersheim (Haut-Rhin), dans la proche banlieue de Mulhouse, les habitants peuvent donner quelques heures de leur temps pour participer à des chantiers communs. Ils sont aussi invités à rejoindre des « conseils participatifs », des réunions de quar-tier améliorées où ils s’informent et décident des projets de la commune aux côtés des élus, des experts et des associations. C’est via ces conseils, par exemple, qu’ont été décidés et conçus le parc public au cœur de la ville ou l’espace de prière musulman. On y a
Kingersheim met la participation en chantier
aussi élaboré le plan local d’urbanisme et le « plan climat » de la ville. Autant de manières de mettre en pratique au quotidien la démocratie participative.
« idées et motivations »L’aventure a commencé en 1998, sous l’impulsion de Jo Spiegel, maire socia-liste de la commune depuis 1989. Ce professeur d’éducation physique est passionné par la chose publique et par « le rapport du citoyen au politique ». L’homme a la citation facile, du poli-ticien Pierre Mendès-France à la phi-losophe Hannah Arendt, en passant par l’historien Pierre Rosanvallon. Il répète à l’envi : « Il ne peut y avoir de transformation durable de la société sans les citoyens. » Pour mettre en pratique ses – beaux – principes, l’élu a distribué des questionnaires à l’ensemble de ses habitants – ils sont 13 400 – et a lancé une consultation par téléphone. L’objectif ? « Connaître leurs idées
Cette commune alsacienne innove pour inciter les citoyens à prendre à bras-le-corps les projets municipaux.Par THiBAUT SCHEPMAN
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et leurs motivations pour améliorer la pratique démocratique et le vivre-ensemble », précise l’élu. Jo Spiegel s’est ensuite emparé de ces témoignages – plus de 40 % de la population a répondu – pour inventer des outils démocratiques dans la commune. Depuis, près de 80 conseils partici-patifs – chacun formé de quelques dizaines de personnes – ont été orga-nisés. Ateliers, formations et confé-rences – avec le penseur Pierre Rahbi dernièrement – rythment la vie de la ville, et une maison de la citoyenneté a été construite. Dernier projet en date : les « forums ouverts ». Une centaine de personnes ont participé à la première édition, en mars dernier, de ces ateliers où les participants fixent eux-mêmes les sujets et les modalités du débat. Le thème retenu pour la première ? « Comment inventer un futur désirable pour tous ? » —www.ville-kingersheim.fr
Impact du projet 80 conseils participatifs
ont déjà eu lieu Création d’une maison
de la citoyenneté
En mars dernier, le « forum ouvert » a rassemblé 100 habitants.
En vente chez votre marchand de journaux dès le 3 octobre ou sur [email protected]
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66 octobre 2012 terra eco
in vivo
Le « roadster » Tesla dispose d’une autonomie de 340 km. Mais 340 km, c’est largement insuffisant pour planquer son magot au Luxembourg.
La vie est pleine de surprises. On m’aurait dit qu’un jour j’allais prendre mon pied au volant d’un roadster en pleine ville, aux côtés d’un minet, je me
serais bidonnée. Pourtant c’est ce qui m’est arrivé, la veille de la rentrée, dans un Paris ensoleillé. En attendant que nos chers constructeurs sortent enfin leurs modèles électriques, j’ai jeté mon dévolu sur un petit bijou.Le dernier modèle de Tesla Motors, une boîte californienne, basée à Palo Alto, inconnue du grand public mais dotée d’un certain talent marketing.Pour faire parler d’elle, Tesla a produit 2 500 exemplaires d’une voiture de sport électrique digne des plus belles Porsche, et dragué
Si on m’avait dit que je prendrais mon pied au volant… Oui, j’ai conduit une bagnole en ville. Et luxueuse avec ça ! Mais écolo aussi, évidemment. Vitres teintées et gros cylindres,
j’ai essayé de faire ma maligne, mais Paris n’est pas un circuit de F1.Par LAURE NOUALHAT / Illustration : JULIEN COUTY pour « Terra eco »
la presse de luxe. « De nombreuses personnalités ont acheté un modèle, et je vous assure qu’ils ont payé car nous ne pouvons pas nous permettre de les offrir », m’assure Roberto, l’attaché de presse globe-trotter de la marque. Pour la petite anecdote, cela fait trois mois que l’on se court après, Roberto et moi. Normal, il vit entre Turin, Londres, Paris et Madrid. C’est un jet-setteur, comme ses clients Matt Damon, George Clooney, Leonardo Di Caprio et consorts, qui pavoisent tous au volant du bolide. Plus proche de chez nous, le foot-balleur Florent Malouda a vanté les mérites du modèle sur TF1, dans dans « Automoto ». La bête est
sympa, racée comme une voiture de millionnaire et dotée d’une bat-terie offrant 340 km d’autonomie. Pas mal… sauf que, pour un bolide, 340 km d’autonomie, c’est largement insuffisant pour aller planquer son magot au Luxembourg.
Modèles pour bouseuxA raison de 100 000 à 135 000 euros pièce, peu de gens peuvent s’offrir l’engin. De toute façon, il n’y en aura pas pour tout le monde : à 2 500 exemplaires, Tesla stoppe sa production (2 400 ont été vendus jusqu’à présent). « Nous ne faisons aucun argent avec ce modèle. En revanche, nous avons développé un savoir-faire et nous voulons produire des berlines de luxe à 50 000 euros, à raison de 20 000 exemplaires par an », explique Roberto. Avant de lancer son modèle pour bou-seux (c’est-à-dire pour votre oncle d’Amérique), Tesla pour-suit sa com de luxe.
terra eco octobre 2012 67
Le show-room de Tesla est garé avenue Georges V, près des Champs-Elysées, mais j’ai exigé que la voiture vienne à moi. Il faut un peu visualiser la scène : dans mon quartier, on peut acheter de l’héroïne (pas bio) der-rière les balançoires ; kidnapper des vélos innocents ; taper la discute – si ce n’est se les taper tout court – avec des péripatéticiennes estampillées « United Colors of Benetton », etc. C’est un biotope vivant, croulant sous la biodiversité. Autant avouer que l’arrivée de Roberto au volant du dernier modèle de Tesla a fait son petit effet. Lui, en minet italien aux yeux noisette, rangé dans son petit pull bleu marine, a légère-ment détonné en se garant devant chez moi.Avec un roadster, a
contrario des 4x4, on ne domine pas le monde d’en haut, mais d’en bas, à 80 cm du sol. Ce qui est plus vicieux, faut l’avouer : en gros, le conducteur d’une voiture de sport vit à la hauteur d’une farandole de culs. Ce qui m’éclaire sur bien des détails de la psyché de ces chameliers, mais passons.
Faisceau de regards baveuxGrâce aux vitres teintées, l’heureux pilote évite le faisceau de regards baveux qui convergent vers le véhi-cule. Sans mentir, cette position décuple l’ego de manière fulgu-rante. Option
Et vous, rêvez-vous de conduire un bolide électrique ou avez-vous, au contraire, abandonné la bagnole ? Racontez-nous tout ça sur votre blog :
www.terraeco.net/
blogs
superfétatoire en ce qui me concerne. Gonflée à bloc – quand même – par cette myriade d’envieux, j’appuie sur le champignon. Bah oui, à quoi cela sert-il d’avoir une caisse qui en jette si ce n’est pas pour en jeter ? D’autant que Roberto me l’a promis : « On passe de 0 à 100 km/h en 3,7 secondes ! C’est mieux qu’une Porsche ! » C’est agréable quand ça fonce : on se sent surpuissant. Mais, sur les boule-vards des Maréchaux, j’ai eu l’air fin à tenter de viser les 100 km/h en pleine heure de pointe. Mission impossible. Roberto me lance une perche : « Oh ! Ça fait longtemps que je n’ai pas vu le Sacré-Cœur… » Mais nous sommes à deux doigts, mon minou. Le temps de faire demi-tour, de frimer à une quinzaine de feux rouges, et la butte Montmartre est à nous ! Las, c’était sans compter les bus, les camions de livraison, les pous-settes, les vélos, les taxis, les scooters, le livreur de légumes, le marché… et le Montmartrobus électrique ! Il nous a fallu 30 minutes pour par-courir 0,8 km. Conclusion : électrique ou pas électrique, une bagnole reste une bagnole, un embouteillage, un embouteillage et un kéké au volant, un kéké au volant ! —
68 octobre 2012 terra eco
J’irai manger chez vousQui n’a jamais rêvé, étant touriste
dans une ville, de s’inviter chez les
gens du coin pour y découvrir leur
cuisine ? Le site LivemyFood vous
permet d’entrer en relation avec
des passionnés de gastronomie qui
se feront une joie de vous mitonner
des petits plats. Alors, oserez-vous
goûter à tout ? Même à ces petits
cochons d’Inde laqués qu’on sert au
Pérou ? Il paraît qu’accompagnés
de maïs c’est délicieux !
www.livemyfood.com
Au hasard d’un voyageIl y a les voyageurs qui suivent
leur guide. Et il y a ceux qui
s’en remettent au hasard des
rencontres. Avec le site Vayable,
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de prédilection. Si c’est la voile,
vous embarquerez avec un skipper.
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Passionné ? Devenez passionnant !Fan de rando ? Spécialiste de la cuisine thaïe ? Amateur de peinture sur porcelaine ? Ne gardez pas ça pour vous, partagez vos savoirs uniques. Et devenez un expert dans votre domaine. Par ALEXIS BOTAYA
Demain, partager votre passion deviendra un acte de bienfaisance culturelle, labellisé par l’Unesco. Vous, pas-
sionné de photographie, ou votre pote fasciné par les maquettes en allumettes comme Pignon dans Le Dîner de cons,
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soon
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des doigts les techniques de
storytelling ou la peinture sur chat
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70 octobre 2012 terra eco
La lessive écolo dans de beaux drapsA raison de trois cycles par semaine, le lave-linge français engloutit des hectolitres de détergent. Problème : même les produits verts ne joueraient pas la transparence de l’autre côté du hublot. De quoi faire faire machine arrière au consommateur ?Par CÉCILE CAZENAVE
Elle tourne, elle tourne, la ma-chine à laver. Dans l’Hexagone, 80 millions de fois par semaine, en comptant qu’un foyer lance
en moyenne plus de trois lessives hebdomadaires. D’un côté, des chaussettes propres qui atterrissent dans la commode. De l’autre, des hectolitres de produits chimiques qui finissent dans les stations d’épu-ration, puis dans la nature. Un pot pourri de tensioactifs qui détachent le linge, d’agents « séquestrants » qui piègent le calcaire, d’agents « anti-redéposition », d’enzymes… Tous potentiellement toxiques pour les milieux aquatiques.
Microcrustacés et bouillonLe problème pour le ménager ou la ménagère écolo, c’est que ce cock-tail lessivier est un casse-tête. Essayez donc de mettre votre nez d’apprenti(e) chimiste dans la recette d’un paquet de poudre. Le consommateur soucieux de l’environnement se fend donc volon-tiers d’un achat certifié vert. On passe sur les pièges du greenwashing, régu-lièrement épinglés par Terra eco (1). Pour parer à toute arnaque, le vaillant client achète son bidon avec un joli label qui rassure. Celui-ci fixe notam-ment des critères de biodégradabilité des matières organiques, d’exclusion de substances dangereuses, de toxicité.Tout allait donc bien au royaume de la lessive écolo… Jusqu’à la pa
trick
tour
nebœ
uf -
tend
ance
flou
e
derrière l’étiquette
l’écotoxicité des lessives. Les cher-cheurs ont réalisé des jus de lavage de 35 produits et en ont arrosé des microcrustacés et des micro-algues. Et, patatras, toutes les lessives se révèlent
catastrophe. En 2006, l’Institut national de la consommation balance, dans son magazine 60 Millions de consom-mateurs, une étude (2) réalisée avec les Agences de l’eau, portant sur
Le site de l’Association française
des industries de la détergence
www.afi se.frLe site de L’Arbre vert
www.arbrevert.frLa page offi cielle
de l’Ecolabel européen
www.ec.europa.eu/environment/ecolabel
terra eco octobre 2012 71
toxiques, y compris les trois portant des revendications écologiques, dont celle arborant l’« Ecolabel européen ». « Mais, à l’époque, l’Ecolabel ne se foca-lisait pas tant que ça sur l’écotoxicité », rappelle Mireille Raguet, de l’Agence de l’eau Seine-Normandie qui avait coordonné les opérations. Pour l’entreprise Novamex qui com-mercialisait alors la lessive écolabellisée sous la marque L’Arbre vert, c’est le bouillon. « Nous étions sur le marché depuis moins d’un an : tous nos efforts ont failli être réduits à néant pour une étude qui comportait des défaillances ! », se souvient Gilles Olivier, responsable Recherche et développement de l’entre-prise. Il met en cause certains aspects de la méthode et des erreurs grossières d’extrapolation dans les résultats. Au-delà de la polémique, l’étude a révélé un troublant fl ou artistique. En matière d’impact sur l’eau, à qui faire confi ance et sur quelles allégations ?
Moulinette des testsDepuis, c’est le calme plat dans les bacs de lessive. « On a beaucoup de mal à obtenir des données scientifi ques sur les impacts en station d’épura-tion », explique Mireille Raguet. Des informations, le consomma-teur aimerait, lui aussi, qu’on lui en donne. L’Association française des industries de la détergence qui a participé à une expérimentation sur l’affi chage environnemental, en partenariat avec l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, affi rme pourtant n’être toujours pas en mesure de noter le critère « écotoxicité » d’une lessive-test. « La méthode de mesure n’est pas opérationnelle », signale Claude Perrin, déléguée générale. Raison invoquée : chaque substance doit être passée à la Moulinette des tests environne-pa
trick
tour
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tend
ance
fl ou
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mentaux avant qu’un fabricant puisse calculer l’impact de sa recette. Pour les tenants de l’Ecolabel européen, c’est la bonne méthode. « Le label est fait pour tirer les fabricants vertueux vers le haut : en évaluant les substances, on leur permet de maîtriser les données relatives de leurs recettes et de refor-muler si nécessaire », explique Emilie Machefaux, de l’Ademe, qui a suivi la révision des critères de l’Ecolabel pour les lessives.
Calculs savantsEn application depuis 2011, la nouvelle version est plus sévère sur l’écotoxicité, un peu moins sur la biodégradabilité. « Mais les entreprises qui en bénéfi -ciaient déjà ont dû faire des efforts pour le conserver ! », note Emilie Machefaux. Au-delà de l’écotoxicité, sont passés au crible les emballages, la température
En 2006, patatras, une étude française sur 35 lessives affi rme que toutes sont toxiques, même les trois se disant écolos.
« Les apprentis Z’écolos » et le préservatifDécouvrez les joies du latex
dans cet épisode de la série
de dessins animés de « Terra eco » *.
A visionner sur : www.terraeco.net
* En coproduction avec Télénantes et Six Monstres.
Pour aller plus loin
de lavage, ou encore les conseils d’uti-lisation, déterminants dans le dosage. Chez Novamex, on a décidé de ne pas attendre que le monde lessivier s’ac-corde pour affi cher des performances globales, y compris sur l’écotoxicité. Sur le site de L’Arbre vert, on trouve les calculs savants de Gilles Olivier, qui a appliqué sa formulation chimique à deux recettes, dont l’impact fi nal peut présenter des écarts de un à vingt. D’un côté, la recette-maison : des ingrédients d’origine végétale, une lessive fabriquée à froid, en France, et concentrée. De l’autre, la lessive « du pire », à base d’in-grédients organiques pétrochimiques, produite à 10 000 km de l’Hexagone, fabriquée avec un procédé à chaud, et non concentrée. De quoi laver la lessive verte de tout soupçon ? —(1) Lire notamment l’article « Le Chat jette de la poudre verte aux yeux » à cette adresse : www.terraeco.net/a4434.html(2) A retrouver ici : www.bit.ly/TFnGrN
MÉTHODE POUR UN TAMBOUR MALINAu-delà du choix de votre lessive,
quelques gestes simples
seront appréciés par votre
lave-linge et la planète. D’abord,
ne surchargez pas – ni ne sous-
chargez – le tambour. Pour
le programme, les cycles courts
et économiques portent bien
leur nom. Enfi n, si vous ne pouvez
vous passer d’assouplissant,
concoctez-en un avec
du vinaigre blanc (et quelques
gouttes d’huiles essentielles),
il préviendra aussi l’entartrage
de votre machine. —
72 octobre 2012 terra eco
Pourquoi la fraise Tagada la ramène tantAllez, avouez, vous aussi, vous en avez déjà mangé. Aujourd’hui, la crise porte les ventes en France du bonbec star de Haribo jusqu’à 6 000 tonnes par an ! Décryptage d’un succès tout sucre. Par ALEXANDRA BOGAERT
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l’alimentation
Trois trentenaires regardent un western. L’un d’eux offre des fraises Tagada. Dès qu’ils en croquent une, ils perdent 20 ans.
Enfourchant leurs chaises comme s’il s’agissait de destriers, les cowboys se lancent au galop en criant : « Tagada tagada ». Vous voilà prévenus : ces petits dômes de guimauve rose vif peuvent vous faire retomber à l’école primaire.
« Tagada, on grandira plus tard » est d’ailleurs le slogan qui ponctue une publicité de la marque, diffusée depuis le 18 septembre. « Le bonbon est très consommé par les 25-49 ans, qui en ont mangé dès petits », explique Jean-Noël Michel, le directeur marketing de la filiale française du groupe allemand Haribo. « Les trente-naires régressifs qui jouent à la console »
sont la nouvelle cible de Tagada. Depuis quarante-trois ans qu’elle la ramène, la marque s’offre un coup de jeune.
Catégorie poids lourdsC’est en 1969 que ce bonbon à base de sucre de betterave, de gélatine de porc et d’arôme fraise des bois est mis au point par les confiseurs français de Haribo. Son nom aurait été trouvé par le directeur commercial de l’époque, inspiré par un spectacle de music-hall où il aurait entendu la ritournelle « Tagada tsoin-tsoin ». Un nom qui reste dans la tête, un goût qu’on garde en bouche, mais une recette classée « secret défense ». On sait toutefois que la friandise est fabriquée en France, dans les usines d’Uzès (Gard) et de Marseille (Bouches-du-Rhône).Même si elle ne pèse que 5 grammes, elle concourt dans la catégorie poids lourds sur les petites lignes du paquet, avec 88 % de glucides et 3 % de protéines, issues de la gélatine. Le reste se divise entre arômes et colorants. Ni vitamines, ni acides gras essentiels : le produit a un intérêt nutritionnel bien limité.
Georgette, ma grand-mère, tranchait
cette question comme le reste :
pas de garbure sans haricots
tarbais. Elle jurait même que si l’eau
de cuisson ne venait pas des Pyrénées,
il était impensable de réussir cette
soupe aussi dense que le brouillard sur
le pic du Midi d’Ossau. Les légumes y
ont bonne place, le talon de jambon
de pays aussi. Mais l’ingrédient-roi de
la soupe béarnaise, c’est le haricot de
la Bigorre voisine. On l’appelle aussi
haricot-maïs car la plante s’accrochait
aux hampes des maïs qui lui servaient
de tuteur. A la fin du XIXe siècle, cette
alliance assura l’apogée du fayot. Les
terres pyrénéennes en produisaient
3 000 tonnes par an. Las, on est
toujours trahi par ses frères… et le maïs
prit l’ascendant. Sa culture intensive et
les tracteurs ne tolérèrent plus qu’on
achevât la récolte manuelle du grain.
Et la garbure faillit perdre son âme. Il
a fallu qu’une poignée d’agriculteurs
décident, à la fin des années 1980,
de diversifier leur production, et que
l’Inra, l'Institut national de la recherche
agronomique, s’en mêle, pour que
la lignée soit remise en culture
dans la région. Aujourd’hui quelque
120 hectares produisent 130 tonnes de
ces pépites par an. Dans une épicerie
fine, j’ai, un jour, pu en acheter pour
tenter, contre les impératifs familiaux,
de cuisiner une garbure au nord de
la Loire. Il m’en coûta ma chemise.
Georgette, fille d’épicier palois,
n’est plus là. Mais elle n’eût point
été choquée qu’on donne au haricot
tarbais, rescapé d’exception, le prix
et l’hommage qu’on lui doit. —
Hommage ultime au haricot tarbaispar Miss Bouffe
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Depuis 2010, des colorants naturels – mélange de curcumines, carmins et carotènes – sont venus remplacer les colorants azoïques E104, E124 et E129, dont l’implication dans le développe-ment de l’hyperactivité chez les enfants est démontrée. Depuis le 1er juillet 2010, un règlement européen impose aux fabri-cants qui continueraient à les employer à mentionner que tel colorant « peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants ». Tout sauf un argument de vente !
« Bonbon doudou »Malgré la forte teneur en sucres des Tagada, Haribo est avare en matière de prévention de l’obésité. Rien sur les paquets, rien sur le site Internet. « Il n’y a pas obligation de la mention d’un message sanitaire », précise la direction générale de la santé, qui recommande toutefois de « limiter la consommation de ce produit ». Et rappelle que « la loi donne le choix aux annonceurs, soit d’inscrire les messages sanitaires sur leurs documents de promotion, soit de payer 1,5 % du montant de la campagne au profit de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé ». Haribo a choisi la première option. Et préfère apposer, sur ses spots télé, la mention « Pour votre santé, mangez cinq fruits et légumes par jour » plutôt que « Evitez de manger trop gras, trop salé, trop sucré ».« Les parents contrôlent de toute façon la consommation de leurs enfants », justifie Jean-Noël Michel. Il reconnaît cependant que « l’obésité est une préoccupation qui entre dans le champ de la responsabilité sociale des entreprises ». Alors Haribo associe son image à des événements sportifs, finance des équi-pements pour les enfants et envisage d’offrir des licences sportives à ses jeunes consommateurs. Le message est clair : après l’effort, le réconfort. Et donc l’achat d’un sachet de Tagada ! Il se vend d’ailleurs en France 1,2 milliard no
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de ces friandises par an, soit trente par seconde ! 14 % des ménages en achètent au moins une fois chaque année. En ces temps de crise, on a besoin d’un remontant. Alors la Tagada devient le « bonbon doudou en période de stress », estime le sociologue Robert Ebguy. Dans ces moments-là, « on sait qu’on trans-gresse les recommandations santé. Mais on en tire un tel plaisir immédiat qu’on se dit : “ Tant pis ! ” », analyse-t-il. La preuve par les chiffres : « Entre 2005 et 2011, le volume de Tagada vendues a doublé », atteignant 6 000 tonnes par an, se gargarise le directeur marketing. « Le paquet de 300 g coûte autour d’un euro en hypermarché. C’est un rapport prix/plaisir inégalé. ». Et qui permet à l’en-treprise de se sucrer au passage : les Tagada représentent 12 % de son chiffre d’affaires. Tsoin-tsoin. —
Il se vend en France 1,2 milliard de fraises Tagada par an, soit trente par seconde !
Le site de Haribo France
www.haribo.frLe site du Syndicat national
de la confiserie
www.confiserie.orgLe site de l’Institut national
de prévention et d’éducation
pour la santé
www.inpes.sante.fr
Pour aller plus loin
GLOuTONs vOisiNsL’an dernier, selon le Syndicat
national de la confiserie
et les douanes nationales,
les Français ont englouti
171 800 tonnes de bonbecs, soit
environ 3,6 kg par habitant.
En 2010, ils en ont avalé 100 g
de moins, loin derrière les
pays nordiques (plus de 7 kg),
l’Allemagne (5,6 kg) et le
Royaume-Uni (5 kg).—
74 octobre 2012 terra eco
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la santé
« J’ai (bien) vécu sans huile de palme »
«C’était un dîner des plus classiques. On refait le monde, on s’empiffre, on dé-bat et on ravale une
bouchée. Les discours pro-envi-ronnement jetés entre le gratin de pommes de terre et le plateau de fromages, tout le monde s’en fiche. Il faut bien dire ce qui est. Ce soir-là, je discute avec un ami des méfaits de l’huile de palme. J’enchaîne les arguments : les risques pour la santé, la déforestation en Indonésie… Puis, je bondis de ma chaise : “ Quoi ? Tu ne connais pas ? C’est pas possible ! ” C’en est trop. Ce 3 juillet 2011, je décide, moi, Adrien Gontier, 26 ans, Alsacien pure souche, thésard à bi-nocles en géochimie, de la boucler et d’agir.
Casse-tête du petit-déj’Je tombe sur ce bouquin de la jour-naliste américaine Sara Bongiorni, Un an sans made in China. Le concept me plaît. Je fonce. Je sais pertinem-ment que ça va être dur. En fait, ça a été très dur. Je m’étais préparé à tirer un trait sur la pâte à tartiner, mon amie du petit-déjeuner. Mais l’huile de palme est partout. Et sur-tout là où on ne l’attend pas. Dans la nourriture, mais aussi dans les bois-sons. Comme cette eau aux arômes d’agrumes, dont la publicité vante les qualités amincissantes. Petite devinette : quelle est la diffé-rence entre un croissant “ au beurre ” et un croissant “ pur beurre ” ? C’est devenu mon casse-tête du matin de trouver LA boulangerie qui fait du pur beurre. Car le beurre, ça fond ! Pour pallier ce problème, les fournisseurs proposent du beurre mélangé à de l’huile… de palme, qui fond moins. Croissant moins cher certes, mais croissant palmé. C’est qu’elle est vicieuse, en plus, l’huile de palme, vu le nombre de pseudonymes qu’elle s’octroie pour ses dérivés. “ Palm kernel ”, “ zinc pal-mitate ”, “ alcool de palmitate ”, “ palm stéarine ”, “ glycol palmitate ”, etc. Je pourrais réciter ces noms comme
Les paris de fin de soirée sont parfois malins. Celui d’Adrien Gontier ? Eradiquer cette substance controversée de son quotidien. Récit à la première personne d’une année sans tache.Recueilli par JUSTINE BOULO / Photo : PASCAL BASTIEN pour « Terra eco »
Adrien Gontier, le 10 septembre, à Strasbourg.
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un poème tellement je les lis, en déchiffrant pendant des heures les étiquettes au supermarché. Pourtant côté bouffe, je n’ai pas la sensation de me priver. Il suffit de changer ses habitudes. Oublier les plats préparés et acheter local. Mais tout se complique quand on sort. Au restaurant notam-ment. Heureusement, j’ai des adresses qui proposent des plats végétariens, végétaliens, sans gluten, locavores et tutti quanti ! Et les amis ? Dois-je rester cloîtré chez moi ? Un jour, ma copine sort de ses gonds et me crie “ Oh, on ne va pas se dé-so-cia-bi-li-ser ! ” Elle a raison, comme toujours ! Du coup, pendant les apéros, il faut apprendre à jongler entre les assiettes pour trouver
la “ non palmée ”, sans trop se faire remarquer. La morale, ce n’est pas mon truc. Puis les mentalités évoluent. Un de mes amis a fêté la fin de sa thèse autour d’un pot 100 % sans huile de palme. On a tous cuisiné ensemble. C’est drôlement plus convivial.
Mon ami le vélo rose fuchsiaQuand je sors, j’ai toujours mon savon fait maison à base d’huile d’olive. Car dans les lieux publics, les produits d’hy-giène regorgent d’huile de palme – et si ce n’est pas le cas, impossible de le savoir devant le lavabo ! Ah, oui, parce que l’huile de palme envahit aussi les cosmétiques, des shampoings aux dentifrices en passant par les crèmes de beauté. On nous titille avec l’esprit bio, nature, etc. Mais que se cache-t-il derrière ce doux substantif « huile végétale » ? Vous avez deviné ! Comme un consommateur curieux en mal d’in-formations, je harcèle les entreprises. Quelques-unes me répondent, me pré-cisent la composition de certains de leurs produits. D’autres m’envoient
un net “ on ne peut pas vous dire, pour des raisons de confidentialité ”. Alors je n’achète plus. Je mange, je me lave, mais je bouge aussi. En bon Français, je roulais au diesel… qui contient de l’huile de palme. Comme j’habite le centre de Strasbourg (Bas-Rhin), mon vélo rose fuchsia est devenu mon meilleur ami.
L’huile, on s’en fiche pas malMais les vacances, les visites chez les beaux-parents et tout le tintouin ? J’ai pris l’habitude de grimper dans les trains régionaux qui acceptent les bicyclettes. Après deux changements, je saute sur mon fidèle destrier et je pédale dix kilomètres – et dans les Vosges, croyez-moi, ça grimpe ! Ma
copine m’attend depuis deux heures. Qu’importe, je réussis mon pari. Un pari alambiqué. Parce que, au fond, l’huile de palme, on s’en fiche pas mal. J’aurais très bien pu m’en prendre au soja utilisé dans l’alimentation ani-male, ou même au thé, responsable de désastres forestiers dans le monde. Mais j’ai trouvé mon cheval de bataille. Pendant un an, j’ai raconté mes expé-riences et mes découvertes sur mon blog Vivresanshuiledepalme.blogspot.fr. Cet été, j’ai atteint mon 200 000e visiteur. Autour de moi, les gens remettent leur consommation en question. Ça me ravit, même si je vois toujours autant de déclinaisons du substantif « palme » dans les rayons. J’ai fêté mon premier anniversaire sans huile. Maintenant, je ne me jette pas pour autant sur ma pâte à tartiner chocolat-noisette préférée. Je reprends – en toute conscience – le volant pour découvrir les coins inac-cessibles autrement qu’en voiture. Je ne suis pas un furieux dogmatique. Juste un type qui s’interroge. Je suis scientifique, ne l’oublions pas. » —
Lors des apéros, il faut jongler entre les assiettes pour trouver la « non palmée », sans trop se faire remarquer.
Pour aller plus loin
Le blog d’Adrien Gontier
www.vivresanshuiledepalme.blogspot.frTélécharger « Le Petit guide
bleu des solutions »
www.bit.ly/PlFWnEA Year without made in China,
de Sara Bongiorni (Wiley, 2011)
GUIdE PRATIqUE POUR ENLEvER LE GRASPour vous aider à vous passer de
l’huile de palme, Adrien Gontier
a réuni toutes ses astuces dans
un guide. Si certaines marques
ou supermarchés (Fleury
Michon, Casino, Super U…) se
vantent d’avoir banni l’huile, ses
dérivés restent bien présents.
Et ils se cachent même dans
des produits écologiques, bios
ou équitables. Impossible de se
fier au label, puisqu’aucun ne
garantit du « sans palme ». Il
faut donc scruter les étiquettes.
Car si la recette d’un produit
est susceptible d’inclure de
l’huile de palme, celle de son
jumeau peut en être exempte.
Par exemple, mieux vaut troquer
le gel douche contre un savon
solide à l’huile d’olive ou d’Alep.
Pour l’entretien de la maison, au
placard les liquides vaisselle :
le savon noir fera l’affaire. Un
bon vieux vinaigre blanc aura
le dessus sur le calcaire et les
fonds de casserole gras. Le
bicarbonate de soude fera briller
les plaques. Côté alimentation,
pas de mystère : les plats
préparés sont gavés de dérivés
palmés. Pour le dessert, préférez
le sorbet à la glace. Et, si vous
ne pouvez pas vous passer de
votre pâte à tartiner, Adrien
Gontier vous donne sa recette
maison à base de noisettes en
poudre, de sirop d’agave et de
cacao pur. A vos fourneaux ! —
76 octobre 2012 terra eco
enrichissez-vous / cinéma
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À VOIR LA MORT DANS L’ÂMEInto the AbyssDE WERNER HERZOGEN SALLES LE 24 OCTOBRELe 24 octobre 2001, dans la petite ville de Conroe, au Texas, Jason Burkett et Michael Perry abattent Sandra Stotler, son fi ls Adam et l’un de ses amis Jeremy. Le crime est de sang froid, le motif, dérisoire. Les deux garçons convoitent le coupé Camaro qui se trouve dans le garage des Stotler. Après une brève cavale, ils sont arrêtés et condamnés pour meurtre avec
préméditation, l’un à la peine capitale, l’autre à la prison à vie. Werner Herzog rencontre d’abord Michael Perry à Polunsky Unit, « couloir de la mort » texan, huit jours avant son exécution, programmée le 1er juillet 2010. Jason Burkett, lui, fut plus chanceux lors du procès. Son père, Delbert Burkett, venu témoigner menotté, a supplié le jury de laisser la vie à son fi ls qui n’a « jamais eu de chance », faisant basculer les deux femmes du jury. Into the Abyss ne questionne pas le verdict, ni les faits, relatés cliniquement grâce aux vidéos tournées par la police sur les lieux des meurtres. Finement, en
s’adressant à tous, coupables, victimes, représentants de la justice, avec le même respect, le réalisateur tente de percer le mystère de la violence et de la mort infl igée, qu’elle soit légale ou meurtrière. Derrière l’absurdité du crime, on découvre la misère sociale, l’habitude de la prison – le père et le frère de Jason Burkett purgent aussi de longues peines –, les mauvais tirages du destin. Into the Abyss est exploratoire avant d’être militant. Au fi l de témoignages saisissants, comme celui de la femme de Jason Burkett, épousée en prison, ou le récit d’un ancien capitaine de la « tie-down team », l’équipe qui attache les condamnés à la table d’exécution, Herzog, assumant la part de chaos de l’âme humaine, nous confronte à l’abîme. —ANNE DE MALLERAY
terra eco octobre 2012 77
Kirikou et les hommes et les femmesDE MICHEL OCELOTEN SALLES LE 3 OCTOBRELe troisième volet des aventures de Kirikou, minuscule enfant d’un village à la merci des colères noires de la sorcière Karaba, s’inscrit dans la continuité des deux premiers. Contes, chants et danses se succèdent dans un univers graphique délicat, en rien dénaturé par la 3D, dont Michel Ocelot (Lire son portrait p. 34) use avec précaution. On croise de nouveaux personnages, la conteuse et l’enfant touareg, qui apportent un souffl e neuf. De l’aveu même du réalisateur, le bambin a acquis une vie propre depuis le succès immense de Kirikou et la Sorcière, en 1998. Maraboutés, les spectateurs en redemandent et Ocelot s’exécute, prolongeant à l’envi ses aventures. Le succès de ce petit personnage vif tient sûrement à notre attrait pour les contes et le mystère, mais aussi à la justesse du tableau de ce village africain, dont la culture, la nudité, le rapport à la nature et aux esprits, jamais édulcorés ni caricaturés, portent une sagesse universelle. — A. de M.
Margin CallDE J.C. CHANDOR1 DVD ARP SÉLECTION, 20 EUROSInspiré de la faillite de Lehman Brothers en 2008, Margin Call est une plongée glaçante dans une grande banque d’investissement de Manhattan, secouée par une soudaine vague de licenciements. Dans la valse des cartons, un analyste fi nancier viré glisse une clé USB à l’un de ses collègues encore dans la course. En en déchiffrant le contenu, Peter Sullivan, jeune trader prometteur, découvre que la banque possède suffi samment d’actifs toxiques pour couler du jour au lendemain. S’ouvre alors une cascade de réactions, qui conduit les dirigeants à prendre froidement la décision de vendre les actifs toxiques à l’ouverture du marché, provoquant une crise sans précédent. Huis clos oppressant en open space, Margin Call observe la crise fi nancière du côté des protagonistes. Derrière l’abstraction de la machine fi nancière, dont le dérèglement avait fi gé les salles de marché dans la stupeur, Chandor met en scène le jeu des intérêts et des passions à l’origine de cet emballement. — A. de M.
78 octobre 2012 terra eco
Yucca MountainJOHN D’AGATAZONES SENSIBLES, 160 P., 16 EUROS
Le nucléaire est comme certains de ces vins subtils qui ont une belle « longueur en bouche », un arrière-goût fi n réservé aux
palais les plus entraînés. La longueur en bouche du nucléaire, ce ne sont pas les catastrophes épouvantables, spectaculaires et surmédiatisées type Fukushima. Ce sont ces catastrophes épouvantables, discrètes et inodores que constituent les déchets radioactifs. Lesquels n’occupent qu’une petite place dans le débat qui oppose les « pour » et les « contre » – Fukushima pourrait ne pas arriver à nouveau mais les déchets, eux, s’accumulent inévitablement. En 1982, les élus américains ont décidé d’enfouir les 77 000 tonnes de déchets radioactifs produits par leurs centrales dans les galeries de Yucca
Mountain, une petite montagne sans grâce située à 140 km au nord de Las Vegas, dans le Nevada.
Allures terrifi antes et hilarantesLas Vegas, ville des joies frelatées et des artifi ces vénaux, où le taux de suicide par habitant est – pour une raison inconnue – le plus élevé des Etats-Unis. C’est là où l’écrivain John d’Agata est installé quand il entend parler du projet. Son livre, mêlant écriture romanesque et enquête 100 % journalistique, est passionnant parce qu’il s’attache à détailler les efforts déployés par le lobby nucléaire et le département
de l’Energie pour faire passer la pilule auprès des habitants. Et, comme on est aux Etats-Unis, tout prend des allures terrifi antes et/ou hilarantes. Le récit, lui, est narré d’une plume blanche et truffé de chiffres qui disent tout.
Agriculture et mammouths Par exemple ? Par exemple, Yucca Mountain est poreuse comme une éponge et assise sur une faille sismique. Par exemple, le moindre pépin nécessiterait de faire évacuer Las Vegas en quelques heures. Eh bien, le lobby pinaille sur les mots, inonde les politiques de dollars et fi nance un « centre d’informations » – donc de propagande – pour les enfants. On réalise combien ces gens sont irresponsables et combien le nucléaire est une énergie absurde par les kilotonnes d’ordures qu’elle produit et qui, pour certaines, continueront à être dangereuses plusieurs millions d’années. Le lobby, lui, brandit le chiffre arbitraire de dix mille ans. Il est très en-deçà de la réalité, bien sûr, mais permet à John d’Agata de rappeler l’évidence : il y a dix mille ans, les hommes commençaient juste à pratiquer l’agriculture et les mammouths existaient encore ! Peut-on continuer à produire des déchets qui menaceront nos petits-enfants quand ils verront le XXe siècle comme une vague extension du Moyen Age ? En 2012, les fûts radioactifs n’ont toujours pas été enfouis dans Yucca Moutain, parce que les locaux se sont battus et que les autorités semblent avoir réalisé l’inanité du procédé. Mais la montagne de déchets, elle, continue à grossir, grossir, grossir. —ARNAUD GONZAGUE
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À LIRE Pourtant, que la montagne est blette !
enrichissez-vous / livres
La longueur en bouche du nucléaire, ce sont ces catastrophes épouvantables, discrètes et inodores que constituent les déchets radioactifs.
terra eco octobre 2012 79
Le Prix de l’inégalitéJOSEPH STIGLITZLES LIENS QUI LIBÈRENT, 544 P., 25 EUROSAujourd’hui, aux Etats-Unis, 1 % des plus riches possèdent un tiers de la richesse nationale. Il y a trente ans, cet accaparement était deux fois moindre. Jusqu’ici, pas de scoop : les trois dernières décennies peuvent, partout, être qualifi ées de kidnapping de classe, mené avec la complicité des politiques. Là où Joseph Stiglitz apporte du neuf, c’est quand il explique qu’un pays plus inégalitaire court à la récession, à l’instabilité, à la perte de productivité et, in fi ne, à la défl agration. Pas certain que nos nouveaux rentiers en aient grand-chose à faire. Mais c’est à nous, citoyens, que le prix Nobel d’économie 2001 s’adresse. — A.G.
Une bonne nouvelleJULIA BILLET ET ALICE BOHLOCÉAN, 32 P., 10,05 EUROSComment voir la vie en rose quand les médias ne distillent que des drames (cette double page n’échappant pas à la règle) ? Le jeune Arthur a trouvé : il éteint le poste, part se promener et décide de contempler les chenilles, les prairies et les rossignols. Il croise Alice et sa montgolfi ère, qui cherche plus à être embrassée qu’à parler des gaz de schiste. Tant mieux ! Le monde est tel qu’on le regarde, c’est le message de ce livre, dont le graphisme est hélas un poil vieillot (à partir de 6 ans). — A.G.Ces mots qui meurent
NICHOLAS EVANSLA DÉCOUVERTE, 398 P., 28,50 EUROSTous les quinze jours, une langue disparaît du globe. A ce rythme, ce sont pas moins de 3 000 qui devraient être rayées des cadres d’ici à la fi n du siècle. Et cela, sans que nous les connaissions, emportant dans la tombe un fonctionnement et une vision du monde. Car les infl exions du sandawe de Tanzanie ou la grammaire biscornue du kayardild d’Australie portent une pensée propre, dont la disparition constitue une « érosion catastrophique des modes de connaissances de l’humanité », dit Nicholas Evans, linguiste « de terrain ». Lequel explique à quoi elles servent et pourquoi il faut les protéger des hideux assauts de l’uniformisation. — A.G.
L’Age de l’HommeCHRISTIAN SCHWÄGERLED. ALTERNATIVES, 320 P., 25 EUROS La thèse (provocante) de cet ouvrage ? Nous sommes entrés dans l’Anthropocène, une ère géologique où la Nature n’existe plus que (dé)formée par l’homme. Et le problème, c’est que nos mentalités n’ont pas encore évolué : il est temps d’assumer cette domination. Et Christian Schwägerl de dépeindre un futur optimiste, dans lequel existeront une Banque centrale mondiale du carbone, des maisons productrices d’énergie, des bidouillages génétiques mais écolos. La technophilie du journaliste allemand en hérissera certains. Disons qu’il a le mérite d’envisager des solutions concrètes. — A.G.
Toutes les chroniques culturelles sur
Une bonne
Toutes les chroniques culturelles sur
80 octobre 2012 terra eco
Sur vos agendas
29 et 30 septembre
Vivre et habiter écologique et bioPlus de 60 exposants seront
présents pour la 6e édition de ce
salon qui fera la part belle aux
thèmes suivants : économies
d’énergie, homéopathie et
géobiologie (Chérisy, Eure-et-Loir).
www.avern.fr
29 et 30 septembre
Salon FougèreEco-habitat, alimentation bio,
plantes apaisantes… Ce salon met
à l’honneur le bio et la protection
de l’environnement. Pas moins
d’un millier de visiteurs sont
attendus (Tours, Indre-et-Loire).
www.salon-fougere.com
3 au 14 octobre
« Nouveaux regards sur le Sud »L’exposition itinérante « Objectif
développement - Nouveaux regards
sur le Sud » présente des photos
réalisées par les reporters de
l’agence Magnum. Elle sera aussi
présentée à Grenoble (Isère) du 17
au 28 octobre (Dijon, Côte-d’Or).
www.objectif-developpement.fr
6 et 7 octobre
Horizon vertAteliers,
expos… Pour sa
24e édition, ce
salon aura pour
thème « le travail
autrement »
(Villeneuve-sur-
Lot, Lot).
www.horizonvert.org
6 et 7 octobre
GreenprideConcert, brunch bio et défi lé sur le
thème « Animaux, végétaux, super-
héros » ; la Greenpride a décidé de
faire rimer écologie et fête
(Divan du monde, Paris).
www.greenpride.me
6 et 7 octobre
Fête des plantes méditerranéennesExpo-ventes, ateliers encadrés
par des pépiniéristes, conférences,
etc. Cette fête met à l’honneur les
plantes sauvages et comestibles
(Rayol-Canadel-sur-Mer, Var).
www.domainedurayol.org
6 au 14 octobre
Coupe du monde de football des SDF10e édition de ce tournoi qui réunit
des équipes nationales masculines
et féminines de football formées de
sans-abri (Mexico, Mexique).
www.homelessworldcup.org
11 au 13 octobre
Forum des femmesSurnommées le « Davos des
femmes », ces huitièmes rencontres
internationales accueilleront les
« décideuses » du monde socio-
économique. L’an dernier, près de
1 300 femmes de 80 pays ont assisté
à ces débats (Deauville, Calvados).
www.womens-forum.com
11 au 14 octobre
Festival international du fi lm écologique
Ce festival
gratuit et ouvert
à tous présente
et récompense
des fi lms traitant
des thématiques
environnementales
(Bourges, Cher).
www.festival-fi lm-bourges.fr
11 au 20 octobre
Semaine de l’investissement socialement responsableUne semaine pour s’informer sur les
placements fi nanciers qui n’oublient
pas les enjeux du développement
durable (partout en France).
www.semaine-isr.fr
à venir / rendez-vous
Jusqu’au 14 octobre
Art, villes et paysageCabanes réinventées, sculptures
fl ottantes, îlot oursin ou potagers
revisités… Le festival continue
de tisser les liens entre jardin,
paysage, urbanisme et création
contemporaine (Amiens, Somme).
www.maisondelaculture-amiens.com
Evénement français
Evénement mondial
Exposition
Salon
Colloque, congrès, conférence…
Festival ou manifestation extérieure
terra eco octobre 2012 81
12 au 13 octobre
Salon de la croissance verte et des éco-industriesEco-habitat, maîtrise de l’énergie,
mobilité décarbonée… Ce salon
est réservé aux professionnels
le vendredi, puis ouvert à tous le
samedi (La Rochelle,
Charente-Maritime).
www.salon.croissanceverte.
poitou-charentes.fr
12 au 14 octobre
Zen et bioUn salon pour consommer
responsable, des gourmandises
jusqu’aux cosmétiques (Nantes,
Loire-Atlantique).
www.salon-zenetbio.com
12 au 14 octobre
Salon Résidence et bois
Le rendez-
vous à ne
pas manquer
pour tous les
professionnels
de l’écoconstruction et les
particuliers intéressés par cette
thématique (Eurexpo, Lyon).
www.salon-residence-bois.com
12 au 14 octobre
Salon « La Terre est notre métier »Sur ce salon professionnel
exposeront les 9 lauréats du
concours Innova’bio. Il récompense
les jeunes entreprises du grand
Ouest qui innovent dans l’agriculture
et l’agroalimentaire bio
(Guichen, Ille-et-Vilaine).
www.salonbio.fr
www.innovabio.net
13 au 14 octobre
Festival du livre et de la presse d’écologieRencontre avec des écrivains, débats
et dédicaces seront au programme
de ce festival. Le thème retenu
est « L’eau : source de vie, pas de
profi t » (La Bellevilloise, Paris).
www.festival-livre-presse-ecologie.org
15 au 23 octobre
Forum du tourisme solidaireConférences et ateliers itinérants
sur le « rôle du tourisme dans
le développement durable des
territoires sensibles des pays de la
Méditerranée » (partout au Maroc).
www.tourisme-solidaire.org
17 et 18 octobre
Forum « Quartiers durables »Quatrième édition de ces rencontres
qui visent à penser les méthodes
de mises en œuvre d’écoquartiers
(Saint-Ouen, Seine-Saint-
Denis).
www.forum-quartiers-durables.com
23 octobre
Eco-cosmeticsLa cosmétique bio va-t-elle devenir
la norme ? Quelle est la situation
du secteur chez nos voisins ? C’est
pour répondre à ces questions que
les experts du domaine sont conviés
à cette journée (L’Hôtel Particulier-
Eurosite, Paris).
www.conferences-eco-experts.com
25 octobre
Les Respirations d’Enghien
Aborder les
questions de la
qualité de l’air et
ses conséquences
sur l’écosystème,
le climat, la santé
et l’économie, tel
est le programme
de ce congrès (Enghien-
les-Bains, Val-d’Oise).
www.lesrespirations.com
27 octobre
Journée Santé environnementAu programme de cette journée,
conférences et ateliers sur l’impact
du plastique et des pesticides sur la
santé et l’environnement
(Saint-Etienne, Loire).
www.journee-sante-environnement.fr
82 octobre 2012 terra eco
Les anti-vélos
Ceci est un appel au connard
– je pèse mes mots – qui m’a
volé mon fi dèle destrier : « Petit
crétin, je te hais. » Il m’a fauché
José, mon vélo MBK infaillible qui
me menait partout depuis dix ans.
Il avait résisté au 11-Septembre, au
tsunami de 2004 et à l’ère Sarkozy.
Me voilà privée de mon jeu favori (le
Mario Bros de la voirie, c’était moi !).
Et d’une partie de mon identité.
José a connu un sort identique à
celui des 400 000 vélos kidnappés
chaque année. Il va fi nir, au choix,
désossé dans une décharge à
métaux ; racheté par un voisin ;
monté par Mister Connard himself
(si je te vois, je t’émascule)…
Certes, le voleur est le premier
responsable, mais j’en profi te
– puisque c’est MA rubrique – pour
déverser ma haine sur ceux qui, des
années durant, m’ont poussée à le
faire dormir dehors, augmentant la
probabilité de me le faire rapiner. Je
salue donc mes chers voisins pris de
vapeurs à la vue d’un José endormi
dans l’escalier, mais qui n’ont jamais
hésité à m’inonder de poussettes,
car « ça n’a rien à voir ». Je crèverai
vos pneus de landau un jour.
Et tant que j’y suis, je voudrais
saluer l’esprit ô combien visionnaire
de Georges Pompidou qui
voulait « adapter les villes aux
automobiles ». Quarante ans plus
tard, joli boulot : les emplacements
pour vélos manquent cruellement,
tandis que les voitures, immobilisées
92 % du temps selon l’Institut pour
la ville en mouvement, persistent
à bouffer l’espace urbain et ronger
nos poumons. Vous l’aurez compris,
j’ai la haine mais, surtout, je suis
triste de devoir rentrer à pied. —
Si vous détestez Bridget Kyoto
(ou si vous l’aimez), dites-le-lui ici :
www.terraeco.net/a45910.html
BRIDGET KYOTO déteste
Un bouclage de Terra eco n’est jamais une sinécure. Ni pour l’estomac, ni pour la planète. Car même si votre mag a déménagé les ors de son siège dans l’hypercentre-ville de
Nantes, la somme des déplacements de sa tribu n’est pas anodine. Il y a certes les bons élèves, qui vous collent la carte de tram sous le nez ou, pis, essuient leur graisse de chaîne de vélo sur votre veste avant les réunions. Viennent ensuite les arsouilles – plus rares – qui feignent l’exemplarité de la marche à pied… et réclament les clés du bolide de la rédac (1). Puis les boulets, dont je suis, qui dorment à 25 km et grimpent dans leur auto au
petit matin. Restent – ouf – les journalistes éparpillés sur le globe et prêts à enfourcher un engin pour suivre une présidentielle ou les dégâts d’une marée noire. Ceux-là font la richesse de votre magazine, mais grèvent aussi son bilan environnemental. Quoique. La profession de journaliste a déserté les aéroports. Notamment du côté de la presse indépendante, souvent sans le sou. Une nouvelle race de scribouillards est apparue, vissée à l’écran d’ordi ou au smartphone. Pas sûr que la planète y gagne tant que ça. —(1) Ma Renault Clio qui ne fait presque pas ses 125 000 km.
Comme les requins, journaux et journalistes doivent bouger pour ne pas mourir. Mais doivent-ils passer par la case voiture ?Par DAVID SOLON, directeur de la rédaction
En direct de Terra eco
Nantes, la somme des déplacements de sa tribu n’est pas anodine. Il y a certes les bons élèves, qui vous collent la carte de tram sous le nez ou, pis, essuient leur graisse de chaîne de vélo sur votre veste avant les réunions. Viennent ensuite les arsouilles – plus rares – qui feignent l’exemplarité de la marche à pied… et réclament les clés du bolide de la rédac (1). Puis les boulets, dont je suis, qui dorment à 25 km et grimpent dans leur auto au
EN PARLER, C’EST BIEN. AGIR, C’EST MIEUX !
côté couloir
LA COUVADE DE LA RÉDAC
Délices de l’imprimante,
soirées nantaises
périlleuses : les 152 unes
de Terra traînent leurs
palanquées d’anecdotes.
Une couv s’affi che aux
yeux de tous, quand
c’est réussi, comme
une imparable invite.
La diffi culté, c’est
l’impossible mesure du
chemin avant l’arrivée
au port. Prenez cette
édition. Une vingtaine de
montages et une demi-
douzaine de croquis ont
été nécessaires. C’est
Jon (1), l’ami irlandais,
qui a relevé le défi .
Courageux et tenace.
C’est la loi du genre.
La une, c’est là où se
comptent nos heures
de prise de tête. On y
mesure aussi l’adéquation
entre propos d’un jour
– éditorial et graphique –
et gènes du mag. Bluff
interdit. — D.S.(1) www.holytrousers.com