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Bouchez Joséphine – Fiche de lecture : « La voie de l’innovation sociale » – Décembre 2013 1 Observatoire du Management Alternatif Alternative Management Observatory __ Fiche de lecture La voie de l’innovation sociale Entretien avec Hugues Sibille 2011 Joséphine Bouchez – Décembre 2013 Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2013/2014

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Bouchez Joséphine – Fiche de lecture : « La voie de l’innovation sociale » – Décembre 2013   1

Observatoire  du  Management  Alternatif  Alternative  Management  Observatory  

__

Fiche  de  lecture  

La voie de l’innovation sociale Entretien avec Hugues Sibille

2011

Joséphine Bouchez – Décembre 2013 Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2013/2014

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La voie de l’innovation sociale, entretien avec Hugues Sibille

Cette fiche de lecture a été réalisée dans le cadre du cours « Grands Défis Planétaires » donné par Hubert Bonal, Thanh Nghiem et David Khoudour-Castéras au sein de la Majeure Alternative Management, spécialité de troisième année du programme Grande École d’HEC Paris.

Conversations Solidaires, Rue de l’Échiquier, Décembre 2013.

Résumé : La Voie de l’innovation sociale revient sur le parcours d’Hugues Sibille, l’inépuisable défenseur de l’économie sociale et solidaire en France. Écrit sous forme d’un entretien, l’ouvrage nous amène à découvrir les actions d’un personnage engagé au quotidien pour faire se développer une économie plus humaine. Adoptant une approche toujours réaliste et pragmatique, il nourrit d’exemples sa vision d’une économie alternative et identifie avec clarté les enjeux que rencontrera demain l’économie sociale et solidaire. Mots clés: Citoyen, Gouvernance, Coopération économique, Développement local, Economie sociale et solidaire, Finance, Innovation sociale.

On the way to social innovation, interview with Hugues Sibille

This review was presented in the “Grand Défis Planétaires” course of Hubert Bonal, Thanh Nghiem and David Khoudour-Castéras. This course is part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school program.

Conversations Solidaires, Rue de l’Échiquier, Décembre 2013.

Abstract: On the way to social innovation is about Hugues Sibille’s career, who is the endless defender of social and solidarity-based economy in France. The book is written as an interview, which leads us to discover the actions and experiences of this day-to-day involved person to develop this more human economy. With a realistic and pragmatic point of view, he gives us lots of examples to illustrate his vision of this alternative economy. He also identifies very clearly the future issues of the social and solidarity-based economy. Key words: Citizenship, Economic cooperation. Finance, Governance, Local developpement, Social innovation, Social and solidarity-based economy. Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/ pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le libre accès aux connaissances. L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs.

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Table des matières

1. L’auteur et son œuvre. ..................................................................................................... 4 1.1. Brève biographie .......................................................................................................... 4 1.2. Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur.................................................................... 5

2. Résumé de l’ouvrage......................................................................................................... 6 2.1. Plan de l’ouvrage ......................................................................................................... 6 2.2. Principales idées et raisonnements de l’ouvrage.......................................................... 7

3. Commentaires et critiques ............................................................................................. 12 4. Bibliographie de l’auteur ............................................................................................... 13

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1. L’auteur et son œuvre.

1.1. Brève biographie

Hugues Sibille est un acteur pionnier de l’économie sociale et solidaire (ESS) en France

depuis près de 25 ans. Il s’engage, tout au long de sa carrière, en faveur du développement de

cette économie alternative portée par les innovations sociales. L’ensemble de son parcours

s’inscrit au croisement de trois dimensions : le développement concret d’innovations sociales

et la reconnaissance de la responsabilité des entreprises dans un contexte politique et macro-

économique favorable à l’expansion de cette économie plus humaine.

Il commence sa carrière en tant que Président Directeur Général du groupe de conseil TEN

pendant 20 ans avant de s’orienter vers l’action politique où il travaille avec Martine Aubry,

d’abord, sur le programme Nouveaux Services-Nouveaux Emplois, puis occupe le poste de

Délégué Interministériel à l’économie sociale entre 1998 et 2001.

Il se tourne ensuite vers les questions de financement de l’ESS en devenant, entre 2001 et

2005, directeur des partenariats à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et est en

charge, à cette époque, de l’économie sociale et de la création des petites entreprises. Il fonde

en 2002 l’Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Économiques (Avise), dont il est

encore le président aujourd’hui. En 2005, il devient Directeur Général Délégué du Crédit

Coopératif (CC). Il en est le vice-président depuis janvier 2010.

Il siège encore aujourd’hui au conseil supérieur de l’ESS et au Conseil National de

l’Insertion. Il préside également depuis 2008 le groupe ESFIN-IDES, qui est un outil de fonds

propre au service des acteurs de l’économie sociale. Il a enfin participé à la création du

magazine Alternatives Économiques et est encore aujourd’hui un administrateur de la Scoop.

Hugues Sibille tient plusieurs blogs sur l’ESS.

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1.2. Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur

La voie de l’innovation sociale, paru chez les éditions Rue de l’Échiquier en 2011,

consacre, sous la forme d’un entretien, l’ensemble des actions d’Hugues Sibille en faveur de

l’innovation sociale. L’ouvrage revient sur son rôle dans le milieu bancaire au sein du CC et

de la CDC, ainsi que sur ses expériences politiques, avant d’ouvrir une réflexion plus large

sur le rôle des innovations sociales et les enjeux de demain de l’ESS.

Ce livre est pour Hugues Sibille « un vrai chemin » qui lui permet de lier ce qu’il y a en lui

de professionnel et de citoyen. Dans son avant-propos, il écrit : « Je crois à l’humanisme

économique, et souhaite que ces pages en soient une esquisse, donnant envie aux générations

en charge du futur d’en emprunter la voie. »

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2. Résumé de l’ouvrage

2.1. Plan de l’ouvrage

Préface de Jacques Delors ...................................................................................................... 9

Avant-propos de Hugues Sibille ........................................................................................... 11

Chapitre 1 : Banquier coopératif ......................................................................................... 13

« Je défends une finance patiente et utile, et résiste à la démagogie antibanque. »

Chapitre 2 : Pour un printemps de l’innovation sociale .................................................... 37

« Favoriser l’innovation sociale, changer l’échelle, investir dans les forces créatrices de la

société civile. »

Chapitre 3 : La grande mutation des territoires ................................................................ 53

« Le développement local a d’abord été une résistance, puis une reconstruction. Cela me

plaisait. »

Chapitre 4 : Au service de l’intérêt général ........................................................................ 69

« Je suis très fier du bilan des emplois-jeunes. »

Chapitre 5 : Un État stratège et animateur ........................................................................ 81

« Délégué interministériel, je crois au volontarisme politique en faveur de cette économie

différente. »

Chapitre 6 : De la Caisse des Dépôts à l’Avise ................................................................... 97

« Le métier d’investisseur public a de l’avenir. »

Chapitre 7 : Gagner la bataille des idées .......................................................................... 113

« Comme le dit Éluard, s’il est au autre monde, il est dans celui-ci. »

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2.2. Principales idées et raisonnements de l’ouvrage

Dans un premier temps, l’auteur revient sur la crise financière de 2008 et plus largement

sur sa vision du métier de banquier. Puisque l’on ne peut pas se passer de la finance, il est

essentiel pour Hugues Sibille de repenser le sens que l’on veut lui donner. L’enjeu est de

mettre en place des réformes structurelles dans un monde de l’immédiat : il faut repenser la

gouvernance des institutions financières. Ses propositions sont les suivantes : redonner la

parole aux citoyens, améliorer la transparence et garantir la traçabilité de l’argent. Mais bien

conscient des difficultés que cela suppose, et dans une démarche toujours pragmatique, il

recommande à chacun, entre autres, de se tourner vers des banques plus responsables comme

par exemple les banques membres de la Fédération des Banques Éthiques et Alternatives dont

font partie, entre autres, le Crédit Coopératif, la NEF et Banca Ethica. L’enjeu est bien de

replacer l’homme et le citoyen au cœur des décisions. Il appelle à la prudence en se rendant

compte qu’il existe, dans tous les secteurs de l’économie, des minorités de personnes qui

essaient de tirer profit du système pour leurs intérêts personnels. Hors de question pour

Hugues Sibille de verser dans la méfiance antibanque généralisée. Il revient sur les actions

mises en place par le Crédit Coopératif pour redonner son utilité sociale à la finance et cite

notamment la mini taxe Tobin mise en place en 2011 au sein de la banque. Il faut, avant tout,

montrer que d’autres voies sont possibles, quitte à commencer petit. Il n’est plus possible

d’attendre tout du régulateur public et/ou du marché : il faut donc réussir à trouver un

compromis entre les deux qui permette d’avancer. Il dit à plusieurs reprises : « Après

l’indignation, la proposition. » Il prône ainsi le développement d’une « biodiversité

économique » – terme sur lequel il reviendra à de nombreuses reprises dans la suite de

l’ouvrage – ou l’économie sociale polliniserait le reste de l’économie. Conscient que le

marché reste la forme la plus efficace d’échanges, il dit « oui à l’économie de marché, non à

la société de marchés » pour reprendre une formule célèbre de Jospin. Il défend le modèle

coopératif et mutualiste dans la mesure où il redonne sa place au citoyen et où le lien avec

l’économie réelle est reformé, redonnant ainsi tout au sens à la finance. Il prend en exemple le

plan Cooper’action 2015 mis en place par le Crédit Coopératif pour devenir une banque utile,

plan dans lequel on capitalise sur la structure coopérative et où l’on sort de la théorie

actionnariale pour développer un « activisme des sociétaires ». La transition sera parfaite avec

la partie suivante :

« L’innovation financière devient un enjeu, corollaire à celui de l’innovation

sociale. »

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Dans un second temps, en effet, il revient sur l’innovation sociale. C’est avant tout pour lui

« un goût du cœur et un impératif de la raison. » Même si les choses changent, l’attention est

souvent portée davantage sur les innovations technologiques plutôt que sociales. Il veut donc

favoriser le développement d’initiatives sociales locales et prend notamment l’exemple de

Cap Services, une coopérative d’entrepreneurs, et du Groupe Archer, entreprise « territoriale

» qui a réussi à relancer la fabrication de chaussures de qualité dans la région de Romans.

L’enjeu pour Hugues Sibille est bien la « modellisation » de ces initiatives sociales locales

pour faciliter leur reproduction. Il écrit à ce propos :

« Cette société est innovante, mais échoue à transformer ce foisonnement en modèle.

(...) La question est de savoir si la politique est capable de s’imprégner du

foisonnement de la société civile, de l’appuyer et de le transformer en nouveau contrat

social. »

C’est ainsi qu’il définit le rôle du politique dans le développement de l’ESS. Il parvient

finalement à une définition de l’innovation sociale, donnée par le Conseil supérieur de l’ESS :

« L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins

sociaux non ou mal satisfaits dans les conditions actuelles (du marché ou des

politiques publiques), en impliquant la participation et la coopération des acteurs

concernés, notamment les utilisateurs et usagés. »

Le premier défi sera de donner à l’ESS et aux innovations sociales toute la reconnaissance

qu’elles méritent dans la mesure où le capitalisme jouit encore d’une force de frappe

intellectuelle monstrueuse.

Avant de revenir sur les expériences politiques d’Hugues Sibille, l’ouvrage fait un

détour par la vision qu’il a du développement des territoires locaux depuis l’euphorie des

Trente Glorieuses – devenues, selon lui « Trente Odieuses » – ainsi que sur ses motivations

personnelles. Il reconnaît que la génération issue de cette période de croissance, « si elle a

échappé à la guerre, est loin d’avoir gagné ses combats pour une société plus juste. » Dans ce

contexte, il confie qu’il a toujours été animé par la quête de sens et l’ « ambition » d’être

acteur de changement. Ces premiers pas en politique dans les années 1980 lui font prendre

conscience du fait que la décentralisation territoriale amène un foisonnement d’initiatives et le

développement d’une « économie de la proximité », qu’il entend bien faire prospérer. Il en

fait l’expérience notamment en travaillant sur un projet de développement dans le Pas-de-

Calais et sur la création d’une pépinière au Creusot. Même si la complexité territoriale et les

rivalités entre collectivités sont toujours très fortes, la différence aujourd’hui est que l’ESS

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apparaît comme une vraie réponse à cette problématique du développement local. Hugues

Sibille en propose d’ailleurs une vision originale en considérant qu’il fut d’abord « une

résistance » avant d’être « une reconstrcution ». Le développement local a en effet d’abord

constitué une réponse « défensive » aux diverses fractures de la société, avant d’être

davantage aujourd’hui une réponse « offensive » bien plus centralisée qu’auparavant. Hugues

Sibille conclut sur les valeurs éthiques et politiques qui lui sont chères : la responsabilité et

l’autonomie des personnes, la capacité d’initiatives de ces dernières ainsi que l’importance du

collectif et de la solidarité. Il se dit « convaincu que la société civile détient les clés du

changement. »

Hugues Sibille évoque ensuite, dans une quatrième partie, avec beaucoup d’humilité et de

transparence, ses expériences en politique. Tout d’abord aux côtés de Martine Aubry, alors

Ministre de l’Emploi, en tant que Commissaire au gouvernement, il conduit le programme

Nouveaux Services-Nouveaux Emplois et crée, dans ce cadre, les Emplois Jeunes, destinés

aux jeunes de moins de 25 ans pour répondre aux besoins sociaux non satisfaits. S’ils

représentent à l’époque pour lui une véritable innovation sociale, notamment parce qu’ils

redonnent confiance aux citoyens en s’inscrivant dans le long terme et en revendiquant un

ancrage local fort, et si les résultats macroéconomiques et politiques sont satisfaisants, il

regrette qu’aucune évaluation n’ait été conduite par la suite et n’apprécie guère le

fonctionnement de la haute administration, qu’il considère comme « un lieu irrationnel et

violent, où règne l’urgence, la concurrence et le pathos » pour reprendre la formulation d’une

de ses amies. Pourtant, il s’engage de nouveau entre 1998 et 2001 comme Délégué

Interministériel à l’économie sociale. Il croit « au volontarisme politique en faveur de cette

économie différente et à la nécessité d’une expertise de l’État sur ce sujet. » Sa mission sera

donc, pendant cette période, plus encore que précédemment, de favoriser la reconnaissance de

l’économie sociale en clarifiant le vocabulaire, en structurant le secteur et en mettant en place

les moyens d’une collaboration entre les territoires. Ses travaux portent donc, entre autres, sur

l’harmonisation de la fiscalité des associations selon certains critères relatifs à leurs activités,

sur la représentation du monde associatif en tant que défenseur de l’intérêt général, sur le

renforcement de sa visibilité dans le monde politique et sur la création d’un nouveau statut qui

permet, pour la première fois, d’articuler dimension commerciale et intérêt collectif. Il insiste,

encore aujourd’hui, sur le fait que les associations doivent rester un « laboratoire »

d’innovations sociales, soulevant ainsi de nombreuses questions quant aux difficultés

financières que rencontrent ces acteurs aujourd’hui.

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Dans la dernière partie de l’ouvrage, Hugues Sibille revient sur son parcours à la CDC puis

au CC. En effet, en devenant en 2001 Directeur des petites entreprises et de l’économie

sociale, il a pour mission de « structurer la stratégie de la CDC en création d’entreprises » en

passant par les réseaux d’accompagnement existants tels que l’Adie, France Active et France

Initiatives. Ses missions portent successivement sur une réflexion quant à la sortie des

emplois jeunes, sur la création de l’Avise, qui accompagne des projets d’innovations sociales

en conciliant économie sociale et pouvoirs publics et qui constitue un « centre de ressources

et d’ingénierie » incroyable pour les porteurs de projets, d’un Fonds de Cohésion Sociale

ainsi que d’un Fonds de Confiance. Il quitte la CDC en 2005, car il n’est plus en phase avec la

nouvelle direction et préfère se concentrer davantage sur la promotion de l’entrepreneuriat. Il

participe en 2009 à la rédaction du Livre Blanc de l’Entrepreneuriat Social, qui propose, entre

autres, la création d’une banque d’affaires de l’entrepreneuriat social et insiste sur le fait que

la mesure de l’impact social doit servir de base de dialogue entre parties prenantes. Hugues

Sibille n’est pas peu fier des répercussions que ce Livre Blanc a engendrées, en plus de la

curiosité qu’il a suscitée, puisque cent millions d’euros ont été dédiés à l’ESS dans le cadre du

Grand Emprunt et une École de l’entrepreneuriat en économie sociale a notamment été crée à

Montpellier. Il finit ainsi, par là, de donner toute la modernité et la visibilité qu’il revendique

et recherche pour l’ESS depuis des années. Il déclare finalement que « l’enjeu de demain est

de parvenir à irriguer l’économie de cette énergie entrepreneuriale. »

Il conclut son ouvrage en listant les quatre enjeux que doit affronter l’ESS aujourd’hui. Il

s’agit d’abord de gagner la bataille des idées en laissant une place au citoyen dans le système

binaire qui oppose depuis des années État et marché sans autre alternative et d’investir

davantage dans l’intelligence économique. Ensuite, il faut s’attaquer aux problématiques de

gouvernance, en rajeunissant et en féminisant les assemblées générales et les conseils

d’administration, en assurant la représentation des différentes parties prenantes à tous les

niveaux de la vie démocratique et, enfin, en défendant un « activisme sociétaire ». Un

troisième enjeu sera la capacité de l’ESS à devenir « une force politique » dotée d’un vrai

pouvoir de représentation. Enfin, il faudra penser à « internationaliser » l’ESS en lui donnant

les capacités de redéployer les liens entre économie et société à plus grande échelle et au delà

de l’hétérogénéité qui la caractérise. Il ajoute un dernier enjeu : celui de cesser les querelles de

chapelles entre ESS et entrepreneuriat social, dans la mesure où « chacun a besoin de

l’autre ». Son approche pragmatique l’amène à penser qu’il nous sera impossible de sortir du

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système capitaliste et qu’il est ainsi important de renforcer les relations avec la société civile

et les citoyens.

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3. Commentaires et critiques

Au-delà de la forme de l’ouvrage et de l’effort qui est fait par l’auteur en terme de synthèse

et de clarté, qui renforcent la dimension pédagogique et explicative de l’ouvrage, j’ai

particulièrement apprécié l’approche pragmatique qu’adopte Hugues Sibille. Conscient des

difficultés qu’un changement de paradigme suppose, il illustre chacun de ses propos par des

exemples concrets et suggère d’avancer pas à pas. Je suis également particulièrement

interpellée par l’importance qu’il donne à la place du citoyen dans la prise de décision et au

rôle qu’il souhaite lui redonner dans les instances de la vie politique et économique. C’est ce

lien avec l’économie réelle et la société civile qui font, pour moi, la pertinence de sa

proposition. Il reconnaît avec justesse les faiblesses de l’ESS et parvient à identifier les défis

qu’il lui faudra relever demain pour gagner en reconnaissance. Enfin, je le rejoins sur la

vision qu’il a des associations comme étant un « laboratoire d’innovations sociales ».

Cependant, si ce format d’entretien a le mérite de rendre la lecture agréable, il a aussi

l’inconvénient de plonger le lecteur dans le parcours et les expériences d’un seul personnage,

ne pouvant mettre ses actions en perspective avec d’autres courants, d’autres milieux, d’autres

acteurs – bien qu’ils soient largement évoqués tout au long de l’ouvrage. On peut penser que

le débat actuel sur la loi Hamon sur l’ESS s’inscrit dans la volonté d’Hugues Sibille de donner

davantage de reconnaissance et de visibilité à l’ESS. Pourtant, tout l’enjeu est bien de savoir

si ce cadre politique permettra effectivement de transformer ce « foisonnement de la société

civile » en un véritable nouveau « contrat social » où l’ESS est véritablement créatrice

d’emplois servant l’intérêt général. Nulle part dans cette loi ne figure la définition

d’innovation sociale en tant que telle. Attention à la récupération politique qui risquerait de

nous faire passer à côté d’une véritable transformation de l’économie réelle. Enfin, en mettant

cette ouvrage en perspective avec, entre autres, la récente enquête de Philippe Frémeaux sur

l’ESS comme « nouvelle alternative », il faudra nuancer le fait que, comme dans l’ouvrage

d’Hugues Sibille, on ne revient que trop peu sur les actions des individus eux-mêmes et leur

rôle dans le développement de ces innovations sociales, dans la mesure où l’on s’en remet

sans cesse aux institutions et aux organisations. « La transformation personnelle » nécessaire

des citoyens n’est évoquée que dans les dernières lignes et aucune piste ne nous est donnée

pour nous guider dans cette tâche et nous amener, comme il est écrit dans l’avant-propos, à

nous donner envie d’emprunter cette voie.

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4. Bibliographie de l’auteur

• 2011 - La voie de l’innovation sociale, Rue de l’échiquier

• 2010 - Démocratiser l’économie, le marché à l’épreuve des citoyens, (avec Tarik

Ghezali), Grasset

• 2007 - Rapport moral sur l’argent dans le monde, (collectif), article sur

l’entrepreneuriat social, Association d’économie financière

• 2001 - La Nouvelle économie sociale, (collectif, sous la direction de Christophe

Fourel), Syros

• 1990 - La Société de partenariat – France/Etats-Unis, (sous la direction de Pierre

Dommergues), Annales de géographie

• 1998 - Les Politiques d’emploi à l’épreuve des chômeurs de longue durée, Syros

• 1982 - Les Coopératives ouvrières de production en France et dans la CEE, La

Documentation Française

• 1982 - Des Paysans se lèvent à l’ouest – Voyage dans une coopérative agricole,

Syros