la société du rejet - cvx – clc 1-2 2016 fre... · 2017-11-30 · i an ubilla réflexions...

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E n Juillet 2015, lors de sa visite pasto- rale en Bolivie, le pape François a questionné les croyants et les in- croyants : «Reconnaissons-nous que les choses ne marchent pas bien dans un monde où il y a tant de paysans sans terre, tant de familles sans toit, tant de travailleurs sans droits, tant de personnes blessées dans leur dignité? Reconnais- sons-nous que les choses ne vont bien quand éclatent tant de guerres absurdes et que la violence fratri- cide s’empare même de nos quartiers ? Re- connaissons-nous que les choses ne vont pas bien quand le sol, l’eau, l’air et tous les êtres de la création sont sous une permanente menace ? Alors, di- sons-le sans peur : nous avons besoin d’un changement, un changement réel, un chan- gement de structures. On ne peut plus sup- porter ce système, les paysans ne le supportent pas, les travailleurs ne le suppor- tent pas, les communautés ne le supportent pas, les peuples ne le supportent pas...Et la Terre non plus ne le supporte pas, la sœur mère Terre comme disait saint François. » Il ne s’agit pas de nouvelles idées dans l’Église, ce qui est nouveau (pour la plupart d’entre nous), c’est qu’elles proviennent d’un pape, de la « hiérarchie » et « offi- cialité » de l’Église, que ses paroles nous montrent un leader- ship auquel nous nous identifions et nous montrent la voie vers des utopies qui semblaient être en pleine agonie. Ceci, à un moment où on a dépouillé la politique du caractère d’action qui pourrait produire un changement vers quelque chose de mieux... une époque à laquelle l’espérance d’un changement de nature politique a disparu 6 Christan Ubilla Réflexions sociopolitiques de la CVX en Amérique Latine « Mais un catholique peut-il faire de la politique ? Il doit ! Un catholique peut-il se mêler de politique ? Il le doit !» (Pape François, 30 avril 2015) La Société du Rejet Epoux de Sandy, magister en geson sociale, directeur régional de l’Associaon Fe y Alegría en Equateur (œuvre jésuite d’éducaon populaire et de promoon sociale). Membre CVX depuis 1998. Alors, disons-le sans peur : nous avons besoin d’un changement, un changement réel, un chan- gement de structures. Participants à la Rencontre Finale de la Deuxième Génération du Cours Dimension Politique de l’Engagement Social CVX-AL.

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En Juillet 2015, lors de sa visite pasto-rale en Bolivie, le pape François aquestionné les croyants et les in-

croyants : «Reconnaissons-nous que leschoses ne marchent pas bien dans un mondeoù il y a tant de paysans sans terre, tant defamilles sans toit, tant de travailleurs sansdroits, tant de personnes blessées dans leurdignité? Reconnais-sons-nous que leschoses ne vont bienquand éclatent tant deguerres absurdes etque la violence fratri-cide s’empare mêmede nos quartiers ? Re-connaissons-nous queles choses ne vont pas bien quand le sol,l’eau, l’air et tous les êtres de la création sontsous une permanente menace ? Alors, di-sons-le sans peur : nous avons besoin d’unchangement, un changement réel, un chan-gement de structures. On ne peut plus sup-porter ce système, les paysans ne le

supportent pas, les travailleurs ne le suppor-tent pas, les communautés ne le supportentpas, les peuples ne le supportent pas...Et laTerre non plus ne le supporte pas, la sœurmère Terre comme disait saint François. »

Il ne s’agit pas de nouvelles idées dansl’Église, ce qui est nouveau (pour la plupart

d’entre nous), c’estqu’elles proviennentd’un pape, de la «hiérarchie » et « offi-cialité » de l’Église,que ses paroles nousmontrent un leader-ship auquel nousnous identifions et

nous montrent la voie vers des utopies quisemblaient être en pleine agonie. Ceci, à unmoment où on a dépouillé la politique ducaractère d’action qui pourrait produire unchangement vers quelque chose de mieux...une époque à laquelle l’espérance d’unchangement de nature politique a disparu

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Christian Ubilla

Réflexions sociopolitiques de la CVX en Amérique Latine

« Mais un catholique peut-il faire de la politique ? Il doit !Un catholique peut-il se mêler de politique ? Il le doit !»

(Pape François, 30 avril 2015)

La Société du Rejet

Epoux de Sandy, magisteren gestion sociale,

directeur régional del’Association Fe y Alegría

en Equateur (œuvrejésuite d’éducation

populaire et de promotionsociale). Membre CVX

depuis 1998.

Alors, disons-le sans peur :nous avons besoin d’un

changement, unchangement réel, un chan-

gement de structures.

Participants à la RencontreFinale de la Deuxième

Génération du CoursDimension Politique de

l’Engagement Social CVX-AL.

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(José Laguna. Pisar la luna. Cuaderno Cris-tianisme i Justicia 195).

L’engagement politique a à voir avec la mo-dification des structures de pouvoir qui em-pêchent les êtres de vivre de façon humaine.Si nous comprenons ainsi l’engagement po-litique, grand besoin est de générer des en-gagements, soit à partir d’un parti politique,de mouvements sociaux, d’organisations dela société civile ou dans les tâches des fonc-tionnaires publics.

Dans ce nouveau climat ecclésial, plus de40 membres CVX ont entrepris, entre mai2014 et décembre 2015, un nouveau proces-sus de formation1 et de réflexion sur la réa-lité sociopolitique de l’Amérique latine, uncours virtuel qui a abouti à une réunion faceà face à Montevideo, Uruguay2. Grâce à cecours, la CVX en Amérique latine s’engageà approfondir les causes de l’injustice pourchercher des remèdes structurels.

David Martínez3, coordonnateur de ladeuxième génération du cours « Dimensionpolitique de notre engagement socialcomme CVX en Amérique latine » a justifiéainsi ce processus de formation: «La simpleobservation de la dynamique complexe danslaquelle ont échu les pays, certains ontchangé de régimes politiques, d’autres ontvécu la transition d’une ligne politique àune autre, la pauvreté reste un défi majeur,les institutions de la politique traditionnellecomme les partis politiques sont discrédités,la corruption est toujours un problème trèsimportant au niveau national, l’inégalité,l’implication des groupes transnationauxdans les affaires internes des pays... simple-ment une lecture superficielle de la réalitéconfirme le besoin de nous former intellec-tuellement pour mieux comprendre la pro-blématique du pays et, dans cette mesure,intervenir de façon plus juste».

Contre la culture du rejet, la mondialisationde l’indifférence, le paradigme technocra-

tique, l’empire de l’argent et la déificationdu progrès économique, des travailleursplus compétents et des témoins convain-cants font défaut (Principes généraux de laCVX No 12.b) pour construire, avec tantd’autres hommes et femmes cet « autremonde possible ».

C’est avec une grande joie que nous parta-geons le nouveau livre de la CVX Latino-américaine4, publié en 2016, avec lesréflexions sociopolitiques des participantset participantes de la deuxième génération

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1 Entre 2012 et 2013, la première génération du cours « Dimension Politique de notre engagement socialcomme CVX en Amérique latine » .2 Du 11 au 14 décembre 2015.3 Membre CVX mexicain, Docteur ès Etudes Scientifiques Sociales, Directeur de Recherches et de 3èmecycle universitaire de l’Universidad Iberoamericana de León-México.4 Version espagnole téléchargeable à:: http://dspace.leon.uia.mx:8080/xmlui/handle/123456789/99780

Du haut en bas: - L'équipe mexicaine: GerardoGómez, Giovanna De La Moraet Mario Patiño.- Felipe Alvarez (Chili).

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de notre cours. Les essais publiés dans celivre représentent la conclusion de ce pro-cessus de formation, un effort qui a étérendu possible grâce à la direction de DavidMartínez et le soutien de Miguel Collado(Chili), de Mauricio López (Mexique-Equa-teur), d’Esteban Nina (Bolivie-Colombie),de Guadalupe Fernández (Mexique), deJoao Paulo Pinto (Brésil), de Stella MarisMargetic (Argentine), qui ont formél’équipe de coordination. Le cours s’est dé-

veloppé virtuellement avec des conférencesbimensuelles et des tutoriels pour accompa-gner chaque participant et participante dansson processus de formation et de réflexion.L’Université ibéro-américaine à León5 a, denouveau, collaboré en apportant son suiviacadémique pour assurer la qualité du courset fournir une certification. En juillet 2016,nous avons débuté la troisième générationdu Cours avec 53 participants et partici-pantes de 12 pays.

Les travaux finaux élaborés par les parti-cipants et participantes montrent la diver-sité de nos expériences et orientationsthéoriques, en tant que laïcs et laïques. Ce-pendant, il est possible de trouver plu-sieurs points communs : à la finalisationdu processus, nous nous sentons appelés àrecueillir le sens, la signification et la va-leur de la pratique politique. Nous noussentons également appelés à redécouvrirque la politique représente une partie es-

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Ci-dessous, de gauche à droite:- David Martinez.- Olga (Argentine) Leandra(Brésil) et Guadalupe (Mexique).- Nouvelle équipe de coordina-tion: Stella Maris (Argentine)Joao Pinto (Brésil), ChristianUbilla (Équateur, coordinateur),Lupe Fernández (Mexique), Al-fredo Pavez (Chili) et ManuelMartínez (Uruguay).

5 Université de la Compagnie de Jésus à Mexico.6 Titre d’une série radiophonique que fait une lecture latino-américaine de Jésus de Nazareth historique.

Parce qu'être chrétien, c’estêtre disciple d’« un tel

Jésus » qui s’engage enversl'histoire et nous encourage

à consacrer nos vies àproclamer et à construire leRoyaume de la justice et de

la fraternité

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sentielle de notre vocation chrétienneparce qu’être chrétien, c’est être discipled’«un tel Jésus » qui s’engage envers l’his-toire et nous encourage à consacrer nosvies à proclamer et à construire leRoyaume de la justice et de la fraternité.Nous nous sentons appelés à revendiquerla valeur des petites actions collectives, àpartir du Peuple, à partir de la base, pourtransformer les structures... Nous croyonsen une pratique politique prophétique etavec parrhésie (avec hardiesse, avec bra-voure) qui n’est pas neutre, qui ne sacrifiepas la justice au nom de la (fausse) paix ;nous croyons en une politique qui s’en-gage envers les derniers, les plus pauvres,les marginalisés et les exclus, y comprisnotre Pachamama7, afin que tous et toutespuissent vivre dans la dignité comme filset filles de Dieu.

En avril 2015, François nous encourageait,nous, les laïcs ignaciens : «Moi, catholique,je regarde du balcon? On ne peut pas regar-der du balcon ! Il faut intervenir ! Donne lemeilleur de toi. Si le Seigneur t’appelle àcette vocation, va, fais de la politique. Celate fera souffrir, peut-être que cela te fera pé-cher mais le Seigneur est avec toi. Demandepardon et va de l’avant. Mais ne laissonspas cette culture du rebut nous mettre tousau rebut ! Elle met au rebut également lacréation, parce que la création est détruitechaque jour un peu plus. N’oubliez pas cetteparole du bienheureux Paul VI : la politiqueest une des formes les plus élevées de lacharité. »

Original en espagnolTraduit par Marie Bailloux

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7 Terme en quechua, langue indigène latino-américaine, qui se traduit comme “Mère Terre”.