la question du pavillonnaire dans la sociÉtÉ des individus

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Edward Hopper

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La question du pavillonnaire dans la socit des individusAspirations habitantes et doctrines techniques

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Philippe Genestier

Qui se met lcoute des proclamations des pouvoirs publics nationaux et locaux et des associations professionnelles durbanistes entend laffirmation dune hostilit rcurrente lgard de lhabitat individuel et de ltalement urbain. Or, dans le mme temps et depuis trente ans au moins, la rglementation de lusage des sols et les mcanismes de financement de laccession la proprit jouent globalement en faveur du logement pavillonnaire. Comment expliquer ce hiatus ? Quelle fonction peuvent remplir de telles proclamations ? Pour apporter quelques lments de rponse ces questions examinons le rle politique attribu au logement individuel et comparons la pertinence des principes urbanistiques proclams par rapport aux pratiques de lespace urbain et rsidentiel de nos contemporains.

Le logement individuel : un contre-modle politique et urbanistique1 ?Depuis un sicle environ, le modle urbanistique officiel franais est celui de la ville organise et agglomre. Celleci peut tre soit dense et concentre, conformment au type morphologique de la Ville europenne 2, soit plus are et la nature y tre plus prsente3, mais leur trait commun est quune valeur positive est attribue aux quipements publics et commerciaux, en tant qulments de centralit producteurs dun effet centripte. Dans les premires dcennies du XXe sicle, quils aient t modernistes ou culturalistes (pour reprendre les catgories proposes par Franoise Choay), les urbanistes avaient promu les cits-jardins ou les grands ensembles comme alternatives au pavillonnaire. Actuellement, via le modle du projet urbain et de larchitecture urbaine , ils dfendent les continuits et les densits urbaines, en se rfrant la ville haussmannienne. La doctrine urbanistique demeure ainsi constante dans son hostilit quelques exceptions prs (Roux, Bauer, 1976) lgard du logement individuel et de lparpillement urbain

mme si, en pratique force du march oblige les urbanistes contribuent souvent son dveloppement via les lotissements. Les villes nouvelles, par exemple, ont certes t cres de toute pice et implantes loin du centre des agglomrations anciennes, mais elles furent leur dbut marques par la constructions de grands immeubles larchitecture innovante devant engendrer une nouvelle centralit propice la vie collective (Devisme, 2005). Quant au dcoupage parcellaire, la petite proprit foncire et au retranchement sur la sphre prive censs aller de pair, ils sont considrs comme le fruit dune activit spculative rprhensible entranant une urbanisation dysfonctionnelle, anti-esthtique, anticonomique et anti-sociale. En outre, depuis peu, des arguments cologiques viennent renforcer la dnonciation de ce type durbanisation. Bref, les urbanistes considrent gnralement la maison individuelle comme urbanistiquement nfaste, mais aussi, et peut-tre surtout, moralement condamnable et politiquement funeste4. En fait, les pouvoirs publics sefforcent rgulirement de fournir une alternative lurbanisation parse, qui leurs yeux reprsente un contremodle; do les clbres mots attribus au gnral de Gaulle

1. Prcisons que cest du strict point de vue doctrinal quil sagit dun contre-modle, car en pratique son effet fut et reste modeste. 2. Jusquaux annes 1950 la plupart des urbanistes avait pour modle la ville polarise autour de son noyau historique, croissant par cercles concentriques, chaque boulevard priphrique se voyant redoubl pour absorber les faubourgs. 3. Ce propos considre principalement le point de vue urbanistique franais et non international car dans la culture anglo-saxonne, des origines au New Urbanism, sexprime une mfiance lgard de la ville dense et une recherche de solutions dans la reconstitution dune vue communautaire lcart de la ville industrielle. Par ailleurs, il a pu exister dans tous les pays occidentaux une attitude urbaphobe pour laquelle la priurbanisation a pu parfois apparatre comme un moindre mal. 4. Bien sr, il nen fut pas toujours ainsi, les cits-jardins en tmoignent. Les Annales de la recherche urbaine n102, 0180-930-X, 2007, pp.19-30 MEDAD, PUCA

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Balthus, La rue.

survolant avec Paul Delouvrier la banlieue parisienne en hlicoptre : Mettez-moi de lordre dans ce bordel . linverse, dans certains pays, notamment les tats-Unis, la maison individuelle et autonome sur sa parcelle reprsente lidal rsidentiel. La maison unifamiliale, aussi isole et loigne des autres que possible nest-elle pas le modle de Broadacre City de F. L. Wright (bien que dans les faits, la proximit et la connexion aux infrastructures de circulation jouent un rle cardinal) ? Quelles sont les raisons de la rprobation ici, ou de la valorisation l-bas, de la maison unifamiliale librement implante dans le territoire5 ? Pour saisir cette inversion du jugement port lgard de ces types durbanisations, il faut les rfrer lapprciation que, globalement, une tradition culturelle et, plus prcisment, une inclination idologique donnent de lautonomie et de la singularit des individus. La rticence envers ltalement urbain et envers lindividualisme (peut-tre autant lie une orientation politique qu une idologie professionnelle) doit tre mise en rapport avec les postulats philosophiques et moraux qui surdterminent les problmatiques urbaines. La pense sociale et progressiste dominante dans les annes 19606, a conduit les urbanistes et les sociologues tre globalement lunisson de laction publique gouvernementale7 et majoritairement chanter les louanges du logement collectif devant moderniser les structures sociales et

les mentalits (Clerc, 1969). Puis, les critiques contre les grands ensembles se sont dveloppes partir des annes 1970, revalorisant partiellement et temporairement par contrecoup le pavillonnaire qui autorise lappropriation de son espace par lhabitant8. Cest aussi cette poque que fut lance une politique de soutien laccession la proprit, dans des lotissements pavillonnaires. Sil a exist alors une5. En fait, aux tats-Unis lurban sprawl est souvent plus constitu de lotissements que de mitage . En revanche, la Citta diffus italienne, et la ville tale en France se caractrisent par une plus grande dispersion des constructions. Ainsi, selon le CERTU, prs de 70 % des dpts de permis de construire de maisons indivisuelles concernent des communes non dotes de Plan local dUrbanisme. 6. Pense que le politologue P. Muller (2000) a appel le rfrentiel modernisteur en vigueur dans les politiques territoriales durant les Trente glorieuses en France. 7. Michel Amiot (1986) a montr combien les sociologues partageaient avec la haute fonction publique des grilles structuralo-fonctionnalistes danalyse de la socit et de prvision de son futur probable et souhaitable. Si bien quau-del des oppositions de surface entre ltat gaulliste et les sociologues marxistes rgnait une identit de reprsentation social-historique. 8. Les travaux des Haumont et Raymond sur les pavillonnaires (1966) eurent cette poque une large audience et alimentrent largement la critique de lurbanisme moderniste et fonctionnaliste.

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pense favorable la maison individuelle, ce fut pour des raisons non moins idologiques. Cest ce quatteste le discours du prsident Giscard dEstaing Orlans en juillet 1977 : Nous devons sortir de cette priode o lon a construit surtout des logements locatifs dans des immeubles collectifs. Il faut maintenant encourager la construction de logements individuels qui contribuent la tranquillit sociale et aider tous les Franais accder la proprit car celle-ci favorise chez chacun le sens de la responsabilit . Un tel propos, repris par le ministre Albin Chalandon, fait cependant figure de parenthse. Car, dans les annes 1980-1990 la condamnation du logement individuel fit son retour au travers dun discours sur la ville clate , la fragmentation urbaine et la sgrgation sociale . Aujourdhui, cest surtout le thme de la ville durable qui fournit les arguments et les incriminations servant condamner ce type dhabitat et durbanisation9. Au cours des vingt-cinq dernires annes, malgr les alternances, on retrouve, quelques nuances prs, une mme condamnation gouvernementale de ltalement urbain. Le trait commun aux diverses rcusations du pavillonnaire est que par ce biais il parat possible de sopposer la pense librale et lindividualisme. Un exemple, parmi beaucoup dautres, dune telle utilisation de lurbain est fourni par un sminaire de lINUDEL qui sest tenu LIsledAbeau en octobre 2000 intitul Lhabitat face aux volutions des modes de vie. Vers un urbanisme de la maison? . Le texte de prsentation de sa problmatique densemble tait formul en ces termes une maison pour tous mais10 quelle ville pour tous ? . Cette simple formulation montre que dans le registre des ides urbanistiques, lhabitat individuel suscite des craintes. Un autre exemple, plus caricatural, de connotations ngatives peut tre trouv dans les pages conclusives de louvrage de Jean-Pierre Sueur (1999) qui accuse la maison sur sa parcelle, cache derrire ses haies de thuyas de constituer le sanctuaire du repli sur soi et du rejet de lautre . Ainsi, la ville dense centripte et socialement mixte constitue une forme spatiale, sociale et culturelle officiellement valorise. La communaut regroupe par et autour de ses institutions (incarnes par le beffroi, la place royale, la place darme, lhtel de ville, le quartier historique au centre de la cit) est perue comme la concrtisation de lidal politique que constitue lunit sociale ; un idal issu aussi bien du christianisme y compris avec la signification conservatrice et organique que celle-ci confre lide dunit sociale que du socialisme. La question de la ville, de sa forme et de son tendue, est donc dtermine par la lourde charge symbolique que limaginaire politique fait peser sur elle. De sorte que sont rgulirement dcries les figures inverses la bonne ville , notamment celle de lhabitat pavillonnaire contribuant soit ltalement priurbain, soit au regroupement affinitaire contrevenant la mixit sociale. La question du logement individuel occupe donc une

position particulire dans les dbats publics franais car, audel des problmes urbains et techniques quelle soulve assurment11, elle vhicule aussi nombre de reprsentations sociales et de prsupposs idologiques qui trouvent ainsi une occasion privilgie de sexprimer. Mais cette expression nest pas sans consquences, bien au contraire, car les problmes urbanistiques se voient surdtermins par des proccupations qui, de fait, les dpassent. Autrement dit, le logement individuel, qui pose la fois la question gographique et cologique de la priurbanisation, et la question sociologique de lindividualisme, est satur denjeux symboliques ; des enjeux dont lexplicitation me semble un pralable toute analyse raisonne12. Dj, dans les annes 1960 le sociologue urbain Henri Raymond se demandait pourquoi en France ce quil appellera plus tard la technostructure 13 avait fait en 1945 le choix du logement collectif alors que la socit affirmait majoritairement sa prfrence pour le logement individuel, et alors que, au sortir de la guerre, dans dautres pays dEurope occidentale, notamment en Grande-Bretagne et en Belgique, la reconstruction avait t mene principalement sous la forme de logements individuels ; lEurope de lEst, quant elle, construisant massivement du logement collectif. De mme, en 2000 fut vote la loi Solidarit et Renouvellement Urbains dont un des objectifs est de lutter contre ltalement, avec la consommation despace et dnergie quil induit. Le prambule de cette loi affirme vouloir

9. Certes le ministre de la Cohsion sociale J.-L. Borloo saffirme moins hostile au pavillonnaire qu labsence de mixit sociale, et sa proposition de maison 100 000 euros conduit de facto, tout comme le prt 0%, btir loin des centres. Mais dans le mme temps le ministre de lquipement multiplie les initiatives et les dclarations contre ltalement urbain. 10 Cest moi qui souligne. 11. Parmi les problmes relevant danalyses spcialises, on peut lister, de manire non limitative, ceux relatifs au foncier et limmobilier, la densit, aux VRD, aux transports, la mobilit, la bi-motorisation et laccessibilit aux emplois et aux services publics ou privs ; mais aussi ceux concernant lpargne et lendettement des mnages, les types de financement, aids ou pas, la place de lhabitat dans le projet familial et la stratgie sociale des familles, leur mode de vie, leurs modes de consommation et de distraction, leurs stratgies de distinction sociale 12. Une telle explicitation constitue une tche dune porte limite, certes ! Tche nanmoins ncessaire car lhistoire de lurbanisme montre combien peut tre dommageable pour la validit des amnagements le fait dassujettir des problmes proprement urbains des considrations politiques vis--vis desquelles, bien souvent, lamnagement est tranger et impuissant. 13. Le concept de technostructure , forge par la science conomique dfinit un agglomrat dintrts et de communaut de vue regroupant des lites conomiques, administratives et politiques, qui uvrent de manire convergente en saturant lespace dmocratique, cest--dire en imposant une pense dominante dlgitimant ceux qui ny adhrent pas.

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favoriser la densit et la compacit, et promouvoir la Ville et lespace public , conus comme des lieux gnrateurs de rencontres et de civilit. En fait, le texte de la SRU est assez ambivalent, jouant la fois darguments nouveaux, de type cologique ( la durabilit , lconomie dnergie et despace ) et darguments politiques plus traditionnels (la Ville comme lieu de participation citoyenne et dlaboration dun projet local). Mais ce quil y a de commun ces deux registres dargumentation dans la SRU, cest le fait, dune part quils indexent leur imaginaire sur une vision homogne et cohsive du social, et dautre part, quils vhiculent une vision spatialiste rapportant la densit des liens sociaux et civiques la densit du bti et des institutions publiques. On pourrait penser que lattitude lgard de la ville et du logement individuel priurbain reprend le clivage progressisme/conservatisme. Certes, il a longtemps exist un clivage entre modernistes et traditionalistes, les premiers admirant la ville, les seconds dfendant la campagne. Mais aujourdhui, notamment parce que lurbanisation quasi gnralise de la population, des modes de vie et des emplois rend obsolte la rcusation de la ville, la ligne de sparation sest dplace entre ceux qui sont favorables la ville compacte et dense, et ceux qui affirment leur prfrence pour la maison ou la manifestent simplement par leurs pratiques dans le priurbain. En fait, il apparat que la faon dont est pose la question du logement individuel reprend pour une part le clivage gauche/droite, concernant notamment le statut de la proprit immobilire. Mais, elle est aussi imprgne par un imaginaire supra-partisan : par le biais de la question de lhabitat individuel, il sagit de raffirmer la prvalence du politique, ou, tout au moins (cest notre hypothse principale) de tenter de lutter contre la perte de crdit social du politique.

Socit moderne, socit urbaine, socit individualisteRemarquons dabord quil y a un rapport privilgi entre le processus durbanisation et le processus dindividualisation. Depuis plus dun sicle les sociologies14 franaises, allemandes et amricaines notamment, associent fortement les deux phnomnes15. Cependant, de quelle urbanisation, dense ou bien tale, sagit-il ? Et de quel individualisme universaliste et participatif (i.e. rpublicain) ou bien gologique et soustractif (i.e. dmocratique) sagit-il ? Dans la tradition culturelle franaise et dans la palette des idologies qui y sont prsentes, comment se trouvent problmatises les relations entre les divers types dindividualisme et les diffrentes formes durbanisation ? Les rpublicains, (presque) orphelins de la matrice nationale et les progressistes ayant (presque) fait le deuil de lide de rvolution, se sont depuis peu et pour une part rabattus

sur la ville. Celle-ci symbolise pour eux la cohsion sociale et lordre public lgitime. Elle fournit limage de rfrence permettant de parler dune socit unifie par et autour des institutions publiques qui occupent tant topographiquement quimaginairement une position centrale et magntique, conformment au roman national. Si bien que sil y a un changement dchelle, la structure du discours politique perdure. De mme, lloge de la mtropole, de son cosmopolitisme et du mtissage des cultures quelle susciterait remplace linternationalisme et luniversalisme. La thmatique du droit la ville est alors mise en avant pour dnoncer en termes spatiaux les injustices sociales : lexclusion, la discrimination, la sgrgation. Dfendre la cause de la ville et de son urbanit, cest notamment dfendre la cause des nouveaux opprims relgus (Delarue, 1989). Ici la ville reprsente un idal de socialit et un modle de vivreensemble , du faire socit , qui est contre-point non plus par la campagne mais surtout par les cits HLM de banlieue, le pavillonnaire priurbain et par les divers modes de mises lcart, volontaires ou contraintes, lues comme des menaces communautaristes. Et, ce faisant, les traits distinctifs de la citadinit sont devenus positifs, cest--dire lmancipation individualiste, lanonymat, la diffrenciation pour chacun des sphres dexistence, la pluralit des rles sociaux et la rflexivit (Delarue, 1989). Pourtant la vie citadine fut pendant longtemps considre comme dtestable, tant par les conservateurs que par les progressistes, puisque associe lesprit bourgeois (au deux sens du terme : citadin et possdant), et par consquent elle tait cense renforcer la marchandisation, lexploitation, lalination, la superficialit et lamoralit16. Bref, la ville anciennement regarde avec mfiance par les adeptes dun tat fort (Ascher, 1998, Wachter, 2001) est depuis peu devenue synonyme de progrs et autorise la raffirmation dun idal de perfectibilit de lhomme. Cet idal sexprime ainsi : lhomme est naturellement bon mais corrompu par lamour-propre et par lenvie. Selon JeanJacques Rousseau, la ville favorise ces travers : Paris est pour lui la capitale du luxe, de la frivolit, de la concupiscence Bref de lgosme individuel. Et cest contre ces vices privs que la vertu publique doit sriger. Mais comment donner consistance cet ordre salutaire sans une ferme volont politique ? Ce fut la nation, fruit tant de lhistoire que de la raison

14. Rappelons qu lorigine de la pense sociologique se trouve linquitude devant la destruction des appartenances et des solidarits traditionnelles entrane par les rvolutions politique, industrielle et urbaine du XIXe sicle. 15. Ainsi, par exemple, Louis Wirth dfinit la ville comme un tablissement dense et permanent dindividus socialement htrognes et il prcise que plus une communaut sera nombreuse, dense et htrogne, plus seront accentues les caractristiques associes au phnomne urbain (Grafmeyer, Joseph 1984, p. 260). 16. De Marx Zola, on trouve de nombreuses marques de la dtestation progressiste de la ville, symbole de lordre bourgeois.

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Edward Hopper, Cape Code, Evening

qui un temps incarna cet ordre politique salutaire. Mais lheure o la nation reste entache par les drives nationalistes de la premire partie du XXe sicle et o la dcentralisation en bas, leuropanisation en haut laminent le principe national lui-mme, quel oprateur social-historique peut bien tre capable dune telle mission ? Pour le dire autrement, la pense progressiste procde dune conception artificialiste et promthenne du monde, dans la mesure o le monde humain et social est compris en tant que construction ne devant rien ni la nature naturelle ni la nature humaine qui conduit la jungle sociale. Mais cet artificialisme a besoin pour exister dun modle permettant de figurer un ordre collectif positif et une volont politique instituante. Or, aprs lclipse de la nation et de lindustrie, sur le march des ides et des images strotypiques, il y avait peu de substituts disponibles. Si bien quau cours des annes 1980-1990 on a entendu des propos faisant de la ville, objet artificiel sil en est, le creuset de la civilit , de la citoyennet , de lesprit public , de la civilisation . La grande ville, la vraie, dense et cohsive, celle qui nest ni la banlieue ghetto, ni lurbanisation tale, ni les lotissements scuriss, a ainsi t rige au statut de nouveau grand acteur (go)politique sur la scne de lhistoire : combien de discours, par exemple, sur le fait qu lheure de la mondialisation les mtropoles , les Global Cities seraient les moteurs de la culture et de lconomie du monde contemporain ! Bref

aujourdhui, pour ses adeptes, lide de perfectibilit de lhomme nest plus gure rfre qu la ville17. Les urbanistes se sont empars avec empressement du nouveau statut politique attribu la ville. Cela allait dans le sens de leur culture professionnelle qui, en France, les conduit souvent se dfinir comme des techniciens de lintrt gnral18. ce titre, ils se disent opposs lhabitat pavillonnaire puisque celui-ci leur apparat contradictoire celui-l. Une telle conception senracine dans limaginaire rpublicain port par les institutions publiques en gnral, qui accuse les intrts individuels et locaux dtre toujours limits, partiels et partiaux, cest--dire contraires au bien commun19. Pour les techniciens du public il sagit daffirmer un projet de socit valide pour la collectivit dans son ensemble, sans que certains, ne soient exclus et restent sur le bord de la route (argument rcurrent de la politique de17. Bien quau cours des annes 1990 elle ait pu tre rfre une utopie de la communication lectronique, devant abolir les frontires et projeter les individus de manire ubiquitaire et galitaire dans le grand rseau plantaire. 18. Cf. P. Rosanvallon (2004) sur la gnralit utopique . 19. linverse, dans la tradition politique aujourdhui majoritaire dans lUnion europenne, la notion de bien commun , en ce quelle se diffrencie de la notion dintrt gnral , se conoit non comme le dpassement des intrts multiples, mais comme leur association.

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ser la civilit et permettre, par interaction, intersubjectivit et intercomprhension, lacculturation des citadins-citoyens aux liberts des Anciens. La coprsence des diversits est cense garantir le mtissage et la concorde, favoriser le lien social voire la civilisation (Castro, 1994) cest--dire nous prmunir contre une socit de march 23. Si bien que cette ville serait linstrument par lequel saccomplirait limplication de tous dans les affaires de la Cit. Pour le dire autrement, la ville incarne aujourdhui (faute de mieux, peut-tre) le Tout qui est pens suprieur la somme des parties. Elle reprsente cet ordre gnral qui arrache les individus la proximit enfermante et aux liens hrits, qui dracine les particularismes religieux, ethniques, coutumiers, familiaux Elle est cense transfrer les sujets, non plus dans labstraction mi-motionnelle mi-rationnelle de la nation, mais au moins dans un milieu concret o rgnent les valeurs collectives (celles de la Polis). La ville, en tant que nouvelle entit supra-individuelle doit produire ainsi deDR

David Hockney

la ville), et sans que dautres, fuyant les charges collectives comme on peut fuir ses responsabilits, ne cherchent se regrouper et se protger de manire singulire et privative (argument pour dnoncer les gated communities). Mais pour faire de la ville dense la figure incarnant lintrt gnral, il a fallu la dsindexer de lindividualisme bourgeois quelle reprsentait auparavant. Pour cela les urbanistes et les intellectuels urbanophiles ont ractiv implicitement une vieille distinction entre deux individualismes : lun positif, citoyen, ouvert, urbain et citadin, rfr lindividualisme universaliste abstrait de la citoyennet. L la ville, cadre intersubjectif par excellence, devient linstrument dun panouissement du je , tre de raison et de volont. Lautre, ngatif et isolationniste, est associ au priurbain qui enfermerait frileusement les personnes dans leur moi , tre de passion et dgocentrisme20. Cette distinction reprend en fait les deux conceptions classiques de la libert individuelle. Benjamin Constant sparait la libert telle que la dfinissaient les Anciens, cest--dire une libert de participation lordre collectif (les liberts publiques et civiques de tradition antique et rvolutionnaire qui, durant le XXe sicle, furent associes aux droits sociaux), et la libert des Modernes, cest--dire une libert dautonomie, de soustraction (Revault-dAllonnes, 2002), de dfiance (Rosanvallon, 2006), de non altration de la sphre prive par lordre public21. Dans cette perspective, lhostilit rcurrente des doctrines urbanistiques envers lhabitat pavillonnaire et priurbain, cens rpandre et conforter les proccupations scuritaires et le repli sur soi, semble procder en fait dune rcusation politico-morale de la libert des Modernes cest--dire du libralisme, de lutilitarisme et de lconomie de march22. linverse, la coexistence dans la ville dense devrait favori-

20. En fait les choses sont plus compliques car si la doctrine rpublicaine, qui promeut lindividu en tant que sujet politique devant tre en relation immdiate et sans mdiation avec ltat, et ce titre est philosophiquement librale et dmocratique, elle est aussi illibrale et holiste (Rosanvallon). En effet, elle se mfie de la singularit et de lgosme individuels et veut faire prvaloir la collectivit sur lindividu, le politique sur le social, ltat sur la Socit civile, luniversel sur le particulier. Ainsi Rousseau contrepointait lamour-propre , fermeture sur soi, et lamour de soi , partir duquel on souvre aux autres et la communaut. Le problme dune telle distinction, est quelle na de consistance thorique et de crdit social-historique que dans la perspective rationaliste. Cette doctrine la fois hritire de la conception catholique du salut assur par lobissance de chacun et de tous lInstitution salvatrice (ltat reprsentant la figure lacise de lglise) et de la conception humaniste de lipsit (chaque tre humain est singulier et irremplaable) tait tenable dans une perspective de marche gnrale vers la lumire. Or, un ge o la mythologie rationaliste et progressiste est altre, lidalisation de la subjectivit, potentiellement oriente vers le bien commun, devient improbable. La subjectivit redevient alors un soi aline (laltermondialisme, la gauche radicale reprenant ce type danalyse marxiste), ou un soi introdtermin (Riesman, 1992), gologique (Gauchet, 2005), autorflexif (Giddens, 1994) De sorte quil conviendrait de distinguer entre les thories du sujet, de la personne et de lindividu et la place que chacune attribue aux relations de lhomme singulier son environnement 21. LHabeas Corpus autant que le droit naturel nourrissent la thmatique des droits de lhomme, qui sinscrit en faux par rapport lide rpublicaine de souverainet selon laquelle la loi supplanterait les droits. De sorte que le triomphe de cette thmatique depuis une gnration contribue en France laffaiblissement du politique puisque ce dernier procdait traditionnellement dune conception minemment souverainiste. 22. Le cas est particulirement frappant dans luvre de Pierre Bourdieu, car ses analyses de lconomie de la maison (ARSS, 1990) et de lalination par la proprit individuelle qui en dcoule, inaugurrent la dnonciation du capitalisme qui caractrisa ses derniers travaux. 23. Si on reprend la fameuse distinction propose par L. Jospin entre lconomie de march , laquelle il se ralliait et la socit de march , quil rcusait.

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lidentit politique ; cest--dire la seule identit (o la part de lidentique entre les sujets est privilgie sur la part de singularit de chaque individu) lgitime selon la doctrine rpublicaine24. Selon cette perspective, le retour du particulier, de lindividualisme concret, tel quil sexprimerait dans et par le pavillonnaire ne peut que faire injure cette doctrine. On a cependant envie dobjecter que faire de la ville dense et centripte un barrage contre la socit de march est pour le moins paradoxal dans la mesure o les centres urbains sont largement les lieux de dploiement du consumrisme hdoniste des bobos (Brooks, 2000), qui constituent eux-mmes la pointe avance du relativisme culturel rcusant le rigorisme rpublicain. Si bien que faire de la ville compacte un condens de la plus grande diversit dans la plus grande densit est hasardeux, dans la mesure o cette ville, souvent musifie et gentrifie , devient quasi monofonctionnelle et que la socialit y est soumise au commerce et aux loisirs marchands.

La ville : facteur de socialisation ou dindividuation ?

En fait, il existe une forte tension entre, dune part une tendance culturelle prgnante dans le monde occidental qui, fait rimer dmocratisation et individuation, cest--dire qui associe espoir dmancipation, revendication dautonomie et de libert individuelles et, dautre part, un modle de solidarit et de justice sociale qui, dans la tradition rpublicaine, reste index une vision en thorie universaliste et galitaire, en pratique homogne et normative de lordre public. Cette dernire vision peroit lindividualisme en tant que valeur et en tant que pratique comme un ferment de dsagrgation sociale et une atteinte au projet dgalit. Mais lvolution de notre socit et de son organisation conomique vers plus dautonomie individuelle (Boltanski, Chapiello 1999) et de flexibilit organisationnelle et productive (Cohen, 1998), cest--dire la monte de la sous-traitance, des dlocalisations, des drglementations, de la dsintgration verticale des firmes, de la prcarit et de leffritement du statut salarial (Castel, 1999), ne renouvelle-t-elle pas fondamentalement les problmatiques ? De mme, les facilits offertes par les nouvelles technologies surindividualisantes (internet, programmes de tlvision la carte, tlphone et ordinateur portables, mais aussi cuisine surgele pr-proportionne, micro-ondes) entranent la diffraction des pratiques spatiales et permettent aux aspirations individualistes de se raliser. Plus globalement, on assiste partout un largissement et un approfondissement du sentiment de soi, dj en marche au XIXe sicle, mais limit llite culturelle, et contre un temps par les grandes idologies et le nationalisme (Gauchet, 2005) et, corrlativement, un affaiblissement des appartenances collectives, tant nationales que fami-

liales, religieuses et statutaires (Singly, 2005a, 2005b, 2007 ; Kaufmann, 2007a, 2007b; Lahire, 2006a, 2006b). Cette extension des valeurs individualistes rend partielle, phmre et circonstancie ladhsion de chacun un groupe ou une ide. De mme, la notion dallgeance du sujet un collectif englobant et identificatoire se vide de sens25. De bas en haut du spectre social ce phnomne fait sentir son impact. Sur les catgories aises, bien sr, qui assurent la dfense et lillustration des valeurs librales-libertaires, et pour lesquelles le cadre urbain central est un atout, mais galement sur les catgories dmunies, prcarises ou exclues, dont la nonappartenance ce qutait hier la classe ouvrire renforce le sentiment de dpossession (Guibert, Mergier, 2006). Il semble que les tendances en cours dans lensemble du monde dvelopp vont se poursuivre. Elles relvent dune logique dautonomisation individuelle, de dsynchronisation et de dstandardisation relative des modes de vie. Il dcoule de ces tendances que le sens et le statut de lespace physique, notamment architectural et urbain, changent. Ce faisant, les causes matrielles autant que les raisons intellectuelles sur lesquelles se fondait lhostilit lurbanisation pavillonnaire perdent une part de leur pertinence. Ainsi, la conception de lespace urbain en tant quoprateur dintgration socio-politique, sur laquelle tait tablie cette hostilit, ne se trouve-t-elle pas aujourdhui pour une part invalide par les mutations culturelles et socio-conomiques ? Une faon de prendre du recul par rapport aux prsupposs politiques qui simposent au dbat urbanistique peut tre trouve chez le professeur Jean Remy. En 2005, dans un ouvrage collectif, il insistait sur la ncessaire articulation entre la culture de la demeure et lexprience de la ville , notamment parce que la premire correspond, selon cet auteur, aux besoins fondamentaux dautonomie, de calme, de scurit et dappropriation, revendiqus par les individus et les mnages, qui sexpriment souvent par une prfrence pour une maison individuelle . Selon cette perspective il conviendrait de penser la question non en termes dopposition mais de complmentarit. Loin de cette problmatique, largumentaire de lhostilit envers lurbanisation pavillonnaire (Crouzel, 2005) entremle le point de vue politico-moral et le point de vue tech-

24. Nous avons pu montrer par ailleurs (Genestier, Ouardi, Rennes, 2007) comment la rhtorique de la politique de la ville fond et confond le lexique de la ville et celui de la rpublique : en mobilisant ltymologie, elle utilise simultanment les vocables cit , civilit , urbanit , espace public au sens propre et au sens figur, comme si un lien dengendrement rciproque de lordre urbain et de lordre politique existait ncessairement. 25. Remarquons pourtant que la construction de lidentit collective sur un territoire identificateur et mobilisateur constitue un objectif rcurrent de laction politique actuelle, montrant ainsi que le personnel politique ne parvient pas apprhender les logiques culturelles en cours et quil conserve une conception de la socit comme un corps politiquement unifi et continue percevoir les gens comme une entit rendue homogne par le simple fait de rsider dans un mme espace.

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nico-colo-budgtaire (alination conomique, surendettement des mnages, absence douverture culturelle, pessimisme social, communautarisme, misanthropie, xnophobie, rflexe scuritaire et vote dextrme droite, aussi bien que gchis de terres agricoles, utilisation sous-optimale des quipements publics, surcot dinfrastructures et de rseaux, atteinte lcosystme, dpendance automobile, production de gaz effet de serre, surconsommation de ressources nergtiques non renouvelables). En fait, tous ces arguments entendent faire prvaloir lordre social et lorganisation institutionnelle en dvaluant la capacit darbitrage rationnel des mnages et en dnonant leur libre-arbitre en matire de type et de localisation de leur domicile (un libre-arbitre toujours sous contraintes, bien sr). Ici rien de nouveau puisque la doctrine juridique sur laquelle est fonde lurbanisme dcoule en ligne directe de limaginaire rpublicain. De sorte que les techniciens de la gestion du social se prsentent souvent comme tant au service de la communaut des citoyens (Schnapper, 1994) et tablissent les rfrentiels de leur action non en fonction de la diversit des besoins ou des aspirations constatables mais en fonction de leur conception du devenir souhaitable pour lensemble de la communaut. Dans le domaine territorial, cette dmarche a conduit lexprimentalisme architectural et urbanistique, la volont des pouvoirs publics de rompre avec les modes dhabiter et les formes de socialisation ordinaires, pour promouvoir un espace physique et social corrig et correcteur (ainsi quand on discute avec des techniciens de lamnagement et de la construction publiques, ceux-ci aboutissent rgulirement lide quil conviendrait dapprendre aux gens circuler, habiter la ville ou leur logement). De fait, la question de lhabitat et des agglomrations urbaines se trouve souvent engage dans des dbats qui

portent sur lintgration et la solidarit sociales , lgalit citoyenne , la dignit des personnes Ce faisant, cette question sert raffirmer les idaux dune manire plus opratoire et moins thre que dans des discours de principe. Autrement dit, cest prcisment lheure o les conditions dacceptabilit sociale et culturelle de la doctrine rpublicaine (au sens de jacobin et rgalien) samoindrissent (les tudes sur lindividuation des valeurs et des croyances en attestent), que les questions urbaines sont instrumentalises par les pouvoirs publics pour redonner quelque vigueur cette doctrine via la concrtude quapporte la thmatique de la ville et de lhabitat. Mais dans le mme temps la crise de crdibilit de lautorit institutionnelle (Dubet, 2002 et Renaut, 2004) transparat au travers de la monte des recours des associations de dfense de lenvironnement et des mouvements de rsistance des riverains contre les oprations damnagement. Cest le syndrome NIMBY (Not in my back yard) qui se radicalise souvent en un Nothing, Nowhere for Nobody port par les No Growth Coalitions, cest--dire des coalitions dintrts locaux ponctuellement mais intensment mobiliss, aux tats-Unis comme en France, pour faire chec toute opration damnagement susceptible doccasionner une densification et un accroissement de la pression fiscale. La loi franaise du 13 juillet 2006 limitant les recours contentieux contre les oprations damnagement, et linscurit juridique26 qui en

26. Il est dailleurs intressant que cette notion dinscurit juridique , utilise lorigine pour dfendre les particuliers et pour protester contre les atteintes au droit de proprit par lurbanisme (Bachoud, Chazoule 1999 et Que choisir, 2002) ait t retourne par les pouvoirs publics afin quelle sapplique la situation des amnageurs et des investisseurs.

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dcoule, marque lacuit de la question. On peut condamner la tendance au dveloppement de lindividualisme, notamment quand elle dtermine les urbanisations contemporaines, comme le firent les numros Quand la ville se dfait et La ville trois vitesses de la revue Esprit. Mais, comme ces numros le font remarquer eux-mmes, la ville centrale nest pas en reste en la matire : quest-ce que la gentrification des quartiers historiques et des faubourgs, si ce nest le fait quils soient gagns par des valeurs conomiques et culturelles faisant de lindividu autonome le personnage principal de la pice en train de se jouer ! De sorte que la ville dense voue la culture, au commerce anomique, la classe crative (Florida, 2002, 2005), cest--dire la mtropole des individus comme lappelle Alain Bourdin (2006), nest pas moins individualogne que le priurbain. Il y a une diffrence tout de mme : lindividualisme gentrifi des couches sociales conomiquement et culturellement nanties est politiquement lgitime, notamment quand il saccompagne dun discours sur la crolisation, la mixit (mais dans les quartiers en transition la mixit nest que provisoire et en sursis), alors que lindividualisme priurbain dvelopp pour une large part, en France notamment, par des groupes sociaux plus modestes et parfois en panne dascension sociale, apparat fort suspect27 voire tout fait rprhensible car peu propice la mixit sociale. Le travail pionnier dric Charmes (2005) sur la question montre bien la diversit des situations et des expriences vcues de ce type dhabitat, et surtout le systme de contraintes et darbitrage complexe qui a conduit les mnages rsider dans le priurbain. De plus, la condamnation politique et morale de lindividualisme, et du logement individuel qui en serait la fois le terreau et le fruit, est dun intrt pratique limit puisque, sauf faire de lespace physique une des causes majeures des phnomnes sociaux, lindividualisme constitue la simple consquence cognitive de relles mutations techno-conomiques et du dploiement dun corpus de reprsentations et de valeurs qui se rpandent massivement28. Peut-tre alors serait-il plus pertinent de chercher percevoir quelles sont les tendances globales qui se dveloppent et, en fonction delles, de tenter de penser les marges daction possibles qui se dessinent. Le refus par les No Growth Coalitions des oprations damnagement sexplique la fois en termes de mutation dmographique et conomique. Ainsi, le vieillissement de la population impose des proccupations de scurit et de qualit environnementale, alors que la sphre productive est marque par la concurrence mondialise, par la croissance de la production immatrielle et par la prvalence de la demande sur loffre. Dans un tel contexte conomique les investissements publics dans les infrastructures ne comptent gure29. En termes culturels, il faut retenir galement laccroissement considrable du niveau ducatif de la population, les dsirs dautonomie des individus et des groupes (revendications particularistes, rgionalistes, participatives), laffirma-

tion de la socit civile et de ses capacits propres de contreexpertise (Rui, 2004) Tous ces facteurs rendent douteux le modle de la communaut fusionne par et autour dune autorit publique tutlaire (que cette dernire sexprime lchelle nationale ou lchelle urbaine).

Lespace de proximit : besoin de flexibilit et recherche de rduction des incertitudesSi dans lhistoire la proprit dun bien immobilier a toujours constitu une assurance pour des futurs incertains, quand les assurances sociales advinrent (apportant des garanties socialises contre la maladie, les accidents, la perte de travail, la vieillesse), il sembla moins crucial de possder un bien soi. Ainsi, durant les Trente glorieuses un sens nouveau fut attribu lespace, de sorte que le logement en location et lappropriation publique du foncier soulevrent peu de rsistances. Mais les trois dcennies qui suivirent que N. Baverez (1998) a appel les Trente piteuses furent marques par la flexibilit. Celle-ci se rpercute dans le domaine urbain via lindividualisation des temps et des lieux de travail, ainsi que des rmunrations, conduisant les personnes lextrieur comme lintrieur des mnages, une pluralisation des rythmes de vie et un polymorphisme des pratiques de lespace, cest--dire un dcrochage par rapport aux cohortes sociales dantan. Ainsi les mnages choisissent (quand ils en ont les moyens, mais pour ceux qui ne les ont pas les aspirations ne sont pas diffrentes) de manire slective leurs voisins afin dhabiter entours de semblables en proportion suffisante pour produire un cadre rsidentiel scurisant30. De plus, le mode de production flexible impose des apparie27. Les analyses du vote Front National dveloppes par le dmographe Herv Le Bras et le gographe Jacques Lvy au lendemain de chaque lection dans le journal Libration illustrent bien cette position. Ces analyses en effet passent vite de la corrlation la causalit, faisant de la rsidence priurbaine le facteur principal dexplication du vote pour J.-M. Le Pen et pour son parti. 28. On sait par ailleurs quelles drives ont pu conduire au XXe sicle en Occident les protestations contre lindividualisme bourgeois (F. Furet) et quelle part cette mme attitude a chez les intgristes religieux contemporains. 29. Lhistoire des civilisations (Toynbee, Wittfogel) a montr limportance des travaux hydrauliques (endiguement et irrigation) dans la constitution des pouvoirs forts et dans laffirmation de leur lgitimit, en Asie, dabord, mais peut-tre aussi en Hollande, pourtant patrie de la tolrance. Dans une moindre mesure, F. Braudel a insist sur lunification territoriale comme source et moyen daffirmation de ltat central franais. Mais, a contrario, on peut se demander si la perte de limportance fonctionnelle et structurelle de lamnagement territorial nest pas le corollaire de laffaiblissement de lautorit politique. 30. Un tel processus dagrgation des prfrences et des ressemblances lie intimement march immobilier et offre scolaire, au point de faire de lapplication de la carte scolaire un puissant facteur de tri social des lves et des habitants des quartiers.

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ments lectifs (Cohen, 1996), des relations tries afin doptimiser les opportunits dans un contexte dalas. Le dveloppement du tltravail, de lassociation de comptences en free lance sur opration ponctuelle ou bien la rorganisation interne des firmes selon une gestion par projet associe aux technologies du bureau partag , constituent un mode de sociabilit professionnelle et dexercice des mtiers qui na plus voir avec le monde du statut (Iribarne, 2006) et de lentreprise structurant lespace-temps autour delle. Quand la mixit refltait le spectre social des salaris dune mme firme, les mcanismes didentification de classe et de contrle social taient suffisamment forts pour quelle ne soit pas ressentie comme de la promiscuit. Mais quand lusine disparat et quand le mode de vie salarial est dstructur, alors lenvironnement quotidien est devenu incertain et donc inquitant. Ce qui explique la dsaffection massive lgard des grands ensembles HLM par ceux qui peuvent en partir, mais aussi, linverse, une part de lattrait pour le priurbain, plus contrlable que les quartiers centraux. Par ailleurs, entre les manipulateurs de symboles (Reich, 1997), grands consommateurs des amnits des centres villes, et les couches sociales exclues et prcarises, il existe une catgorie sociale naspirant pas moins que la catgorie la plus aise disposer dun cadre spatial favorable au dploiement des diverses activits des membres composant le mnage, mais ne disposant pas des ressources financires pour se localiser en centre ville. Pour elle la solution est alors soit de rsider en priphrie, soit de dtourner des surfaces disponibles plus proches du centre : les lofts avant dtre une mode ont constitu un choix en faveur de la quantit despace, tmoignant ainsi du fait, quen matire dhabitat, lappartement classique (en immeuble haussmannien ou en HLM, lun et lautre calibrs sur le mode de vie salarial, qui disjoint notamment la sphre professionnelle et la sphre domestique) nest plus adapt au mode de vie actuel. Ce quont en commun la maison individuelle en priphrie ou la maison de ville et le loft des faubourgs, cest quils rpondent la demande de surface des mnages qui nont pas les moyens daccder aux trs grands appartements bourgeois des centres historiques. De sorte quil convient de ne pas confondre une attitude de simple adaptation au march et une attitude pro ou antisociale. Il y a de fait pas mal dethnocentrisme dans le dnigrement par nombre dintellectuels et durbanistes du pavillonnaire samsuffit et Bidochon . Si le volontarisme des annes 1960, qui a voulu btir pour le plus grand nombre une forme standardise durbanisation, strictement adapte au mode de production et de consommation en vigueur alors, a pu apparatre comme une uvre en faveur de la moyennisation sociale, et donc en faveur de lentre de larges parts du corps social dans lre du progrs, cela peut-il tre encore le cas aujourdhui ? Peut-on penser que linstauration dun espace urbain (aussi dense et homogne serait-il) fera advenir le plus grand nombre une modernit socio-conomico-culturelle entendue de manire

univoque et galitaire ? A lheure de la socit post-industrielle (Cohen, 2006) et de la complexit sociologique (Luhmann, 1999), lespace ne peut plus tre considr comme un oprateur dintgration sociale et ddification de lordre collectif, dans la mesure o ce qui fait intgration aujourdhui31 ne relve plus dune identit fixe et partage, inscrite dans un territoire dappartenance structur par les quipements publics et les industries (si celles-ci ne le firent jamais). Elle ne dcoule pas non plus dune conformit de lespace aux normes dquipement, comme lpoque de la grille Dupont, ou aux normes de la socit salariale32, comme durant les Trente glorieuses, mais au contraire relve du processus, de ladaptation, de la connexion. Lespace acquiert alors une nouvelle signification et une nouvelle fonction. Dans un systme marqu par la prcarit, il retrouve sa fonction initiale de rducteur des incertitudes. Il reprend son office ancien, qui en faisait une ressource physique (Navez-Bouchanine, 1998) permettant aux individus de dployer des tactiques empiriques de contournement, de repli, voire de fuite (Remy, Voy, 1983, p. 153), cest-dire de matrise de leur environnement immdiat ou de prise de distance lgard des injonctions sociales et conomiques qui sont devenues autant des menaces que des promesses. des degrs divers, certes, chacun frquente alternativement les offres culturelles et les services marchands du centre ville (constitutif de lespace haute lgitimit selon la formulation de J. Remy) ou des centres commerciaux priphriques (Chalas, Dubois-Taine 1997), mais aussi les espaces haute opacit et haute permissivit que constituent leur logement, leur jardin, leur atelier ou leur soussol o ils se livrent leurs occupations particulires. Ainsi, tout un chacun aspire disposer dun surplus despace pour des pratiques culturellement peu lgitimes : entreposage, rcupration, bricolage (au point que le bricolage constitue lun des premiers secteurs conomiques nationaux). Le succs des vide-greniers, par exemple, rvle limportance de la culture populaire, faite de dcalages et de contournements, qui contre-pointe les codes culturels habituels et les normes de la distinction sociale33. Dans le contexte prsent, lespace rsidentiel compte alors moins par sa qualit et sa conformit aux critres socio-institutionnels que par sa quantit,

31. J. Habermas (2001) parle pour le prsent dintgration systmique , quil oppose lintgration sociale dhier. 32. Lchec des grands ensembles HLM et des vingt-cinq annes de rhabilitation ne doit-il pas tre lu comme la preuve de linadaptation structurelle dun espace rsidentiel strictement calibr sur les normes de la socit industrielle salariale et incapable dvoluer ? 33. La notion de vide-grenier elle-mme est intressante si on la resitue dans la perspective bachelardienne de la potique de lespace : le grenier que certains vident en vendant leurs vieilleries se remplit chez dautres de ces vieilleries quils achtent. Dans tous les cas il sagit de se confronter lespace, qui manque ou qui est mal amnag, tout en contournant les solutions immdiates et onreuses quoffre le march.

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cest--dire par la surface disponible pour sadapter aux volutions de la vie des mnages : hbergement des jeunes adultes, travail domicile, mise compte et cration dentreprise Paradoxalement, si pour les urbanistes le logement individuel est antinomique du concept de dveloppement durable, pour nombre de mnages prcariss ou craignant de ltre, ce type de logement reprsente un amortisseur, cest--dire un facteur de durabilit34 (un facteur modeste, certes, mais lespace physique ny peut pas grand chose).

Le drglement climatique : un argument massue ?Si lhostilit lurbanisation pavillonnaire, traditionnelle dans la pense urbanistique, a pu trouver des fondements politiques et moraux, ainsi que des accrditations socio-conomiques temporaires lpoque de la modernisation fordiste et keynsienne, le passage contemporain un ordre socioconomique postmoderne fait disparatre une part de ces bases. Si les acteurs sociaux y trouvent une bonne raison, comment limiter le dveloppement de ce type durbanisation? Sur quels fondements peut-on, mieux que les acteurs sociaux eux-mmes, arbitrer entre les contraintes multiples dans le choix de leur mode de rsidence ? Bien sr, il existe aujourdhui le raisonnement en termes de dveloppement durable, de lutte contre la pollution, de changement climatique et dconomie dnergie. Cependant, sauf se placer dans la perspective cataclysmique qui imposerait un techno-fascisme cologique plantaire, il sagit en grande partie dimpratifs qui ne se traduisent pas de manire claire et directe dans lamnagement, prcisment parce que la mobilit gnralise et lexigence dadaptation rapide des activits lchelle des mtropoles simposent aux entreprises comme aux individus. Ceux-ci sont pris dans des relations multiples qui produisent une mme quantit de dplacement quel que soit le type durbanisation35. De mme, des tudes rcentes montrent que la consommation nergtique des logements intra-urbains est suprieure aux logements priurbains ou que le bilan nergtique sur lanne des rsidants des centres villes est suprieur celui des habitants en banlieue. Bien sr pour expliquer ces rsultats inverses ceux esprs il y a des facteurs lis la vtust du bti, au pouvoir dachat des mnages, leur mode de vie, la place des activits de travail ou de loisir dans leur emploi du

temps Et ces facteurs sont eux-mmes volutifs en fonction des cots de lnergie et de la rglementation. Mais dans une socit qui nest plus organique et o ne rgne plus le principe dautosuffisance, la raison dtre de la ville est justement de mettre en rapport des offres aussi nombreuses et varies que possible. Comme par ailleurs chacune de ces activits et de ces fonctions ont de bonnes raisons (accessibilit, dveloppement extensif, adaptation de son espace propre ses exigences fonctionnelles, synergie, scurit cest--dire tout ce qui motive la ville mergente ) de se regrouper sans sagglomrer densment, ce serait nier la raison dtre du fait urbain que de vouloir limiter les dplacements. De ce point de vue, on peut affirmer que le modle de la ville compacte, oppos lurbanisation pavillonnaire, constitue plus une vision la fois nostalgique et dtermine par des enjeux idologiques quune proposition technique adapte la socit contemporaine. De sorte que le discours officiel contre ce type durbanisation semble rpondre principalement une proccupation de rsistance symbolique de la vision rpublicaine face au dploiement de la logique dmocratique (Debray, 1998). Or, en dmocratie, les proccupations politiques et morales ne font pas progresser leur cause quand, sur un domaine particulier de la vie sociale, elles entrent en contradiction directe avec les tendances sociales et culturelles qui dterminent ce domaine, car elles se condamnent ntre quincantatoires. De plus, la rsolution concrte des problmes urbains a-t-elle quelque chose gagner dans une formulation de part en part politique ou morale? Une telle formulation ne contribue-t-elle pas assigner lurbanisme des objectifs inatteignables, voire le conduire tenter dimposer des mesures socialement inadaptes ?

34. Bien sr laccs la proprit cre du surendettement chez certains mnages qui avaient mal valu les risques demprunter, mais cest lemprunt quil faut incriminer ici plus que le type dhabitat, sauf quand celui-ci impose aux mnages davoir deux voitures. Mais lloignement des centres est souvent plus d au malthusianisme foncier des communes qu la volont des mnages. 35. Dj en 1960 on avait constat que lquilibre initial emploi/rsidence dans les villes nouvelles du Grand Londres, navait pas fait diminuer le nombre de dplacements cause de lvolution des carrires, de la sparation des couples et de la diversit des activits des habitants de ces villes.

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Biographie Philippe Genestier, urbaniste en chef de ltat, effectue des recherches en sociologie et pistmologie de lamnagement au sein du laboratoire RIVES, ENTPE/CNRS (UMR 5600). [email protected]

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