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Merci Christian de continuer à nous offrir un journal de société aussi riche et instructif. Le Président d’une année que j’ai eu le privilège d’être se félicite de la qualité de ce que tu fais à la suite de Jean-Claude Pouliquen. Mes amis (e), il est indispensable que cette année un Rédacteur en chef adjoint se propose pour perpétuer « notre Gazette ». Ce numéro va nous faire progresser dans l’Ostéogenèse Imparfaite, pathologie si spécifique de notre spécialité, si difficile à soigner et à vivre pour nos fragiles patients. François Fassier et Georges Finidori sont 2 des grosses pointures internationales concernées par cette pathologie. Nous pouvons nous enorgueillir, ils sont français, grands chirurgiens, inventifs, grands humanistes. Que de temps faut-il donner pour s’occuper de ces enfants et de ces familles. La prise en charge a considérablement progressé, le traitement médical indispensable a été bien établi par le Dr Glorieux, compère de François et Geneviève Baujat va vous en donner les bases en plus de l’aspect génétique si important pour les développements futurs. Nous avons là un bel exemple de l’amélioration de nos prises en charge par le regroupement de toutes les compétences au sein de certains centres de référence incontournables. La chirurgie a progressé, reposant sur l’enclouage. L’évolution des clous de Dubow et Bailey à Fassier et Duval est intéressante, mais on voit à travers nos résultats que ces traitements restent difficiles. Vous pour- rez trouver tous les trucs et astuces de ces techniques qui ne seraient pas sans l’habileté et la douceur de ces 2 grands chirurgiens. La chirurgie du rachis a évolué et c’est elle qui permet aux plus atteints de ces enfants de survivre par le maintien de leur fonction respiratoire. Ce numéro donne la parole aux extrêmes de notre spécialité : - Jean-Claude Rey, l’ancien, revisite l’opération de Dunn qui a aujourd’hui un regain d’intérêt surtout pour nos épiphysiolyses instables. Avec une cer- taine émotion je remercie Jean-Claude qui est une mémoire de l’orthopédie pédiatrique française et a été un pion- nier pour montrer que cette spécialité est praticable à haut niveau en dehors des hôpitaux universitaires à condition d’avoir une équipe et des structures, ce qu’ils avaient su créer avec Jean Mallet. - Tristan Langlais qui nous donne des re- gards croisés sur la réforme du 3 ème  cycle bien présentée par Joël Lechevallier notre efficace et vigilant Président de CNU. Cette réforme inquiète, mais elle fait partie de la mutation dans laquelle nous sommes engagés. Il faut bannir de nos pensées et de nos paroles « de mon temps... ». L’avenir est devant et sera fait efficace- ment et brillamment par nos élèves et nos enfants avec de nouvelles données organisationnelles et sociétales. C’est une année de présidence riche qui s’achève pour moi. Merci à toutes celles et tous ceux qui donnent à notre société si dynamique, respectée et sympathique. Pr. Christophe Glorion octobre - novembre 2016 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours Bureau de la SOFOP Président : C. GLORION - 1 er Vice-Président : J. COTTALORDA - 2 e Vice Président : B. DE BILLY Ancien Président : P. LASCOMBES - Secrétaire Général : P. WICART - Trésorier : F. ACCADBLED - Représentant SOFCOT : J-N. LIGIER Membres du Bureau : P-L. DOCQUIER, B. DOHIN, R. GOURON, T. HAUMONT, F. LAUNAY la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée à partir de votre ordinateur via notre adresse www.livres-medicaux.com Fondateur J.C. POULIQUEN † Editorialiste H. CARLIOZ (Paris) Rédacteur en chef C. MORIN (Berck) Membres J CATON (Lyon) P CHRESTIAN (Marseille G FINIDORI (Paris) J L JOUVE (Marseille R KOHLER (Lyon) P LASCOMBES (Nancy) G F PENNEÇOT (Paris) M RONGIERES (Toulouse) J SALES DE GAUZY (Toulouse) R VIALLE (Paris) et le GROUPE OMBREDANE” Correspondants étrangers M BEN GHACHEM (Tunis) R JAWISH (Beyrouth) I. GHANEM (Beyrouth) Editeur SAURAMPS MEDICAL S.a.r.l. D. T. 11, boulevard Henri IV CS 79525 34960 MONTPELLIER Cedex 2 Tél. : 04 67 63 68 80 Fax : 04 67 63 68 84 La Gazette de la SO ciété F rançaise d’ O rthopédie P édiatrique N°46 Editorial SO.F.O.P. Sommaire Ostéogénèse imparfaite aspects génétiques, prise en charge médicale par G. Baujat, C. Michot, G. Pinto, S. Monnot, V. Cormier-Daire .................................. 2 L’ostéogénèse imparfaite et François Fassier par N. Desai .................................................................. 5 Fragilités osseuses, ostéosynthèses palliatives Principes «bio»mécaniques par G. Finidori, Z. Pejin, V. Toupouchian, C. Glorion ....................................................................... 9 Réunions à venir ....................................................... 12 Traitement chirurgical des déformations rachidiennes de l’ostéogénèse imparfaite par G. Finidori, Z. Pejin, V. Toupouchian, C. Glorion ..................................................................... 13 Regards croisés sur la réforme du 3 ème cycle par T. Langlais ............................................................18 L’opération de D. Dunn revisitée par J.-C. Rey ................................................................ 22

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Page 1: La Gazette N°46 - Sauramps Médical€¦ · DMO normale ne permet pas d’éliminer le diagnostic. • le bilan phosphocalcique: il est normal, et permet d’ex-clure d’autres

Merci Christian de continuer à nous offrir un journal de société aussi riche et instructif. Le Président d’une année que j’ai eu le privilège d’être se félicite de la qualité de ce que tu fais à la suite de Jean-Claude Pouliquen. Mes amis (e), il est indispensable que cette année un Rédacteur en chef adjoint se propose pour perpétuer « notre Gazette ».Ce numéro va nous faire progresser dans l’Ostéogenèse Imparfaite, pathologie si spécifique de notre spécialité, si difficile à soigner et à vivre pour nos fragiles patients. François Fassier et Georges Finidori sont 2 des grosses pointures internationales concernées par cette pathologie. Nous pouvons nous enorgueillir, ils sont français, grands chirurgiens, inventifs, grands humanistes. Que de temps faut-il donner pour s’occuper de ces enfants et de ces familles. La prise en charge a considérablement progressé, le traitement médical indispensable a été bien établi par le Dr Glorieux, compère de François et Geneviève Baujat va vous en donner les bases en plus de l’aspect génétique si important pour les développements futurs. Nous avons là un bel exemple de l’amélioration de nos prises en charge par le regroupement de toutes les compétences au sein de certains centres de référence incontournables.

La chirurgie a progressé, reposant sur l’enclouage.L’évolution des clous de Dubow et Bailey à Fassier et Duval est intéressante, mais on voit à travers nos résultats que ces traitements restent difficiles. Vous pour-rez trouver tous les trucs et astuces de ces techniques qui ne seraient pas sans l’habileté et la douceur de ces 2 grands chirurgiens. La chirurgie du rachis a évolué et c’est elle qui permet aux plus atteints de ces enfants de survivre par le maintien de leur fonction respiratoire.Ce numéro donne la parole aux extrêmes de notre spécialité :- Jean-Claude Rey, l’ancien, revisite l’opération de Dunn qui a aujourd’hui un regain d’intérêt surtout pour nos épiphysiolyses instables. Avec une cer-taine émotion je remercie Jean-Claude qui est une mémoire de l’orthopédie pédiatrique française et a été un pion-nier pour montrer que cette spécialité est praticable à haut niveau en dehors des hôpitaux universitaires à condition d’avoir une équipe et des structures, ce qu’ils avaient su créer avec Jean Mallet.- Tristan Langlais qui nous donne des re-gards croisés sur la réforme du 3ème cycle bien présentée par Joël Lechevallier notre efficace et vigilant Président de CNU. Cette réforme inquiète, mais elle fait partie de la mutation dans laquelle nous sommes engagés.

Il faut bannir de nos pensées et de nos paroles « de mon temps... ».L’avenir est devant et sera fait efficace-ment et brillamment par nos élèves et nos enfants avec de nouvelles données organisationnelles et sociétales.C’est une année de présidence riche qui s’achève pour moi. Merci à toutes celles et tous ceux qui donnent à notre société si dynamique, respectée et sympathique.

Pr. Christophe Glorion

octobre - novembre 2016 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours

Bureau de la SOFOPPrésident : C. Glorion - 1er Vice-Président : J. Cottalorda - 2e Vice Président : B. de Billy

Ancien Président : P. lasComBes - Secrétaire Général : P. WiCart - Trésorier : F. aCCadBled - Représentant SOFCOT : J-n. liGier

Membres du Bureau : P-l. doCquier, B. dohin, r. Gouron, t. haumont, F. launay

la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée à partir de votre ordinateur via notre adresse www.livres-medicaux.com

FondateurJ.C. POULIQUEN †

EditorialisteH. CARLIOz (Paris)Rédacteur en chef C. MORIN (Berck)

Membres J CATON (Lyon)

P CHRESTIAN (MarseilleG FINIDORI (Paris)

J L JOUVE (Marseille

R KOHLER (Lyon)P LASCOMBES (Nancy)G F PENNEÇOT (Paris)

M RONGIERES (Toulouse)J SALES DE GAUzY (Toulouse)

R VIALLE (Paris)et le GROUPE OMBREDANE”Correspondants étrangersM BEN GHACHEM (Tunis)

R JAWISH (Beyrouth)I. GHANEM (Beyrouth)

EditeurSAURAMPS MEDICALS.a.r.l. D. T.

11, boulevard Henri IVCS 79525 34960 MONTPELLIER Cedex 2 Tél. : 04 67 63 68 80Fax : 04 67 63 68 84

La Gazette de la SOciété Française d’Orthopédie Pédiatrique

N°46

Editorial SO.F.O.P.

SommaireOstéogénèse imparfaiteaspects génétiques, prise en charge médicalepar G. Baujat, C. Michot, G. Pinto,S. Monnot, V. Cormier-Daire .................................. 2

L’ostéogénèse imparfaite et François Fassierpar N. Desai .................................................................. 5

Fragilités osseuses, ostéosynthèses palliativesPrincipes «bio»mécaniquespar G. Finidori, z. Pejin, V. Toupouchian,C. Glorion .......................................................................9

Réunions à venir ....................................................... 12

Traitement chirurgicaldes déformations rachidiennesde l’ostéogénèse imparfaitepar G. Finidori, z. Pejin, V. Toupouchian,C. Glorion ..................................................................... 13

Regards croisés sur la réforme du 3ème cyclepar T. Langlais ............................................................18

L’opération de D. Dunn revisitéepar J.-C. Rey ................................................................ 22

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Ostéogénèse imparfaiteaspects génétiques, prise en charge médicale

par G. Baujat, C. Michot, G. Pinto, S. Monnot, V. Cormier-DaireIntroduction

L’ostéogenèse imparfaite (OI), ou maladie des os de verre), est une affection génétique rare, caractérisée par une fragilité osseuse et une ostéopénie. Elle associe des signes squelettiques de sévérité variable (essentiellement frac-tures, douleurs, hyperlaxité ligamentaire, dentinogenèse imparfaite et déformations osseuses), et des signes extra-squelettiques inconstants (sclérotiques bleues, surdité, fra-gilité vasculaire). Il existe une grande variabilité d’expres-sion, allant des formes modérées pouvant passer inaperçues à des formes majeures létales périnatales.La prévalence à la naissance de l’ostéogenèse imparfaite est d’environ 1 pour 15 000 personnes. Dans 90 % des cas environ, l’OI est due à des mutations de transmission auto-somique dominante des gènes COL1A1, COL1A2 ou IFITM5. Les 10 % restants des OI sont liés à des mutations de gènes de transmission autosomique récessive (14 gènes différents connus en septembre 2016 : P3H1, CRTAP, PPIB, FKBP10, SERPINH1, SP7, SERPINF1, BMP1, TMEM38B, WNT1, CREB3L1, TAPT1, PLOD2 et SPARC) ou de transmission récessive liée à l’X (PLS3 et MBTPS2).

DiagnosticLe diagnostic d’ostéogenèse imparfaite repose sur un

faisceau d’arguments cliniques et radiologiques. Le dia-gnostic est en général évoqué devant l’association de frac-tures répétées, survenues pour des traumatismes modérés, à des signes mineurs et inconstants d’un patient à un autre : sclérotiques bleutées (présentes chez 80 % des personnes) ; hyperlaxité ligamentaire ; déformations : protrusion thora-cique antérieure, thorax postérieur cyphotique par tasse-ments vertébraux, scoliose ; insuffisance staturale relative ; surdité plus ou moins sévère (exceptionnelle chez l’enfant, présente chez environ 40 % des adultes) ; peau transparente et hématomes faciles ; dentinogenèse imparfaite se tradui-sant par des dents translucides, jaunâtres ; anomalies car-diaques valvulaires (rares).Ces arguments seront renforcés par la présence de mêmes symptômes chez un apparenté au premier degré (parent, frère, sœur).Certains examens complémentaires vont permettre d’ap-porter des arguments diagnostiques significatifs :

• Le bilan radiologique est orienté par la clinique. Il com-porte au minimum des radiographies du crâne (face et pro-fil), du rachis dorsolombaire de profil. Des radiographies complémentaires (os longs de face, gril costal) peuvent être nécessaires, notamment chez le nourrisson. Le bilan recher-chera : des séquelles de fractures, des appositions périostées sur les os longs ; des corticales amincies et une transparence osseuse excessive ; un crâne souvent court et élargi trans-versalement ; des os wormiens ; une gracilité progressive du squelette, des déformations osseuses (incurvations des os longs, saillie du sternum, élargissements métaphysaires en bulbe d’oignon) ; une protrusion acétabulaire.

• la densitométrie osseuse peut être proposée après 5 ans : elle montre une diminution de la densité minérale osseuse (DMO) corrélée au sexe et à l’âge (on considère le z-score chez l’enfant, et le T-score chez l’adulte). Néanmoins, une DMO normale ne permet pas d’éliminer le diagnostic.

• le bilan phosphocalcique : il est normal, et permet d’ex-clure d’autres causes d’ostéopathies fragilisantes (notam-ment hypophosphatasie, rachitismes métaboliques, mala-die de Paget). Il n’y a pas d’élément clinique ou para-clinique unique per-mettant d’affirmer à lui seul et avec certitude le diagnostic d’ostéogenèse imparfaite. Les principaux diagnostics différentiels à discuter selon le bilan clinique et para-clinique sont : le syndrome de Bruck, le syndrome d’Ehlers-Danlos type cyphoscoliotique, la dys-plasie cléido-crânienne, l’ostéoporose idiopathique juvénile, le syndrome ostéoporose-pseudogliome, le syndrome de Cole-Carpenter, l’hypophosphatasie, le syndrome de Stüve-Wiedemann et la mucolipidose type II et II-III.

Certains cas conduisent à envisager l’hypothèse de la mal-traitance. Cette situation est difficile pour toutes les per-sonnes impliquées : enfant, parents, équipe médicale, équipe socio-administrative, et intervenants judiciaires éventuellement requis. On rappelle les conséquences po-tentiellement dramatiques : d’une part, ne pas reconnaître un enfant en situation de danger et, d’autre part, accuser à tort une famille dont le parcours médical (parfois lourd) sera à très long terme empreint de ces accusations erronées. L’enquête peut conclure à la conjonction d’une fragilité os-seuse constitutionnelle et de manœuvres intempestives ou de gestes maltraitants.Des fiches et documents de travail spécifiques à ce sujet sont disponibles sur le site de l’HAS. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1760393/fr/maltraitance-chez-l-en-fant-reperage-et-conduite-a-tenir

Aspects génétiquesL’étude moléculaire ne peut être effectuée qu’après une

consultation de génétique spécialisée. Cette consultation comprend l’enquête génétique des apparentés porteurs de l’affection et le conseil génétique.La grande majorité des ostéogenèses imparfaites est de transmission de type autosomique dominant. Elles sont associées à un risque de transmission de 50 % pour la des-cendance d’un patient atteint ; en revanche, le risque de récurrence chez des parents indemnes ayant un premier enfant atteint est de l’ordre de 5 % (mosaïque germinale). Plus rarement, la transmission est autosomique récessive ; ces formes sont associées à un risque de récurrence de 25 % pour des parents ayant déjà un enfant porteur de la patho-logie. Les formes exceptionnelles liées à l’X sont en général symptomatiques chez les garçons, avec parfois des signes mineurs chez leurs mères porteuses de la mutation.

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Ostéogénèse imparfaiteaspects génétiques, prise en charge médicale

par G. Baujat, C. Michot, G. Pinto, S. Monnot, V. Cormier-DaireLe conseil génétique est alors rassurant pour les enfants de sexe masculin d’un homme atteint. Ses filles seront por-teuses saines ou pauci-symptomatiques. La consultation de génétique spécialisée permet aussi d’accompagner les familles dans leur choix et éventuellement de discuter des moyens de diagnostic prénatal, et des techniques de dia-gnostic préimplantatoire.L’étude moléculaire est actuellement réalisée par panel NGS (Next Generation Sequencing) : séquençage ciblé de 19 gènes et/ou par PCR Multiplex dans des laboratoires de génétique moléculaire spécialisés. L’étude moléculaire est relativement longue, et de sensibilité non encore parfaite (problème de l’interprétation des variants et des faux-néga-tifs). Cette étude est néanmoins de plus en plus proposée aux familles afin de connaître leur statut, le gène impliqué et de répondre à la question du conseil génétique. Elle sera particulièrement recommandée aux personnes porteuses d’une forme sévère envisageant un diagnostic prénatal (DPN) chez les personnes (fœtus et enfants) ayant une forme sévère et dont les parents souhaitent un DPN lors d’une fu-ture grossesse.Les résultats de cette étude ne modifient la prise en charge que pour les rares formes non sensibles aux bisphospho-nates (SERPINF1 et FKBP10).

Prise en charge thérapeutiqueLe patient est pris en charge par une équipe pluridisci-

plinaire spécialisée coordonnée par le centre de référence/compétences. La prise en charge de cette affection pen-dant la période pédiatrique est essentiellement organisée autour du pivot central : orthopédiste (prise en charge des fractures et des éventuelles déformations de l’axe rachidien et des membres), pédiatre hospitalier et/ou endocrino-pédiatre (traitement des douleurs chroniques et/ou post-fracturaires, traitement par bisphosphonates), médecin de médecine physique et de réadaptation (rééducation, adaptations), et généticien. De nombreux professionnels de santé concourent à la prise en charge globale des patients : anesthésistes et médecins spécialistes de la douleur, méde-cins ORL, pneumologues, rhumatologues, radiologues, car-diologues, neurochirurgiens, chirurgiens-dentistes, stoma-tologistes, masseurs-kinésithérapeutes, orthoprothésistes et prothésistes dentaires, ergothérapeutes ; psychologues ; assistantes sociales.Des mesures de précaution doivent être enseignées aux pa-rents (des documents concernant certaines de ces mesures sont disponibles via le site de la Filière OSCAR et l’association AOI) : apprendre la mobilisation adéquate d’un bébé fragile avec maintien de l’axe rachidien, éviter les manœuvres in-tempestives ; habillage avec des vêtements amples de fer-meture antérieure ; adaptation du domicile avec l’aide d’un ergothérapeute pour les formes sévères ; éviter les trauma-tismes et certaines activités (trampoline, toboggan, sports collectifs violents).La mise en collectivité des nourrissons et la scolarisation ne sont pas contre-indiquées dans la majorité des cas ; dans les formes modérées et moyennes, elles doivent être accompa-gnées et dédramatisées.

Elles peuvent être difficiles dans les formes sévères. Des documents permettant l’élaboration d’un projet d’accueil individualisé (PAI) sont délivrés par les établissements sco-laires et remplis par l’équipe pédagogique, les parents et le médecin référent.

Prise en charge en médecine physique et de réa-daptation

La médecine physique et de réadaptation (MPR) vise à améliorer les capacités fonctionnelles des enfants et adultes atteints d’ostéogenèse imparfaite. Elle est indiquée dans toutes les formes d’ostéogenèse imparfaite et constitue le seul traitement dans les formes peu sévères. Elle associe un travail dans des centres de MPR spécialisés et un relai par les masseurs-kinésithérapeutes de proximité. Les objectifs de rééducation sont : prévenir la perte osseuse induite par l’immobilité  ; renforcer globalement la musculation ; opti-miser l’indépendance fonctionnelle et assurer autonomie, socialisation et qualité de vie.

Traitements par bisphosphonates chez l’enfantAucun bisphosphonate n’a d’AMM pour l’enfant porteur

d’une OI. La décision d’un traitement par bisphosphonates et de sa place dans la stratégie thérapeutique doit être prise après concertation médico-chirurgicale impliquant ortho-pédistes, médecins spécialistes des pathologies osseuses, médecins de médecine physique et de réadaptation et endocrinologues. Les bisphosphonates sont indiqués en fonction d’arguments cliniques et/ou radiologiques (et non pas densitométriques) et sont en particulier discutés en cas de survenue d’au moins deux fractures, sur des sites indé-pendants, dans l’année précédente ; tassements vertébraux avec ou sans trouble de la statique rachidienne (scoliose ou cyphose) ; dans les formes néonatales d’allure sévère, no-tamment chez les enfants avec fractures de survenue anté- et périnatale.Le suivi et notamment la décision d’arrêt du traitement doivent être l’objet de concertations au moins annuelles, si possible lors de consultations multidisciplinaires. Actuel-lement, il est recommandé une durée de traitement de 2 à 4 ans selon la gravité de l’ostéogenèse imparfaite, la stabi-lité de l’état clinique et de la densité osseuse. L’indication de cures ultérieures sera basée sur l’évolution de la densito-métrie osseuse, des marqueurs de remodelage osseux et de l’incidence des fractures.

Autres éléments de prise en charge• Prise en charge ORL : La surdité est présente chez 22 à 58 % des patients atteints d’ostéogenèse imparfaite. Elle apparaît progressivement et est le plus souvent bilatérale et tardive. Elle se révèle de façon variable, entre 15 et 40 ans. Elle peut être de transmission (par atteinte de l’étrier), de perception ou mixte. Tous les degrés de surdité peuvent être observés. Un déficit auditif lié à une otite séreuse chez le petit enfant OI semble plus fréquent que dans la population générale.

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Ostéogénèse imparfaiteaspects génétiques, prise en charge médicale

par G. Baujat, C. Michot, G. Pinto, S. Monnot, V. Cormier-Daire• Prise en charge odontologique et stomatologique  : La dentinogenèse imparfaite constitue la conséquence den-taire de l’ostéogenèse imparfaite, par anomalie du colla-gène dans la dentine. Sa fréquence varie de 36 à 65 % (voire 100 % selon certains auteurs). Elle affecte sévèrement les dents temporaires et les dents permanentes, préférentielle-ment les incisives et les 1ères molaires : dyschromie, du gris au brun ; usure, attritions, voire fractures des dents ; modi-fications morphologiques de la couronne et de la racine. La sévérité de l’atteinte dentaire n’est pas corrélée à celle de l’atteinte osseuse.La prise en charge de la dentinogenèse imparfaite doit se faire au sein ou en lien avec un centre de référence/compé-tences maladies osseuses constitutionnelles ou maladies odontologiques rares.Par ailleurs, les caractéristiques cranio-faciales dans l’OI fa-vorisent le développement de dysmorphoses dento-maxil-laires induisant des troubles de l’occlusion.

• Prise en charge respiratoire : Dans les formes moyennes à sévères, marquées par une déformation thoracique, une cyphoscoliose ou un thorax court, il peut y avoir un reten-tissement sur la capacité respiratoire. La prise en charge res-piratoire peut alors prendre une place très importante, chez l’enfant comme chez l’adulte. Elle doit comporter d’explo-rations fonctionnelles respiratoires chez tout enfant atteint d’une forme moyenne ou sévère d’OI (à partir de l’âge de 5  ans pour les formes ayant des tassements vertébraux) et notamment avant chirurgie du rachis ; une polysomno-graphie est indiquée en cas de complication au niveau du rachis cervical (adultes, enfants) et en cas de suspicion de syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil chez l’adulte.

• Prise en charge cardiovasculaire  : Les anomalies car-diovasculaires sont relativement rares dans l’ostéogenèse imparfaite, en général peu sévères, peu évolutives et sou-vent de découverte fortuite à l’âge adulte. Elles atteignent de façon prépondérente les valves des cavités gauches, la racine de l’aorte et l’aorte descendante. Ces anomalies sont décrites dans tous les types d’ostéogenèse imparfaite. Il n’y a pas de corrélation entre la gravité de l’ostéogenèse impar-

faite et le risque de survenue de complications cardiovas-culaires. Il est usuel de recommander une échographie car-diaque chez tout patient ayant une ostéogenèse imparfaite à l’âge de 10 ans. Elle pourra être répétée dans les formes avec hyperlaxité marquée ou en présence de symptômes évocateurs. Compte tenu de la fragilité tissulaire et du risque hémorragique, la prise en charge chirurgicale peut être déli-cate et devra se faire en milieu spécialisé.

• Possibilité de trouble hémorragique  : Les patients atteints d’ostéogenèse imparfaite semblent présenter un risque hémorragique plus élevé, notamment en cas de chirurgie ou lors de la survenue de traumatismes modérés (saignement intracrânien). Ce risque serait expliqué par des facteurs vasculaires, plaquettaires et plasmatiques. La prise en charge est essentiellement basée sur la prévention : hé-mostase chirurgicale soigneuse, surveillance postopératoire prolongée. Particularités de la prise en charge chez l’adulte

Il est nécessaire d’accompagner les patients lors de la transition de l’âge pédiatrique à l’âge adulte (consultation de transition avec les équipes adultes et pédiatriques). En général, il existe une diminution de l’incidence des fractures après la fin de la puberté, avec une certaine stabilisation de la maladie au début de l’âge adulte. Le risque fracturaire ré-apparaît à l’âge de la ménopause où de nouvelles fractures peuvent survenir. Leur prise en charge orthopédique reste celle des fractures hors OI en ré-insistant sur la nécessité d’une immobilisation légère, d’une mobilisation précoce concernant les segments non immobilisés et le membre fracturé.Les formes sévères, à l’âge adulte, sont marquées par des difficultés rachidiennes croissantes. Les cyphoscolioses peuvent être évolutives, affectant le pronostic fonctionnel, respiratoire et vital. La prise en charge est souvent délicate et peut parfois nécessiter une arthrodèse vertébrale pos-térieure. Chez l’adulte atteint d’OI, il n’y a pas, à ce jour, de consensus sur l’utilisation des bisphosphonates. Les don-nées de la littérature sont discordantes et n’ont pas démon-tré formellement de bénéfice, quelle que soit la voie d’admi-nistration. D’autres traitements anti-ostéoporotiques sont à l’étude.

Travail du Centre de Référence Maladies Osseuses Constitutionnelles, Filière OSCAR, Hôpital universitaire Necker- Enfants malades, 149 rue de Sèvres, 75015 Paris.

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L’ostéogénèse imparfaite et François Fassierpar N. Desai1

Quelle est votre relation avec l’OI ?En immigrant à Montréal en 1982, je n’avais aucun « ré-

seau » de médecins me référant des patients à l’Hôpital Ste-Justine. Je me suis donc intéressé à toutes les maladies rares (arthrite juvénile, ostéodystrophie rénale, OI etc.) qui étaient souvent des cas admis à l’hôpital. Je connaissais le Dr Francis Glorieux et son intérêt pour les maladies métaboliques. Je lui référais mes patients à l’Hôpital Shriners pour traitement médical. Aussi quand en 1992, mes collègues orthopédistes et moi commencèrent à travailler au Shriners, Le Dr Glorieux et moi créèrent une clinique d’OI multidisciplinaire la même année. C’était le début d’une longue collaboration.

Où et de qui, avez-vous reçu votre formation pour traiter des patients « OI » ?

Je n’ai reçu aucune formation spéciale, car à cette époque, cette maladie n’intéressait pas grand monde (Orphan Drug Act : 1983 et Rare Diseases Act in the US : 2002). Mais j’avais eu une bonne formation d’orthopédiste pédiatrique à Gre-noble (Professeur Butel) et à l’Hôpital St-Vincent-de-Paul à Paris (Professeurs Seringe et Dubousset) en 1979 ; puis pendant mon année de « fellow » à Ste-Justine en 1980-81 (année durant laquelle l’équipe de Ste-Justine m’a invité à en devenir membre). Je suis donc plus au moins « autodi-dacte en OI » avec l’influence académique de mes « maîtres » (Professeur Butel à Grenoble, Dr Duhaime et l’équipe de Ste-Justine), mais aussi grâce à un appétit de lecture pour ce sujet particulièrement les travaux de Sofield, Dubow et Bailey ainsi que L. Root.

Comment avez-vous développé le clou Fassier-Duval ?

Contexte : Dans les années 1992-95, vu le succès de notre « consultation OI », j’opérais de nombreux patients avec le clou télescopique de Dubow-Bailey (D-B) qui avait certains inconvénients : commande au cas par cas (donc impossible à utiliser en urgence), arthrotomie du genou pour l’enclouage du fémur, arthrotomie large de la cheville pour l’enclouage de tibia; migration du clou dans la fesse et séparation de la pièce en « T » au bout du clou. Réalisant qu’à cette période j’opérais des cas d’OI plus que quiconque, j’ai réalisé que je devais trouver une meilleure idée. J’ai donc conçu le clou Fassier-Duval («F-D») et approché deux grosses compagnies d’instruments chirurgicaux pour développer ce projet : toutes les deux n’étaient pas intéressées vu les retombées commerciales limitées anticipées avec un marché étroit! Dire que j’étais déçu est un euphémisme!

J’ai eu ensuite la chance de rencontrer à Montréal, une pe-tite compagnie, PegaMedical (Monsieur Ariel Dujovne) qui était intéressée à développer un produit en exclusivité. Une simple poignée de main a scellé notre collaboration alors. Comme des tests biomécaniques étaient requis pour l’ob-tention du permis (CTPP licence),

j’ai approché un résident finissant à l’Université de Montréal, le Dr Pierre Duval qui avant d’entrer en formation en chirur-gie orthopédique, avait fait une formation d’Ingénieur.Pierre a accepté de passer 6 mois avec moi afin de faire tous les tests au laboratoire d’orthopédie de l’Hôpital Royal Victo-ria (Dr Steffen).

L’autorisation d’utilisation du clou par Santé Canada fut obtenue en septembre 1999, et j’ai posé le 1er clou en mars 2000. Entre mars et octobre 2000, j’ai opéré 10 patients en utilisant le clou de D-B d’un côté, et le F-D de l’autre. Puis après 6 mois d’observation afin de comparer l’élongation des clous, j’ai commencé à utiliser le clou F-D de manière régulière en mars 2001 (sans avoir à faire d’arthrotomies). L’autorisation américaine (FDA) a été obtenue en 2002 et pour l’Europe en 2003.

Pourquoi F-D ?Initialement le clou devait s’appeler « SPIN » pour Shriners

Pediatric Intramedullary Nail) mais au moment du dépôt lé-gal du nom, les Shriners ont préféré ne pas associer leur nom à un implant. Comme une évolution du clou Dubow-Bailey (nom des inventeurs), nous avons donc choisi Fassier-Duval.

Quelles étaient les limitations des clous avant le F-D ?

Depuis 1959, l’enclouage des os longs est la méthode de choix pour les enfants atteints d’OI. Cependant deux pro-blèmes majeurs sont à surmonter : 1) la petite taille des os : les petits clous sont flexibles et offrent peu de protection et 2) la croissance : les clous non télescopiques deviennent trop courts après 2 ans avec risque de fracture « au bout du clou » en zone non protégée. C’est à cause de ce problème que le clou D-B a été inventé, puis modifié (Sheffield). Une controverse persiste à propos des clous télescopiques : leur coût ainsi que les difficultés techniques d’utilisation sont pour certains chirurgiens des raisons pour ne pas les utiliser malgré des taux de ré-opérations plus bas que les clous non-télescopiques.

Quels sont les avantages du clou F-D ?Le principal avantage est que, par rapport au clou D-B

aucune arthrotomie n’est nécessaire pour son insertion. Le clou fémoral est inséré par le grand trochanter (comme n’importe quel clou chez l’adulte) sans avoir à ouvrir le ge-nou. De même le clou tibial est introduit par le plateau tibial (extra-articulaire) et la cheville n’est pas ouverte. Cependant le clou F-D n’est pas une solution parfaite : comme n’im-porte quel objet coulissant, le clou ne télescopera pas s’il est endommagé. Dans ce cas, le clou se comporte comme un clou ordinaire; et deviendra trop court avec la croissance osseuse. Le changement de clou peut-être nécessaire si l’os se déforme ou casse au bout du clou. Comme tout implant métallique, le clou peut se tordre en cas de fracture, une ré-opération est alors nécessaire. La migration du clou (dans la fesse) est beaucoup moins fréquente qu’avec le clou D-B 1 Le Dr Neel Desai est médecin généraliste aux Etats-Unis, papa d’un enfant

présentant une ostéogénèse imparfaite (OI). Cette interview fait patrie de l’ouvrage numérique réalisé par le Dr Desai sur cette affection (the « OI connection »). La traduction en français a été assurée par le Dr François Fas-sier lui-même.

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mais reste possible. Finalement l’utilisation d’une technique mini-invasive donne des suites opératoires plus simples (moins de perte sanguine, de douleur, de cicatrices et de raideur).A quelle fréquence le clou F-D doit-il être chan-gé ?

Question difficile; mais je pars du principe qu’en ortho-pédie pédiatrique je traite des patients et pas des radiogra-phies : si un clou ne s’allonge pas; ou s’il est à son maximum d’élongation ET que l’os reste droit et solide, je ne change pas le clou. Cette attitude n’est pas partagée par tous mes collègues dont certains préfèrent changer le clou « préven-tivement ». Ce choix reste controversé : dans le premier cas on attend que le patient présente un problème (angulation ou fracture qui cause douleur et stress pour toute la famille) alors que dans le 2ème cas, on opère un patient « asympto-mique » avec un risque de complications. Pas de réponse facile !

À quel âge recommandez-vous l’enclouage ?L’enclouage des os longs chez l’enfant OI n’est pas « obli-

gatoire » pour tous les patients. Une angulation de plus de 20 degrés ou des fractures répétées sont des critères à considérer, dès que l’enfant essaye de se mettre debout. L’enclouage des membres supérieurs est plus tardif et se décide devant des difficultés fonctionnelles (utilisation de béquilles/marchette*) ou des fractures à répétition malgré la médication (bisphosphonates).

Quand un enfant nécessite de multiples en-clouages, quelle est votre stratégie ?

Ma préférence est d’opérer 1 côté à la fois (fémur en pre-mier puis tibia sous garrot). Le 2ème côté étant fait 1 à 2 se-maines plus tard (pour éviter de longues périodes d’immo-bilisation). Cependant il est possible (surtout si on anticipe, de pouvoir faire des ostéotomies percutanées) de faire les 4 os longs dans la même séance opératoire. C’est aussi l’ap-proche que j’utilise lorsque j’opère en voyage à l’étranger et qu’un programme opératoire par étapes est impossible en raison de la brièveté du séjour. Pour les membres supérieurs, je commence par l’humérus et fait l’avant-bras sous garrot. Il est rare que j’opère dans la même séance un membre su-périeur et un membre inférieur vu la difficulté d’installation et la durée opératoire. Cependant, pour des cas particuliers, toute combinaison est possible.

Quand utiliser le clou F-D ? Quels sont vos cri-tères de sélection ?Deux facteurs sont à considérer :• La croissance : en l’absence de potentiel de croissance (début de puberté ou épiphyses « pop-corn ». Il est inutile d’utiliser un clou coulissant.• La taille de l’os : le clou télescopique le plus petit a un dia-mètre de 3.2 mm. Le canal médullaire de l’os doit donc avoir au moins ce diamètre pour « accueillir » un clou F-D. Par ail-leurs, l’enfant OI a plus besoin d’os que d’acier inoxydable,

donc aléser l’os pour mettre le « plus gros clou possible » n’est pas un bon choix. En effet, plus l’implant est volumineux, plus il prend le stress mécanique et l’os autour disparait pro-gressivement.Combien de temps faut-il pour faire un en-clouage F-D ?

Il n’y a pas de compétition ni de record à battre : le temps nécessaire varie de ½ heure (petit patient, ostéotomies per-cutanées) à 3 heures pour un adolescent obèse.

Quelle est la durée de l’hospitalisation ?Si un seul enclouage est nécessaire, l’enfant est admis en

post-op pour 1 ou 2 nuits (contrôle de la douleur). Si le pa-tient vient de loin, il est admis la veille (tests pré-op). Pour les enclouages bilatéraux, le patient obtient son congé après 2 jours et est réadmis pour le 2ème côté.

Qu’est-ce qu’une ostéotomie ? Quelle est votre technique ? Pourquoi ?

Une ostéotomie consiste à casser l’os à une place déter-minée pour permettre la correction d’une déformation. L’ostéotomie peut-être « ouverte » (l’os est exposé) ou « fer-mée » (à travers la peau sans exposer l’os). Si l’enfant reçoit des bisphosphonates, je n’utilise pas de scie oscillante qui a tendance à bruler l’os et risque de favoriser un retard de guérison (car les ostéoclastes nécessaires à l’élimination de l’os mort, sont inactivés par les bisphosphonates). Pour faire l’ostéotomie j’utilise une petite mèche, fait quelques trous et ensuite je complète soit avec un petit ostéotome, soit avec un rongeur.

Quand commence la rééducation ? En piscine ? Sur le sol ?

Généralement, les patients sont immobilisés 3 à 4 se-maines et la kinésithérapie commence ensuite. La mise en charge en piscine est la plus recommandée au début. Pour les patients qui n’ont jamais marché avant la chirurgie, on utilise des orthèses long jambiers, et une table basculante. Quand l’enfant tolère la mise en charge complète, on passe à la marchette et/ou béquilles selon l’âge. Les orthèses sont raccourcies dès que la force des quadriceps est jugée suffi-sante. Pour les enfants ayant marché avant la chirurgie, on n’utilise que des orthèses courtes.

Comment vous assurez-vous de la bonne posi-tion du clou en post-op ? Quel est le positionne-ment idéal ?

Deux questions difficiles : durant la chirurgie l’utilisation de l’amplificateur de brillance permet de vérifier où le clou est placé. Pour le fémur, les filets du clou « femelle » doivent être à l’intérieur du grand trochanter non-ossifié, et affleu-rer, sans la pénétrer, la partie ossifiée de la métaphyse. Si les filets pénètrent la métaphyse ossifiée, le grand trochanter va grandir proximalement, mais le clou « ancré » dans la méta-physe ne vas pas s’allonger et paraît « couler » dans l’os qui s’allonge au-dessus.

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Le bout du clou « mâle » doit être complètement vissé dans l’épiphyse distale, le plus central possible à la fois de face et de profil. Pour le tibia, l’extrémité proximale du clou « fe-melle » doit être complètement dans l’épiphyse proximale. De même le bout du clou mâle (version courte vu l’épais-seur de l’épiphyse) doit être complètement dans l’épiphyse distale. Pour l’humérus, le problème est un peu différent puisqu’il n’y a pas d’épiphyse distale comme dans les autres os longs. Le clou « femelle » est positionné dans l’épiphyse proximale et le clou « mâle » est fixé dans le condyle latéral. Des radios de contrôle sont faites en post-op puis à 3, 6 et 12 semaines pour vérifier la position du clou et s’assurer de la bonne guérison osseuse avant de reprendre le traitement médical.

Qu’utilisez-vous comme immobilisation post-op ? Et pour combien temps ?

Pour le membre inférieur, j’utilise une attelle plâtrée pos-térieure pour 3 ou 4 semaines puis des orthèses (voir ques-tion no. 14). Pour le membre supérieur, l’humérus est immo-bilisé dans un bandage « Vietnamien** » ou une attelle de Stevenson*** pour les patients plus âgés. L’enclouage de l’avant-bras (avec des broches ou des clous élastiques) est immobilisé avec une attelle plâtrée postérieure (et un ban-dage Vietnamien s’il est associé à une chirurgie sur l’humé-rus). La durée de l’immobilisation varie avec l’âge du patient, gé-néralement 3 à 4 semaines ; mais ne devrait pas dépasser 6 semaines (le temps de guérison chez l’enfant OI est normal ; c’est l’os formé qui est anormal).

Trouvez-vous l’os traité avec des bisphospho-nates différent ? Si oui, comment ?

Bien sûr, avant l’ère des bisphosphonates, les os étaient très fragiles à manipuler et s’écrasaient avec certains instru-ments (daviers). On pouvait faire des ostéotomies percuta-nées plus facilement. Maintenant les os sont plus résistants mais sont toujours fragiles et le contrôle des ostéotomies est plus difficile.

Quelles est votre opinion sur l’enclouage des membres supérieurs ? Quels est votre attitude ?

Au début de ma carrière, je faisais rarement des en-clouages des membres supérieurs ; mais avec l’arrivée des bisphosphonates, les patients se sentent mieux et ceux qui sont en chaise roulante, veulent se mettre debout. Cepen-dant les déformations des bras rendent l’utilisation des béquilles/marchettes plus difficile. C’est pourquoi j’opère maintenant plus de membres supérieurs. Une révision récente de tous mes enclouages a permis de démontrer que l’enclouage de l’avant-bras donne le plus de gain aux patients en raison de l’amélioration et de la force de préhen-sion, et de la longueur fonctionnelle. Le gain en pro-supina-tion n’est pas important. Les patients sont aussi satisfaits sur le plan cosmétique.

Mes indications opératoires sont surtout les limitations fonctionnelles documentées par nos ergothérapeutes à chaque visite.

Que pensez-vous de l’utilisation de plaques et vis dans l’os OI ?

Une plaque sur un os OI, crée un segment rigide, et ce n’est qu’une question de temps pour que l’os casse au-des-sus ou au-dessous de la plaque. En plus de cet effet « stress riser », l’os sous la plaque ne travaille pas et disparait. Classi-quement, les vis n’avaient aucune prise dans l’os OI. Avec les bisphosphonates, ce n’est plus le cas : des collègues de l’Io-wa ont donc tenté l’utilisation de plaques et vis sur une série de 4 patients. Ce fût un désastre pour ces patients; cet article devrait être lu par quiconque envisage d’utiliser plaque et vis chez un patient OI.

Quelle a été votre plus belle récompense en trai-tant des enfants OI ? Une histoire qui vous a fait apprécier votre choix de carrière

S’occuper d’enfants OI est stimulant : vous réalisez que le temps et les efforts que vous avez mis en étudiant, lisant, faisant des recherches valait la peine quand un enfant est capable de réaliser son rêve, aussi simple que de marcher ! D’autres ont pu étudier (et devenir médecin). Le sourire d’un enfant est la plus belle récompense, je suis fier de ce que notre équipe à l’Hôpital Shriners pour enfants du Canada a été capable d’accomplir. Sans la confiance et l’aide géné-reuse des Shriners, ceci n’aurait pas été possible.

Quel a été votre plus grand défi dans le traite-ment de l’OI ? Comment l’avez-vous relevé ?

Mon plus grand défi a été d’améliorer le traitement chirur-gical qui avait été décrit à la fin des années 50 et au début des années 60. Dans les questions précédentes, j’ai répondu comment cela s’était passé. Par la suite, pour faire accepter ce changement à la communauté médicale, j’ai organisé chaque année un « Tutorat OI » durant lequel, pendant 3 jours nous accueillons jusqu’à 5 chirurgiens étrangers. Le mardi, consultation OI en après-midi, suivie de conférences sur le traitement médical, traitement chirurgical et présenta-tions des cas qui seront opérés les 2 jours suivant.

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L’ostéogénèse imparfaite et François Fassierpar N. Desai

Après la journée opératoire du mercredi, l’équipe de réédu-cation donne une conférence, suivie d’une autre sur les pro-blèmes de rachis.La dernière a eu lieu le 8-10 mars 2016 et celle de 2017 est en préparation avec l’aide du Chirurgien chef, le Dr Reggie Hamdy et le support de l’hôpital et de PegaMedical.

Quel est votre plus gros défi maintenant ? Com-ment y répondez-vous ?

Mon plus gros défi actuel est l’organisation de ma succes-sion. Depuis janvier 2016, le Dr Hamdy a accepté de m’aider et nous alternons pour les consultations OI. Je demeure disponible pour l’aider tant que je peux; mais une nouvelle ère commence, et je suis sur que le Dr Hamdy et le Dr Frank Rauch (qui a succèdé au Dr Glorieux) vont mener l’équipe OI vers de nouvelles réalisations. Je leur souhaite bonne chance !

Avez-vous une liste de présentations, sites web, vidéos ou d’autres ressources que vous voudriez partager pour l’éducation médicale et générale ?

J’ai donné (et continue de donner) de nombreuses pré-sentations à des médecins et des Associations de parents d’enfants OI. Je laisse souvent mes présentations là ou je les donne afin que mes collègues puissent les utiliser : j’ai toujours pensé que la connaissance devrait être partagée. Tous les 3 ans se tient une réunion internationale sur l’OI (la prochaine sera en août 2017 à Oslo) où toutes les personnes intéressées par l’OI participent (médecins, chirurgiens, cher-cheurs, rééducateurs,...). Cette périodicité aux 3 ans est bonne car, des réunions plus fréquentes n’apporteraient pas assez de nouveautés et les répétitions seraient inévitables. Le rôle des Associations de parents (telle que l’OIF aux États-Unis ou l’AOI en France) est crucial pour l’éducation des fa-milles ayant un enfant atteint d’OI. Il y a de plus un aspect sur lequel j’insiste auprès des familles : les parents considèrent que la connaissance de la maladie est plus développée dans notre centre (ou tout autre centre traitant des OI) qu’avec les médecins locaux de première ligne mais il est essentiel de maintenir une bonne relation avec cette équipe locale

qui sera mise à contribution lors de la prochaine « grosse » fracture. Une bonne communication entre l’équipe locale et les « spécialistes » est importante pour un traitement optimal de l’enfant.

Comment améliorer l’éducation des familles et des médecins à propos de l’OI ?

Pour aider mes collègues orthopédistes faisant face à des cas difficiles, j’ai proposé en 2011 (lors d’un congrès interna-tional sur l’OI à Dubrovnik) la création d’un site web où les chirurgiens pourraient afficher des cas en demandant l’opi-nion d’experts. Un jeune orthopédiste Croate, le Dr Ozren Kubat, s’est offert pour développer ce site web ; mais mal-gré ses efforts et l’argent investi (par PegaMedical et moi-même) nous n’avons pas réussi. Ce site devait être hébergé par une autre organisation et nous n’avons pas réussi à trou-ver « l’hôte parfait ». C’est pour moi une grande déception car cette solution me paraissait être bonne au 21ème siècle. Notre concept ne devrait pas être si bon...

Qu’avez-vous appris de l’OI et de vos patients au cours des années ?

Le fait que j’ai choisi (mais ai-je choisi?) de devenir spé-cialiste de l’OI m’a donné l’opportunité d’une carrière inter-nationale au-delà de mes rêves les plus optimistes. Je dois beaucoup à toutes ces familles qui m’ont fait confiance pour traiter leurs enfants. Je vais sûrement regretter ce contact humain lorsque j’arrêterai d’opérer. J’essaye de me préparer à cette étape de ma vie. J’ai tellement appris des familles OI et me suis fait tant d’amis que je n’hésiterais pas à recom-mencer...si j’avais 30 ans de moins !

Auriez-vous quelque chose à ajouter ?Je tiens simplement à dire merci à toutes et tous qui ont

pris part à cette aventure. Chaque membre d’une équipe est important, et si le travail d’équipe n’est pas toujours facile, il ne reste possible et durable qu’avec respect et communi-cation.

NDLR*marchette : déambulateur

**bandage « Vietnamien » : ou Gilchrist bandage, c’est ce que nous appelons communément en France « Mayo clinic » voire tout simplement « Mayo ». En fait ce bandage souple fait à partir d’une pièce de jersey tubulaire n’a aucun rapport avec la célèbre Mayo clinic. C’est à Mayor (Mathias Mayor chirurgien lausannois 1775-1847) que l’on doit cette idée d’immobilisation souple coude au corps. Parfait exemple de dérive sémantique ! GILCHRIST J. Bone Joint Surg (Am) 1967 ;49:750-1VUNDA A, GERVAIX. Rev Chrir Orthop 2011 ;97 :213-4

***attelle de Stevenson : orthèse thoraco-brachiale coude au corps

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Fragilités osseuses, ostéosynthèses palliativesPrincipes «bio» mécaniques

par G. Finidori, Z. Pejin, V. Topouchian, C. GlorionCet article concerne le traitement chirurgical des fragili-

tés osseuses secondaires aux diverses formes d’ostéogenèse imparfaite mais cette affection n’est pas la seule entraînant une fragilité osseuse. Les ostéosynthèses palliatives peuvent être utilisées dans d’autres pathologies  : l’ostéoporose idiopathique, la mala-die de Gorham, la maladie d’Ollier, la dysplasie fibreuse, les pseudarthroses congénitales (liste non exhaustive), sous réserve de tenir compte de situations spécifiques qui ne seront pas exposées ici…

Le chirurgien orthopédiste, pour essayer de remédier à une fragilité osseuse, dispose de différents matériaux  : les broches, les clous centro-médullaires classiques et télesco-piques, les plaques vissées et les cerclages.

Il n’y a pas de bon ou de mauvais matériel. Il faut connaître ces pathologies, savoir faire cette chirurgie particulière de la fragilité osseuse. Un apprentissage est nécessaire. Les prin-cipales complications des interventions sont surtout liées à des erreurs d’indication ou de technique opératoire.

I - Le premier principe est de protéger toute la diaphyse avec un effet télescopique chez l’enfant (Fig. 1 et 2). Cela est facile au tibia (Fig. 3 et 4), un peu plus compliqué au fémur en croissance où il est moins évident d’avoir une pro-tection du col fémoral. La protection de toute une diaphyse est aussi assez facilement réalisable aux membres supé-rieurs, humérus (Fig. 5 et 6) et avant-bras (Fig. 7 et 8). Il faut réaligner le segment osseux déformé, souvent frac-turé et faire le nombre d’ostéotomies nécessaires.

II - La préoccupation du chirurgien ne doit pas être uni-quement de réaligner un segment osseux. On doit en fin d’intervention et en particulier aux membres inférieurs, avoir un alignement correct dans le plan frontal, sans valgus ou varus et sans déviation dans le plan sagittal, en particulier un genu recurvatum. L’interligne du genou en charge doit être horizontal de face et de profil. Cet impéra-tif d’alignement peut justifier de faire des ostéotomies, non seulement du fémur par exemple mais aussi de réaxer le segment sous jacent tibial de façon à obtenir un alignement mécanique satisfaisant du membre opéré.Chez les patients atteints d’ostéogenèse imparfaite, il existe très souvent une hyperlaxité importante, en particulier aux genoux. Il peut être nécessaire de réaliser des ostéotomies de flexion de l’extrémité inférieure du fémur et/ou de l’ex-trémité supérieure du tibia pour éviter un important genu recurvatum instable.

III - Il faut prendre soin de ne pas induire d’anomalies de rotation, essentiellement une rétroversion fémorale.Les broches centro-médullaires donnent un blocage plus efficace des rotations que les clous centro-médullaires.Il faut tenir compte de ce problème de rotation pendant l’in-tervention et immobiliser en post opératoire le patient dans des positions correctes pour éviter surtout une rétroversion fémorale et, chez les patients plus âgés, une synthèse com-plémentaire légère par plaque vissée d’une ostéotomie est utile pour pouvoir contrôler les rotations.

Fig. 1 : Le principe de base est de protéger toute une diaphyse d’une épiphyse à l’autre. Le col fémoral doit être en valgus. Pour ce patient en fin de croissance, il n’a pas été recherché d’effet télescopique. Les broches centro-médullaires donnent une bonne stabilité élastique évitant une résorption osseuse secondaire et ont permis de réduire le nombre d’ostéotomies pour cette forme d’O.I. avec cals hyperthro-phiques.

Fig. 2 : Chez l’enfant jeune, l’enclouage fémoral doit être télescopique, maintenant le col en valgus. L’amarrage supérieur est par nécessité au bord supérieur du col sous la capsule articulaire, légèrement impacté mais ne traversant pas le cartilage de croissance. L’interligne du genou doit être bien perpendiculaire à l’axe mécanique.

Fig. 3 et 4 : Les broches centromédullaires avec effet télescopique peuvent être utilisées pour le tibia, en particulier chez les jeunes en-fants. Le nombre d’ostéotomies est réduit par rapport à un enclouage. L’effet élastique des broches permet de corriger secondairement des incurvations résiduelles.Ce matériel a aussi l’avantage d’être peu onéreux.

Fig. 5 et 6 : Exemple d’embrochage télescopique huméral.

Fig. 7 et 8 : Exemple d’embrochage télescopique anti-brachial.

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Fragilités osseuses, ostéosynthèses palliativesPrincipes «bio» mécaniques

par G. Finidori, Z. Pejin, V. Topouchian, C. GlorionIV - Chez l’enfant, il faut obtenir un effet télescopique lors de la réalisation d’une ostéosynthèse, que se soit par clou ou par broches.La première erreur technique, pour les clous, est d’induire une déformation de l’implant ce qui supprimerait sa pos-sibilité d’extension. Il faut donc manipuler ce matériel avec beaucoup de douceur. On peut aussi obtenir un effet télescopique avec des broches (Fig. 3, 4, 5, 6, 7 et 8). Les broches en inox sont beaucoup plus faciles à insérer que les broches en titane trop élastiques. Les extrémités des broches sont recourbées dans les épiphyses en essayant d’avoir une position bien centrale dans l’épi-physe. Quel que soit le matériel utilisé il est impératif de ne pas induire de conflit articulaire ou avec les « parties molles » en particulier au genou.

A l’extrémité supérieure du fémur, pour fixer correctement le col en valgus, le système d’ancrage épiphysaire ne doit pas traverser le cartilage de croissance mais être apposé ou légèrement impacté sur son bord supérieur et sous la cap-sule articulaire (Fig. 2).L’ancrage épiphysaire distal du tibia est difficile, une solution est d’utiliser une broche transphysaire (Fig. 9).

V - Le col fémoral est souvent le siège de complications mécaniques, en particulier pour les cols longs et/ou en varus. Lors des enclouages simples chez le jeune enfant, il est in-dispensable de fixer le col en position de valgus (Fig. 2) la plus importante possible ce qui permet d’avoir un axe méca-nique sans effet de porte-à-faux et moins de risque de frac-ture (Fig. 10).Il peut être utile de protéger le col fémoral par une ostéo-synthèse. Les ostéosynthèses par broches ont l’inconvénient chez l ‘enfant jeune de laisser la possibilité d’une croissance résiduelle du col qui, partiellement protégé, va se variser et éventuellement se fracturer.

En pratique, dans toutes les formes un peu sévères d’ostéo-genèse imparfaite, on recherche assez précocement chez l’enfant vers l’âge de 8 / 9 ans un effet d’épiphysiodèse pour un avoir un col court avec une ostéosynthèse vissée jusque dans le col fémoral (Fig. 11).

VI - Les fractures du col fémoral sont assez fréquentes. • Il faut d’abord distinguer les patients qui ont des formes sévères d’ostéogenèse imparfaite avec des hanches pro-truses, peu mobiles: dans ce cas, la survenue d’une fracture va induire une pseudarthrose qui peut être providentielle et permettre de maintenir un certain degré de mobilité de la hanche (Fig. 12). Il ne faut donc pas tenter de faire de synthèse d’une fracture du col fémoral sur des hanches peu mobiles, ces synthèses sont de toutes les façons vouées à l’échec. De même, chez des patients qui ont des protrusions acéta-bulaires, lors d’une intervention sur le fémur, il faut éviter de protéger le col fémoral par une ostéosynthèse, on perd ainsi pour une hanche raide la possibilité d’une pseudarthrose « providentielle » .

• Pour une fracture du col fémoral, généralement long et en varus, sous une hanche mobile (Fig. 13), il est logique de la traiter par l’association d’une translation de la diaphyse sous

Fig. 9 : L’amarrage distal sur une épiphyse toute petite au tibia est problématique.Deux solutions sont utilisables pour les embrochages, la broche distale est passée par la malléole interne puis recourbée elle est im-pactée en intra épiphysaire. Pour les enclouages, l’amarrage distal peut-être réalisé par une broche trans-épiphysaire.

Fig. 10 : Exemple de mauvais enclouage fémoral qui laisse un long col en varus. Les contraintes déforment le fémur, l’enfant est douloureux et ne peut pas être remis en charge. Il faut refaire cet enclouage : valgiser le col fémoral et le protéger par une ostéosynthèse segmentaire. Noter les troubles du remodelage osseux dus à un traitement (surdo-sé ?) par les bisphosphonates.

Fig. 11 : Au fémur le problème est toujours celui d’un col fémoral trop long fragile et en varus. Préventivement on protége toute la diaphyse et on fixe le col en valgus. On recherche un effet d’épiphysiodèse (dans les formes sévères et après 8, 9 ans) pour éviter d’avoir un col trop long source de complications ultérieures Fig. 12 : Pour les hanches protruses peu ou pas mobiles, la fracture du col fémoral est plus ou moins inéluctable (ici à droite). Il ne faut pas es-sayer de traiter ces fractures mais recourir à un traitement fonctionnel avec l’évolution vers une pseudathrose fonctionnellement acceptable.

Fig. 13 : Fracture du col cervical. Dans ce cas, même si la hanche est protruse, sa bonne mobilité a justifié une synthèse. Les principes sont toujours les mêmes: valgiser l’extémité supérieure du fémur, ne pas laisser de col long, médialiser la diaphyse puis synthéser le fémur d’une épiphyse à l’autre.

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Fragilités osseuses, ostéosynthèses palliativesPrincipes «bio» mécaniques

par G. Finidori, Z. Pejin, V. Topouchian, C. Glorionle col fémoral fixé en valgus de façon à réduire le porte-à-faux de l’extrémité supérieure du fémur. On doit donc recou-rir à une synthèse localisée à l’extrémité supérieure du fémur maintenant la translation et la vaglisation et à un enclouage ou embrochage pour protéger tout le reste du fémur.

VII - Les synthèses segmentaires, en plus des enclouages ou embrochages, sont utiles. Pour maintenir les rotations et/ou les corrections axiales, en particulier chez le grand enfant, il faut réaliser, en plus de l’enclouage ou de l’embrochage diaphysaire, des ostéo-synthèses légères segmentaires avec des petites plaques vissées. Il est toujours possible de faire un vissage de part et d’autre de l’implant centro-médullaire. Il peut être utile aussi de maintenir ces plaques par des cerclages. La présence du clou centro-médullaire et d’une vis à l’extré-mité de la synthèse risque d’induire la possibilité d’une frac-ture à ce niveau et un montage plus léger par une vis unicor-ticale ou par un cerclage est préférable aux extrémités de la plaque vissée (Fig. 13).

VIII – Les greffes de banque corticale ou spongieuse sont utiles en cas de pseudarthrose, de perte de substance. (Fig. 14, 15, 16).Les baguettes osseuses corticales de banque, à condition d’être suffisamment fines, s’incorporent très bien au fémur. Elles peuvent être maintenues par des vissages ou des cer-clages et permettent souvent une très bonne consolidation que l’on peut compléter par l’apport de greffon spongieux de banque .Au tibia, les greffons corticaux de banque s’incorporent beaucoup moins bien. On peut tenter de les utiliser mais il faut les affiner et les placer en «  inlay » en trépanant lar-gement le segment opéré de façon à pouvoir encastrer le greffon.

IX - Embrochages et enclouages extra-diaphysaires.Il est difficile voire impossible dans les formes sévères d’os-téogenèse imparfaite de mettre du matériel centro-médul-laire dans la diaphyse. Dans ce cas, le matériel, le plus souvent des broches, peut être mis en intra-osseux aux extrémités métaphysaires suf-fisamment larges et en extra-osseux le long du segment diaphysaire où le canal médullaire est virtuel et sous le pé-rioste qui sera refermé en fin d’intervention (Fig. 17).

On peut avoir ainsi une synthèse assez solide et secondaire-ment une ossification d’origine sous périostée qui va élargir le segment osseux opéré. Cette technique permet de réali-ser des synthèses sur un os très petit sans le dévasculariser.

Fig. 14, 15 et 16 : Pseudarthose fémorale supérieure bilatérale chez un adolescent en fin de croissance. Le traitement chirurgical a associé une résection raccourcissement et décortication de la pseudarthrose, une synthèse de l’extrémité supérieure du fémur en valgus, une greffe corti-cale de banque et un alignement fémoral sur clou.

Fig. 17 : Le dogme de la synthèse centromé-dullaire n’a pas de raison d’être! Si le canal médullaire est virtuel ou trop étroit, le matériel peut être mis en extra diaphysaire le long de la diaphyse en sous périosté et maintenu par des cerclages. Le périoste refermé sur le matériel va induire une ossification qui va l’englober. On peut réaliser ainsi sur des os de très petit calibre des ostéosynthèses efficaces en intra osseux aux extrémités épiphyso-métaphy-saires et en extra osseux sur la diaphyse non perméable.

Fig. 18 : Il faut éviter les ostéotomies transversales tibiales. Elles conso-lident mal. Les clous seuls ne bloquant pas les rotations sont insuffi-sants, de plus bon nombre de patients ont été traités par des bisphos-phonates à fort effet rémanent entravant la consolidation osseuse déjà difficile sur la diaphyse tibiale.

Fig. 19 : Pour les ostéotomies tibiales, en particulier et pour le grand enfant (souvent déjà traité par les bisphosphonates), il est préférable de faire des ostéotomies planes obliques éventuellement associées à une synthèse légère. Elles consolident beaucoup mieux.

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Fragilités osseuses, ostéosynthèses palliativesPrincipes «bio» mécaniques

par G. Finidori, Z. Pejin, V. Topouchian, C. GlorionX - Techniques des ostéotomies.Les ostéotomies doivent répondre aux principes classiques : • Ne pas dépérioster, en tout cas le moins possible et préfé-rer les simples ostéclasies.• Stabiliser les ostéotomies par une immobilisation en post opératoire chez le jeune enfant et par une courte ostéosyn-thèse complémentaire chez le plus âgé.• Sur le tibia en zone diaphysaire, il ne faut pas faire d’ostéo-tomies transversales (Fig. 18) qui consolident mal. Il est pré-férable de pratiquer dans le plan de déformation maximale une ostéotomie oblique associée éventuellement à une ostéosynthèse (Fig. 19).

XI - Patients adultes.Les adultes atteints d’ostéogène imparfaite sont parfois mal pris en charge, en particulier après fracture (Fig. 20 et 21).

• Les matériels d’ostéosynthèses habituellement utilisés sont mal adaptés, trop volumineux. • Aléser un os fragile mène souvent à l’explosion de la diaphyse.• Les principes exposés ci-dessus sont le plus souvent va-lables pour l‘adulte. Faire une ostéosynthèse segmentaire seule n’est pas souhaitable, faire un enclouage de toute une diaphyse n’est souvent pas possible sur un os déformé et en urgence il n’est pas raisonnable de se lancer dans des ostéo-tomies multiples. Le plus simple est souvent de glisser, pour protéger toute la diaphyse, des broches centromédullaires (Fig.1) ou partiellement en extra-osseux et de réaliser une ostéotomie complémentaire pour stabiliser le foyer de frac-ture.

X - Métallurgie. Quelques soient les techniques d’ostéosynthèse utilisées, on ne doit pas utiliser de matériel trop volumineux pour éviter une résorption osseuse progressive. De même il faut éviter de laisser des clous verrouillés. Si on doit changer un matériel en fin de croissance, il est préférable de le remplacer par une ostéosynthèse plus lé-gère avec des clous de petit diamètre ou de simples embro-chages. En général il ne faut pas laisser une diaphyse, surtout au membre inférieur, sans protection après une ablation de matériel.

Fig. 20 et 21 : Fracture du fémur chez un patient O.I. adulte, échec d’une tentative d’alésage pour enclouage. Finalement, synthèse segmen-taire, perte de substance et non consolidation.

Reprise, conservation de la synthèse (blocage de la vis cervicale sur la plaque), extension de la fixation en distal par deux broches et greffes corticales et spongieuses de banque.

6-10 décembre 2016Orlando (USA)IPOS (POSNA+AAOS)http://ipos.posna.org/

10-11 mars 2017IRCAD Strasbourg48ème réunion du GES

22-24 mars 2017RouenLes Journées de la SOFOP

3-6 mai 2017Barcelone (Espagne)EPOSNA (EPOS+POSNA)

1-3 juin 2017LilleSFCR

6-9 septembre 2017Philadelphie (USA)52ème réunion de la SRS

Réunions à venir

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Traitement chirurgical des déformations rachidiennesde l’ostéogénèse imparfaite

par G. Finidori, V. Topouchian, Z. Pejin, C. Glorion

Les cypho-lordo-scolioses sont très fréquentes chez les patients d’atteints d’ostéogenèse imparfaite (O.I.), particu-lièrement pour les formes sévères dominantes (type III et V), récessives et dans le syndrome de Bruck.Les fractures vertébrales, les troubles de croissance avec une platispondylie, le déficit musculaire et l’hyperlaxité expliquent que les déformations apparaissent précoce-ment, ont une évolutivité importante, non stabilisée en fin de croissance. Les troubles statiques sont complexes, dans les trois plans, associant le plus souvent une scoliose, une cyphose dorso-lombaire et une lordose dorsale (Fig. 1).

Les déviations rachidiennes majorent la petite taille, le désé-quilibre et les déformations du tronc. Outre l’aggravation de l’état fonctionnel, les phénomènes algiques sont fréquents mais la complication la plus grave est le retentissement res-piratoire précoce, sévère, lié à la petite taille, aux déforma-tions du tronc et à la splanchnomégalie relative avec une ascension des coupoles diaphragmatiques. La défaillance respiratoire est la cause principale de mortalité chez les pa-tients adultes atteints des formes sévères d’O.I.La kinésithérapie générale et respiratoire (appareils relaxa-teurs de volume) est primordiale. Les bisphosphonates semblent avoir une efficacité sur les platispondylies mais ne semblent pas réduire la fréquence et la gravité des déforma-tions rachidiennes. Les traitements orthopédiques conventionnels par corset dans les formes sévères d’O.I. sont peu ou pas efficaces, ils réduisent l’autonomie, aggravent les difficultés motrices, re-tentissement sur les fonctions respiratoires et n’empêchent pas l’aggravation des déformations rachidiennes.L’arthrodèse vertébrale postérieure est la solution salvatrice pour ces patients, elle doit être indiquée précocement avant l’installation de déformations importantes irréductibles en particulier cyphotiques. Il ne faut pas tenir uniquement compte des critères clas-siques  : l’âge et la maturation osseuse. Trois paramètres doivent être essentiellement retenus :

• l’absence de croissance du tronc,• l’aggravation progressive des déformations et la perte de réductibilité surtout en cyphose,• l’absence de progression de la capacité vitale voire sa dimi-nution.

En pratique, les patients doivent être opérés précocement entre 10 et 14 ans. Plus tardivement, les conditions sont moins bonnes, les déformations rachidiennes sont irréduc-tibles et l’arthrodèse sera faite dans des conditions tech-niques plus difficiles. En particulier, il ne faut pas laisser s’ins-taller d’importantes déviations dans le plan sagittal pour lesquelles une seule arthrodèse postérieure risque d’être insuffisante, d’autant plus que la fragilité du thorax et la sé-vérité de l’atteinte respiratoire rendent aléatoire un d’abord antérieur du rachis (en tout cas nous ne l’avons jamais fait).

Sur une période d’un peu plus de quatre décennies, plus d’une centaine d’arthrodèses vertébrales postérieures ont été réalisées à l’hôpital Necker à Paris et au Centre Hélio Marin de Rocoff pour des patients O.I.. Les techniques opé-ratoires n’ont pas varié de façon significative. Seules deux séries de patients ont fait l’objet d’une étude rétrospective .

Préparation à l’intervention et bilanLe bilan préopératoire est classique, il est fait collégiale-

ment avec l’anesthésiste, le réanimateur et le chirurgien : L’état cardiaque est généralement normal chez les patients jeunes opérés dans notre expérience.L’atteinte des fonctions respiratoires est le problème majeur, elle doit être évaluée sur les épreuves fonctionnelles respira-toires et par une polysomnographie. La capacité vitale peut être nettement inférieure à un litre dans les formes les plus sévères imposant une préparation préopératoire, le recours à la trachéotomie reste cependant exceptionnel.Le bilan neurologique, clinique et d’imagerie (IRM, scanner) est important.Il n’existe habituellement pas de risque de compression du névraxe chez l’enfant, le canal est en effet généralement large avec un allongement des pédicules (Fig. 2).

Fig. 1 : Les déformations rachidiennes dans les formes graves d’ostéo-génèse imparfaite sont habituellement précoces, sévères et évolutives même au delà de la fin de la croissance. Elles menacent les pronostics fonctionnel et vital par la sévérité de l’insuffisance respiratoire induite.

Fig. 2 : Le canal vertébral dans l’ostéogénèse imparfaite est générale-ment large, les pédicules sont longs et grêles. Dans la région dorsale, souvent lordotique, la rotation vertébrale et la saillie en arrière des côtes rendent l’abord postérieur difficile.

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Traitement chirurgical des déformations rachidiennesde l’ostéogénèse imparfaite

par G. Finidori, V. Topouchian, Z. Pejin, C. GlorionA noter des sténoses sur des déformations cyphotiques cer-vicales, essentiellement dans le syndrome de Bruck (Fig. 3) mais cette pathologie est exceptionnelle. Le risque de complications est surtout à la charnière crânio-rachidienne où une protrusion basilaire n’est pas exceptionnelle avec un risque de compression du névraxe et des troubles de l’hydrodynamique du LCR avec la constitution d’une syrin-gomyélie (Fig. 4)  ; cette complication doit être recherchée systématiquement avant toute chirurgie rachidienne et doit être traitée (craniectomie occipitale et arthrodèse occipito-cervicale). Dans la majorité des cas la protrusion fréquente de la base du crâne ne s’accompagne pas de souffrance du névraxe et n’est ni une contre indication à la préparation par traction vertébrale ni à l’intervention.

Une traction préopératoire par halo crânien (Fig. 5) est tou-jours utilisée pour les patients qui ont des déformations importantes, surtout cyphotiques avec un déséquilibre du tronc mais aussi pour les brièvetés du thorax secondaires à une platispondylie. La traction permet d’intervenir sur un rachis beaucoup moins déformé et rééquilibré. Des inter-ventions aux membres inférieurs peuvent être indiquées en même temps que la pose du halo crânien en profitant de la phase de traction pour réduire les durées globales d’immo-bilisation et d’hospitalisation.

Même dans les formes sévères, il est possible de fixer le halo et de le maintenir pendant 45 jours à 2 mois en préopéra-toire. Le halo est posé sous anesthésie générale et locale, il faut mettre autant de fiches que possible, en général 8 à 10, en épargnant les régions frontale et occipitale, la multiplica-tion des points de fixation diminue le nombre de complica-tions locales en particulier infectieuses.Dans l’O.I., le crâne est généralement déformé avec une voussure pariétale, il faut fixer les fiches sous celle-ci et les serrer à la main régulièrement deux fois par semaine pen-dant toute la durée de la traction. Les soins locaux sont limi-tés à un nettoyage local des fiches et à un shampoing anti-septique quotidien.La traction est installée d’emblée, augmentée rapidement, jusqu’à 35 à 40 % du poids du corps, son efficacité est éva-luée par les mesures successives de la taille du tronc, le gain obtenu est de 5 à 8 cm en moyenne. L’absence de gain de taille alors que la traction est arrivée à un maximum tolé-rable par le patient impose de ne pas trop différer la date de l’arthrodèse.Les épreuves fonctionnelles respiratoires sont réalisées ré-gulièrement, le gain en capacité vitale est en moyenne de 15 à 30 % (Fig. 6).

Fig. 3 : Dans le syndrome de Bruck les déformations rachidiennes, en particulier cyphotiques, sont fréquentes et comportent un risque majeur de complications neurologiques.

Fig. 4: L’impression basilaire est très fréquente chez les patients O.I. avec un risque de compression du névraxe associé ici à une syringo-myélie qui a justifié une craniectomie, une laminectomie de décom-pression et une arthrodèse occipito-cervicale.

Fig. 5 : La préparation par traction vertébrale continue avant l’ar-throdèse vertébrale postérieure est utilisée de façon pratiquement constante. Elle permet un gain de taille, le rétablissement d’un équi-libre plus satisfaisant du tronc et la réduction de l’importance des déformations rachidiennes.

Fig. 6 : Clichés pulmonaires pré et post traction.La traction est très efficace pour les déformations thoraciques, per-mettant de récupérer de meilleures capacités pulmonaires à condi-tion d’être réalisée chez un patient jeune avant la fin de la maturation osseuse. Plus tard, la plasticité rachidienne et thoracique est réduite et ne permet pas d’obtenir d’aussi bonnes corrections.

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Traitement chirurgical des déformations rachidiennesde l’ostéogénèse imparfaite

par G. Finidori, V. Topouchian, Z. Pejin, C. Glorion

La surveillance neurologique clinique est quotidienne. La surveillance est aussi radiologique, il faut faire des clichés du rachis cervical et du crâne voire un scanner et des clichés en entier du rachis de face et de profil en fin de traction.Il peut être utile, dans les formes sévères, de faire une co-quille plâtrée antérieure, dans laquelle le patient sera opéré en décubitus ventral, permettant de mieux répartir les ap-puis et de faciliter les manœuvres sous anesthésie.Une intubation endotrachéale sous endoscopie peut être utile à cause de la brièveté et de la cyphose du rachis cervi-cal, il faut faire attention à la dentinogenèse imparfaite.

Il existe chez ces patients des risques de troubles de la ther-morégulation, il ne s’agit pas d’une véritable hyperthermie maligne mais il est préférable d’éviter les produits dérivés de la succinylcholine.

Nous n’avons pas relevé dans notre expérience une inci-dence des bisphosphonates sur la chirurgie rachidienne. De façon empirique nous évitons l’administration de ces dro-gues un trimestre avant l’intervention et dans les six mois en post opératoire ce qui n’est pas forcément pertinent étant donné l’effet rémanent de ces drogues.

L’arthrodèse vertébrale postérieureL’intervention est réalisée sous traction, il faut la réduire

d’au moins la moitié par rapport à celle établie pendant la période pré-opératoire. Un contrôle des potentiels évoqués sensitifs est réalisé avant et après l’installation du patient en décubitus ventral et des potentiels moteurs sont réalisés avant la mise en place du matériel. L’abord du rachis est fait entièrement au bistouri électrique, l’utilisation des rugines est trop hémorragique et risque de fracturer les lames. Il existe incontestablement une ten-dance hémorragique, il faut donc être très progressif, faire l’hémostase pas à pas et utiliser de la cire hémostatique. Gé-néralement le saignement peut être aussi assez facilement contrôlé grâce aux techniques actuelles d’anesthésie.L’abord du rachis dorsal est souvent difficile à cause d’une lordose dorsale, d’une rotation vertébrale importante et d’une déformation des côtes qui viennent en arrière sur les épineuses (Fig. 2).

En pratique, il ne faut pas faire de résection costale mais aborder le rachis de part et d’autre de cette zone lordotique, progressivement sectionner les épineuses et exciser les masses musculaires entre les côtes.

L’arthrodèse est réalisée in situ sans chercher de correction préopératoire sauf dans des formes peu sévères proches d’une scoliose idiopathique mais cette condition n’est pas habituelle.

Dans toutes les formes sévères habituellement opérées, l’arthrodèse est généralement étendue de T1 au sacrum (Fig. 7) et dans des formes moins sévères chez des patients marchants, on essaye d’épargner la région lombaire le plus possible, il faut être cependant très prudent car les arthro-dèses vertébrales trop courtes se compliquent de déforma-tions sous-jacentes.

Même dans les formes les plus sévères, il faut mettre un ma-tériel d’ostéosynthèse. L’arthrodèse seule ne protégera pas le rachis d’une aggravation et d’un effondrement progressif. On utilise un matériel généralement pédiatrique en titane sans spécificité particulière. Les vis pédiculaires sont rare-ment utilisées, uniquement dans les formes modérées avec un os relativement solide. Elles ne doivent pas être utilisées dans les formes sévères à cause de la petitesse, de la fragi-lité des pédicules et de l’importance des déformations avec un risque de migration intracanalaire. Les crochets habituels peuvent être utilisés et doivent être posés avec beaucoup de délicatesse, généralement la mise en place du matériel n’est pas programmée en préopératoire mais pendant l’in-tervention  ; en fonction des possibilités locales, on choisit les lames qui semblent « les plus solides ». Si un crochet casse une lame, il faut continuer de l’appuyer sur la lame fragilisée jusqu’à ce qu’il puisse se mettre en contact sur un ligament jaune. Il faut se servir des ligaments jaunes - qui ne doivent pas être excisés- qui sont parfois plus résistants que l’os pour poser les crochets !Nous avons beaucoup utilisé les fils métalliques sous la-maires de Luque qui correctement manipulés permettant souvent un ancrage efficace, il faut utiliser des fils simples et les serrer très progressivement avec beaucoup de prudence.

Fig.7 : Exemple d’une arthrodèse vertébrale postérieure (patient de 13 ans traité en préopératoire par traction). Une extension de l’arthrodèse jusqu’au sacrum est recommandée dans toutes les formes

sévères d’ostéogénèse imparfaite.

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Traitement chirurgical des déformations rachidiennesde l’ostéogénèse imparfaite

par G. Finidori, V. Topouchian, Z. Pejin, C. GlorionDans les formes les plus sévères, on peut se servir de gros fils de suture non résorbables qui permettent d’amarrer les tiges sur le rachis. Les liens sous lamaires peuvent aussi être utilisés.La fixation sacro-lombaire n’est généralement pas possible selon les techniques habituelles qui supposent un squelette de bonne taille et peu fragile. Il est rarement possible de faire des vissages dans le sacrum qui n’offre pas une résistance mécanique suffisante. On peut poser les tiges en arrière sur le sacrum en faisant attention qu’elles aient une position latérale pour ne pas pénétrer dans le canal (Fig. 7).On obtient dans les formes sévères une véritable auto sta-bilisation des tiges car les déformations sont assez impor-tantes, les gouttières para vertébrales très étroites et finale-ment le montage est suffisamment stable une fois que l’on a posé la greffe et refermé solidement les parties molles. L’utilisation du ciment (méthyl métacrylate) ne nous paraît pas nécessaire.L’avivement est fait à la pince gouge, en faisant très attention à ne pas faire d’effraction intra-canalaire et en se méfiant des déhiscences postérieures des lames qui sont fréquentes, en particulier dans la région sacrée.La greffe est réalisée par le mélange des fragments obtenus par l’avivement, mais la moisson est plutôt pauvre, et par de l’os de banque (tête fémorale) sectionné en petits cubes de 2 mm de côté. Cette greffe s’incorpore très bien ce que nous avons pu vérifier lors de reprises et la stabilité des arthro-dèses réalisées dans le temps confirme que cette méthode est satisfaisante et ne nous incite pas à la changer actuelle-ment.

Suites postopératoiresOn doit établir une bonne analgésie post-opératoire, y

compris par rachianesthésie.Le halo est généralement retiré à la fin de l’intervention. La période postopératoire la plus critique concerne les pa-tients qui ont une insuffisance respiratoire, il faut évaluer en préopératoire les difficultés potentielles, on sait que la capacité vitale chute de façon importante dans les premiers jours qui suivent l’intervention. Généralement il faut main-tenir l’intubation endo-trachéale passée par voie nasale et assurer une assistance respiratoire jusqu’à ce que le patient ait récupéré une fonction respiratoire efficace.En tout cas, il faut éviter de transférer en urgence dans un service réanimation un patient encombré, en insuffisance respiratoire et extubé. Pour toutes les formes sévères, il semble préférable d’éta-blir une immobilisation postopératoire dans un corset bi-valve avec une pièce pré-crurale si on a étendu l’arthrodèse jusqu’au sacrum. Généralement, la position assise est contre indiquée pendant 3 mois, l’immobilisation globale est de 3 à 4 mois. Ultérieurement, la kinésithérapie respiratoire doit être pour-suivie et fait souvent partie des soins nécessaires au long terme. Un programme de réhabilitation générale en centre de convalescence est mis en place pour récupérer une auto-nomie maximale.

Complications Les complications liées au halo crânien sont rares. Une

patiente a eu une déformation progressive du crâne avec une réduction de la protrusion basilaire sans conséquence neurologique ; à l’arrêt de la traction le crâne a repris sa mor-phologie antérieure. Il n’y a pas eu de complication grave per opératoire et nous n’avons pas eu à déplorer de décès per ou post opératoire, finalement cette chirurgie est moins dangereuse que celles pratiquées dans les maladies neuromusculaires et/ou pour les patients cardiopathes.Les complications mécaniques per opératoires sont liées à des difficultés de mise en place des crochets et des fils avec des ruptures de lames mais cela n’a pas empêché des mon-tages et la fragilité osseuse sévère n’est pas une contre indi-cation à la mise en place des tiges. Au début de l’expérience, deux patients ont eu des arthrodèses simples car on ne mai-trisait pas les techniques d’ostéosynthèse, les résultats n’ont pas été satisfaisants, l’arthrodèse seule ne permet pas de stabiliser le rachis.

Trois patients ont eu des complications neurologiques :Un syndrome de la queue de cheval par des greffons volu-mineux et compressifs sur une déhiscence des lames sa-crées  : le patient a été repris et les troubles neurologiques ont régressé.Deux paraplégies incomplètes dues à une traction excessive per opératoire : dans un cas il s’agissait d’un ancien dossier avant l’utilisation des potentiels évoqués, l’atteinte a été constatée après l’intervention, la récupération s’est faite progressivement sans reprise chirurgicale. Dans l’autre cas, la souffrance médullaire, dépistée par le contrôle électro-logique et confirmé par un réveil per opératoire, a justifié de lever la traction et de faire une arthrodèse sans matériel d’ostéosynthèse, la récupération neurologique est survenue rapidement. Ce patient a été maintenu dans un corset et a récupéré de son déficit. Il a été repris avec une ostéosyn-thèse et une nouvelle greffe.

Deux sepsis précoces ont justifié une reprise immédiate avec un débridement, un lavage, la conservation du maté-riel et une nouvelle greffe de banque. Le bénéfice de l’inter-vention n’a pas été perdu.Une patiente a eu un sepsis tardif, deux ans après l’arthro-dèse vertébrale postérieure. L’importance de l’infection a obligé l’ablation du matériel. Les déformations rachidiennes ont progressivement récidivé.Une patiente a eu une pseudarthrose avec une rupture de matériel et une perte de la correction post opératoire sur une importante cyphoscoliose opérée trop tardivement et non réduite par la traction préopératoire (Fig. 8).Trois patients ont eu, pour une arthrodèse trop courte, un démontage de la partie basse de l’ostéosynthèse qui a nécessité une extension de l’arthrodèse. Pour toutes les sco-lioses graves dans les O.I. sévères il est sûrement préférable de faire des arthrodèses étendues au sacrum, en particulier pour les patients non marchants.

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Traitement chirurgical des déformations rachidiennesde l’ostéogénèse imparfaite

par G. Finidori, V. Topouchian, Z. Pejin, C. Glorion

Reste le problème non résolu des déformations pelviennes : actuellement la chirurgie permet de stabiliser les déforma-tions des membres et du rachis mais laisse la pièce intermé-diaire pelvienne non protégée. Pour la plupart des patients sévèrement atteints surviennent des déformations pel-viennes avec des protrusions acétabulaires avec des enrai-dissements des coxo-fémorales. A noter une complication génitale chez une patiente avec une compression vaginale liée à une déformation des cadres obturateurs, cette compli-cation n’a pas été traitée. Pour ces déformations pelviennes et les protrusions acétabulaires associées, nous n’avons pas actuellement de solution chirurgicale à proposer et les trai-tements par les bisphosphonates ne semblent pas réduire la fréquence de ce problème (Fig. 9).

Résultats Dans les deux séries de patients étudiés, les angulations

ont été en moyenne réduites au plus long recul de 25 % pour la série la plus ancienne et de 37 % pour la série plus récente. Aucun patient n’a eu de complication tardive ni de nécessité de reprise et les résultats sont restés stables.Le gain de taille a été de 4 à 8 cm, la capacité vitale a été augmentée en moyenne et au plus long recul de 15 à 25 %.

Aucun patient n’a eu une autonomie dégradée par rapport à la période préopératoire et l’état fonctionnel a été amélioré dans un cas sur deux.A notre connaissance, sur l’ensemble des sujets opérés, nous n’avons pas eu à déplorer de décès, en particulier dû aux problèmes respiratoires alors que nous avons observé plusieurs décès chez des adultes dans des formes sévères non opérées.L’arthrodèse vertébrale postérieure semble préserver non seulement la fonction vitale, mais aussi réduire l’importance des déformations thoraciques, apporter un plus grand confort et globalement obtenir une meilleure autonomie chez des patients atteints d’O.I. quelqu’en soit la forme (Fig. 10).

BibliographieJanus GJ, Finidori G, enGelBert rh, Pouliquen m, PruiJs Je. Operative treatment of severe scoliosis in osteogenesis imperfecta : results of 20 patients after halo traction and posterior spondylodesis with in-strumentation. Eur Spine J. 2000 Dec;9(6):486-91.PubMed [citation] PMID: 11189916toPouChian V, Finidori G, Glorion C, PadoVani JP, Pouliquen JC. Posterior spinal fusion for kypho-scoliosis associated with osteogenesis im-perfecta : long-term results. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot. 2004 Oct;90(6):525-32. French. PubMed [citation] PMID: 15672919

Fig. 8 : Patiente opérée trop tardivement avec des déformations majeures. La cyphose résiduelle a été à l’origine d’une pseudarthrose avec rupture du matériel.

Fig. 9 : Le bassin non protégé est souvent le siège de déformations sévères avec des protrusions acétabu-laires. Les traitements actuels ne permettent pas de traiter de façon efficace cette complication invali-dante.

Fig. 10 : L’arthrodèse vertébrale postérieure protège de façon pérenne le rachis des patients O.I, leur épargnant des complications qui jadis entravaient leur autonomie et menaçaient précocement le pronostic vital.

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IntroductionDe l’apprenti barbier-chirurgien à l’interne de chirurgie,

les réformes se sont toujours succédées avec comme objec-tif commun : l’amélioration de la qualité de soins. Au XVIIIème siècle, l’enseignement était essentiellement théorique et organisé autour de quatre facultés (Bordeaux, Montpellier, Paris, Strasbourg). L’internat est officiellement créé le 10 février 1802. Il est accessible aux externes, sur concours, et n’excède pas le terme de quatre années. Sous l’impulsion, entre autres, de Pierre Joseph Desault, chirurgien-anatomiste et chef de la chirurgie de l’Hôtel Dieu, l’enseignement clinique et le compagnonnage est au centre de la formation française. Le concours de l’internat devient une étape indispensable. Alors que la formation théorique a été longtemps délaissée, depuis la fin du XXème siècle, elle revient au centre du troi-sième cycle. L’apprentissage de la chirurgie s’organise autour de l’obtention du D.E.S de chirurgie générale, conditionné par la validation de la formation théorique et pratique et de la soutenance d’un mémoire. La surspécialisation est validée par l’obtention d’un D.E.S.C II.

Une simplification du troisième cycle ainsi qu’une meilleure harmonisation des diplômes entre les différentes spécialités sont les principales motivations des différents ministères [1]. Le but est de créer une unique formation et un unique di-plôme pour chaque interne de médecine. De plus, l’internat doit s’adapter à l’association des contraintes économiques et démographiques, aux nouveaux outils pédagogiques et aux évolutions sociales. Mais à quel prix ?

Sur le plan personnel et professionnel, l’internat est une période importante et unique dans la vie d’un chirurgien. C’est un long et difficile parcours qui mène à une meilleure connaissance de soi et à l’apprentissage du métier. Les

connaissances, les compétences et l’expérience acquises auprès de nos maîtres constituent les fondements de notre pratique future. La réforme du troisième cycle ne doit pas galvauder cet héritage français.

Depuis 2009, les ministères de l’enseignement supérieur et de la santé orchestrent la grande réforme du troisième cycle des études médicales. L’objectif est de mettre en place cette réforme pour la rentrée 2017. D’après le second rapport de 2015 [2], établie par les pro-fesseurs Couraud et Pruvot, la réorganisation du troisième cycle des études médicales est fondée sur 4 principes : un unique diplôme (le D.E.S) nécessaire et suffisant à l’exer-cice médical, dont l’orientation est déterminée en « post- ECN », avec pour conséquence la filiarisation précoce pour toutes les spécialités, une formation progressive divisée en trois phases, une évaluation des compétences acquises au terme de chaque phase et l’introduction d’une pluridiscipli-narité au sein de chaque D.E.S.

Le premier point fort est la restructuration des maquettes de formation. Les maquettes du D.E.S de chirurgie pédiatrique ou de chirurgie orthopédique et de traumatologie, choisies en post-ECN, sont d’une durée de 6 ans : la phase I d’un an, la phase II de trois ans et la phase III de deux ans (avec deux stages de douze mois). La durée du droit au remord est fixée à deux ans. La thèse de doctorat d’état doit être soutenue avant la fin de la phase II. Précisons que la maquette du D.E.S d’orthopédie pédiatrique, avec 8 semestres au total (phase I + II), comporte : • 3 stages en orthopédie pédiatrique et 1 stage en viscérale pédiatrique (notons que si l’un de ces 4 stages a déjà été réalisé en phase I, il arrive en déduction du nombre à réaliser en phase II), • 2 stages d’orthopédie adulte à réaliser en phase I et/ou II,

Schéma tiré de la réunion d’information de juin 2016 concernant la réforme du 3e cycle des études de médecine - arbitrages et précisions - mission B. Schlemmer

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• 2 stages libres à réaliser en phase I et/ou II (orthopédie adulte ou pédiatrique, neurochirurgie, vasculaire etc…)

L’autre point fort de la réforme est l’amélioration de l’enca-drement pédagogique. À chaque changement de phase, une évaluation des compétences acquises est mise en place. Plusieurs outils pédagogiques sont utilisés comme le port-folio numérique [3], la simulation et le e-learning. Le rapport préconise de créer, pour chaque D.E.S, un conseil constitué d’enseignants (y compris CCA et AHU), de PH et de représen-tants des internes afin de décider de la politique de forma-tion à mettre en place par les coordinateurs. Parallèlement, une évaluation périodique aura lieu par le haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Enfin, une amélioration et une meilleure défi-nition des critères de qualité des agréments des lieux de stages sont à prévoir pour les trois phases.

Cette réforme pose un certain nombre de questions aux-quelles nous allons essayer de répondre en interviewant des acteurs de la société française d’orthopédie pédiatrique d’horizons différents.

Interview1 – Pensez-vous qu’il soit nécessaire de réformer le troi-sième cycle des études médicales ?Joël Lechevallier : Oui, les modalités de formation devaient évoluer (introduction du «e-learning», de l’apprentissage par la simulation, optimisation de l’évaluation...). Les contraintes économiques et démographiques ont amené nos minis-tères de tutelle à nous faire former plus de médecins sans augmenter les dépenses de formation.Christophe Glorion  : Nécessaire peut-être pas mais per-tinent oui. Dans le contexte actuel, la clarification du troi-sième cycle des études médicales est une bonne idée. Ce-pendant, nous pouvons craindre qu’un engagement trop précoce dans notre spécialité contraigne le recrutement. Je reste toutefois attaché à l’idée que le choix d’une spécialité chirurgicale est guidée par de belles rencontres.Pierre Chrestian  : Oui personnellement je le pense. Je déplore que soit pris uniquement en compte l’aspect technique. Nous faisons un métier de relation, une part importante doit être consacrée aux sciences humaines. De plus la préparation doit prendre encore compte l’exercice «  privé  »  avec ses contraintes de gestion et d’organisation (conduite et organisation d’une consultation, rentabilité, efficacité opératoire, gestion des difficultés relationnelles). Celui-ci a totalement été oublié dans cette réforme. Et en orthopédie infantile, il représente environ 20 % de l’activité.Solène Joseph : La volonté de réformer le troisième cycle est une volonté gouvernementale, de longue date et de tous bords politiques. Les étudiants, comme leurs patrons, étaient plutôt conscients et satisfaits de la bonne formation des internes de chirurgie en France.

2 – Le ministère vous a-t-il consulté pour la conception de

cette réforme ? Si oui, vos remarques ou suggestions ont-elles été prises en compte ? JL : De 2013 à juin 2015 (date du second rapport Couraud et Pruvot), le Ministère m’a tenu informé et auditionné sur le sujet en tant que Président du C.N.U. Nous avons proposé une première maquette de formation en avril 2015. N’ayant pas été satisfaits sur certains points essentiels, et en particu-lier sur la durée de formation dans les 12 filières chirurgicales qui étaient unies sur un projet de maquette de 7 années, la tension a été très forte à la fin du premier semestre 2016. La menace d’un mouvement national des enseignants chirur-giens a été entendue. Mais la durée totale de la formation étant limitée de façon non négociable à 6 ans, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) a accepté de céder (avec le soutien de l’ISNI qui a revu radica-lement sa position à 12 mois d’intervalle) sur la modification des 2 dernières années de la formation (phase III). L’interne devient alors, « assistant de 3ème cycle », c’est à dire toujours étudiant, mais plus interne puisque thèsé. Il est donc auto-risé à faire des remplacements, prendre des gardes comme titulaire. Il valide dans le même temps l’une des 2 années qui lui donneront accès le cas échéant au secteur 2 de la convention. La durée de l’internat est ainsi ramenée à 4 ans, telle que vos ainés l’on connue, mais avec une réduction drastique du temps de travail (repos de lendemain de garde, temps personnel de formation…) qui aboutit in fine à une réduction de la durée de formation sur le terrain de près de 50 %.CG : J’ai été consulté par le biais de la commission Couraud et Pruvot. Je leur ai recommandé d’ouvrir l’accès à l’orthopé-die pédiatrique quelle que soit la voie choisie (filière adulte/filière pédiatrique). J’ai été partiellement entendu puisque la spécialisation sera possible par la filière adulte mais sous certaines conditions afin de faire respecter une meilleure harmonisation entre les diplômes.PC : Le ministère n’a probablement pas consulté les gens du « privé » car considéré comme minoritaire. J’ai fait pour ma part un travail très complet exposé dans la Gazette d’ortho-pédie pédiatrique (novembre 2015) s’inspirant des travaux de formation des ingénieurs et des métiers techniques dont on a beaucoup à apprendre et dont il n’a absolument pas été tenu compte.SJ : Le projet étant assez ancien, je ne connais pas les tracta-tions initiales de la conception. En revanche, il a été créé à la rentrée 2015 une commission dirigée par B. Schlemmer qui s’est mise en étroite relation avec les Collèges d’enseignants de Médecine et de Chirurgie d’une part, et avec les repré-sentants des étudiants via l’ISNI (Inter Syndicat National des Internes) et le CNJC (Conseil National des Jeunes Chirur-giens) d’autre part ; cela nous a permis d’intervenir dans le débat.

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3 – Quel peut être l’impact de la filiarisation précoce ?JL : La filiarisation précoce, associée à la réduction du temps de l’internat, a pour conséquence de devoir former un in-terne spécialisé plus tôt dans le cursus mais sur une plus courte durée (4 ans). Un meilleur encadrement et suivi du parcours des internes de la spécialité ainsi qu’une vision plus claire des effectifs de la filière sont les points positifs de cette filiarisation précoce. Cependant, cette mesure cou-plée à la réduction de la durée de l’internat risque de pous-ser les internes à sacrifier des stages hors de leur spécialité. On peut craindre que certains feront l’impasse sur leur stage en chirurgie pédiatrique, pour ne pas sacrifier leur durée de formation dans leur filière. Aussi, nous risquons une baisse du nombre d’internes de chirurgie adulte dans nos services entravant son bon fonctionnement. Toutefois, un semestre en orthopédie pédiatrique reste inscrit comme obligatoire dans la maquette d’orthopédie.CG  : Nous risquons une diminution de l’ouverture d’esprit et du champ des connaissances. Ainsi, la culture générale chirurgicale sera laissée à la charge de chacun. Une filiari-sation précoce associée à un temps de formation plus court concentre le temps d’apprentissage à la spécialité.PC : Je suis pour ma part totalement opposé à ce système. Il est plus facile de passer du général au particulier que l’in-verse.SJ  : La filialisation précoce, bien qu’attendue et réalisable dans certaines spécialités, est tout à fait délétère. Pour tous les internes de chirurgie, on considère jusque-là que le chirurgien doit avoir une culture chirurgicale générale mini-male (et nécessaire). En particulier pour notre spécialité pé-diatrique, on craint un rejet de la spécialité par les étudiants issus de l’ECN et la désertification des services.

4 – La réduction de la durée de « l’internat » à 4 ans porte-elle réellement préjudice à l’apprentissage de notre spé-cialité ?JL : Une durée d’internat de 4 ans et d’assistanat de 3ème cycle de 2 ans risque d’être courte pour la majorité. Le risque est d’aboutir à 2 « vitesses » de formation. Les postes d’assistant spécialiste ou de chef de clinique assistant devront être préservés au niveau de chaque service universitaire. Nous le demandons tous, mais cette disposition sort du cadre de la réforme du 3ème cycle. Nous en reparlerons tout à l’heure.CG  : Non car la masse des connaissances à apprendre est concentrée sur la spécialité. Cependant, cette concentra-tion, cumulée à la démographie des services en France, rend indispensable la mobilité des internes pour améliorer leurs compétences.PC : Je pense que la réduction à quatre ans est tout à fait préjudiciable étant donné l’importance des connaissances à acquérir surtout en matière de physiologie et de psycho-logie du corps de l’enfant. Mon expérience de chirurgien orthopédique pédiatre durant 40 ans m’a montré qu’il faut avoir une grande connaissance de la pathologie médicale pédiatrique (il arrive très souvent d’être amené à redresser une erreur de diagnostic).

Bien souvent les chirurgiens orthopédistes pédiatre issus de la filière adulte n’ont pas cette connaissance.SJ : Oui. Je pense que c’est toute la profession de chirurgien qui est en pleine mutation et cela passe par la formation. 4 ans c’est court si l’on considère la variété et la rareté des cas à voir/à faire/à transmettre dans notre spécialité. Sans comp-ter la réforme du temps de travail des Internes qui diminue drastiquement le temps de présence clinique et opératoire. 4 ans c’est dire à un interne de 8ème semestre aujourd’hui : c’est bon, va t’installer. Serions-nous prêts ?

5 – Comment se fera la sélection des internes pour entrer dans le D.E.S ?JL : Le choix du D.E.S se fera selon son rang à l’Examen Clas-sant National. Les postes dans chaque filière seront fixés par adéquation.SJ : Il semble qu’il n’y aura pas de « sélection ». Le DES sera choisi en post ECN et l’étudiant débutera sa phase I. A son issue, il pourra faire un droit au remord ou s’inscrire dans la spécialité... En cas de désaccord, le recours n’est pas défini. Cependant, en chirurgie il est risqué de forcer son inscrip-tion, la formation étant assurée par compagnonnage.

6 – La réforme prévoit de mettre la simulation au centre de la formation pédagogique. Les facultés sont-elles toutes prêtes à encadrer et financer cet outil de formation ? JL : Oui, depuis ces dernières années, des centres de simula-tion ou « medical training center » se sont ouverts dans diffé-rentes villes universitaires. D’après le rapport de mission de l’HAS (2012) [5], 34 centres répartis dans la France entière ont vu se développer un centre de simulation médicale. Ac-tuellement, dans le cadre des cours du D.E.S.C de chirurgie pédiatrique, la formation à la simulation médicale commen-cera dès décembre 2016. Elle portera sur la sphère relation-nelle patient-médecin (annonce diagnostic, explication du traitement) et sur l’apprentissage des gestes techniques. Notre spécialité est en avance sur cette question sachant que nous sommes les seuls à développer un modèle de for-mation à la simulation à l’échelle nationale.CG : Si la simulation, par le training, contrebalance la forma-tion plus courte se sera un réel bénéfice. La simulation est un outil d’apprentissage moderne et incontournable qui prend de plus en plus d’ampleur sans toutefois devoir remplacer la pratique au bloc opératoire.La mise en place de ce procédé dans les différentes villes doit créer une émulation entre les facultés. Aujourd’hui, Nice et Angers sont par exemple en avance sur ce sujet alors qu’à Paris les choses commencent à s’organiser.SJ : La simulation est en effet au cœur de toutes les forma-tions. Le développement initial a été un peu sporadique et inégal, à la fois en fonction des villes et des spécialités. Le Collège de Chirurgie Pédiatrique met en place, à partir de cette année, des cycles triennaux de programme de simula-tion, national et régional, afin d’uniformiser la formation et permettre à chacun d’utiliser cet outil.

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7 – Quel regard portez-vous Monsieur Chrestian sur ces deux derniers sujets ?PC : La sélection doit se faire de manière plus sévère et doit prendre en compte la structuration intellectuelle, les qua-lités morales (attention aux déviances sexuelles), l’habileté technique et les possibilités d’adaptation. Ceci doit se faire à partir de plusieurs entretiens avec plusieurs praticiens por-tant sur la motivation et sur l’élaboration d’un véritable pro-jet professionnel, mais aussi sur des tests psychotechniques et des tests d’habileté manuelle (une épreuve de dissection pourrait être utilisée par exemple). Ces épreuves doivent être cependant examinées avec beaucoup de pondération et être envisagées dans une optique de possibilité d’amé-lioration. Cela implique, comme il est prévu dans la réforme, une permanente réévaluation. Celle-ci doit impérativement s’accompagner de possibilités de reconversion. La simula-tion est un outil merveilleux d’apprentissage et surtout de répétition. Ceci se fait dans toutes les facultés nord-améri-caines.

8 – Quelles seront les conditions d’exercice de l’assistant spécialiste de troisième cycle (phase III) (condition d’ad-mission, durée du stage, garde sénior, programmation au bloc opératoire, activité de consultation, rémunération) ?JL  : Les conditions devront rester les mêmes que pour un assistant actuel. Le poste d’assistant spécialiste du troisième cycle sera automatiquement attribué à l’interne de la filière. Des inter-C.H.U ou des échanges d’une structure à une autre seront possibles. C’est l’interne qui choisira le service forma-teur de sa filière et non le directeur régional du D.E.S.CG : Les conditions d’exercice resteront inchangées. En re-vanche, la volonté de diminuer le coût des études médicales au travers de cette réforme impactera directement la rému-nération de l’assistant du troisième cycle.SJ  : Le statut de l’Assistant «  perDES  » est un des points cruciaux des débats. Pas facile à définir clairement et surtout à différencier de l’assistant « postDES ». La phase III débute après la thèse et inscription partielle à l’ordre (statut de chef, non responsable) donc normalement saut statutaire et salarial (réclamé). En pratique ??? pour 6 mois ou 1 an, il faut ouvrir une consultation, une salle de bloc opératoire pour être autonome mais cela doit rester de la formation avec un senior disponible, et non pas écouler tous les malades « faciles » du service…

9 – Selon les derniers rapports, le « post-D.E.S » non diplô-mant ne sera pas impacté par la réforme. Malgré la bonne volonté des différents ministères, ne craignez-vous pas une diminution du nombre de postes d’assistants des hô-pitaux dans 7ans ?JL : Comme nous l’avons déjà dit, le décret ne porte que sur la réglementation du troisième cycle des études médicales. Il n’a pas été possible d’obtenir de ce fait l’inscription dans les textes de postes garantis au terme de l’acquisition du D.E.S. Nous avons bien fait entendre que nous étions très hostiles à la remise en cause du nombre de postes d’assis-tants dans le futur. Nous devrons, chacun, dans nos villes, avec nos administrations, nos facultés, nos ARS, être par-

ticulièrement actif pour préserver et obtenir de nouveaux postes d’assistants spécialistes. En revanche, les postes de chef de clinique assistant seront plus nettement ciblés vers les collègues qui ont un projet universitaire.CG : Nous ne pouvons pas prédire quelle sera la politique mise en place dans 7 ans. Néanmoins, une bonne gestion de la masse salariale du pôle peut limiter une diminution du nombre de postes d’assistants des hôpitaux.SJ : Oui bien sûr. L’objectif de la réforme est de simplifier et de raccourcir la durée du 3ème cycle. Il est évident qu’on ne pourra pas tous faire 6 ans de DES puis 2 ans de postDES (assistant ou CCA), ce qui allongerait la durée de formation ! Je rappelle que les postes d’assistants pourront être parta-gés entre CHU et périphérie. Bien que le ministère ait pour l’instant annoncé qu’il conservait le nombre d’assistants et de CCA, il faudra rester vigilant.

10 – Existera-t-il toujours une passerelle possible de l’or-thopédie adulte à l’infantile ?JL : J’ai plaidé le maintien des passerelles durant l’internat, mais la volonté de simplification et d’uniformisation des diplômes a limité la durée du droit au remord et donc de l’utilisation de passerelles aux deux premières années. En revanche, le format de nos maquettes est particulièrement souple de sorte que le conseil de l’ordre, gardant la maîtrise de l’attribution des qualifications, devra pouvoir attribuer une qualification pédiatrique aux titulaires du D.E.S d’ortho-pédie ayant réalisé un nombre de stage d’infantile entrant dans la composition de la maquette du D.E.S de chirurgie pédiatrique.CG : Oui et j’y suis pleinement favorable.PC : Cette disposition me paraît fondamentale. Il est extrê-mement difficile d’exercer l’orthopédie infantile et le pas-sage doit pouvoir se faire dans les deux sens de l’orthopédie infantile vers l’orthopédie, et réciproquement.

Bibliographie[1] Propositions pour une restructuration du troisième cycle des études médicales – F. Couraud, F.R. Pruvot – Avril 2014 [2] Propositions pour la formation initiale et la formation tout au long de la vie des spécialistes médicaux – F. Couraud, F.R. Pruvot – Juin 2015[3] http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/port-folionumerique[4] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=2B4C6322E74E1D9F423884F44DBCD5FD.tpdila14v_1?idArticle=JORFARTI000024457051&cidTexte=JORFTEXT000024457033&dateTexte=29990101&categorieLien=id[5] Rapport de mission H.A.S – État de l’art (national et internatio-nal) en matière de pratiques de simulation dans le domaine de la

Je remercie chaleureusement Mr. Lechevallier (interview du 21/07/2016 mis à jour le 26/09/2016), Mr. Glorion (interview du 13/09/2016), Mr. Chrestian (interview du 13/08/2016) et Solène Joseph (interview du 2/10/2016), présidente de l’ACPF (Association des Chirurgiens Pé-diatres en Formation), d’avoir joué le jeu et consacré un peu de leur temps à cette interview.

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L’opération de D. Dunn revisitéepar J.-C. Rey

L’opération décrite par Dennis Dunn de Colchester en 1964 pour la correction des épiphysiolyses à grand déplacement obéit à un protocole très précis.J’en ai vanté les mérites il y a de nombreuses années après deux visites à l’auteur, l’affaire m’avait convaincu.Il me parait opportun de faire quelques commentaires à ce sujet.En effet la littérature spécialisée (périodiques ou traités) fait état d’ostéotomie du col selon Dunn et en particulier de Dunn par voie antérieure !Par sa technique l’auteur cherche à protéger efficacement les vaisseaux circonflexes postérieurs en effectuant un décolle-ment sous-périosté qui part de la ligne inter trochantérienne postérieure, soulève les tendons des muscles rotateurs qui s’insèrent au fond de la fossette digitale, pour s’arrêter proche de l’épiphyse. Cette libération est suivie d’une libéra-tion de l’épiphyse (en glissant une mince spatule dans le car-tilage de conjugaison), ce qui permet de reposer l’épiphyse en place sans tendre les vaisseaux (que l’on ne voit pas et que l’on ne doit pas chercher à voir). Il s’est souvent construit un rebord osseux saillant qui fait chevalet, on le résèquera à la pince-gouge. La reposition de l’épiphyse ne nécessite qu’une régularisation de la surface du col à la pince-gouge également. Il n’y a pas de résection du col au ciseau frappé.Il est évident que seule la voie postérieure peut effectuer ces gestes. Une condition essentielle est que le cartilage de croissance ne soit pas encore soudé.

Aucune intervention correctrice sur le col ne met à l’abri d’une nécrose ischémique de la tête, mais c’est celle de Dunn qui m’a paru offrir le plus de garanties.En conclusion, le Dunn c’est par en arrière, par en avant ce sont les techniques de P.Wilson (1924), de Compere (1962), de M. Miiller (1962), de J. Lagrange et P. Rigault (1966), dont certaines comportent une véritable résection du col.

Ajoutons deux documents intéressants.La pièce anatomique (a) publiée par Bousseau en 1865 illustre de façon caricaturale le décollement épiphysaire avec conservation de ses attaches vasculaires. Cette pièce, prélevée chez un adolescent écrasé par une charrette passe pour la première description d’épiphysiolyse (en oubliant Ambroise Paré).Le second document (b), photographie d’une pièce fraiche, montre assez bien comment le périoste du col se décolle bien et comment ces attaches s’insèrent sur l’épiphyse.(Pour rassurer le lecteur devant cette pièce de résection tête et col, il s’agissait d’un adolescent grabataire, infirme moteur cérébral, dont l’adduction bilatérale fixée des hanches inter-disait la moindre mobilisation et les soins les plus élémen-taires).

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