la gazette - livres médicaux – sauramps médical · de beaujon sur paris à calot sur berck ......

28
Février - Mars 2010 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours Bureau de la SOFOP Président : C. MORIN 1 er Vice-Président : C. BONNARD - 2 e Vice Président : C. ROMANA - FUTUR 2 e Vice Président : J. LECHEVALLIER Ancien Président : J.M. CLAVERT Secrétaire Général : J.L. JOUVE Trésorier : P. LASCOMBES Membres du Bureau : B. de BILLY, S. BOURELLE, A. KAELIN, P. MARY, P. WICART Editorial SO.F.O.P. De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck Dater, être dépassé et devenu « has been », c’est la crainte de tout retraité. Vers 60 ans, le chirurgien s’inquiète. Il veut rester dans la course, connaître et utiliser encore les tech- niques de pointe, faute de les inventer. C’est l’avant-dernier combat ; j’ai connu cela. Au-delà de 70 ans, on finit par accepter de da- ter, d’être dépassé, de hasbeener. On n’essaye plus que d’amuser les jeunes en leur parlant du bon vieux temps, de son folklore, en em- bellissant tout avec nostalgie. C’est le dernier combat, celui que je mène essouflé. En voici des épisodes. Jean-Claude Rey a raison en disant que les élèves de Jean Cauchoix « se souviendront de lui avec regret et reconnaissance ». Mais… J’étais l’interne de Jean Cauchoix à Beaujon en 1964 ; la plupart des lecteurs de cette ga- zette n’étaient pas nés ! Tant pis pour eux. Ils n’auront pas connu l’aventure crispée d’un aller Beaujon-Calot à la place du mort, Jean Cauchoix conduisant son Alfa Romeo. Il aimait être accompagné par l’un de nous. Il voulait arriver le plus rapidement possible mais les routes, dès le sortir de Paris, n’avaient pas les qualités de l’A 16, en projet seulement à l’époque. Le compteur descendait rarement au-dessous de 120 sauf parfois dans les tra- versées des villes. Les virages me paraissaient toujours très raides et le patron parlait en re- gardant son passager comme pour guetter ses réactions. Pour le jeune père responsable de 3 enfants et habitué à une 2 CV, l’épreuve était rude. Le respect, en ce temps ancien, interdisait la moindre remarque sur cette conduite sportive. C’est en sueurs, exténué de crampes, tremblotant que j’arrivais à Calot. D’autres que moi ont connu l’expérience. Mais seul comptait le résultat et l’on récidivait vo- lontiers un mois plus tard. Car à Calot, tout était enseignement. J’y ai connu avec profit Héripret et Duriez lorsqu’avec Jean-Claude Rey, nous exploitions les dossiers « Epiphysiolyse » de l’Institut. C’est de Georges Morel et d’Yves Cotrel que j’ai le plus appris…mais je ne sais plus quoi car le temps est passé là-dessus ! De Berck je me rappelle cependant quelque chose avec cer- titude : le vent. A-t-il disparu avec les progrès des traitements des scolioses et de la luxation congénitale de hanche ? J’interrogerai Chris- tian Morin sur ce point important. En effet, en 1967 (la plupart des lecteurs etc…) le sable, poussé par lui (le vent) passait sous la porte et par bien d’autres entrées ; il tapissait tout l’intérieur, le sol, la table et sa nappe de toile cirée, les objets, le dessus de lit (en toile cirée) du petit appartement loué pour deux semai- nes près de la plage. Nos garçons étaient ré- veillés dès 6 heures le matin par les enfants de mineurs du nord en vacances sur la côte. Ha- bitués aux horaires de leurs pères, ils allaient tôt se baigner et, en chemin, tapaient de leurs pelles et de leurs seaux les murs de toutes les maisons. Quel concert, quel repos ! Comme il n’y a plus de mineurs, il n’y a plus d’enfants de mineurs ; on peut dormir tard à Berck. Sur cela aussi il me faudra interroger Christian Morin. Quand je retourne à Calot, trop rarement à mon goût, je prends le train car je n’ai pas d’Alfa Romeo. Henri Carlioz Edito ........................................................................1 par Henri Carlioz Hommage au Pr. Jean Cauchoix....................2 par Jean-Claude Rey L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckois ...................................4 par Jean-Claude Léonard et Christian Morin Brève histoire berckoise du traitement orthopédique de certaines déformations du rachis ........ 10 par Christian Morin et René Vandermeulen La technique du « no touch » une touche de rigueur pour moins d’infection ? ............................... 15 par Sébastien Raux et al. La costo-transversectomie ........................... 17 par Jean-Claude Rey Le cas du jour .................................................... 21 par Philippe Violas et Jonathan Benoist Technique chirurgicale de la prothèse totale de hanche chez le patient neurologique non marchant ................................................... 22 par Christophe Delecourt et al. L’enfant « pas comme les autres » (suite) ................................................................... 25 par Jean-Louis Fournier et al. Le cas du jour : réponse à un problème de vertèbre borgne......................................... 27 par Philippe Violas et Jonathan Benoist la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée à partir de votre ordinateur via notre adresse : www.livres-medicaux.com Fondateur J.C. POULIQUEN † (Paris) Éditorialiste H. CARLIOZ (Paris) Rédacteur en chef C. MORIN (Berck) Membres J. CATON (Lyon) P. CHRESTIAN (Marseille) G. FINIDORI (Paris) J. L. JOUVE (Marseille) R. KOHLER (Lyon) P. LASCOMBES (Nancy) G. F. PENNEÇOT (Paris) M. RONGIERES (Toulouse) J. SALES DE GAUZY (Toulouse) R. VIALLE (Paris) et le “ GROUPE OMBREDANNE” Correspondants étrangers M. BEN GHACHEM (Tunis) R. JAWISH (Beyrouth) I. GHANEM (Beyrouth) Éditeur SAURAMPS MEDICAL S.a.r.l. D. TORREILLES 11, bd Henri IV CS 79525 34960 MONTPELLIER Cedex 2 Tél. : 04 67 63 68 80 Fax : 04 67 52 59 05 La Gazette de la SO ciété F rançaise d’ O rthopédie P édiatrique N°29

Upload: nguyentu

Post on 10-Sep-2018

215 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

Février - Mars 2010 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours

Bureau de la SOFOPPrésident : C. Morin

1er Vice-Président : C. Bonnard - 2e Vice Président : C. roMana - Futur 2e Vice Président : J. LeChevaLLier

Ancien Président : J.M. CLavert

Secrétaire Général : J.L. Jouve

Trésorier : P. LasCoMBes Membres du Bureau : B. de BiLLy, s. BoureLLe, a. KaeLin, P. Mary, P. WiCart

Editorial SO.F.O.P.De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck

Dater, être dépassé et devenu « has been », c’est la crainte de tout retraité. Vers 60 ans, le chirurgien s’inquiète. Il veut rester dans la course, connaître et utiliser encore les tech-niques de pointe, faute de les inventer. C’est l’avant-dernier combat ; j’ai connu cela.Au-delà de 70 ans, on finit par accepter de da-ter, d’être dépassé, de hasbeener. On n’essaye plus que d’amuser les jeunes en leur parlant du bon vieux temps, de son folklore, en em-bellissant tout avec nostalgie. C’est le dernier combat, celui que je mène essouflé. En voici des épisodes.Jean-Claude Rey a raison en disant que les élèves de Jean Cauchoix « se souviendront de lui avec regret et reconnaissance ». Mais…J’étais l’interne de Jean Cauchoix à Beaujon en 1964 ; la plupart des lecteurs de cette ga-zette n’étaient pas nés ! Tant pis pour eux. Ils n’auront pas connu l’aventure crispée d’un aller Beaujon-Calot à la place du mort, Jean Cauchoix conduisant son Alfa Romeo. Il aimait être accompagné par l’un de nous. Il voulait arriver le plus rapidement possible mais les routes, dès le sortir de Paris, n’avaient pas les qualités de l’A 16, en projet seulement à l’époque. Le compteur descendait rarement au-dessous de 120 sauf parfois dans les tra-versées des villes. Les virages me paraissaient toujours très raides et le patron parlait en re-gardant son passager comme pour guetter ses réactions. Pour le jeune père responsable

de 3 enfants et habitué à une 2 CV, l’épreuve était rude. Le respect, en ce temps ancien, interdisait la moindre remarque sur cette conduite sportive. C’est en sueurs, exténué de crampes, tremblotant que j’arrivais à Calot. D’autres que moi ont connu l’expérience. Mais seul comptait le résultat et l’on récidivait vo-lontiers un mois plus tard.Car à Calot, tout était enseignement. J’y ai connu avec profit Héripret et Duriez lorsqu’avec Jean-Claude Rey, nous exploitions les dossiers « Epiphysiolyse » de l’Institut. C’est de Georges Morel et d’Yves Cotrel que j’ai le plus appris…mais je ne sais plus quoi car le temps est passé là-dessus ! De Berck je me rappelle cependant quelque chose avec cer-titude : le vent. A-t-il disparu avec les progrès des traitements des scolioses et de la luxation congénitale de hanche ? J’interrogerai Chris-tian Morin sur ce point important. En effet, en 1967 (la plupart des lecteurs etc…) le sable, poussé par lui (le vent) passait sous la porte et par bien d’autres entrées ; il tapissait tout l’intérieur, le sol, la table et sa nappe de toile cirée, les objets, le dessus de lit (en toile cirée) du petit appartement loué pour deux semai-nes près de la plage. Nos garçons étaient ré-veillés dès 6 heures le matin par les enfants de mineurs du nord en vacances sur la côte. Ha-bitués aux horaires de leurs pères, ils allaient tôt se baigner et, en chemin, tapaient de leurs pelles et de leurs seaux les murs de toutes les maisons. Quel concert, quel repos ! Comme il n’y a plus de mineurs, il n’y a plus d’enfants de

mineurs ; on peut dormir tard à Berck. Sur cela aussi il me faudra interroger Christian Morin.Quand je retourne à Calot, trop rarement à mon goût, je prends le train car je n’ai pas d’Alfa Romeo.

Henri Carlioz

Edito ........................................................................1par Henri Carlioz

Hommage au Pr. Jean Cauchoix....................2par Jean-Claude Rey

L’orthopédie pédiatriqueet les hôpitaux berckois ...................................4par Jean-Claude Léonardet Christian Morin

Brève histoire berckoisedu traitement orthopédiquede certaines déformations du rachis ........ 10par Christian Morinet René Vandermeulen

La technique du « no touch »une touche de rigueurpour moins d’infection ? ............................... 15par Sébastien Raux et al.

La costo-transversectomie ........................... 17par Jean-Claude Rey

Le cas du jour .................................................... 21par Philippe Violas et Jonathan Benoist

Technique chirurgicalede la prothèse totale de hanchechez le patient neurologiquenon marchant ................................................... 22par Christophe Delecourt et al.

L’enfant « pas comme les autres »(suite) ................................................................... 25par Jean-Louis Fournier et al.

Le cas du jour : réponse à un problèmede vertèbre borgne ......................................... 27par Philippe Violas et Jonathan Benoist

la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée à partir de votre ordinateur via notre adresse : www.livres-medicaux.com

FondateurJ.C. POULIQUEN † (Paris)

ÉditorialisteH. CARLIOz (Paris)Rédacteur en chefC. MORIN (Berck)

MembresJ. CATON (Lyon)

P. CHRESTIAN (Marseille)G. FINIDORI (Paris)

J. L. JOUVE (Marseille)

R. KOHLER (Lyon)P. LASCOMBES (Nancy)G. F. PENNEÇOT (Paris)

M. RONGIERES (Toulouse)J. SALES DE GAUzY (Toulouse)

R. VIALLE (Paris)et le “ GROUPE OMBREDANNE”

Correspondants étrangersM. BEN GHACHEM (Tunis)

R. JAWISH (Beyrouth)I. GHANEM (Beyrouth)

ÉditeurSAURAMPS MEDICALS.a.r.l. D. TORREILLES

11, bd Henri IVCS 79525 34960 MONTPELLIER Cedex 2 Tél. : 04 67 63 68 80Fax : 04 67 52 59 05

La Gazette de la SOciété Française d’Orthopédie Pédiatrique

N°29

Page 2: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

2

Hommage au Professeur Jean Cauchoixpar Jean-Claude Rey

« C’est pour moi une tâche de mémoire, de fidélité et j’ajouterai d’affection que de céder à la demande de Christian Morin pour évoquer la personne du Professeur Jean Cauchoix, décédé le 23 juillet 2009 à l’âge de 97 ans. J’attribue les motifs de cette demande largement à l’ancienneté de mes rapports avec lui et je le remercie de la confiance – et de l’honneur – qu’il me fait. »

Jean Cauchoix est né en 1912. Son père était Chirurgien des Hôpitaux de Paris, il mourut des suites d’une opération le laissant tout jeune aux soins de sa mère et de ses tantes. Très vite il se fit remarquer par sa vivacité, son intelligence et sa mémoire, sachant par exemple à l’âge de quatre ans ses départements. Ses études secondaires terminées il s’orienta naturellement, suivant une pente familiale, vers la médecine. Externe en 1932, interne des Hôpitaux de Paris en 1934 (8ème sur 94), au même concours que Jean Mathey et Jean-Louis Lortat-Jacob avec lesquels il formait un trio d’inséparables. Il fut l’interne des plus grands patrons de l’époque, Lenormant, Mathieu, Gosset et Quénu. Prosecteur en 1942, il est nommé au Bureau Central, c’est-à-dire Chirurgien des Hôpitaux en 1943 et sera nommé Agrégé de l’Université en 1952. D’abord assistant à Cochin de son aîné et ami Robert Merle d’Aubigné, son premier poste de chef de service à l’hospice d’Ivry en 1954 sera de courte durée. Il est nommé à Saint-Louis en 1955. Il y organisera dans des locaux historiques peu adaptés un service de chirurgie orthopédique de qualité, partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes de garde, l’un en chirurgie générale, l’autre en chirurgie orthopédique : c’était une innovation pour l’époque. La réforme hospitalo-universitaire créa quatre chaires de clinique chirurgicale orthopédique et Jean Cauchoix s’installa dans la chaire de l’hôpital Beaujon. Il y resta jusqu’à la retraite. A côté de cette carrière hospitalière il avait conservé une activité libérale qui ne l’empêchait pas d’exercer dans son service une présence quasi quotidienne, mais il avait aussi été choisi en 1955 pour diriger l’Institut Calot de Berck-Plage et organiser cet établissement qui avait

perdu son lustre du début du siècle. Voilà en quelques lignes l’essentiel de sa carrière professionnelle.La guerre terminée il prit conscience avec d’autres du retard de notre profession et de notre spécialité en particulier, figée dans ses acquis d’après 14-18. Avec R. Merle d’Aubigné et quelques autres, il s’embarqua pour un voyage d’études outre-atlantique, visitant Boston, New-York, Chicago et la Mayo. Ce furent des découvertes sur le plan des techniques, de l’organisation mais aussi sur le plan de l’anesthésie-réanimation. Ce fut aussi l’occasion de liens amicaux durables avec les chirurgiens américains. Au retour les voyageurs étaient bien décidés à agir, à bousculer l’état de fait hospitalier qui refusait l’individualisation de notre spécialité. Un entêtement aussi des instances professionnelles puisque l’Ordre des médecins n’accepta qu’en 1982 la spécialité orthopédique !Le service de Saint-Louis, quelles qu’aient été les difficultés matérielles, devint vite un service recherché, avec trois assistants, Jacques Duparc, André Lemoine et Alexandre Maschas, et trois internes. La non-touch technique était appliquée de la façon la plus rigoureuse et les plus réticents s’y pliaient, d’autant plus nécessaire dans cet environnement mal adapté. Rien n’était laissé à l’improvisation, on tremblait à la grande visite du samedi d’être vertement prié de refaire un plâtre pour quelques degrés d’équin. Puis c’était le staff, présentation des opérés au programme et discussion des indications ; le mercredi suivant c’était le déjeuner du service dans le petit pavillon Henri IV, où l’on découvrait un Patron un peu détendu. Suivait le staff plus rapide des opérés de la semaine passée.Tous les mois le Patron disparaissait quelques jours et les mieux informés parlaient d’une expédition berckoise. Pour ceux qui ont eu le privilège – étant interne à Paris – d’accompagner le Patron, le contraste était étonnant. D’abord l’ambiance de Calot, parfaitement tenu et administré par les religieuses Franciscaines, dans une atmosphère étrange d’encaustique et de désinfectant. Ensuite la transformation du Patron : à Paris, tension permanente, visage contracté, des appréciations autoritaires, à Berck un personnage tout différent, abordable, certes pas jovial mais pouvant plaisanter avec beaucoup d’humour. C’était donc une fois par mois qu’il arrivait à l’Institut Calot le mercredi soir vers vingt-trois heures ou minuit, quel que soit le temps (le verglas dans la descente sur Poix ou sur Abbeville l’enchantait). Le lendemain il était prêt pour opérer avant huit heures, chaussé de ses tennis. La fin du séjour était consacrée à l’examen des dossiers de malades passés et futurs. Les soirées étaient studieuses à mettre au point une communication. Il imposait bien sûr à Berck les mêmes exigences qu’à Paris. Cette activité de Berck fut pour lui très heureuse car elle lui permettait d’envisager la chirurgie orthopédique dans son ensemble, chez l’enfant comme chez l’adulte, sans cette scission ridicule qui n’existe que chez nous et qui sépare les services d’enfants des services d’adultes, interdisant le suivi des jeunes patients au delà de l’âge de quinze ans.C’est à Calot que M. Cauchoix mit au point sa technique d’allongement extemporané du fémur avec cette installation originale du treuil mural. Il y développa la chirurgie vertébrale, celle du mal de Pott, et engagea la chirurgie des scolioses, y opéra son premier cas de sténose lombaire. S’il abandonnait progressivement le traitement des scolioses à

Le Professeur Jean Cauchoix, Président de la SOFCOT en 1971

Page 3: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

3

Hommage au Professeur Jean Cauchoixpar Jean-Claude Rey

Yves Cotrel avec le succès que l’on sait, il laissait à Georges Morel le traitement des luxations congénitales de la hanche, des ostéochondrites. Mais c’est à Calot qu’il réalisa ce qui était pour lui un vieux rêve, la création d’un laboratoire de recherches sur le tissu osseux, animé par Jean Duriez et Gaston Héripret. Un vieux rêve car on a oublié ses premières publications (1938) d’expérimentation endocrinienne sur le cobaye et sa thèse, Hormone folliculaire et fibromatose ! Plusieurs résidents étrangers passèrent à Calot pour travailler au laboratoire, lequel possédait pour l’époque des possibilités uniques en France (isotopes, animalerie). Les visiteurs se succédaient, admiratifs d’une pathologie souvent exceptionnelle, et quelques Journées réunirent les plus grand noms, H. Hodgson, Paul Harrington, John Moe et beaucoup d’autres.Revenant à Paris, l’activité n’y faiblissait pas, avec Alain Deburge qui lui succèdera, avec Bruno Lassale trop tôt disparu, avec Michel Benoist et G. Massare, il centre ses préoccupations sur la colonne vertébrale, en particulier la pathologie dégénérative, conflits disco-radiculaires, spondylolisthésis, sténoses. Il est convaincu de l’intérêt de la chimionucléolyse par la païkinase, malheureusement abandonnée par le fabricant pour des raisons économiques. Les Journées de Beaujon font périodiquement le point de ces sujets.Il était membre de nombreuses sociétés de chirurgie orthopédiques françaises ou internationales, mais particulièrement fier d’être un des rares membres français de la British Orthopaedic Society. Il avait encore participé à la fondation de la Lumbar Spine Society dont il appréciait

le groupe de travail, il intervenait toujours en termes précis, avec autorité mais s’il lui arrivait de replacer la discussion dans le droit chemin, c’était toujours avec courtoisie. Il fut élu à l’Académie de Médecine en 1983 et y fit sa dernière manifestation scientifique en organisant avec J. Dubousset et M. Guillaumat une séance spéciale sur les scolioses idiopathiques en 1999.

Il avait beaucoup voyagé et parlant bien l’anglais, entretenait des liens d’amitié à travers le monde, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, aussi en Belgique, au Mexique et en Argentine, en Italie, au Liban et en Afrique du nord. Il avait de multiples pôles d’intérêt étrangers à la médecine, cela lui permettait de sonder sur les sujets les plus inattendus l’interlocuteur, qui restait désarmé. Avec l’âge il avait abandonné la voile et le ski, mais restait très actif, se consacrait à l’horticulture dans sa propriété de l’Ile-aux-Moines et retenait les noms les plus compliqués. C’était pour lui ces derniers temps une pénible infirmité que de ne plus pouvoir lire un livre.Il n’avait pas cessé de s’intéresser de près à notre spécialité et à la médecine tout entière grâce aux séances de l’Académie de Médecine où il fut assidu jusqu’à quelques semaines avant sa mort. Il regrettait aussi beaucoup que les liens noués avec le monde anglophone se soient progressivement distendus.C’était le dernier représentant d’une époque révolue. Ses élèves et tous ceux qui l’ont connu se souviendront de lui avec regret et reconnaissance, que sa famille en soit assurée.

Page 4: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

4

L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckoispar Jean-Claude Léonard et Christian Morin

Au moment où la vie des hôpitaux de Berck risque de s’étein-dre plus ou moins complètement, il nous a semblé utile, peut-être pour la postérité, de faire revivre un pan de son histoire et de ses artisans locaux. Pour cadrer avec l’esprit de la Gazette, nous n’en soulèverons qu’un pan, celle de l’assistance portée aux enfants malades, plus particulièrement à ceux atteints d’affections de l’appareil locomoteur.

Berck, sa plage, son air vivifiant,et ses femmes de coeurAu milieu du 19ème siècle, Berck n’est pas encore « sur mer ». La plage où s’échouent les bateaux (les flobarts) de sa popula-tion de pêcheurs est encore éloignée de la ville de plus d’un kilomètre. La vie y est dure. Dans ces conditions difficiles, une femme veuve vit seule avec ses deux enfants rescapés d’une épidémie de choléra dans une cabane sur la dune. Plus tard Maxence van der Meersch écrira La Maison sur la Dune mais dans un autre contexte. Marianne Gressier, qui restera pour la postérité Marianne Toute-Seule (Fig. 1), prend en garde les en-fants de pêcheurs pour qu’ils profitent du grand air et d’une surveillance attentive. Le Dr Perrochaud, médecin des Enfants Assistés de Paris et directeur de l’antenne locale de Montreuil-sur-Mer, lui confie rapidement des enfants anémiés, scrofuleux, malades de privation et de carences hygiéniques. En 1859, il installe Marianne dans un bâtiment en dur accompagnée de 3 religieuses : la station maritime était née.Une autre Marianne, Duhamel, à peu près à la même époque reçoit également des enfants en garde pour les soigner avec

des bains de mer, les transportant sur une plage voisine de Berck. Son nom sera moins connu que son homonyme mais elle doit être associée à l’épopée locale.Voici donc les pierres fondatrices de l’activité médicale berc-koise. La « bonne air » est désormais reconnue dans un site pri-vilégié : les médecins et leurs équipes peuvent entrer dans la place, y travailler durement car la tâche est immense contre le fléau de l’époque : la tuberculose.

Berck et ses hôpitauxEn 1861, l’Assistance Publique de Paris fait construire « le pe-tit hôpital », ébauche du futur Hôpital Maritime actuel (Fig. 2). Sous l’impulsion de l’impératrice Eugénie (craignant une coxal-gie pour son fils), l’Hôpital Napoléon est agrandi, modernisé, avec le soutien de la baronne de Rothschild.Un convoi ferroviaire sanitaire amène de Paris chaque mois un groupe d’enfants en principe uniquement atteints de tu-berculose osseuse, mais bien souvent porteurs de parasitoses, de carences vitaminiques et protéiques, et de surinfections. Ils étaient dans un état si précaire qu’un certain nombre mourait durant le transport.La ville de Berck trouve un essor retentissant avec la construc-tion d’hôpitaux, d’hôtels, de pensions de famille, de casinos, de champs de course, de villas…celle de Mme de Rothschild, toute en bois, est la plus majestueuse, sur la dune.D’autres hôpitaux sont construits : l’hôpital Rothschild en 1870, l’hôpital Cazin-Perrochaud en 1893 (Drs Cayre et Forest de Faye aidés par les sœurs franciscaines chassées de l’hôpital Maritime), l’Institut Orthopédique du Docteur Calot en 1900, en 1902 l’Institut Hélio-Marin de Mme Bouville, et en 1923 la Fondation Franco-Américaine de Jacques Calvé et de son épouse.

Guerres, incendies, restructurations en modifieront l’architec-ture au fil des ans mais ces établissements hospitaliers conti-nueront de donner au front de mer un aspect incomparable. A la fin du 18ème siècle ils vont servir de champ d’action à la « bande des quatre ».

Fig. 1 : Marianne Toute-Seule, un flobart, une pêcheuse de crevettes et les enfants assistés

Fig. 2 : l’hôpital Maritime et le phare de la ville de Berck

Page 5: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

5

L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckoispar Jean-Claude Léonard et Christian Morin

Les pionniers du Berck médical : « la bande des 4 » Calot, Ménard, Calvé et Sorrel, voici donc cette fameuse « ban-de des quatre » (Fig. 3) dont nous allons rapidement conter l’équipée. Ils étaient tous brillants sujets, forts en caractère et ont marqué, chacun à leur façon, l’histoire du Berck médical.

Victor Ménard (1854-1934)Il succède à Pierre Cazin, gendre de Paul Perrochaud, en 1891 à la suite d’un concours âprement disputé avec François Calot.V. Ménard est l’homme de toutes les peines de l’époque : il commence seul sa chefferie de service, sans interne, pour 700 malades et 400 enfants assistés répartis dans d’autres établissements berckois ; il se fait refuser par l’administration de l’AP un appareil de radiographie qu’il doit installer en ville chez un ami pharmacien ; il doit lutter non seulement contre la tuberculose, mais contre les complications infectieuses, les maladies parasitaires importées, les carences alimentaires des milieux défavorisés, l’analphabétisme ; il opposera à ces fléaux l’association « grand air- instruction » en créant l’école à l’hôpi-tal et en permettant l’accès au soleil et à la mer des enfants al-longés en ajoutant tout simplement des roulettes sous les lits, premiers pas vers les célèbres gouttières berckoises (Fig. 4) . Malgré ce travail intense, inimaginable actuellement, il pu-blie deux livres : « Étude sur la coxalgie » et « Le mal de Pott ». Il donne son nom à une technique chirurgicale, la costo-trans-versectomie et à une entité radiographique, le cintre cervico-obturateur dont il démontre tout l’intérêt dans les luxations de la hanche.

Peu belliqueux, il ne s’oppose que très discrètement aux at-taques parfois « frontales » menées par F.Calot en matière de traitement de la tuberculose osseuse.

On gardera de lui cette phrase souvent citée et toujours d’ac-tualité : « Pour être médecin, il faut avoir une conscience ! Sans conscience, on devient vite un forban ».

François Calot ( 1861-1944)Contrairement à V.Ménard, F.Calot déborde de dynamisme pour se faire connaître, pour développer ses hôpitaux, pour valoriser un enseignement qui sera mondialement connu. Il utilise avant l’heure le « management » et le « public relation ». De nombreuses têtes couronnées viennent le consulter, créant par voie de conséquence des besoins d’accueil en hôtellerie et en distractions.Il est un des premiers en France à préconiser l’asepsie opéra-toire la plus stricte, dans la suite de Lucas-Champonnière et de Lister. Après avoir opéré des lésions osseuses tuberculeuses en grand nombre et après de nombreux échecs, il s’autocritique et propose le traitement conservateur : « Ouvrir la tuberculose, c’est ouvrir la porte de la mort ». Ne pouvant succéder à V. Ménard, il prend la direction de l’Ins-titut Cazin-Perrochaud avec l’aide financière de la baronne de Rothschild. Sa publication « La guérison des bossus » en 1896 le fait connaî-tre mondialement.En 1900 il obtient la création du futur Institut Calot, en de-vient le médecin chef tout en conservant ses chefferies dans d’autres institutions : en tout 1350 lits…quelle santé !Entre-temps il revient, sur les conseils d’Abbott, à une correc-tion moins brutale des gibbosités pottiques. Il propose des ponctions dans les abcès, leur stérilisation par des liquides modificateurs... ce qui l’oppose à Ménard qui préconise l’abord vertébral direct pour l’évacuation de ces abcès.Il faut lui reconnaître une grande expérience chirurgicale et quelques autocritiques qui lui font préférer par exemple le traitement orthopédique des luxations de hanche à la chirur-

Fig. 3 : “la bande des quatre”1- Victor Ménard 2-François calot3-Jacques Calvé 4-Etienne Sorrel

Fig. 4 : lits à roulettes, préfigurant les gouttières de Berck

Page 6: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

6

L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckoispar Jean-Claude Léonard et Christian Morin

gie systématique. Par contre il se fourvoie en niant l’existence de l’ostéochondrite primitive de hanche mise en évidence par Jacques Calvé… de l’Institut voisin.Il restera malgré ses erreurs un pionnier réputé de la chirurgie orthopédique, ayant consigné ses enseignements dans l’« Orthopédie indispensable aux praticiens ».Fait curieux, sa célébrité dans le monde anglo-saxon, il la devra non pas tant à ses travaux sur la pathologie ostéo-articulaire mais sur la description qu’il fit des relations entre canal cystique, artère cystique et canal cholédoque qui forment entre eux « the Calot’s triangle » !!! (Fig. 5)

Jacques Calvé (1875-1954) Atteint lui-même, dans son enfance, d’une tumeur blanche du genou, J. Calvé est prédestiné à la chirurgie osseuse et arrive à Berck en 1907 comme assistant de V. Ménard. La même année, il rencontre sa future épouse veuve américaine, mère d’un en-fant tuberculeux.Mais en 1922, Etienne Sorrel, gendre du Professeur Dejerine, ravit le poste de chef de service et le laisse dans un profond désarroi. Son épouse récolte aux USA suffisamment de fonds pour créer la Fondation Franco-Américaine, afin de procurer à son mari le confort de travail auquel il aspire.La sagesse, l’obstination minutieuse, l’examen complet sont ses devises.La notoriété est confirmée en 1910 par la description de l’osté-ochrondrite primitive de hanche, en même temps que Legg et Perthes. Puis il met en évidence le cycle évolutif de la vertebra plana, sans bien entendu l’identifier au groupe des histiocy-toses.Le souci de spécialiser la profession médicale le hantait. On peut lui assimiler cette phrase de Montaigne qui ouvre un chapitre de son livre « La tuberculose ostéo-articulaire » (Fig. 6) : « chacun ne se mesle que de son sujet…à chaque malade, à cha-que partie du corps, son oeuvrier ».

Etienne Sorrel (1882-1965)Il arrive à Berck en 1920 pour prendre la chefferie de service de l’Hôpital Maritime, encouragé par son beau-père le neurolo-gue Déjerine, aidé par son épouse Yvonne Déjerine et sa belle mère Augusta Klumpke, américaine et première femme inter-ne des Hôpitaux de Paris en 1896. Blessé de guerre en 1914, il

en garde des séquelles physiques toute sa vie. Baroudeur, patriote ardent, sa carrière médicale sera honnête, entrecoupée de séjours à Strasbourg puis à Paris. Son épouse et lui publieront un livre de référence : « Tuberbulose osseuse et ostéo-articulaire » en 1932 (Fig. 7).

« La femme est l’avenir de l’homme »Les femmes sont omniprésentes dans la création puis l’essor médical de Berck-Sur-Mer jusqu’à la fin de la 2nde guerre mon-diale. Elles étaient de classe sociale, de nationalité, de religion différentes, mariées ou veuves, religieuses, elles ont œuvré sans compter pour la cause des enfants malades.Et ces malades ? Ils sont partout présents dans la ville, sur la plage, allongés bien souvent sur des gouttières, parfois tirés dans des carrioles par des ânes, exposés au soleil et à l’air dans de larges galeries demi couvertes, immobilisés pendant de longues périodes dans des corsets plâtrés, ponctionnés régu-lièrement de leur abcès pottique récidivant. Certains atten-daient la mort, d’autres la découverte des antibiotiques qui va révolutionner la prise en charge de la tuberculose. Et cet autre fléau, la guerre…

Fig. 5 : le triangle de Calot, triangle isocèle formé par le canal cystique (bord inférieur) son artère (bord supérieur) et sa base le canal hépatique

Fig. 7 : “le cinquième enfant” du couple Sorrel Déjerine, comme ils aimaient à appeler ce remarquable livre sur la tuberculose ostéoarticulaire

Fig. 6 : livre de Calvé sur la tuberculose ostéo-articulaire et le moyen de ponctionner “sans danger” les abcès froids intra rachidiens

Page 7: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

7

L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckoispar Jean-Claude Léonard et Christian Morin

La guerreL’ennemi pénètre dans Berck le 23 mai 1940. A partir du 23 juillet toute la zone au nord de la Somme est déclarée zone interdite. En 1941, l’entreprise Todt construit le mur de l’Atlan-tique ornementant ainsi la plage de Berck. Le 23 août 1941sur ordre des autorités allemandes malades et blessés sont éva-cués. L’exil durera 4 ans. Les hôpitaux sont délabrés, tout est à refaire.

L’après-guerre immédiatElle est marquée dans le monde médical par l’arrivée des an-tibiotiques. A Berck le premier à expérimenter la pénicilline est Calvé et puis en 1947 la streptomycine arrive et Sorrel sera rapporteur à la Sofcot des effets « miraculeux » de ce médica-ment ; les fistules se tarissent, les Pott et les coxalgiques remar-chent. Une autre page des hôpitaux Berckois va s’ouvrir. Parmi ceux-ci l’un plus que les autres ronronne : c’est l’Institut Calot. Il regorge de patients allongés sur les gouttières pour des cu-res hélio marines. Il est dirigé par le neveu de François Calot, le Dr Joseph Fouchet excellent orthopédiste mais également maire de Berck. Son plus grand mérite est de s’entourer de jeu-nes médecins et chirurgiens qui vont apporter du sang neuf à cette institution (Fig. 8).

Yves Cotrel est breton, fait ses études de médecine à Paris, se destine à l’origine à l’obstétrique. C’est par hasard qu’il dé-barque à Berck pour y faire office pendant quelques semai-nes seulement de médecin résident. Nous sommes en 1948. Georges Morel est étudiant à l’université catholique de Lille. Il est nommé externe mais la déclaration de la Guerre l’empêche de devenir interne. Il veut pourtant devenir chirurgien, passe les concours d’anatomie, devient prosecteur, obtient un poste d’interne en chirurgie à Oignies, part en Afrique au Cameroun mais des problèmes de santé chez son épouse l’obligent à ren-trer en France. Il répond alors positivement à une proposition de poste à Berck. Nous sommes en 1950. Il y retrouve un collè-gue de l’université catholique de Lille, le Dr Jean Duriez jeune médecin débarqué dans les sables de Berck en 1949. Autre rencontre avec un jeune radiologue fraîchement diplômé, tout juste remis d’une tuberculose pulmonaire, et qui embarque également dans l’équipe. Il s’agit de Gaston Héripret. L’équipe est formée. Il manque le maître à bord. Ce sera le Pr Cauchoix (Fig. 9). Voici comment il raconte les évènements au cours du centenaire de l’Institut Calot fêté en 2000.

M. le Professeur Jean Cauchoix« Par un beau jour de 1952, Robert Méary m’annonce au télépho-ne qu’on me propose la direction médicale de l’honorable mai-son, dont nous célébrons aujourd’hui le centenaire.Aussi étonné qu’indécis, j’accours à Berck et je demande conseil à Roger de Cagny. J’avais toute confiance et beaucoup d’affec-tion pour ce parent assez proche, chirurgien chef de la Fondation Franco-américaine, lui-même ancien malade de Berck. Aussi étonné qu’enthousiaste, sa réponse est claire : « l’Institut Calot va devenir fréquentable ».Il faut savoir qu’une inimitié tenace les séparait depuis que dans les années 20, Etienne Sorrel et Jacques Calvé, régnaient, l’un sur Maritime, l’autre sur Franco-Américain. Cette aversion n’était rien à côté de celle de l’un et l’autre à l’égard du fondateur de notre maison (François Calot). Ils s’indignaient de ses méthodes thé-rapeutiques mais, peut-on aussi penser, n’y avait-il pas quelque jalousie de son succès dans le public.Il fallait calmer le jeu. Ce fut facile. Un cocktail y pourvut. Mais qu’allais-je trouver ? Oh miracle ! Une jeune équipe aussi peu ti-trée qu’inexpérimentée, mais riche d’enthousiasme et d’une évi-dente ardeur à progresser dans la modernité. Je ne les nommerai pas, vous les reconnaîtrez :• la providence de l’enfance boiteuse ou malformée (Georges

Morel), dont la modestie me pardonnera de le situer parmi les maîtres de l’orthopédie pédiatrique,

• un scoliologue opiniâtre et avisé (Yves Cotrel), qui partit de Rang-du-Fliers, pour conquérir le monde. Vous connaissez la suite.

• un savant, solitaire et peu disert (Gaston Héripret), qui nous enchantait chaque jour de ses merveilleuses images,

• un rhumatologue (Jean Duriez), qui nous a récemment quit-tés, dont l’amitié ne m’a jamais fait défaut ….. »

Fig. 8 : réunion de travail avec autour de J Fouchet (1), Y Cotrel (2), G Morel (3) et J Duriez (4)

Fig. 9 : M. le Professeur Jean Cauchoix

Page 8: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

8

Une autre « bande des » 4(Cotrel, Duriez, Héripret et Morel)Une équipe jeune, pleine d’ardeur, constituée sous l’autorité et la direction du professeur Jean Cauchoix et sous l’œil bienveillant des religieuses franciscaines missionnaires de Marie, va alors prendre les rennes de l’Institut Calot (Fig. 10). Tous médecins à plein temps, non autorisés à avoir une activité privée, ils peuvent se consacrer totalement à leur activité hospitalière. Le Professeur Cauchoix vient à Berck chaque mois, y reste 2 journées et demi pour voir les nouveaux patients, opérer les cas difficiles, orienter la carrière de chacun et encourager les publications. De nombreux enfants affluent d’Afrique du Nord, l’activité s’amplifie, il faut diversifier les rôles. Yves Cotrel s’occupera des scolioses, Georges Morel de l’orthopédie pédiatrique. Leur renommée dépasse à force de travail le microcosme berckois pour s’étendre bien au-delà de nos frontières. Voici ce que Jean Claude Pouliquen écrivait dans un éditorial de la Gazette du Geop en décembre 1998 :

Mais c’est où exactement Berck ?« C’est au bord de la mer ... tout en haut. On suit une charmante petite route qui traverse la campagne sur quelques dizaines de kilomètres. Une fois arrivé, il y a la mer et des plages. Il y a souvent du vent et il y a parfois du soleil. » Voilà comment un touriste de passage pourrait décrire ce lieu perdu sur cette côte du nord de la France.Pour l’orthopédiste et pour le pédiatre, Berck reste pourtant un lieu mythique. Non pas parce qu’il aurait été l’antre de quelque Zeus, la Thèbes d’un autre Hercule ou le Domrémy d’une Sainte Jeanne. Non. Cet endroit est un lieu mythique parce qu’il a été et parce qu’il reste un berceau dans lequel ont germé des idées qu’ont su nourrir des gens exceptionnels dont Calot n’a été que l’un des tout premiers.

L’air qui souffle là-haut serait-il chargé de vertus particulières qui expliqueraient cette effervescence intellectuelle et cette faculté qu’ont les médecins qui y travaillent d’innover et d’exporter leur savoir-faire dans le monde entier ? Cet air et cette mer qui guéris-saient les scrofuleux donneraient-ils aussi intelligence, sérieux et opiniâtreté ? De cet air du large, les Calot, Cotrel, Morel ... et les autres n’ont d’ailleurs sûrement pas épuisé les réserves : les équipes berkoises

actuelles continuent à réfléchir, à créer, à faire progresser les idées et à les faire connaître. Tout ce qu’ils inventent est imité, copié, pillé puis vendu sur toute la planète ... On peut d’ailleurs se demander s’ils ne feraient pas mieux de mettre leur mélange d’air et d’eau dans des boîtes de conserve et de les vendre. Ils deviendraient ri-ches et un souffle nouveau gagnerait la terre entière. Tout le mon-de deviendrait intelligent, sérieux et opiniâtre.

On peut rêver... »

En attendant la nouvelle « bande des 4 », sérieuse et opiniâtre travaille.

C’est Jean Duriez qui fonde l’Institut de recherche sur les mala-dies du squelette en 1968 avec des travaux importants sur les greffes vertébrales, les cals d’allongement, la fragilité osseuse, et l’évolutivité des scolioses lombaires à l’âge adulte.

C’est Gaston Héripret qui rentre dans l’histoire de l’orthopédie pédiatrique en décrivant une technique de prévision d’inégalité de longueur et une méthode radiographique de mesure des angles d’inclinaison et de déclinaison des cols fémoraux.

C’est Georges Morel qui en toute modestie va se faire un grand nom dans l’orthopédie pédiatrique française. Il aime de façon passionnée son métier et les enfants qu’il soigne. C’est un cli-nicien remarquable, un opérateur dans les mains duquel tout paraît facile et sans danger. Il adore enseigner ses assistants, au coin du négatoscope, le soir après une longue journée opé-ratoire. Il revoit avec une grande constance ses anciens dos-siers avant tout pour comprendre ce qui a cloché et tenter d’en trouver remède.Ses sujets de prédilection sont nombreux : la luxation de la hanche après l’âge de la marche avec des résultats à long ter-me inégalés, le pied bot varus équin du grand enfant pour lequel il repousse avec un certain succès les limites des indi-cations de libération des parties molles, le traitement ortho-pédique des scolioses infantiles avec des travaux publiés en compagnie de Min Mehta sur la possibilité de guérison des « progressives bénignes », le traitement des inégalités de lon-gueur des membres et son attachement tout particulier pour la technique d’allongement extemporané du fémur.Il ne lui est pas toujours facile de faire admettre ses idées dans le monde orthopédique de l’époque. Et ce n’est probablement pas pour lui une partie de plaisir que de présenter un jour de

L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckoispar Jean-Claude Léonard et Christian Morin

Fig. 10 : de gauche à droite, par ordre alphabétique, Yves Cotrel, Jean Duriez, Gaston Héripret et Georges Morel

Page 9: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

9

novembre 1971, à la Sofcot, ses résultats de réduction ortho-pédique des luxations de hanche associée à l’ostéotomie de Salter, à l’époque de la sacro-sainte ostéotomie fémorale de dérotation-varisation. L’histoire d’Yves Cotrel est bien connue de tous. Voici comment elle peut être résumée : Arrivé à Berck en octobre 1948, pour quelques mois… il y restera 30 ans. 1950 : thèse sur le traitement de la tuberculose osseuse par

la streptomycine1953 : première greffe pour scoliose avec le Pr Jean

Cauchoix 1956 : visite de Risser (Los Angeles) à Berck1958 : rends visite à Cobb (New York) 1959 : mise en fabrication du premier cadre pour confection

des plâtres EDF1964 : premiers patients opérés avec greffon tibial encastré

entre les épineuses1968 : la traction vertébrale dynamique et nocturne (TD,

TVN), 1969 : première réunion du GES (dont il est un membre

fondateur et le premier vice-président) à Berck, 1973 : naissance du DTT1977 : retraite forcée à Kerrosen

1979-1982 : mise au point d’une nouvelle instrumentation rachidienne (le futur CD)

1983 : 1ère implantation de CD à SVP et puis à Saint JosephEn 2005, plus d’1 million de patients de part le monde ont été opérés avec le matériel imaginé par Yves Cotrel !!!En 1999 il crée une fondation pour la recherche en pathologie rachidienne.

Et quelques autres orthopédistes de grande importance…Le monde hospitalier berckois peut également s’enorgueillir d’avoir accueilli d’autres grands noms de l’orthopédie ayant eu une activité plus ou moins exclusive en pédiatrie.

Jean Claude Rey passera plusieurs années à l’Institut Calot, y important en particulier l’instrumentation de Harrington dans la chirurgie de la scoliose. Gérard Taussig, Raphaël Seringe, Jean Jacques Rombouts, ont aussi été des « calotins » et dans les autres hôpitaux berckois, Georges Filipe fit pendant de nombreuses années les beaux jours de la Fondation Franco-américaine.

La dernière génération Georges Morel cesse ses fonctions à l’Institut Calot en février 1986, comme il l’avait prévu le jour de ses 65 ans, laissant sa place à l’un des co-auteurs de ce texte.Après son départ pour cause de maladie, le service d’Yves Co-trel va être repris par Raphaël Seringe. Cette prise de fonction sera de courte durée, sa nomination comme Professeur lui donnant la possibilité de retourner à Paris. C’est Daniel Chopin qui jusqu’à ce jour et avec le succès que l’on connaît dirigera alors l’ancien service d’Yves Cotrel.

Et demainDepuis 1995 la majorité des établissements de santé berckois est regroupée au sein d’une Fondation. Des blocs opératoires qui au milieu du 20ème siècle étaient le fer de lance des établis-sements comme l’Institut Calot (Fig. 11), la Fondation Franco-Américaine, le Centre Hélio-Marin ou l’hôpital Maritime, il ne reste que celui du premier nommé. Dans les années qui vont venir, l’ensemble de l’activité de court séjour sera transféré à proximité de l’établissement pu-blic voisin de Rang-du-Fliers. De 1891 à 1955, un tortillard communément appelé ch’tacot ou ch’tio train reliait Rang-du -Fliers aux hôpitaux de Berck-Plage. C’est à son bord que de nombreux patients et soignants découvraient l’immensité des plages et les établissements berckois qui allaient, parfois pendant de longues années, être leur seul horizon. Le tortillard a fait valoir ses droits à la retraite, les gouttières de Berck abandonneront bientôt l’esplanade, un nouvel horizon devra se dessiner pour le Berck médical.

L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckoispar Jean-Claude Léonard et Christian Morin

Fig. 11 : L’Institut Calot vu de la plage

Page 10: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

10

Brève histoire berckoisedu traitement orthopédique de certaines déformations du rachis

par Christian Morin et René Vandermeulen

« L’air iodée et l’eau de mer ont sur l’état général des enfants at-teints de tuberculose ganglionnaire et osseuse une action très favorable » Pierre Cazin -1842

Margate en Angleterre puis Viareggio en Italie sont les premiers exemples d’hôpitaux maritimes. Leur architecture et leur fonc-tionnement vont fortement influencer Paul Perrochaud et son gendre Pierre Cazin (les pionniers du Berck médical) quand il s’agira d’édifier celui de Berck sur mer.

Puis ce sera, avec l’expansion de la maladie tuberculeuse, le développement des autres hôpitaux berckois, l’Institut Calot, la Fondation Franco-Américaine et les Etablissements Hélio Marins.

Fort des connaissances acquises dans le traitement du mal de Pott et de ses complications, c’est tout naturellement vers le traitement des scolioses que ces différents hôpitaux vont se reconvertir après la seconde guerre mondiale en même temps que disparaissait le fléau tuberculeux. Retraçons en quelques tableaux l’apport des « berckois » dans le traitement non opératoire de ces pathologies rachidiennes.

Mal de Pott« Jusqu’à ces 35 dernières années, le mal de Pott avait comme aboutissant une bosse ou la mort — celle-ci souvent plus envia-ble que celle-là !Aujourd’hui, le mal de Pott a cessé d’être la maladie terrible entre toutes. Il aboutit à la guérison, à une guérison, presque toujours intégrale.C’est à Berck (nous sera-t-il permis de le rappeler ?) qu’a été ac-complie cette révolution thérapeutique.La gibbosité a cessé d’être incurable depuis le jour (24 décembre 1896) où nous avons présenté, à l’Académie de Médecine, des pottiques redressés par une méthode nouvelle et personnelle ».

Voyons comment cela se déroule :

Fig.1 : démonstration de la technique de redressement ex-temporanée d’une cyphose pottique telle qu’elle fut utilisée chez les 37 patients dont les observations sont à la base de la communication du Dr Calot…et de sa future notoriété.

« Endormi au chloroforme (à gauche de la photo le tampon im-bibé de la substance anesthésiante), le malade est retourné sur le ventre et, pendant que deux ou quatre aides, suivant l’âge de l’enfant, exercent à la tête et aux pieds des tractions vigoureuses, l’opérateur pèse de tout son poids et de toute sa vigueur sur la bosse jusqu’à ce que la partie déviée de la colonne vertébrale soit rentrée dans l’alignement. Cela dure deux minutes au maximum. Après quoi un plâtre est confectionné pour assurer une immobili-sation prolongée. Dans les 37 cas il n’y a eu que des succès ».

Malgré ces succès proclamés, François Calot modifiera sa tech-nique en passant de l’extemporané au progressif.

Fig. 2 : résultat chez le petit Abel de la technique de redresse-ment progressif.

« Cette méthode actuelle de redressement est tellement bien ré-glée et simplifiée qu’elle est aussi sûrement bénigne qu’efficace. Elle consiste simplement dans l’emploi d’un corset, avec fenêtre dorsale permettant la compression douce et progressive du seg-ment vertébral saillant au moyen de feuilles ou carrés d’ouate superposés. On renouvelle cette compression tous les 8 jours par exemple et cela sans enlever le plâtre, donc sans traumatisme et sans fatigue pour les malades. Les vertèbres rentrent peu à peu dans le rang et le dos redevient droit, si bien qu’on peut dire qu’il est plus simple et plus bénin de redresser un dos que de redresser une hanche ou un genou ».

Page 11: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

11

Brève histoire berckoisedu traitement orthopédique de certaines déformations du rachis

par Christian Morin et René Vandermeulen

« Les abcès et la paralysie du mal de Pott sont guéris régulière-ment sans aucune opération, - la paralysie par l’application d’un grand plâtre fait dans la tension du rachis (mais laissant une li-berté thoracique bien illustrée sur cette photographie), et les ab-cès par la méthode des ponctions ».

Scoliose et déviations de la taille : Abbott et Calot« Le traitement de la scoliose est entré dans une ère nouvelle de progrès illimité. Le mérite en revient surtout à Abbott (chirurgien américain de Portland, Oregon). Mais cette méthode d’Abbott dont tout le monde parle, combien peu la connaissent ! »

François Calot va en faire profiter la communauté scientifique française par une communication orale au congrès de Paris en 1913 et par la parution la même année de cet opuscule de 109 pages « Guérison de la scoliose et méthode d’Abbott ».

« Est-il maladie plus commune que celle qui frappe 20 p. 100 de nos jeunes filles ! Est-il maladie plus fâcheuse que celle qui « gâte » et rapetisse la taille, déforme le thorax et rétrécit le bassin - d’où l’amoindrissement esthétique, vital et sexuel de toutes celles qui sont frappées ! »

François Calot est déçu des résultats obtenus par sa méthode jusque la utilisée et qui s’apparentait à celle utilisée pour les corrections des gibbosités pottiques « technique de correction forcée exécutée sous chloroforme dans notre machine spéciale ; après quoi, pour maintenir cette correction, un grand plâtre allant de la racine des cuisses jusqu’à la base du, crâne, inclusivement, - plâtre fenêtré ensuite au niveau de la gibbosité costale pour per-mettre une correction supplémentaire, ouatée, progressive ».Méthode, selon ses propres dires, longue (« il nous a fallu 2 ans et demi ») et pénible (« pour le malade et pour nous »).

Ces scolioses ne peuvent se produire qu’en associant à l’incli-naison du tronc une flexion de celui-ci, car « dans l’extension, les articulations des vertèbres entre elles sont bloquées, il n’y a pas de mouvement possible ; tandis qu’au contraire, dans la flexion, ces articulations deviennent mobiles ».Cette position en flexion est donc nécessaire « pour corriger la rotation des corps vertébraux. qui était la pierre d’achoppement du traitement des vieilles scolioses ».

Fig. 3 : Corset plâtré avec col officier pour mal de Pott dorsal

Fig. 4 : Couverture de « Guérison de la scoliose et méthode d’Abbott » (1913)

Fig. 5 : les bases expérimentales du bien-fondé de la méthode d’Abbott

avec de gauche à droite : - un étudiant en médecine, élève d’Abbott, non scoliotique, - le même avec un corset destiné à produire une scoliose droite- effectivement il a maintenant une scoliose droite- le même avec corset destiné à hyper corriger la scoliose- il a maintenant une scoliose gauche !!!

Page 12: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

12

Brève histoire berckoisedu traitement orthopédique de certaines déformations du rachis

par Christian Morin et René Vandermeulen

« Au cadre du milieu est fixée une pièce de toile : c’est le lit d’Ab-bot ou mieux le hamac d’Abbott. Ce hamac est constitué par une forte pièce de toile taillée d’une manière particulière... On place le tronc du scoliotique sur ce hamac, de manière à ce que le côté convexe du dos repose sur la partie tendue de la toile -, la conca-vité, par conséquent, se trouve au-dessus de la partie lâche. Puis, à l’aide d’une poulie, on soulève les pieds et on place un oreiller sous la tête : la colonne vertébrale se trouve ainsi en flexion.À l’aide de bandes on exerce des tractions sur le tronc. Une bande trois chefs sur la région saillante des côtes, tire d’une part latérale-ment sur cette voussure et d’autre part de haut en bas sur le tronc. Une seconde bande à trois chefs tire le bassin d’une part vers le côté concave et d’autre part en haut. »

« Pour augmenter et compléter la correction on introduira pro-gressivement, par la fenêtre antérieure, une série de carrés de feu-tre (Fig. 8 a) qui feront pression sur les côtes médianes gauches convexes eu avant (en fait il s’agit de compression sur le thorax concave) et forceront ces côtes à faire une saillie de plus en plus forte travers la grande fenêtre postérieure.Pour corriger l’inclinaison latérale, par les deux fenêtres prati-quées sur les lignes axillaires antérieure et postérieure du côté droit, convexes (et il s’agira là effectivement de compression sur le thorax convexe), on introduit d’autres coussins (Fig. 8 b) qui forceront la colonne vertébrale à se porter à gauche ».

« quand le scoliotique se trouve depuis deux mois en hypercorrec-tion (comme c’est le cas avec cette patiente) on le débarrasse de son plâtre, on lui met un corset en celluloïd ». Notez combien le plâtre montait haut sur la nuque pour main-tenir en flexion la totalité de la colonne vertébrale.

Les temps modernes : l’EDF d’Yves CotrelPar rapport au corset d’Abbott qui n’avait pratiquement pas été modifié par Calot, l’EDF aura comme particularités :

• de confier à la traction le soin de « désencastrer les articu-laires », ce qu’Abbott recherchait en flexion antérieure du tronc

• de rejeter toute compression antérieure directe (effet né-faste pour le thorax)

• d’agir sur la gibbosité d’arrière en avant et non latérale-ment (effet néfaste pour le thorax)

• de posséder de très larges ouvertures antérieures et pos-térieures avec libération de l’épaule concave et de la char-nière cervico-dorsale pour le travail musculaire actif et la ventilation pulmonaire intensive.

Fig. 6 : position dans le cadre d’Abbott avec les différentes bandes toilées de correction

Fig. 7 : le plâtre avec la grande fenêtre concave de décompressionet les trois « lucarnes » antérieure et latérales qui serviront pour le passage des feutres correcteurs.

Fig. 8 : l’action de dérotation et d’inclinaison latérale des feutres correcteurs

Fig. 9 : en cours de traitement

Page 13: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

13

Brève histoire berckoisedu traitement orthopédique de certaines déformations du rachis

par Christian Morin et René Vandermeulen

« Le corset E.D.F. est effectué sur un cadre spécial permettant de combiner simultanément les trois forces correctrices nécessaires à l’élongation, la dérotation et la flexion latérale. Le patient est placé sur le cadre en décubitus dorsal, ceinture scapulaire en posi-tion corrigée par élévation et antépulsion de l’épaule « concave », hanches fléchies, genoux tendus pour fixation du bassin par ten-sion des muscles ischio-jambiers.L’élongation du rachis est réalisée au moyen d’une prise pelvienne par sangles de toiles sus-iliaques croisées en avant et en arrière, et d’une prise occipito-mentonnière classique. La force de traction est contrôlée au dynamomètre. Elle ne doit pas dépasser 50 pour cent du poids du sujet. Elle sera réalisée par traction céphalique ou pelvienne, à la tête ou aux pieds du cadre, ou aux deux, suivant la localisation de la (ou des) courbure(s) ».

« La dérotation vertébrale et thoracique est obtenue sous traction au moyen de deux bandes, l’une sus-gibbositaire se réfléchissant au sommet de la courbure, à la région postéro-latérale de l’hé-mithorax convexe, mais laissant libre la partie latérale du thorax pour éviter tout écrasement costal, l’autre de fixation scapulaire, permettant de maintenir dans le plan horizontal le parallélisme des ceintures scapulaire et pelvienne. Dans les courbures multi-ples, une bande sus-gibbositaire sera mise en action au sommet de chacune des courbures ».

Fig. 10 : le cadre de traction de l’Institut Calot

Fig. 11 : le positionnement et l’action des bandes de dérotation

Fig. 12 : les bandes de correction avec en 1 la bande sus-gibbositaire et en 2a et 2b la bande trois chefs

Fig. 13 : le F de l’EDF« Troisième et dernière manoeuvre, la flexion latérale. Elle est produite par la trans-lation du chariot de traction céphalique ou pelvienne vers la convexité. Elle accen-tue l’effet correcteur de la bande sus-gibbositaire. »

Page 14: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

Brève histoire berckoisedu traitement orthopédique de certaines déformations du rachis

par Christian Morin et René Vandermeulen

La fenêtre postérieure doit laisser libre les épineuses pour que le feutrage convexe n’aggrave pas la lordose thoracique (Fig.14 a). L’antépulsion de l’épaule concave est encouragée par la suppression de l’appui anté scapulaire correspondant (Fig.14 b). « La correction active est réalisée par une kinésithérapie appro-priée sous plâtre.

Une gymnastique res-piratoire intensive mo-bilisant au maximum la cage thoracique… »« Le plâtre sera répété 2 ou 3 fois jusqu’à ce que la correction morpho-logique maximale soit atteinte. Il sera ensuite relayé par une orthèse de même type qui aura pour objet de maintenir la correction ».

Georges Morel dé-crira le corset plâtré de dérotation sous traction sans flexion (ED et non EDF) avec gypsotomie en fin de parcours quand ne persiste plus qu’une courbure latérale sans rotation. Sur ce plâtre est dessiné le coin de gypsotomie qui va être retiré.

RéférencesGuérison de la scoliose et méthode d’Abbott par F. Calot (1933)Berck et ses traitements Les raisons de sa supériorité par F. Calot (1913)La technique de l’EDF dans le traitement des scolioses. Quelques conseils pra-tiques par Y. Cotrel et M. VercauterenTractions extra squelettiques du rachis. Techniques et indications par Y. Cotrel dans le Cahier d’enseignement de la Sofcot n°17 (1982)Les scolioses idiopathiques infantiles par C. Morin, G. Morel et D. Chopin dans la Vie Médicale n°22 (1981) La technique de l’E.D.F. dans la correction des scolioses par Y. Cotrel et G. Morel dans la Revue de chirurgie orthopédique n°50 (1964)

Fig. 14 : le plâtre EDF« Le plâtre est confectionné dans la position ainsi obtenue. Il sera largement dé-coupé. La tête et la nuque sont libres. Les ouvertures scapulaires et de larges fenê-tres antérieures et postérieures sont découpées de façon asymétrique. La fenêtre thoracique antérieure ne descend pas plus bas qu’un travers de main au-dessus de l’ombilic pour maintenir les dernières côtes ».

Fig. 15 : le plâtre gypsotomisé

Saurampsmédicala eu l’honneur d’éditer les travaux d’Yves Cotrel et Jean Dubousset de 1986 à 1993

Page 15: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

15

La technique du « no touch »une touche de rigueur pour moins d’infection ?par Sébastien Raux, Thierry David, Ashok Acharya et Christian Morin

La technique dite du « no touch » est une méthode chirurgi-cale élaborée en Angleterre entre les deux guerres. Décrite initialement par Reginald Watson-Jones[1], elle a pour objec-tif principal de diminuer les complications postopératoires d’ordre infectieux, se basant sur certains principes retrouvés lors d’études bactériologiques. « Interdit de toucher » est la traduction littérale de cette technique qui consiste à opérer sans contact direct des doigts avec la peau péri-opératoire du patient et l’intérieur du site opératoire. Elle s’applique es-sentiellement pour les interventions dites « hyper aseptiques » comme celles pratiquées en orthopédie. Importée en France par les Professeur Cauchoix à Paris et Trillat à Lyon, elle s’est développée à l’Institut Calot de Berck-Plage à partir du milieu des années cinquante. Depuis, son enseignement est perpé-tué avec la conviction qu’il s’agit d’une technique qui est aussi exigeante pour le praticien qu’elle est utile pour le patient.

Quels sont les fondements et les principes ayant abouti à la pratique du « no touch » ?• Les mains du chirurgien et de ses collaborateurs ne sont

pas stériles à proprement parlé, et ce malgré la durée et la rigueur de réalisation du lavage chirurgical. On sait que la contamination des gants vient en partie de la peau des mains du chirurgien, notamment lorsque les gants présen-tent des défauts mêmes infimes. Or l’effraction méconnue des gants lors de l’intervention est un phénomène sous-estimé.

• Les études bactériologiques réalisées sur des gants « sté-riles » en fin d’intervention montrent une contamination importante de l’ordre de 33 % selon Ritter [2], et ce, même en cas de superposition des gants.

• Sont considérés comme parfaitement stériles le matériel utilisé après son passage en stérilisation et les liquides de détersion (type Bétadine iodée, eau stérile, etc..). A partir de cet état de fait, il est facile de comprendre que seule la partie utile des instruments est autorisée à toucher le site opératoire. Par extension, les gants ou casaques de l’équipe, et les champs opératoires ne doivent pas être en contact avec cette même partie utile des instruments.

Plus concrètement voici la manière dont nous procédons à l’Institut Calot (nous ne préciserons pas quelles mesures générales adopter, mesures inhérentes au fonctionnement de tout bloc opératoire et nous renvoyons le lecteur à la confé-rence d’enseignement de la Sofcot de 2000 sur le sujet par J. Lannelongue [3] : • Le patient arrive au bloc opératoire après une douche bé-

tadinée complète. Il est anesthésié puis installé en bonne position dans le sas qui jouxte la salle d’intervention. C’est dans ce sas que le personnel infirmier réalise une déter-sion puis un premier badigeonnage sur la zone opératoire épilée au préalable.

• Pendant ce temps, l’infirmière habillée stérilement dans la salle d’intervention installe ses tables : la partie utile des instruments est extraite des boîtes sans être touchée puis posée sur un chemin de table (de couleur différente) qu’il est nécessaire de préserver tout au long de l’intervention (Fig. 1). Il est naturellement proscrit de toucher ce chemin de table. On comprend l’intérêt d’avoir un personnel rom-pu à cette technique, dont la pratique impose des règles avant même l’entrée du malade en salle d’opération.

• Le chirurgien et son équipe, après lavage rigoureux des mains et avant-bras, pénètrent dans la salle d’interven-tion. L’infirmière habillée stérilement met elle-même une première paire de gants à l’ensemble de l’équipe puis elle donne les casaques stériles. Celles-ci sont enfilées à l’aide de l’infirmière circulante. Une deuxième paire de gants est mise par l’infirmière. Il est préférable que les membres de l’équipe ne mettent pas eux même leurs gants.

• A ce stade, la zone opératoire est badigeonnée une nou-velle fois par le chirurgien. Il est nécessaire de patienter une à deux minutes pour permettre le séchage et une bonne stérilisation de la zone. Une double barrière de champs et un champ autocollant type « steridrape » sont mis en place. Ce dernier est appliqué sur la peau la main protégée par un américain ou une compresse. A aucun moment les gants ne toucheront la partie centrale du champ autocollant. Un premier change de gants est effec-tué par l’ensemble de l’équipe. L’infirmière se rapproche avec sa table contenant les instruments les plus utilisés, instruments reposant par leur partie utile sur le chemin de table. Le bistouri électrique et l’aspiration sont fixés à celle-ci de telle sorte que leur utilisation respecte le « no-touch ». A noter que la canule d’aspiration est dangereuse de par sa mobilité et son aspiration. Il est donc nécessaire de la ranger dans un étui, et de la prévoir munie d’un cla-pet de coupure de vide.

• L’incision est réalisée par un bistouri dont la lame usitée sera rangée ou jetée. On n’utilise que des instruments longs, maintenant une distance suffisante entre les mains du chirurgien et le site opératoire. Les instruments sans manche tels que les écarteurs de Farabeuf « classiques » sont dès lors interdits. Aucun instrument n’est autorisé à séjourner sur le site et tous doivent être rangés sur le chemin de table ou isolés dans des cupules, après rinçage à l’eau stérile et séchage préalables. Les compresses sont utilisées à l’aide de pinces et sont rapidement éliminées. L’infirmière tend les instruments par leur partie proximale,

Fig. 1 : la partie utile des instruments est posée sur un chemin de table(ici de couleur blanche) (Coll. T David)

Page 16: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

16

La technique du « no touch »une touche de rigueur pour moins d’infection ?par Sébastien Raux, Thierry David, Ashok Acharya et Christian Morin

et les récupère de la main du chirurgien sans toucher leur partie utile. Il est recommandé de changer de gants tou-tes les 2 heures maximum, et avant la mise en place d’un quelconque implant.

• La fermeture est rompue aux mêmes règles. Le fil serti est monté sur porte-aiguille par l’intermédiaire d’une pince à disséquer. Les nœuds sont réalisés comme le décrit Wat-son-Jones avec dans une main le fil tenu par intermédiaire d’une pince (à la rigueur par l’intermédiaire d’une com-presse) et dans l’autre le porte-aiguille qui réalise les bou-cles (Fig. 2). L’aide est invité à « tenir » la première boucle à l’aide d’une pince de type Kelly.

Lors de son passage au travers de la peau, le drain de redon est mis en place en étant maintenu par un davier de Farabeuf, celui-ci n’est donc pas directement pris en main par le chirurgien.

A aucun moment les doigts de l’opérateur ou de ses aides ne peuvent entrer en contact direct avec la peau, et encore moins avec le site opératoire profond. Si cela devait arriver, on rince au préalable les doigts de l’opérateur, et le site souillé avec de l’eau stérile ou avec de la Bétadine dermique.Cette manière de faire est donc d’une extrême exigence, mais nos résultats nous encouragent à poursuivre dans cette voie. Acharya a présenté une série de 879 patients opérés en « no touch » lors du congrès de la SICOT (Société Internationale de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique) à Istanbul en 2005. Ces patients ont tous bénéficié d’une arthrodèse rachi-dienne instrumentée par voie postérieure dans deux centres : 450 enfants à l’institut Calot de Berck, 429 adultes à la polycli-nique de Bois Bernard. Le taux d’infection postopératoire pour cette série s’élève à 1,7 %, c’est-à-dire 15 patients sur 879 au total (4 infections superficielles, 11 profondes) ce qui se com-pare favorablement avec les chiffres habituellement annon-

cés dans la littérature pour des gestes chirurgicaux similaires (4.7 % d’infections rapportées par la commission de morbidité du GES [4].Une étude non encore publiée a recherché le nombre de per-forations des gants lors d’opérations de chirurgie orthopédi-que pédiatrique réalisée avec deux paires de gants (« inner » et « outer gloves »). Lorsque la « no touch technic » était utilisée, le pourcentage d’« inner gloves » percé n’est que de 1,5 %, bien moindre qu’avec la « touch technic » où des chiffres de 10 % à 13 % sont cités dans la littérature. [5, 6]

Last but not leastD’autres avantages peuvent êtres reconnus à la « no touch technic » dont la prévention des blessures des mains des chirurgiens (par des aiguilles manipulées à main « nue », par des fils noués à la main, par des esquilles osseuses en trauma-tologie…). Il est à noter qu’au moment du déclenchement de l’épidémie de Sida sur la côte ouest des Etats-Unis, la techni-que du « no touch » fut remise au goût du jour.

ConclusionFace à l’hyper technicité dans laquelle notre spécialité ortho-pédique s’engage progressivement, il ne faut pas oublier les principes et méthodes simples qui rendent service. La chirur-gie en « no touch » est un bénéfice réel pour le patient, auquel nous nous devons d’assurer des soins de la plus haute qualité. Les enjeux, en termes de santé mais aussi sur le plan médico-légal, nous incitent donc à poursuivre dans cette voie et à en-courager le mouvement pour d’autres équipes chirurgicales volontaires.

Références1. WATSON JONES R. Fracture & Joint Injuries. Edinburgh :Livingstone ;1943. p194-72. RITTER MA, MORRIS LV, FRANCH AND HAROLD EITzEN. Evaluation of mi-crobial contamination of surgical gloves during actual use. Clinical Orthopaedics and Related research. 1976, 117, 303-6.3. LANNELONGUE J. L’asepsie au bloc opératoire. Conférences d’enseignement de la Sofcot. 2000 ; 73 13-28.4. GUIGUI P, BLAMOUTIER A. Les complications du traitement chirurgical des déviations rachidiennes. Étude prospective multicentrique d’une cohorte de 3311 patients. Revue de Chirurgie Orthopédique 2005, 91,314-27.5. MCCUE SF, BERG EW, SAUNDERS EA. Efficacy of double-gloving as a barrier to microbial contamination during total joint arthroplasty. J Bone Joint Surg Am.1981 63(5) : 811-36. WRIGHT KU, MORAN CG, BRIGGS PJ. Glove perforation during hip arthro-plasty. A randomised prospective study of a new taperpoint needle. J Bone Joint Surg Br. 1994 76(3) : 505

Fig. 2 : la technique des nœuds en « no touch » avec la pince et le porte aiguille (Coll. T David)

Page 17: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

17

La costo-transversectomiepar Jean-Claude Rey

IntroductionAvant de vous rappeler l’histoire et la technique de la costo-transversectomie, il m’a semblé opportun de faire une courte évocation de la tuberculose au moment de l’apparition des antibiotiques.C’était un véritable fléau, qui frappait toutes les couches de la population et rares étaient les familles à l’abri de son atteinte.Toutes les localisations étaient possibles avec des formes chroniques ou aiguës. Les localisations pulmonaires faisaient la majorité, les formes aiguës (méningite, miliaire pulmonaire) étaient vite mortelles ; les formes rénales fréquentes.Les formes osseuses, ostéo-articulaires (et ganglionnaires) évo-luaient sur quatre à cinq ans, l’ankylose était un mode de gué-rison souhaitable, bloquant une hanche, un genou ou fixant une gibbosité angulaire. Entre-temps étaient apparus des ab-cès, parfois une paraplégie dont on discutait le mécanisme par œdème ou par pachyméningite. Le traitement se résumait au repos allongé et prolongé, à la prévention des attitudes vicieu-ses par des plâtres, aux ponctions d’abcès avant fistulisation, porte d’entrée des surinfections dont le pronostic pouvait être fatal. On se souvient de la formule attribuée à Calot : « ouvrir un foyer tuberculeux, c’est ouvrir une porte à la mort ». Il y avait alors dans les hôpitaux berckois une ambiance toute particulière dont le récit de F. Aman-Jean : « Annie de Berck et Marie de Montreuil » (Paris, Buchet-Chastel, 1963) donne une image authentique. Pour animer les longs jours de cette pe-tite ville artificielle qui groupait plusieurs milliers de patients, il y avait encore les querelles d’école, entre Ménard, Calot et Calvé.Ainsi se fit la fortune de Berck à la fin du XIXème siècle et ceci jusqu’à la découverte des antibiotiques, de la streptomycine (Waksman, 1944) puis de l’isoniazide au début des années cin-quante, accessoirement de l’éthionamide et du P.A.S. (acide para-amino-salicylique) d’efficacité modeste.L’antibiothérapie n’eut pas de mal pour détrôner l’air marin.Il faut ici évoquer le travail de bénédictin réalisé par Arsène Debeaumont (Fig.1), pharmacien et chef de laboratoire de l’Institut Calot, objet de sa thèse de doctorat de 1963, préci-sant les modalités d’un traitement à doses efficaces pendant plusieurs mois, sachant encore que 15% des souches isolées s’avéraient partiellement résistantes justifiant une tri-thérapie à posologie correcte. Une autre caractéristique des foyers os-téo-articulaires : ils ne contenaient que quelques milliers de germes, et de ce fait étaient réputés moins accessibles que les foyers pulmonaires qui en contenaient des millions.

N’empêche que la tuberculose a ainsi disparu progressivement de nos pays et les derniers cas de tuberculose ostéo-articulaire « autochtone » datent des années soixante-dix. Hélas, la survenue d’un autre fléau, le S.I.D.A., a permis le réveil de la tuberculose avec des formes graves et très résistantes.

A partir des années cinquante, l’abord des foyers osseux en particulier vertébraux, pour évacuer les lésions caséeuses, réa-liser leur comblement et une arthrodèse deviendra une indi-cation habituelle. L’intervention permettait en outre de confir-mer le diagnostic par l’étude bactériologique (inoculation à l’animal et antibiogramme).

C’est à partir de cette expérience que se développera la chirur-gie vertébrale moderne et tout spécialement l’abord des corps vertébraux par voie antérieure.

J’ai choisi de reproduire ici les quelques pages écrites d’abord en 1900 par Victor Ménard (Fig. 2), chirurgien des Hôpitaux de Paris et chef de service de l’Hôpital maritime de Berck, dans son ouvrage « Étude pratique sur le Mal de Pott » (Paris, Mas-son, 1900) Il explique dans quelles conditions il fut amené à la technique de la costo-transversectomie, en définit ensuite les indications et rapporte ses 23 observations faites entre 1891 et 1897 (Fig. 3). Ensuite, en manière de pendant la description de Jean Debeyre, en 1956.

Drainage latéral du foyer somatique.Costo-transversectomieNous avons été amenés à pratiquer directement le drainage du foyer tuberculeux par la voie latérale, après avoir éprouvé l’insuc-cès de la laminectomie. Le nom de costo-transversectomie a été donné à ce drainage pour indiquer les temps du procédé opéra-toire : résection d’une extrémité costale postérieure au niveau de la gibbosité et de l’apophyse transverse correspondante. Le canal périostique résultant de la résection costale conduit directement dans le foyer tuberculeux intersegmentaire.Nous avions, nous aussi, tenté de guérir la paraplégie pottique par la laminectomie.

Fig. 2 : Victor Ménard et son équipe (cliché aimablement communiqué par le Dr J.-P. Ruelle dont le papa, Interne chez Victor Ménard, réalise ici un corset minerve sous le regard attentif de Victor Ménard)

Fig. 1 : Arsène Debeaumont faisant un laïus (1964)

Page 18: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

18

La costo-transversectomiepar Jean-Claude Rey

Dans un premier cas il s’agissait d’une fillette de onze ans, at-teinte de mal de Pott dorsal avec paraplégie très grave : paralysie motrice et anesthésie complètes, contracture, eschares profondes sur les deux trochanters, incontinence double. La laminectomie ne fut suivie d’aucun résultat. La plaie opératoire guérit par pre-mière intention, mais le résultat thérapeutique fut nul. La malade finit par succomber aux suites des eschares trochantériennes. A l’autopsie, on trouva un énorme abcès prévertébral pénétrant de chaque côté dans le canal rachidien et exerçant sur la mœlle une compression manifeste. La dure-mère n’était pas altérée par sa face interne. La mœlle refoulée en arrière, n’offrait pas d’altéra-tion apparente et le canal rachidien n’était nullement rétréci.Chez une deuxième malade, âgée de neuf ans, atteinte de mal de Pott dorsal avec gibbosité, la paraplégie ne fut en rien modi-fiée par la laminectomie. La paralysie motrice, l’anesthésie, les contractures restèrent après l’opération ce qu’elles étaient aupa-ravant.Une troisième fois, la laminectomie fut pratiquée pour une para-plégie complète et ancienne chez une fillette de dix ans et demi. Mais un incident opératoire survint. Au moment où, après avoir enlevé la partie médiane d’un arc postérieur, j’attaquais avec la pince-gouge ses parties latérales, un flot liquide grumeleux fit irruption dans la plaie. Je venais d’ouvrir un abcès tuberculeux, siégeant sur le côté gauche des corps vertébraux et offrant un prolongement postérieur vers le canal rachidien.Le résultat fut tout différent de ce qu’il avait été dans les deux pre-miers cas. Dès le lendemain de l’opération les mouvements volon-taires et la sensibilité, entièrement abolis auparavant, commen-cent à reparaître. Au bout de quelques jours, les mouvements de flexion et d’extension peuvent s’exécuter volontairement, et enfin, après un délai de six semaines, la marche redevient possible sans appui. Ce succès nous parut attribuable, non à l’ouverture du ca-nal rachidien, mais à l’ouverture de l’abcès tuberculeux.D’après cette interprétation, le second malade, qui avait subi sans résultat la laminectomie, fut soumis, après un intervalle de trois mois, à une nouvelle opération, au drainage latéral du foyer pot-tique. La paraplégie guérit rapidement.Cette courte série de faits tendait à nous montrer l’inutilité de l’ouverture du canal rachidien, l’efficacité, au contraire, de l’ouver-ture du foyer tuberculeux. L’intervention opératoire mettait sous nos yeux la confirmation de l’opinion ancienne des médecins qui disaient que la paraplégie disparaissait, lorsqu’un abcès par

congestion s’ouvrait à l’extérieur. Telle a été l’origine de notre opé-ration du drainage latéral dans la paraplégie pottique.On verra, dans quelle mesure, les faits ont ensuite réalisé les pro-messes des premiers succès.

Manuel opératoireNous choisissons le côté gauche.Une incision transversale de 5 à 7 centimètres découvre la partie rachidienne de la côte qui paraît répondre le mieux au sommet de la gibbosité, plutôt au-dessous qu’au dessus. La surface exté-rieure de cette côte est soigneusement dénudée de son périoste à l’aide de la rugine. Cet instrument est ensuite insinué doucement en dedans des bords supérieur et inférieur de l’arc costal, de ma-nière à décoller en grande partie le périoste de sa face interne.Une pince-gouge saisit la côte à 4 centimètres environ de l’apo-physe transverse correspondante, et, enlevant successivement plusieurs parcelles de tissu osseux sur ce point, arrive en quelques instants avec précaution à la section complète. On ne court aucun danger de blesser la plèvre en procédant de cette manière.D’un coup de pince, on enlève l’apophyse transverse qui recou-vre et bride en arrière le fragment de côte libéré en avant par la section.La rugine, introduite sous ce fragment qui est ramené en dehors à l’aide d’une pince à forcipressure, décolle le périoste de ses derniè-res adhérences. On arrache ensuite l’extrémité costale.La tête fixée au rachis reste au fond du canal périosté. On l’extrait facilement à l’aide d’une curette tranchante de diamètre appro-prié.Il arrive, dans près de la moitié des cas, qu’en terminant l’ablation de la tête costale, on ouvre du même coup le foyer tuberculeux, ce qui ne peut surprendre, les corps vertébraux auxquels s’attachait la côte ayant été détruits, et leur place étant occupée par le foyer tuberculeux.Si l’ouverture n’est pas effectuée, la sonde cannelée, conduite au fond du canal périostique écarte doucement les parties molles et pénètre dans l’espace intersegmentaire.Il ne reste plus qu’à élargir l’ouverture à l’aide de l’extrémité du doigt.Il peut arriver que l’espace laissé par l’ablation d’une côte soit fort étroit ; ou bien la côte à réséquer a été mal choisie, trop haut ou trop bas. On est conduit à réséquer une deuxième côte au-dessus ou au-dessous de la première. Ce qui n’offre aucun inconvénient.Le contenu du foyer s’écoule en quantité variable. Dans quel-

Fig. 3 : Couverture du livre de Victor Ménard sur le Mal de Pott dans lequel on trouve le schéma de la costo-transversectomie

Page 19: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

19

La costo-transversectomiepar Jean-Claude Rey

ques cas nous avons seulement retiré du caséum avec la curette. Généralement, le pus grumeleux, plus ou moins liquide ou pâ-teux, s’écoule spontanément. La collection étant détendue par l’ouverture, le but est rempli. Le pus tuberculeux s’écoulera plus tard dans le pansement.L’opération est terminée par le drainage de la cavité. La plaie cu-tanée est rétrécie de chaque côté du drain par quelques points de suture.Nous avons souvent retiré de petits séquestres au moment de l’opération avec la curette introduite dans l’espace inter segmen-taire. D’autres sortent dans la suite par le trajet de drainage.Le doigt introduit dans l’espace inter segmentaire nous a souvent permis de constater l’influence des temps de la respiration sur le mouvement des deux segments. Ils se rapprochent nettement l’un de l’autre, serrent le doigt interposé à l’expiration ; ils s’éloignent au contraire légèrement et le doigt se dégage à l’inspiration. Cette constatation nous a fait penser que les mouvements respiratoires pouvaient jouer un rôle dans le progrès de l’ulcération compres-sive à la région dorsale supérieure, si rapide même parfois chez les malades couchés.Les soins consécutifs consistent en des pansements renouvelés à six ou huit jours d’intervalle. Le drain est laissé longtemps en place, et par suite la fistule conservée. Il y a avantage à ce qu’elle soit maintenue plusieurs mois et même un an, deux ans et davan-tage, longue période en rapport avec la durée de la réparation du rachis.

Résultats thérapeutiquesOn exposera dans la suite quelle est l’importance de l’ouverture et du drainage du foyer tuberculeux, quelle est la gravité de la trans-formation de la tuberculose pure en tuberculose associée.Dès maintenant nous devons prévoir les objections principales en avançant que les faits ont démontré la bénignité de notre inter-vention. Aucun malade n’a succombé aux suites directes de l’in-tervention. Ce caractère de bénignité doit de suite être opposé à la mortalité redoutable qui a été la conséquence de la laminecto-mie, plus de 30 pour 100 d’après la statistique de 103 cas dressée par M. Chipault.

Rarement à mon point de vue une description de technique opératoire a été aussi précise et vécue.Je n’entrerai pas dans les détails des 23 observations rappor-tées minutieusement dans l’ouvrage de Ménard. Pour résumer il s’agissait, comme dit plus haut, de 23 interventions faites en-tre 1891 et 1897, toutes pour des paraplégies. Il y eut 13 amé-liorations spectaculaires dans les suites immédiates et Ménard déplorait deux morts, ces deux cas autopsiés.

Les lendemainsDans les années qui suivirent il semble que l’intervention ait été quelque peu délaissée. Il y a à cela plusieurs raisons.La première était certainement technique, une intervention en décubitus ventral au masque d’Ombrédanne était-elle pos-sible ou l’intervention se faisait-elle en décubitus latéral ? Il n’y a pas d’information à ce sujet. Il semble en tout cas qu’avant le réveil de la chirurgie osseuse survenu après la deuxième guer-re mondiale, la costo-transversectomie n’était plus pratiquée, comme en témoignent Etienne Sorrel et Mme Sorrel-Déjerine

dans leur riche traité : « Tuberculose osseuse et ostéo-articulai-re », Paris, Masson, 1932, dans ces termes : « c’est bien parce que des fistules ont persisté après des costo-transversectomies et que des malades en moururent que M. Ménard renonça rapidement à son intervention ». Calvé de son côté (« La tuberculose ostéo-articulaire », Paris, Masson, 1935) est extrêmement réservé et prône sa technique - un peu acrobatique – de ponction de l’abcès par le trou de conjugaison. Il reconnaît que « la costo-transversectomie de Ménard, accès direct sur l’abcès pré-mé-dullaire, a donné des succès étonnants et immédiats, mais cette intervention laisse après elle une fistule avec tous ses dangers ; aussi fut-elle abandonnée par l’auteur ». Calvé ajoute en note : « Nous signalons le procédé de Massart et Ducroquet qui est une combinaison de la costo-transversectomie de Ménard et de la ponction intra-médullaire de Calvé. Ces auteurs pratiquent à ciel ouvert la costo-transversectomie, puis, au lieu d’enfoncer la curette par le trou de conjugaison et d’ouvrir largement l’abcès, enfoncent un trocart par le trou de conjugaison jusqu’à l’abcès. A notre avis, étant donné la facilité extrême du cathétérisme du trou de conjugaison par voie sous cutanée, nous ne voyons pas la nécessité de la costo-transversectomie préalable ».En Angleterre, une excellente revue du traitement fut écrite, statistiques à l’appui, dans l’ouvrage de Griffiths, Seddon & Roaf, « Pott’s paraplegia », Oxford U.P., 1956. La costo-transversecto-mie y trouve une place réduite ; ils confirment quand même que Galland, successeur de Calvé a continué à la pratiquer, compte tenu de la sécurité apportée par les antibiotiques. Les auteurs anglais envisagent surtout la décompression antéro-latérale de Dott et Alexander (1946) qui est en quelque sorte une grande costo-transversectomie sur plusieurs étages.Dans tous ces cas, la stabilisation du rachis par une arthrodè-se postérieure était réalisable sans difficulté supplémentaire particulière, mais cette indication n’est pas abordée dans ces textes.

Le retour de la costo-transversectomieComme nous venons de l’évoquer, les antibiotiques classiques puis les antibiotiques spécifiques anti-tuberculeux, ont permis d’intervenir avec une plus grande sécurité, d’éviter les surin-fections et de contrôler le cours de la maladie.Aussi, la costo-transversectomie fut-elle considérée à partir des années cinquante comme un moyen d’intervenir sur un foyer tuberculeux dorsal, pour permettre l’étude bactériologi-que devenue essentielle, d’évacuer les collections, éventuel-lement de décomprimer le canal et la mœlle, enfin d’associer dans ce même temps une arthrodèse postérieure. D’autres voies d’abord étaient naturellement indiquées pour d’autres localisations.En 1956, la Faculté de Médecine organisa une conférence d’ac-tualités pratiques titrée : « Nouvelle orientation du traitement du mal de Pott de l’adulte » par S. de Sèze et J. Debeyre. (Paris, Masson, 1956). Cette publi-cation confirme, s’il en était besoin, la place importante qu’oc-cupait alors la tuberculose osseuse en pratique quotidienne (Fig. 4).

Voici donc, comme annoncé plus haut, et reproduit intégra-lement le court chapitre de la costo-transversectomie, par J.Debeyre et C.Moreau.

Page 20: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

20

Fig. 4 : Tiré de l’ouvrage de S. de Sèze et J. Debeyre, trois schémas décrivent l’abord des vertèbres dorsales par costo-transversectomie a) section et désarticulation de deux côtes (avec en cartouche l’incision cutanée) - b) après l’ablation de l’extrémité postérieure de deux côtes - c) le sac pleural est décollé pour exposer la face latérale des corps vertébraux

La costo-transversectomiepar Jean-Claude Rey

« La plupart des voies utilisées dérivent de la classique costo-transversectomie utilisée déjà par Ménard. La désarticulation costo-vertébrale est la clef de l’abord des faces latérales des ver-tèbres dorsales.L’incision cutanée varie beaucoup : l’on a proposé des incisions verticales plus ou moins éloignées de la ligne médiane, des inci-sions obliques suivant la direction de la côte, des incisions en T, des incisions curvilignes. Nous utilisons toujours une incision ver-ticale faite assez externe, à trois travers de doigt de la ligne mé-diane, presque au bord externe de la masse sacro-lombaire. Le milieu de l’incision correspond aux vertèbres atteintes.Aussi cette incision nécessite un repérage soigneux du foyer, pour éviter les erreurs d’étage ; la radiographie est nécessaire pour exé-cuter avec exactitude ce repérage. Le fait de placer cette incision très externe permet une large exérèse costale, condition essen-tielle d’une bonne exposition des lésions. L’incision verticale per-met de s’agrandir facilement en haut et en bas, soit pour redresser les erreurs d’étage, soit pour suivre un foyer qui n’était pas prévu aussi étendu en hauteur.Les muscles superficiels (trapèze, petit dentelé, etc.) sont incisés jusqu’à l’aponévrose ; lorsqu’on aborde les premières dorsales, il faut penser à respecter l’innervation du trapèze et pour cela in-ciser le muscle à 15 mm de la ligne médiane, les nerfs et les vais-seaux restent alors dans le lambeau externe. L’aponévrose d’en-veloppe des muscles dorso-lombaires est incisée ; les côtes sont repérées et ruginées sur la face externe ; les tendons d’insertion des muscles sacro-lombaire et grand dorsal y adhèrent solide-ment et le bistouri doit souvent aider la rugine. Nous exposons en général quatre côtes.La résection de deux côtes est nécessaire pour aborder un foyer unidiscal, de trois côtes pour aborder un foyer atteignant deux disques. Les côtes sont sectionnées à 8 cm environ de la pointe de l’apophyse transverse ; le ligament costo-transversaire est coupé, l’on peut alors introduire une longue rugine de Lambotte entre la côte et l’apophyse transverse et, procédant par petits mouve-ments, faire progresser la rugine vers la tête costale et peu à peu rompre les fibres du ligament rayonné ; l’on peut s’aider de quel-ques mouvements de torsion, la côte étant saisie dans les mors d’un davier. Cette désarticulation n’est pas toujours facile, car la tête costale est souvent fragilisée par le processus tuberculeux : or il est indispensable d’extirper entièrement la tête.Les muscles et les vaisseaux intercostaux intermédiaires aux côtes réséquées sont alors sectionnés entre deux ligatures ; le nerf in-tercostal a été préalablement isolé et préservé, la section du nerf intercostal préconisée par certains n’évite pas les névralgies rési-duelles et le rôle moteur des six derniers nerfs intercostaux n’est

pas à négliger).Le décollement pleural déjà amorcé pour réséquer les côtes peut alors être terminé, il faut utiliser idéalement le plan de clivage qui permet de repousser en avant le fascia endothoracique et la plèvre : en fait, dans les maux de Pott dorsaux, l’abcès pottique a décollé le péri rachis, la désarticulation costo-vertébrale ouvre presque toujours l’abcès et la poche d’abcès mène directement sur le foyer.La résection de l’apophyse transverse est inutile, sa présence ne gêne pas l’abord vertébral si la résection costale est faite assez externe, comme nous l’avons indiqué. La transversectomie est par contre nécessaire si l’on veut aborder la face latérale du sac rachidien, réséquer les pédicules vertébraux, c’est à dire pratiquer l’ « antero-lateral rachotomy » de Seddon.La possibilité d’opérer les foyers tuberculeux à plèvre ouverte a fait envisager la thoracotomie comme voie d’abord des vertèbres dorsales.Nous ne l’avons jamais utilisée, le jour obtenu est sans doute très important à droite, mais à gauche le flanc vertébral est masqué par l’aorte. Puisque la costectomie nous a toujours donné un jour très satisfaisant, nous ne pensons pas nécessaire d’exposer le ma-lade aux suites souvent plus compliquées de la thoracotomie. »

ConclusionA Berck, je ne peux évoquer que la pratique de l’Institut Calot où le Pr Jean Cauchoix fut appelé en 1954 pour organiser un service de chirurgie osseuse moderne. Au bout de dix ans, en faisant le bilan des interventions chirurgicales, je me rappelle avoir dénombré 350 costo-transversectomies à quelques uni-tés près. C’est dire que l’intervention de costo-transversecto-mie était réellement une indication « de routine ». Etabli à An-gers à partir de 1968, je ne me rappelle pas en avoir opérée au delà de 1975. La roue tourne.

Notre collègue Michel Jacquemier nous fait part d’un besoin en « missionnaires » pour la ville de Gazza

Besoin : deux orthopédistes pédiatres par mission

But : consultations, interventions et enseignement

Durée :10-15 jours par mission(programme mis en place pour 3 ans, 3 missions par an)

Planning pour 2010 :- mission 1 : période du 15 au 30 mars 2010- mission 2 : période du 15 au 30 août 2010- mission 3 : période du 20 novembre au 5 décembre 2010

contact : [email protected] ou [email protected]

Page 21: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

21

Louis, âgé de 6 ans est vu par son médecin traitant pour des douleurs du rachis thoracique associées à des réveils nocturnes après l’inefficacité d’un traitement par ostéopathie (!), l’histoire ayant débuté il y a 3 mois. Il n’a pas d’antécédents personnels, on retrouve la notion de deux myélomes multiples chez ses arrières grands parents.L’examen clinique ne retrouve pas de raideur rachidienne, l’examen neurologique est normal. Il bénéficie d’un traitement symp-tomatique (paracétamol) qui se révèle rapidement sans effet.Une radiographie du rachis est réalisée (Fig. 1), complétée d’un scanner (Fig. 2) et d’une IRM (Fig. 3).

Le cas du jourpar Philippe Violas et Jonathan Benoist

Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

Votre diagnostic ?Conduite à tenir ?

Page 22: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

Les progrès réalisés dans la prise en charge de la spastici-té n’ont pas fait disparaître les luxations de hanche chez l’infirme moteur d’origine cérébrale, principalement dans les formes les plus sévères. Les solutions chirurgicales con-servatrices sont le plus souvent dépassées chez le grand adolescent ou l’adulte jeune. En présence de douleurs ou d’un enraidissement en position vicieuse gênant la positon assise, la résection tête et col du fémur plus ou moins élar-gie a été utilisée pendant de nombreuses années, mais son caractère mutilant, la lourdeur des suites opératoires et la persistance de douleurs pendant de nombreux mois lui font préférer dans notre pratique la mise en place d’une prothèse totale de hanche (Fig. 1).

Des problèmes liés au contexte neurologique étaient à re-douter en particulier l’agressivité chirurgicale chez des pa-tients fragiles sur le plan général et osseux, le risque de lu-xation de la prothèse ou de migration intra pelvienne, sans oublier la possibilité de complications septiques.

Des solutions originales ont été apportées pour tenter de pallier ces inconvénients comme l’utilisation d’un cotyle à double mobilité (Fig. 2) et l’accourcissement fémoral.

Voie d’abordLa voie d’abord est externe, en décubitus latéral sous anes-thésie générale. Chez les patients antérieurement opérés, la voie d’abord primitive peut être reprise avec excision de la cicatrice. La dissection de la fibrose est parfois difficile. Dans certains cas, une plaque fémorale, encore en place, sera re-tirée.Les bords antérieur et postérieur du m.gluteus medius sont repérés. La désinsertion haute du m.vastus lateralis est réalisée à minima de façon à ne pas dévasculariser le frag-ment fémoral intermédiaire qui sera créé par l’ostéotomie d’accourcissement.

La trochantérotomie est réalisée au ciseau, la dissection du plan de clivage capsulaire est poursuivie jusqu’au cotyle pour en avoir une exposition correcte, maintenue par des clous de Steinman. La capsule est incisée jusqu’au rebord cotyloïdien, du liquide synovial apparaît régulièrement. L’anatomie de la luxation de la tête fémorale est alors pré-cisée.La section du col fémoral à la scie oscillante, selon l’orientation souhaitée (45°), terminera l’exposition et permettra de préci-ser l’importance et l’étendue de la destruction cartilagineu-se et osseuse de la tête fémorale, ainsi que la hauteur et la profondeur du cotyle.

Technique chirurgicale de la prothèse totale de hanchechez le patient neurologique non marchant

par Christophe Delecourt, Jihane Rouissi, Viorel Gurschi et Christian Morin

Fig.1 a : luxation paralytique douloureuse chez une enfant IMC de 14 ans non marchanteb : résultat à 4 ans de recul

Fig. 2a : éléments constitutifs d’une prothèse de hanche à double mobilité avec la tige fémorale (a), la tête fémorale de 26mm (b) impactée dans l’insert en polyéthylène (c) et le cotyle métallique (d)

Fig. 2b : vue opératoire de la prothèse totale de hanche avec la tête fémorale (1) impactée dans l’insert en polyéthylène (2) lui-même réduit dans le cotyle métallique dont on aperçoit la patte de fixation (3)

22

Page 23: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

Technique chirurgicale de la prothèse totale de hanchechez le patient neurologique non marchant

par Christophe Delecourt, Jihane Rouissi, Viorel Gurschi et Christian Morin

Exposition et préparation du cotyle Pour permettre au mieux le positionnement en hauteur du cotyle prothétique, il convient de mettre un écarteur contre-coudé dans le trou obturateur pour bien visualiser les cornes antérieure et postérieure du cotyle et retrouver ainsi les traces du paléocotyle.Le cotyle présente régulièrement une insuffisance postéro-supérieure. La technique de reconstruction sera fonction de son importance. Si le cotyle est très insuffisant voire inexistant, la butée est réalisée rapidement au début du fraisage. Si, au contraire, la découverture est modeste, elle sera comblée par une butée positionnée sur le cotyle prothétique après son im-paction. Cette butée, fabriquée aux dépens de la tête fémorale, est syn-thésée par des vis ou des broches. Dans un faible nombre de cas, la tenue du cotyle non cimenté n’est pas satisfaisante, et un cotyle cimenté doit être utilisé. Il peut être nécessaire de greffer le fond du cotyle, par contre nous n’avons pas eu à utiliser d’anneaux de soutien.La fixation de la pièce cotyloïdienne non scellée se fait par im-paction. Elle peut être améliorée par un vissage dans le toit du cotyle. En fait, cette vis est rarement utilisée car la tenue primaire du cotyle impacté est souvent très satisfaisante. L’orientation du cotyle est en général de 40° sur l’horizontale avec 20° d’antéversion. Elle doit être définie en fonction de l’équilibre frontal et sagittal du rachis. Il est en effet préféra-ble de corriger préalablement à l’intervention sur la hanche la cause rachidienne du bassin oblique. En cas de persistance d’un bassin déséquilibré chez un patient arthrodésé jusqu’au sacrum, il faudra en tenir compte en augmentant par exemple l’antéversion en cas d’hyperlordose lombo-sacrée ou en mo-difiant l’inclinaison en cas d’obliquité frontale résiduelle.

Ostéotomie fémorale L’accourcissement fémoral est indispensable, la résection pou-vant atteindre de 3 à 5 cm, fonction de la facilité de réduction des implants. Il est réalisé en diaphysaire haut pour conserver la totalité de la métaphyse destinée à loger la partie proximale de la prothè-se. En effet, même une prothèse de type dysplasique possède une embase dont le volume est trop excessif pour un canal diaphysaire. Cet accourcissement fémoral permet en outre de se prémunir

contre une hyperpression pouvant générer à long terme une migration intra pelvienne des implants. L’ostéotomie diaphysaire aide également à régler l’antéversion fémorale au moment du scellement de telle manière que la tête fémorale correctement alignée dans le fond du cotyle, la rotule soit dirigée au zénith. La section de la diaphyse est réalisée en général de 4 à 6 cm sous de la coupe cervicale, en dessous de l’insertion du ten-don du grand fessier, ce qui permet à la queue de la prothèse fémorale de dépasser le foyer d’ostéotomie de plusieurs centi-mètres, assurant ainsi une synthèse suffisante.

Préparation fémoraleIl est conseillé d’utiliser dans un premier temps les alésoirs de 7, 8 puis 9 mm car les râpes ne sont pas adaptées à l’anatomie après accourcissement. Elles ne feront que compléter la prépa-ration proximale et diaphysaire du fémur. L’ostéosynthèse par plaque, régulièrement utilisée au début de l’expérience, n’est plus systématique car le scellement permet une bonne sta-bilité en rotation du foyer d’ostéotomie autour duquel des greffons spongieux sont déposés. Le risque de pseudarthrose persiste cependant.Avec l’accourcissement diaphysaire et en fonction de la taille du fémur, une prothèse standard de petite taille peut être uti-lisée, cimentée ou non cimentée. Nous préférons la première solution, l’introduction des prothèses fémorales non cimen-tées dont on dispose paraissant comporter un risque accru de fracture lors de l’impaction (Fig. 3), et surtout de résorption corticale de type stress shielding (Fig. 4). Une chose est sûre, il n’est pas nécessaire de mettre une grosse tige. C’est même dangereux !

Il ne faut pas oublier la préparation de la synthèse trochanté-rienne avant le scellement de la pièce fémorale avec la mise en place de 2 fils métalliques (12/10) ou d’un fil monobrin (n°1) pour la synthèse du trochanter, et l’avivement de la face ex-terne de la diaphyse destinée à recevoir le médaillon trochan-térien.• L’implant définitif scellé avec l’antéversion idéale est

ensuite introduit dans le cotyle avec une tête d’essai pour décider la longueur du col (le plus souvent neutre ou court, parfois long si l’accourcissement fémoral a été malencontreusement trop important).

Fig. 3 a : fracture du petit trochanterb : consolidation après traitement orthopédique

Fig. 4 : a : prothèse fémorale non cimentéeb : stress shielding (résorption de la corticale externe du fémur)

23

Page 24: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

24

Technique chirurgicale de la prothèse totale de hanchechez le patient neurologique non marchant

par Christophe Delecourt, Jihane Rouissi, Viorel Gurschi et Christian Morin• La tête, de diamètre 26 mm, en acier, est alors introdui-

te dans l’insert mobile cotyloïdien puis impactée dans le cône morse de la pièce fémorale pour limiter le risque de luxation intra-prothétique (Fig. 5).

La pièce fémorale surmontée de l’insert mobile est alors ré-duite dans la cotyle. La réduction doit être particulièrement facile. Il ne doit y avoir aucune tension.

• La capsule est ensuite suturée, le grand trochanter réin-séré, la fermeture poursuivie comme habituellement sur un drain de Redon profond et aspiratif. On vérifie l’absence d’indication de ténotomie des adducteurs, ce qui est ré-gulièrement le cas après accourcissement fémoral.

• Il est préférable d’immobiliser les patients dans un plâtre pelvi-pédieux pendant les quinze premiers jours pour éviter des mouvements désordonnés pouvant être cause de luxation voire de fracture du massif métaphysaire. Une mobilisation douce sous traction est alors débutée puis la position assise est reprise quand la flexion de hanche atteint 70°.

La sérieDans notre série de 20 hanches opérées pour une douleur ou une attitude vicieuse chez 17 patients IMC non marchants, d’âge moyen de 17 ans et 7 mois, le recul moyen est de 3 ans et 4 mois. La tête fémorale était luxée et déformée dans 90 % des cas et centrée dans 10% des cas. La durée opératoire moyenne a été de 155 minutes (extrêmes de 120 et 215 mn), le saignement moyen de 550ml (extrêmes de 200 à1500 ml) avec utilisation régulière du cell-saver. Une transfusion a cependant été nécessaire dans la grande majorité des cas (2,5 culots en moyenne). L’hospitalisation dure en moyenne cinq semaines, une en court séjour et quatre en rééducation.Les complications Six patients ont présenté une complication précoce. Une fracture per-opératoire du fémur est apparue lors de l’impaction d’une tige fémorale non cimentée, synthésée par un cerclage. Une reprise chirurgicale a été nécessaire pour un lâchage précoce de la synthèse trochantérienne. Chez un pa-tient, une fracture du petit trochanter, probablement per-opé-ratoire et déplacée secondairement, a été découverte et trai-tée orthopédiquement par plâtre. Un patient a été transféré en réanimation pour une détresse respiratoire. Deux patients ont développé une volumineuse ossification par cal hypertro-phique métaphysaire fémoral sans conséquence.

Une complication tardive est survenue chez sept patients.Une luxation intra-prothétique et une pseudarthrose méta-physaire du fémur ont nécessité une reprise chirurgicale. Une fracture fémorale à distance de la prothèse est survenue dans deux cas, une résorption fémorale péri-prothétique a été no-tée chez deux patients avec une tige fémorale non cimentée, enfin un patient est surveillé pour un liseré fémoral non évo-lutif. Le recul moyen de la série est cependant trop court pour conclure sur la fréquence du descellement.

Nos quelques ennuis (fracture, résorption corticale) avec les tiges fémorales non scellées sont à l’origine de l’utilisation do-rénavant exclusive de tiges cimentées.

ConclusionContrastant avec les suites opératoires souvent douloureuses des résections tête et col et leurs fréquents désagréments à moyen et long termes, les résultats obtenus jusqu’à ce jour avec cette technique d’arthroplastie totale de hanche nous ont donné plus de satisfaction. Il s’agit tout de même d’une inter-vention assez longue, techniquement plus complexe qu’une une prothèse totale standard, générant un saignement non négligeable et s’adressant à des patients fragiles. L’indication doit donc être raisonnablement discutée.

Fig.5 : luxation intra-prothétique ayant nécessité une réduction chirurgicale

Page 25: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

25

L’enfant « pas comme les autres » (suite)par Jean-Louis Fournier, Rémi Kohler et Henri Carlioz

Dans la Gazette de la SOFOP n° 27, R. Kohler et H. Carlioz nous disaient avoir été émus par leur rencontre avec Jean-Louis Fournier, auteur de ce livre très particulier « Où on va, papa ? ».Une amitié s’est nouée entre eux, et Jean-Louis Fournier a accepté de donner une Conférence aux internes du DESC de chirur-gie infantile à Paris le 21 Septembre 2009, à point nommé après une session sur le handicap. Jean-Louis a pu nous redire en termes simples, directs, émouvants, ce qu’il pensait des enfants handicapés et surtout de l’humour et du rire comme une merveilleuse thérapie de la vie. Nous vous livrons ci-après des extraits de cette Conférence et ne pouvons mieux faire que de vous inciter à lire quelques-uns de ses livres :« Où on va, papa ? » (qui nous parle de ses deux enfants handicapés),« Il n’a jamais tué personne mon papa », hommage à son père médecin qui « tutoyait le Byrrh »,ou encore « Mon dernier cheveu noir » analyse décapante de la vieillesse.

La rédaction de la Gazette de la SOFOP

C’était le 21 septembre dernier, aux Enfants Malades.

Commentant son livre « Où on va, Papa ? », Jean-louis Fournier nous a parlé de « son aventure qui, heureusement est relative-ment exceptionnelle ; un enfant handicapé, ça arrive, deux, c’est encore mieux ».Dans son exposé, il nous a expliqué pourquoi on se livre en public comme il l’a fait devant nous.C’est, dit-il, que « je réussis à survivre grâce à l’humour, c’est-à-dire que j’ai pris de la distance à l’égard de cette catastrophe au lieu de m’effondrer….moi, j’avais l’arme de l’humour et je pouvais m’exprimer….je ne me suis jamais attendri ni effondré….j’ai es-sayé de plaisanter et je pense que c’est difficile de plaisanter avec ce sujet-là parce que c’est quelquefois mal vu…Le rire est un an-talgique absolument extraordinaire qui n’a pas d’effet secondai-re. J’ai continué à l’utiliser pour tout dans la vie ».« Quand vous avez de gros ennuis, il est bien élevé d’avoir une tête d’enterrement….Il n’y a pas de raison que les gens qui ont de grands malheurs n’en rient pas….d’ailleurs….ceux qui sont heu-reux n’ont pas besoin de rire, mais ceux qui sont malheureux, le rire peut les aider beaucoup…. ». « Autre chose me paraît très important : je me suis mis dans la peau d’un enfant handicapé et me suis dit : ce sont des gens qui ne voient jamais personne rire ; quand ils naissent deux visages se penchent sur le berceau : ah, oh la la ! ; comme mot de bienvenue sur terre, c’est pas vraiment génial ! Ensuite ces enfants handica-pés feront des bêtises et personne ne rira d’eux ; moi je trouve cela très grave parce qu’il faut leur laisser aussi le luxe de nous faire rire ».

Jean-Louis Fournier n’a pas vraiment donné la raison pour la-quelle « on écrit ce genre de livre » bien qu’il l’affirme d’entrée de jeu, mais il nous a dit comment il a pu vivre son malheur, comment il a survécu au « top des emmerdements ». « Grâce à l’humour ». « Cet humour, je ne l’ai pas fabriqué pour faire un li-vre, c’est un humour dont je me suis servi dans la vie de tous les jours »…. « parce que le rire, ce n’est pas de la moquerie, ce n’est pas de la méchanceté, ce n’est pas de l’indifférence, c’est quelque-fois le contraire de l’indifférence….Le rire est le plus court chemin d’un homme à un autre. J’ai reçu un millier de lettres de gens qui étaient confrontés à ce drame et qui me disaient : vous savez, nous aussi on essaie un peu de plaisanter et vous nous avez confortés. Je trouve cela formidable. »Le rire peut donc « être une parade contre la souffrance, contre l’injustice, une opération de survie ». Mais l’humour qui le sous-tend est alors très noir, grinçant et peut être compris comme cynique.Dans cet esprit, on peut se permettre de « rire de tout, de la vieillesse et de tout ce qui n’est pas drôle ». Ce n’est pas Jean-Louis Fournier mais Boris Vian qui décrit un marché de vieux comme il y en a de bestiaux ou de volailles ! Même esprit : « A propos d’un livre que j’ai écrit sur la vieillesse (« mon dernier cheveu noir ») j’ai réussi, à Strasbourg, à faire rigoler une centaine de vieux de 90 ans. Je leur ai dit : vous avez été tous formidables, vous avez ri beaucoup ! Je regardais toutes ces bouches édentées qui riaient et les remerciais de leur accueil . En partant, je leur ai donné un tuyau : vous allez mourir prochainement (ce qui les a fait rire car personne n’a le culot de dire un truc comme çà !) ; lors de votre dernier soupir, le médecin va dire « c’est la fin ». Vous vous redresserez et direz « des haricots » ! J’ai fait un malheur ». Jean-Louis Fournier se réclame de son amitié pour Pierre Des-proges ; en lisant les œuvres de l’un et l’autre la parenté ar-tistique et spirituelle est évidente. Au chapitre « National So-cialisme » de son Dictionnaire superflu, Pierre Desproges dit que « les surhommes beaux, grands et blonds, sobres en humour et élégamment bornés….s’obstinèrent à exterminer les petits bruns »…et les emmenèrent à la campagne dans des bungalows de bois relativement frustes, au cœur d’immenses clubs privés très bien protégés des curieux par des gardes assermentés et leurs chiens, de race également ». Rire et faire rire du nazisme et de la Shoah….Roberto Benini a le même culot. Dans son beau film « La vie est belle » l’humour envahit la vie des juifs déportés et le camp de concentration, sujets pourtant tabous. Bien des specta-teurs n’ont pas goûté ce sacrilège ; ils ont sûrement réprouvé aussi « les combats d’enfants organisés par les éducateurs pour se

Jean Louis Fournier, conférencier

Page 26: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

26

détendre et arrondir leurs fins de mois » et l’envie exprimée par Jean-Louis Fournier « de jeter mon fils par la fenêtre mais nous sommes au rez de chaussée, ça ne servirait à rien ».Cet humour sombre, en apparence irrespectueux de la souf-france, n’est supportable que parce qu’il appartient à celui qui a souffert, qui souffre tous les jours, « pour qui c’est la seule fa-çon de garder la tête hors de l’eau ». Un écorché vif par la vie.

Et pourtant « la vie est passionnante ». Les commentaires sur l’humour ne résument pas la conférence du 21 septembre. La passion de Jean-Louis Fournier y transparaît car il y a un monde entre parler de ses souffrances et en faire un livre. Il ne peut se contenter de les vivre et d’en rire ; il doit les mettre sur le papier. C’est, me semble-t-il, un besoin irrépressible. Il est écrivain. C’est pour cela aussi qu’il a écrit « Il a tué personne mon papa » sur un autre drame de sa vie.

La vie est belle mais elle se termine « en impasse, en cul-de-sac ». D’ailleurs, les réponses à « Où on va papa ? » ne sont que des impasses : « a veau l’eau…droit dans le mur…en Alaska cares-ser les ours…se faire dévorer…cueillir de amanites phalloïdes…prendre l’autoroute à contre sens ». Expressions outrancières d’un doute salutaire.

Enfin, pourquoi cette horreur du mot Handicap ? Parce que catégoriser cet enfant c’est le figer en ne le désignant que par une de ses particularités. En forçant quelque peu la note c’est une désignation « raciale ». Jean-Louis Fournier préfère se dire qu’il est différent « mais pas forcément au-dessous des autres, ça peut être au-dessus, c’est pas être moyen, c’est être ailleurs des autres ».

Que de leçons à méditer !

L’enfant « pas comme les autres » (suite)par Jean-Louis Fournier, Rémi Kohler et Henri Carlioz

Réunions à venir

7-10 avril 2010 zagreb29ème réunion de l’Eposwww.epos.efort.org/zagreb2010

3-7 mai 2010 Waikoloa, HawaiiRéunion annuellede la Posnahttp://www.posna.org

7-8 mai 2010Nantes42ème réunion du GES (Groupe Étude Scoliose)organisateur : Simon Le Naelou [email protected]

4-5 juin 2010Toulouse6ème congrès de la SFCR(Société Française de Chirurgie Rachidienne)www.sfcr.fr

2-5 juin 2010Madrid11ème congrès de l’EFORTwww.efort.org

16-19 juin 2010Paris- Palais des CongrèsCongrès des Sociétésde PédiatrieSéminaire paramédical (16-17 juin)[email protected]

22-26 juin 2010Genève12ème congrès de l’AOLFwww.aolf2010.com

22-25 septembre 2010Genève64ème réunion de l’AACPDM(American Academy of Cerebral Palsy)Washington, DC, USA

Henri Carlioz et Remi Kohler méditant les propos de Jean Louis Fournier

Page 27: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes

27

Face à cette image de vertèbre borgne T11 et les images IRM et TDM avec un rétrécissement majeur du canal médullaire, il est décidé la réalisation d’une biopsie curetage. Cette inter-vention est abrégée du fait d’un saignement important pero-pératoire. Le résultat anatomopathologique conclut à un ostéoblasto-me.

Choix d’une embolisation préopératoire (Fig. 4), suivi 48h plus tard d’un curetage par voie d’abord postérieure, avec greffe osseuse unilatérale prélevée aux dépens de la crête iliaque, ostéosynthèse (Fig. 5), et corset pour six mois.Le recul à 6 mois semble ne pas montrer de récidive (Fig. 6) avec une bonne intégration du greffon osseux (Fig. 7).

DiscussionL’ostéoblastome est une tumeur osseuse bénigne rare de l’os de l’enfant (environ 3 % des tumeurs osseuses bénignes tout âge confondu), avec une nette prédominance masculine (sex ratio 2/1) [1]. Les localisations préférentielles sont le rachis (40 %), les os longs en particulier l’humérus (20 %) et la mandi-bule. La douleur peut être le seul signe de découverte de cette lésion, mais lors des atteintes rachidiennes les signes cliniques révélateurs peuvent être des compressions médullaires ou ra-diculaires voire des scolioses douloureuses [1].

Les diagnostics différentiels devant ce type de lésion sont essentiellement l’ostéosarcome, l’ostéome ostéoïde, le chon-droblastome, le kyste osseux anévrismal et le chondrosarco-me [2]. Le diagnostic ne peut bien sûr être affirmé que par la preuve anatomopathologique. Radiologiquement on peut retrouver une lésion radio transparente de plus de 2 cm, cerc-lée d’une fine ostéocondensation mais on retrouve également des images opaques dans certains cas. L’IRM est indispensable dans les localisations rachidiennes. La scintigraphie osseuse montrera généralement une hyperfixation intense ne permet-tant pas de la différencier d’un ostéome ostéoïde. Il n’existe pas de risque métastatique mais un haut risque de récidive si l’exérèse n’est pas complète. Le traitement consiste soit en un curetage mais avec un risque élevé de récidive locale soit en une exérèse en bloc qui est préférable [1, 2, 3]. S’agissant d’une tumeur richement vascularisée, dans des localisations difficiles avec des risques hémorragiques importants, une em-bolisation préopératoire est à proposer [4] ce que nous avons réalisé dans le cas présent.

Références1. CLAVERT J.M. Tumeurs osseuses bénignes : ostéome ostéoide et ostéoblasto-me. Cahiers enseignement de la SOFCOT 2005, vol. 88 (295 p.).2. BERRY M, MANKIN H, GEBHARDT M, ROSENBERG A, HORNICEK F. Osteo-blastoma : a 30-year study of 99 cases. J Surg Oncol. 2008. 98 : 179-833. SAGLIK Y, ATALAR H, YILDIz Y, BASARIR K, GUNAY C. Surgical treatment of osteoblastoma : a report of 20 cases. Acta Orthop Belg. 2007. 73 : 747-534. DENARO V, DENARO L, PAPALIA R, MARINOzzI A, DI MARTINO A. Surgical management of cervical spine osteoblastomas. Clin Orthop Relat Res. 2007. 455 : 190-5

Le cas du jour :réponse à un problème de vertèbre borgne

par Philippe Violas et Jonathan Benoist

Fig. 4

Fig. 5

Fig. 6 Fig. 7

Page 28: La Gazette - Livres médicaux – Sauramps Médical · De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck ... partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences, impliquant deux internes