la france face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog «...

15
1 La France face à l’islam politique : connaître et comprendre pour agir (Interview-Le Point) http://mlouizi.unblog.fr/2020/11/28/la-france-face-a-lislam-politique-connaitre-et- comprendre-pour-agir-interview-le-point/ Après la décapitation de Samuel Paty, Le Point m’a posé des questions au sujet de l’islam politique et des Frères musulmans. C’est en homme libre, et non en « repenti », que j’ai accepté de lui livrer, sans contrepartie, mon décryptage factuel et désintéressé. J’y ai mis toute mon énergie pour offrir à tout lecteur, qu’il soit néophyte ou expert, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs, la synthèse de mes travaux à ce sujet depuis l’année 2006. J’y formule sans détour des propositions et des recommandations claires pour faire face à l’hydre islamiste. Je tiens à remercier la rédaction du site Le Point et le journaliste Clément Pétrault qui ont rendu possible cette publication. Aujourd’hui, conscient que ce décryptage est d’intérêt public, au moment où la France est à l’heure d’un choix décisif, je me permets de le mettre intégralement en accès libre, augmenté de nombreuses illustrations, pour qu’il soit lu par tout le monde et sans restriction. La connaissance est la clé de l’action. Bonne lecture ! Le Point : Vous avez quitté les frères musulmans en 2006. À quoi ressemble votre vie depuis ? Mohamed Louizi : Depuis que j’ai quitté les Frères musulmans, ma vie s’est enrichie, pas d’un point de vue pécuniaire, entendons-nous ! Mon approche apolitique de l’islam m’ouvre des perspectives intellectuelles et spirituelles inattendues et me permet de faire sur moi-même tout un travail difficile, parfois très douloureux, d’introspection et d’autocritique sans limites. Tout passe, depuis maintenant quatorze ans, par le tamis de la raison, par le sas du doute qui sauve. Ce travail se poursuit toujours sur les strates de sédiments superposés depuis l’époque islamiste de mon existence. Je ne sais pas où tout cela va m’emmener. Je l’ignore. Je n’ai plus de vérités absolues à défendre. Ce que je sais, c’est que ce travail salutaire sur ma petite personne est plus que nécessaire. Il est indispensable et je ne le fais ni pour plaire, ni pour déplaire, ni pour vendre des essais, ni pour me venger, ni pour négocier une place médiatique, ni pour atteindre un statut politique. Je le fais à mes dépens et j’en paie un coût financier très élevé. Pourquoi avoir choisi de renier votre engagement… au risque de vous retrouver seul ? Quand j’ai décidé de rompre avec l’idéologie et l’activisme des Frères musulmans, j’ignorais que j’allais me retrouver presque seul, ma petite famille ostracisée. Je pensais naïvement que leur islam était tolérant. Je pensais que les méthodes punitives qu’ils utilisent ailleurs, contre leurs « ex », ne pouvaient entrer en action ici en France. Cette situation m’a convaincu que j’ai fait le bon choix. J’ai décidé donc d’en témoigner. Ce travail, je le fais d’abord par égoïsme assumé, pour me réparer et restaurer mon humanité altérée, éprouvée, par quinze ans de militantisme islamiste soft power. Je suis père de trois enfants. Quand j’ai quitté la mouvance, mon aînée n’avait que quatre ans, et pourtant ! À ses dix-huit ans, elle se souvient toujours d’un papa très engagé, très rigoriste, qui n’écoutait pas la musique, qui l ui interdisait d’adresser la parole aux garçons de son école élémentaire et qui fut tout le contraire de ce que je suis devenu par la suite. Je le fais pour protéger ma petite famille, pour l’immuniser et l’aider à mettre des mots sur les ressorts de l’exclusion familiale qui m’est imposée par des proches scandalisés par mon usage de ma liberté de conscience, de pensée et d’expression. Ma femme et mes enfants ne sont pas hermétiques à toutes ces pressions punitives, exercées par un entourage qui me considère comme paria, comme « ennemi de l’intérieur ». Je le fais ensuite par altruisme au service de la France qui m’a révélé à moi -même et qui m’a sauvé des

Upload: others

Post on 14-Jun-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

1

La France face à l’islam politique : connaître et comprendre pour agir

(Interview-Le Point)

http://mlouizi.unblog.fr/2020/11/28/la-france-face-a-lislam-politique-connaitre-et-

comprendre-pour-agir-interview-le-point/

Après la décapitation de Samuel Paty, Le Point m’a posé des questions au sujet de l’islam

politique et des Frères musulmans. C’est en homme libre, et non en « repenti », que j’ai

accepté de lui livrer, sans contrepartie, mon décryptage factuel et désintéressé. J’y ai mis

toute mon énergie pour offrir à tout lecteur, qu’il soit néophyte ou expert, qu’il soit d’ici ou

d’ailleurs, la synthèse de mes travaux à ce sujet depuis l’année 2006. J’y formule sans détour

des propositions et des recommandations claires pour faire face à l’hydre islamiste. Je tiens à

remercier la rédaction du site Le Point et le journaliste Clément Pétrault qui ont rendu

possible cette publication. Aujourd’hui, conscient que ce décryptage est d’intérêt public, au

moment où la France est à l’heure d’un choix décisif, je me permets de le mettre

intégralement en accès libre, augmenté de nombreuses illustrations, pour qu’il soit lu par tout

le monde et sans restriction. La connaissance est la clé de l’action. Bonne lecture !

Le Point : Vous avez quitté les frères musulmans en 2006. À quoi ressemble votre vie

depuis ?

Mohamed Louizi : Depuis que j’ai quitté les Frères musulmans, ma vie s’est enrichie, pas

d’un point de vue pécuniaire, entendons-nous ! Mon approche apolitique de l’islam m’ouvre

des perspectives intellectuelles et spirituelles inattendues et me permet de faire sur moi-même

tout un travail difficile, parfois très douloureux, d’introspection et d’autocritique sans limites.

Tout passe, depuis maintenant quatorze ans, par le tamis de la raison, par le sas du doute qui

sauve. Ce travail se poursuit toujours sur les strates de sédiments superposés depuis l’époque

islamiste de mon existence. Je ne sais pas où tout cela va m’emmener. Je l’ignore. Je n’ai plus

de vérités absolues à défendre. Ce que je sais, c’est que ce travail salutaire sur ma petite

personne est plus que nécessaire. Il est indispensable et je ne le fais ni pour plaire, ni pour

déplaire, ni pour vendre des essais, ni pour me venger, ni pour négocier une place médiatique,

ni pour atteindre un statut politique. Je le fais à mes dépens et j’en paie un coût financier très

élevé.

Pourquoi avoir choisi de renier votre engagement… au risque de vous retrouver seul ?

Quand j’ai décidé de rompre avec l’idéologie et l’activisme des Frères musulmans, j’ignorais

que j’allais me retrouver presque seul, ma petite famille ostracisée. Je pensais naïvement que

leur islam était tolérant. Je pensais que les méthodes punitives qu’ils utilisent ailleurs, contre

leurs « ex », ne pouvaient entrer en action ici en France. Cette situation m’a convaincu que

j’ai fait le bon choix. J’ai décidé donc d’en témoigner. Ce travail, je le fais d’abord par

égoïsme assumé, pour me réparer et restaurer mon humanité altérée, éprouvée, par quinze ans

de militantisme islamiste soft power. Je suis père de trois enfants. Quand j’ai quitté la

mouvance, mon aînée n’avait que quatre ans, et pourtant ! À ses dix-huit ans, elle se souvient

toujours d’un papa très engagé, très rigoriste, qui n’écoutait pas la musique, qui lui interdisait

d’adresser la parole aux garçons de son école élémentaire et qui fut tout le contraire de ce que

je suis devenu par la suite. Je le fais pour protéger ma petite famille, pour l’immuniser et

l’aider à mettre des mots sur les ressorts de l’exclusion familiale qui m’est imposée par des

proches scandalisés par mon usage de ma liberté de conscience, de pensée et d’expression.

Ma femme et mes enfants ne sont pas hermétiques à toutes ces pressions punitives, exercées

par un entourage qui me considère comme paria, comme « ennemi de l’intérieur ». Je le fais

ensuite par altruisme au service de la France qui m’a révélé à moi-même et qui m’a sauvé des

Page 2: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

2

Frères musulmans. Ce travail de témoignage est d’intérêt public.

Avez-vous apostasié ?

Je n’ai pas renié ma foi musulmane en quittant les Frères musulmans en 2006 : Dieu n’a

jamais été frère musulman et les Frères musulmans ne sont pas Dieu. Au nom de mon

approche d’un autre islam, d’un islam apolitique, je différencie ma foi de ses divers récits. Foi

et récits de la foi ne sont pas synonymes, ne sont pas confus dans mon esprit. J’ai ainsi libéré

ma foi de la loi dite islamique et des griffes de l’idéologie islamiste. Je sépare l’expérience

mystique, métaphysique, spirituelle, des enveloppes idéologiques et historiques figées qui

aspirent depuis toujours à la contrôler. Ma foi a retrouvé sa juste dimension car, dans mon

esprit, tout n’est pas islam et l’islam n’est pas tout.

À quoi occupez-vous votre nouvelle vie ?

En parallèle de mon métier d’ingénieur et de ma passion pour

le dimensionnement des postes de transformation électrique

haute tension, je décrypte, principalement par le biais de mon

blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des

activistes et des structures de l’islam politique depuis mars

2007. Cela ne plaît pas aux islamistes et à leurs acolytes qui

mènent, mordicus, des opérations de jihad judiciaire contre

mes écrits. Pour l’instant, ils ne rencontrent pas de succès. Sur

les six procès pour « diffamation » auxquels j’ai dû faire face,

j’en ai gagné cinq définitivement. Le sixième est toujours

entre les mains des juges de la Cour de cassation.

Évidemment, tant que je peux écrire, je continuerai à le faire,

comme dirait l’autre : « même pas peur ». Le poète égyptien

Ahmed Shawqi chantait : « L’homme courageux n’abrège

point sa vie en affrontant les dangers … Le lâche ne la conserve point en multipliant les

précautions. » Je ne prétends pas être un homme courageux. Je suis juste moi-même depuis

que j’ai quitté les Frères musulmans.

Pensez-vous possible et souhaitable l’émergence d’un « islam des Lumières » en

France ?

Cette expression confuse bien que brillante « d’islam des lumières », ne dit pas grand-chose

au sujet de la dimension politique, revendicative, identitaire que chérissent les islamistes. Elle

ne dit presque rien sur la nécessité d’inhiber et de neutraliser définitivement la dimension

juridique cancéreuse du corps de l’islam : la fameuse charia. Qu’il me soit permis de dire que

le citoyen français lambda, y compris de

confession musulmane, est sans doute

fatigué, lassé, d’entendre parler de l’islam et

de ses réformes souhaitées, presque matin,

midi et soir, au petit lendemain de chaque

attentat islamiste, alors que l’inquiétude le

gagne au rythme de la multiplication des

attaques djihadistes contre la France et contre

notre peuple. La question de la réforme de

l’islam, une question d’intellectuels,

n’intéresse pas particulièrement ce citoyen. Il

n’est pas dans le débat sur le sexe des anges,

si vous me permettez l’expression, et il a

raison. Pour cela, il y a bien des « spécialistes » et des « experts » sur les plateaux des chaînes

main Stream. La question de fond qui le préoccupe est plutôt d’ordre sécuritaire : celle de

Page 3: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

3

savoir comment l’État va le protéger, lui et ses enfants, aujourd’hui et demain, au nom de ses

responsabilités régaliennes, contre les attaques violentes et incessantes de l’islam politique ;

comment le ministère de l’Intérieur va lui garantir de rentrer vivant le soir chez lui, la tête sur

les épaules.

Alors, pour vous, cette expression d’« islam des lumières » ne serait qu’un slogan ?

Derrière les bonnes phrases, derrière les bonnes intentions, on est capable de dissimuler les

pires misères de sa pensée totalitaire. Entendons-nous, en France, au nom de la liberté de

conscience, on est libre de se réclamer soi-même d’un « islam modéré », ou d’un « islam du

juste milieu », un islam frérosalafiste proclamé par les Frères musulmans, ou d’un « islam

wahhabite », ou d’un « islam progressiste », ou d’un « islam des Lumières ». Soit. Ce qui

compte à mes yeux, ce ne sont pas les titres ou les déclarations de bonnes intentions mais le

contenu, les idées et aussi le point de départ que sont tous ces principes libérateurs, héritage

des Lumières, qui animent l’individu. L’expression « islam des Lumières » n’est pas un point

d’aboutissement, car les Lumières doivent d’abord être allumées pour éclairer la trajectoire

spirituelle et intellectuelle de la femme ou de l’homme de foi musulmane qui choisirait sans

pression du groupe, sans contrainte communautaire de son entourage, une expérience

religieuse et spirituelle plutôt qu’une autre, ou une expérience philosophique sans Dieu, dans

une société libre et sécularisée. Je plaide la cause d’un autre islam apolitique : au sens qu’il

est débarrassé originellement de tout code civil ou pénal, de tout projet politique, de toute

idéologie de conquête du pouvoir suprême et de la domination de la faune et de la flore au

nom d’Allah. Un islam d’un Dieu désarmé et non violent.

Croyez-vous en une réforme possible ?

J’appelle à réformer l’islam,

en faisant allusion à ma règle

des « 3R » : Redéfinir le

sacré, Repenser les textes

et Réconcilier l’islam avec la

modernité et la laïcité. Je ne

prétends pas être un

réformateur, simplement,

j’interroge sans tabous, sans

concession, les principaux

facteurs dogmatiques,

épistémologiques, culturels, historiques, politiques et juridiques qui ont structuré l’islam

durant les trois premiers siècles fondateurs de sa ligne califaliste qui a dominé les onze

derniers siècles suivants. J’invite mes coreligionnaires à réfléchir aux sens de cette foi et de

son instrumentalisation par les islamistes pour dire la loi et justifier diverses revendications

islamistes séparatistes telles que le voile, le halal, les carrés musulmans, la finance dite

islamique, les mutilations génitales, le mariage non-mixte, et j’en passe.

On a le sentiment que malgré le soutien plutôt inattendu des Emirats Arabes-Unis, que

la France serait devenue « l’ennemi public n° 1 un » des pays musulmans. Partagez-vous

ce constat ?

Que la France soit, depuis toujours, l’ennemi public numéro un des Frères musulmans ne date

pas d’aujourd’hui. Déjà, en 1939, lors du Vème

congrès de la mouvance islamiste des Frères

musulmans, dans un discours incendiaire fondateur de la stratégie de domination globale

(Tamkine) menée partout par ces islamistes, Hassan al-Banna, le guide-fondateur de la

mouvance et, au passage, le grand-père des Frères Ramadan, avait menacé la France depuis

l’Égypte. Il disait, je traduis : « La France qui avait prétendu, pendant un temps, être l’ami de

l’islam, devra rendre des comptes aux musulmans aussi longtemps que possible. Nous

Page 4: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

4

n’oublierons jamais sa honteuse position à l’encontre de notre chère Syrie. Nous n’oublierons

jamais sa position vis-à-vis de la question marocaine et du Dahir Berbère. Nous n’oublierons

pas nos frères nombreux, tous ces jeunes de la patrie marocaine, libre et combative, jetés aux

fonds des prisons et aux extrémités des exils. Viendra le jour où ce compte sera réglé. C’est

ainsi que nous faisons alterner les jours fastes et les jours néfastes parmi les hommes ». Cette

haine originelle que

témoignent les Frères

musulmans à l’égard de la

France et de ce qu’elle

représente comme idées,

comme idéaux et comme

principes, depuis le temps,

ne faiblit jamais. Tel un

phénix qui renaît de ses

cendres, les Frères

musulmans trouvent toujours

le moyen de s’attaquer à la

France et galvaniser leurs

bases radicalisées contre elle.

D’accord, mais pourquoi

spécifiquement la France ?

Certainement parce que la

France est l’incarnation

vivante et dynamique de tout

ce que l’islam politique

craint et n’aime pas, de tout

ce que l’islam politique veut

détruire : la liberté. Quand

on observe bien les trente

dernières années, une

constance se dégage : les

deux pays démocratiques ciblés constamment par la propagande de l’internationale frériste

sont : Israël et… la France. C’est un fait même si le discours de Dominique De Villepin, en

février 2003, prononcé contre la guerre en Irak, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, avait

engendré un semblant de trêve qui, en vérité, avait été que de très courte durée et avait pris fin

au moment du débat précédant le vote et la promulgation de la loi du 15 mars 2004 qui

encadre le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les

écoles, collèges et lycées publics.

Pourquoi les islamistes semblent-ils avoir renoncé aux États-Unis – qui ont mené une

politique ouvertement anti-islam –, mais pas la France ?

S’il est vrai que les Frères musulmans s’attaquent parfois aux États-Unis et à la Grande

Bretagne, entre autres, cela dépend de la couleur politique du locataire de la Maison Blanche,

d’un côté, et de celui de 10 Downing Street, de l’autre. Un président américain, issu du parti

Démocrate, et un premier ministre britannique, issu du Labour, ont plus de chance d’être

épargnés et à l’abri des attaques fréristes. Histoire, peut-être, de proximités et de convergence

d’intérêts pas uniquement géostratégiques.

Face à la France, le cœur laïc battant de l’Europe, la couleur politique du locataire de l’Élysée

importe peu. Les attaques sont constantes et les chantages à la déstabilisation se suivent et se

ressemblent. Pour cela, les Frères musulmans s’accrochent à tout événement, quand ce ne sont

Page 5: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

5

pas eux-mêmes ses principaux instigateurs de l’ombre, pour orchestrer et entretenir ces

attaques : les affaires du voile, les caricatures de Mahomet, le burkini sur des plages et dans

des piscines, le positionnement de la France au sujet de la Syrie, de la Libye, du Kurdistan, de

la Méditerranée orientale, de la Grèce, de l’Arménie, du Sahel, etc. Ils font feu de tout bois

pourvu que ses flammes tiennent le plus longtemps possible, en attendant la prochaine

provocation. N’oublions pas qu’Hassan al-Banna a promis à ses Frères que le bassin

méditerranéen sera et redeviendra islamique. Sur le contexte actuel, on voit bien que les

Frères musulmans voudraient bien que l’on considère leur manœuvre de boycott comme étant

« représentative » du sentiment des musulmans à travers la planète mais la vérité est toute

autre. De ce point de vue, le positionnement des Émirats Arabes Unis, qui, en 2014 a classé, à

juste titre, les Frères musulmans et ses branches comme organisations terroristes, n’est pas un

fait isolé. La France est soutenue par de nombreux musulmans, un peu partout dans le monde

arabe, qui chérissent la laïcité et militent chez eux pour que la modernité soit et prospère.

Y a-t-il, pour vous, une ligne politique « frériste » derrière ces alliances contre la

France ?

Sans aucun doute. Cependant, il ne s’agit nullement d’une simple ligne politique fantasmée ou

d’un axe imaginaire sans intérêt. Au contraire, il s’agit bel et bien d’un croissant islamiste

structuré, pragmatique, idéologique, identifiable, identifié, physique, géopolitique,

économique, financier, militaire et va-t’en guerrier, rassemblant en son sein l’ensemble des

composantes gouvernementales et non gouvernementales de l’islam politique en action,

qu’elles soient sunnites ou chiites.

L’alliance sunnite-chiite au sein de la

famille islamiste n’est pas contre-nature. Ce

croissant islamiste relie symboliquement

l’Indonésie au Maroc, en passant par la

Malaisie, le Pakistan, l’Afghanistan, l’Iran,

le Qatar, la Turquie, la Libye, la Tunisie et

l’Algérie.

Comment se manifeste concrètement cette

alliance ?

Lorsque les regards inquiets du monde

entier, à la veille de Noël, étaient rivés sur

les incendies en Australie et sur l’apparition

à Wuhan en Chine des premiers cas de

contamination au coronavirus, les parrains

de ce croissant islamiste, eux, étaient tous

rassemblés dans un sommet inédit et cinq

étoiles à Kuala Lumpur, la capitale

malaisienne, du 18 au 21 décembre

2019. On pouvait y voir un « sommet

antisaoudien », anti-Émirats Arabes Unis,

matérialisant ce mouvement conscient mais

surexcité des plaques tectoniques islamistes, loin du régime saoudien qui semble décidé à

s’engager sur la voie d’une réforme globale de son système et d’une limitation de ses

influences religieuses extérieures.

On pouvait et on peut voir dans ce sommet la matérialisation de ce croissant islamiste qui, à

desseins inavoués, a rassemblé à cette occasion les pièces de son puzzle pour faire le bilan

d’étape d’une décennie écoulée ; pour en tirer les enseignements des expériences des

islamistes après ledit « printemps arabe » ; et surtout, pour préparer la nouvelle décennie avec

Page 6: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

6

comme date anniversaire, marquée dans tous les esprits, l’an 2024 : le centenaire de la chute

du califat Ottoman que les Frères musulmans œuvrent, par tous les moyens, à rétablir à terme.

Cette coalition menace surtout l’ordre mondial entre pays musulmans, non ?

Certainement. C’est peut-être pour cette raison que les oulémas officiels de l’Arabie Saoudite

ont décrété un avis religieux, publié ce 10 novembre 2020, considérant les Frères musulmans

comme « groupe terroriste qui ne représente

pas l’approche de l’islam [...], attaque les

dirigeants, attise la discorde, dissimule la

religion et pratique la violence et le

terrorisme. » Ce virage saoudien doit encore

s’affirmer, on l’espère, par le rejet définitif du

salafisme wahhabite.

Il serait imprudent de ne pas tenir compte de

la réalité de cette coalition, de sa capacité de

frappe, notamment djihadiste, et de ses

menaces à l’égard de la France et de l’Europe

aussi. Sur le papier, cette coalition

revendiquerait, démographiquement parlant, un peu plus de 800 millions d’habitants quand

l’Europe en compte environ 741 millions. Cela ne veut surtout pas dire que ces 800 millions

partageraient la vision de l’islam politique, encore moins ses projets et ses projections, mais à

l’ère des réseaux sociaux et des chaines satellitaires sous contrôle, cette coalition a fait la

démonstration de sa capacité à mobiliser, à s’organiser et à engager, dans son jihad tout-

terrain, des forces exogènes et aussi des forces endogènes, biberonnées au sein même de la

France et de l’Europe.

Il y a une méthode frériste particulière appliquée à la géopolitique internationale ?

Ce croissant islamiste espère faire mal à la France et à l’Europe, en instrumentalisant, à

échelle planétaire, le sentiment religieux musulman

et l’image de Mahomet. Il peut y arriver, en

particulier, si l’Europe continue de courber l’échine

face à la Turquie d’Erdogan qui, rappelons-le,

contrôle aux frais de l’UE, les flux migratoires (et

accessoirement djihadistes) dans l’espace

Schengen et en fait une carte de pression. Erdogan

contrôlait déjà la porte Est de l’Europe. Il contrôle

aussi, à travers ses subalternes en Libye et en

Tunisie, la porte Sud menant vers Lampedusa. Il

aimerait avoir le contrôle de la porte Ouest,

Gibraltar, pour que son piège totalitaire se referme

définitivement, complètement, sur le Vieux

continent.

C’est bien cette coalition islamiste qui malmène

l’image de la France après les déclarations du

président de la République au sujet de l’islam politique et après l’attentat de Conflans-Sainte-

Honorine. La plupart des pays musulmans qui ont condamné la France étaient présents

officiellement ou représentés discrètement par des délégations officieuses au dit sommet de

Kuala Lumpur.

Quels sont les responsables politiques à la manœuvre ?

On peut citer l’ex-premier ministre malaisien, Mahatir Muhammad, présent à ce sommet qui a

enjoint récemment aux musulmans de « tuer des millions de Français ». Ou encore cette

Page 7: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

7

déclaration du Frère musulman Ali al-Qaradaghi, le secrétaire général de l’officine frériste

UISM (Union internationale des savants musulmans) qu’hébergent le Qatar et la Turquie,

présents aussi à ce sommet. Il a accusé

publiquement les services secrets français

d’être les instigateurs de la décapitation de

Samuel Paty. On peut citer des députés

islamistes marocains et des politiques

qataris, koweïtiens et jordaniens. On peut

citer des exemples de cette propagande

principalement menée par les brigades

numériques des Frères musulmans, du Maroc jusqu’en Indonésie. D’ailleurs, l’administration

de Facebook vient de supprimer des milliers de comptes pro-Frères musulmans, suivis par un

million et demi d’abonnés et qui diffusent leur propagande mensongère et déstabilisatrice.

On note aussi, et c’est loin d’être anecdotique, qu’en Andalousie espagnole, ledit cheikh

Abdullah ben Nasser Al-Thani, cousin de l’Émir du Qatar et président du club de Malaga,

a menacé clairement, vulgairement, Emmanuel Macron et a réclamé des excuses officielles.

En ligne de mire de la justice ibérique,

soudain il s’est mué en défenseur de

Mahomet ! Tout cela parce qu’Emmanuel

Macron a déclaré que « l’islam est une

religion qui vit une crise aujourd’hui, partout

dans le monde ». On n’a pas entendu ce

cousin de l’Émir du Qatar tenir les mêmes

propos à l’égard de l’ex-premier ministre

malaisien islamiste, Mahatir Muhammad,

qui, en ouverture dudit sommet de Kuala

Lumpur, avait dit la même chose, presque à

la virgule près, sans être inquiété. Il dit vouloir comprendre pourquoi « l’islam et les pays

musulmans étaient en crise, sans espoir et indignes de cette grande religion ». Deux poids,

deux mesures.

Peut-on affaiblir l’islamisme sans renoncer à l’orthopraxie religieuse ? En d’autres

termes, l’islam mondial n’est-il pas en train de se repositionner sur des standards

rigides ?

Le fondamentalisme islamiste, à l’image d’autres fondamentalismes juifs et chrétiens, fracture

la communauté des fidèles et se positionne en juge des âmes : distribuant aux uns, les bons

points, et autres, les mauvais. Il s’en sert aussi pour désigner les « bons » et les « mauvais »

musulmans, selon ses standards extrémistes, et surtout, pour cibler ceux qui ont des fragilités

psychologiques et des faiblesses financières. Il

en fait son carburant et sa chair à canon.

Entre la belle pratique religieuse discrète de mon

grand-père, Sidi, paix à son âme, et la pratique

extrémiste, ostentatoire et revendicative d’un

wahhabite zélé ou d’un frérosalafiste sombre et

menaçant, il n’y a aucune comparaison qui tient.

La prière de mon grand-père dans sa chambre,

dans un village reclus de la campagne

marocaine, fut une ascension mystique pour

enchanter son âme. La prière collective dans une rue parisienne, conduite par un islamiste

connu des services de l’État, est un acte politique : une déclaration de désobéissance à l’ordre

Page 8: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

8

républicain, une déclaration de guerre à la laïcité.

Ce sont évidemment des islams irréconciliables. L’islamisme est le cancer originel de l’islam.

Son idéologie politique et ses structures en réseau ont fait une OPA religieuse sur l’islam, la

religion, à tel point que les deux se confondent dans bien des esprits éclairés. La République a

su mettre de l’ordre dans ses relations avec le judaïsme et le christianisme. En appliquant la

loi, toute la loi, rien que la loi, elle saura, par un volontarisme pragmatique assumé, tuer le

cancer et épargner le patient.

Les Frères Musulmans ont-ils, d’après vous, un projet pour la France ?

Partout où les Frères musulmans se sont installés, ils mènent un projet politique suprémaciste.

Le même projet que leurs Frères musulmans des contrées lointaines et voisines. Ce projet

porte un nom de code depuis 1928 : le Tamkine. Ce vocable arabe, que je préfère garder dans

sa langue d’origine, au vu de sa charge

symbolique et idéologique peut être approché

et compris comme étant la domination

politique pour soumettre les individus, la

société et l’Etat à ladite loi d’Allah.

Il s’agit d’un plan stratégique sophistiqué,

détaillé et adapté à chaque pays, visant à

atteindre, à terme, le sommet du pouvoir

politique pour que l’islam, tel qu’il est

compris, promu et pratiqué par les Frères

musulmans et par leurs idéologues

transnationaux, s’infiltre dans toutes les

sphères de la société pour imposer la loi

islamiste totalitaire, rétrograde et liberticide.

Cela passe d’abord, selon la littérature de la

mouvance par l’islamisation de l’individu, puis de la famille, puis de la société, puis de l’État.

Les états ainsi islamisés par étapes et par étages formeront, dans les projections des Frères, le

califat islamique dont ils rêvent les yeux ouverts.

Vous sous-entendez que le scenario est comme écrit à l’avance…

Ce projet est écrit depuis 1928, la date de création des Frères musulmans. Les têtes pensantes

de la mouvance ont imaginé quatre étapes pour le déroulement à long terme de cette stratégie

de conquête : Premièrement, diffuser l’islam frérosalafiste par toutes les voies légales et

possibles, notamment par la voie des mosquées, des associations culturelles et des

rassemblements locaux, régionaux et nationaux. Deuxièmement, sélectionner parmi la masse

populaire qui répond naïvement, ou par intérêt, à l’appel des Frères musulmans, les ressources

humaines futures nécessaires, en particulier des jeunes, en vue de les structurer, de les

endoctriner dans des cellules privées fermées et dans des structures associatives et scolaires

ouvertes, pour en faire les cadres de l’infiltration qui se prépare. L’objet étant de les armer

idéologiquement pour que, de là où ils se trouveraient demain, ils puissent diffuser l’idéologie

islamiste et défendre ses intérêts : une sorte d’état dans l’État. Troisièmement, faire un bilan

d’étapes pour s’assurer que l’entrisme opéré couvre toutes les sphères de la société et, le cas

échéant, corriger les écarts constatés. Quatrièmement, prendre le pouvoir suprême par la voie

des élections, si possible, ou par la voie des deux sabres croisés en-dessous d’un Coran dont

ils puisent comme cri de ralliement : « Et préparez [pour lutter] contre eux tout ce que vous

pouvez comme force et comme cavalerie équipée, afin d’effrayer l’ennemi d’Allah et le

vôtre. », sourate 8, verset 60.

Ce projet Tamkine a-t-il déjà rencontré des succès ?

Page 9: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

9

Oui le projet Tamkine a rencontré des succès dans le monde arabo-berbère. Même si les

Frères musulmans ont toujours nié son existence, des perquisitions policières ont mis la main

sur ses documents secrets, sur ses détails. En 1992, la police égyptienne avait découvert un

plan Tamkine chez un leader de la confrérie. Vingt ans plus tard, en 2012, Mohamed Morsi

est élu président après la chute d’Hosni Moubarak. Le

coup d’état militaire des Frères musulmans soudanais,

en 1989, n’était pas le fruit du hasard mais

l’aboutissement d’un plan Tamkine adapté au Soudan.

La victoire du FIS (Front islamique du salut) aux

législatives algériennes de 1991 qui a précédé la

guerre civile et la « décennie noire », n’était pas une

erreur de casting. Au Maroc, en 1997, j’ai participé

activement à Casablanca à la première campagne

électorale des Frères musulmans aux législatives

marocaines. Leur parti de l’époque, le MPCD, avait

remporté 9 sièges malgré des fraudes et un nombre

très limité de candidats. Aujourd’hui, leur parti, le

PJD (Parti justice et développement), a 125 sièges et il

est à la tête du gouvernement. La Tunisie laïque de

Bourguiba n’a rien à voir avec celle de Kaïs

Saïed, soutenu par le puissant parti islamiste Ennahda.

On peut ainsi multiplier les exemples. Partout, les Frères musulmans ont matérialisé

l’existence du projet Tamkine, en accédant au pouvoir, en profitant de l’opportunité offerte

par le mystérieux « printemps arabe ». Les Frères yéménites et syriens n’ont pas pu valider la

quatrième étape. Ces succès relatifs démontrent le niveau d’infusion de leur idéologie dans les

couches populaires défavorisées qui votent massivement pour eux.

En dépit des excellentes fictions de Michel Houellebecq, on imagine quand même assez

difficilement la domination des Frères Musulmans sur la France…

En France, en Europe et en Occident, les choses ne se présentent pas totalement de la même

manière. Notons tout de même que le frère musulman Chakib Benmakhlouf, ex-président de

la FOIE (Fédération des Organisations Islamiques en Europe), l’arbre des Frères musulmans

en Europe, avait déclaré dans une interview en arabe accordée le 20 mai 2008 au journal

londonien Asharq Al-Awsat, je traduis : « Au sein de la FOIE, nous avons un plan d’action,

nous avons un plan d’action sur 20 ans ; sur le

court terme, le moyen et le long terme.

Certains événements, malheureusement, se

déroulant de temps à autre perturbent

l’avancement de notre action. Des musulmans

sont vite attirés vers des combats marginaux.

Notre plan d’action global se trouve parasité. »

Les choses ne se présentent pas totalement de

la même manière, car si le monde arabo-

musulman est considéré comme un territoire

déjà acquis mais à réislamiser, l’Occident, lui, ne l’est pas encore aux yeux des stratèges de

l’islam politique. Le projet Tamkine ne peut s’établir, par définition, que sur une plateforme

solidement labourée, des années durant, par l’islamisme, toutes franges confondues. Pour

cela, l’idée est de faire accepter d’abord la présence islamique sur des terres considérées

comme étant non-musulmanes et d’ancrer les symboles religieux de cette présence, ses signes

distinctifs, ses bâtiments cultuels et culturels, tels des balises, au sein de la demeure

occidentale.

Page 10: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

10

Est-ce que certains mouvements rigoristes appellent « l’islamisation du paysage » ?

Ce procédé, visant à banaliser cette présence et à la rendre acceptable aux yeux des Français

et des Européens a aussi un nom de code dans la littérature des Frères musulmans : le

Tawtine. Ou comment faire du récit islamiste, importé de l’Arabie Saoudite, du Qatar, de la

Turquie et des pays du Maghreb, un élément constitutif de l’identité et du roman national de

chaque pays de l’Europe. Les Frères

musulmans s’y emploient depuis le

début des années soixante. Cette pré-

étape s’est caractérisée certes par un

prosélytisme effréné, mené

conjointement par les Frères

musulmans et aussi par le mouvement

Tabligh et par les Wahhabites. Mais elle

s’est caractérisée aussi par la

construction des salles de prières, des

mosquées-cathédrales, des aumôneries

et par diverses acquisitions du foncier

immobilier, entre autres acquisitions

sociales et économiques, grâce à

l’argent pétrodollar saoudien, koweïtien et qatari.

Existe-t-il des figures fréristes françaises connues du grand public ?

Dans l’essai de Caroline Fourest, Frère Tariq (Grasset-2004), on apprend qu’en 1991, le frère

musulman Ahmed Jaballah a présenté l’UOIF comme « une fusée à deux étages. Le premier

étage de lancement est démocratique ; le

second sera de mettre la société islamique sur

orbite. » Rappelons que l’UOIF (Union des

organisations islamiques de France) est la

principale branche des Frères musulmans

dans l’Hexagone. Aujourd’hui, elle usurpe le

nom de « Musulmans de France ». Les deux

« étages » dont parlait ce frère franco-

tunisien, devenu président de cette officine en

2011, ne sont en vérité que les deux

traductions des deux paliers de la stratégie

islamiste globale, en dehors des terres dites musulmanes : le Tawtine et puis le Tamkine. Dans

un article de l’Express datant de 2015, on lit : « Pour Amar Lasfar, président de l’UOIF, après

la focalisation sur la construction des mosquées, « l’ère de l’école est venue ». » Cela veut

dire que la construction des mosquées frérosalafistes, par la première et la deuxième

génération immigrée, répandait aux besoins du lancement de la fusée. Le ciblage de l’école,

entre autres, répond à l’impératif islamiste de formation des futures ressources humaines,

choisies parmi la deuxième et la troisième génération issue de l’immigration, nécessaires pour

atteindre l’orbite visée.

La mode est à la « lutte contre le séparatisme » et on voit l’exécutif prononcer des

dissolutions d’associations à tour de bras. Pensez-vous qu’il faudrait interdire les Frères

musulmans ?

Lutter efficacement contre l’islam politique et les Frères musulmans exige que l’on tienne

compte de la cohabitation, en même temps, de leurs deux formes d’activisme : l’ancienne

forme pyramidale de la première génération des Frères musulmans immigrés dans les années

70 et 80, et la nouvelle forme, celle de l’étoile de mer à cinq bras, de la deuxième et de la

Page 11: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

11

troisième génération des Frères musulmans, infiltrant ces « indigènes de la République ». S’il

est relativement aisé, pour les services de l’État, de surveiller l’ancienne forme de l’activisme

frérosalafiste, puisqu’on connaît les têtes, les lieux, les

circuits de financement et les programmes, il est

relativement difficile, mais pas insurmontable, de

contrer la prolifération des cellules islamistes semi-

autonomes.

Quelle méthode préconisez-vous ?

Il faut d’abord observer attentivement le réseautage en

place, analyser les formes des cercles qui le composent

et la nature de leurs liens, interactions et connexions.

Identifier avec précision le socle idéologique commun

qui les anime en se basant sur leurs activités connues,

leurs publications sur les réseaux sociaux, leurs

programmes, la liste de leurs invités, l’identité des

membres actifs et les liens établis, mêmes éphémères, avec des structures-mères de l’ancienne

forme. Identifier l’élément catalyseur dans chaque cercle. Celui-ci apparaît sans pouvoir réel

sur les autres mais organise et veille au bon fonctionnement de la cellule associative, modère

ses échanges et passe le relais quand il se sent surveillé, afin de protéger la structure.

L’observation, la collecte d’informations et l’analyse selon une nouvelle grille

organisationnelle adaptée, et mise à jour en permanence, permet aussi de dresser les portraits

robots des développeurs du réseau islamiste à défaut de préciser leurs vraies identités. Il s’agit

de tous ces leaders charismatiques sulfureux, d’ici ou d’ailleurs, qui incitent insidieusement à

la création des cellules islamistes semi-autonomes mais sans faire partie, organiquement

parlant, d’aucune d’elles.

Comment sortir des effets d’annonce ?

Il est clair que la collecte d’informations ne sert strictement à rien si la volonté politique de

frapper l’hydre islamiste n’y est pas ou ne s’exprime que timidement dans l’hésitation au

lendemain de chaque attentat islamiste. Pour que la peur change de camp, vraiment,

réellement, définitivement, ce n’est pas le ton martial et son verbiage destiné à la

consommation médiatique qui fera le poids. L’effet d’annonce veut dire simplement des

annonces sans effets. Les récentes déclarations du président de la République ne sont-elles pas

brouillées par l’action de son ministre des affaires étrangères qui est parti jusqu’en Égypte

faire une explication du texte auprès du

mufti d’Al-Azhar : ce gardien du

fondamentalisme islamiste et de sa

matrice idéologique sunnite

ancestrale, portant les empreintes du

frérosalafisme et du wahhabisme ?

Je ne sais pas si vraiment l’exécutif

prononce des dissolutions à tour de bras.

Je reste prudent. Tout au plus, il s’agit de

quelques branches (Barakacity, CCIF,

etc.) presque flétries bien avant

l’avènement de ce qui ressemble à un automne sécuritaire nécessaire, à confirmer. On

constate que depuis que le ministre de l’Intérieur a notifié au CCIF sa dissolution, ce collectif

botte en touche et dit avoir « déjà déployé une large partie de ses activités à l’étranger. » Il

s’est trouvé certainement un paradis victimaire sûr quelque part, pour continuer à s’en prendre

à la France et à salir son image.

Page 12: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

12

Pour vous, la dissolution du CCIF n’était pas une bonne mesure ?

Ce n’est pas ce que je dis, mais le CCIF semble avoir perdu de sa hargne depuis quelque

temps, depuis au moins la création d’une nouvelle plateforme associative puissante,

redoutable et mobilisatrice : L.E.S Musulmans. Certes des anciens du CCIF font partie de

l’équipage fondateur, notamment Marwan Muhammad, mais il y en a d’autres. En plus

d’avocats, le comité de pilotage est composé de

sociologues, d’anthropologues, de géographes, de

statisticiens et de chercheurs au CNRS (Centre national de

la recherche scientifique), au CIDOB (Barcelona center for

international affairs), à l’INED (Institut national des études

démographiques) ainsi que des militants associatifs issus de

l’extrême-gauche et de l’islamo-gauchisme. Ses visages sur

le terrain sont des imams 2.0, ancrés dans des territoires

difficiles, à l’image d’Abdelmonaïm Boussenna et

de Rachid El-Jay, alias Abou Houdayfa, connus des

services de l’Etat.

C’est bien cette plateforme qui était à l’initiative de la

manifestation du 10 novembre 2019, contre ladite

« islamophobie », où l’on a scandé « Allahou’Akbar » dans

l’espace public et où l’on a fait porter des croissants et

des étoiles jaunes à des enfants. Quel intérêt donc de

s’attaquer au CCIF, une coquille équipée à sa création de l’option obsolescence programmée,

alors que la plateforme L.E.S Musulmans a déjà pris le relais et a le vent en poupe ? Quand

est-ce que l’État compte dissoudre cette plateforme nuisible et radicale ? C’est une question

légitime.

Vous semblez dire que ces structures ne poursuivent pas réellement les objectifs qu’elles

prétendent défendre…

Il est évident que les deux structures-sœurs radicalisent les esprits, institutionnalisent la

pleurniche communautaire et judiciarisent toute critique de l’islam. Au passage, elles mettent

des cibles sur les têtes qui les dérangent, fidèles à un procédé idéologique constant chez les

Frères musulmans depuis 1928 : la fameuse Madhlomiyya, la victimisation. Et ce, dans la

droite ligne de toute une littérature frériste arabophone victimaire paraissant après chaque

coup dur encaissé par ces islamistes dans le monde arabe. Cette littérature a désormais des

équivalents en français tels que « La nouvelle islamophobie » écrit par Vincent Geisser et

paru en 2003 ainsi que « Musulmans de France, la grande épreuve », paru en 2017, et coécrits

par le même Vincent Geisser, Oméro

Marongiu-Perria et Kahina Smaïl. Dans ce

dernier essai victimaire, 28 personnalités

interviewées sur un total de 39 sont des

activistes de la nébuleuse des Frères

musulmans. Aussi, pourquoi s’attaquer à

Barakacity et épargner des structures des

Frères musulmans, beaucoup plus

puissantes et plus tentaculaires qu’elle ? Car

dissoudre Barakacity, et c’est une très

bonne chose, mais sans toucher aux autres

structures frérosalafistes agissant derrière le

paravent de l’action sociale et humanitaire, ne fera que renforcer ces dernières. L’argent à

l’odeur islamiste, qui ne sera plus collecté par Barakacity, le sera sans doute par les

Page 13: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

13

frérosalafistes du Secours Islamique et de Human Appeal, entre autres.

Que préconisez-vous ?

La semaine dernière, j’ai cosigné à côté de femmes et d’hommes politiques ainsi que de

nombreux intellectuels de tout horizon, une lettre ouverte adressée au président de la

République, au Premier ministre et au ministre de l’Intérieur, appelant à dissoudre la

fédération « Musulmans de France » (ex-UOIF). L’État démontre qu’il peut dissoudre des

organisations islamistes telles que le CCIF et Barakacity. Il faut qu’il aille au bout de cette

démarche sécuritaire justifiée et ne surtout pas s’arrêter en début de chemin. Il faut dissoudre

toutes les représentations des Frères musulmans en France et toutes les associations qui leur

sont proches ou affiliées.

Parmi ces associations, il y a aussi celles qui développent l’enseignement privé à l’échelle

nationale et avec qui l’État a déjà signé des

contrats d’association engageant l’argent du

contribuable pour payer les salaires des

enseignants… y compris d’enseignants qui

peuvent difficilement ne pas être fichés « S ».

Qu’attend-on pour dissoudre la FNEM islamiste

(Fédération nationale de l’enseignement privé

musulman) présidée par le frère musulman

Makhlouf Mamèche et de casser unilatéralement

tous les contrats d’association signés avec ses

établissements, à commencer par le contrat signé

avec le Lycée Averroès à Lille condamné en 2017

par la justice ? Le ministère de l’Éducation nationale devra suivre l’exemple de Xavier

Bertrand à ce sujet.

En attendant, l’exécutif doit exclure, de toutes les discussions en cours autour de

l’organisation du culte musulman, toutes les fédérations proches de près ou de loin des Frères

musulmans, en particulier : « Musulmans de France », la confédération turque Milli Görüs

pro-Erdogan, le Rassemblement des musulmans de France, proche des islamistes marocains

ainsi que l’association AMIF co-présidée par Hakim el-Karoui et Tareq Oubrou. Si cela est

fait, un acte fondateur symbolique aura été accompli. Il rompra ainsi avec la logique des

années 2000 où l’on a décidé, au plus haut sommet de l’État, d’intégrer les intégristes au sein

du CFCM. Les laisser autour de la table de la République, c’est leur donner les clefs et l’acte

notarié de propriété de ce nouveau « conseil des imams ».

Vous ne croyez pas dans ce projet de charte des valeurs républicaines ?

C’est à l’État et non au CFCM de rédiger

une charte républicaine gérant ses liens

avec le culte musulman. Parmi les actes

non-négociables de cette charte, hormis le

rappel des dispositions relatives à la loi

1905 et à l’interdiction des financements

étrangers, l’État doit insister

particulièrement sur l’inviolabilité des

libertés individuelles et des droits

fondamentaux en France. Il doit rappeler

à ces prétendus « représentants du culte

musulman » la supériorité absolue de la

loi républicaine sur toute autre loi ainsi

que le principe constitutionnel de

Page 14: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

14

souveraineté nationale qui appartient exclusivement au peuple français et, en aucun cas, à

Dieu.

Cette charte doit préciser que la liberté de conscience, permettant de pouvoir changer de

religion, de quitter l’islam, de s’apostasier ou de devenir athée est une liberté fondamentale et

un droit. L’apostat n’a plus à s’inquiéter pour sa vie. Il ne doit pas vivre sous protection

policière ou caché, la peur au ventre du qu’en-dira-t-on communautariste et du harcèlement

réel dans les rues ou virtuel sur les réseaux sociaux. Une fillette en bas âge n’a pas à être

voilée dans une mosquée ou dans une école alors qu’elle n’est pas en âge de choisir sa

religion. La République devra rappeler que les libertés de pensée et d’expression sont sacrées

en France et que le blasphème exprimé dans des articles, des romans ou des caricatures est un

droit et non un crime. Elle devra rappeler aussi que la haine anti-athées, anti-juifs, anti-

chrétiens, anti-homosexuels, anti-musulmans lorsqu’ils sont d’une autre tradition spirituelle,

n’est pas une opinion mais un délit et n’a pas sa place dans les prêches de vendredi, au même

titre que les discours victimaires concernant le conflit israélo-palestinien et le sort des

minorités musulmanes dites « persécutées » dans d’autres pays.

Qu’attendez-vous d’autre ?

Cette charte soulignera aussi, je l’espère, le droit des femmes de disposer entièrement,

librement, de leurs corps. L’accès à l’IVG ne doit pas être empêché par des versets coraniques

ou par des hadiths attribués à Mahomet. Elle

précisera qu’une femme musulmane, au nom de

l’égalité homme-femme et du partage des libertés,

peut, si elle le décide, se marier sans tuteur avec un

homme non-musulman de son choix, et vice et

versa. Cela concerne aussi la reconnaissance par ce

« conseil des imams » de la loi du mariage pour

tous. Elle précisera que la sexualité en France est

libre et égalitaire quelle que soit l’orientation

sexuelle que l’on choisit. Une fille qui annonce sa

liaison avec un garçon ou avec une fille n’a pas à

être tondue ou brûlée vive. Le « crime d’honneur »,

cette abomination barbare, n’a pas sa place en France. Un enfant qui fait son coming-out ne

doit être ni puni, ni exclu de la famille, ni menacé de quelque façon que ce soit, en raison de

son homosexualité. Il doit être aimé, reconnu et protégé au même titre que ses frères et sœurs

hétérosexuels ou bisexuels. Elle consacrera la protection de l’intégrité physique des enfants

contre les mutilations génitales, excision comme circoncision. Elle rappellera le principe

républicain de non-confessionnalité des cimetières. La paix entre les vivants ne dépend-elle

pas de la paix entre les morts ?

Toutes les organisations devront ratifier cette charte et l’afficher en permanence dans les lieux

de culte musulman. Tout refus devra signifier dissolution, fermeture du lieu de culte concerné,

expulsion de l’imam s’il n’est pas Français ou poursuite judiciaire dans l’autre cas. Cela sera

un autre acte fort qui remettra la République au milieu de tous ces « territoires conquis de

l’islamisme ».

Pas de lutte sans approche globale ?

Lutter contre l’islam politique c’est lui déclarer frontalement une guerre globale, par choix

stratégiques, par décisions politiques volontaristes et non par effet de mode. Il faut cibler le

cœur du réacteur idéologique de l’ancienne forme ainsi que ses réacteurs de secours. Il faut

assécher et tarir ses sources. En même temps, il faut cibler les hubs et les switches du réseau

islamiste, nouvelle génération. Sans cela, l’islam politique continuera à se développer, peut-

être à un rythme moins prononcé qu’avant, mais il continuera à se développer quand même.

Page 15: La France face à l’islam politique : connaître et comprendre ......2020/11/29  · blog « Ecrire sans censures ! », l’idéologie et les actions des activistes et des structures

15

Les Frères musulmans savent très bien bomber le torse en phase ascendante d’apogée. Ils

savent aussi se faire oublier, faire profil bas, montrer patte-blanche, un tant soit peu, en phase

descendante de latence.

Êtes-vous confiant ?

Oui, je me force de l’être même si la réalité paraît compliquée et la guerre contre l’islam

politique s’annonce rude, longue et incertaine. Il faut savoir que quand un frère musulman

taille bien sa barbe le matin avant d’enfiler son costume

italien trois pièces, pour se rendre à une réunion de

lobbying à la Commission Européenne, il pense à ce

rêve-promesse d’Hassan al-Banna qui expliquait que « la

bannière d’Allah » sera arborée au-dessus de l’Occident

et que la Méditerranée et la Mer rouge redeviendront

« islamiques comme avant. » Son petit-fils Tariq

Ramadan écrivait dans un essai paru en 2014 : « Nous

sommes en Occident pour y rester, s’il plaît à Dieu…

c’est entendu. » On se dit rendez-vous dans dix ans, si la

guerre civile n’éclate pas avant. Pour l’éviter, l’État sait ce qu’il doit faire et il faut qu’il le

fasse tout de suite.

Boîte noire :

* Cette interview a été publiée une première fois par le site Le Point, en quatre épisodes :

Premier épisode (24/11/2020) : « Mohamed Louizi : «Les Frères musulmans ne sont pas

Dieu» » à lire ici.

Deuxième épisode (25/11/2020) : « Mohamed Louizi : «La France est l’ennemi n°1 des

Frères musulmans» » à lire ici.

Troisième épisode (26/11/2020) : « Mohamed Louizi : «Les Frères musulmans mènent un

projet politique suprémaciste» » à lire ici.

Dernier épisode (27/11/2020) : « Mohamed Louizi : «Il faut dissoudre les Frères

musulmans» » à lire ici