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1 L’idéologie non-violente de Gandhi Thème: Éthique et responsabilité La non-violence constitue-t-elle une forme de lutte plus efficace que la lutte armée ? Préparé par : Brice Arnaud Hello, Dieumercy Junie Edwina, Ridoré Cécile Woodlyne et Vincent Nyrkah Année académique : 2013-2014

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L’idéologie non-violente de Gandhi

Thème: Éthique et responsabilité

La non-violence constitue-t-elle une forme de lutte plus efficace

que la lutte armée ?

Préparé par : Brice Arnaud Hello, Dieumercy Junie Edwina, Ridoré

Cécile Woodlyne et Vincent Nyrkah                        

                                                                                                                                     Année académique : 2013-2014

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INTRODUCTION.........................................................2

I) La lutte non-violente de Gandhi est préférable à la lutte armée…..….…..3

A- La non- violence est moins propice à la désunion. ………………………..3

B- Elle évite les lourdes pertes humaines et les dégâts matériels……………..4

C- La force de la non-violence peut changer l’adversaire violent...…………..5

II) Les limites de la lutte non -violente..............................................................6

A- On doit accepter la prise de risque……………………..……….……….6

B- La non-violence exige une grande maîtrise de soi…...…...……………...7

C- La lutte armée devient le seul recours quand la non-violence n’atteint

pas ses objectifs………………………..……………………….…….......8

III) Il existe des conditions nécessaires à l’efficacité de cette lutte…………9

A- Être confronté à un adversaire qui est discrédité……………….………9

B- Être libre de se regrouper ou de former une association…………….....10

C- Nécessité d’une répression mesurée contre la mobilisation………...….11

CONCLUSION……………………………………….12

BIBLIOGRAPHIE…………………………………...13

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Introduction   « La non-violence est la plus grande force que l’humanité ait à sa disposition. Elle est plus puissante que l’arme la plus destructive inventée par l’homme »1, affirme Gandhi. Le père de l’indépendance indienne promeut la non-violence comme une arme encore plus redoutable que la bombe atomique. C’est surprenant lorsque l’on sait les dégâts que cette bombe peut causer. Il convient de remonter à l’origine de ce que le Mahatma entend par non-violence. Le terme « non-violence » utilisé par Gandhi vient du mot hindou « satyagraha » qui signifie « l’étreinte de la vérité ». On entend par là le refus de se soumettre à une loi, un règlement ou aux autorités, tout en menant un combat et une action pacifiques. Le but d’une « action de satyagraha » est de vaincre l’injustice et de se libérer de l’oppresseur. L’idéologie non-violente de Gandhi revient à rejeter tout ce qui détruit la personne humaine. Pour ce faire, elle emprunte plusieurs voies : la vérité, la justice, l’amour et le sacrifice de soi. Cette forme de résistance a été instaurée par Gandhi afin de lutter pour la libération de son peuple face à la couronne britannique et de la diaspora indienne, victime d’apartheid, en Afrique du Sud. Gandhi perçoit la lutte armée comme un acte de barbarie car celle-ci utilise la force des armes afin de faire taire l’adversaire ou de lui imposer son point de vue. Cause de souffrances et de nuisances, la violence est l’expression du mal. Elle entraîne une réplique de la part de celui qui la subit, s’engage alors un cycle infernal de violences successives. A l’inverse, la non-violence prônée par le Mahatma Gandhi est l’absence totale de malveillance à l’égard de tout ce qui vit. Par sa stratégie, Gandhi propose une autre façon de résoudre les conflits. Pourtant l’homme accorde aujourd’hui encore une plus grande confiance dans la lutte armée. Peut-on au contraire considérer avec Gandhi que la non-violence est une forme de lutte plus efficace que la lutte armée ? Afin de répondre à cette question, nous verrons d’abord en quoi, selon Gandhi, la non-violence est préférable à la lutte armée, ensuite nous analyserons les limites de cette idéologie, enfin nous nous intéresserons aux conditions nécessaires pour que cette lutte soit pleinement efficace.

I)  La  lutte  non-­‐  violente  de  Gandhi  est  préférable  à  la  lutte  armée  

   A)  Elle  est  moins  propice  à  la  désunion    

Gandhi définit la non-violence par « la non participation en quoi que ce soit que l’on croit maléfique».2 Bien souvent, le terme « non- violent » est confondu avec la passivité et la résignation. Il s’agit pourtant de toute autre chose : on lutte et défend ses droits mais sans pour autant avoir recours à la violence. Loin d’être une résistance passive, la non- violence est une résistance réelle, tactique et spirituelle qui a pour

                                                                                                                         1 R. K. Prabhu et U. R. Rao. , The mind of the Mahatma Gandhi, 1945. 2 Gandhi, Tous les hommes sont frères, 1969.

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but de favoriser la paix. Elle rejette toute forme de lâcheté et requiert du courage de la part de celui qui la pratique. Il s’agit d’aimer son adversaire et d’être prêt à lui pardonner. Contrairement à la lutte armée dont les adversaires restent des ennemis et qui peut avoir des répercutions graves comme la vengeance voire la vendetta, entretenant indéfiniment les conflits, la non-violence a pour but de transformer des ennemis en amis.

Si deux adversaires préfèrent prendre le chemin de la « himsā » (la violence) et font ainsi appel à la force physique, ils s’entretueront sans aucun doute. Dans ce cas, l’un aura toujours « une dent contre l’autre » et ils resteront désunis. La stratégie de la non-violence utilise un autre procédé. Elle implique « de ne jamais considérer l’adversaire comme un ennemi à abattre mais un homme qui s’est fourvoyé et à qui il s’agit d’ouvrir les yeux »3. Lorsque l’on pratique la « himsā », on s’attend généralement à ce que le camp adverse réponde aux attaques par la violence. Gandhi propose ainsi de le surprendre en procédant différemment c'est-à-dire par la non-violence. C’est en ce sens que « l’ahimsā » (la non- violence) est supposée être efficace.

Cependant, animé par le désir de vaincre, celui qu’on a en face peut ne pas vouloir faire la paix. Il existe des personnes qui peuvent refuser catégoriquement de négocier. Par exemple, au cours d’un affrontement qui oppose un non-violent et un violent, le premier peut faire appel à sa stratégie pour convertir le second mais celui-ci devient plus irrité en l’écoutant. Dans ce cas de figure, il parait impossible d’en faire son ami et la désunion continue de régner.

Notons par ailleurs qu’il existe plusieurs formes de lutte similaires comme la désobéissance civile, la non-collaboration, la grève, le boycott, les marches pacifiques, etc. Selon l’essayiste américain Thoreau, le théoricien de la désobéissance civile, lorsqu’une loi parait injuste, il est de notre droit de n’être pas d’accord et de notre devoir de l’enfreindre. « La seule obligation que j’ai le droit d’accepter c’est de faire à chaque instant ce que je crois juste. Agir justement est plus honorable qu’obéir à la loi »4 affirmait Thoreau (1817-1862). Il a sans doute inspiré Gandhi lorsque celui-ci décide d’y recourir. A titre d’illustration, évoquons la « marche de sel » de Gandhi. En Inde, le 22 mars 1930, Gandhi recourt à la désobéissance civile en transgressant la loi de l’empire britannique qui contraint les Indiens à payer un impôt sur le sel. Après une marche de vingt-six jours (12 mars-6 avril), il accomplit un geste symbolique : prendre une poignée de sel de mer entre ses mains. Il était en effet proscrit de fabriquer, de posséder, d’acheter, de colporter et même d’emporter du sel naturel déposé sur une plage. Il enfreint cette loi car il la considère injuste au motif que le sel est une ressource naturelle appartenant au patrimoine commun. Si la non-violence échoue dans certaines circonstances, elle reste au final moins propice à la désunion.

                                                                                                                         3 J. J. Origas, article sur la non- violence, encyclopédie universalis. 4 Henry David Thoreau, Civil Disobedience, 1849.

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B)  Elle  évite  les  lourdes  pertes  humaines  et  dégâts  matériels    

Lors d’une lutte armée, l’on cherche à faire le maximum de victimes possibles. On peut se demander pourquoi les guerres occasionnent autant de pertes et de dégâts. En remontant à l’ origine du problème, on comprend mieux pourquoi. En effet, comme l’a si bien souligné Gandhi « notre monde repose sur une structure sociale violente »5. Dès sa naissance, l’homme prend connaissance de la « loi du talion » et n’hésite pas à utiliser la force physique pour se battre. Lorsqu’on nous attaque et qu’on répond par la force et la violence, on voit en nous des êtres forts tandis que dans le cas contraire, on donne l’impression d’être faible et lâche. On refuse donc de pratiquer la non- violence. Par exemple, dans la patrie de Gandhi, en 1947, les affrontements entres les deux communautés musulmanes et hindous sont sanglants. Le bilan

de fin de guerre est catastrophique avec une baisse significative de la population. De plus, les dégâts matériels sont considérables. En passant par la voie de la « himsā », la guerre cause inévitablement la mort de nombreuses personnes y compris de personnes innocentes.

L’idéologie non-violente évite cela en promouvant une attitude de respect de l’autre dans le conflit et une stratégie d’action politique pour combattre les injustices. Elle suppose une absence totale de violence. Un mort, un massacre, une guerre peuvent être évités si l’on choisit d’emprunter le

chemin de la discussion. En effet, le but premier de la «l’arme de la dialectique »6 (la non-violence) est d’unir les adversaires, quoique l’on ne l’atteigne pas toujours. Gandhi a évité à de nombreuses reprises plusieurs dégâts en proposant le dialogue. En guidant son peuple, il choisit la désobéissance civile et non la guerre.

Le chemin pour arriver à la réussite de la stratégie est très risqué. Dans la mesure où elle échoue, on peut être victime de violence. Au départ, l’agresseur est probablement armé tandis que l’homme non- violent est désarmé. C’est pourquoi il n’est pas difficile pour le premier de violenter le second. Qui plus est, ce dernier refuse toute forme de violence. C’est ainsi que l’on peut enregistrer, tout comme la violence, une ou de nombreuses pertes humaines.

Il n’en demeure pas moins que les pertes humaines et dégâts matériels sont plus importants avec la lutte armée. Les bilans de guerre sont nettement plus catastrophiques que celui de « l’ahimsā ». Si dans certains cas, celle-ci ne va pas sans victimes, elle a aussi à maintes reprises évité des victimes et des dégâts matériels. Alors que la violence occasionne toujours des pertes, il est indéniable que la non-violence se révèle préférable.

 C)  La  force  de  la  non-­‐violence  peut  changer  l’adversaire  violent    

Lors d’une lutte armée, le perdant est généralement déçu, a honte et se sent humilié. Il en va tout autrement pour la non- violence. En découvrant la force et l’efficacité de cette nouvelle forme de lutte, l’adversaire est «décontenancé». Selon le professeur J. J. Origas, de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, le non-violent oblige l’adversaire à considérer l’interlocuteur comme nécessaire                                                                                                                          5 Nirmal Kumal Bose, Selections from Gandhi, 1948.  6  Convaincre  par  le  dialogue(  conviction  )  

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ou du moins valable. Le premier prend conscience de sa peur et l’assume. Ce qui le différencie de l’être violent qui cherche à faire peur. Cette attitude non- violente vise à le désarmer, non pour le vaincre mais pour le grandir. L’arme de la dialectique déclencherait selon Gandhi « une énergie spirituelle » qui oblige l’agresseur à réfléchir, à revenir sur soi, à se mettre en question. J. J. Origas écrit : « en vérité, la non-violence a une puissance éducatrice et pour ainsi dire rédemptrice : elle ouvre, elle élève les consciences les plus rebelles et les forces à réfléchir »7. C’est pourquoi, l’on ne doit l’utiliser que pour une cause juste. En d’autres termes, il faut que ce soit pour combattre quelque chose qui nous cause du tort ou pour changer l’homme violent afin de l’orienter sur une autre voie. « Je puis jeûner contre mon père afin de le guérir d’un vice, mais je ne peux pas le faire pour obtenir de lui qu’il me fasse son héritier »8. Puis il ajoute : « l’homme qui se trouve forcer de reconnaitre devant lui-même qu’il a tort ne peut poursuivre la lutte »9. Selon le Mahatma Gandhi, le non-violent doit chercher à démentir son adversaire et « lui ouvrir les yeux » en touchant sa conscience. « Le champ de bataille de la non-violence, c’est le cœur de l’homme»10 dit Vinôba Bhave, un disciple de Gandhi.

Cependant, on peut se demander si la force exercée par la non- violence peut agir sur tous les hommes. Nous sommes tous différents et avons nos manières propres de réagir face à une situation. Il n’est donc pas étonnant que certains se révèlent plus durs à convaincre et à convertir que d’autres. Certaines personnes peuvent ne vouloir rien entendre. Pour arriver à prendre conscience de leur erreur, il conviendrait qu’ils fassent un retour sur eux-mêmes. Or quand le seul désir est de tuer et de rester sur le chemin de la violence, « l’ahimsā » échoue. Prenons l’exemple d’une masse non- violente. En pratiquant la désobéissance civile, certes elle peut arriver à destituer un dirigeant borné et discrédité mais il se peut que celui-ci ait feint de se repentir. Là aussi, la non- violence échoue puisqu’elle n’a pas atteint son objectif qui est de changer le violent. Mais cela ne l’empêche pas d’être la stratégie idéale pour aider son adversaire à devenir une nouvelle personne et d’être toujours préférable à la lutte armée.

 

II)  Les  limites  de  la  lutte  non-­‐violente  

A) On  doit  accepter  la  prise  de  risque    

« La non-violence est exempte de toute peur »11 disait le Mahatma Gandhi. L’un des principaux caractéristiques de l’idéologie est de mettre toute crainte de côté à l’exception de la crainte de Dieu. Lorsque l’on décide de faire appel à la non-violence au cours d’une lutte, on doit connaître les enjeux de notre entreprise : soit la stratégie utilisée a abouti au résultat souhaité, soit l’on échoue. Dans ce cas de figure, l’on doit s’attendre à des représailles de la part de l’adversaire violent. De plus, on ne peut pas omettre le fait que c’est dangereux puisqu’on risque de souffrir et même de perdre sa vie. C’est pourquoi celui qui choisit de prendre le risque ne doit en aucune façon être forcé à le faire. Il est nécessaire qu’il entreprenne « l’ahimsā » en toute conscience. Il doit même être prêt à se sacrifier si nécessaire puisque

                                                                                                                         7 J.J. Origas, article sur la non-violence, encyclopédie universalis. 8 Gandhi, tous les hommes sont frères, 1969. 9 Gandhi, Tous les homes sont frères, 1969. 10 Vinôba Bhave, encyclopédie universalis. 11 Nirmal Kumar Bose , Selections from Gandhi, 1948

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l’idéologie n’accepte pas que l’on fasse du mal à son adversaire y compris par légitime défense. En ce sens, il faut que celui qui la pratique fasse preuve de courage.

Gandhi lui-même n’a pas nié le fait que l’on risque sa vie en prenant le chemin du dialogue. Il explique ainsi notre réticence à choisir la non-violence. « De tous les dons qui nous ont été faits, celui de la vie est sans doute le plus précieux. Celui qui fait le sacrifice de ce don, désarme toute hostilité. Il ouvre la voix à la compréhension mutuelle des adversaires et à un règlement honorable du conflit. Nul ne peut vraiment faire don de ce trésor, qui reste soumis à la peur. Il est impossible d’être à la fois lâche et non-violent. L’ahimsā est synonyme de vaillance exemplaire »12.

Tout le monde n’aime pas le goût du risque soit par peur soit par lâcheté. Certains trouvent que la non-violence est trop exigeante, d’autres pensent qu’affronter un homme armé sans protection et sans arme serait comme se jeter dans la gueule du loup. En d’autres termes, ce serait de l’autodestruction et une pure folie puisqu’il est probable que l’on n’y perde la vie. D’où l’hésitation à prendre le risque.

Mais c’est oublier que la lutte armée a les mêmes issues : la mort ou la vie. Tout ce que l’on entreprend dans la vie est risqué. De plus il est important de noter que la perfection n’existe pas ici-bas. C’est pourquoi on ne peut exiger de la non-violence qu’elle n’ait aucune limite. « Tant que, physiquement, nous existons, il n’est pas possible d’être parfaitement non-violent, car le corps à lui seul est bien obligé d’occuper un minimum de place. Tant que nous ne sommes pas de purs esprits, la non-violence parfaite est aussi théorique que la ligne droite d’Euclide. Mais on ne peut faire autrement que s’accommoder de ces contingences »13 déclare Gandhi.

B)  La  non-­‐violence  exige  une  grande  maîtrise  de  soi    

La non-violence fait appel à une grande maîtrise de soi. Quiconque n’en est pas capable ne peut réussir une lutte non-violente. Pour la mettre en pratique, on doit nécessairement être calme et se concentrer. Il s’agit d’acquérir la capacité de se contrôler entièrement contre toute atteinte, ne pas riposter aux provocations telles qu'elles soient. Selon Gandhi, cela est susceptible de nous conduire au bonheur : « La civilisation, au vrai sens du terme, ne consiste pas à multiplier les besoins mais à les limiter volontairement. C’est le seul moyen pour connaître le bonheur et nous rendre plus disponibles aux autres »14. C’est pourquoi il faut que l’on apprenne à tout prix à « imposer une limite à ses propres besoins » comme l’a fait le prêtre indien. « Ce n’est pas que je ne sois jamais en colère ; mais je ne donne pas libre cours à ma colère. Pour supprimer toute impulsion coléreuse, je m’efforce de cultiver la patience et, je dois dire qu’en général, j’y arrive. Je me contente de contrôler ma colère aussitôt qu’elle se fait sentir en moi »15. Une action non-violente réussie est donc le fruit d’une irréprochable maîtrise de soi.

Cependant en tant qu’humain, il arrive parfois que l’on soit incapable de contrôler ses pulsions face à certaines situations. De plus, certaines personnes s’emportent très facilement et ne prennent pas le temps de réfléchir à leurs actes. De ce fait, un non-violent peut à tout moment devenir violent sous le coup de l’emportement. Dans ce cas, il oublie la résolution de se maîtriser et d’être indifférent à l’attaque de l’adversaire. Par exemple, lors d’une confrontation, le non-violent peut avoir en face de lui quelqu’un qui                                                                                                                          12 Nirmal Kumar Bose , selections from Gandhi,1948 13 Nirmal Kumar Bose , selections from Gandhi,1948  14 Nirmal Kumar Bose, Selections from Gandhi, 1945. 15R. K. Prabhu et U. R. Rao., The mind of Mahatma Gandhi, 1945.  

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soit cynique et railleur. Il échange avec lui afin de le convaincre de renoncer à la violence. Mais l’homme violent n’entend rien de ce que lui dit l’autre, son objectif étant de parvenir à ses fins par la force physique. Le premier irrité ne parvient pas à refouler ses pulsions. Tout le monde n’est donc pas capable de se diriger.

Mais il n’en demeure pas moins que se maîtriser est infiniment plus noble que de se laisser emporter par ses pulsions. La pratique de la non-violence permet à l’homme de se surpasser et par la même, de se rapprocher de la sagesse qui se définit par l’art de vivre selon le bien. Il faut beaucoup d’efforts et de volonté pour arriver à se contrôler. En face d’un adversaire violent, si l’on perd son sang froid, la situation nous échappera aussitôt. En plein désarroi, on risque de recourir à la violence et par la suite, de n’être pas en paix avec soi même. En ayant par contre le contrôle de soi, on est paisible et confiant ; ce qui nous procure du bien être et du bonheur. Il convient donc de s’armer de la plus grande arme à notre disposition : la volonté.

C)  La  lutte  armée  devient  le  seul  recours  lorsque  la  non-­‐violence  n’atteint  pas  ses  objectifs    

Comme nous l’avons vu précédemment, le but de la non-violence est de lutter sans avoir recours aux armes. Il s’agit donc de résister pacifiquement et de toucher la conscience de l’adversaire pour le contraindre à abandonner la lutte armée. Il est nécessaire d’avoir foi en sa stratégie et de ne jamais l’abandonner malgré les embûches. Par exemple aux Etats Unis, Martin Luther King n’a pas abandonné la non-violence. Bien que les représailles contre les activistes noirs aient pu être violentes, il n’a pas choisi de prendre les armes. Il a toujours préféré mener sa lutte non-violente. Avec de la patience, ses efforts furent récompensés par la victoire qui mit fin aux discriminations.

Cependant elle ne réussit pas toujours et peut se transformer en violence. En effet, souvent elle n’aboutit pas soit parce que l’adversaire est invincible ou inatteignable, soit parce qu’il est violent à l’extrême. Dans ces deux cas, l’homme non-violent n’est pas de taille à l’affronter et sa stratégie lui semble inefficace. Il ne trouve pas d’autres issues que d’opter pour la violence. Celui-ci sait que s’il avait persisté dans la non-violence, son combat aurait été vain. Une autre voie s’ouvre pourtant à lui : la fuite. Mais cela serait faire preuve de lâcheté. Gandhi lui-même reconnaît que la non-violence peut parfois être hors de portée : « Je n’hésite pas à dire que là où le choix existe seulement entre la lâcheté et la violence, il faut se décider pour la solution violente. Ainsi, mon fils ainé m’a demandé ce qu’il aurait dû faire s’il avait été témoin de l’attentat qui faillit me coûter la vie en 1908 : fallait-il s’enfuir et me laisser assassiner ou recourir à la force physique pour me venir en aide ? Je lui répondis qu’il eût été de son devoir de me défendre, au besoin par la violence »16. Par ailleurs, la non-violence veut que celui qui la pratique réprime tout désir de vengeance. Ce qui est difficile dans certaines situations. Tout homme, voyant quelqu’un tuer un membre de sa famille ou une personne chérie, n’est pas en mesure de raisonner et de se maîtriser. Aveuglé de haine et de colère, il utilise généralement la violence. On est donc parfois obligé de recourir à la « himsā ». A titre d’illustration, Nelson Mandela, tout au début de sa lutte contre l’apartheid en Afrique, a entrepris son opposition par l’« ahimsā ». Mais il ne parvient pas par ce moyen à vaincre le système. Alors ne voyant pour une seule issue que la lutte                                                                                                                          16 D. G. Tendulkar, Mahatma, life of Mohandas Karaamchand Gandhi, 1951.

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armée avec les répressions qui devenaient de plus en plus fortes, il abandonne « l’arme de la dialectique » (la non-violence) au profit de « la dialectique des armes17 » (la violence).

Mais cela n’empêche pas la non-violence d’être plus appropriée pour résoudre les conflits. Même Mandela, après avoir abandonné la non-violence, en prison, reconnaît en écrivant dans ses mémoires : « Je n’étais disposer à abandonner la violence sur le champ mais je leur ai affirmé que la violence ne pourrait jamais être la solution définitive à la situation en Afrique du sud ». Président, il entreprend la réconciliation des Blancs et des Noirs et reçoit en 1983 le prix Nobel de la paix. Certes la non-violence n’aboutit pas parfois mais elle reste plus recommandée parce que plus efficace que la violence.

   III)  Il  existe  des  conditions  nécessaires  à  l’efficacité  de  cette  lutte  

A) Être confronté  à  un  adversaire  qui  est  discrédité  

Pour que la non-violence soit pleinement efficace, soulignons la nécessité d’un élément déclencheur qui puisse susciter l’indignation. Presque toutes les actions non violentes qui ont jusqu’ici atteint leurs objectifs doivent leur essor à un soulèvement populaire suite à des gabegies politiques. Parfois ce soulèvement résulte d’une prise de conscience d’une injustice ancienne mais qui n’apparaît plus supportable. Évoquons à nouveau la loi instaurée par les Anglais selon laquelle il était interdit aux Indiens d’utiliser ou de consommer du sel sur le territoire indien. Le sel constitue un élément qui participe au bon fonctionnement de l’organisme. Cette mesure a donc immédiatement provoqué le désaccord du peuple indien.

Ce faisant, le pouvoir en place commence à perdre de l’autorité. Le peuple est prêt à réagir parce qu’il veut que cela cesse mais encore leur faut-il un ou des chefs de file. Dès lors, les non-violents vont pouvoir profiter de ce moment pour mobiliser le plus grand nombre. En effet, ils doivent montrer aux opprimés qu’ils veulent défendre leur cause.

A l’époque moderne, les non violents peuvent procéder de plusieurs manières : soit ils font passer des messages par le biais des « NTIC »18 soit ils collent des affiches dans les rues exprimant le mécontentement et la déception du peuple face aux décisions prises par les gouvernants. Constatant cela, les opprimés seront plus aptes à se regrouper pour former une résistance. Désormais, le pays est susceptible d’entrer dans une crise politique. Par effet de levier, le groupe non violent bénéficie de nouveaux adhérents qui renforcent son influence.

Toutefois la bataille ne s’annonce pas gagnée d’avance, il faut qu’il y ait une analyse rationnelle de la situation. « L'homme est naturellement porté à exagérer les faits, à les dénaturer ou à les escamoter, même à son insu. Le silence est nécessaire pour surmonter ces faiblesses »19. Il est indéniable que dans un premier temps, en réagissant après une injustice, les gens sont plus poussés à raconter les faits sans une vraie connaissance des choses. Mais ils oublient toujours qu’en agissant de la sorte ils fournissent à l’adversaire le moyen de faire valoir l’aspect outrancier des accusations portées contre lui. Autrement dit,                                                                                                                          17  Convaincre  par  la  violence  (imposition)  .  18 Ensemble des techniques utilisées pour le traitement et la transmission des informations (téléphone, internet, etc.) 19 R. K. Prabhu et U. R. Rao. , The mind of Mahatma Gandhi, 1945.  

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si on ne fait pas l’effort de rapporter les faits tels qu’ils sont, « cela peut discréditer gravement l’initiative et amoindrir les chances de succès de l’action. Si l’on on arrive à justifier chaque fois, preuves à l'appui, les affirmations qu’on avance, cela renforce davantage la démarche. En ce sens, il est essentiel que l'on mène l’action à partir d'une connaissance aussi précise que possible de la situation dans laquelle s'inscrit l'injustice que l’on veut dénoncer et combattre ». 20

B)  Être  libre  de  se  regrouper  ou  de  former  une  association  Il est important que les non-violents se trouvent dans un pays ou toute formation d’associations n’est pas sanctionnée par la loi, ou en d’autres termes, qu’il n’existe aucune loi dans le droit du pays qui punisse une opposition contre le pouvoir en place. Par contre dans un pays ou la liberté d’expression n’est pas autorisée, en se regroupant ils courent le risque de se faire arrêter. Il convient donc de savoir ce que dit la loi : les droits qu'elle accorde et ceux qu'elle sanctionne.

Aussi, pour mener leur campagne d’action, les non-violents doivent choisir un objectif qui soit possible à atteindre. En effet, s’ils ne réunissent pas assez de force nécessaire, il faut éviter d’en choisir un qui soit hors d’atteinte. « Il importe donc que l'objectif soit à la portée du mouvement »21. Par exemple, Gandhi avait opté tout d’abord pour sa marche de sel avant même de viser l’indépendance de l’Inde.

En outre, « leur campagne d'action non violente ne doit pas se trouver réduite à une simple campagne de protestation et de sensibilisation. Il faut qu’ils obtiennent gain de cause en accomplissant leur premier objectif. Cette toute première victoire viendra donner confiance aux militants et leur permettra alors de se donner des objectifs plus ambitieux ».22 De plus, elle fera augmenter considérablement le nombre de partisans vu que ces derniers auront confiance dans l’initiative. Par conséquent, plus ils seront nombreux plus ils feront peur à l’adversaire.

Par ailleurs pour la rendre plus efficace, il faut qu’ils organisent les actions de manière à faire participer tous les militants. « Cette organisation permet de répartir les tâches et de coordonner les activités pour » 23que tout soit fait dans l’ordre. Outre cela, ils peuvent désigner un chef de file qui sera alors « le porte-parole de la communauté en lutte ».24 Et celui-ci aura pour tâche de former et d’entraîner les militants à l'action non-violente. En effet, pour que l'action puisse être menée à bien «l'initiative doit être prise et gardée par des hommes décidés à s'en tenir aux méthodes non-violentes. Cela est indispensable pour que le mouvement ne sombre point, lorsque surgiront les difficultés, dans le désordre, la peur et finalement la violence »25, explique le philosophe français Jean Marie Muller, spécialiste de la non-violence.

   

C)  Nécessité  d’une  répression  mesurée  contre  la  mobilisation    

                                                                                                                         20  Extrait de l’article: Conduire une campagne d'action non-violente: les grandes étapes, publié par le CRNV (Centre de ressources sur la non -violence) 21 Tiré de: Conduire une campagne d'action non-violente: les grandes étapes, II - Choix de l'objectif : « Où est le sel ? » 22 Tire aussi dans: II - Choix de l'objectif : « Où est le sel 23 Extrait du même article dans : IV - Choix de l'organisation 24 Extrait aussi de : IV - Choix de l'organisation 25 Mentionné dans : IV - Choix de l'organisation

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Bien que le pouvoir soit discrédité et que l’on puisse se regrouper, il faut encore que l’adversaire n’exerce pas une répression trop violente vis-à-vis de la masse mobilisée. Pour garder les privilèges relatifs à leurs positions, les autorités en place peuvent être prêtes à employer des mesures répressives.

Mais les tenants de la non-violence ont l’avantage du nombre. C’est pourquoi les répressions mesurées généralement n’ébranlent pas le groupe non violent. D’habitude les autorités recourent aux arrestations des chefs de fils des manifestations. Elles sont toutefois obligées de les relâcher car les autres manifestants portant secours à leurs partisans exigent leurs libérations. À moins qu’elles les emprisonnent tous ; ce qui reste improbable puisque ceux-ci sont nombreux. Les autorités se révèlent être souvent des gens difficiles à conscientiser. L’impératif des non-violents est de persister jusqu'à ce qu’ils y parviennent. Prenons le cas de la révolution serbe dans laquelle il y a eu une mobilisation des universitaires voulant boycotter l’élection présidentielle de 2000 organisée par le dictateur Milosevic. Malgré la répression dont a fait preuve le gouvernement, les manifestants ont réussi à changer le gouvernement en place. Ceux-ci ont réussi à faire valoir leurs droits au moyen de la non- violence : « la non-violence est le moyen le plus inoffensif et le plus efficace pour faire valoir les droits politiques et économiques de tous ceux qui sont opprimés et exploité ».26

Il est nécessaire que les militants d’une mobilisation non violente puissent estimer le plus que possible à quel degré de répression ils s'exposent en agissant. Pour cela, il est important d’analyser en premier lieu les risques qu’ils encourent afin de savoir s’ils pourront les assumer. Il convient alors de se préparer le plus possible à n’importe quelle forme de répression, qu’elle soit policière ou militaire. Par exemple en 1955 à Montgomery (Etats Unis), Martin Luther King a mobilisé les Noirs américains afin qu’ils aient les mêmes accès que les Blancs dans les transports publics. Puis il a organisé le boycott des autobus de la ville. Ils l’ont entrepris en sachant qu’ils risquaient d’avoir une répression violente voire démesurée de la part des autorités. Mais ils ont surmonté leur peur et ont revendiqué leurs droits avec acharnement. Ce qui leur a permis de remporter la victoire. Généralement, après avoir atteint son objectif qui est de faire accepter ses droits au pouvoir, on doit nécessairement passer un accord avec l’adversaire. Au cours de ce compromis, il est recommandé « de rester sur ses gardes» au cas où celui-ci nous tendrait un piège. En effet, il se peut que l’oppresseur utilise une ruse afin de démobiliser la masse pour mieux attaquer.

Somme toute, pour que la non- violence soit pleinement efficace, il est indispensable que l’on ait une répression mesurée contre la mobilisation.

Conclusion  

                                                                                                                         26 Nirmal Kumar Bose, Selections from Gandhi, 1948.  

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La non-violence prônée par le Mahatma Gandhi est préférable à la lutte armée dans la mesure où elle favorise l’union. De plus, elle évite les lourdes pertes humaines ainsi que les dégâts matériels au contraire de la lutte armée. Elle exerce également une force sur l’adversaire afin de le changer et de le contraindre à abandonner la violence. Toutefois elle a des limites. Impliquant d’abord l’acceptation de risquer sa vie, elle nécessite également une irréprochable maîtrise de soi. Ce qui n’est pas facile à avoir car en tant qu’humain, on ne possède pas toujours le contrôle de ses pulsions. Enfin quand la non-violence n’atteint pas ses objectifs l’on se retrouve dans l’obligation de recourir à la violence. Par ailleurs, pour que l’on puisse mener une lutte non-violente à son terme, cela requiert inévitablement l’existence d’un certain nombre de conditions. En premier lieu, soulignons l’impératif d’un élément déclencheur pouvant susciter l’indignation de manière à ce que le pouvoir en place soit discrédité. Ce faisant, il est susceptible de provoquer un esprit de révolte au sein du peuple le poussant à se mobiliser. En second lieu, il faut que l’action non-violente soit menée dans un pays où la loi reconnaît toute formation d’association ou de syndicat. Ainsi le groupe non-violent sera à même de s’entraîner avant de passer à l’acte. En tout dernier lieu, précisons que la répression doit être mesurée contre la mobilisation sans quoi la non-violence est vouée à l’échec. Aujourd’hui encore, on enregistre des conflits sanglants provoquant des centaines de milliers de morts, des dégâts considérables et de la division entre les hommes. La recherche d’une solution politique apparait alors comme la seule option envisageable. Mais encore faut-il pouvoir revenir à la non-violence lorsque l’on constate l’échec de la lutte armée ?

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Ouvrages  généraux  et  encyclopédies  :    

-Encyclopédie Universalis

-Encarta

Écrits  de  Gandhi:    

Tous les hommes sont frères, Gandhi, Editions Gallimard, 1958.

Nirmal Kumar Bose, Selections from Gandhi, 1948.

Discours  de  Gandhi:    

« Le mal ne se maintient que par la violence », Déclaration du Mahatma Gandhi, 1922.

Écrits  sur  Gandhi  :    

R. K. Prabhu et U. R. Rao. , The mind of Mahatma Gandhi, 1945.

D. G. Tendulkar, Mahatma, life of Mohandas Karaamchand Gandhi, 1951.

 Sites  Internet  :      

-www.nonviolence.ca -www.wikipédia.com -www.nonviolence-actualité.org/catal -www.indedunord.free.fr/Gandhi.htm -www.irnc.org/nonviolence/Items/index/Gandhi.htm