master «urbanisme et amÉnagement»...je remercie chaleureusement, Özay Özer, olcay bingöl,...

140
MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT» Spécialité : Espaces urbains et démarches de projet Mémoire de fin d’études 2 ème année Mémoire de recherche 2 ème année Camille Robin La possibilité d'une agriculture : Les maraîchers des murailles à Istanbul Directeur de mémoire : Franck Dorso 2011

Upload: others

Post on 12-Jul-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»

Spécialité : Espaces urbains et démarches de projet

□ Mémoire de fin d’études 2ème année

Mémoire de recherche 2ème année

Camille Robin

La possibilité d'une agriculture : Les maraîchers des murailles à Istanbul

Directeur de mémoire : Franck Dorso

2011

Page 2: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Résumé

En contexte urbain, seul l'espace résiduel semble pouvoir devenir un espace de production

alimentaire face à la pression foncière. En dehors, des dynamiques internationales d'agriculture

urbaine, à une micro-échelle, des unités de production survivent. À Istanbul, une production

maraichère, installée sur des terrains publics le long de la muraille de Constantinople, perpétue une

tradition millénaire d'approvisionnement de la ville en légumes frais. Dans cet espace interstitiel, les

migrants anatoliens conservent temporairement un mode de vie rural. A contrario des autorités

publiques, les organisations non gouvernementales investissent politiquement les pratiques

agricoles. Le territoire agricole apparemment en marge peut alors être reconnu en tant qu'espace des

possibles.

MOTS CLEFS : agriculture urbaine, bostan, écologie politique, Istanbul, maraîchage

2

Page 3: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Remerciements

Je remercie Franck Dorso de m'avoir fait confiance et d'avoir accepté d'encadrer ce travail.

Ses critiques et conseils m'auront guidé autant sur le terrain à Istanbul qu'en France.

Je remercie Didem Danis et toute l'équipe du département de sociologie de l'Université de

Galatasaray à Istanbul ainsi que Hakan Yücel pour l'intérêt qu'ils ont manifesté concernant cette

recherche et pour leurs conseils avisés. Je remercie le service de cartographie de l’Institut Français

d’Etudes Anatoliennes pour les documents iconographiques qui ont été mis à ma disposition. Je

remercie également les universitaires qui ont alimenté ce travail par leurs travaux et réflexions, je

pense ici à Murat Cemal Yalcitan, Amy Mills, Thierry Boissière, Jean-François Pérouse, Jean-Nöel

Consalès, Claire Delfosse et Suraiya Faroqhi.

Je remercie Lise Goll, Nermin Unlosoy, Gözde Aytemur, Mutay Öztemiz sans qui je n'aurais pas eu

accès aux maraîchers pour m'avoir accompagnée durant les entretiens et pour avoir pris soin d'en

comprendre les objectifs. Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman,

Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur expertise et leur engagement.

Je remercie mes relecteurs pour leur patience et leurs conseils appliqués, Vincent pour son

indéfectible soutien. Une pensée particulière pour l'équipe d'Acıbadem qui participa à mes

expérimentations légumières. Une pensée aussi pour tous ceux qui ont participé de près ou de loin

au murissement de ce travail, depuis le jardin de Cocagne jusqu'aux bostan stanbouliotes. Je pense

ici à Claire-Lise, à Pierre-Yves, à Loïc, à Clotilde, à Marie, à Camille, à Marion ; à Aaron, à

Shannon ; à Marta, à Ale ; à Ayşe, à Duygu, à Mehmet, à Mevlüt et à Serkhan ; et à tous ceux que

j’oublie.

Merci à tous ceux que j’ai pu interroger de m’avoir répondu. Merci également à tout les producteurs

urbains ou non, pour l'inspiration dont ils sont la source. Ce travail leur est dédié.

3

Page 4: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

PRÉSENTATION

De la ferme urbaine de Eugene (Oregon, Etats-Unis), du Peace Garden de l'Université de

Californie (Berkeley, Etats-Unis), de la Coopérative d'Agriculture Soutenue par la Communauté des

jardins de la Résistance et des jardins sur dalle du Santropol à Montréal (Canada), aux Associations

de Maintien de l'agriculture Paysanne et jardins partagés parisiens, en passant par les jardins urbains

familliaux moscovites et les jardins ouvriers stéphanois ; nombre d'exemples nous sont donné d'un

rapport résilient à l'alimentation de nos villes contemporaines. Ces expériences ici et ailleurs,

montrent par la diversité des dispositifs que l'agriculture urbaine s'adapte à différentes

configurations. Ce concept monopolisé par les Organisations Non Gouvernementales (ONG) ainsi

que les instituts de recherche en développement internationnal, est né à partir de projets mis en

oeuvre depuis les années 1960. Sa conceptualisation repose sur la distinction de deux objectifs

(FAO 1999) : économique et social. La différenciation d'une fonction vivrière et d'une fonction

aménitaire repose sur une sectorisation des initiatives. En effet dans les pays en développement, la

mission principale à attendre concerne la sécurité alimentaire. Pourtant la paupérisation urbaine, est

également un phénomène touchant le nord-américain à l'exemple de la "shrinking city" de Detroit

(Michigan, Etats-Unis) (POPELARD VANNIER 2010) et n'est pas inconnu aux villes européennes

avec la théorisation du rétrécissment urbain (FLORENTIN FOL ROTHE 2009). Alors que dans les

pays des Nords, l'agriculture urbaine s'attache à décrire des intiatives naissantes, dans les pays en

développpement, il s'agirait d'insuffler une dynamique dans laquelle la prise en charge

institutionnelle est forte.

FONCTION économique et alimentaire sociale et pédagogique

LOCALISATION pays des Nords pays des Suds

MODE D'ACTION existant projet

Tableau 1: Modélisation de l'agriculture urbaine

4

Page 5: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

La définition spatiale du concept est intrinséquement réducteur et la théorie apparait bien

restrictive. Cependant, la conscience des acteurs de mise en oeuvre d'une alternative pratique

rapproche les différents exemples connus. Dans leurs discours, il apparait que quelque soit la

mission attribuée à l'activité, les producteurs urbains "bricolent" leur environnement par sa mise en

culture. De sorte que l' agriculture urbaine entraine une production alimentaire mais également

prend la forme d'un investissement politique de l'espace. Le terrain stanbouliote nous a permis une

mise à distance de la modélisation théorique de l'agriculture urbaine pour pouvoir mieux ces

paradoxes.

L'agriculture urbaine offre un répertoire de possibilités agricoles, urbaines, ludiques. Face à

une approche très anxiogène de l'urbain et des enjeux soulevés par son développement actuel

(DAVIS 2006), l'agriculture urbaine permet d'envisager avec enthousiame la gestion urbaine. De

plus, l'objectif de souveraineté alimentaire urbaine bien qu'ambitieux est un objectif atteignable en

considérant que l'autonomie d'une famille repose sur l'exploitation d'une production d'1 ha

(BERNARD 2010) et qu'une agriculture biologique peut la planète (FAO 2010). Cependant, cette

étude se limite à l'étude d'une configuration particulière de production alimentaire et aborde les

enjeux urbains que soulève cette activité. La question de l'aménagment urbain et de la planification

s'oriente dans une autre direction plus révisionniste que nous ne traiterons pas.

5

Page 6: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

TABLE DES MATIÈRES

Résumé.......................................................2

Remerciements...........................................3

Présentation.....................................................4

Table des matières...........................................6

INTRODUCTION...........................................8

Méthodologie............................................12

CULTIVER SON JARDIN................................15

Introduction ..................................................16

Jardinage.......................................................19

Légumes frais toute l'année......................20

Techniques traditionnelles........................23

Les jardiniers.................................................28

Famille d'immigrés de la mer Noire.........28

Ruraux en ville ........................................32

Sociabilités alimentaires................................35

Convivialité et hospitalité.........................36

Solidarités intergénérationnelles et

communautaires........................................38

Conclusion.....................................................40

CULTIVER LES MURAILLES........................42

Introduction...................................................43

Maraîchage....................................................49

Produits de haute qualité..........................49

Intégration au système urbain...................53

Les institutions .............................................57

Relation descendante................................57

Territoire de l'indicible ............................61

Futur incertain...............................................64

Viabilité sociale et économique................64

Insécurité foncière....................................66

Conclusion.....................................................69

CULTIVER L'URBAIN.....................................72

Introduction...................................................73

Production alimentaire .................................77

Place historique........................................78

Pratiques contemporaines.........................81

Écologie militante ........................................86

L'agro-écologie ........................................86

Émancipation de la société civile.............90

Les enjeux urbains de l'agriculture urbaine...97

Les fonctions urbaines de l'agriculture.....97

Le nécessaire accompagnement du

politique..................................................100

Conclusion...................................................102

Conclusion...................................................105

Bibliographie...............................................108

Ressources en ligne................................114

ANNEXES.......................................................116

Grille d'entretien avec les maraîchers.....117

Compte rendu de terrain Istanbul...........119

Entretiens avec les maraîchers................121

Entretiens et échanges institutionnels.....137

Activités liés à la recherche....................138

Projet d'agriculture urbaine d'Istanbul....139

Documents reproduits.............................140

6

Page 7: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

INTRODUCTION

L'urbanisation à l'œuvre en ce début de millénaire semble ne pas connaître de limites ni de

frontières. Les villes croissent à une vitesse effrénée pour attendre une échelle surdimensionnée.

Des millions de personnes s'installent dans les villes quittant leur repères antérieures. Le

déplacement des zones rurales aux aires urbaines est une des tendances globale de migration les

plus affirmées. En 2007, plus de la moitié de la population mondiale est devenue urbaine (Nis

Romer ODA PROJESI, ROMER 2009, p. 2). Cette conquête spatiale a généralisé l'existence d'une

civilisation urbaine. En effet, l'urbanisation ne procède pas seulement d'une modification de notre

environnement physique mais également social et culturel (Thierry Paquot PUMAIN, PAQUOT,

KLEINSCHMAGER, 2006, pp. 62-64).

Alors que la paysannerie ne permet plus aux ruraux de subvenir à leurs besoins, les

populations pléthoriques des conglomérats urbains défient la gouvernance urbaine. L'urbain

généralisé soulève des problèmes sociaux et écologiques. On peut penser que plus que jamais la

ville a besoin d'une agriculture vivrière pour alimenter sa population. Cependant l'urbain entretient

un rapport de prédation avec cette activité. Historiquement, le rapport entre villes et campagnes s'est

construit à partir d'une spécialisation des espaces. Selon Pezrès, étymologiquement, l'agriculture,

c'est la culture d'un ager, un champ (PEZRÈS 2010, p.6). Le terme « agriculture » rappelle

l'opposition fonctionnelle entre champs et villes. L'aspect antithétique du rapprochement entre la

ville et l'agriculture, n’est pas pertinent dans le cadre d'un urbain généralisé. Les complémentarités

qui alimentent les échanges entre l'espace et l'activité montrent la nécessité d'une approche

territoriale écosystémique.

7

Page 8: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Il s'agit alors plutôt de se demander comment l'imposition de l'urbanisation généralisée à

englober l'activité agricole. Depuis les années 1960, les géographes emploient l'expression

« agriculture urbaine » pour désigner « une industrie située dans (intra-urbain) ou à la marge (péri-

urbain) d'un village, d'une ville ou d'une métropole, qui cultive, produit, transforme et distribue une

diversité de produits alimentaires et non alimentaires, (ré-) utilisant largement les ressources

humaines et matérielles, les produits et services trouvés dans et autour cette aire urbaine, et en

retour fournissant largement des ressources humaines et matérielles, produits et services à cette

aire urbaine1. » Le concept d'agriculture urbaine par la dynamique de projet a pour ambition la

sécurité alimentaire et la production d'aménités environnementales.

Dans le champ urbanistique, le vert séduit. Il sert l'image de la ville post-industrielle,

« globale » et compétitive sur le plan international. Malgré cette valorisation médiatique, la

concurrence pour l'appropriation et la rentabilisation du foncier en ville est défavorable à la fonction

agricole. Les espaces verts productifs disparaissent. Cette disparition physique s'accompagne d'une

disparition sociale du jardinier. L'occupation du temps libre en une génération passa du dimanche à

la campagne et des excursions matinales aux jardins, aux weekends à prix dégriffés, grasses

matinées, ou séances de sports en club. Parallèlement, le cadre urbain offre un nouveau défi de mise

en culture et une réactivation politique se saisi des pratiques agricoles. Les collectifs de

verdissement de la ville et autres guerillas vertes s'applique à parasiter l'aseptisation de l'espace

public. Pour les nouveaux fermiers urbains, plus le milieu est réticent à la pratique, plus les

ressources sont difficiles à saisir et plus l'enjeu augmente (CARPENTER 2009). Jardiner devient un

moyen de lutte. L'espace vécu, s'entend comme « une dimension d'un fait social ancré dans des

pratiques » (DORSO 2008, p. 47)

Décrire le cadre de cette renaissance est peut-être trop difficile, à cause de la jeunesse des

initiatives et de la spécificité géopolitique de chacune d'entre-elles mais observer la perte des

espaces physiques et légaux est possible. Cette démarche permet de soulever le principal problème

rencontré par l'agriculture : la pression urbaine. Les terrains agricoles sont grignotés et

l'augmentation du coût du foncier empêche l'accès à la terre. Il faut se rappeler que l'urbanisation

généralisée n'est pourtant pas un phénomène si ancien. Istanbul est une mégalopole sur la longue

durée (MARIN, VIRLOUVET 2003, p. 38).

1 RUAF, C1 : intra- and peri-urban agriculture

8

Page 9: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Cependant, l'explosion urbaine date d'une cinquantaine d'années. Jusqu'aux années 1950, la

ville se limite à son enceinte historique construite au Vème siècle. Au fil des siècles, la ville a

occupé un espace plus ou moins étendu à l'intérieur des murailles. Istanbul peut compter sur une

tradition millénaire de production alimentaire. La ville a été pendant très longtemps en situation

d'auto-suffisance concernant l'approvisionnement en produits frais. Cette culture est restée vivace,

car jusqu'à la moitié du XXème siècle, elle comble la demande en produits frais. Le maraîchage

désigné par le terme turc bostan est la culture des légumes et de certains fruits, en plein air ou sous

abri à visée commerciale. « Pendant des siècles, un réseau de jardins maraîchers à travers Istanbul

approvisionna la ville avec des légumes frais. Ces maraîchers et leurs jardiniers tiennent une place

respectée dans la vie stambouliote, contribuant à satisfaire les besoins de la ville en nourriture et

emploi. Aujourd'hui, seulement des fragments subsistent. » (KALDJIAN 2004, p. 284). Le secteur

des murailles a conservé ces jardins traditionnels. La présence d'une activité agricole à proximité est

attestée depuis le Vème siècle. De nos jours encore, les jardins s'étendent au pied des murailles sur

le fossé comblé et entre les fortifications. Ces activités de maraîchage qui y prennent place

procèdent circuits courts de production et distribution alimentaire sont à la fois traditionnel et

innovants car ils entrainent des stratégies territoriales et permettent la construction d'un « local ».

Notre travail pose la question de la survie de l'agriculture face à l'urbanisation généralisée.

L'activité agricole fait face à une conjoncture défavorable qui n'entraine pas pour autant sa mort

intrinsèque. Cette persistance atteste que la disparition urbaine de l'agriculture n'est pas structurelle

mais bien conjoncturelle. Une question apparait derrière ces considérations : que se passe t-il à

l'intermédiaire entre un espace et une activité ? Notre problématique s'attache à questionner la

présence de la production alimentaire dans nos sociétés.

À l'aide de l'étude du cas stambouliote, nous faisons l'hypothèse que dans le cadre urbain

contemporain, l'agriculture se métamorphose : d'un espace physique cultivé à un espace politique

d'investissement potentiel.

De plus, en termes de localisation, les espaces de production alimentaire se positionne dans l'urbain

conventionnel et se re-positionne sous l'influence des évolutions.

Concernant les acteurs, une dévalorisation des pratiques accompagnent une discrimination latente

des migrants ruraux alors que leur pérennité montre le tribut de la ville à ce système

d'approvisionnement alimentaire.

9

Page 10: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Selon les changements d'échelles, on observe différents mouvements entre l'agriculture et

l'espace. En tant que micro-unité, la majorité des jardins se porte bien mais à l'échelle

métropolitaine, ils apparaissent en danger, alors que les débats internationaux promettent succès à

ce genre de pratiques. Ces articulations de différents niveaux d'observation de notre sujet mettent en

exergue la limite de notre approche à l'analyse du cas stambouliote.

10

Page 11: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Méthodologie

Notre démarche a consisté en un recoupement de données de terrain et des résultats d'une

recherche bibliographique.

Les ressources documentaires anglophones ont servi au balisage du concept d'agriculture urbaine.

L'ancrage théorique est issu des ressources numériques suivantes :

- RUAF (Ressource centers for urban agriculture and food security)

- ETC-UA (Educational Training Consultancy-Urban Agriculture)

- FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations), département de l'agriculture et

de la protection des consommateurs.

Ces dernières ont permis la compréhension des méthodes d'analyse du domaine du développement

international. L'agriculture urbaine est présentée comme un champ d'intervention, à la rencontre

entre des politiques publiques, des projets et des acteurs. Les typologies proposées par cette

approche ont été mises en regard avec la situation française par l'interrogation de documents

d'urbanisme de l'aire urbaine de Lyon. Nous avons pu envisager le réinvestissement politique des

réalisations. Cette piste abandonnée qui à terme visait à une comparaison internationale, a permis de

se recentrer sur le terrain et les pratiques observables.

La connaissance de notre terrain d'étude nous a été possible grâce à la thèse La part

d'ombre. Transactions et conflits entre les usages informels et les opérations de rénovation de la

muraille de Théodose II à Istanbul (DORSO 2008). Le choix de la zone des maraîchers comme

terrain d'étude a été fait après la conduite d'entretiens ouverts en direction du milieu universitaire

stambouliote (Université de Galatasaray, département de sociologie et de sciences politiques) mais

surtout des militants turcs de Greenpeace Méditerrannée, Buğday Derneği et Doğa Derneği. Tout au

long de notre travail, les échanges de mails avec des universitaires ont permis d'alimenter notre

réflexion et d'accéder à des ressources sur la situation stambouliote.

11

Page 12: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Notre séjour d'étude de février à juin 2011 a été profitable à des visites hebdomadaires des

jardins maraichers. Pour atteindre nos objectifs de connaissance, nous nous sommes intéressés aux

discours, aux activités et aux lieux à travers des entretiens et observations. L'observation directe

nous a placé en position de passant. Le parcours de l'ensemble de la zone agricole a été le plus

souvent effectué du nord vers le sud. Les observations se sont soldées en fin de séjour par un travail

de relevés et de recoupements, se heurtant à l'absence de limites matérialisées entre les jardins.

Lors des entretiens avec les maraîchers, la non maitrise de la langue turque a nécessité de

recourir à un intermédiaire en charge de sa traduction. Cette tache a été prise en charge par deux

étudiantes en sociologie de l'université Galatasaray, un professeur à l'université du Bosphore et une

proche. Les échanges entre nous et les traducteurs se sont fait en français ou en anglais. La présence

d'un intermédiaire a permis une mise à distance entre l'information souhaitée et la question

formulée. Nous avons été introduite étant qu'étudiante en sociologie, interessée par les jardins à

cause d'un travail de recherche afin de clarifier les règles du jeu.

Les premiers entretiens2 se sont déroulés de manière ouverte. Les seules indications ont

concernées un rapide les thèmes à aborder : structure de l'exploitation, vente, type de culture,

propriété du sol. Le but a été de prendre contact avec les jardiniers et l'accueil a été très chaleureux.

Des numéros de téléphone nous ont été communiqués pour obtenir plus d'informations et nous

avons été invités à revenir. Cette enthousiasme concernant notre présence, a dans les dernières

séances, rendu difficile l'obtention d'informations. Le partage d'un moment convivial supplantait

alors l'objectif de partage de connaissances. Ensuite, des entretiens semi-directifs ont été conduits

en prenant soin de considérer les intentions des jardiniers et leurs intérêts dans la production de

discours afin de les considérer dans le traitement des résultats et leur interprétation. Le succès des

entretiens à usages principaux a permis de construire une problématique et ses hypothèses.

Pour étayer les informations, nous avons défini des entretiens à usage complémentaire

reprenant les zones d'ombre notamment le système de loyer d'occupation des terrains. Les résultats

se sont révélés plus restreints. Il est à noter que l'échantilllon des interviewés a concerné l'ensemble

des maraichers sur la zone avec une restriction quand à leur disponibilité. L'accès direct, spontané

s'est parfois révélé peu efficace quand à la collecte de données. Par exemple, un jardinier employé

ne maitrise pas le paiement du loyer et dispose de peu d'information.

2 l'intégralité des entretiens et des grilles utilisées sont reproduites en annexe12

Page 13: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Nous avons rarement essuyé de refus. Cependant, il est possible d'envisager quelles peuvent

en être les causes. Lorsqu'ils sont sur leurs stands, la relation commerciale prévaut. Sur les limites

Nord et sud de la zone maraîchère, une méfiance sous-jacente semble découler de la crainte de la

communication d'informations aux autorités publiques. Les femmes font généralement preuve de

retenue. Malgré l'appréciation de l'environnement des jardins, le cadre a parfois été contraignant.

Nous avons pu être génés par la pollution sonore (fréquentation de la voie routière, aboiement des

chiens), la distraction de l'interviewé (autres personnes, position de vendeur). Quelques difficultés

de compréhension se sont présentées relevant d'un accent prononcé ou de l'usage de termes

particuliers. Comme l'activité maraîchère notre travail a été soumis aux contraintes

météorologiques. Il a souvent fait mauvais (22/04/11, 25/04/11, 26/05/11, 09/03/11, 22/03/11) et

une forte pluie, nous a même obligé à interrompre notre séance (13/04/11).

L'espace étudié a été découvert a travers les jardiniers. La parole, les actes et les productions

de ces usagers ont été notre matériau principal. Après interprétation des données de terrain, il nous a

semblé que ces derniers nous ont permis de mieux étayer notre connaissance théorique.

L'architecture de ce document, commence une approche spatiale à travers l'œil des usagers. Ces

acteurs ont l'avantage de donner à considérer l'espace vécu. Ils vivent cet espace au quotidien bien

qu'ils n'en soient pas les possesseurs juridiquement. Le transfert d'une activité individuelle à un

cadre plus général, permet de rejoindre les enjeux globaux de production alimentaire. Par cette

gradation des enjeux, « il s’agit aussi, à partir d’un ressaisissement individuel de l’action

intellectuelle et matérielle d’ajustement vital à un biotope local qu’est le jardin, de s’orienter

globalement vers une relation pérenne à l’écosphère » (PEZRES 2010, p.11). Ici se rejoignent

méthode et éthique et apparait le tribut dû à l'optimisme d'un Candide concluant « il faut cultiver

notre jardin » (1759). Trois principaux niveaux d'observation à propos des villes ont été choisis:

micro-échelle : le jardin

échelle locale : la zone de maraîchage des murailles

système urbain : Istanbul

En passant d'une échelle à l'autre, nous nous sommes attachés à ne pas trancher ou simplifier les

problèmes mais restituer les informations recueillies pour donner à voir les différentes composantes

de notre sujet. Dans chacune des parties, notre sujet sera traité avec une entrée par l'espace.

Les activités observés seront décrites afin d'identifier les acteurs et d'en faire une analyse. Puis, des

enjeux seront dégagés ainsi qu'une possible réponse à ces derniers. Enfin, nous soulignerons les

processus de transformation qui sont à l'œuvre.13

Page 14: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

PARTIE 1

CULTIVER SON JARDIN

Page 15: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

INTRODUCTION

Dans cette partie, notre échelle spatiale sera celle de la parcelle. Le terme décrit une « partie

d'un terrain d'un seul tenant, généralement de même culture ou de même utilisation, constituant une

unité cadastrale » (LAROUSSE, 2004). Il nous faut prendre de la distance vis-à-vis de cette

définition pour envisager la « parsel » de nos maraîchers. En effet, par ce terme turc, ils décrivent

chaque jardin, comprenant les cultures ainsi que les aménagements attenants dont ils possèdent

l'usufruit.

Ces parcelles ont une taille moyenne d'1 ha avec une largeur allant de 50 à 80 m pour une

longueur de 100 à 200 m. La taille typique des jardins potagers d'Istanbul est de 1 a 1.2 ha

(KALDJIAN, 2004, p.287). Ces jardins se situent le long de la moitié sud des murailles. Les

murailles comprenant deux rangées de murs, certains des jardins sont insérés entre les fortifications.

Principalement, les jardins se sont étendus sur un espace vacant au pied des murailles. L'espace

s'inscrit dans une bande dont la frontière ouest est constituée des cimetières. À l'intérieur de cet

espace étriqué, les parcelles sont découpées en rectangle. Tributaires des murailles pour ce qui est

de la largeur, les parcelles se partagent par la longueur.

Le niveau des jardins dépend des installations défensives pré-existantes. De sorte que bien

souvent, le niveau du sol à l'extérieur des jardins n'est pas le même que celui des jardins. Ainsi

chaque jardin dispose de ces propres spécificités topographiques et s'aménage selon les possibilités.

Par conséquent certains jardins sont encaissés, d'autres surélevés. Ils semblent comme hissés sur des

belvédères, des promontoires, alors que pour le passant, les cultures sont à portée de main, en

contact direct avec le regard.

15

Page 16: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

16

Illustration 1: Plan des jardins des murailles

Page 17: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les jardins sont des espaces ouverts qui jouent avec la dénivellation pour marquer une

frontière entre extérieur et intérieur. Quelques uns sont clôturés. La clôture permet de marquer une

limite entre l'intérieur des jardins et l'extérieur de l'espace public lorsque le jardin se trouve au

même niveau que l'espace public. Il nous a été possible de repérer une vingtaine d'unités3 à partir du

repérage des installations construites et des données communiquées par les jardiniers. En effet, les

limites de parcelle ne sont pas repérablesentre les jardins mais chaque jardin possède une

installation construite : abri ou cabane et un puits.

Les parcelles constituent de petites unités qui présentent une certaine homogénéité. Elles

regroupent le même genre d'équipement et la même organisation des cultures. Ce sont des espaces

entretenus malgré la diversité des matériaux employés. Leur implantation dans les constructions

existantes de la muraille offre une diversité de dispositifs d'intégration. A l'échelle de la parcelle, il

nous sera possible de décrire les activités de jardinage à travers l'observation des individus.

L'analyse de leurs discours ainsi que des sociabilités sur place, nous permettra de définir les enjeux

qui entourent l'activité de jardinage et qui soutiennent des processus d'adaptation à la culture

urbaine.

3 Le même nombre de jardins a été repéré par Tuğba Tanyeri-Erdemir « Chasser les veaux à Istanbul; La ville, ses

murs et vergers » (ANNEXE n°4, 2009, p. 7)

17

Page 18: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

JARDINAGE

Le jardinage décrit la « culture des jardins »4, et le « terrain, souvent clos, où l'on cultive

des végétaux utiles légumes, arbres fruitiers) et/ou d'agréments (fleurs, arbustes ornementaux) ».

Les jardins qui nous intéressent sont consacrés à la culture des végétaux utiles. L'horticulture5,

activité agricole « comprenant la culture des légumes, des petits fruits, des fleurs, des arbres et

arbustes d'ornement », y prévaut. Les jardins ont pour visée la production alimentaire et bien que la

productivité prime sur une organisation harmonieuse de l'ensemble des cultures, l'agencement des

cultures manifeste une maîtrise experte de cette activité.

4 Du francique gardo (LAROUSSE, 2004)5 Du terme latin hortus, jardin, (LAROUSSE, 2004)

18

Illustration 2: Cultures de salades, ail, menthe, chou noir

Page 19: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Légumes frais toute l'année

Un très grand nombre d'espèces sont cultivées dans les jardins. La rotation des cultures

permet de disposer de légumes toute l'année. La production est concentrée sur les légumes feuilles.

Ce sont ceux qui sont cultivés en plus grande quantité. Cependant la présence de plantes potagères

de différentes familles potagères et de différents types permet de valoriser les sols en échangeant

l'emplacement des cultures.

Février mars avril mai juin

betterave

blette

épinard

laitue

navet

oignon

poireau

pourpier

radis

rave

ail

basilic

betterave

blette

chou sauvage

épinard

menthe

oignon

poireau

pourpier

radis

ail

blette

chicorée

chou sauvage

épinard

haricot

laitue

oignon

ortie

persil

poireau

pourpier

roquette

oseille

menthe

concombre

aneth

artichaut

basilic

blette

carotte

chicorée

chou sauvage

épinard

laitue

menthe

oignon

oseille

persil

pourpier

radis

roquette

aneth

ail

aubergine

basilic

betterave

blette

chicorée

chou sauvage

concombre

courgette

haricot

laitue

menthe

oignon

oseille

persil

poivron

pourpier

radis

roquette

tomateTableau 2: Espèces cultivées dans les jardins durant notre période d'observation

19

Page 20: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Certaines des variétés sont typiques de ces jardins à l'image de la « laitue des sept Tours »

(Yedikule marul). La laitue de Yedikule est proche de la chicorée pain de sucre. Elle appartient au

groupe des chicorées sauvages améliorées également à l'origine de l'endive. Sa forme cultivée vient

du sud de la France, d'Italie et du sud de la Suisse. C'est une variété à pomme allongée de 40 cm

environ à la feuille longue et entière de couleur claire. La variété turque se distingue par une

longueur supérieure. Une autre production spécifique est la culture d'une variété de chou sauvage,

littéralement le « chou noir » (kara lahana). C'est une plante vivace commune dans la région de la

Mer Noire. Les grandes feuilles gris-vert (jusqu'à 40 cm de long) sont farcies.

Famille botanique Légumes Herbes aromatiques

Apiacées ou ombellifères carotte, navet aneth, persil

Astéracées ou composées chicorée, laitue

Brassicacées ou crucifères chou, cresson, navet, radis

Chénopodiacées betterave, épinard, bette

Cucurbitacées concombre, courgette,

Fabacées ou paillonacées haricot

Lamiacées ou labiées basilic, menthe

Liliacés ail, poireau, oignon

Polygonacées oseille

Portulacaceae pourpier

Solanacées poivron, piment, tomate, aubergine

Tableau 3: Liste des plantes cultivées par famille botanique

Le choix d'espèces à culture rapide comme le cresson, oseille, persil, laitue qui poussent en

21 jours ou le pourpier qui pousse en 15 jours permet -par l'étalement des semis- de toujours

disposer de légumes frais. La couverture des cultures pendant leur germination ou croissance

accentue la productivité. Ainsi, tout au long de l'année, les plantes aromatiques et les légumes à

feuilles sont disponibles dans les jardins.

20

Page 21: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

A de nombreuses reprises, il a été question de la qualité des tomates produites dans un

jardin. Les jardiniers se bagarrent le titre de la plus grosse variété de tomates cultivées et des plants

les plus hauts. Dès février, Ahmet (28.02.2011) nous a parlé de ses plants de tomates de trois mètres

de haut qui poussent le long des arbres et séparent son jardin de la route.

Tuğba Tanyeri-Erdemir (ODA PROJESI ROMER, 2009, p.7) a montré que dans l'ancienne

Byzance, la betterave, la carottes, le chou rouge et blanc, le cresson, la laitue, le poireau, le radis, le

navet et l'oignon étaient aussi plantés, selon les mêmes cycles annuels. L'ail, le basilic, le persil, la

menthe, la roquette, l'épinard, la tomate, le poivron vert, le concombre, l'aubergine sont des espèces

qui ont été cultivées plus tard. Déjà les céréales étaient apportées par voie maritime car la capitale

antique n'avait pas la capacité de nourrir sa population mais les légumes frais jouaient un rôle

important dans la nutrition des stambouliotes.

Les jardiniers sont fiers de leur variété, qu'ils préservent d'année en année. De la sorte, ils

s'attachent particulièrement à sélectionner les meilleurs spécimens pour améliorer leur production.

Par exemple, pour les laitues : après les avoir laissées monter, ils les arrachent. Ils les font sécher

puis les secouent sur un linge pour récupérer les graines. Pour se procurer des semences, deux

possibilités s'offrent aux jardiniers : l'achat ou l'auto-production. Certaines graines sont achetées

alors que d'autres sont gardées d'une année sur l'autre. Pour produire ses propres semences, le

jardinier doit sélectionner les plus beaux spécimens et les laisser pousser jusqu'à pleine maturité

pour les « faire monter en graine ». Cette technique est particulièrement utilisée avec les légumes-

feuilles : salade, persil, menthe, basilic, épinard, bette, mais également : choux, haricot, tomate,

concombre… Les semences concernant les légumes-fruits (courgette, aubergines,...) ou légumes-

racines (carottes, radis,...) sont plus facilement achetées. L'auto-production permet de garantir la

qualité du produit et son adaptation au milieu de production. Cependant, les variétés les plus

résistantes ne sont pas les plus productives, ce qui amène les jardiniers à acheter des semences

commerciales. Les jardiniers se plaignent de la généralisation des semences hybrides qui demandent

l'utilisation d'engrais chimiques et de pesticides. De plus, elles ne se reproduisent pas plus de trois

ans. Face à cela, quelques jardins gardent précieusement leurs graines depuis une vingtaine

d'années. Dans la plupart des jardins, l'achat de semences et l'auto-production sont pratiqués. Les

graines peuvent également être échangées entre les jardiniers.

21

Page 22: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Techniques traditionnelles

Le calendrier annuel des cultures est défini à partir de deux saisons : hiver et été. La saison

la plus productive s'étend de mai à octobre. Les périodes de plantation sont définies à partir du

calendrier hégirien6. Par exemple, le melon se plante à la veille d'Hıdırellez. La production des

arbres fruitiers est également utilisée comme repère pour définir les jours de plantation.

6 Dit aussi, calendrier musulman. Le calendrier hégirien est un calendrier lunaire.

22

Illustration 3: organisation en carrés, culture en plein champ, plants en pépinière, compagnonnage

des espèces, tuteurage des poivrons, étalement des cultures et des récoltes

Page 23: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les cultures sont très organisées et reprennent des traditions familiales et culturelles. Les

cultures sont organisées en carrés, tracés au mètre et au cordeau. En haute saison, tout l'espace

disponible est utilisé. Son exploitation est rationnelle, aucun espace n'est laissé à l'abandon, bien

que certains soient en friche. Contre les murs sont ménagés des côtières. Une côtière est une

planche de culture, qui du fait de la pente, bénéficie d'un bon ensoleillement. Le voisinage des

cultures est établi selon des critères de compagnonnage. Ainsi, la sélection d'une espèce pour un

carré est tributaire de la qualité du sol, de l'ensoleillement, des cultures voisines et de la rotation des

cultures.

Le cycle de culture décrit toutes les étapes de culture de la plante. Les compétences et

savoirs en jardinage se transmettent de génération en génération. Ainsi, les pratiques sont acquises

par l'expérience. C'est par l'observation des cultures qu'il est possible de décrire les méthodes de

culture des jardiniers. La technique la plus utilisée est celle du semis en place pour des cultures à

ciel ouvert. Le semis en pépinière est employé pour quelques espèces sous serre ou sous châssis.

Pour les haricots, le semis en poquet est utilisé. Les plantes levées sous châssis sont transplantées

aux angles des carrés, elles permettent de garder traces des limites. Par exemple, les plants de

tomates marquent les angles des carrés de roquettes.

SOL GERMINATION CROISSANCE FRUCTIFICATION

PRÉPARATION ENSEMENCEMENT SOINS RÉCOLTE

Nettoyage,

labourage,

amendement de

matière organique

ou chimique,

division en planches

et carrés

Semences, arrosage Repiquage,

irrigation, engrais,

désherbage et

sarclage, protection,

soutien

Sélection, maintien des

plants à faire monter en

graines, arrachage des

restes des cultures

Tableau 4: Cycle de culture complet

23

Page 24: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Un outillage traditionnel est utilisé dans les jardins: plantoir, transplantoir, binette, pioche,

fourche, bêche, pelle, râteau, brouette, sécateur, serpette. Il peut être complété par du plus moderne

lorsqu'il est accessible financièrement et nécessaire : motobèche, pulvérisateur à pression préalable,

pompe à diesel. Les innovations techniques sont relativement faibles car les outils traditionnels

conviennent bien, ils sont simples, résistants, réparables. Cependant les techniques d'agriculture

moderne sont aussi connues : irrigation goutte à goutte, culture sous serres, utilisation d'intrants

chimiques.

Le puits permet l'irrigation de la parcelle. Chaque jardin en possède au moins un, jusqu'à

deux. La profondeur oscille entre 25 et 30 m. Un témoignage nous raconte que le puits peut être

creusé à la main sur une profondeur de 22m, avec une progression d'1 m tout les deux jours. L'eau

pluviale est également collectée. La plupart des jardins emploient l'irrigation goutte à goutte. L'eau

est extraite à l'aide d'une pompe mécanique et distribuée dans des tuyaux qui irriguent les cultures.

Le système d'irrigation peut être déclenché trois fois par jour en haute saison. L'eau utilisée est

testée par les services de la municipalité et est considérée comme potable. Les jardiniers la boivent,

alors qu'il est communément admis à Istanbul que l'eau courante délivrée dans les habitations n'est

pas potable.

Les serres employées sont des serres tunnels en matière plastique et arceaux métalliques.

Des mini-serres sont bricolées pour les espèces les plus sensibles. Une des serres auto-construites

mesure 5 m de large et 15 m de long. Les systèmes d'irrigation, de couverture sont les équipements

les plus onéreux pour les jardiniers. Tous n'en disposent pas. Les machines sont rangées dans un

local sécurisé, que partagent plusieurs jardiniers.

24

Page 25: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les fournitures reposent sur l’auto-production et l’exploitation des ressources disponibles

(eau, terre, fumier) et sur un équipement traditionnel. Nous pouvons faire l’hypothèse qu’une

pollution atmosphérique croissante et une possible dégradation des nappes phréatiques incitent à un

recours plus fréquents aux intrants chimiques. Cependant, les techniques employées appartiennent à

des pratiques traditionnelles de la mer Noire : mélange des plantations, rotation des cultures, jardins

d’hiver et d’été.

25

Illustration 4: épandage du fumier, cultures des accotements, traces de sulfate d'amonyum, montée

en graine des bettes, plants de tomates, serres entre les murailles, puits, stockage des caisses de

transport, motobèche

Page 26: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Le compost le plus efficace selon les jardiniers est le fumier. Le fumier est récupéré dans les

périphéries d'Istanbul, à Kemelburgaz ou Catalca. Cependant, le compost de synthèse « européen »

peut également être utilisé et a déjà été testé. L'espace restreint ne permet pas un basculement vers

une production extensive, ce qui amenuise la tendance à utiliser de plus en plus de produits

chimiques. Dans le cas d'une volonté d'amélioration de la productivité, l'utilisation de pesticides est

plus importante. Le principal engrais chimique employé est le sulfate d'amonyum pour enrichir le

sol en azote. Les engrais chimiques assèchent la terre. Pour parer à un sol dur et tassé, l'étape de

labourage apparaît indispensable aux jardiniers pour rendre le sol cultivable. Le sol dur fait obstacle

à l'écoulement des eaux de ruissellement et d'arrosage et favorise l'humidité stagnante. La technique

observée est proche du défoncement qui consiste à inverser la couche de surface et couche de terre

plus profonde. Cette étape est également l'occasion d'éliminer pierres et roches.

Une conclusion similaire est présentée dans cet extrait :

« A l'exception de la perte des animaux de trait et de l'apparition de petits équipements

motorisés (motoculteurs, pompes à diesel, camions), les jardins d'aujourd'hui

ressemblent beaucoup à ce qu'ils étaient dans le passé. Même avec l'évolution de la

demande, des importations et exportations, et de la disponibilité des graines et autres

intrants; l'exploitation des jardins continue de suivre des formes traditionnelles.

Pourtant, de nouveaux migrants ont eu une certaine affluence sur les productions. Le

chou noir (similaire au chou sauvage) est maintenant une variété standard, et le maïs,

pensé principalement pour la consommation personnelle, est aussi commun. Ces deux

dernières cultures sont fortement associées aux populations de la région de la mer

Noire. Récemment, certains jardiniers ont exprimé un intérêt dans l'expérimentation de

variétés spéciales dans un effort de trouver une niche et distinguer leur production de

la production intensive de légumes des régions agricoles méditerranéennes de

Turquie » (KALDJIAN 2004, p. 295)

Nous pouvons conclure à une maîtrise empirique de l'activité de jardinage des migrants de la région

de la mer Noire.

26

Page 27: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

LES JARDINIERS

Il sera question des jardiniers qui possèdent l'usufruit de leur production et de ceux qui sont

employés. Tous sont jardiniers, le travail qu'ils font est le même, bien qu'une différenciation peut

s'opérer dans les tâches qui leur incombent.

Famille d'immigrés de la mer Noire

Tous les jardiniers sont des émigrés de la région de Kastamonu. Plus précisément, à

l'intérieur de cette région de la mer Noire, ils sont originaires de villages proches de Cide. Lors du

boom démographique d'Istanbul, une grande partie de sa population afflua des zones rurales. De nos

jours, un tiers des immigrés est originaire des régions de la mer Noire et travaille dans le secteur

industriel. Cette immigration est motivée par des raisons économiques. Les immigrés disposent de

peu de ressources lorsqu'ils immigrent mais d'un capital de compétences.

27

Illustration 5: Lieu de provenance des immigrés-maraîchers

Page 28: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Cem7 quitta Cide car il n'y avait aucune opportunité de travail. « Ma famille émigra à

Istanbul pour trouver une activité» (Entretien du 22.03). Burak décrit ainsi la situation

de sa famille à Kastamonu : « Ils étaient misérables A Kastamonu, la production n'est

pas commerciale et il n'y a ni éducation, ni travail. Aujourd'hui, la situation est toujours

la même». (Entretien du 25.04)

A Istanbul, la valorisation des compétences des jardiniers de Kastamonu remontent à

plusieurs générations. La contribution des migrants à cette activité est notable.

« (...) les immigrés appartiennent à une longue et honorable tradition de jardinage. Les

premiers maîtres du jardinage étaient les grecs et arméniens. Au fil des siècles, les

bulgares, et parfois les albanais, ont hérité des compétences, opportunités et jardins.

Après la Seconde guerre mondiale, des vagues de migrants anatoliens sont arrivés à

Istanbul. Les populations de Cide, dans la province côtière de la mer Noire de

Kastamonu, ont commencé à travailler comme main d'œuvre dans les bostans, parfois

devenant les maîtres jardiniers eux-mêmes. » (Kaldjian, ODA ¨PROJESI, ROMER

2009, p.10)

Les pratiques agricoles sont connues des immigrés lorsqu'ils s'installent à Istanbul.

Cependant, le contexte urbain rend l'activité différente. Alors qu'ils cultivaient les céréales telles que

le blé ou le maïs, ils ont dû s'orienter vers un autre type de production. Avant d'arriver sur les jardins

qui nous intéressent, la plupart des jardiniers ont travaillé dans d'autres aires urbaines.

« Le grand-père de Cem était un jardinier et travaillait avec les Albanais dans

différents villages d'Istanbul. Il travailla près des bidonvilles d'Arnavutköy et à

Gazeosmanpaşa, où se trouvait une grosse ferme, à 40 min de la ville. Il y a 12 ans,

Cem démarra son activité agricole avec son oncle et son frère. Ils construisirent la

cabane, il y a 12 ans.» (Entretien du 22.03)

« Elle s'appelle Emel. Ils sont mariés depuis 35 ans. Ils se sont mariés à Kastamonu et

leur première rencontre eut lieu le jour du mariage. Ils ont trois enfants : un garçon qui

travaille dans le domaine de l'électronique, une fille de 30 ans qui a deux enfants et une

fille de 20 ans, étudiante à l'université. Quand ils arrivèrent à Istanbul, ils travaillèrent

à Aksaray comme jardiniers. Il y a 25 ans, ils s'installèrent sur leurs terrains. Il

achetèrent la terre à un proche pour 1TL» (Entretien du 4.04)

7 Pour conserver leur anonymat les noms des jardiniers qui ont pris part à nos entretiens ont été modifiés.

28

Page 29: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

« L'oncle de Burak immigra à Istanbul en 1965 avec son épouse. A Kemelburgaz, ils

travaillèrent comme jardiniers pour une famille. Burak émigra de Kastamonu vers

Istanbul dans les années 1990. Il a deux fils. L'un d'eux a 3 ans et l'autre va à l'école

primaire. Il ne possède pas d'assurance sociale pour lui. Avec son oncle, ils restèrent à

Arnavutköy pour quelques mois. Ce n'était pas très productif et trop éloigné du centre

ville. La parcelle qu'ils possèdent le long des murailles était vide à ce moment. À

proximité, de l'autre côté du cimetière se trouvait une usine dans laquelle ils pensaient

pouvoir travailler. Ils décidèrent de s'installer dans ce quartier qu'ils appréciaient.

L'oncle se rendit à la municipalité et demanda à louer les terrains qu’ils exploitent

depuis.» ( Entretien du 25.04)

On remarque qu'une fois l'installation réalisée, les membres de la famille étendue ont pu

bénéficier d'une opportunité d'activité. Le premier immigré bénéficie de l'usufruit de la production

et les membres de la famille étendue qui le rejoignent, réalisent une immigration professionnelle.

Jardin n° Année d'immigration à

Istanbul

Lieux de travail

antérieurs

Nombre de

génération

2 1965 Arnavutköy 2ème à Istanbul

3 1981 Muraille 3ème à Istanbul

4 1978 1, activité nouvelle

5 Aksaray 1, activité nouvelle

13 1972 1, activité nouvelle

14 1982 2ème à Istanbul

16 1991

18 1981

Tableau 5: Parcours de migration des familles de maraîchers

Selon le centre Ressource on Urban agriculture and Food, les jardiniers de la muraille

appartiennent en majorité à la catégorie :

« migrants récents engagés dans l'agriculture en tant que stratégie (temporaire) de

survie. Ils s'appuient souvent sur la famille éloignée et autres personnes aux origines

communes pour accéder aux terrains. Ils utilisent aussi des terrains publics vacants. Ils

amènent souvent leurs savoirs et compétences agraires de leurs villages d'origine, qui

ne peuvent pas s'appliquer totalement aux conditions urbaines et doivent en partie être

adaptées.8»

8 RUAF, C1 : Agriculture under rural and urban conditions: some important differences

29

Page 30: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Cependant, certaines familles de jardiniers installées depuis plusieurs générations attestent de la

pérennité de l'activité. Avec la montée de la pression urbaine ce sous-groupe peut-être assimilé à la

catégorie :

« fermiers qui ont été absorbés par la ville en expansion et qui adaptent leurs systèmes

agraires aux nouvelles possibilités urbaines, à la proximité des marchés avec de

meilleures opportunités de collectes d'informations sur le marché et la possibilité de

vendre directement aux consommateurs urbains ou aux commerces (frais ou transformé

incluant vente de rue). Malgré ces opportunités, certains conservent une vision rurale

et ont besoin de support pour s'engager avec les nouveaux marchés et les réseaux de

marchés. Les opportunités peuvent être contraintes par des changements négatifs, tels

que la perte de droits d'usage des terrains, l'augmentation de la compétition pour le

terrain face aux spéculateurs et aux industries, activités d'extraction et plus de

régulation urbaine, de contrôle et de pression politique .9»

Les jardiniers s'appuient sur les structures familiales pour l'exploitation de leur jardin. La

main d'œuvre est trouvée chez les membres masculins de la famille étendue. Dilek peut compter sur

ses quatre fils pour son exploitation (Entretien du 22.03). Cem travaille avec son frère et son oncle

(Entretien du 26.05). La présence des femmes dans les jardins est prégnante, bien que leur rôle soit

généralement différencié. Les normes culturelles définissent division des tâches et responsabilités.

A l'exemple de ce que décrit Thierry Boissière pour les jardins d'Homs et Hama en Syrie, les

femmes prennent en charge certaines activités. « Les femmes cueillaient et vendaient, fleurs,

écorces séchées des grenadiers, verveine officinale, bouse de vache séchée, feuilles de vignes, … »

(BOISSIERE 2005, p.286) et les feuilles de poireau séchées étaient utilisées pour nouer les bottes

de persil, les branches vertes des saules pour faire des tuteurs. Autour du jardinage toute une

économie domestique s'organisait. De nos jours les femmes ont à charge l'auto-consommation,

responsables de la confection des repas. Les repas sont préparés dans les cabanes et sont pris en

commun à l'intérieur ou à l'extérieur. Dans le jardin de Kemal au total 5 ou 6 membres de la famille

sont investis (Entretien du 28.02). Les employés sont souvent des couples.

9 RUAF, C1 : Agriculture under rural and urban conditions: some important differences

30

Page 31: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Ruraux en ville

Le travail est organisé de la même manière qu'à Kastamonu. Les jardiniers travaillent tous

les jours sauf en cas d'intempérie. Il y a toujours à faire au jardin. Lorsque les légumes sont mûrs, il

faut les ramasser. Pour assurer leur fraîcheur, la récolte n'a pas lieu plus d'un jour avant la livraison.

En été, la chaleur et le soleil contraignent toutes activités dans les cultures autour de midi. Les

tâches sont réalisées le matin de bonne heure et en fin de journée. Lorsqu'il fait froid, les horaires

sont inversés. A midi, les femmes s'occupent de la maison. La présence au jardin dépend de la vie

familiale. Ainsi un jardinier nous fait remarquer qu'il arrive tôt à 7h du matin car il vit seul et

préfère rester au jardin.

Un esprit de compétition amicale anime les jardiniers. Il faut faire bonne figure en étant

présent dans les jardins et tous se battent le titre de la meilleure production de tomates ou des

fruitiers les plus productifs.

« Le jardinage c'est addictif comme les cigarettes. Quand tu vois ton voisin se lever tôt

pour commencer, tu fais pareil.» (Mehmet Şengül, ODA PROJESI, ROMER 2009,

p.13 ) « Pour Recep, cette activité n'est pas seulement un moyen de survie bien que ce

soit la seule connue.» (Entretien du 22.04) « Ozgür trouve le travail trop dur en hiver.

Ils viennent juste de revenir au jardin. En hiver, ils vivent sur les récoltes de l'été. C'est

difficile mais c'est le seul travail qu'il connaisse.» (Entretien du 22.04) « On peut

s'organiser comme on veut. D'une certaine manière, tu dépends du jardin et le jardin

dépend aussi de toi.» (Entretien du 31.05)

En dehors de la nécessité économique, les jardiniers sont attachés à leur activité. Cependant,

l'activité repose sur le facteur humain soumis aux conditions météorologiques. Bien que soit

soulignée la difficulté du jardinage, l'activité n'est pas dépréciée. Cihan, qui s'est habitué à Istanbul

et y passera tout l'été, pense que le jardin est un bon moyen d'être indépendant, d'avoir son propre

espace, sa liberté. Les situations très précaires de certains jardiniers les rapprochent de la catégorie :

« Ménages très pauvres et souffrant d'insécurité alimentaire (incluant personnes âgées

sans pension,...) ces populations socialement exclues peuvent s'engager dans la

production alimentaire sur de très petites parcelles sur des espaces publics ou privés

vacants et autour de leur habitation .10»

10 RUAF, C1 : Agriculture under rural and urban conditions: some important differences

31

Page 32: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Beaucoup aspirent à de meilleures conditions pour leurs enfants. Mais d'autres ne doutent

pas que l'exploitation du jardin continuera dans leur famille ou pensent même à créer un autre

jardin.

« Dans le jardin de Halil, ils travaillent en famille. Le gain n'est pas suffisant pour

avoir un employé. Les femmes viennent l'été. Les six enfants vont à l'école et ils

espèrent qu'ils accèderont ainsi à une meilleure situation.» (Entretien du 10.06)

De la même manière, les jardiniers apprécient leur cadre de travail. « Ce n'est pas Istanbul.

On est comme à Kastamonu.» Les jardiniers sont producteurs de leur environnement qu'ils estiment

similaire à une image campagnarde. Le jardinage est une production spatiale.

« La famille de Cem dort parfois au jardin en été.» (Entretien du 26.05) « Recep évoqua

la belle odeur de la terre et la beauté de la verdure pour le regard. Les jardins affectent

le quartier de manière positive, aucune autre activité ne pourrait remplir cette fonction.

Les jardins permettent de prévenir de certains problèmes. » (Entretien du 31.05) Pour

Ibrahim, « c'est un paradis avec des tomates énormes, toutes sortes d'arbres.»

(Entretien du 9.03) « Dilek dit que les jardiniers travaillent de leur mieux pour pouvoir

garder la terre.» (Entretien du 22.03)

Les jardiniers s'attachent à ce que les jardins soient d'un aspect impeccable en les organisant au

cordeau. La présence des jardins est créatrice de bénéfices environnementaux (végétation,

management environnemental, management des déchets, management de l'eau)11. Les jardiniers

sont heureux de voir les passants manger leurs fruits.

« En fait, malgré la perception commune que l'agriculture urbaine à Istanbul est une

pratique amenée du monde rural par les migrants, aujourd'hui, les secondes et

troisièmes générations de Cide maintiennent une longue tradition stambouliote.»

(Kaldjian, ODA PROJESI, ROMER 2009, p.10)

11 RUAF, C3 : Review of the benefits of urban agriculture

32

Page 33: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Ainsi, cultiver les parcelles des murailles à Istanbul relève des enjeux spécifiques au cadre

urbain. Les familles d'immigrés de la mer Noire reproduisent leurs modes de vie ruraux en ville.

Cependant, le cadre urbain propose des opportunités diverses. Ainsi, des catégories différentes de

jardiniers se dessinent en fonction des capacité à se saisir des ressources urbaines et des expériences de chacun .

Cependant, l'homogénéité du groupe qui nous intéresse existe à travers l'activité de jardinage. De

plus, malgré le cadre urbain, ils perpétuent des systèmes d'entraide témoignant des sociabilités

propres à leur activité. En effet, le jardinage permet par l'intermédiaire de l'alimentation de

perpétuer des pratiques traditionnelles et familiales et d'intégrer le réseau urbain.

33

Page 34: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

SOCIABILITÉS ALIMENTAIRES

Le terme sociabilité décrit le « caractère des relations entre personnes » (LAROUSSE

2004). Y ajouter le terme alimentaire revient à établir que des formes de sociabilité se développent

autour de l'alimentation. Les jardins sont des espaces de vie et de pratiques sociales.

34

Illustration 6: arrosage, labourage, plantation de bulbes, oseille éclairci, enfants,

famille au jardin, dégustation de concombre, don de légumes

Page 35: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Convivialité et hospitalité

Un accord tacite structure les liens familiaux au sein des jardins. La famille et la lignée

profitent de l'auto-consommation. À la belle saison, les jardins sont un lieu favori de réunion

familiale. Les visiteurs sont nombreux le vendredi après-midi. Beaucoup de jardins possèdent des

arbres fruitiers, dont des figuiers, muriers, cognassiers, plaqueminiers. Leurs fruits sont destinés à la

consommation familiale.

Les enfants vont à l'école mais après la sortie scolaire, les jardins deviennent leur terrain de

jeu. Ils s'amusent entre frères et sœurs ou cousins. Ils accompagnent leur mère et participent aux

tâches ménagères. A partir du collège, la fréquentation des jardins est moins assidue. Ali est le seul

des trois enfants de la famille qui vient encore au jardin. Il aime aider et voudrait devenir avocat ou

agronome (Entretien du 26.05).

« Nous rencontrons Ümit alors qu'il ramassait des blettes avec un employé. Nous les

rejoignons dans la parcelle. Alors que nous sommes en train de discuter, une assiette

vole au dessus de nos têtes. Nous nous retournons du coté du trottoir pour découvrir un

bonhomme hilare, responsable de la blague. Cet épisode est exemplaire de l'atmosphère

qui règne à l'intérieur des jardins.

Après avoir échangé quelques banalités avec le farceur, Ümit nous conduit vers la

cabane, nous rencontrons sa femme et son beau-frère. Ce dernier part de suite acheter

de l'eau. Nous sommes invitées à nous asseoir. Nous posons quelques questions, aux

jardiniers qui vont et viennent. Au retour du frère, on nous offre du thé.

On nous invite à nous installer dans la cabane, où l'on découvre que l'on s'apprête à

manger. La télé est allumée et l'épouse nous parle de sa famille. Elle a trois fils et une

fille, et six petits-enfants. Le fils du beau-frère se joint à la tablée à son retour d'école.

Le beau-frère est veuf. Nous partageons le repas sur une grande table ronde, assis par

terre. A la fin du repas, nous découvrons, qu'ils venaient de manger il y a deux heures.»

(entretien du 22.04)

35

Page 36: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Il est difficile de voir les jardiniers à part au travail dans certains champs. Il y a tout un jeu

entre les espaces visibles et non visibles, de l'extérieur on ne qu'une partie des jardins. Les jardins

ne sont pas fermés, rarement clôturés, il y a pourtant une entrée et des sentes. Lorsqu'on y pénètre

un glissement progressif s'opère du public vers le privé. En effet, le plus souvent on passe de

l'espace de la rue au « territoire de l'intime » sans franchir porte ni barrière. Bien souvent, un

passage est ménagé pour franchir la murette et constitue l'entrée du jardin. Les espaces de vie sont

rarement visibles depuis l'extérieur alors que le jardin est un espace ouvert. L'accessibilité du

regard est barré par de nombreux haies vives, arbres fruitiers, clairevoies, treillages.

La visite ne va pas sans modification des comportements, mais elle n'empêche pas le

jardinier de continuer de travailler. Les jardiniers reçoivent plus de visites après la prière de l'après-

midi. Il n'est pas rare de trouver les uns chez les autres, les jardiniers se rendant visite entre-eux.

Celui debout travaille et le visiteur doit s'asseoir. A plusieurs reprises, lorsque nous avons essayé

d'aider cela a semblé perturber nos hôtes. Nous avons abandonné l'idée mais il s'agissait d'attacher

une botte de roquette avec un élastique, les jardiniers montrant de tout façon une dextérité

supérieure à la nôtre. L'observation fait partie intégrante de la visite et les jardiniers aiment montrer

leur application à la tâche. Lors d'une visite du jardin de Cem, les femmes s'étonnaient

« aujourd'hui, vous travaillez beaucoup.» (Entretien du 26.05)

Les jardiniers aiment faire la conversation et il est impossible de faire l'impasse sur les

thèmes du temps qu'il fait, de la famille, des origines, de l'occupation et de la politique. Nos

rencontres étaient également l'occasion de converser sur de sujets moins communs et leur

appréhension de la vie. Ainsi Nur nous disait « quand tu rencontres des gens humbles, tu dois en

être reconnaissant » (Entretien du 10.06). Dès lors que nous pénètrons dans le jardin et que nous

nousadressons au propriétaire, nous sommes rapidement inviter à boire le thé ou à manger. Parfois,

notre présence provoque une gêne. Nos interlocutrices demeurent timides.

« Özgür nous accueille mais répond « quoi dire? » à nos questions. Elle se déplace du

puits à la cabane. Elle nous fait du thé. Elle déplace les sièges au soleil pour nous. Elle

nous donne des légumes alors que nous voulons les acheter : menthe, salade, oignons

frais, oseille, salade. Elle nous montre les différentes cultures.» (Entretien du 22.04)

36

Page 37: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Il est souvent difficile de partir les mains vides à partir du moment où est montré un intérêt

pour les cultures. Et lorsque nous nous mettons d'accord avec les jardiniers pour acheter des

légumes, nous sommes très généreusement servi. Pour 5TL, nous repartons avec deux sacs remplis

de salades, roquette, oseille, bettes, persil, oignon et ail frais. À de nombreuses reprises, nous

sommes invités à revenir pour manger les tomates, quand les laitues seront plus grosses et mures.

Les fruits ne sont pas systématiquement récoltés, ils sont mangés sur l'arbre, et offerts aux visiteurs.

Solidarités intergénérationnelles et communautaires

La générosité des jardiniers s'exprime également dans les solidarités qu'ils entretiennent.

Dans les jardins, règne une atmosphère de bon voisinage.

Can nous confie « Il n'y a pas de conflit. Chacun doit s'occuper de son terrain et rester

occupé avec ça pour éviter les conflits. Ils semblent égaux en tant que voisins. Il y a

peut-être des conflits mais qui ne sont pas ouverts.» (Entretien du 22.03)

Certains membres de la famille peuvent être appelés lorsque le besoin se manifeste. Il s'agit

des membres les plus âgés, ils viennent au jardin régulièrement et soutiennent de manière

conséquente l'activité par leur disponibilité. Chacun prend une part active dans la vie de ces

proches.

« Si Burak, ne peut pas travailler, sa femme ou ses proches peuvent le remplacer. Ils

collectent de l'argent, trouvent différentes solutions. La solidarité de courte durée est

très efficace. D'autant plus que sur les autres parcelles, ils ont un frère de leur grand-

père et le frère de leur père. Il y a de fort lien de parenté.» (Entretien du 22.04) Ainsi,

« Cihan prévoyait de se faire opérer le 17 juin et de rester chez lui pendant 4 jours sans

que cela ne pose de problème, puisqu'il pouvait compter sur ses deux frères pour aider

au jardin.» (Entretien du 31.05) « Lorsque nous rendîmes visite à Özgür, elle attendait

le retour de son mari, parti rendre visite à son frère hospitalisé. Elle allait prendre le

relais au chevet du malade.» (Entretien du 22.04)

37

Page 38: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Le statut du jardinier semble s'accompagner d'une éthique des relations sociales. Selon

Cihan, « en travaillant dans les jardins, tu ne peux pas mentir, tu dois être honnête. Tu ne peux pas

trahir ou nuire à quelqu'un.» (Entretien du 31.05) Il arrive que les jardiniers offrent de la nourriture

face à la mendicité. Cette pratique les rend d'autant plus révoltés lorsqu'on chaparde dans leurs

cultures.

« Alors que nous racontions la scène de vol, deux femmes se servaient depuis le trottoir

dans les cultures alors que les jardiniers de l'autre côté des murailles les houspillaient,

Emel nous dit qu'elle se demandait si leurs voleurs arrivaient à bien dormir. Si c'est un

problème d'argent, ils peuvent demander et ils donneront des légumes gratuitement.

Elle dit qu'il y a beaucoup de vols, que cela se produit quotidiennement. Elle n'a pas

peur de courir après les voleurs et de les chasser à coups de pieds lorsqu'elle les

attrape.» (Entretien du 4.04) Cela semble plus inquiétant pour le sentiment d'insécurité

que cela engendre que pour la perte d'argent. « Ahmet nous prévient que certains

jardiniers peuvent ne pas être très bavards car les gens se méfient de plus en plus. Cela

peut venir de jalousie, ou d'histoires qui peuvent remonter jusqu'à Kastamonu. De plus,

à cause des vols, les gens ont de plus en plus de mal à se faire confiance.» (Entretien du

26.05)

Sous l'influence de changements socio-économiques du contexte urbain, il y a souvent un faible

niveau de confiance entre les ménages qui participent à un sens d'insécurité. Le vol des produits est

beaucoup plus commun dans les aires urbaines que dans les aires rurales.

Ainsi, le cadre urbain augmente le sentiment d'insécurité des jardiniers. Malgré

l'individualisation des parcours migratoires de chacun, les jardiniers mettent en œuvre des

sociabilités similaires, tributaires des sociabilités de leur milieu rural antérieure mais également

d'une culture de migrants, d'une culture urbaine et professionnelle.

38

Page 39: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

CONCLUSION

L'unité parcellaire nous a permis de mettre en avant les similarités qui unissent l'ensemble

des jardiniers. Dans chaque jardin, se retrouve une famille qui se présente comme originaire de

Kastamonu. Les jardiniers mettent en œuvre au quotidien des techniques et savoirs-faires transmis

par leurs parents pour produire avec un minimum de ressources et de coûts. Autour de cette activité

apparaissent des pratiques d'entraide, de don, d'hospitalité. La familiarité de la pratique agricole leur

permet de mettre en valeur un patrimoine familial, tous s'adaptant aux exigences d'un nouveau cadre

de vie.

LOCALISATION : péri-urbain selon critères administratifs, urbain selon

critères spatiaux ; espace public vacant à l'intérieur de la ville

TAILLE: environ 1 ha

MOTIVATIONS PRINCIPALES : création de revenu, auto-consommation

PRODUITS : légumes à feuilles, herbes aromatiques

FACTEURS DE PRODUCTION : capital humain de main d'œuvre et de savoirs

TYPES DE PRODUCTEUR: migrants de la mer Noire

SAVOIRS : traditionnels, non organisés

CONTEXTE DE SOCIALISATION : intégrés au quartier, mais identifiés comme

migrants

Tableau 6: Principales caractéristiques des jardins des murailles

39

Page 40: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

La zone agricole a joué le rôle d'espace de transition socio-professionnelle. En devenant

jardinier, les migrants ruraux se rapprochent de la condition citadine. Par l'intermédiaire des

solidarités, les jardiniers s'intègrent. Leur groupe constitue un noyau qui leur donne les moyens de

trouver un travail, d'adapter leurs compétences. Cet entourage crée un milieu sécurisé. Au contact

de la culture urbaine, ils réorientent leur activité vers une production commerciale. Les sociabilités

sont ré-activées dans le cadre de l'arrachement puis ré-inventées et métissées au contact du contexte

urbain.

L'intégration est définie de manière générique comme l'« action d'intégrer quelqu'un ou

quelque chose, fait de s'intégrer, faire entrer dans un ensemble plus vaste, incorporer, inclure » et

l'assimilation est l'« action et résultat de fondre des personnes dans un groupe social, de les doter

des caractères communs à ce groupe » (LAROUSSE, 2004). Par leurs modes de vie, leurs activités,

il est difficile de défendre l'assimilation des jardiniers mais ils sont intégrés à un groupe dont les

pratiques sont interdépendantes du quartier environnant. Les enfants des jardiniers poursuivent leurs

études et exerceront d'autres métiers. Le retour au pays, n'est plus systématique.

« Finalement, les usages informels, et en particulier les usages stables, jouent à la fois

un rôle de soupape et d’intégration sociale, à l’échelle de la ville. Présentés de façon

explicite comme des facteurs de désordre, ils représentent, dans les faits, des formes

d’équilibrage qui contribuent à reproduire l’ordre urbain, le contexte normatif

dominant. » (DORSO 2008, p.261)

Les jardins des murailles se ressemblent, ils produisent en deux saisons des légumes frais.

Les jardiniers mettent en oeuvre des méthodes traditionnelles en ayant recour aux techniques et

outillage moderne lorsque nécessaire. De la même manière, les sociabilités prennent une place

important au jardin et préservent des modes d'interaction entre les personnes pratiques dans le

milieu rural. Le potentiel principal de l'activité de jardinage concerne le développement économique

domestique. En effet, le motif d'immigration d'une zone rurale vers la ville est économique.

L'activité assure également la sécurité alimentaire urbaine et la nutrition ainsi que la promesse d'une

intégration réussie. A l'image de l'intégration spatiale des jardins dans la ville, il s'agit d'une

intégration douce et discrète. Les jardins s'adaptent à la topographie, s'insèrent dans l'existant alors

que l'aménagement urbain, relève bien souvent de la transformation et conduit à une modification

radicale du paysage urbain. Les jardins conservent une zone verte à l'intérieur et autour de la ville et

maintiennent certaines zones sans bâtiment. L'intégration au système urbain des jardins produit une

différencitation des situations des jardiniers.

40

Page 41: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

PARTIE 2

CULTIVER LES MURAILLES

Page 42: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

INTRODUCTION

Illustration 7: Plan d'ensemble de la zone maraîchère

42

Page 43: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

D'après les maraîchers, la zone cultivée « est un site historique qui inclut des jardins »

(entretien du 22.03). En effet, les jardins maraîchers se situent le long des murs de la capitale

byzantine, à l'extérieur de la ville historique. L'espace qui nous intéresse est un espace péri-urbain.

Selon une description spatiale, il s'agit d'une frange urbaine, qui fait bordure avec l'urbs historique.

Des jardins se trouvent sur les quatre kilomètres de la moitié sud de la muraille. Physiquement, cette

frange urbaine s'appuie sur les murailles qui enserrent des quartiers densément bâtis. La hauteur des

fortifications isole les maraîchers de l'intérieur de la ville. La rupture visuelle crée une sorte d'îlot de

jardins. Ils sont bordés à l'ouest par une route à quatre voies au trafic soutenu, 10 Yıl Caddesi. Un

large trottoir sépare la route et les jardins. La zone des murailles est un espace privilégié pour les

raccourcis et les transferts lors de déplacements inter-modaux. A proximité de Yedikule, on trouve

deux gares ferroviaires, ainsi qu'un terminus de minibus. Des arrêts d'autobus longent les murailles.

A Topkapı, on trouve un terminus de minibus, un arrêt de tramway et de métro-bus.

Le contact avec la ville historique se fait par l'intermédiaire des portes percées. Sur la partie

de la muraille qui nous intéresse, elles sont au nombre de cinq : Top Kapı, Mevlevihane Kapı,

Silivri Kapı, Belgrad Kapı et Yedikule Kapı. Dans les années 1950 des percées routières sont

opérées : la pénétrante de Topkapı (Millet Caddesi), et la route qui longe la mer de Marmara

(Kennedy Caddesi) (DORSO 2008, p.17). Ces portes sont synonymes d'une forte intensité de

circulations automobiles et piétonnes. Le percement de la voie ferroviaire a lieu en 1870, près de

Yedikule, pour construire la voie ferrée reliant Istanbul à la Thrace et a permis une prise de position

sur la sauvegarde de la Muraille terrestre.

43

Page 44: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Illustration 8: carte postale des années 1930, fond

iconographique de l'IFEA

Les murailles ont été construites durant le règne de l'empereur Théodose II (408-450) en

réponse à l'expansion de la ville, qui avait dépassé les murs du IVème siècle par Constantin le

grand. Elles sont constituées de deux lignes de remparts avec des tours, percées de portes

monumentales s'étalant sur une largeur de 70m12. Selon Tuğba Tanyeri-Erdemir le fossé aurait

« tenu un rôle principal dans l'approvisionnement en légumes de la capitale à travers les siècles»

(ODA PROJESI ROMER 2009, p.7). En effet, les maraîchers bénéficient d’un décret (firman)

datant de la période ottomane qui les autorisent à cultiver dans le fossé comblé ou, à certains

endroits, dans les périboles (DORSO 2008, pp.190-191). Déjà au Vème siècle, l'Édit de Théodose,

autorise le stockage des outils agricoles à l'intérieur des tours des murailles. Au XVIIIème siècle, un

prêtre italien rapporte avoir été chassé des vergers par les maraîchers alors qu'il souhaitait copier

une des inscriptions inscrites sur les murailles.

12 D'est en ouest (intérieur de la ville vers extérieur de la ville) se trouvent: un mur intérieur de 12 m de haut renforcé

de 96 tours, premier péribole de 20 m de large, un mur extérieur de 8 m de haut avec 82 tours, second péribole de 12

à 15 m de large, un mur d’escarpe crénelé de trois m de haut, fossé d’une quinzaine de mètres de largeur, mur de

contre-escarpe. (DORSO 2008, p.43)

44

Page 45: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Sur les 26 kilomètres de long des murailles d’Istanbul dites de Théodose II, entourant

l’ensemble de la péninsule historique, il ne reste aujourd'hui que les sept kilomètres terrestres de la

mer de Marmara, au sud, à la Corne d’Or, au nord. Durant 15 siècles, la taille de la ville a beaucoup

évolué. En 1453 (conquête par Mehmet II), la ville ne comptait plus que cent mille habitants, alors

que la cité avait pu atteindre le million par le passé (DORSO 2008, p.49). Au XIXième siècle, la

muraille perd son rôle défensif, l'entretien est abandonné et les fossés sont définitivement comblés.

Tanneries, jardins maraîchers, pâtures,... s'installent dans les espaces vacants. L'aspect bucolique et

pittoresque du site est mis en valeur dans les gravures, aquarelles puis cartes postales.

Jusqu’aux années 1950, la muraille contient la ville. Malgré la définition d'une zone non

aedificandi de 500 m du côté extérieur et de 80 à 100 m du côté intérieur, vouée aux espaces verts

de Henri Prost en 1944 (DORSO 2008, p.18), l'urbanisation galopante rattrape les murailles puis

conquière tous les espaces libres. Les photos aériennes rendent compte de l'évolution de l'espace.

45

Illustration 9: photo aérienne de 1946 et 1957, fond iconographique de l'IFEA

Page 46: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

En 1966, des maraîchers s’installent de Silivri Kapı à la mer de Marmara. Sur la même zone,

de nombreux jardins se créent à l'intérieur et à l'extérieur des murailles. À l'extérieur se trouvent

également des jardins près de Top Kapı. En 1982, les maraîchers des murailles rétrécissent. Ils ne

dépassent plus Yedikule et sont interrompus autour de Belgrad Kapı. Une restauration a lieu sous

le mandat de Bedrettin Dalan (1984–1989), elle a pu nuire aux productions, les jardiniers nous

ayant signalé le non respect des cultures durant les travaux successifs (restauration, éclairage,

construction)13. Les jardins à l'extérieur de la muraille tendent à disparaître. Dans les années 1980,

les terrains occupés principalement par des Albanais furent nationalisés. Le terrain appartient

aujourd'hui à la Municipalité Métropolitaine d'Istanbul (İstanbul Büyükşehir Belediyesi ), ce qui en

fait un espace à part. Les différentes parcelles de jardins sont identifiées comme un seul ensemble

sur le cadastre. Les parcelles ont été organisées sous le mandat Nurettin Sözen (1989–1994). Le

système de loyer fut institué sous le mandat de Recep Tayyip Erdoğan (1994–1998) (entretien du

22.03). En 1995, la murette entre les jardins et la route entre Mevlevihane Kapı et Belgrad Kapı fut

construite, ce qui explique qu'elle ne borde pas tous les jardins. En 1998, la bande des jardins

commence à Mevlevihane Kapı et s'étend jusqu'à Yedikule Kapı.

En 2009, la dalle de Top Kapı est construite, les jardins s'étendent depuis Top Kapı au

niveau de l'entrée du tunnel autoroutier jusqu'à la voie de chemin de fer. A l'intérieur on ne trouve

plus que quelques jardins autour de Belgrad Kapı. Sous l'effet de l'urbanisation,

l'institutionnalisation de la location des terrains et l'arrivée des migrants de la région de la mer Noire

sont favorables à la systématisation du maraîchage sur la frange urbaine.

La prédilection des activités agricoles sur cet espace peut s'expliquer par la présence d'un

système d’adduction d’eau qui alimentait le fossé. Aujourd’hui comblé, il n'empêche qu'il irrigue

cet espace pendant des siècles grâce à un système de retenues et de captage d’eau. L'eau est présente

en sous sol à 20 m de profondeur. Les jardiniers remarquent « qu'autour des murailles l'eau est plus

propre». Durant la Seconde croisade, un croisé décrivant brièvement les vergers autour des

murailles note qu'ils irriguent avec de l'eau transportée par des canaux souterrains. Un vieux

jardinier se rappelle que dans son enfance de l'eau venant de la base des remparts était perceptible

(ODA PROJESI, ROMER 2009, p.17). La construction des douves semble avoir favorisé

l'accumulation de l'eau à cet endroit.

13 Leur cabane a été détruite à trois reprises depuis leur installation en 1981 (entretien du 22.03)

46

Page 47: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Dans cette partie, notre échelle spatiale sera celle de l'aire des maraîchers. Grâce à la

présence des maraîchers, cette frange urbaine s'inscrit dans une longue tradition de productivité

participant au système alimentaire urbain. « L'agriculture urbaine n'est pas simplement un

phénomène temporaire amené en ville par les immigrés des campagnes. Au contraire, elle fait

partie intégrante du système urbain économique et écologique qui utilise les ressources

caractéristiques de la ville. » (ODA PROJESI, ROMER 2009, p13). Cependant, l'espace

patrimonial des murailles est à l'origine de relations conflictuelles entre les acteurs qui mettent en

danger la pérennité de l'exploitation maraîchère. En effet, cet espace est soumis à une dynamique de

rénovation urbaine.

47

Page 48: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

MARAÎCHAGE

Le maraîchage est une activité économique appartenant à l'horticulture14 qui désigne la

branche de l'agriculture consacrée à la culture de plantes potagères ou ornementales. En Turquie, on

parle de bostan. Le terme perse désigne littéralement l'espace de production agricole de légumes et

herbes aromatiques excluant vergers, buissons à fruits et céréales (ODA PROJESI, ROMER 2009,

p.7). Il est établi que dans les années 2000, plus de 1000 bostans sur 1000 ha de terrains sont encore

en activité (KALDJIAN 2004, p.2). Ces jardins produisent depuis des siècles dans l'aire

métropolitaine ou non loin du centre historique de la ville. Cette culture maraîchère est liée au

contexte urbain et à la culture citadine. Bostan et bostanci appartiennent à la culture de tous les

jours, berceuse : “Kov bostancı danayı, yemesin lahanayı” (Maraîcher ! Chasse le veau d'ici, ne le

laisse pas manger le chou!).De petites tailles, ces productions urbaines, ressemblent à de micros

unités avec une culture horticole intensive. Ainsi, les jardins de la muraille s'inscrivent dans une

tradition propre à la ville d'Istanbul et remarquable de la culture turque.

Produits de haute qualité

14 latin hortus (jardin) et cultus (culture)LAROUSSE 200448

Illustration 10: Balance de Roberval, chariot ambulant, camion de maraîcher

Page 49: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

La production des bostans est de qualité, intensive et diversifiée. Avant la Seconde guerre

mondiale les maîtres du maraîchage sur cet espace étaient Grecs, Arméniens, Albanais ou Bulgares.

Les migrants de Cide se font employer dans leurs jardins. Ils héritent des terres dans les années

1980. Ils deviennent également des vendeurs sur les marchés ambulants, travaillent pour

l'approvisionnement des restaurants du quartier, alors que leurs prédécesseurs ne vendent qu'en

gros. Au lieu de ne vendre que ce qu'ils produisent, petit a petit, ils vendent les légumes achetés sur

le marché de gros (KALDJIAN 2004, p293). A Kastamonu, l'activité agricole n'amenait que très peu

de retombées financières. Elle était essentiellement vivrière, déplacée à Istanbul, les ruraux se

lancent dans une activité différente. Ils cherchent à obtenir un salaire et de la nourriture, ce sont à la

fois des producteurs et des vendeurs. Dans chaque parcelle, un propriétaire-chef de production

prend les initiatives. Lorsque des employés travaillent sur la parcelle, la gestion peut être similaire à

celle d'une entreprise. Le propriétaire est en charge de la prise de décision et les rôles de chacun

sont organisés selon une structure verticale.

Le travail des maraîchers comprend la production, l'emballage des produits mais également

la vente et l'achat en gros : graines, plants, légumes.

49

production alimentaireachatventeemballage

Illustration 11: Les différentes secteurs

d'activités des maraîchers

Page 50: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

jardin Nombre de personnes investies Vente Achat

Famille Salariés Sur

place

Extérieur

2 7-8 : 2 frères, 2 cousins,

oncle et tante

marché

3 5-6 : 2 frères + oncle 5 marchés ( marché

« européen » couvert

de Baylıkduzu)

Produits

d'Antalya ou

d'Izmir

4 4 : frères + parents 3 marchés

5 Propriétaire couple Revente à un vendeur,

chariot abandonné

En gros à

Essenler

7 2 pas les femmes

8 famille aucun Chariot, revendeur En gros

9 Mari et femme, oncle et

neveu

2 couples Différents marchés

10 5 ou 6 2 marchés Topkapı

11 3 ou 4 1 ou + En gros et marché de

Zeytinburnu

12 Homme seul stand

13 Mari et femme, fils 3 stand Restaurants du

quartier

14 été Mari et femme, frère Panier dans le quartier

16 propriétaire Couple Findikzade vendredi

18 famille 2

Tableau 7: Types de maraîchers selon personnes investies dans les jardins et mode de

vente et achat des produits

50

Page 51: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Illustration 12: préparation des radis

Pour s'insérer sur le marché urbain, les maraîchers produisent pour une « niche »

commerciale. «On fait pousser ce qui se vend le plus. » Les produits périssables tels la verdure et

les herbes aromatiques sont préférés. Ils doivent montrer une réactivité face à la clientèle. « Les

consommateurs ne veulent pas de trop grosses tomates car elles sont issues de plants OGM »

(entretien du 26.05). Les jardiniers doivent donc surveiller leur croissance et sélectionner des

variétés dont les fruits ne sont pas trop gros. Les jardiniers présentent volontiers leur production

comme biologique « organik » et mettent en valeur le fait que les légumes sont produits sur place. A

la quantité est privilégié la qualité. La culture de petites surfaces permet de mieux surveiller la

qualité des produits et d'apporter les soins nécessaires au moment opportun. Entre la récolte et la

vente, les légumes doivent être rendus présentables, ils sont « culturés ». Toutes ces étapes

participent à élaborer un produit de grande qualité afin d'obtenir les marchés les plus intéressants.

RÉCOLTE CONTRÔLE PRÉPARATION CONDITIONNEMENT TRANSPORT VENTE

les feuilles

fanées ou

tachées sont

jetés, les

légumes sont

calibrés

les légumes

sont lavés et

nettoyés

Les légumes sont

attachés par bottes,

rangés dans des

caisses de transport

en bois ou plastique

en camion,

voiture de

type

estafette,

charrette ou

panier

Au jardin,

sur les

marchés ou

à un

grossiste

Tableau 8: De la récolte à la vente

51

Page 52: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Tous les maraîchers ne sont pas égaux, certains disposent davantage en terme d'expérience

mais également de main d'oeuvre et d'emplacement sur le marché. Ainsi, des tactiques sont à

l'œuvre pour rentabiliser la production.

Intégration au système urbain

Par son activité économique, le groupe des maraîchers prend part au système urbain. Loin

d'être exclu de la société urbaine, il perpétue une tradition institutionnalisée qui participe à la

culture citadine. Il est en contact avec la ville par l'intermédiaire des ventes et des achats. Eminönü

a été le lieu d'intersection entre les maraîchers et les réseaux commerciaux et reste encore

important pour le marché des semences, outils et autres fournitures.

La moitié des maraîchers habitent dans les tours de l’arrondissement voisin de Zeytinburnu, type

d'habitat qui symbolise la modernité urbaine. D'autres habitent dans des arrondissements plus

éloignés tels que Çatalça ou Tepebağ. Une famille habite de l'autre coté des murailles.

L'activité de maraîchage dépend de l'accès aux ressources. Pour les maraîchers, la viabilité

de leur entreprise dépend de facteurs extérieurs à l'activité. Quelques familles de jardiniers

possèdent des assurances maladies. Dans ce cas, ce sont les enfants et les femmes qui sont couverts

de préférence.

RESSOURCES ACCÈS QUALITÉ

TERRE oui Mauvaise sans amendement

EAU De mois en moins disponible Contrôlée par la municipalité

ÉLECTRICITÉ oui bonne

INTRANTS disponible Mauvaise

MAIN D'ŒUVRE Oui et non Non connu

PROTECTION SOCIALE peu Non connu

Tableau 9: Sécurité des ressources agricoles

52

Page 53: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Le maintien des jardins sur une longue période ainsi que l'emprise foncière de la muraille

permettent d'avoir un minimum de garanties concernant la qualité des sols et de la nappe

phréatique. Cependant les jardiniers remarquent des fluctuations du niveau d'eau et suspectent de

nouvelles ouvertures de puits. A terme, ces dernières menaceraient la ressource hydraulique. Les

derniers jardins installés, ont dû déblayer des poubelles à ciel ouvert pour installer leur activité.

Malgré le déblaiement des déchets et l'apport de terres cultivables, une contamination a pu avoir

lieu. Malheureusement, nous disposons de peu d'éléments concernant la pollution des sols. Quant à

la pollution atmosphérique, les jardiniers remarquent que « la productivité décroît à cause de la

pollution. Il y avait moins de trafic sur la route et les légumes avaient l'air plus frais» (entretien du

26.05) Il est également à souligner que la pollution sonore est très importante à proximité de la voie

routière qui longe les jardins, il est difficile d'y tenir une conversation.

Le maraîchage est un système de production urbain pour servir des marchés spécifiques.

Dans le modèle de zonage appliqué à l'agriculture de l'économiste allemand Johann Heinrich Von

Thünen, créé en 1826, l'organisation spatiale de cette économie est définie rationnellement. La

localisation des activités agricoles dépend du rapport entre le coût du foncier et le coût du transport.

Le maraîchage et la production fruitière sont placés à proximité du centre urbain. Le potentiel de

cette rente économique de proximité est repris dans le cadre la lutte pour la sécurité alimentaire.

53

Illustration 13: photo panoramique depuis la Foteresse de Yedikule vers le nord

Page 54: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

« Dans nombre de pays en développement, l'horticulture, en particulier la production

de légumes, a pris de l'ampleur dans les villes et aux alentours en tant qu'activité

informelle pratiquée par les habitants pauvres et sans terre. Grâce à la grande diversité

des espèces horticoles, il est possible, toute l'année, d'avoir une production, un emploi

et des revenus. Les personnes qui pratiquent cette activité ont réalisé que l'horticulture

intensive peut être conduite sur des petits lopins de terre, en utilisant efficacement les

ressources limitées en eau et en terre. Contrairement aux autres cultures vivrières, les

espèces horticoles ont un potentiel productif considérable et peuvent fournir jusqu'à 50

kg de produits frais par m2 et par an selon les techniques utilisées. Par ailleurs, elles

ont un cycle court de végétation et peuvent donc représenter une solution rapide pour

satisfaire les besoins alimentaires d'urgence (plusieurs espèces peuvent être récoltées

entre 60 et 90 jours après les semis). Les légumes à feuilles permettent de gagner

rapidement de l'argent et d'acheter des aliments pour la famille. Ils sont

particulièrement périssables et les pertes après récolte peuvent être considérablement

réduites lorsque les consommateurs sont proches du lieu de production.» (FAO, 1999

p.9)

54

Illustration 14: Modèle d'utilisation du sol de J.H. Von

Thünen

Page 55: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

L'approvisionnement en légumes frais n'est pas la seule fonction remplie par les maraîchers.

Les maraîchers remplissent une mission d'entretien de l'espace et participent à la mise en ordre de

l'espace. Sur les jardins, des chiens sont présents et manifestent cette fonction.

« Les bostancıs ont embelli un grand nombre d'hectares de terrains et jouent un rôle

similaire aux « park ranger ». Par leur présence constante et leurs actions productives,

ils patrouillent et surveillent leurs parcelles, repoussant les activités illégales et

indésirables, qui peuvent inclure déchetterie sauvage, construction non permise et

activité criminelle.» (Kaldjian ODA PROOJESI, ROMER 2009, p.10)

Les bostans ont perdu leur fonction globale d'alimenter l'ensemble de la population urbaine

d'Istanbul. Il fut un temps où l'on ramassait les mûres à Sisli, devenu aujourd'hui un centre

d'affaires. Petit à petit, un déplacement s'est opéré vers une fonction plus réduite et particulière

d'alimenter le quartier environnant et certains réseaux15. Ainsi, ce que le jardinier ne peut donner en

quantité, il semble le gagner en variété et en qualité. En dehors de la participation au système

alimentaire urbain, le maraîchage est intégré à l'économie urbaine et à son système écologique. Le

maraîchage est en compétition foncière avec d'autres fonctions urbaines, combiné à d'autres services

tels que les espaces verts récréatifs et est soumis aux outils de régulation urbains.

15 À l'exemple de ce que décrit Thierry Boissière en Syrie dans BOISSIERE 2005, p 35855

Illustration 15: Suppression des déchetteries sauvages et contrôle de l'espace cultivé avec les

chiens

Page 56: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

LES INSTITUTIONS

Malgré un bon fonctionnement de leur activité de maraîchage et leur expérience de la

pratique du jardinage, les maraîchers des murailles ne bénéficient pas d'une valorisation sociale de

leur production spatiale. Le cadre institutionnel et politique leur est défavorable. Leur principal

interlocuteur (le seul qu'ils évoquent lors des entretiens) est la municipalité métropolitaine

d'Istanbul. Les pouvoirs publics sont propriétaires des terrains et semblent disposer des pleins

pouvoirs. La situation d'occupation est régulée par le paiement d'un dédommagement. En terme de

rapports de force, le jeu est en défaveur des jardiniers. L'imposition, le peu de négociations créent

des tensions et des oppositions, ce qui n'empêche pas la cohabitation et la coexistence de

représentations et d'intérêts divergents. Ainsi, l'unité sociale des maraîchers peut se saisir de

potentiels évolutions et marges de manoeuvre.

Relation descendante

Les jardins maraîchers sont des propriétés publiques. Les terrains appartiennent à Istanbul

Büyükşehir Belediyesi, la municipalité métropolitaine d'Istanbul. A l'intérieur des murailles, on

trouve la municipalité de Fatih et à l'extérieur celle de Zeytinburnu. Au niveau administratif,

l'espace est déterritorialisé, sorti de son cadre physique.

La Municipalité métropolitaine d'Istanbul est créé en 1984 suite aux réformes de

décentralisation. Elle est compétente dans les domaines de la planification urbaine, de la

construction immobilière et maîtrise le patrimoine foncier public. Pour se faire, elle dispose d'un

budget considérable (5 milliards de livres turques / TL en 2009, soit environ 2,5 milliards d’euros

(FLEURY 2010)).

56

Page 57: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Nous l’avons vu, l'organisation des jardins est postérieur à la mise en culture de ces derniers.

Le processus de régulation est similaire à ce qui a été fait avec l'habitat spontané gecekondu. Après

1980, le gouvernement distribua des amnisties à certains gecekondu, les autorisant à construire des

étages pour installer une activité commerciale au rez-de-chaussée. Cela favorisa l'entrepreneuriat

dans un contexte de crise économique et calma les revendications naissantes de légitimation. Dans

les années 1990, le gouvernement commença à effrayer la population. Les terrains construits

acquirent de fortes potentialités foncières. Les gecekondu devinrent les cibles des investisseurs

privés et agents immobiliers qui y trouvèrent de bonnes localisations avec des populations sans

droits légaux. L'işgaliye est une sorte de loyer bricolé. C'est un dédommagement qu'ils paient à titre

d'occupation des terrains. Les jardiniers les plus anciennement installés comptent sur une loi qui

attribue les terrains occupés depuis plus de 50 ans à leurs occupants (entretien du 22.04). Cette loi

leur permettrait de valoriser le fait de la postérité de leur occupation à la régulation institutionnelle.

Les jardiniers semblent être loin de maîtriser le système institutionnel qui régule leur

activité. En effet, à chaque fois que nous avons essayé de comprendre comment sont payés les

loyers, les explications fournies ont été plus alambiquées les unes que les autres. Plusieurs noms

organisent ces différentes institutions pour paraître plus démocratique. Il est certain que les

jardiniers paient un loyer par virement bancaire au Trésor Public. Il nous est possible d'établir les

faits suivants : lors du premier paiement, la municipalité se déplace pour faire remplir un formulaire

qui permet d'enregistrer les maraîchers (entretien du 25.05). Le paiement s'effectue après réception

d'un courrier qui indique le montant de l'işgaliye, la date de paiement et le numéro de compte à

créditer. Il semble que le montant à payer soit en augmentation. Les chiffres communiqués vont de

2000TL par an à 750TL par mois (entretien du 26.05). Le paiement s'effectue une fois par an mais

sur d'autres jardins, il semble mensuel. La tendance générale s’oriente vers l'augmentation du

montant et de la fréquence du paiement.

57

Page 58: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les jardiniers forment un groupe relativement stable et homogène culturellement. Cependant

c'est une communauté qui ne s'est pas formalisée en réseaux de voisinage ou en association de pays.

Ces circonstances rendent les interventions et l'organisation des producteurs urbains bien plus

difficiles. En effet, les rapports sociaux en dehors des jardins sont individualisés. Il est difficile de

s'adresser aux institutions dans le cadre de rapports individualisés. Les procédures d'intervention

sont lourdes. Une sorte d'indifférence est manifestée à leur encontre. Il ne nous a pas été possible de

trouver d'interlocuteur au sein de la municipalité. Peu de cas est fait de leur valorisation des

délaissés de la muraille.

« Les discours institutionnels semblent très partagés : pour certains les jardins

participent à un usage anormal des lieux, mais d’autres reconnaissent l’ancienneté de

leur présence. Plus rares sont les discours qui leur reconnaissent une fonction

d’entretien du rempart.» (DORSO 2008, p.185)

58

Illustration 16: serres cachées par le mur en bordure de route, construction bâtie végétalisée, dépôt

à l'intérieur des murs, stationnement toléré seulement durant les événement sportifs au stade voisin

Page 59: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

INTERDICTION D'HABITERINTERDICTION D'INSTALLER DES ÉQUIPEMENTS

FIXES

INTERDICTION DE STATIONNEMENT OBLIGATION ESTHÉTIQUE

Tableau 10: Restrictions d'İstanbul Büyükşehir Belediyesi pour les jardins maraîchers

L'utilisation non acceptée de la terre est contrainte par des restrictions importantes

concernant l'usage des terrains. Ainsi, les constructions en dur sont interdites. Seul un cabanon est

toléré, dont la taille doit être réduite et la présence discrète. La présence de serres est autorisée

seulement à l'intérieur des murailles, elles ne doivent pas être visibles depuis la rue. L'apparence des

jardins depuis la rue doit être parfaite afin de ne pas créer de pollution visuelle. Les jardiniers sont

poussés à utiliser des produits chimiques pour désherber leur parcelle et ses abords. Ce système de

tolérance soumet les jardiniers à l'appréciation des représentants de la municipalité. L'apparence est

contrôlée sporadiquement mais de manière efficace. En cas de conflit, de l'argent peut être donné à

la police (Zabita). Cette pratique provoque un sentiment de méfiance et même de suspicion chez les

jardiniers. Les méthodes employées passent par l'intimidation.

« Si quelqu'un n'aime pas l'apparence des jardins, il peut en informer la mairie.»

(entretien du 2.06) « Lors de notre première rencontre avec Recep, il émit une réserve

pour répondre à nos questions. Il était effrayé que les informations transmises puissent

être utilisées contre eux par la municipalité et nous confia s'être fait insulté par la

municipalité à plusieurs reprises à cause d'un prétendu mauvais entretien de sa

parcelle » (entretien du 22.04).

Dans le cadre urbain les structures sociales se modifient. Les changements qui

accompagnent l'immigration amènent une modification des habitudes et pratiques et individus. A

terme, une culture métissée en résulte. Par exemple, les maraîchers recourent plus frequemment à la

religion. La pratique religieuse devient plus assidue. Cette communauté des jardiniers cache une

diversité de situations économiques et sociales.

59

Page 60: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

« Nur apprécie les animaux car, dit-il, on peut être sûr d'eux, on peut leur faire

confiance. Il pense qu'à cause du stress, toute amitié peut disparaître.» (entretien du

10.06) « Lors d'une de nos visites, nos hôtes tentèrent de nous convertir à l'Islam. Ils

devinrent plus religieux lorsqu'ils arrivèrent à Istanbul en 1978. » (entretien du 22.03)

Malgré une procédure à sens unique, certains tentent des actions de négociation et en dernier

recours d'imposition. Sur le territoire des murailles, certains jardiniers ont pris position. A chaque

fois, l'incitateur a été l'augmentation exponentielle du loyer. Les causes peuvent être de différentes

natures. Les maraîchers peuvent être accusés de prendre trop d'espace ou regretter de payer un loyer

annuel pour une occupation saisonnière. Cependant, ces actions sont limitées à cause de l'isolement

qu'elles induisent et le renoncement n'est jamais bien loin.

Emre confie « Ils travaillent du mieux qu'ils peuvent pour garder leurs terres. S'ils ont à

partir, ils partiront.» (entretien du 4.04) Ahmet Öztürk, raconte « s'être retrouvé en face

de trente personnes de la municipalité après avoir transformé un terrain en jardin. Ils

l'ont fait se déplacer dans leurs bureaux et il a reçu une amende. Il a décidé d'écrire

aux services de la propriété nationale et son initiative a été appréciée. Il a continué à

cultiver sa terre. Il souffre encore de la pression des services municipaux mais il veut

garder la terre et la cultiver pour l'honneur de son père et grand père. » (ODA

PROJESI, ROMER 2009, p.7)

Territoire de l'indicible

Depuis l'abandon de l'entretien des murailles au XIXème siècle, l'imagination populaire s'est

emparée des murailles pour les accuser d'être une zone de pratiques libératoires, en dehors des

mœurs et des bien-pensants. L'imaginaire construit est celui d'un lieu échappant au contrôle de la

société et à la censure sociale. Symboliquement, les murailles apparaissent comme une zone

défouloir.

Nous l'avons vu, sur la zone des jardins, les maraîchers participent à une mise en ordre sociale et

spatiale de l'espace. Si cette portion de la muraille est envisagée comme un lieu indécis, on réfute

l'appropriation spatiale des maraîchers et l'accaparement symbolique des institutions.

60

Page 61: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

RELATION À L'ESPACE MARAÎCHERS INSTITUTIONS

LÉGITIMITÉ D'usage Légale

APPROPRIATION Matérielle Symbolique

APPRÉHENSION Partielle Globale

INTERVENTION Immédiate Abstraite

FONCTION Production Touristique

Tableau 11: Rapports des acteurs à l'espace des Murailles

Pour les maraîchers, la représentation spatiale des murailles est unifiée par l'activité du

maraîchage. C'est un espace vécu. Cependant, il n'est question que d'une portion de la muraille. En

dehors des jardins, les maraîchers ont une appréhension restreinte des murailles. Ils travaillent et

rentrent chez eux. Tout au plus, ils la traversent d'est en ouest dans le cadre de leur mobilité

quotidienne. Le reste de la muraille est déprécié. Les jardiniers se plaignent des problèmes de vols

et de criminalité, de la présence des roms et toxicomanes. C'est un quartier à problèmes. Cependant,

mis à part le vol, les incidents ne semblent pas se présenter régulièrement. Les jardiniers apprécient

les rondes de police, qui permettent d'éloigner les toxicomanes. Cependant, les jardiniers savent

trouver des parades pour éloigner les personnes indésirables. Pour effrayer les tenerci, ils utilisent

un code gestuel dans l'objectif de montrer qu'ils sont plus nombreux et pas intimidés. Les jardiniers

appréhendent les murailles selon leurs expériences à l'échelle du local, à la différence des

institutions qui offrent une vision unifiée et abstraite de la zone.

61

Page 62: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les autorités municipales ainsi que les experts du patrimoine partagent une image globale

des murailles. En 1985, la ville est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par

l’Unesco. Les murailles deviennent un site historique. Leur patrimonialisation passe par des

interventions physiques sur l’édifice mais surtout un réinvestissement symbolique. Les murailles

participent à des réécritures de l’histoire de la ville. Le site se transforme en espace touristique à

travers le réaménagement de Topkapi : Musée des Panoramas, espace de restauration et salon de

thé. Les guides touristiques jouent la carte du territoire des bas-fonds. La fréquentation des visiteurs

n'est pas très importante mis à part les bus de visites de la ville mais elle est suffisante pour être

remarqué par les maraîchers. Ils pointent un fait notable : la mise en lumière de leur activité. Cette

visibilité semble sécuriser leur activité et protéger l'existence des jardins. Pour Recep « les jardins

restent car il y a des touristes qui passent et qui les regardent» (entretien du 22.04). Ainsi, la

récupération symbolique des murailles peut-être biaisée par l'occupation physique des maraîchers.

Bien que le développement de l'industrie touristique menace les maraîchages à moyen terme, la

présence touristique semble protéger l'espace à court terme.

Les relations entre İstanbul Büyükşehir Belediyesi (IBB) et les jardiniers peuvent être

qualifiées de productives. Selon Mika Hannula : « un non site devient site par des actions semi-

illégales.» (ODA PROJESI, ROMER 2009, p.3) La muraille est un espace partagé dans ses usages

et représentations. L'instabilité de ce statut le soumet à une condition « territoire en décomposition-

recomposition permanente» (DORSO 2008, p.29). De la concurrence qui oppose les acteurs, résulte

le processus d'auto-régulation des luttes internes. A l'inflexibilité des pouvoirs municipaux dans la

gestion urbaine s'oppose la prégnance de l'activité maraîchère. Sur le plan des normes et des

légitimités, le détournement fonctionnel semble prévaloir à la sphère décisionnelle.

62

Page 63: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

FUTUR INCERTAIN

« C'est une zone stable pour l'agriculture car c'est un site patrimonial » (entretien du 22.03).

Cependant, les activités agricoles sont associées au mode de vie rural et aux pratiques de migrants

qui marginalisent les maraîchers. La rentabilité de l'activité est précaire. Privés d'un statut légal, les

maraîchers souffrent de l'opposition à un système de normes. La légitimité de leur pratique est

contestée par les politiques urbaines. Les logiques de rentabilité foncière prévalent.

Viabilité sociale et économique.

Symboliquement, l'agriculture est considérée comme une activité impropre à la ville. Avec

l'explosion démographique urbaine, de nombreux migrants ruraux s'installent en ville. Les pratiques

identifiées comme rurales deviennent des signes de discrimination à l'égard des nouveaux arrivants.

L'agriculture atteste alors du caractère non-citadin. Ce caractère non-civilisé est également associé à

des normes sociales. La culture urbaine est caractérisée par la rapidité de son évolution alors que les

compétences et savoirs liés à l'agriculture et à la gestion des ressources naturelles sont transmises de

générations en générations. Par conséquent, les jardiniers ont le sentiment d'appartenir à une

« société sous-développée » (entretien du 22.04). Ils voient leur activité comme dépassée

techniquement. Ils ont peu accès aux systèmes de protection sociale pour des raisons budgétaires et

à cause de la méconnaissance de ces mécanismes. C'est un groupe social isolé d'une légitimité et

mis à distance de certaines ressources économiques, juridiques, politiques.

« En Europe, personne ne travaille dans les parcelles comme en Turquie grâce à

l'industrialisation de l'agriculture. Il paraît qu'en Allemagne, tout est fait par des

machines.» (entretien du 31.05)

63

Page 64: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

A Istanbul, l'urbanité est valorisée à travers un discours sur le cosmopolite. Au stambouliote

de souche, urbain et cultivé est opposé le migrant anatolien, rural et ignare. Les mutations socio-

culturelles sont illustrées par les images de la ville envahie par les ruraux et de la modernité envahie

par la tradition (ou la religion) (DORSO 2008, p.246).

Le travail des maraîchers n'est pas reconnu alors qu'ils « voient leur investissement dans

la zone très important. Ils nettoient les parcelles. Cela leur prend du temps, de l'énergie

et leur coûte de l'argent. Ils n'ont aucune garantie ou support.» (entretien du 25.04)

« La terre n’est pas bonne, ici. C’est du remblai, regardez ! Il y a de la crasse, des

déchets, plein de pierres, des bouteilles de vin… […] Ben oui ! Avec les jardins, c’est

vert, c’est propre. Sinon ce serait toujours la décharge. Alors on entretient, et en plus

c’est nous qui payons un loyer ! » (Mert, maraîcher près de Silivrikapı cité dans

DORSO 2008, p.230).

L'absence de reconnaissance pour leur travail accentue la concurrence avec des opportunités

d'emploi dans des activités autres que l'agriculture. La plupart des jardiniers espèrent voir leurs

enfants se diriger vers d'autres secteurs d'emplois.

RESSOURCES SÉCURITÉ COÛT

TERRE aucune Moyen à élevé

EAU oui élevé

ÉLECTRICITÉ oui élevé

INTRANTS

MAIN D'ŒUVRE Peu fiable élevé

Tableau 12: Accès aux ressources des maraîchers

Les jardiniers remarquent qu'au début de leur activité les conditions commerciales leurs

étaient plus favorables. Pour certains, le salaire est convenable. Les chiffres communiqués sont

compris dans une fourchette de 500TL par mois à 1000TL.

64

Page 65: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

loyer 2000TL / an

eau

facture d'électricité : 4000TL / an

achat de légumes : 5000 TL / mois

engrais :

assurances : 600TL / mois pour femmes et enfantsTableau 13: Liste des dépenses

L'absence de propriété interdit l'accès des jardiniers aux possibilités de crédits. Dans ces

conditions, les installations coûteuses comme les puits dont le coût s'élève à 40000 TL ou les

serres, demandent beaucoup d'efforts pour mobiliser les capitaux nécessaires. Paul Kaldjian dans

sont étude sur les bostan estime que « le problème est que les difficultés dépassent les bénéfices.»

(KALDJIAN 2004, p.293)

Insécurité foncière

Les maraîchers ne possèdent pas de titre de propriété. La légitimité historique de leur

occupation est niée et l'indemnité d'occupation versée à la municipalité ne leur offre aucune

garantie. Les maraîchers sentent leur présence menacée mais sont désemparés face à cette situation.

« Sur le futur, il n'y a rien a faire car on ne sait rien » (entretien du 26.03). Tuğba Tanyeri-Erdemir

estime qu'en 1996, les maraîchers craignaient l'expulsion et que certainement quelques uns étaient

déjà partis (ODA PROJESI, ROMER 2009, p.7). De l'avis général, l'ouverture de nouveaux

chantiers de rénovation de la muraille n'est pas de bonne augure pour les maraîchers. Selon Paul

Kaldjian, « Une fois la muraille rénovée, la municipalité essayera de démolir les cultures pour les

remplacer avec des espaces verts récréatifs pour créer une zone plus touristique» (ODA PROJESI,

ROMER 2009, p.4). Cette hypothèse est confirmée par projet d'installation d'un restaurant au pied

de la Forteresse de Yedikule. Cette portion déléguée à une entreprise privée par bail emphytéotique

fait déjà l'objet de travaux d'aménagement en site de spectacle. Lors de l'éviction du bostan du

quartier de Kuzguncuk, sur la rive asiatique, la récupération du terrain a été faite au profit d'un

projet de construction d'un hôpital privé. Concernant, le reste des maraîchers, les services de

planification IBBoffrent peu de certitudes quant aux projets concernant la muraille et des opérations

de « nettoyage » auraient été annoncées pour créer un vaste espace vert gazonné (DORSO 2008,

pp.190-191).65

Page 66: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Le maraîcher de Yedikule déclarait déjà avant la naissance du projet

d'équipement culturel : «Ils peuvent démolir cet endroit, demain s'ils le veulent ; j'ai la

conscience tranquille, au moins j'ai tout fait par moi-même et j'ai fait de mon mieux.

J'ai été marin, chauffeur. Je travaillais 8 à 12 heures par jour. Ici, je travaille 24 heures

et je ne gagne pas la moitié de l'argent que je gagnais avant mais je suis heureux.

Quand tu en as marre de la chaleur, tu vas t'asseoir à l'ombre. Tu te reposes. Tu

commences tard, et finis tard, personne ne peut te dire quoi que ce soit. J'ai choisi cette

voie.» C'est ainsi qu'il explique son choix de transformer une zone de décharge sauvage

en jardin maraîcher. « Je me suis battu avec cet endroit à cause de ma situation

financière. Si j'avais employé quelqu'un je serais endetté. Comme je n'avais pas du tout

d'argent, j'ai préféré cet endroit, il n'y pas de coûts. » (Mehmet Sengül, ODA PROJESI,

ROMER 2009, p.8).

66

Illustration 17: au nord, parc urbain de Topkapı, sections de la muraille reénovée avec

construction d'un pont pour l'accès au chantier, au sud, jardin international de la paix

Page 67: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

La FAO souligne que « l'un des paradoxes de l'agriculture urbaine et périurbaine est

que d'importants investissements agricoles sont faits malgré l'insécurité de la propriété.

Cette contradiction peut être attribuée au fait qu'en général, ce sont les femmes et les

groupes socialement et économiquement vulnérables qui sont les acteurs les plus

dynamiques de ce secteur de l'agriculture. Compte tenu des maigres ressources

contrôlées par ces groupes, l'exploitation de terres dont le statut est ambigu ou pour

lesquelles il n'existe pas de garantie de jouissance représente un faible risque. Dans la

mesure où les marchés d'écoulement de la production agricole peuvent garantir des

gains élevés à court terme, prendre des risques en investissant dans l'agriculture en

vaut donc la peine, même sur des terres dont la jouissance n'est pas assurée et dont

l'exploitation se fait sur la base de l'occupation, de baux à court terme ou autres

arrangements précaires. » (FAO 1999, p.12)

Malgré les difficultés liées à cette activité, « Bülent a le projet de créer un nouveau

jardin. Ils en discutent régulièrement avec ses proches. Il est à la recherche d'une

grande zone en dehors d'Istanbul mais qui ne serait pas trop loin pour limiter les

problèmes de transport. Cela pourrait être dans une zone comme çatalça. Le plus gros

facteurs de risque est la qualité du sol. Ils ne peuvent être sûr que ce sera productif. Ils

auraient besoin de temps pour adapter les plantes et rendre le sol cultivable» (entretien

du 2.06). Il étudie l'agronomie à distance (Ziraat Universitesi).

67

Illustration 18: croquis de Mehmet Sengül de son jardin reproduit dans ODA PROJESI,

ROMER 2009 p.8

Page 68: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

CONCLUSION

Cet aire inconstructible, propriété publique, a été depuis longtemps vouée à l'activité

agricole. A travers la production de denrées alimentaires, le maraîchage s'intègre au système urbain.

Les acteurs institutionnels, autour d'IBB entretiennent l'incertitude quant à la destinée de cet espace

et le mythe d'une appropriation totale et dégradante. Si nous retournons la situation, il ne s'agit plus

d'interroger comment l'autre (marginal, nouveau venu) entre dans le cadre structurel mais comment

la structure (l'organisation et ses représentants qui ont le pouvoir de décision) agissent et réagissent

face à l'autre, au nouveau et au différent. Bien que les activités de maraîchage offrent peu de

possibilités en termes financier et social, nous pouvons avancer l'idée de choix de vie et de

marginalité « choisie » en ville par l'intégration dans les stratégies individuelles des acteurs de leur

condition.

68

Page 69: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

DATE DE MISE EN CULTURE : Vème siècle

INSTITUTIONNALISATION : années 1990

TYPE DE PRODUCTION AGRICOLE : horticulture intensive à petite échelle

DEGRÉ DE COMMERCIALISATION : principalement pour le marché, plus auto-

consommation familiale.

MODE D'ACCÈS AU TERRAIN : location

SÉCURITÉ DES TERRAINS : aucun, titre de paiement d'un indemnité

d'occupation à IBB

DISPONIBILITÉ DE SERVICES DE RECHERCHES ET D'EXTENSION : aucun

DISPONIBILITÉ DE SERVICES DE CRÉDIT : aucun, pas de propriété de la terre

Tableau 14: Principales caractéristiques des maraîchers.

Cette frange urbaine ainsi que l'ensemble de la métropole sont soumises à une dynamique de

rénovation urbaine. La volonté de mise en tourisme du site est attestée par la traduction en anglais

du nom du parc. D'autres enjeux urbains sont à l'œuvre tels la marchandisation de l'espace public

par l'aménagement d'espace de restauration, la régulation des usages de loisirs avec la création de

parcs sportif à l'intérieur et l'extérieur des murs, la présence du stade de sport, Abdi İpekçi Spor

Salonu et du musée des panoramas : Panorama 1453 Tarih Müzesi. Ainsi, au bostan, structure

agraire qui présente une surprenante stabilité, tradition transmise de générations en générations, sont

opposés des « espaces verts », parcs publics ouverts à tous. Depuis la République turque16, la ville

subit une urbanisation et une industrialisation à la manière européenne. Les maraîchers et la

muraille sont insérés dans une zone verte, héritée des plans de Prost, enserré entre deux parcs

urbains. Les maraîchers semblent grignoter par des visions urbaines de la modernité

internationalisée. A l'exemple du Soğanlı Bitkiler Parkı, l'aménagement se résume à une

standardisation des espaces verts par la monoculture floricole de la tulipe. La mairie de Zeytinburnu

semble vouloir poursuivre l’aménagement des parcs du côté extérieur de la muraille.

16 1923

69

Page 70: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

A Istanbul, le modèle de la World city se crée dans la recherche de modernités non

européenne et non occidentales. « Les références se métissent, la société urbaine (le singulier paraît

même impossible à tenir) est de plus en plus archipelisée en sous-ensembles aux pratiques et

sociabilités hétéroclites, mais non tout à fait étanches les unes aux autres» (MONCEAU 2010, p

290). L'absence de projet global clairement défini, laisse l'espace disponible pour que chacun s'en

saisisse. Malgré la répudiation du bostan et la négation de l'existant, les usages a priori antithétiques

coexistent.

« Par exemple, les jardins maraîchers soignés et bien organisés, fournissent un premier

plan photographique et assure une vue sans entrave aux murailles vieilles de 1600 ans,

qui appartiennent à l'identité stambouliote. Ainsi, ces jardins historiques ne devraient

pas être traités comme des reliques pittoresques d'un passé romantique. Ils devraient

plutôt être utilisés pour renouveler des espaces urbains à l'abandon, préserver les

espaces verts, maintenir une identité culturelle, nourrir la population et créer une

source de revenu. Les contributions des bostans stambouliotes peuvent être considérés

comme des modèles potentiels pour un Istanbul durable. En admettant cela, la

reconnaissance et le support gouvernemental serait une première étape importante.»

(ODA PROJESI, ROMER 2009, p.10)

La présence des jardins maraîchers est soumise à des conflits d'acteurs. À l'échelle de la

zone des murailles, des problématiques de développement touristique et rénovation urbaine se

croisent. La conservation de ces espaces de production agricole et leur régulation soulèvent des

enjeux urbains globaux.

70

Page 71: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

PARTIE 3

CULTIVER L'URBAIN

71

Page 72: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

INTRODUCTION

Il est de plus en plus difficile de retrouver le modèle historique des villes occidentales de la

société industrielle dans les développements contemporains de nos villes. Les formes connues

d'agglomération, aujourd'hui muséifiées voient leur limite se dissoudre dans la non-ville. L'urbain

généralisé a conquis nos sociétés. La dichotomie entre ville et campagne n'a plus lieu d'être puisque

sous l'ère de la société post-industrielle, la civilisation urbaine se globalise. L'urbanisation n'est pas

toujours liée à une industrialisation mais à une transformation de la société à travers la diffusion de

la modernité17.

17 Thierry Paquot, « l'urbain » (PUMAIN, PAQUOT, KLEINSCHMAGER, 2006, p. 288)

72

Illustration 19: Urbanisation d'Istanbul

Page 73: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Dans cette partie, notre échelle spatiale sera celle de l'aire urbaine d'Istanbul. En tant

qu'unité administrative, elle est sous la gérance de la "Municipalité métropolitaine" (Istanbul

Büyükşehir Belediyesi). Depuis 2004, ses limites coïncident avec celles du département d’Istanbul.

L'Istanbul que l'on observe aujourd'hui a presque été construit dans son intégralité dans les trois

dernières décennies. Le visage actuel de la ville a radicalement évolué en quelques décennies. La

culture des bostan garde trace de ce que pouvait être Istanbul il y a une cinquantaine d'années. À

cette époque, la campagne existait et on allait ramasser des mures à Sisli18. En 2009, le département

d'Istanbul s'étend sur plus de 500 000 ha alors que la péninsule historique ne recouvre que 1 500 ha.

Après le dépassement de l'enceinte de la vieille ville en 1955, l'ouverture du premier pont routier sur

le Bosphore en 1973, marque une seconde étape et lance le développement urbain de la rive

asiatique. L'étalement de l'emprise urbaine représente aujourd'hui un rayon supérieur à 80 km.

Alors que la population turque générale est croissante, l'augmentation de la population

urbaine est supérieure à celle des zones rurales. Istanbul est la principale ville turque à bénéficier de

ces mouvements démographiques. En 1923, la population s'élève à moins de 700 000 habitants, elle

atteint le million en 1950, pour croitre de manière exponentielle. En 1980, on compte 4,7 millions

d'habitants, en 1990 7,3 millions et en 2009, 12 millions19. C'est entre 1950 et 1990 qu'émerge la

mégalopole d'Istanbul.

Les années 1950 sont une période charnière des bouleversements avec l'industrialisation

généralisée et l'amorce de l'exode rural. Les populations affluent des campagnes vers les aires

urbaines. La mécanisation agricole a privé d'emplois des ruraux, mais le secteur industriel n'a pas

absorbé l'ensemble de cette main d’œuvre supplémentaire. En avril 1973, Ahmet Isvan élu maire

sous l'étiquette CHP (Parti républicain du peuple premier) annonce dans son discours de mandature:

« pour se garantir des lendemains plus heureux, chaque année 120 000 nouveaux

concitoyens immigrent dans notre ville, animés d'une foi et d'un courage admirables.

Ces personnes de cœur fondent des quartiers sans voirie, sans eau et sans lumière aux

marges de notre bel Istanbul. Ce sont elles qui, bafouant nos documents d'urbanisme,

démontrent l'inadaptation de certaines lois... ce sont elles qui font marcher nos usines.

Ce sont elles qui vendent tout et rien dans les rues. » (MONCEAU 2010, p 237)

18 Istanbul est à 95%, une ville de l'après 1985 selon Jean-François Pérouse (MONCEAU 2010 p. 232)19 Les données chiffrées sont citées par Jean François Pérouse (MONCEAU 2010, pp. 233 à 257)

73

Page 74: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les nouveaux arrivants ont grossi les chiffres du secteur informel. Le secteur informel

représente 30% des emplois non agricoles et 90 à 100% des emplois agricoles.20 À travers Istanbul,

les systèmes informels se sont développés là où les infrastructures publiques étaient absentes ou

inadéquates. On peut citer les exemples de systèmes d'habitat informel (gecekondus), de transport

(dolmus) et bien sûr d'agriculture. Certains de ces systèmes ont profité de l'urbanisation alors que

d'autres sont devenus des espaces résiduels par l'augmentation de la population urbaine ne prenant

pas part aux réseaux socio-économiques traditionnels.

Depuis les années 1950, la composition de la population évolue dans le contexte d'une

immigration massive. Les changements démographiques ont bouleversé le cosmopolitisme

stambouliote. L'urbanité « caractère de mesure humaine et de convivialité conservé ou donné à une

ville » (LAROUSSE 2004) s'en trouve modifiée. Les populations arméniennes, grecques, juives,qui

ont quittées la ville, ont été remplacées par des migrants des Balkans puis de l'Anatolie à partir des

années 1950. La ville est soumise à des phénomènes d'anatolisation et de turquification de sa

population. À la fin 2008, deux tiers de la population est né en dehors d'Istanbul et Kastamonu fait

partie d'une des trois origines démographiques les plus attestées (MONCEAU 2010, p 240).

Dans les quarante dernières années, l'explosion de la croissance démographique a commencé

à changer significativement la fabrique de la culture urbaine. Les villages du pourtour ont été

incorporés au système métropolitain. Les migrants établirent des communautés à l'intérieur de l'aire

métropolitaine, en apportant leurs propres traditions et cultures. Par effet de métissage, leurs

pratiques furent intégrées à celle de la culture citadine.

« Par opposition, à beaucoup d'autres villes à travers le monde où les mouvements

d'agriculture urbaine sont réinventés, Istanbul conserve une tradition et une culture à

partir desquelles peuvent se dessiner la réponse aux demandes des villes

contemporaines et de leurs citoyens. Dans une société parfois tiraillée, face à son

histoire ottomane - tension entre un empire glorieux et une prémodernité non-

européenne – les bostans démontrent que cette histoire peut être créatrice des bénéfices

urbains très valorisés. Les bostans d'Istanbul sont un lien vivant avec le passé riche de

contributions pour son futur.» (Paul J. Kaldjian, ODA PROJESI, ROMER 2009, p.10)

20 En 2003 (DORSO 2008 p.20)

74

Page 75: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Istanbul est installée sur des terrains riches en humus. De plus sa situation géographique en

fait un lieu de circulation et d'échange. Istanbul et sa ceinture de jardins sont directement liées aux

régions de la mer de Marmara (FAROQHI 2003, p. 274). Jusqu'à peu, la municipalité entretenait

cette relation par l'intermédiaire de navette maritimes publiques. Le département d'Istanbul

bénéficie des températures d'une zone tempérée entre les climats méditerranéens et continental

réunis en Turquie. Ils gèlent rarement et les températures estivales peuvent attendre 40°C. Les

précipitations y sont importantes.

Le bostan s'inscrit dans un temps long. L'ancienneté de ces formes traditionnelles des jardins

contraste avec la proximité historique de l'explosion démographique qui entraine leurs disparitions.

La place dédiée aux maraîchers dans la société citadine atteste de la façon dont la ville conçoit son

rapport à la campagne. Cette attitude de défiance et de prédation s'étiole dans le contexte d'un

urbain généralisé. Les maraîchers posent la question de la production alimentaire comme activité

urbaine et du rapport de l'urbain aux espaces agricoles. Au sein des milieux militants, l'écologisme

est saisi comme un espace de résistance et une possibilité de réactivation des luttes urbaines. Dans

leurs interventions, un transfert s'opère entre une pensée globale et une action locale. À travers les

acteurs porteurs de projet, des institutions internationales volontaires favorisent une agriculture

urbaine garante de la sécurité alimentaire.

75

Page 76: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

PRODUCTION ALIMENTAIRE

« Si elle est évaluée en terme de contribution alimentaire à la population d'Istanbul de

12-15 millions, et comparée à ce qui est produit sur le marché agro-indusriel global, la

production des bostan restant semble insignifiante. Au niveau local, cependant, les

bostan d'Istanbul contribuent de manière significative aux besoins des ménages et des

quartiers» (Paul J. Kaldjian, ODA PROJESI, ROMER 2009, p.10).

Les formes urbaines de l'agriculture ont fourni un espace de survie pour des citadins rencontrant de

grandes difficultés et un sas pour des ruraux souhaitant travailler en ville. Ainsi Istanbul a la chance

de ne pas avoir vu entièrement disparaître son agriculture.

76

Illustration 20: Stands des maraîchers des murailles en février, avril et juin ; en février, mars et

Page 77: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Place historique

Malgré la difficulté de retracer une histoire agricole sur le long terme, des évènements

permettent de jalonner les siècles par la nature des rapport des populations de la ville à leur

alimentation.

BYZANCE

324 à 1453

EMPIRE OTTOMAN

1453 à 1923

REPUBLIQUE

1923 à...

Edit de

théodose :

activités

agricoles

aux

murailles

1453 :

3000

paysans

XVIème:

4 milliers

de jardins,

guilde ;

emploi des

albanais

XVIIème:

emploi des

grecs,

floriculture

XVIIIème:

ceinture

de jardins

et de

vignes

XIXème :

100 zones

jardinées,

+ 1200

bostans

- années 1990 :

REGULATION

- années 2000 :

1000 bostans

Propriété familiale ou appartenant à de haut dignitaire

Firmam autorisant la culture des fossés des muraillesNATIONALISATION

AUTO-SUFFISANCE ALIMENTAIRE URBAINE

DÉCROISSANCE DISPARITION

Tableau 15: Historique de la production alimentaire à Contantinople/Istanbul

Dans la cité de Constantinople, est née la tradition de la ville de distribution alimentaire et

d'hospitalité liée à l'alimentation. Les complexes des mosquées « külliye », gardent trace du lieu où

les pèlerins pouvait se restaurer à tout moment.

Diverses sources permettent de reconstituer l'histoire de la production alimentaire d'Istanbul

depuis le XVème siècle. Ces documents ont été mis en valeur par Paul Kaldjian (KALDJIAN

2004,ODA PROJESI, ROMER 2009) et Suraiya Faroqhi Ludwig (MARIN, VIRLOUVET, 2003).

77

Page 78: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

À la fin de la période byzantine, on sait qu'une agriculture est présente, notamment aux

portes de la ville et dans les villages adjacents. En 1453, Fatih sultan Mehmet qui conquièrt la ville,

réinstalle 3000 paysans dans les villages qui font aujourd'hui partie d'Istanbul. Evliya Çelebi, le

chroniqueur de la cour de Soliman le Magnifique (1494-1566) enregistre 4395 jardins dans la

juridiction d'Istanbul à l'exemple des jardins de Langa, autour du palais ottoman de Topkapı (ODA

PROJESI, ROMER 2009, p. 10) Au XVIème siècle, une guilde de jardiniers est attestée, ils sont

alors très considérés pour leur expertise. Intramuros, 1000 à 2000 jardins sont représentés (MARIN,

VIRLOUVET 2003, p.273). Eremya Çelebi Kömürcüyan (1637-1695) décrit la production de

légumes répandus à travers la ville et partie intégrante du quotidien de la plupart des quartiers. À la

fin du XIXème siècle, plus de cent groupes de jardins sont enregistrés dans l'enceinte de la ville,

avec des rapports de plus de 1200 jardins potagers sur les rives européennes et asiatiques d'Istanbul.

Il y a eu un petit déclin dans la production de légumes entre les périodes byzantines et

républicaines. C'est seulement depuis les années 1950 que les bostan disparaissent, éliminés par le

phénomène de croissance urbaine et poussés aux marges de l'espace urbain et de la société. La

surface des jardins a été restreinte à une dizaine d'hectares soit 5 ou 10% de ce qu'ils étaient lorsque

leur dénombrement s'élevait à un millier (ODA PROJESI, ROMER 2009, p. 10).

Les jardins productifs appartiennent à des familles stambouliotes ou à de hauts dignitaires

qui emploient des migrants ruraux. À partir de la seconde moitié du XVIème siècle, les albanais

travaillent dans ces jardins et dans la seconde moitié du XVIIème siècle, des grecs et arméniens

sont employés (MARIN, VIRLOUVET 2003, p.285). À l'intérieur de la ville ou dans sa proximité

immédiate, sont produit fruits, légumes et lait. Au cours du XVIIème siècle, les productions de ce

premier cercle commercial se réoriente de la production vinicole à la floriculture (MARIN,

VIRLOUVET 2003, p.289).

Au XVIIIème siècle, la ville s'étend, le long du Bosphore notamment, et se rapproche de sa ceinture

de jardins et de vignes qui caractérise les villes et villages ottomans. Eyüp, Galata, Üsküdar,

remplissent des nécessités économiques et offrent un cadre de vie social. Ces lieux de

« villegiatura » sont propices aux excursions dans les jardins (MARIN, VIRLOUVET 2003, p.273).

Pendant la période ottomane, les jardins, vignes et vergers appartiennent à des propriétaires

privés qui en tirent une source de revenu. Depuis la période républicaine, certains terrains des

jardins ont été nationalisés, dépossédant leur anciens propriétaires. Ce mouvement a certainement

participé à rendre l'activité marginale.78

Page 79: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

« La production de légumes dans et autour d'Istanbul a peu changé depuis la fin de

l'empire ottoman jusqu'aux années 1950 et pas de manière drastique depuis les années

1970. Les bostans d'Istanbul sont vraiment en danger depuis les années 1980. »

(MARIN, VIRLOUVET 2003, p.291).

Les bostan font partie de l'identité d'Istanbul, bien que de nos jours quelques exemples de

production alimentaire à l'intérieur de la ville subsistent.

« En tant que source de revenu et de produits frais, ils représentent des emplois de

valeur et une source importante de nourriture pour les ménages de jardiniers, à hauteur

de 25% des fournitures alimentaires annuelles. À l'intérieur des quartiers, la présence

des bostan augmente l'accès des résidents aux produits frais, car les jardiniers ont

tendance à vendre moins cher aux amis du coin et aux voisins, à donner aux personnes

dans le besoin et à fournir des légumes en gros aux vendeurs voisins. Certains

jardiniers qui ont accès à des consommateurs influant reçoivent une gratification pour

des produits frais et de qualité supérieure. » (KALDJIAN 2004, p. 295)

Les produits se distinguent par leur qualité. Les jardins près du vieux palais ottoman sont

admirés pour leur production de concombres et de légumes les plus en avance. Ainsi, les maraîchers

stambouliotes produisent un légume primeur. Chaque quartier avait sa spécialité de production :

laitue de Yedikule (Yedikule marulı), Tomates Dudullu (Dudullu domatesi), haricots Çavusbası

(Çavusbası fasulyesi), fraise d'Arnavutköy (Arnavutköy çileği) et concombres de Çengelköy

( Çengelköy Hıyarı ). Ces spécificités variétales se développent sur des terroirs particuliers. Ainsi,

les laitues des jardins de Yedikule, juste à l'extérieur des murailles, doivent leur réputation d'être

tendres et savoureuses grâce à la richesse du sol dû aux anciennes tanneries. Grâce à des conditions

climatiques et pédologiques adaptés à ces cultures, les productions se sont spécialisées.

Ainsi, le bostan est ancré dans la culture stambouliote par une longue tradition. Leur

disparition physique dans le contexte d'une urbanisation massive entraine une mutation des

pratiques liée à la production alimentaire.

79

Page 80: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Pratiques contemporaines

Les légumes frais sont un composant important du régime alimentaire stambouliote sur les

plans culturels et nutritifs. De nos jours, les marchés en plein air, restent toujours le meilleur moyen

de se ravitailler en produits frais. « La distribution des produits agroalimentaires en Turquie est

encore dominée par la distribution traditionnelle. Toutefois, celle-ci perd des parts de marché au

profit de la grande distribution.» (DERUAZ 2010, p.6) Les supérettes sont très fréquentes alors

que les hypermarchés sont plus excentrés et moins accessibles sans voitures. Les lokanta, sorte de

cantine de quartier, proposent des repas à prix modiques. La cuisine turque de tradition nomade

repose sur la préparation de produits frais. Présents en salades, dans les mezze, en tant que plat

cuisiné ou farci en dolma (poivrons, tomates, chou, feuilles de vignes). Une assiette de fruits frais

clôt le repas. Les productions primeurs, qui désignent tous les premiers végétaux récoltés de la

saison et obtenus naturellement sont particulièrement appréciées pour leurs qualités gustatives.

PRODUIT QUANTITÉ EN TONNES PAR AN RANG MONDIAL

tomate 10985000 3ème

concombre 1683000 2ème

poivron 1796000 3ème

orange 1427000 11ème

raisin 3919000 6ème

noisette 801000 1er producteur et 1er

exportateur mondial

citron 672000 10ème

mandarine 756000 4ème

pêche 552000 6ème

poire 355000 9ème

abricot 716000 1er

cerise 338000 1er

Tableau 16: Production légumière et fruitière en Turquie, source : UBIFRANCE 2010

80

Page 81: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les fruits et légumes représentent une part essentiel du secteur agro-alimentaire turc. Avec

43 millions de tonnes, la Turquie est un des premiers producteurs mondiaux de fruits et légumes. Le

secteur de la transformation de ces produits est constitué à 23% de petites entreprises (DERUAZ

2010, p.2). À la différence, les productions destinées aux marchés urbains et internationaux mettent

en œuvre les méthodes de modernisation agricole. Cependant, l'agriculture paysanne est encore

prégnante sur les petites exploitations, hors des régions de cultures spéciales. L'agriculture intensive

désigne des techniques agricoles permettant d'atteindre un maximum de rendement avec un

minimum de main d'œuvre par la mécanisation, la sélection animale et végétale, l'utilisation

d’engrais et de pesticides,... Cette agriculture a été développée à renforts de financements publics.

Les gouvernements trouvent leur intérêt dans le développement de la production, de la productivité

et des exportations qui augmentent l'autosuffisance alimentaire nationale, l'apport de main-d'œuvre

vers l'industrie, le commerce extérieur.

« À une agriculture commerciale intégrée au marché mondial et largement exportatrice

(fruits secs réputés : figue, noisette, raisin, abricot ; tabac, fruits et légumes,

horticulture) ou transformée sur place à la fois pour un marché intérieur en pleine

expansion et pour l’exportation (coton, betterave, thé, céréales, volaille, fruits secs,

fruits et légumes frais, fleurs coupées…), se confronte une agriculture intérieure plus

extensive, en partie d’autosubsistance (céréales, légumineuses, élevage ovin et

caprin…).» (TAPIA 2008, p.5)

Bien que la Turquie ne soit traditionnellement pas un pays exportateur de produits

alimentaires, la révolution verte a radicalement changé les modes de production agricole,

provoquant un intense exode rural. La Turquie est l'un des sept pays du monde à bénéficier de

l'autosuffisance en matière de production agricole. Cependant, l'essentiel de la production est

concentrée géographiquement. On observe deux Turquie : l'ouest des plaines côtières, avec des

méthodes intensives de production spécialisée; le centre et l'est du pays avec une polyculture

extensive, à faible rendement. Au niveau national, la taille des exploitations est inférieure à la

moyenne européenne : sur les 4 millions d'exploitations, 65% ont une surface inférieure à 5 ha et

seulement 17% excèdent les 10 ha. L'agriculture turque est peu organisée et peu mécanisée. 83% de

l'agriculture est sèche et seulement 17% est irriguée (TEZCAN Aydan, 2009, p.3)

81

Page 82: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

FORCES FAIBLESSES

25 millions d’ha de terres arables Difficultés à augmenter la productivité

Pays quasi auto-suffisant

Petites exploitations, morcelées par

héritage, freins au développement du

machinisme agricole

Micro climats (toutes productions sauf le

café, le cacao et les fruits tropicaux)Manque d’organisation

Projet GAP irrigation de 1,7 M HaManque d’information et de formation des

agriculteurs

Tableau 17: Description du secteur agro-alimentaire turc selon les acteurs économiques,

source : UBIFRANCE 2009

La production est majoritairement végétale avec 71% des activités agricoles qui lui sont

dédiées alors que la production animale représente 22%. Pour de nombreux spécialistes « l’élevage

est en crise profonde, tout comme l’indépendance alimentaire. Le rapprochement avec l’Union

Européenne, sans mise en œuvre d’une politique volontariste de transformation des structures, est

dangereuse pour beaucoup de petits exploitants.» (TAPIA 2008, p.6)

Dans un système agricole intensif ne sont considérés que les effets directement marchands

des échanges; les effets externes sur l'emploi, l'aménagement du territoire, l'environnement, la

qualité des produits et la sécurité alimentaire ne sont pas pris en compte. Les marchés

internationaux font monter les prix des produits locaux, créant un phénomène « boom famine ».

L'accès à la nourriture pour la population locale devient difficile. Au sud est de l'Anatolie, le

gigantesque projet Güneydoğu Anadolu Projesi, d'une envergure de 32 milliards de dollars, prévoit

la construction de 13 projets d'irrigation, 19 centrales hydroélectriques et 22 barrages en amont du

Tigre et de l'Euphrate pour la production d'électricité et l'irrigation afin de transformer cette zone en

pôle agricole.

82

Page 83: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

La surface agricole utile couvre 27 millions d'hectares, soit 34% de la superficie totale du

pays. Selon les affectations des terrains, en 2005, les activités agricoles représenteraient, 146 574

hectares, soit 27,6% de la province (SOLDUK 2007, p.15). Ces espaces se situent à la frange de la

ville et bénéficient à de grosses structures agricoles.

USAGE FONCIER PARTIE EUROPÉENNE PARTIE ASIATIQUE TOTAL ISTANBUL

Agriculture sèche 112341 28242 140583

Agriculture irriguée 2040 1009 3049

Ressources

hydraulique publique

1669 758 2426

jardin 294 222 516

prairie 2436 1597 4033

pré 348 348

installations 70219 44168 114387

Tableau 18: Utilisation des terres agricoles, source : SOLDUK 2006

83

Illustration 21: Master Plan d'Istanbul, source : SOLDUK 2006

Page 84: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les pratiques de production alimentaire à Istanbul sont des activités marginales qui

s'intègrent dans des espaces divers et prennent différentes formes :

- interstices, petits mais très répandus.

- jardins de pavillon, prévu à la construction de la propriété, dans les quartiers gecekondu où le tissu

urbain est plus lâche.

- fondations (vakif) et terrains publics, associés aux mosquées ou parcs publics, dans les vieux

quartiers d'Istanbul, densément peuplés.

- élevage sur les franges urbaines, utilisation des espaces ruraux résiduels dans les anciens villages

d'Istanbul, incorporés à la mégalopole.

- terrains difficiles à commercialiser, problématiques à cause des glissements de terrain avec un sol

de faible qualité.

- espaces informels, marchés aux plantes, horticulture. Marché aux graines d'Eminonou

(SOLDUK2007, p.5).

Cependant, ces jardins sont de moins en moins destinés à une pratique vivrière. Les anglo-

saxons parlent de « hobby farming » pour décrire le développement d'une agriculture de plaisance.

En ville, aux jardins productifs, on privilégie les espaces verts. La pratique s'est organisée, s'est

perfectionnée au fil des années. Toute la production est aujourd'hui dédiée à l'alimentation de la

ville et de ses réseaux commerciaux. De nos jours, les bostan sont conquis par le béton. Les

pratiques deviennent multiformes alors que des pratiques agricoles de plaisance font leur apparition.

À travers les éléments historiques et les données nationales concernant l'agriculture, on peut

attester d'une culture de la production végétale turque. Malgré des mutations inhérentes aux

processus de modernisation, d'urbanisation et de globalisation, les pratiques ne disparaissent pas

mais se transforment. La production alimentaire stambouliote se caractérise par la pérennité de ces

traditions. Face à la menace sur les espaces physiques de production, des acteurs prennent

conscience des conséquences de la disparition de ces derniers. Le cadre urbain généralisé est

favorable à l'action de lobbies internationnaux. Ils interviennent indirectement par l'intermédiaire

des militants.

84

Page 85: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

ÉCOLOGIE MILITANTE

Afin de mettre en avant le rôle de la société civile, nous en distinguerons les acteurs mais

également les « parties prenantes ». Elles investissent ou prennent part dans les domaines allant de

l'environnement aux luttes urbaines. Ainsi, nous cherchons à identifier ceux et celles qui

manifestent un intérêt pour la production alimentaire en ville. Ainsi, notre approche au niveau

métropolitain s'attache à identifier les potentialités et par extension concerne également les

organisations. L'émergence d'une contestation autour des enjeux liés à l'environnement a permis

l'apparition d'un réseau d'écologistes qui relaie les organisations nationales, soutient des

revendications locales et initie des projets ambitieux.

L'agro-écologie

L'écologie « désigne la science qui étudie les milieux des différents êtres vivants »

(PUMAIN, PAQUOT, KLEINSCHMAGER 2006, p.96) Depuis les premières préoccupations sur

les relations entre l'être humain et son milieu jusqu'au renouvellement des luttes urbaines, l'écologie

s'est rapprochée des préoccupations agricoles. Du protectionnisme à l'anticipation d'un avenir

meilleur, l'idéologie a finalement été dépassée pour investir la pratique. L'écologisme se développe

dans les années 1960. L'idéologie vise à limiter les conséquences néfastes de l'action de l'homme

sur les structures et sur le fonctionnement des écosystèmes. La préservation de la nature a été le

champ d'action principal. La défense d'intérêts environnementaux s'est transformée en lutte par des

combats d'opposition aux grands projets de modernisation du territoire.

85

Page 86: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Dans l'agriculture elle s'est traduite par l'émergence de systèmes de productions alternatifs à

l'agriculture conventionnelle : biologique, biodynamique, raisonnée, naturelle. Le refus de la

systématisation des intrants chimiques, la conservation de techniques traditionnelles deviennent

alors une forme de militantisme excluant ses protagonistes du système conventionnel. En parallèle,

le domaine de l'alimentation a été touché par une prise de conscience de l'influence de

l'environnement sur la santé de l'homme. Par l'intermédiaire de la diététique, dans un premier

temps, un public croissant a affirmé une volonté de disposer d'une alimentation saine. Aujourd'hui,

« l'agriculture bio répond aux attentes des français. 84% souhaitent qu'elle se développe et 77%

estiment que la Bio est une voie d'avenir face aux problèmes environnementaux ». (AGENCE BIO

2008)

En Turquie, c'est au milieu des années 1990, qu'a lieu la première mobilisation politique

sérieuse face à la pollution atmosphérique générée par l'usage massif du charbon et face à la

raréfaction et à l'altération des ressources proches en eau. En juin 1996, la conférence Habitat II

sensibilise l'opinion stambouliote aux questions d'environnement et stimule l'apparition de

nombreuses associations (MONCEAU 2010, p 254). Le tremblement de terre de 1999, amena la

question des désordres écologiques sur le devant de la scène (MILLS 2007, p380). Du côté des

institutions, à partir de l'an 2000, la volonté de rendre Istanbul attractive sur le marché des villes

mondiales se traduit par l'élaboration d'images touristiques et l'environnement est orchestré par une

mise en paysage : Bosphore, tulipes.

La rupture entre l'agriculture et la ville s'est opérée récemment si on replace les événements

dans un temps long. Elle a cependant été radicale. La révolution verte a fait décroitre le nombre

d'agriculteurs, les exploitations ont augmenté en taille et se sont modernisées. Les activités de

transformation et de distribution se sont industrialisées. Les produits se sont standardisés. De la

sorte, une coupure spatiale et sociale a été faite entre le consommateur et le producteur. Cependant,

depuis une dizaine d'années, la question alimentaire est un objet de débat public. La qualité de

l'alimentation est remise en cause par la société civile. Il y a un déficit de confiance croissant

concernant la production agricole, la distribution alimentaire et les politiques agricoles depuis les

crises alimentaires.

86

Page 87: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les scandales des épidémies de ''vache folle'' en 1996, fièvre aphteuse en 2001, grippe

aviaire an 2009, des poulets à la dioxine en 2011, de la contamination des nappes phréatiques ou

encore du dumping dans les pays du Sud choquent l'opinion publique. À l'image du scepticisme

général face aux recherches de développement des Organismes Génétiquement Modifiés (O.G.M.),

un besoin de sécurité se fait sentir. De manière générale, la notion de progrès en agriculture ne

convainc plus (DELFOSSE 2009, p1). Les contestations sont guidées par la recherche de garanties

et d'assurances à propos de la provenance des produits et des conditions de production. De plus, les

enjeux de santé publique comme l'obésité ou le cancer amènent les pouvoirs publics à donner plus

de garanties au consommateur par l'intermédiaire, par exemple, des normes de traçabilité.

Actuellement, le renouveau des marchés, l'explosion du nombre d'Associations de Maintien de

l'Agriculture Paysanne, l'apparition des jardins partagés, montre une nouvelle construction de

valeurs associée à une agriculture de proximité. En intégrant les circuits courts, les activités

agricoles locales répondent à cette forte demande sociale. Philippe Desbrosses parle d'« offre et de

demande agro-existentielle » (DESBROSSES 2007) qui concerne le besoin de fournir une

alimentation domestique éco-régionale à généraliser du micro-territoire au macro-territoire.

Ce mouvement commun aux pays occidentaux atteste d'un renouveau dans la relation à la

production alimentaire. De plus en plus d'organisations, promulguent conseils et services pour aider

les citadins à jardiner. Au Québec, l'association Jardins sur les toits s'est spécialisée dans la culture

sur dalles. Elle donne connaissance des outils techniques et par son action facilite l'évolution des

normes légales. À Paris, l'association Main Verte, travaille avec la Marie de Paris à l'harmonisation

de la gestion des jardins partagés. Cette nouvelle tendance généralisée montre l'investissement de la

société civile sur la question écologique. L'agriculture devient un enjeu de politique publique par sa

médiatisation. L'action de ces organisations ne se limite pas à l'activité de jardinage, elle peut servir

différentes finalités. Jardins sur les toits a participé à la mise en place d'un jardin sur le campus

universitaire de McGill pour l'organisation communautaire La Popotte roulante. Les légumes

cultivés par des bénévoles sont ramassés quotidiennement pour alimenter la cuisine qui prépare des

repas à destination des personnes âgées distribués en vélo. Le partenariat de ces organisations

permet un investissement global. Il ne s'agit pas de servir strictement des intérêts écologiques qui

amoindrissent la portée du projet, mais d'intégrer une éthique.

87

Page 88: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Le terme agriculture, désigne une « activité économique ayant pour objet la transformation

et la mise en valeur du milieu naturel afin d'obtenir les produits végétaux et animaux utiles à

l'homme » (LAROUSSE 2004) et selon Vincent Ribier et Michel Griffon (CIRAD), l’agro-écologie

est une alternative aux schémas classiques de production agricole et s'oriente vers des modèles

durables respectueux de l’environnement, économiquement performants et socialement équitables.

Pour Marc Dufumier, ce néologisme de plus permet de contrer la récupération commerciale et

médiatique des expressions « agriculture durable » «biologique » « écologique ». « L’agro-

écologie est pour nous bien plus qu’une simple alternative agronomique. Elle est liée à une

dimension profonde du respect de la vie et replace l’être humain dans sa responsabilité à l’égard du

Vivant.» (RAHBI 2008, p. 63) L'expression nous a semblé intéressante afin de mettre en lumière

une mise en pratique du militantisme écologique.

La situation des pays occidentaux où l'on observe une convergence d'intérêts entre les

différents acteurs, fait état d'une maturation que les auteurs ne retrouvent pas dans les pays en

développement. Alors que certains évacuent l'enjeu, il semble que les problématiques se

transforment mais ne disparaissent pas. En d'autre termes, la dynamique prend d'autres formes selon

le contexte.

88

Page 89: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Émancipation de la société civile

La mobilisation commence par un groupement autour d'intérêts communs. La défense de

l'existant est une première étape comme à Kuzguncuk. Le quartier, situé sur la rive asiatique à

proximité du centre conservateur d'Üsküdar, conserve un jardin grâce à l'initiative des habitants. Les

luttes urbaines qui se sont cristallisées autour de ce jardin ont été analysées par Amy Mills. Ce

jardin a été défendu à la fois par les immigrés de la région de la Mer Noire et les nouvelles

populations du quartier. Face à la récupération du site par les services de l'état est évoquée l'histoire

pour clamer la propriété symbolique du lieu et de son usage. Au fil du temps, le discours se modifie.

Dans un premier temps, la lutte se concentre sur le refus de l'utilisation lucrative de la terre, puis

elle s'oriente vers le refus d'une urbanisation monstrueuse et la corruption du gouvernement pour

plus récemment prôner une vision plus verte du futur (MILLS 2006, p. 280). Dans les justifications,

un transfert s'opère d'une défense d'intérêts individuels ou communautaires, vers une revendication

universelle. Cette démarche relève de l'adhésion à un projet et d'une prise de position définitive. Le

processus de maturation des enjeux de la lutte, fait état du franchissement d'un point de non retour.

89

Illustration 22: Bostan de Kuzguncuk

Page 90: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

ORGANISATION GROUPE CRÉATION MISSION PRINCIPALE LIEN À L'AGRICULTURE LIEU

Association de

quartier

1999 Valorisation

histoire du quartier

Maintien physique du

bostan

Kuzguncuk

Réseau Tohum

Izi

Protection des

semences

Livre et film sur

savoirs-faire paysans

Turquie

Çiftçi-Sen 2007 Confédération de 7 organisations de

producteurs

Turquie

Association

Emanetciler

Réseau

semence Tohum

Agi

2006 Protection de

l'agriculture

traditionnelle

Ateliers sur les jardins

urbains

Yenikoy,

Istanbul

Greenpeace

Méditerrannée

Défense de

l'environnement

Mise en réseau Beyoglu

Ulaşılabilir

Yaşam Derneği

Toplumsal

Kalkinma

Gönüllüleri

Derneği

Projet d'agriculture urbaine

Gürpinar

Buğday

Derneği

2002

(2006

marché)

Promotion du mode

de vie écologique

Marchés 100%

biologique, projet

d'agriculture urbaine

Şişli, Kartal,

Bakırköy,

Beylikdüzü

Doğa Derneği Protection de la

nature

Jardin urbain, panier

de légumes

Çengelköy

Oda projesi Projet Migrating

Gardens

Art Documentation et

exposition

Les bostan

Ekolojik

Üreticiler

Derneği

Organisation des

producteurs

écologiques

Marché populaire

biologique Organik

Halk Pazarı

Kadikoy,

Zeytinburnu,

Maltepe

« Bir Umut « Des producteurs

aux

consommateurs

Association des

quartiers

populaires

Projet d'agriculture

urbaine

Taksim,

Kartal

Permakültür

Trkiye

Lieu permaculturel

communautaire

séminaire de

permaculture urbaine

Marmariş,

Istanbul

Tableau 19: Inventaire des parties prenantes à Istanbul

90

Page 91: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Après les revendications, certains groupes militants manifestent le besoin de passage à

l'action. L'agro-écologie repose sur une autre manière d'agir, de prendre position et de résoudre le

problème. À partir d'un problème identifié, est proposée une nouvelle manière de relever les défis

(DONOVAN, LARSEN, McWHINNIE 2011, p1). Le cadre socio-politique et culturel turc induit

des conditions de revendication spécifiques. Le bureau Greenpeace Turquie, montre bien la

relation ambiguë entre mobilisation et société civile en Turquie. En effet, il est chargé de mettre en

œuvre les campagnes du réseau Greenpeace Méditerranée. Il s'agit de campagnes internationales qui

s'appuient sur la médiatisation des actions pour faire évoluer l'opinion publique et influencer les

décideurs politiques. Elle coordonne la centaine de bénévoles turcs et organise les protestations. Ce

mode de mobilisation de la société civile illustre bien la thèse d'un rôle important joué par les

processus de lobbyings internationaux (DORRONSORO 2005). Les micro-mobilisations habitantes

à Istanbul ne sont pourtant pas négligeables et s'appuient là aussi sur des acteurs disposant d'une

certaine expertise ou expérience, notamment dans le milieu universitaire. « Ces types d’actions

collectives obligent, de fait, à donner une place importante aux singularités des terrains d’action,

parfois très circonscrits, et aux histoires locales non écrites, mais bien appropriées par les

acteurs21 » L'exemple des usagers informels sur le terrain des murailles, montre que malgré

« l’absence de mobilisation, c’est le camp le plus faible (les usagers quotidiens) qui impose son

emprise sur le camp le plus fort (les autorités publiques) » (DORSO 2008, pp. 38-39). Il ne serait

pas juste de réfuter la possibilité de mobilisations par le bas mais il est intéressant de considérer que

le succès de ces opérations réside dans la convergence d'acteurs de différents horizons. Un cadrage

historique permet également de mieux considérer les stratégies des acteurs militants. Après le

troisième coup d'état de l'armée en 1980, la société turque a été volontairement dépolitisée : les

partis politiques ont été dissout ainsi que de nombreuses associations et syndicats. La forte

répression des années suivantes a eu pour conséquence de limiter l'action collective.

21 Pérouse, J.-F., « Les compétences des acteurs dans les micro-mobilisations habitantes à Istanbul »

(DORRONSORO 2005, p.145)

91

Page 92: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les mobilisations évoluent vers la définition d'actions qui s'inscrivent dans une dynamique

de projet. Depuis son apparition dans les années 1960, dans la littérature scientifique francophone

publiée en Afrique centrale22, l'agriculture urbaine est un concept utilisé par les géographes pour

décrire des projets institutionnels lancés par des équipes multidisciplinaires. C'est un « concept

dynamique 23» qui s'adapte au projet et à son contexte, à sa situation. Il est à définir localement car il

prend différentes formes. Les organisations non gouvernementales (ONG) lui donnent de

l'importance dans le cadre de l'augmentation de la pauvreté urbaine sous l'effet de l'expansion

démographique urbaine. Le projet stambouliote, le plus médiatisé est celui de l'ONG turque,

Ulaşılabilir Yaşam Derneği UYD. À l'intérieur de cette organisation, le groupe Agriculture Urbaine

Toplumsal Kalkinma Gönüllüleri Derneği TKGD (association des volontaires du développement

social) met sur pied en 2005, un projet d'agriculture urbaine dans l'aire métropolitaine d'Istanbul. La

municipalité de Gürpinar accueille ce projet pilote pour « améliorer les opportunités d'emplois et

fournir la sécurité alimentaire aux groupes en difficulté par l'agriculture urbaine ». Une formation

est assurée par UYD et différentes universités. Le projet d'UYD s'est amenuisé à mesure du

désinvestissement de l'association aujourd'hui dissoute. D'autre part, l'Association Emanetciler,

vient de commencer à mobiliser les citadins sur les méthodes de mises en culture des terrasses,

balcons, afin de conserver les semences paysannes.

22 Mougeot LJA., Urban Agriculture: Definition, Presence and Potentials and Risks, p123 RUAF, C1 : definition of urban agriculture

92

Illustration 23: Logo d'organisations

écologistes investies en Turquie

Page 93: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Les autres exemples de projets recensés relèvent d'initiatives spontanées et fragmentaires. La

distribution alimentaire apparaît comme un nouveau champ d'investissement dont les modalités sont

maitrisées par les organisations au profit des producteurs. Buğday Derneği organise des marchés

biologiques sur l'aire métropolitaine. L’association créé en 2006, le premier marché certifié

biologique avec 48 stands. On en dénombre 250 aujourd'hui, 70% sont des producteurs. Sur ces

marchés, sont organisés ateliers, conférences, projections de films, concerts et expositions. Ils sont

l'occasion de réunions informelles de militants, et de créations de partenariats avec les

municipalités. L'association œuvre au plus près des producteurs. Une autre organisation, oeuvre

dans le même secteur : l'association de producteurs écologiques Ekolojik Üreticiler Derneği, a

permis la construction de marchés couverts dans les municipalités de Kadikoy, Zeytinburnu,

Maltepe. Celui de Zeytinburnu se trouve à proximité des murailles : il est même indiqué depuis la

route. Dans ce secteur, on peut aussi noter la présence d'un jardin de plantes médicinales,

Zeytinburnu Tıbbi Bitkiler Bahçesi.

Quelques organisations s'essaient à la production: Buğday Derneği, par exemple, participe à

un projet d'agriculture urbaine sur Göztepe. Le quartier de kartal où est active l'association « Bir

Umut » accueille un jardin de quartier communautaire. Au siège de l'organisation Doğa Derneği à

Çengelköy, un jardin a été cultivé et une distribution de paniers aux sympathisants a pu être

organisée à petite échelle. Cette activité n'a pas été reconduite à cause de la mobilisation de

l'organisation au sud du pays. Les réseaux de vente directe s'organisent également en groupement

d'achat. Toprak Ana utilise internet pour apporter son soutien à une vingtaine de petits producteurs

en organisant des commandes mensuelles. Chaque exploitation est visitée puis décrite. Depuis sa

création, l'association « Bir Umut » a élargi ses activités en créant des alternatives de consommation

et de vie. En 2005, l'association s'approvisionne en huiles, olives, miel dans des productions

traditionnelles de l'Ouest de la Turquie. La distribution est auto-gérée dans une trentaine de points

de distribution publics ou privés, permettant ainsi de toucher une centaine de familles. Au sein de

l'université du Bosphore, un groupe de consommateurs a créé la coopérative « Kibele » pour

accéder directement à des producteurs.

93

Page 94: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

L'éclairage sur les pratiques urbaines agricoles, en dehors des activités de sauvegarde se

développe. En 2009, une collaboration entre le collectif artistique stambouliote Oda projesi et une

université du Danemark représenté par Nis Rømer s'intéressa aux usages de l'espace urbain avec des

perspectives inhabituelles. Il s'agissait de montrer les micros interventions, de revisiter et de réviser

le concept de propriété foncière. Le projet Migrating Gardens, se concrétisa par une exposition à

Frederiksberg et la publication d'un journal. Ce dernier décrit le concept de bostan à Istanbul, la

situation au Danemark avec une perspective géographique, historique et associative, et transcrit des

entretiens avec les jardiniers d'Istanbul et de Copenhague (ODA PROJESI, ROMER 2009, p.2).

94

Illustration 24: Migrating Gardens (ODA PROJESI ROMER 2009),

marché organique de Zeytiburnu

Page 95: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Cette dynamique d'action globale rejoint un mouvement grandissant qui s'intéresse aux

méthodes agricoles : la permaculture. À Istanbul, un groupe turc, s'est déjà penché sur la question

de la mise en permaculture de terrains urbains. La permaculture est souvent considérée comme un

procédé « alternatif » de production alimentaire écologique à travers une autre façon de concevoir le

monde. Du mot, on peut dire qu’il a été formé dans les années soixante-dix, par Mollison et

Holmgren à partir de deux termes anglais : « permanent » et « agriculture ». Les créateurs du

concept définissent en premier lieu la permaculture comme « un système évolutif intégré, d’auto-

perpétuation d’espèces végétales et animales utiles à l’homme. C’est, dans son essence, un

écosystème agricole complet, façonné sur des exemples existants, mais plus simples» (PEZRÈS

2010, p 2). Le souhait citoyen de réinvestir la ville, se concrétise dans l'ambition de méthodes

agricoles respectant les cycles écologiques naturels du mouvement des Villes en transition. Pour

faire face au manque de moyens financiers, au sein de la confédération çifti Sen, un groupe de

volontaires s'est constitué. Ce « groupe de citadins pour la solidarité avec les paysans » dont

l'acronyme est Keçi (signifiant chèvre en turc) travaille avec l’international à travers le mouvement

Via Campesina.

De l'ensemble de ces initiatives polymorphes, on observe l'intégration de concepts

occidentaux : permaculture, agriculture biologique, la présence d'acteurs étrangers que ce soit des

organisations ou des individus : Via Campesina, partenariat universitaire européen, fondateur de

Buğday Derneği. Ce visage turc de l'agro-écologie est une réponse au contexte socio-politique turc

dans lequel les milieux universitaires et militants sont les plus aptes à se mobiliser.

95

Page 96: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

LES ENJEUX URBAINS DE L'AGRICULTURE URBAINE

Dans l'expression « agriculture urbaine » par l'adjonction du terme urbain, on spécifie la

production agricole par son emplacement. Par conséquent, il est admis que l'activité se situe en

ville. L'agriculture urbaine s'oppose ainsi à l'agriculture rurale. L'exemple des maraîchers menacés

stambouliotes, nous montre que l'insécurité foncière est le principal risque auquel sont soumis les

agriculteurs urbains. Il est intéressant de considérer que dans bien des pays, l'impossibilité pour les

ménages d'accéder, en ville, à des terres est la principale raison donnée pour expliquer qu'ils

n'exercent aucune activité agricole (FAO 1999, p.12). En dehors de sa participation à l'économie

domestique, il a été souligné que l'agriculture urbaine participe aux développement des

communautés, à la création du lien social et d'aménités environnementales. Tous types de personnes

pratiquent l'agriculture urbaine, ce qui permet de présenter cette dynamique comme un outil

d'égalité, de démocratie et d'un outil politique de conscientisation des populations.

Les fonctions urbaines de l'agriculture

Dans le cadre de la compétitivité des villes sur un marché international, l'agriculture urbaine

apparaît comme un faire valoir attestant de la bonne gestion de la ville. La justice environnementale

pousse à joindre les enjeux de développement durable et de justice sociale à cause de la perspective

d'augmentation des migrants climatiques. L'agriculture urbaine peut également avoir une incidence

positive auprès de l'Union Européenne en tant qu'outil de négociation. En effet, le rôle de l'UE est

d'importance dans les politiques agricoles par l'intermédiaire de la Politique agricole commune,

auquel elle consacre la moitié de son budget (SOLDUK 2007, p.1). Dans la présentation de son

Master plan, la municipalité montra un intérêt pour une agriculture urbaine multi-fonctionnelle,

considérant à la fois les espaces productifs urbains et les ceintures vertes. L'agriculture urbaine peut

être utilisée pour préserver le vert en ville et dans les périphéries, et pour renouveler les espaces

urbains délaissés.

96

Page 97: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Au niveau international, alors que plus de la moitié de la population mondiale vit en ville,

l'agriculture urbaine apparaît comme un outil de maintien de la diversité culturelle, de la sécurité

alimentaire et de soutien des moyens de subsistance. « Jusqu'à une date récente, la pauvreté était

synonyme de vie rurale, mais l'urbanisation rapide de nombreux pays en développement a fait

naître une importante classe urbaine pauvre» (FAO 1999, p.4). La paupérisation est un phénomène

plus rapide que l'expansion démographique. Les estimations de la Banque mondiale, sur l'état de

santé et les conditions environnementales indiquent que, dans les villes, les conditions d'insalubrité,

d'insécurité alimentaire et de pauvreté urbaine s'aggraveront. Pour l'Organisation des Nations Unis,

l'agriculture urbaine est un outil pour nourrir les populations des villes surpeuplés des pays en

développement (BOUCHER 2009, p.42). La Food and Agriculture Organization (PEZRÈS 2010,

p.3) a défini pour son mandat dans les états membres que l'agriculture urbaine et péri-urbaine aient

pour objectif de :

fournir un accès adéquat à une alimentation nourrissante

s'intégrer efficacement à l'agriculture rurale (car elles ne sont pas interchangeables)

définir des politiques de gestion de l'eau et des sols qui s'appliquent à la production agricole

guider les pratiques agricoles dynamiques vers l'objectif de la durabilité

Il est souligné que l'agriculture urbaine facilite une auto-suffisance alimentaire résiliente. En

cas de crise politique ou économique d'un état (troubles civils, sécheresse, dévaluation de la

monnaie,...) ou bien du ménage (maladie, perte d'emploi, rupture familiale...) l'agriculture urbaine

fournit des réserves alimentaires d'urgence. L'agriculture est un secteur facile d'accès pour les

migrants ruraux. « Selon les estimations, dans le monde entier, quelque 800 millions d'urbains sont

impliqués dans l'agriculture urbaine, que ce soit pour se procurer des revenus et/ou pour produire

de la nourriture» (FAO 1999, p.8). L'activité contribue à l'amélioration des disponibilités

alimentaires. Sur de très petites superficies d'un mètre carré, il est possible de produire des légumes

de grandes valeurs nutritives. Il est intéressant de noter que les ménages urbains ayant des activités

horticoles sont généralement, non pas les habitants les plus pauvres, mais ceux qui habitent depuis

suffisamment de temps en ville; ils ont pu trouver des terres et de l'eau et se sont familiarisés avec

les créneaux commerciaux pour vendre leur production excédentaire. L'agriculture urbaine est un

outil d'insertion et jouerait le rôle d'ascenseur social, hypothèse vérifiée par le cas des maraîchers

des murailles.

97

Page 98: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Le groupe Toplumsal Kalkinma Gönüllüleri Derneği d'UYD a pris en charge un projet

d'agriculture urbaine à Gürpinar. Dans ce projet, les objectifs ciblés visent l'éducation, la

citoyenneté et l'emploi en mobilisant les femmes et populations démunies proches du quartier. 25

femmes des municipalités d'Esenyurt, Kıraç et Gürpinar se sont investies dans ce projet. Pour ces

migrantes, le manque d'éducation, de compétences et de temps pour l'adaptation leur refusaient

l'accès aux opportunités d'emploi. L'agriculture était leur occupation principale à la campagne. Elle

mettent à nouveau en valeur leurs compétences en améliorant l'estime de soi et leurs réseaux

sociaux. Au bout d'un an, douze personnes formées au maraîchage biologique bénéficient d'un

travail permanent avec une rémunération de 250USD /mois, et de la possibilité de profiter des

légumes cultivés ce qui réduit de 25% le budget familial alimentaire. En 2006, un projet est initié à

Büyükçekmece sur un terrain de 60ha, avec 50 femmes. La production se concentre sur les herbes

aromatiques biologiques à destination du marché stambouliote24.

24 70% de la production biologique turque est exportée98

Illustration 25: projet d'agriculture

urbaine de Gürpinar, ODA PROJESI,

ROMER 2009, p.14

Page 99: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

TKGD montre aux autorités urbaines que la production agricole a des dimensions sociales,

économiques et environnementales, liées aux problématiques urbaines telles que la sécurité

alimentaire, la pauvreté, la santé, le chômage, le développement des micro-entreprises, le recyclage

des déchets, les loisirs et détente et le développement des quartiers. La condition sinequa non d'une

agriculture urbaine est l'accès au foncier.

Le nécessaire accompagnement du politique

L'agriculture urbaine soulève des enjeux politiques. « Le succès de l'agriculture urbaine

repose sur deux facteurs d'importance: la disponibilité de terres publiques non bâties, même au

centre-ville, et la demande de la population qui souhaite y cultiver des produits alimentaires »

(Mme Rey, Adjointe au Maire de La Havane dans PNUD, 1997). A Istanbul, l'unique raison de

disparition des bostan est le coût du foncier. Dans le cadre urbain, les organisations qui influencent

l'agriculture urbaine ont un rôle important à jouer : régulation, facilitation, fourniture et partenariat.

Ces missions peuvent être investies du niveau local à celui d' international par différents acteurs.

Les organisations agricoles sont peu représentées car il n'est pas prévu de syndicat pour l'activité

d'agricole25. Les agriculteurs se regroupent dans des organisations de producteurs.

GROUPES DE SUPPORT AUTORITÉS PUBLIQUES INSTITUTIONS

InternationalUnion européenne,

FAO, Nations Unis

Agences de

développement

international :

ETC-AU, RUAF

National

Organisations non

gouvernementales,

syndicales, agricoles

Gouvernement,

ministères

LocalIBB,

municipalités

Institut de recherche,

universités

stambouliotes

25 Çiftçi Sendikaları Konfederasyonu (Çiftçi-Sen) milite pour l'organisation syndicale des agriculteurs99

Page 100: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Au niveau métropolitain, il y a un besoin de formation des urbanistes pour faire face aux

risques sanitaires et à la nécessité d'une bonne planification. Une agriculture urbaine préexistante,

non régulée produit conflits, contraintes et risques. La corruption et la compétition pour les

ressources exclut alors de l'agriculture urbaine ceux qui méritent le plus d'en bénéficier. Les

politiques prohibitives attachées à l'activité agricole ou à la gestion urbaine tendent à être inefficace.

La tendance des gouvernements locaux est de faciliter la gouvernance partagée de tous les acteurs

(COLE LEE-SMITH NASINYAMA 2008. p.38). L'utilisation urbaine de l'agriculture investi le

champ de l'alimentation mais rejoint également celle du cadre de vie. En ville,malgré le peu de

visibilité qui lui est accordée, l'agriculture urbaine s'inscrit dans des dynamiques urbaines motrices.

Tout comme les champs « politique de la ville » ou « espaces publics », sa relation aux autres

fonctions urbaines est conflictuelle. Elle existe par la volonté politique de résistance aux grandes

tendances d'urbanisation.

Pour la municipalité le projet d'UYD à Gürpinar est attractif. Elle y apporte son support en

facilitant l'usage temporaire d'espaces vacants et trouve sont intérêt dans la création d'emploi, la ré-

utilisation des déchets organiques, le développement communautaire, la coopération avec les

chômeurs et populations pauvres, le développement d'alliances avec les autorités locales. Le projet

est subventionné par l'union européenne depuis Ankara. ETC-UA a assuré la formation de l'équipe

de UYD et des missions de conseils, développement stratégique et gestion de projet. Le projet a été

accompagné par la traduction en turc de Urban Agriculture Magazine. Le projet a attiré l'attention

des médias, notamment à l'occasion d'un séminaire international.

En 2006, la municipalité de Büyükçekmece s'adresse à TKDG pour développer une initiative

similaire. Le projet commence au milieu de 2006 avec une petite contribution de UNDP. Le terrain

fait partie de la ceinture verte autour du lac de Büyük Cekmece (17% des ressources en eau pour

Istanbul en danger). L'agriculture classique et les constructions n'y sont pas autorisées. Le projet

consiste en la création d'une ferme urbaine viable avec de multiples potentiels de développement

identifiés par TKGD et la municipalité : activités et équipements éducatifs, récréatifs et d'accueil,

pistes cyclables et chemins piétonniers.

Le système d'agriculture urbaine à Istanbul est un héritage en déperdition. Les pratiques sont

encore actives mais le renouveau des populations, la pression urbaine sont des facteurs de risques

très forts entrainant la disparition de ces pratiques. Elles ne bénéficient d'aucun support bien qu'il y

ait un contact juridique avec la municipalité. 100

Page 101: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

CONCLUSION

La situation turque est favorable à l'agriculture urbaine intégrée à sa tradition de production

alimentaire, alors que dans d'autres villes, c'est pratique est inexistante.

« Manifestement, la production des bostan est une production durable. Depuis plusieurs

siècles, sur les mêmes terrains, les jardiniers d'Istanbul se sont appuyés sur les

fertilisants naturels pour entretenir des terres productives et saines et produire des

légumes de très grande qualité. Avec l'enlèvement des élevages de la ville, la pression

pour l'emploi d'engrais chimiques a augmenté. En plus de la dépense, les jardiniers et

leurs clients insistent sur le fait que la qualité du produit est moins bonne avec des

engrais chimiques. Pour ces raisons, la plupart des jardiniers préfère établir des

arrangements avec les laitiers et fermes autour d'Istanbul pour acheter des camions de

fumier. De la même manière, les jardiniers sont concernés par la généralisation des

semences hybrides et modifiées. Partie importante des dépenses, ces semences excluent

l'opportunité de préserver les graines d'une saison à l'autre. L'agro-système des jardins

est une mine de savoirs locaux qui pourrait fournir la catalyse pour des projets de

renouvellement urbain ou pour de futurs projets d'agriculture urbaine.» (Kaldjian, ODA

PROJESI, ROMER 2009, p.10)

101

Page 102: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Composante du système : maraîchage, groupement d'achat, vente directe

Culture de production : fruits, légumes et produits transformés

Promotion et intégration aux politiques d'aménagement : Espaces verts,

Développement économique

EXISTANT

Initiative : migrants

Support : aucun ou temporaire

Régulation : IBB, répressive

PROJET

Initiative : ONG locales

Support : autorités publiques

internationales

Régulation : municipalités

Tableau 20: Principales caractéristiques de la production alimentaire stambouliote

La mise en regard des pratiques traditionnelles aux projets contemporains révèle le caractère

disparate de l'agriculture urbaine non régulée. Depuis quelques dizaine d'années, l'agriculture

urbaine prend de l'importance dans le débat contemporain concernant la ville. Elle est appelée a

étayer la boite à outils des nouvelles idéologies urbaines. La thématique apparaît dans les journaux à

grande diffusion. Le quotidien Hürriyet Daily News faisait état de ces aires rurales à 1h d'Istanbul

qui se trouvent entre deux eaux, entre ville et campagne (SENERDEM 2010).

102

Page 103: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

L'agriculture urbaine se métamorphose. Elle ne concerne plus l'espace restreint du jardin

mais est appréciée en tant que projet de société. Dans le cadre français de la péri-urbanisation, on

voit l'émergence des projets de territoire « ville-campagne ». Les campagnes urbaines apparaissent

comme un métissage des villes et ruralités, où se retrouve fonctions agricoles et citadines et s'allient

les thèmes de l'environnement et du patrimoine. Les outils des projets sont les schémas directeurs,

les plans d'occupation des sols, les différents codes (urbanisme, rural, environnement) et

l'agriculture contractuelle. La loi d'orientation agricole permet un rôle incitateur aux municipalités

offrant une sécurité foncière en se chargeant de la location des terres.

La dynamique de projet de l'agriculture urbaine peut être généralisée de manière plus

systématique dans le cadre de nouvelles idéologies urbaines. «L'urbanisme agricole cherche à

intégrer l'agriculture à la croissance urbaine. Ses principes visent à faire le lien entre

l'alimentation, le territoire et la santé en créant un environnement qui supporte l'agriculture

urbaine par la préservation de parcelles agricoles, la mise en place de marchés de produits locaux

et l'organisation d'activités de sensibilisation» (BOUCHER 2009, p.41). Cette nouvelle approche

de planification urbaine (agricultural urbanism) est une voie du nouvel urbanisme initié par André

Duany qui reprend également les principes de croissante intelligente pour soutenir un système de

production alimentaire durable.

103

Page 104: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

CONCLUSION

De petits terrains d'un espace urbain, permettent de subvenir aux besoins économiques et

alimentaires de familles plus ou moins étendues. Les jardiniers mettent en valeur un espace public

vacant de frange urbaine par une production de légumes à feuilles et herbes aromatiques. Ces

migrants de la région de la mer Noire disposent d'un fort capital humain de main d'œuvre et de

savoirs faires traditionnels. Les jardins sont un espace de transition socio-professionnelle permettant

l'intégration des migrants au système urbain des jardins.

La production horticole intensive à petite échelle permet une ascension sociale des

jardiniers. Les techniques de commercialisation montrent une différenciation des statuts des

maraîchers. La production sur cet espace cultivé dès le Vème siècle, est depuis sa récente

institutionnalisation soumise à l'acquittement d'un loyer d'occupation à la municipalité

métropolitaine. La précarisation des conditions d'occupation s'accompagne d'une inaccessibilité aux

services de crédit et d'extension. Sur cette aire inconstructible, où l'activité maraîchère a été

historiquement privilégiée, il est remarquable d'observer l'adaptabilité des migrants au cadre

structurel mais également, l'action et la réaction des autorités publiques aux multiples composantes

qui brouillent les pistes. L'organisation et ses représentants se fait régulatrice, pénalise et défie par

l'absence de communication et une organisation verticale. Les activités de maraîchage offrant des

possibilités limitées en termes financier et social, apparaissent comme le motif d'un choix de vie. En

effet, les acteurs intégrent la marginalité de leur condition dans leurs stratégies individuelles.

Pour certains, la mise en tourisme de l'espace peut à la fois révéler la menace d'une rénovation

urbaine par laquelle on les chasserait mais également leur assurer une visibilité protectrice.

104

Page 105: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Le système alimentaire d'Istanbul bénéficie de la culture turque de production de fruits,

légumes et de transformation. Les pratiques non instituées restent très prégnantes dans le quotidien

des stambouliotes. L'agriculture urbaine peu s'appuyer sur des réseaux de jardins maraîchers, de

groupes de consommateurs et de marchés de vente directe. La promotion et l'intégration aux

politiques d'aménagement est très faible mais une possible récupération se manifeste dans les

secteurs des espaces verts et du développement économique. Des situations encore antagonistes

opposent les activités de productions existantes à l'initiative des migrants, qui ne bénéficient que

d'un très faible niveau de support et souffrent d'une régulation : répressive, et les projet des ONGs

locales appuyées par les autorités publiques internationales qui sont le faire-valoir des

municipalités. L'agriculture urbaine se métamorphose. Elle ne concerne plus l'espace restreint du

jardin mais est appréciée en tant que projet de société étayé par de nouvelles idéologies urbaines.

Dans le cadre urbain, l'agriculture urbaine dessine les contours d'un projet de territoire. Sa

particularité est de recouper différents enjeux sociaux contemporains et d'être à la jonction de

différents domaines. L'étude des pratiques sociales, des usages et des sociabilités du groupe des

maraîchers permet en regard des stratégies de gouvernance et planification urbaines d'envisager les

logiques économiques et institutionnelles. Une autre approche pourrait prendre en charge les enjeux

spatiaux et urbanistiques des limites et difficultés auquel fait face l'agriculture en ville. L'exemple

du conflit pour le foncier à Istanbul sert la connaissance du monde militant sur les mécanismes

urbains qui conditionnent l'existence d'une agriculture en ville. Les principaux besoins de support à

l'activité se manifestent en termes d'assistance technique et d'organisation. Les objectifs de ces

missions concernent la résolution des problèmes de production, de gestion du sol et de l'eau et le

contrôle qualité, le transport et la commercialisation, l'amélioration de l'accès à la terre et au

crédit26. À notre connaissance, aucune données ne sont disponibles concernant l'influence d'un

environnement dégradé sur les productions agricoles stambouliotes. En effet, les éléments traces

métalliques27 peuvent être concentrés dans la chaine alimentaire. Les légumes à feuilles sont les plus

vulnérables à la contamination par les émissions des automobiles. De plus, l'activité peut être source

de pollution notamment par l'utilisation de pesticides, herbicides et fongicides, dérivés d'armes

chimiques qui sont des produits toxiques conçus pour tuer les organismes vivants. Tout comme les

engrais chimiques, leurs principes actifs ont une durée de vie bien supérieure à celle de leur

utilisation. « Il est recommandé que les légumes à feuilles et autre cultures pour la consommation

humaine et animale ne se trouvent pas à au moins de 30 m d'une route, particulièrement s'il elle est

fortement fréquentée» (COLE LEE-SMITH NASINYAMA 2008, p. 150).

26 RUAF, C3 : Urban agriculture types: production systems27 communément appellés métaux lourds

105

Page 106: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

L'existence de jardins dans un contexte d'émergence d'une dynamique d'agriculture urbaine

apparaitrait comme un espace possible de mobilisation. Marion Boulianne a montré par le

rapprochement d'initiatives de jardins québécois et mexicains des dynamiques similaires de

réinvestissement du jardinage vivrier. « Souvent issues de mouvements sociaux, ces expériences

peuvent être assimilées à des initiatives de l'économie sociale» (BOULIANNE 1999, p1). Ainsi une

lecture horizontale d'expérience internationale à distance des théories permet de dessiner les

contours d'une approche plus ouverte. En Russie l'agriculture urbaine familiale est « une forme de

rapport à la nature qui accroît considérablement la résilience de la société urbaine face aux chocs

économiques, émotionnels et psychologiques dus aux multiples crises du monde actuel, telles que

les perturbations de l’économie marchande» (BOUKHARAEVA, MARLOIE 2010, p 16).

106

Page 107: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

BIBLIOGRAPHIE

AGENCE BIO 2008. Conversion : la bio à la croisée des chemins, lettre d'information n°8,octobre URL :

http://www.agencebio.org/upload/pagesEdito/fichiers/LettreN8conversions.pdf

ANDRAOS Amale, WOOD Dan, 2010. Above the pavement, the farm ! Architecture and agriculture at

PF1. New York : Princeton architecture press.

Antoine Fleury, 2010. « Istanbul : de la mégapole à la métropole mondiale», Géoconfluences, novembre.

URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/MetropScient9.htm

ASON GRIMM, 2009. Food urbanism, a sustainable design option for growing urban communities.

Landscape Architecture and Environmental Studies, College of Design, Iowa State University. URL :

http://johnsonlinn-localfood.webs.com/Planning%20Resources/Food%20Urbanism_Grimm.pdf

ATASOY Nurhan, 2003. Hasbahçe Osmanlı Kültüründe Bahçe ve Çiçek , Istanbul (Turquie) : AYGAZ

A.Ş.

BENETIERE, Marie-Hélène, 2000. Jardin : vocabulaire typologique et technique, Paris : Ed. du

Patrimoine.

BERNARD Cécile, DELFOSSE Claire, 2007. « Vente directe et terroir » Méditerranée, 2 n° 109. URL :

http://www.cairn.info/revue-mediterranee-2007-2-page-23.htm

BERNARD Michel, 2010. « La relocalisation de l'alimentation n'est pas chose facile ! », Silence, n°378,

avril.

BISCHOFF Damien, PEROUSE Jean-François, 2003. La question des barrages et du GAP dans le Sud-

Est anatolien : patrimoines en danger ?, Istanbul (Turquie) : Les Dossiers de l’IFEA.

BISHOP Claire, 2006. « The social turn : collaboration and its discontents » Artforum, Vol.44, Iss. 6. New

York (Etats-Unis) : février.

BLANQUART Paul, 1997. Une histoire de la ville, pour repenser la société, Paris : La Découverte.

BOISSIERE Thierry, 2005. Le jardinier et le citadin. Ethnologie d’un espace agricole urbain dans la

vallée de l’Oronte en Syrie, Damas (Syrie), Institut Français du Proche-Orient.

BOUCHER Isabelle, 2009. « Agriculture urbaine, une contribution à la production alimentaire »,

Urbanité, Revue de l'ordre des urbanistes du Québec et de l'Institut canadien des urbanistes, Montréal :

automne.

BOUKHARAEVA Louiza, MARLOIE Marcel, 2010. « L’apport du jardinage urbain de Russie à la

Page 108: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

théorisation de l’agriculture urbaine », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement,

Volume 10, numéro 2, septembre. URL : http://vertigo.revues.org/9919, 23/02/2011

BOULIANNE Manon, 1999. Agriculture urbaine, rapports sociaux et citoyenneté: le cas du jardinage

biologique communautaire au Québec et au Mexique. Montréal (Canada) City Farmer, Canada's Office of

Urban Agriculture, Rapport de recherche. URL : http://www.cityfarmer.org/manon.htmlJ

CARPENTER Novella, 2009. Farm city : the education of an urban farmer, San Francisco (Etats-Unis):

Penguin Press.

CLEMENT Gilles, 2006. Gilles Clément : une écologie humaniste. Genève (Suisse) : Aubanel.

COLE Donald, LEE-SMITH Diana, NASINYAMA George (dir.) 2008. Healthy city harvests:

Generating evidence to guide policy on urban agriculture, Lima, (Peru) : Urban Harvest and Makerere

University Press

Collectif, 2001. La ville aux champs. Paris : ADEF.

CONSALÈS Jean-Noël, 2006. « Compte-rendu de Thierry Boissière, Le jardinier et le citadin. Ethnologie

d'un espace agricole urbain dans la vallée de l'Oronte en Egypte », Mediterranée, revue géographique des

pays méditerannéens, n°107.

CONSALÈS Jean-Noël, MOUSTIER Philippe (dir.), 2009. « Les terroirs : caractérisations,

développement territorial et gouvernance », Mediterranée, revue géographique des pays méditerannéens,

n°119.

DAVIS Mike, 2006. Le Pire des mondes possibles, De l'explosion urbaine au bidonville global. Paris :

Édition La Découverte.

DEELSTAR Tjeerd, GIRARDET Herbert, 2007. Urban agriculture and sustainable cities, papier

thématique n°2, Université d'état de Pennsylvanie : Université des sciences de l'information et technologies.

URL : http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.168.4991&rep=rep1&type=pdf

DELFOSSE Claire, 2008 .« Éditorial : agricultures, durabilité et territoire », Géocarrefour, Vol. 83/3,

URL : http://geocarrefour.revues.org/6844.

DELFOSSE Claire, 2010. « Marchés et développement local », dans TRAVERSAC Jean-Baptiste (dir.),

Circuits courts. Contribution au développement local, Paris : Educagri.BURROWS I. La nature comestible

Delachaux et NiestléMONCEAU Nicolas (dir.), 2010. Istanbul, Histoire, promenade, anthologie et

dictionnaire, Paris : Editions robert Laffont.

DERUAZ Aurélie, 2010. Panorama de l’industrie agroalimentaire en Turquie, Istanbul : Mission

Economique Ubifrance en Turquie, Novembre.

DESBROSSES Philippe, BAILLY Emmanuel, NGHIEM Thanh, 2007. Terres d'avenir pour un mode de

vie durable. Monaco : Alphée.

108

Page 109: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

DONNADIEU Pierre, 1998. Campagnes urbaines, Paris : Actes Sud / École nationale supérieure du

paysage de Versailles.

DONOVAN Jenny, LARSEN Kirsten, McWHINNIE Julie-Anne, 2011. Food-sensitive planning and

urban design: A conceptual framework for achieving a sustainable and healthy food system. Melbourne

(Australie) : Report commissionné par National Heart Foundation of Australia (Victorian Division). URL :

http://www.ecoinnovationlab.com/uploads/attachments/article/417/HF-FSPUD-LRFINAL.pdf

DORRONSORO Gilles (dir), 2005. La Turquie conteste, Mobilisations sociales et régime sécuritaire,

Paris : CNRS Editions.

DORSO Franck, 2003. « Un espace indécis au cœur d’Istanbul ; la muraille de Théodose II en 2001 », Les

dossiers de l’IFEA, collection « Patrimoines au présent », n°1, Istanbul (Turquie) : IFEA.

DORSO Franck, 2008. La part d'ombre. Transactions et conflits entre les usages informels et les

opérations de rénovation de la muraille de Théodose II à Istanbul. Strasbourg, Thèse de Doctorat de

Sociologie, UFR des Sciences Sociales, Pratiques Sociales et Développement, Université Marc Bloch de

Strasbourg.

DUBOST Françoise, 1997. Les jardins ordinaires, Paris : L'Harmatttan.

DUBY G, WALLON A, 1992. Histoire de la France rurale, Paris : Editions du Seuil.

DUFUMIER Marc, 2009. « Agro-écologie, sécurité alimentaire et développement « durables » »,

Alternatives International, aout,. URL : www.alterinter.org/auteur2541.html

DUFUMIER Marc, 2009. « Sécurité alimentaire et développement durable. Repenser l'agronomie et les

échanges internationaux », Futuribles n°352, mai.

DÜNDARALP Boğaçhan, ONAT Tülay Atabey, DÜNDARALP Berna, CEYLAN Lale, 2011. Bostan

Yeşil iken Pazarlığa Oturulmaz Selin Biçer. BostanA Alternatif Proje Girişimi, 24 Mart 2011 URL :

http://v3.arkitera.com/news.php?action=displayNewsItem&ID=61905

ETC-UA 2008, Report 2005, Strategy 2006-2008, Activity plan & Budget 2006. URL : http://www.etc-

energy.org/fileadmin/etc/Bestanden_ETC_Intranet/URBA/URBA_Workplan_2006.doc

FAO 1999. Agriculture urbaine et périurbaine, comité de l'agriculture, Rome, 25 - 29 janvier.

fao.org/unfao/bodies/…/x0076f.htm,

FAO, 2001. Urban and peri-urban agriculture: A briefing guide for the successful implementation of

Urban and Peri-urban Agriculture in Developing Countries and Countries of Transition. Rome (Italy) :

FAO.

FAO, 2010. “ClimateSmart”Agriculture : policies, practises and financing for food security, adaptation

and mitigation, Rome (Italie) : Natural Resources Management and Environment Department. URL :

http://www.fao.org/docrep/013/i1881e/i1881e00.htm

109

Page 110: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

FATTET Mattias, 2011. Savoirs-faire et semences paysannes en Turquie, Publié le 7 juin. Accès a une

alimentation de qualité et soutien aux petits producteurs, sur Istanbul Publié le 28 mai. Retour à la terre,

pour une révolution contemporaine Publié le 10 mai. Que deviennent les paysans en Turquie ? Publié le 14

avril. URL : http://letourdespaysans.wordpress.com

FISCHLER Claude, 2001. L’homnivore, Paris: Odile Jacob

FLORENTIN Daniel, FOL Sylvie, ROTHE Hélène, 2009. « La "Stadtschrumpfung" ou "rétrécissement

urbain" en Allemagne : un champ de recherche émergent », Cybergeo : European Journal of Geography,

Espace, Société, Territoire, article 445. URL : http://cybergeo.revues.org/22123.

FRANCK Alice, 2006. « Maraîchers à Khartoum : entre intégration et marginalisation étude des capacités

intégratrices de l'agriculture urbaine », Revue Tiers Monde, n° 185.

URL : www.cairn.info/revue-tiers-monde-2006-1-page-39.htm. DOI : 10.3917/rtm.185.0039.

Hasanayn Kishk , 2008. « Pauvreté et paupérisation en milieu urbain. Une enquête

préliminaire », Égypte/Monde arabe , Première série , Travailleurs et industrie à l’heure des réformes

économiques. URL : http://ema.revues.org/index1577.html.

HERVIEU Bertrand VIARD Jean, 1996. Au bonheur des campagnes, Paris : éd. de l'Aube

HERVIEU Bertrand VIARD Jean, 2001. L'archipel paysan, la fin de la république agricole, Paris : éd.

de l'aube.

HOPKINS Rob, 2010. Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Montréal

(Canada): les éditions Ecosociétés.

JACQUES Lévy, LUSSAULT Michel (dir.), 2003. Dictionnaire de la géographie et de l'espace des

sociétés, Paris : Belin.

KALDJIAN Paul J, 2004. «Istanbul's Bostans: A Millennium of Market Gardens », Geographical Review,

Vol. 94, n° 3, People, Places, & Gardens, juillet. American Geographical Society, URL:

http://www.jstor.org/stable/30034275

KALDJIAN Paul, 1997. « Istanbul: Opportunities in urban agriculture », Arid Lands, n° 42, automne/hiver.

KALDJIAN Paul, NASR Joe, 1997. « Agriculture in Middle Eastern cities: Commonalities and

contrasts », Arid Lands, n° 42, automne/hiver.

KAYA Cadgas, 2005. « Urban agriculture in Istanbul, Turkey », Urban Agriculture Magazine 14 – article

12, RUAF Pays-Bas. URL : http://www.ruaf.org/node/61208/12/2010.

KORKMAZ Yılmaz, 2007. « The development of a Women producers' cooperative in Istanbul »,Urban

Agriculture Magazine no.18 Building Communities through Urban Agriculture – article 8, RUAF Pays-Bas.

URL : http://www.ruaf.org/node/1449

KUKUOKA Masanobu, 2009. The one-straw revolution : an introduction to natural farming, New York :

110

Page 111: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

the New York review of Books, Trad. de Shizen noho wara ippon no kakumei, 1978.

LAROUSSE, 2004. Le petit Larousse illustré, Paris : Larousse,

LATOUCHE Serge, 2006. Le pari de la décroissance, Paris : Fayard.Fukuoka, M., La révolution d'un seul

brin de paille, Paris, Éditeur Guy Tredaniel,

MARIN Brigitte, VIRLOUVET Catherine (dir.), 2003. Nourrir les cités de Mediterrannée, Antiquité,

Temps modernes, Paris : Maisonneuve & Larose.

MAZOYER Marcel, ROUDART Laurence, 1997. Histoire des agricultures du monde, Du néolithique à

la crise contemporaine, Paris : Editions du Seuil.

MERLIN Pierre, CHOAY Françoise, 2010. Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement. Paris :

Presses universitaires de France.

MILLS Amy, 2006. « Boundaries of the nation in the space of the urban : landscape and social memory in

Istanbul », Cultural Geographies n°13. URL : http://cgj.sagepub.com/

MOLLISON Bill, 1 993. Permaculture 2, Flers : Équilibres Aujourd'hui.

MOLLISON Bill, 1988, Permaculture : a designers manual, Ty algum : Tagari Publication.

MOLLISON Bill, HOLMGREN David, 1986, Permaculture 1, Paris : Debard.

MOUGEOT, Luc J.A., 2000. Urban agriculture: definition, presence, potentials and risks. dans BAKKER

N (dir), “Growing cities, growing food: Urban agriculture on the policy agenda. A reader on urban

agriculture”, Feldafing (Allemagne) : Deutsche Stiftung fuer internationale Entwicklung (DSE).

NICOLAS ALexandre, 2011. Les bidonvilles dans l'espace urbain, URL : http://www.le-

cartographe.net/index.php/dossiers-carto/monde/67-bidonvilles

ODA PROJESI, ROMER Nis, (dir.) 2009. « Migrating gardens », ANNEX, n°4, Copenhagen (Danemark):

octobre. URL : http://www.scribd.com/doc/21172413/Annex

PAQUOT Thierry, 2006. Terre urbaine, cinq défis pour le devenir des villes, Paris: La découverte

PAQUOT Thierry, RONCAYOLO Marcel (dir.), 1992. Villes et civilisation urbaine : XVIIIe-XXe siècle,

Paris : Larousse.

PAQUOT Thierry, YOUNES Chris (dir.), 2010. Philosophie de l'environnement et milieux urbains,

Paris : Ed. La Découverte.

PEETERS Emile-Gaston, 1977. Le guide de la diététique, Verviers (Belgique) : Les Nouvelles editions

Marabout.

PELEGRIN Dominique Louise, 2003. Stratégies de la framboise, Paris : Autrement.

PEROUSE Jean-François, 2004, La Turquie en marche. Les grandes mutations depuis 1980, Paris : La

Martinière.

111

Page 112: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

PEROUSE, Jean-François, 2005. « Phénomène migratoire, formation et différenciation des associations

de hemşehri à Istanbul : chronologies et géographies croisées », European Journal of Turkish Studies, n°2,

Hometown organisations in Turkey, URL : http://www.ejts.org/document369.html.

PEZRÈS Emmanuel, 2010. « La permaculture au sein de l’agriculture urbaine : Du jardin au projet de

société », Vertigo Vol. 10, n° 2, septembre.

POPELARD Allan, VANNIER Paul, 2010. "Bilan d’étape pour M. Obama, Detroit, la ville afro-

américaine qui rétrécit", Le Monde diplomatique, janvier. URL : http://www.monde-

diplomatique.fr/2010/01/POPELARD/18702

PUMAIN Denise, PAQUOT Thierry, KLEINSCHMAGER Richard, 2006. Dictionnaire La ville et

l'urbain, Paris : Economica.

QUON Sonya, 1999. Planning for Urban Agriculture: A Review of Tools and Strategies for Urban

Planners. Appendix 1: Urban agriculture definitions. IDRC, Canada.

RAHBI Pierre, 2008. Manifeste pour la Terre et l'Humanisme, Pour une insurrection des consciences,

Paris : Actes Sud.

RAULIN, Anne, 2001. Anthropologie urbaine, Paris : Armand Colin.

RAUTENBERG Michel, MICOUD André, BERARD Laurence, MARCHENAY Philippe, 2000.

Campagnes de tout nos désirs, Paris :éditions de la Maison des sciences de l'homme.

SAMS Craig, 2003. The little food book, Londres: Alastair Sawday's.

SENERDEM Erisa Dautaj, 2010. « Rural challenges at the center of urban Istanbul », Hürriyet Daily

News, Istanbul (Turquie) : Lundi 5 juillet. URL : http://www.hurriyetdailynews.com/n.php?n%E2%80%A6

SERREAU Coline, 2010. Solutions locales pour un désordre global. Paris : Actes Sud.

SOLDUK Behice Bilgi, 2007. The Role of Urban Agriculture for Sustainable Urban Development in the

Metropolitain City of Istanbul, Budapest (Hongrie) : Université Corvinus et Istanbul : Faculté d'architecture,

Département d'aménagement urbain et régional, Université technique d'istanbul. URL : http://www.mace-

events.org/summerschool2007/4609-MACE/version/default/part/AttachmentData/data/Presentation

%20Solduk.ppt?branch=submitted

STANGE Johanna, 2010. Promoting Organic Food for Sustainable Consumption, The Food Retail Sector

in Istanbul, Utrecht. MSc Thesis International Development Studies. Universiteit Utrecht et Turkish

Business Council for Sustainable Development.

TAPIA (de) Stéphane, 2008 . L’agriculture turque face au défi de l’adhésion à l’Union européenne.

Strasbourg : Université Marc Bloch, Département d'études turques. URL : http://turcologie.u-

strasbg.fr/dets/images/travaux/agriculture%20turque%20et%20adh%E9sion%20%E0%20l%5C'ue.pdf

TEZCAN Aydan, 2009. Panorama de l’agriculture en Turquie, Istanbul : Mission Economique Ubifrance

112

Page 113: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

en Turquie, Novembre.

WEBER Florence, 1998. L'honneur des jardiniers, Les potagers dans la France du Xxème siècle, Paris :

Belin.

WHITEFIELD Patrick, 2010. Graines de permaculture, La Chapelle Sous Uchon : Passerelle Eco. Trad.

de Permaculture in a nutshell, Hampshire : Permanent publications, 2005

YERASIMOS Stéphane, 2001. A la table du grand turc, Paris : Sinbad, -Actes Sud.

Yvan BESSON, 2007. Histoire de l’agriculture biologique : une introduction aux fondateurs, Sir Albert

Howard, Rudolf Steiner, le couple Müller et Hans Peter Rusch, Masanobu Fukuoka. Troyes, Thèse de

Doctorat en Etudes Environnementales de l’Université de Technologie de Troyes.

Ressources en ligne

AFD agende française de développement URL : www.afd.fr

AGRISUD International, Libourne, URL : http://www.agrisud.org

CIRAD Recherche agronomique pour le développement URL : http://www.cirad.fr/

FAO Organisation des Nations-Unis pour l'alimentation et l'agriculture. Département de l'agriculture et de la

protection des consommateurs, URL : http://www.fao.org/ag/portal/ag-home/fr/ Données statistiques, URL :

http://faostat.fao.org/site/368/default.aspx#ancor .

INRA Institu national de la recherche agronomique URL : www.inra.fr

OFFICE TECHNIQUE MARAICHER Genère (Suisse), URL : www.legumes.ch

RUAF (Ressources Center on Urban agriculture & Food Security) Fondation des Centres de ressources sur

l'agriculture urbaine et la sécurité alimentaire,

Cours à distance en Agriculture Urbaine :

- Cours 1 Understanding Urban agriculture,

- Cours 2 Dimensions of Urban agriculture,

- Cours 3 Urban Agriculture Types,

- Cours 4 Urban Agriculture Policy Making ;

Edition turque de Urban Agriculture Magazine :

- Kent tarımı Dergisi 1, mars 2005 ;

- Kent tarımı Dergisi 2, septembre 2005 ;

- Kent tarımı Dergisi 3, janvier 2006.

URL : http://www.ruaf.org/

DVT (Devlet Planlama Teşkilatı)Agence Nationale de Planification : www.dpt.gov.tr/ing

IBB Mairie métropolitaine d’Istanbul : www.ibb.gov.tr

113

Page 114: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

CITY FARMER Vancouver (Canada) URL : http://www.cityfarmer.info/

DES JARDINS SUR LES TOITS, Montréal (Canda) URL : rooftopgardens.ca

NY GREEN GUERILLA, URL : www.greenguerillas.org

VIA CAMPESINA Coordination européenne : http://www.eurovia.org.

VILLES EN TRANSITION (Québec) URL : http://villesentransition.net/

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économiques, URL : http://www.oecd.org,

http://www.ubifrance.fr/turquie

MAISON DES FRANÇAIS À L'ÉTRANGER URL : http://www.mfe.org/index.php/Portails-

Pays/Turquie/Presentation-du-pays/Economie

114

Page 115: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

ANNEXES

115

Page 116: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Grille d'entretien avec les maraîchers

18.03.2011

- actualité des jardins : plantations, récoltes, état dû à la météo

- questions généralistes : qui, combien de personnes, depuis quand, taille de la parcelle, vente, horaires de

travail, provenances des graines

- lien avec les institutions : à l'arrivée, concernant la succession, question de la restauration des murailles,

location, accès à l'eau

- mobilité : lieu d'habitat, lieu de vente, mode de transportation

21.03.2011

- Est-ce qu'ils mangent ce qu'ils produisent ?

- Passent-il du temps sur les jardins en dehors de leur travail ? Y vivent-ils ?

- quelle est la place des femmes ?

- Sont-ils vendeurs ou producteurs ?

- Dans les jardins, y-a-t-il des zones dédiées à la production alimentaire ? À l'emballage ? À la vente ?

04.04.2011

- mobilités géographiques / professionnelles / sociales

- y-a-til de nouveaux arrivants ? Ou est-ce une « chasse gardée » ? Quellle est la relation à IBB ?

- conflit : acteurs ? Gagnants ? Perdants ?

- catégorisation des usages et pratiques agricoles

13.04.2011

- différences entre production à Kastamonu et Istanbul.

- eau : polution, coût

- innovation : puits, protection contre le vent, outils

- terre : qualité

- type de cultures : élevage, herbes, légumes, épices

- activité principale, expérience

13.04.2011

- les mots utilisés

- combien : jardins, jardiniers

- connaissance de la zone des murailles

- comment contactent-ils la municipalité ?

- organisation technique, design paysager

Page 117: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

24.04.2011

- coût : eau, terrain, main d'oeuvre, intrants

- production : quantité, prix de vente, prix de revient

- calendrier de production

- taille

- solidarités entre les individus, les jardins

- leur perception des problèmes qu'ils rencontrent et les potentiels de développement qu'ils identifient

25.04.2011

- comment paient-ils la municipalité ? Y-a-t-il une personne en charge ?

-connaissance du firman

- est ce que certains jardiniers habitent les jardins ?

31.05.2011

- besoins, problème,s potentiels, opportunités

- qualité : sol, eau

- comment est défini le montant de l'indemnité d'occupation des terrains ?

Page 118: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Compte rendu de terrain Istanbul

16 sorties terrain toutes accompagnées : Lise Goll, Nermin Unlosoy, Gözde Aytemur, Mutay

Öztemiz, Duygu Dönertas

DATE TEMPS TRADUCTEUR ACCOMPAGNATEUR DIVERS20/02/11 Annelie Ziehm28/02/11 Lise G09/03/11 Très froid, vent Lise G18/03/11 Nermin U Thé 22/03/11 Très froid Mutay Ö Repas04/04/11 Lise G13/04/11 Interrompu par la pluie Lise G22/04/11 Froid, vent Lise G Thé, repas25/04/11 Froid, vent Mutay Ö27/04/11 Vincent Martin23/05/11 Frank Dorso, IFEA, Pierre Loti26/05/11 vent Lise G repas31/05/11 Lise G02/06/11 Lise G10/06/11 Mutay O, Lise G Mehmet Nar17/06/11 Duygu DTableau 21: Sorties terrain

1 parcours, deux entrées : depuis Yedikule ou Tokapi, depuis l'intérieur ou l'extérieur des murailles

Date et heure d'observation Condition météorologiquesItinéraire : point de départ, arrivée, arrets, moyens de transportTerrain : topographie, état des murailles, points de vue, accès, présence humaine, animaleCirculation automobileCirculation humaine : type de personnes, nombre, âge, occupationsJardins : taille, élément de repères, installations, constructions, point de vue, entrée, limites

physiques et symboliquesMaraîchers : âge, sexe, occupations, attitudesActivité maraichères : type, personnes, outils, techniques employéesTableau 22: Grille d'observation

118

Page 119: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

date jardin rencontre entretien 28/02/11 3, 5, 10, 12 3 * 10 12 509/03/11 9,12 12 918/03/11 4,8 4 822/03/11 1, 3, 4 1 3,404/04/11 5 513/04/11 5,7 5 722/04/11 17, 14, 11 17, 11, 1425/04/11 2 226/05/11 1,3 1,331/05/11 19, 18, 17 19,18, 1702/06/11 2 210/06/11 6,13 6,13Tableau 23: Sorties dédiés aux entretiens

DECOMPTE DES JARDINS

Topkapı à Mevlevihane Kapı (100 m) 1 maraicher

Mevlevihane Kapı à Silivri Kapı (540 m) : 5 maraichers

Silivri Kapı à Belgrad Kapı (420 m) :7 maraichers

Belgrad Kapı à Yedikule Kapı (400 m) 2 maraichers identifiés et deux jardins

Après Yedikule kapi (50 m): 1 maraicher

18 jardins repérés au 17 juin 2011

119

Page 120: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Entretiens avec les maraîchers

28.02.2011, afternoon.

For 2 hours, we walked with Lise Goll. She talked to the gardeners we met then we took some time

to talk about the interview. Sometimes, she translates during the exchange. Before, we defined our

interests. We prepared questions but stayed opened to what the gardeners have to tell us about.

MEETING 1

First gardeners we met, were washing oignon and arranging them in small packs to sell. M* 28 is

talking, while his brother is standing behind doing the same job.

We learn than they bougt them to resell them. In that case, the veggetables are from Izmir or

antalya. They get seeds at the Eminonu market.

They work as a family. They have been in Istanbul for 20 years. They live in Çatalça, at the limit of

the urban region of Istanbul. It looks very much like the countryside. They are sellers at different

markets. They offer to come back on wednesday and friday when they are available to talk. The

water system is « salma ». The dog didn't want stop barking, making it harder to talk.

MEETING 2

A women is taking out Brussel sprouts roots. Four people are working on this plot « parsel ».

MEETING 3

A* got a very strong accent. We went into the garden taking the ladder. He is very prout to tell us

about his tomatoes plants, 3 meters high, growing along the trees. And separating him from the

street during the summer. He does his own seeds. He said than he is the only one to do so of the

wall s gardeners.He lives in Zeytinburnu, has 3 children.

The owner of the plot never comes duting winter. He works only has a gardener, others sell on the

market. Wich means, he works by himself in the garden during winter. He makes 500TL per month.

We learnt than they are all coming from the same city Kastamonu. Except, the nurseryman Mardin

who is kurdish. He likes him, it's a good person. All the gardeners know each other and there is non

problem. However, he said there is a lot of theft. He evocated a murder ! He told us to come back to

eat tomatoes.

MEETING 4

28 Afin de préserver l'anonymat des maraîchers et de conserver l'exactitude des données, les noms sont cachés.

120

Page 121: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

R* said they work as a family and are 5-6 people. They live on the other side of the walls. They

come everyday. They had bags of oignons than thay bought « en gros » in Topkapi. They buy seeds

and also autoproduce them. They sell at Pasarcada and Bayranpazar. He told us to come back when

the lettuces will be bigger and ready.

MEETING 5

He bought a turnip « şalgam » (genre naver de Croissy) from Y* stand on the street. He was telling

us « from the garden », « organic ». He told us the tomatoes grow in the greenhouses behind the

first wall, seeds are from Eminonu, and they sell mainly for here, not much from outdoor markets.

Our position as consumers, put him in specific situation. As we were leaving, he gave us one more

turnip.

Remarks

Lise has introduced us as interested on gardens due to research work as a student in sociology. It

didn't seem like any surprise or didn't provoke any questions. We have been told more than one time

to come back when they will have more vegettables. As they said, it sounds like an enjoyable place

in summer. The noise of the cars on the road which runs along side the gardens makes it difficult to

have a conversation. Information are approximative in purpose. The aim to be more precise will be

follow later.

09.03.2011, afternoon.

The weather is very cold and windy, it's even hard to walk under such conditions. It's impossible to

stay to talk longer. We are two Lise Goll and I. We start from Yedikule coming from the train station

Kazlicesme.

MEETING 1

Y* is organizing veggetables on his stand. It's the second we talk to him. He came the morning at

7:00. I cam early even if the weather is bad because he has no family. He asked if we want to buy

kabak, or other things. He is doing his seller work.

MEETING 2

A small truck stop at the entrance of a plot. Three men came out and joined the gardeners who were

in the plot.

121

Page 122: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

We talked to M*, the owner of the place. He says it's the biggest plot. They grown their owns seeds,

on an organic way. They get huge tomatoes. They have all kind of trees, everything can grow. It's a

« paradise ».The garden is organized in three rows, one is in the walls.

Since 35 years, they work here as a family. His wife, uncle, uncle'son are onvolved. They have 4

workers, 2 women and 2 men, who do different jobs. They come everyday. They don't work if the

weather is too bad except if something needs to be done. Also, they don't sell if the weather is too

bad. They sell at different markets. They have a small truck to carry the products.

He gave his number and his brother's number.

Remarks

The gardens were under snow. We went to Zeytinburnu Medicinal Plant Garden, it was closed but

they open it for us. There is a medicinal garden, a greenhouse, a laboratory. We got kefir and a

minth plant.

18.03.2011, morning.

We are two Nermin Unlusoy and I. We start from Topkapi coming from the metrobus station.

The weather is nice.

MEETING 1

A women is cleaning vegetables, pazi. She is making small packages of them to sell them at the

market. The landowner is not there. She works three days a week to get veggetables ready for the

market.

MEETING 2

A group of 3 men are carrying vegetables up the hill to get to the road. They charge a caddy to take

on he streets of Zeytinburnu. They do this job often to sell vegetables they have bought. When they

have more vegetables they sell it to the ones who go to the markets.

He invites us for tea, while cleaning the table, getting chairs or arranging the place, he told us to

check behind the walls. There is greenhouse, around 5 meters large and 15 long. He builds it by

itself. They are two wells and pites that takes the water to the plants on the plot.

122

Page 123: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

A*'s uncle 's son joined us, and a neighbood gardeners as well came later. A* owns a plot since 4

years. They work as a family. The income is not enough to hire anybody. Women come in summer.

They live in Zeytinburnu. There six children going to schoool, some to the university. They hope

they will have a better situation. They are from Kastamonu. They used to do cereal culture : wheat,

corn. They knew the last owner and they paid him for the business (= fond de commerce). The land

is owned by the municipality. They pay for renting one time and it's done for the year.

They grown greens for now and aromatic plants. To protect pazi, they use sulfat amonyum, a

chemical that enrichies the soil in azot. It looks like a white powder, we can see it in a lot of

different gardens. They plant tomatoes in soil in june and he offered us to come back.

Remarks

We didn't see many gardeners, even if the weather was nicer than at the last encounters. The

gardeners use a break car. They are the cars you can see at the pazar.Beetroot is pancar, cengelkoÿ

cucumbers are badem « almond ». They are taking out the brüsel lahanasi.

I realised than the interpretation of information shared with me is necessary in the way than they

don't follow the same objective than me as they are talking, even if they have been told about my

goal. The way they see their garden is not exactly the garden as it is and meaning of concept are

different for them and me. Ex : organik,...

They are differents kind of activities taking place on the plots:

- food production

- packaging

- selling

These categories can help to classify.

The goal is to get income and food. They are both sellers and producers. They are gender repartition

of the work.

22.03.2011, afternoon.

We are two Mutay and I. We start from Topkapi coming from the bus station.

The weather is very cold. From what Mutay knows, the gardening is organizing by Istanbul

Metropolitain Municipality. She used to live near the walls and to ride her bike along. It was an area

of gypsies.

MEETING 1

M* doesn't have time to talk to us, because he has to go to Besiktas. He left is cellphone.

123

Page 124: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

He rents the land to istanbul buyuksehir belediyesi. They can garden but not live, they have

restrictions about contruction. The plots are dedicating to production of veggetables and fruits. It's

an historical place that includes gardens.

MEETING 2

We talked to a gardener I have met before, with his brother. It took us in the small house to have an

interwiev. çoskum lived the village of Gide, because they had no opportunity to work there. They

came to istanbul to find an occupation. Usually they work in factories in istanbul.

The grand father was a gardener and work with albanians in different villages of istanbul. They built

the small house 11 years ago. 12 years ago, he started agriculture with uncles. He worked near

Anutkoy slums. In Gazeosmanpace there was very big farm, it was 40 min away from the city.

On the plot work the 2 brothers. C* got married here to a woman from Kastamonu. They live in

zeytinburnu. They have 3 daughters.They work everyday. When needed the mother in law come to

help. The kids attend school. They sell at 5 different market, directly to the costumer. On tuesday,

they go to the one in zeyntinburnu, on thursday to Findikzade.

Right now, the have nane, maydanoz, roka, pazi.

They buy seeds or keep from the year to the other. Some of them, are used since 20 years.

They build a well, 2m large, 30m profound. It took 60 days to find the water. The responsible at the

municipality doesn't like the size of the house.

He complains about the gypsies. They are accused to steal, damage and take the running water.

40 years ago started the organization of the garden.

They were paying 250 TL until 8 months it increases to 750 TL. They tend to be asked to pay every

month. In this plot, there is an issue about taking extra space. The y have been asked to pay more

because of this reason. They apply to the court. Now, they play four time more than 7 years ago.

Everybody is from Cide, starting from the beggining of the gardens to the florist. They are the only

ones who have problem with the municipality. The next garden is owned by the state, it's national

property.

The income is OK. It depends a lot on the expenses like compost fertilizer as gübre.

They use ropes and meters because it must be organized. They have no health insurance except the

women and the daughters. He is the oldest and he has no time or opportunity for the insurance.

40 years this area was already cultivated when muncipality realized they couldn't get rid off them,

they organize it. Now, there is an issue about the lighting work. The kurds walk on the cultures and

destroy them. It's a stable area for gardening because of it's a patrimonical place.

124

Page 125: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

They pay Isgalie : money for occupation. But, later on they have to pay more.The selling depend on

the demand. They have an alliance with market. They produce for themself. It's a familial

production. There is a competition between the gardeners.

MEETING 3

We went to 3 en working in the field, they were digging to move the soil.They insisted to have us

for lunch.we waited wit them on the field for the time to go to the small house.

They are very religious. They try to convince us to become muslim. They are against killing

anybody. They became more religious when they arrived in Istanbul.They arrived in Istanbul in

1978. They start the garden 12 years ago. They have 2 dogs. They didn't know the job.

The women, who I met the last time, was sorry to host in this place beacuse it's not a real house.

They are 4 brothers and the dad. They start 12 years ago to sell veggetables in the street. The had

problemen with the municipality, they go to neighborood outdoor market.

Half of the production is organic. They use sulfat amonyum and compost. They buy vegetables at a

big place and resell them. They buy at Essenler, they a good price when they but all together. It

costs about 5000 TL per month. They pay for the insurance 600TL per month, also for the wive and

children.

They need the hand car because they have to pay taxes for gardening. They keep some seeds and

buy some. They have a well, 20m profound. They get clean water and use electricity to get it.

Before them, there were albanians, when they arrived the plot was empty. They have a electricity

contract. They pay 4000TL a year. And, theyhave to pay more extra.

4.04.2011, afternoon.

We are Lisa and I. We start from Topkapi coming from the bus station.The weather is ok.

We see few garderners outside and decide not to go to the ones interviewed at the last session.

We observe a quiet strange scene. Two women take pazi and marul from a garden (meeting 3 on the

23.03), and fill up two bags. The gardeners are up on the walls, so they can't run after them. They

whistle, to be heared by the women, who looke at them and finishe up before leaving.

MEETING 1

We see A* and a women crouched in a field. We go talk to them.They are packing vegetables

similar to roket. They are cutting it and packing, taking out the yellow leaves.

125

Page 126: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

She is his wife, her name is H*. They have been married since 35 years. They married in

Kastamonu and met for the first time at this moment. They have 3 children : a boy who works in

electronics, a gril who is 30 years old and has 2 children and a 20 years old studying at the

university. When they arrived in Istanbul they worked in aksaray as gardeners. 25 years ago they

moved to the land. They bought the land for 1TL to a relative.

They make around 1000TL a month the two of them, but it's not always the same. It's even hard to

give a number for them. Hava is retired, she get money from a contract she made or savings.

They have no health insurance.The vegetables are sold to a market seller. He is not a gardener

himself. They started to pay the rent 10 years ago. They pay more and more. The frequency of the

payment is also increasing. It's not easy to talk about their relation to IBB. They say if they have to

go they will go. They have no relation, no exchange, it a one way procedure. They say they work

their best to keep the land. They say there is no conflict. Everebody has to look after is piece of land

and keep busy with it to avoid conflicts. They seem equal as neighbours. They are probably some

but not open.

We tell them about what we saw. H* wonders if the stealers can sleep well. If it's a probleme of

money, they could ask and they will give vegetables for free. They say there is a lot, it happens

everyday. It seems more a matter of insecurity than a loss of money.We bought 5TL vagetables :

marul, roket, pazi, maydonoz, sogan.

Remarks

There is no fence, event the problem of stealing seems recurent. It's possible than keeping the

contact to the enviroment is important. Moreover, it's rare to see fields gated.

The pressure seems to push the gardeners totake well care of the spaces.

13.04.2011, morning.

We were interrupted after the first meeting by the rain.

MEETING 1

H* says than it wil be more interesting to have animals but it costs too much. To buy it costs 5

billion liras.

MEETING 2

It's the second time we talk to R*.

126

Page 127: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

They are from Kastamonu, the were farmers. They work as a family. They have employee when

needed, 3 or 4. there is two daughters. There are 5 or 6 on the plot. The wive don't work. They don't

wish their kids to keep the plot and work as gardeners.

They use the same kind of manure (gubre) than in Kastamonu. It's made with animals of çatalca and

Kemerburgaz.The dividing of the plots amound the gardeners seem arbitrary. The gardeners

determine it themselves. The are always new comers from Kastamonu in Istanbul. Some works in

Kadikoy, Kemerburgaz as cultivator. They imporve the quality of the soil with manure. It's less

productive than in Kastamonu. But here the production is commercial, it wasn't the case in

Kastamonu.

The municpality controls the water, 2 or 3 times a year. They have two wells (kuyu). They use a

product to purify. They have a motor to extract the water.They don't complain about security issues.

Nowadays, the police is controling the area regularely so they don't see alcoholic, junkies, around

the area anymore. Nobody disturb the production, or throw out trash. They think the price of the

isgale is normal. They pay for a year. They don't have animals because they are not allowed.

They have a tiller. They produce their own seeds and plants.

22.04.2011, morning : 10 o' clock to 15.

I went with Lise Goll. The weather was windy and cold but sunny. So, we took the opportunity to

spend more time in the area.

At the end of the walls on the Maramara sea side, there is a park. It's closed and the only flowars are

tulip, it's typically the kind of an urban park since everywherre in Istanbul. After talking to ali, we

saw a car from the Istanbul Metroploitan Municipality parked in front of the garden. The car had the

ISKI sign. ISKI is Istanbul Water Utility and provides drinking water and sewage services.

MEETING 1

At first, A* didn't want to talk because he was afraid to give information the municipality could use

against them. They have problem with the municipality. They come often and speak rude and swear

to the gardeners. They want them to « clean up », it must look better. We said it looks already good.

The crop arrangement is very well done. There is no specific organisation. It's non concious, they

know from experience and parents where to grow what and how to grow it. They learn it from

family tradition in Kastamonu.

for him, if they keep the gardens, it's because they are tourists passing by and looking at the

gardens. He thinks to have the gardens is a way to get rid off the glue sniffers.

127

Page 128: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

He is in Istanbul since 20 years and have 4 children. He works in this garden since 5-6 years. He

leaves in Yedikule. He doesn't spend much time in the area outside of the gardens and home because

is a problematic area. There are places where he doesn't want to go. His life consists in working in

the gardens or going home. They use the word « bahce ». « bsotan » is the old word. They are

« bahcesi » he uses mostly the word « isci ». The owner sells at the market. On friday, he sells at

Findiksade. He thinks if the muncipality succeded in taking the gardeners out, they will reput the

water. He is afraid people will jump in it and glue sniffers will come back in the area.

MEETING 2

F* says « what can I say » but she welcomed us. She was going from the well to the kitchen. She

made tea for us. She mowed the seats to the sun for us. She gave us vegetables : minth, fresh

onions, a limon tasting herb, salads. She showed us the different crops.

They came to Istanbul 28 years ago when they married. They have been working here since 5-10

years. They have 4 children from 7 to 28 years. The brother is at the hospital and her hursband is

visiting him. She will go when her hursband comes back.

In winter, she finds the work too hard. They just started to come back to the garden. In the winter

they leave on the harvest of te summer. It'qs tough but it's the only work they know.

They use big basket to carry on their backs vegetabes to collect or sell.

MEETING 3

K* has 3 sons and 1 daughter, 6 grand children.

On his plot, works his brother in law. We met him while he was collecting pazi with a worker. A guy

passing by throw away a plate for fun. The joke is exemple of the good atmposphere in the gardens.

His son Kadir came after the morinng school. The brother went to get water to make us tea. They

insisted to offer us a meal. Afterwards, they told us they have had food only 2 hours ago. The

brother in law lost his wife. His son came also and had food with us as well.

They live in Tepebag. They have a house in Kastamonu and go 1 a year. They sell to wholesaler and

on the market in zeytinburnu.

There is law that says the plot is supposed to belong to them after 50 years of occupation. He is

hoping he will get to this time. He is here since 30 years. He got the plot from his uncle. He started

19 years ago when he got married and moved to Istanbul. It won't be a problem to find someone to

take the plot later. He'll give it to his children if they want it.

The tourists protect the existence of the gardens. Without them, « they won't stay one more

minute ». they invite the curious for tea, show them around the area. They told us about german

girls who sent pictures.

128

Page 129: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

25.04.2011, morning : 11 o' clock to 15.

I went with Mutay Öztemiz. The weather was a bit cold but nice.

MEETING 1 After the first door.

One man was picking pazi.

He came in the 1990' from Kastamonu to Istanbul. With his uncle, they went to arnavutköy for few

months. Is wasn't very productive and far away from the city center.

The plot they have along the Walls was empty by this time. Close by, on the other side of the

cemetery, a factory was. Bedrettin Dalan 1984–1989 started the retauration of the walls « kale

burç ». they decided to move to this area they liked.

He has two sons. One is 3 years old and the other one goes to primary school. He has no social

insurance for himself. He says the are part of the « under develop society ». He thinks there is a

garantee from the state for this children but he is not aware of how to request it. Mutay notices

under social democrat access to health center (wich has been transform into general practices

center) was easier and doctor education higher. If he can't work, his wife or relative will do the job

for him. The collect money, find different solution. The short time solidarity is very efficient.

On the other plots, they have a grand-father's brother and a father's borther. They are surrounded by

kindship.

The uncle and his wife moved to Istanbul in 1965. they were miserable in Kastamonu. In

Kastamonu the production is not commercial. There was no education, no work (still they say it's

the same). In kemelburgaz, they worked as gardeners for a family.

Before Turgut Özal took eletions in 1989, the lands who belonged to albanians along the walls, have

benn given to the state. The balkans immigrants were turks from the 14 th century who came back to

Turkey in the 1950'.

the uncle went to the municipality and asked to rent the fields. Under the mandate of Nurettin Sözen

(1989–1994 ), the plots have been organized. Under Recep Tayyip Erdoğan (1994–1998) the

isgalye, has been established. While there is a construction work, nobody care about the garden.

There little house has been destroyed 3 times. The wall between the gardens and roads was built in

1995-96.

They see their investment in this area high. They clean the field. They use money, labour and time

for it. They have no garantee or support. They have seen the eviction of the gypsies. Their houses

were destroyed in the morning and they were coming back in the afternon. They came to Topkapi to

bargain.

129

Page 130: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

They call themselves « Bahçevan », « bahçeci » is a less natural word. The y use « bostan »

sometimes.In the winter, they are 4 or 5 workers : his cousin, brother, uncle and him. In the summer,

his uncle's wife and cousin join them, the number goes up to 7-8. They go to the flea market (pazar).

It's not very productive and effective.They are two seasons. From may to september is the

productive season. It lasts around 6 months. They grow nettle (ısırgan). In the summer, because of

the different levels, it's hard to water all the corps. The productivity is decreasing because of

pollution. They were less cars and veggetables looked more fresh. They evoke the radiation of

cellphones from sattelites. At the beggining the commercial conditions were better for them also.

The weel doesn't give anough water. They think it's less than before because of eart quake or other

well opening. They worry about the control of the quality. It costs 40000 TL to open a now one.

Because gardening the area is not legal status, they have no access to credit. For green house, they

can get credit from the state. Green houses are allowed only behind the walls.

The appaerance from the street must be perfect. Otherwise it's called « esthetic poulltion ». the

control is not systematic but efficient. If somebody is passing by and doesn't like the look of the

gardens, the mayor can be inform. Money can be given to the police (zabita).

They grow their own seeds, especially the greens. They buy seeds from the market (it's known they

are from Israel) every 3 years. These hybrids seeds concern pepper, domatoes, eggplants. They

grow tere (watercress), kuzukulaği (sorrel). All of them have cellphones.

26.05.2011, morning : 14 o' clock to 18.

I went with Lise Goll. The weather was very nice and the sun very. Still it was windy around the

area.

MEETING 1 I* the first garden, before the first door Mevlanakapi.

They are 3 siblings in the family. Only one is helping, it's I*. He comes because he likes it. He

wants to become a layer or study agriculture. They have been on this garden for 7 years. Before, it

was a place for garbage. They got soil and manure to have a good soil. They renew manure once a

year.

He used different way to explain how they pay the rent. They pay the municipality IBB trhough the

organization « Emlak vergisi ». It talks about « Milli » emlak Talep » National property request,

« Hazine bölgesi » Public treasure, « çevre zabita » Police for environnement . The first time, they

have to pay, people from the municipality come to give a form to register them. Then they pay, only

once a year. They go to the bank to pay property taxes « emlak vergisi ». it seems like he didn't

know exactly.

130

Page 131: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

They don't have problem with garbage at the edge of the garden. They have fences to prevent

stealing and people entering because the road and ground are at the same level.

They get ridd off weed using chemical, they are pushed by the police Zabita to do it. They grow

what is sold the most : fresh oignons, parsley,...They sell some to the neighboors, relatives, nearby

restaurants.

They use a code o frighten the tenerci, to keep them away. They show them they are people around

and they are stronger. It seemed like the mother didn't want Ismael to talk to us. She asked him if he

had no work to do and after call him few times. Finally, she asked him to go get water and he told

us to come along so he can show us the area. The mother was looking after him to make him go

alone and not with us. What he did on few meters and then came back to talk.

At the first garden after Mevlanakapi, he told us probably this gardeners to tell us much. They are

coming foreigners, people asking and people get suspicious. He says this state of mind is linked to

psychology. It's a very general though. Also, back form Kastamonu, there is some jealousy, people

are afraid to be chitted. Ismael says he is still trying to understand it.

The area can be problematic because of thieves people stop to trust each other. He left us when we

start to talk to other gardeners. They water 3 times a day.

At the first garden after Mevlanakapi : One was using the rotary cultivator in socks but with gloves.

They work under sun umbrella.

MEETING 2 2d garden after Mevlanakapi

They were two mothers and there two kids : one boy and one girl. The uncle Muzafer was there.

The brothers look like twins. There is a fence and a door. Sometimes they sleep on the plot. The

womens are watching the kids. They don't want the kids to become gardeners. One gardener came

back by bike. While doing the dishes, one women made the comment « today, you work a lot ».

They suffer of global warming because what they plant is not growing. It's less productive and there

is less money to do. This bussiness become more risky. The production used to come out earlier.

The uncle made some comments about what changed since erdogan Tahip : price of petrol, doctor

own less, people from kastamonu owe more. It talked about the project Kanal. About the future for

the gardens, he says there is nothing to do because they don't know anything. He seems to accept it.

It told the sory of adam and Eve. He got a heart operation. Lise told him about the french

expression « fumer comme un turc », he found it funny.

131

Page 132: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

The rent is about 2000TL a year. They got a letter to say how much they have to pay. They live the

machines in a more secure place. 20 30 years ago, the water used to be more dirty. There is a system

to prevent the water to get dirty. There is container the rain water. The well get water from 30m

down.

These days they have roka, maydanoz, pazi, nane,... they were planting roka with piece of wood

linked to their shoes (picture). At the borders, they put tomatoes plants. The fruits they grow they

eat them. Last year they were ready during ramadan period so they couldn't eat them. In Kastamonu

they have any kind of fruits. The customers don't want big vegetables, because they thing they are

genetically modified if they are big. But the gardeners have big veggetables in the summer. They

don't tomatoes during the winter. They think they are tasteless. They come from Antalya. They don't

understand how it's possible to grow them.

They say « when you meet with humble people, you should be gratefull ». They call closed market

« avrupa pazar » because the standards are the same. The go to one in Baylikduzu (accessible with

metrobus ).

They offered us dinner.

31.05.2011, afternoon : 16 o' clock to 18.

I went with Lise Goll. The weather was very nice.

MEETING 1 M* jardin le plus au sud

We got to the garden, passing through the cemeterey with the security (also from Kastamonu). We

exist by the gate of Altin kapi.

They are 2 or 3 persons working in the garden, and the family. The children also come.

He went to military service. Then got married in Kastamonu and moved to Istanbul. They have been

in Istanbul since 30 years. They live in Zeytinburnu.

There is a project of restaurant.

Semizoto grow in 15 days.

MEETING 2, 1st garden after Yedikule kapi by the walls

It entered the garden from a gate. The gardener was talking with a guest. It seems hard to talk to us.

We watched him covering the crops with some chemicals or avrupa gubre. ISKI is responsible to

test the water. Sometimes they drink it.

MEETING 3 M*, 1st garden after Yedikule kapi by the walls

132

Page 133: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

He will be operated on the 17th and spend 4-5 days at home. It's no problem for the garden because

he has 2 brothers who can help. He got used to Istanbul and he is going to stay for the summer.

With the garden, he feels it's a good way to be independant, to get your own space, some freedom.

You can organize how you want. He used the word « esir », literraly, it discribe prisoners of war,

captured by the enemy. Working in the garden, you're not lying, you can be true. You can't betray, or

harm anybody.

He though there is no worker in the fields in europe like in Turkay because of the industrialisation

of farming. He heard than in Germany, everything is done by machine.

The groom was using the rotary cultivator. And an other was fooling around.

MEETING 4 Y*, 1st garden after Yedikule kapi by the road

Düt, incir are growing. They used the soil from the place and add gübre from sheep. Now, it's

fruitfull, productive. Without it, it was not. They don't like « avrupa gübre ».

They have 3 daughters. The older one is 19 years old. The mother was born in 1971. Around the

walls and the area of the gardens, the water is cleaner. They have a well, 30m deep. Iski looks for

the water regulation.

He talks about the beautifull smell of the soil and the green for the eyes. It's not only for surviving.

But, it's the only thing he knows how to do. He doesn't believe the gardens are going to stay. In this

case, he will have the obligation to find something else.

We told about the lokanda projesi. He said the gardens affect the area in a good way nothing else

can do the same. They prevent from some problems.

02.06.2011, morning : 11 o' clock to 13.

I went with Lise Goll. The weather was very nice.

MEETING 1 A* and M*

I went with Mutay and they even rememeber my name. We talked to M*. It was very crowed.

They left their numbers.We went to visit the garden with 2 men.

« Devlet » is the state last step that takes the decision and responsability. Different names organizes

different institutions to seem more democratic.

« Milli emlak » seems to be responsible for sending the letter ordering the payment. It belongs to

« Valciflar genel müdürlügü », the head office under the governement. « Toprak tahsis ed » is the

land assignement. « belirli zem geliyor » describes the increasement of « isgalie ». « ecri misil

bölümü is the section and « Bank hesapi » the bank account. The land belong to IBB, before the

walls it's Fatih and after Zeytinburnu and Merkezefendi.

133

Page 134: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

A* has a project to open a new garden. They are talking frequently about this with his relatives. He

is looking for a big area outisde of Istanbul. But not far, because there is a problem of

transportation. The biggest risk is the quality of the soil. They can't be sure it will be fruitfulll. They

will need time to adapt the plants and the way they cultivate the soil. It can be in an area like

çatalça.

A* is studying agriculture « ziraat » at the open university. There is no classes, students study for

the exams together. He is interested in what is happening in europe. Holland is the most developed

country for agriculture.

They don't like AKP. A* is wearing the head scarf. Humans social relations come before religion.

He thinks religion shouldn't get involved into politics. They vote for CHP.

A* has a boy who is albino.

He gives more details and specific informations according to the questions because of student

experience.

10.06.2011, morning : 11 o' clock to 20.

I went with Mutay Öztemiz. The weather was very nice.

MEETING 1 Çiçekçi

Hazan and Melihrar, before Silivrikapi. The worker couldn't understand what we wanted. We went

inside to talk to other people.

They work 6 people, family and workers. Theır former job was to sell fruıts and vegetables in

Eminönü. They stock and grow flowers behind the walls.They came from Mardın in the 1980’s.

Because of unemployment and terror, they felt a strong pressure from the state and PKK. They were

isolated from the society. They came to İstanbul as kurdish, they were qualified dirty and

uncivilised people.They started to work near Taksim, as helper of a florist. They decider to establish

their own business.

134

Page 135: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

They have 7 children. One of the daughter is studying pediatry at the open unıversity. They say the

rent costs 1000 TL a month. İBB sends a letter with an account number and a date. when they pay,

they get a bill they have to take to responsible persons at İBB (a woman and man). They sent a

letter to the municipality to complain about this. Their argument is the fact that is seasonal job.

During they don’t make Money at all. So, they cannot even pay the rent. İn the winter, they have a

florist store in the center of Bağcılar. They have trucks and cars. The localisation of the shop is

important because the prices of plants changes a lot according to this. The were growing flowers in

Bağcılar but the neıghbors stated to complaint about water and soilon the road. They decided to find

an other place close to the Pazar. A friend of a friend was gardening on this plot and he gave up

because his wife got blood-brain barrier. They collected the garbage when they started.

The women wears the head scarf, mostly because she is used to this. They stay in İstanbul for the

summer. They live in Avcılar.

MEETING 2 M*

They are on the plot since 17 years. They live in Zeutinburnu. We saw the son and his wife.

MEETING 3 Stand

E* and H*, little path to get to kuyu and behind there is the house.

E* looks german and H* is the owner. They were cleaning small radishes. The big ones are called

« antep turp ». little boys were playing. Women were cutting minth. People were coming to H* to

ask him about their tasks.

H* came in 1972 without parents or anybody. He had only one big bag.He has 9 grand children. He

likes animals you can be sure of them, you can trust them. He thinks because of stress no friendship

will be left.

One his son got married 4 years ago and his wife prepared the food. We were invited to share their

meal. E* has 2 children. He lives in Zeytinburnu. He came in 1986.

135

Page 136: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Entretiens et échanges institutionnels

Université Galatasaray, 7 février 2011

Entretien non enregistré avec Didem Danis, au sujet de l'agriculture urbaine à Istanbul et des

spécialistes.

Café à Beyoğlu, 9 février 2011

Entretien non enregistré avec Olcay Bingöl, Greenpeace, les acteurs associatifs de l'agriculture

urbaine à Istanbul et les projets.

Café à Beyoğlu, 11 février 2011

Entretien non enregistré avec Dilek Ayman, la production alimentaire à Istanbul, les associations

interessées et le réseau écolo militant.

Marché de Sisli ekolojik pazar, 12 février 2011

Entretien non enregistré avec Viktor, fondateur de Buğday Derneği, association des modes de vie

écologiques : projet de Göztepe, système de circuits courts.

Café à Beyoğlu, 13 février 2011

Entretien non enregistré avec Pelin Kurtul, architecte bénévole à Greenpeace sur Zeytinburnu Tibbi

Bitkiler Bahçesi.

Siège de Doga dernegi, Cengelköy, 8 mars 2011

Entretien non enregistré avec Derya Engin, directrice de la campagne Haysankeyf, association

nature sur le Cengelköy Doğa Derneği Bahçesi

Nous avons échangé de nombreux mails avec des universitaires turques, français et internationnaux,

notamment Murat Cemal Yalcitan, Amy Mills, Thierry Boissière, Stéphane Tonnelat, Jerome

Monnet, Jean-François Pérouse, Jean-Noel Consalès, Claire Delfosse, Clémence Petit, Suraiya

Faroqhi.

136

Page 137: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Activités liés à la recherche

Communication dans le cadre du séminaire de méthodologie de recherche.

15/03/06 : « Les maraîchers des murailles» Master 2 de sociologie, Université Galatasaray

d'Istanbul

Conférences

Biodiversité et alimentation : faire vivre la planète 16/10/2011, Dominique Allan

Michaud,Sylvia Perez Vitoria, Antoine Jacobsohn, Marc Dufumier, Jean-Pierre Raffin, Paris

(75)

Marc Dufumier, 29/07/2011, ferme de Cauberotte, Moncrabeau (47)

Colloques

Rencontre nationale Terres en Villes : Formes agricoles & urbaines dans la ville territoire, 30

novembre 2010, Rennes (35)

Adef : Repenser le périurbain, La ressource foncière au cœur du changement, 19 novembre

201, Paris (75)

Salt Beyoğlu : Ekolojik Şehircilik: Yerel Yönetim Politikaları ve Tasarım Yaklaşımları, 13

juin 2011, Istanbul (Turquie)

Visites

Zeytinburnu Medicinal Plant Garden, visite avec le gardien du jardin sous la neige, de la

serre tropicale et de l'atelier de transformation, 9 mars 2011, Istanbul (Turquie)

Organik halk pazarları, Istanbul (Turquie)

100% ekoljikal pazarları, Istanbul (Turquie)

Appelation d'Origine Controlé, coopérative de producteurs et exploitation de poivrons

gorille, Espelette et fromagerie artisanale d'Ossau Iraty, Helette (64)

Jardin des Haies partagées, jardin Solidaire, Jardin Charmante Petite Campagne urbaine lors

de la Fête des jardins partagés, Paris (75)

137

Page 138: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Projet d'agriculture urbaine d'Istanbul

Gürpınar, İstanbul / 15 August 2009, ODA PROJESI, ROMER 2009, p. 14

Haydar Balcı (34 ans) et Rukiye Balcı (53 years old) ont participé au projet d'agriculture

urbaine initié par UYD durant l'année 2004. (…) « manitenant, nous avons un employé et mon

père nous aide aussi. Nous jardinons cet endroit. Nous essayons de faire pousser des produits

naturels parce qu'ils sont plus sains. Il y a des lieux qui sont désignés par la municipalité pour

être transformer en espaces verts. Ils font des parcs, jardins, des lieux où les gens peuvent aller

pour s'amuser ou se détendre. Ce sont les aires de service de la municipalité. Vous avez, parce

qu'ils ont des projets socialement responsables. En fait, ils ont besoin de jardins au lieu de ces

parcs vides. Qui serviraient à la fois pour la production de légumes et comme endroit pour

boire un thé ou prendre son petit déjeuner, ils ont besoin d'endroits où le sgens puissent se

rencontrer, ils pourraient utiliser ces lieux d'une meilleure manière... les enfants pourraient

venir, il y a eu des canards, des animaux mais ne pouvions pas nous occuper de tout ici, ils ont

disparu. La seconde année beaucoup était déjà partis, nous continuons avec les personnes

restantes. Puis, ces dernières années, elles ont aussi arrétées. Il y avait des femmes dans le

quartier. Quand nous avons besoin de mani d'oeurvre, on fait appel à elles. Elles viennent

travailler et prennent la nourriture dont elles ont besoin ici. En retour, elles ramènent chez elles

ce qu'elles veulent. Elles aides pour quelques heures. (…) Je suis diplômé en jardinage, donc

nous appelons ça du jardinage, bostan ça fait vieille expression. Bostan c'est pour ceux qui font

pousser des melons, pastèques, ce genre de choses. Tomates, aubergines,... Non, on a besoin

d'un certificat pour cela, nous l'avons demandé mais nous n'avons pas complété la procédure

parce que nous ne savons pas combien de temps nous allons resté ici. La procédure est d'au

moins un ou deux ans et les entreprises de certification viennent souvent pour auditer. Cette

place a été assigné pour trois ans. Parce que nous ne savons pas ce qui arrivera, nous n'avons

pas continué. Mais, même si emmène tes produits au marché de producteurs, les gens s'en

moquent, ils ne se disent pas « oh, c'est bio ». Ils ne disent pas « payons 10 au lieu de 5 ». de

plus, comme l'apparence n'est pas super, tu ne peux pas concurrencer les autres. Par exemple,

un chou rouge qui pousse sans pesticides a des trous à cause des punaises, quand la plante est

petite, les punaises commencent à la manger. Quand on utilise pas de pesticides, on a des trous.

Alors le consommateur dit « je le veux sans trous » au début, nous avons commencé en

production biologique, puis nous sommes passé en conventionnel. Nous avons commencé à

utiliser des engrais artificiels parce que c'est beaucoup plus économique, c'est impossible de

s'en tenir à des engrais organiques tout le temps»

138

Page 139: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Documents reproduits

Index des tables

Tableau 1: Modélisation de l'agriculture urbaine ................................................................................4

Tableau 2: Espèces cultivées dans les jardins durant notre période d'observation ............................19

Tableau 3: Liste des plantes cultivées par famille botanique.............................................................20

Tableau 4: Cycle de culture complet..................................................................................................23

Tableau 5: Parcours de migration des familles de maraîchers............................................................29

Tableau 6: Principales caractéristiques des jardins des murailles......................................................39

Tableau 7: Types de maraîchers..........................................................................................................50

Tableau 8: De la récolte à la vente......................................................................................................51

Tableau 9: Sécurité des ressources agricoles......................................................................................52

Tableau 10: Restrictions d'İstanbul Büyükşehir Belediyesi pour les jardins maraîchers..................59

Tableau 11: Rapports des acteurs à l'espace des Murailles.................................................................61

Tableau 12: Accès aux ressources des maraîchers..............................................................................64

Tableau 13: Liste des dépenses...........................................................................................................65

Tableau 14: Principales caractéristiques des maraîchers....................................................................69

Tableau 15: Historique de la production alimentaire à Contantinople/Istanbul.................................77

Tableau 16: Production légumière et fruitière en Turquie .................................................................80

Tableau 17: Description du secteur agro-alimentaire turc selon les acteurs économiques................82

Tableau 18: Utilisation des terres agricoles........................................................................................83

Tableau 19: Inventaire des parties prenantes à Istanbul.....................................................................90

Tableau 20: Principales caractéristiques de la production alimentaire stambouliote.......................102

Tableau 21: Sorties terrain................................................................................................................118

Tableau 22: Grille d'observation.......................................................................................................118

Tableau 23: Sorties dédiés aux entretiens.........................................................................................119

139

Page 140: MASTER «URBANISME ET AMÉNAGEMENT»...Je remercie chaleureusement, Özay Özer, Olcay Bingöl, Dilek Ayman, Derya Engin, Viktor Ananias et tous les activistes rencontrés pour leur

Index des illustrations

Illustration 1: Plan des jardins des murailles......................................................................................16

Illustration 2: Cultures de salades, ail, menthe, chou noir..................................................................18

Illustration 3: carrés, plein champ, pépinière, compagnonnage, tuteurage, récoltes.........................22

Illustration 4: épandage, accotements, sulfate d'amonyum, montée en graine, plants, serres, puits,

stockage, motobèche...........................................................................................................................25

Illustration 5: Lieu de provenance des immigrés-maraîchers.............................................................27

Illustration 6: arrosage, labourage, plantation, éclairci, enfants, famille, dégustation, don...............34

Illustration 7: Plan d'ensemble de la zone maraîchère........................................................................42

Illustration 8: carte postale des années 1930......................................................................................44

Illustration 9: photo aérienne de 1946 et 1957...................................................................................45

Illustration 10: Balance de Roberval, chariot ambulant, camion de maraîcher..................................48

Illustration 11: Les différentes secteurs d'activités des maraîchers....................................................49

Illustration 12: préparation des radis..................................................................................................51

Illustration 13: photo panoramique depuis la Foteresse de Yedikule vers le nord.............................53

Illustration 14: Modèle d'utilisation du sol de J.H. Von Thünen........................................................54

Illustration 15: Suppression des déchetteries sauvages et contrôle de l'espace cultivé......................55

Illustration 16: serres, construction, dépôt, stationnement ................................................................58

Illustration 17: parcs urbains, sections de la muraille reénovée ........................................................66

Illustration 18: croquis de Mehmet Sengül de son jardin...................................................................67

Illustration 19: Urbanisation d'Istanbul..............................................................................................72

Illustration 20: Stands des maraîchers des murailles .........................................................................76

Illustration 21: Master Plan d'Istanbul,...............................................................................................83

Illustration 22: Bostan de Kuzguncuk................................................................................................89

Illustration 23: Logo d'organisations écologistes investies en Turquie..............................................92

Illustration 24: Migrating Gardens, marché organique de Zeytiburnu...............................................94

Illustration 25: projet d'agriculture urbaine de Gürpinar....................................................................98

140