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ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES La formation des politiques économiques européennes. Hétérogénéité, changement institutionnel, processus décisionnels Eloïse STÉCLEBOUT Directeur de thèse : Robert BOYER Thèse pour obtenir le titre de Docteur de l’EHESS Spécialité : Analyse et politique économiques, mention Etudes européennes Soutenue publiquement le 6 décembre 2004 Jury : Mario DEHOVE, Professeur associé à l’Université de Paris XIII - Président Iain BEGG, Visiting Professor à la London School of Economics - Rapporteur El Mouhoub MOUHOUD, Professeur à l’Université de Paris XIII - Rapporteur Paul DE GRAUWE, Professeur à l’Université de Louvain Robert BOYER, Directeur d’Etudes à l’EHESS - Directeur de thèse

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ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES

La formation des politiques économiques européennes. Hétérogénéité, changement institutionnel,

processus décisionnels

Eloïse STÉCLEBOUT

Directeur de thèse : Robert BOYER

Thèse pour obtenir le titre de Docteur de l’EHESS

Spécialité : Analyse et politique économiques, mention Etudes européennes

Soutenue publiquement le 6 décembre 2004 Jury : Mario DEHOVE , Professeur associé à l’Université de Paris XIII - Président Iain BEGG , Visiting Professor à la London School of Economics - Rapporteur El Mouhoub MOUHOUD , Professeur à l’Université de Paris XIII - Rapporteur Paul DE GRAUWE, Professeur à l’Université de Louvain Robert BOYER, Directeur d’Etudes à l’EHESS - Directeur de thèse

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Eloïse Stéclebout

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Remerciements Cette thèse doit beaucoup aux lectures attentives, aux commentaires pertinents, aux critiques constructives, aux encouragements bienveillants, aux remises en question stimulantes et aux appuis réconfortants dont son auteur a bénéficié. Pour tout cela, je remercie celles et ceux qui, par leurs discussions lors de séminaires et de colloques, ont contribué à l’avancée de mes recherches, notamment mes camarades du CEPREMAP et de l’Université de Marne la Vallée, ainsi que Michel Aglietta, Patrick Crowley, Valeria Fedeli, Natacha Gilson, Dermot Hodson, Ivo Maes, David Mayes, Jacques Mazier, Dominique Plihon, Jim Rollo et Lucio Vinhas de Souza. Je salue aussi collectivement, pour l’émulation chaleureuse et amicale qu’ils entretiennent, tous ceux que j’ai le plaisir de côtoyer au sein de réseaux de recherche – UACES (University Association for Contemporary European Studies), EAEPE (European Association for Evolutionary Political Economy), YERN (Young European Researchers Network). Merci également à Florence Puech pour ses si bons conseils. Plus que tout, je remercie infiniment Robert Boyer d’être une source inépuisable d’énergie et de transmettre sa passion avec une disponibilité sans faille et une générosité toujours vivifiante. Enfin, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Robert Solow et au Centre Saint-Gobain pour la recherche en économie qui, en m’accordant une bourse post-doctorale, m’ont non seulement fourni une excellente motivation pour achever cette thèse, mais me permettent également de prolonger mes recherches sur les politiques économiques européennes à la London School of Economics and Political Science.

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Sommaire

REMERCIEMENTS................................................................................................................2

SOMMAIRE..........................................................................................................................3

INTRODUCTION GENERALE.................................................................................................4

CHAPITRE 1. LES POLITIQUES REGIONALES COMMUNAUTAIRES ENTRE CONFLITS DE

POUVOIR POLITIQUE ET LOBBYING INFORMATIONNEL.......................................................21

CHAPITRE 2. LA POLITIQUE MONETAIRE DU SME A L’UEM : « CHACUN POUR

SOI », « UN POUR TOUS » OU « TOUS POUR UN » ? ............................................................73

CHAPITRE 3. LA CRISE DU PACTE DE STABILITE ET DE CROISSANCE ET LES DIFFICULTES

A REUNIR UN CONSENSUS................................................................................................124

CHAPITRE 4. UN MODELE THEORIQUE DES EFFETS DU PASSAGE A L’EURO SUR LES

CONDITIONS DU POLICY MIX : HETEROGENEITE DES PAYS ET REGLE COMMUNE..............189

CONCLUSION GENERALE.................................................................................................227

ANNEXES DU CHAPITRE 1 ...............................................................................................240

ANNEXES DU CHAPITRE 2 ...............................................................................................278

ANNEXES DU CHAPITRE 3 ...............................................................................................286

BIBLIOGRAPHIE ..............................................................................................................330

ABREVIATION DES NOMS DE PAYS DANS LES GRAPHIQUES ET LES TABLEAUX.................342

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS...............................................................................343

TABLES DES ENCADRES, FIGURES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX.......................................344

TABLE DES MATIERES.....................................................................................................347

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INTRODUCTION GENERALE

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Eloïse Stéclebout Introduction générale

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L’un des objets principaux de l’économie politique est de déterminer de quelle manière et avec quelle intensité les dirigeants devraient utiliser les instruments de politique économique dont ils disposent afin d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Cette approche normative de la formation des politiques économiques repose souvent sur une analyse très succincte du processus décisionnel en tant que tel, se limitant la plupart du temps à définir les objectifs ainsi que les conditions d’application des politiques. Cependant, l’approfondissement et l’élargissement de la construction européenne entraînent l’apparition de nouvelles questions théoriques sur les modes de formation des politiques économiques. L’intégration européenne possède en effet certaines particularités qui conduisent la théorie économique à aborder de nouveaux problèmes.

L’intégration européenne soulève de nouveaux problèmes pour la théorie économique

D’une part, la Communauté économique européenne (CEE) puis l’Union européenne (UE) sont formées d’un nombre croissant d’Etats membres, qui a plus que quadruplé depuis que les six Etats fondateurs ont signé le Traité de Rome en 1957 et qui est encore appelé à augmenter dans les prochaines années. Les pays appartenant à l’UE sont non seulement nombreux mais également hétérogènes à de nombreux égards. La taille, mesurée par le nombre d’habitants ou par le PIB, est très variable, puisque les Allemands sont deux cents fois plus nombreux que les Maltais pour un PIB cinq cents fois plus élevé, et que le PIB par habitant du Luxembourg exprimé en standards de pouvoir d’achat est 4,5 fois supérieur à celui de la Lettonie. Ces pays diffèrent également par leur organisation politique – par exemple selon l’existence ou non d’un pouvoir politique officiel au niveau infranational, ou bien selon le degré de contrôle du ministre des Finances sur le budget du gouvernement – et par leurs structures économiques et sociales, notamment la part des secteurs agricole et industriel, la forme des négociations salariales, les mécanismes de transmission de la politique monétaire ou encore la réactivité des procédures budgétaires. A cette hétérogénéité des structures s’ajoute une hétérogénéité des préférences en matière de politique économique – sur le niveau de l’inflation, sur le rôle de la politique budgétaire – ainsi que sur l’orientation de la construction européenne : certains dirigeants nationaux privilégient traditionnellement l’intégration politique tandis que d’autres mettent en avant le libre échange, certains pays souhaitent une organisation fédérale et d’autres préfèrent un cadre intergouvernemental. Cette hétérogénéité des préférences entraîne des conflits d’intérêts entre les gouvernements, ainsi qu’entre les gouvernements et les institutions européennes supranationales (la Commission européenne, la Banque centrale européenne [BCE], le Parlement européen et la Cour européenne de justice [CEJ]), sur les choix de politique économique mais également sur la définition du cadre institutionnel de l’UE. Or, les objectifs des gouvernements et des institutions supranationales européennes ne sont pas toujours de connaissance commune. Ils sont partiellement liés à une position idéologique historique, mais ils peuvent également évoluer en fonction de changements

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de dirigeants politiques, de modifications du contexte économique et d’une meilleure connaissance des négociations européennes. Il est dès lors difficile d’évaluer les fondements des choix des différents acteurs, à la fois parce que les variables déterminant ces choix ne sont pas toujours directement observables et parce que les critères mêmes de formation des préférences ne sont pas connus. De manière générale, la gestion de l’information et des conflits d’intérêts est un enjeu majeur de la formation des politiques dans l’UE. Le statut particulier de la Commission européenne est un bon révélateur de la symétrie entre information et pouvoir. En tant qu’organisation supranationale, elle est un sujet actif de la construction européenne et est mandatée pour proposer et faire respecter une réglementation indépendante des intérêts nationaux, mais elle est également l’objet de pressions de la part des gouvernements nationaux. De plus, de par sa position centrale, elle a pour mission de réunir et de concentrer l’information, mais la faiblesse de ses effectifs par rapport à l’étendue de ses compétences la rend structurellement sous-informée dans certains domaines, notamment pour les questions microéconomiques et les technologies de pointe. Il existe également un important déséquilibre entre, d’une part, le poids des appareils d’Etat nationaux et, d’autre part, des fonctionnaires européens peu nombreux et éloignés du terrain, si bien qu’il y a peu de domaines où la Commission met en œuvre directement des politiques et est mieux informée que les gouvernements. Pour obtenir l’information dont elle manque, la Commission a besoin de faire appel à de nombreux interlocuteurs et c’est pourquoi elle encourage le développement de groupes de pression – même en sachant que l’expertise qu’ils lui fournissent risque d’être biaisée par la défense d’intérêts particuliers ; quant aux financements qu’elle octroie, la Commission a tendance à préférer les verser à de gros projets solides et faciles à contrôler plutôt qu’à une multitude de petits projets, comme en témoigne le soutien privilégié accordé aux centres d’excellence dans le cadre de la politique de recherche. Le comportement de la Commission est ainsi conditionné par les problèmes d’information et la prise en compte d’intérêts conflictuels, qu’il s’agisse d’intérêts privés ou politiques et à une échelle européenne, nationale ou plus locale. Enfin, l’UE est caractérisée par un cadre institutionnel changeant. Le nombre d’Etats membres, mais aussi la nature, les missions et les compétences des institutions supranationales évoluent dans le temps. Ainsi, la répartition des tâches entre gouvernements et institutions européennes n’est pas définitive, puisque certains domaines de politique économique comme la politique régionale et la politique agricole continuent à balancer entre le niveau national et le niveau supranational. Si la politique monétaire est désormais unique pour les pays participant à l’euro, il n’en est pas de même pour la politique budgétaire et les gouvernements discutent encore de l’opportunité d’imposer un cadre supranational parfois jugé trop rigide sur les politiques budgétaires nationales. La question du degré souhaitable de centralisation ou de décentralisation des décisions de politique économique reste donc largement débattue. Il en est de même pour d’autres aspects des processus décisionnels. Les gouvernements, les institutions européennes et éventuellement d’autres acteurs (comme les représentants d’intérêts infranationaux ou d’autres intérêts particuliers) interviennent dans des jeux dont les règles ne sont pas fixes. La Communauté européenne s’est construite

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progressivement, pendant que les Etats membres et les institutions supranationales modifiaient les processus décisionnels au fur et à mesure qu’ils les découvraient et qu’ils ajustaient leurs stratégies.

Ainsi, la forme et le degré de l’hétérogénéité entre Etats membres, les préférences, les stratégies, les institutions et les règles de décision évoluent dans le temps et varient selon le domaine de politique économique. Pourtant, malgré ce contexte d’intérêts conflictuels et dans un cadre institutionnel qui n’est pas encore clairement délimité, des politiques économiques sont bien décidées et appliquées à l’échelle européenne. De quelle façon y parvient-on ? Quelles solutions institutionnelles et décisionnelles sont mises en œuvre à l’échelle européenne pour parvenir à des décisions collectives à partir de situations nationales hétérogènes ? Le travail de recherche développé dans cette thèse propose d’analyser les processus décisionnels soutenant les politiques économiques européennes, en mettant l’accent sur les problèmes d’hétérogénéité entre les Etats membres et, dans une moindre mesure, sur les effets d’apprentissage et d’expérience. Il est important de souligner que la volonté de se concentrer sur les processus décisionnels rend d’emblée secondaires les discussions sur les effets des politiques économiques ainsi que sur leur caractère optimal. Si ces sujets sont abordés dans le développement des analyses, c’est avant tout en ce qu’ils peuvent constituer des arguments dans les négociations européennes sur l’évolution des processus de décision ; mais ces questions ne seront pas traitées en tant que sujets d’étude autonomes et approfondis. Afin de rendre compte des solutions institutionnelles et décisionnelles mises en place face à l’hétérogénéité, nous serons conduits à revisiter les modèles traditionnels de formation des politiques économiques et à discuter des relations entre le politique et l’économique. Nous aborderons également différentes approches susceptibles d’expliquer la formation des stratégies nationales et supranationales sur les choix de politiques économiques, ainsi que plusieurs modes de prise de décision collective.

Apports et limites de la littérature Les études sectorielles sur les politiques économiques La littérature sur les choix de politiques économiques est très largement développée, approfondie et spécialisée, si bien qu’elle est habituellement cantonnée à des études sectorielles sur la politique régionale, la politique monétaire et la politique budgétaire. Ces analyses fournissent de façon séparée des résultats très intéressants, mais elles reposent sur des concepts et des méthodologies spécifiques à chaque domaine. Ainsi, les analyses de la politique régionale, particulièrement en France, sont nourries de réflexions sur les stratégies d’aménagement du territoire et sur la répartition optimale des hommes et des activités dans un Etat traditionnellement centralisé, parfois au point de considérer à l’excès le territoire français comme isolé de l’espace européen [Guigou

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et Parthenay 2000]. Cette littérature aborde également dans une large mesure la question de l’arbitrage entre équité et efficacité [Martin 1999 ; Gérard-Varet et Mougeot 2001] et les résultats des modèles d’économie géographique, notamment en termes d’agglomération des activités [Maurel et Mouhoud 2001 ; Martin 2003]. La littérature théorique sur la politique monétaire comprend deux volets : l’un met l’accent sur l’approche macroéconomique et recouvre la détermination optimale du taux d’intérêt par la banque centrale, sa transmission à l’économie et les effets des conditions monétaires sur la sphère réelle [Barran, Coudert et Mojon 1997 ; Peersman et Smets 1998], tandis que le volet financier se concentre davantage sur la courbe des taux d’intérêts et sur son interprétation en termes d’inflation anticipée [Mishkin 1990]. La politique monétaire fait cependant aussi l’objet d’études jointes avec la politique budgétaire, notamment à la suite du modèle IS-LM. Les modèles analysant le dosage des politiques macroéconomiques, ou policy mix, ont pour but de calculer les politiques optimales du point de vue de la relance de la croissance ou de la stabilisation de l’économie. Ils portent sur un, deux, éventuellement N pays et sont généralement dérivés du modèle IS-LM, des relations macroéconomiques habituelles (de type courbe de Phillips et loi d’Okun) et peuvent être complétés par des fonctions objectifs, souvent sous la forme de fonctions de perte à minimiser. Le trait commun de cette littérature est que les décisions sont prises de façon à atteindre un objectif bien défini et qu’elles reposent sur des relations préétablies, des préférences connues et des règles de décision transparentes. Or, ces hypothèses ne correspondent pas aux caractéristiques évolutives de la formation des politiques économiques sur lesquelles nous avons choisi de nous concentrer et, surtout, ce sont des modèles normatifs alors que nous adoptons une démarche positive. Cette thèse développe une analyse des facteurs qui conditionnent la formation des politiques effectivement adoptées, plutôt qu’une interrogation sur la politique optimale – ce choix est d’ailleurs renforcé par la difficulté à définir ce que serait une politique européenne optimale dans un contexte d’hétérogénéité nationale. Par conséquent, notre analyse se nourrira de certains raisonnements issus de ces approches mais s’appuiera également sur d’autres champs de la littérature économique et de science politique. Les relations entre Etats membres et institutions européennes supranationales Comme nous l’avons souligné précédemment, les choix de politique économique européenne sont effectués dans un contexte de conflits de pouvoir entre les gouvernements, les institutions supranationales et, dans certains cas, les intérêts infranationaux. En économie, la question de la délégation de pouvoir a surtout été étudiée par l’approche principal-agent ; appliquée par ailleurs en science politique, cette théorie n’est cependant pas confondue avec les courants intergouvernementalistes et supranationalistes, ni avec l’approche en termes de gouvernance multi-niveaux. Une relation principal-agent est créée lorsque le principal établit un contrat avec un agent et lui délègue la responsabilité d’effectuer certaines tâches. La difficulté vient du

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fait que l’agent dispose d’une information privée sur l’effort qu’il fournit, puisqu’il n’est pas observable par le principal : à cause de cette asymétrie d’information, le principal ne peut pas contrôler directement la bonne exécution des tâches par l’agent. Cela pose deux problèmes : un conflit d’intérêts entre l’agent et le principal et le risque pour le principal de perdre le contrôle de l’agent. La configuration principal-agent est reflète donc bien la dualité entre pouvoir et information. En économie, Laffont et Tirole [1993] fournissent de nombreux exemples de variations par rapport à ce modèle de base. Les auteurs envisagent notamment une structure à trois niveaux – un ou plusieurs agents, une agence (le « superviseur ») pouvant être parfaitement informée et un principal dépendant de l’information que lui transmet l’agence – et la possibilité d’une collusion entre l’agence et l’agent. La conclusion optimiste est que le principal a toujours la possibilité de trouver un contrat avec un mécanisme de révélation du comportement, de manière à empêcher la collusion entre l’agence et l’agent. Le modèle d’agence commune (« common agency ») de Grossman et Helpman [1994] étudie une autre configuration, comprenant plusieurs principaux et un agent, et dans laquelle les principaux correspondent à des groupes de pression et l’agent à un décideur politique. Ce modèle reste généralement limité à l’analyse du lobbying dans le domaine du commerce extérieur. Caillaud, Julien et Picard [1996] appliquent le modèle principal-agent à la délégation de pouvoirs des Etats membres vers les institutions européennes, en étudiant le niveau optimal de centralisation (au niveau communautaire) ou de décentralisation (au niveau national) du pouvoir de décision. L’avantage de la centralisation est l’internalisation des externalités entre les politiques des différents Etats membres, tandis que l’avantage de la décentralisation est que le niveau national est par hypothèse mieux informé et plus à même de contrôler les agents économiques nationaux. Le modèle se pose donc la question normative de la distribution optimale des compétences. Les auteurs étudient les interactions stratégiques entre les politiques incitatives nationales et supranationales, définies comme des contrats incitatifs stipulant des subventions versées par les autorités nationales ou européennes aux agents économiques selon les performances économiques observées, par exemple dans le domaine de la politique agricole commune, de la politique de recherche et développement (R&D), des services publics (énergie, télécommunications, transports) ou encore de la politique de l’environnement. Le modèle comprend un décideur supranational : l’agence communautaire chargée de maximiser le bien-être social agrégé total, des décideurs nationaux qui souhaitent maximiser le bien-être de leur propre pays, et des agents économiques (firmes) dont les décisions ont un coût, sont imparfaitement observables et engendrent des externalités sur le bien-être du pays d’appartenance et des autres pays. L’agence communautaire est leader de Stackelberg. Les principaux résultats sont que la centralisation complète n’est jamais optimale quand les décideurs nationaux ont un avantage informationnel ; il vaut mieux dans ce cas laisser une place aux politiques incitatives nationales. La décentralisation complète peut même être optimale quand les décideurs nationaux ont un gros avantage informationnel et suffisamment de pouvoir de négociation face aux firmes. Le rôle de l’agence

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communautaire se limite alors à fixer le niveau des transferts compensatoires entre pays, de manière à internaliser les externalités. Contrairement à l’approche de Laffont et Tirole, il est donc ici optimal de laisser une collusion se former entre les autorités nationales et les firmes, plutôt que de chercher un contrat avec un mécanisme de révélation rendant la collusion impossible. La littérature sur les enjeux de la délégation de pouvoirs des Etats membres à des agents supranationaux reste cependant limitée en économie, tandis qu’elle est assez développée en science politique. Kassim et Menon [2003] distinguent quatre courants : deux courants intergouvernementalistes (l’intergouvernementalisme libéral et l’intergouvernementalisme institutionnel) et deux courants supranationalistes (l’approche institutionnaliste historique et l’étude du supranationalisme en termes de rational choice).

Selon la théorie de l’intergouvernementalisme libéral [Moravcsik 1993 et 1998], la souveraineté est mise en commun (« pooled ») quand les gouvernements se mettent d’accord pour décider des questions futures selon des procédures de vote autres que l’unanimité (par exemple à la majorité qualifiée). La souveraineté est déléguée quand on permet à des acteurs supranationaux de prendre certaines décisions de façon autonome, sans vote interétatique et sans possibilité de veto unilatéral. Les institutions internationales ou supranationales sont considérées comme « des instruments délibérément destinés à améliorer l’efficacité des négociations entre les Etats » et la décision de déléguer la souveraineté ou de la mettre en commun repose sur une analyse coûts-avantages du « flux de décisions substantielles » qui résulterait de chaque organisation institutionnelle. Trois types de raisons peuvent conduire les gouvernements à faire ces choix institutionnels de mise en commun ou de délégation de leur souveraineté au lieu de conserver le pouvoir de prendre des décisions unilatérales : • l’idéologie, c’est-à-dire la préférence pour une vision fédéraliste par opposition à

une vision nationaliste ; • la technocratie, qui repose sur une meilleure centralisation de l’expertise et de

l’information ; • la crédibilité des engagements, puisque grâce à ces institutions, la mise en œuvre et

le respect de ces engagements sont rendus plus prévisibles. L’intergouvernementalisme libéral considère que, malgré ce transfert de souveraineté, les Etats demeurent les acteurs politiques dominants, puisqu’ils contrôlent à la fois le Conseil européen et le Conseil des ministres, tandis que les institutions supranationales sont supposées soit agir au nom des Etats membres, soit avoir uniquement un rôle symbolique. Cette théorie n’envisage donc pas le cas où la Commission développe des objectifs divergents et cherche à mettre en avant son propre programme de politique européenne en agissant comme un « entrepreneur politique » indépendant. La différence par rapport à l’approche principal-agent est donc l’absence de prise en compte des problèmes découlant de la délégation, c’est-à-dire les intérêts conflictuels et l’absence de contrôle de l’agent. L’intergouvernementalisme institutionnel [Garrett 1992] se concentre sur les effets distributifs plutôt que fonctionnels des institutions européennes. Selon cette approche,

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les institutions européennes n’ont pas uniquement un rôle de centralisation de l’information mais elles remettent aussi potentiellement en question la souveraineté des Etats membres. Ainsi, l’adoption du vote à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité dans certains domaines au sein du Conseil des ministres abolit le droit de veto national. Pourtant, l’intergouvernementalisme institutionnel considère que la délégation de pouvoirs à une institution comme la CEJ ne menace pas réellement l’autonomie des Etats, parce que ses intérêts doivent nécessairement coïncider avec ceux des Etats membres. Garrett soutient ainsi que si une décision de la CEJ allait à l’encontre des intérêts d’un Etat membre, cet Etat ne s’y plierait pas – surtout s’il s’agit d’un grand pays. De la même façon, les propositions de la Commission doivent être acceptées par les Etats membres. Comme l’intergouvernementalisme libéral, l’intergouvernementalisme institutionnel se distingue donc de l’approche principal-agent, mais sur d’autres bases. Selon Garrett, les gouvernements conservent la suprématie sur les institutions européennes parce que ces dernières ont besoin de leur accord, soit sous la forme d’un vote entérinant la proposition (pour la Commission), soit par l’acceptation et l’application des décisions (pour la CEJ). Contrairement à l’intergouvernementalisme, l’approche institutionnaliste historique [Pierson 1996] développe un point de vue supranationaliste puisqu’elle considère que « le fonctionnement actuel des institutions ne peut pas être dérivé des aspirations de leurs fondateurs » et que des écarts d’intérêts peuvent apparaître entre les Etats membres et les institutions européennes, au point que les Etats membres perdent le contrôle du processus d’intégration. Une autre analyse du supranationalisme, dans la lignée du rational choice [Pollack 1999], reprend plus ouvertement une approche principal-agent. Le rôle des agents (les institutions supranationales comme la Commission, la CEJ et le Parlement européen) est de contrôler le respect et l’application des traités, de résoudre les problèmes de contrats incomplets, de mettre en œuvre une réglementation indépendante et impartiale et de décider de l’ordre du jour des négociations (« agenda setting »). Les Etats membres disposent de mécanismes de contrôle des institutions européennes – à travers notamment les comités permanents et la Cour des Comptes européennes – mais ces dernières conservent une information asymétrique puisqu’elles sont mieux informées que les Etats membres sur leur propre comportement. Toutefois, Pollack montre que même si, au moment de l’Acte unique européen, la Commission avait toutes les caractéristiques d’un entrepreneur politique européen, en revanche la Commission et le Parlement européen ont uniquement eu une faible influence sur les négociations des traités de Maastricht et d’Amsterdam, la Commission ayant surtout utilisé son avantage informationnel pour émettre des propositions qu’elle savait susceptibles d’être acceptées par les Etats membres. Ces quatre approches étudient la délégation de souveraineté à des institutions supranationales mais aucune ne correspond tout à fait à l’approche principal-agent. Les deux courants intergouvernementalistes continuent à considérer que le pouvoir des Etats membres reste prédominant. L’approche institutionnaliste historique et, dans une moindre mesure, le supranationalisme selon l’approche du rational choice, ont au contraire tendance à surestimer le pouvoir de la Commission et à sous-estimer la

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capacité des Etats membres à affirmer leur influence sur la construction européenne. Or, l’approche principal-agent est incompatible avec l’idée que soit le principal, soit l’agent ait un rôle prédominant à long terme. Finalement, l’approche principal-agent a pour intérêt de mettre en avant les enjeux de la répartition du pouvoir entre deux ou trois niveaux d’acteurs et les problèmes liés à l’asymétrie d’information, mais elle présente également certaines limites pour l’application à l’UE. Premièrement, elle n’est pas toujours applicable car il n’est pas nécessairement possible de déterminer clairement quel acteur est en position de principal et quel acteur est en position d’agent. Ainsi, dans le domaine des politiques structurelles, certains pays ou certaines régions développent une expertise dans le traitement de l’information et disposent d’informations plus complètes et plus fines que la Commission, mais, dans le cas d’autres pays n’ayant pas une longue habitude de ce type de suivi, il peut arriver que la Commission soit la mieux informée. De façon plus générale, l’information est souvent asymétrique, mais pas toujours au bénéfice des mêmes acteurs, de sorte que l’on ne peut pas établir un modèle global des négociations européennes. Deuxièmement, la conclusion théorique semble trop optimiste : en réalité, tous les domaines de politique économique ne se prêtent pas à l’établissement de contrats permettant de révéler le comportement de l’agent et surtout, il est douteux que la Commission accepte de s’engager sur son comportement futur sous la forme d’un contrat. Par ailleurs, la littérature empirique en science politique décrivant les relations entre les gouvernements et les institutions européennes ne conclut pas de manière univoque sur l’optimalité de la délégation de souveraineté ni sur les conséquences en termes de répartition effective de pouvoir entre les Etats membres et les institutions supranationales. Enfin et surtout, les principales raisons pour lesquelles l’approche principal-agent ne sera pas mobilisée en tant que telle dans ce travail de recherche est qu’elle ne permet pas de traiter les questions théoriques que nous désirons aborder. D’une part, elle n’entre pas dans la boîte noire des négociations, puisque le choix de la part de l’agent porte uniquement sur un contrat qu’il accepte ou refuse sans pouvoir le modifier – or, nous nous proposons d’analyser le processus même des négociations. D’autre part, et c’est là l’obstacle majeur pour nous, les modèles principal-agent formalisés fournissent des conclusions normatives sur les contrats optimaux à mettre en œuvre, tandis que nous nous abstiendrons de formuler de telles recommandations pour nous borner à un éclairage de l’évolution des modes de formation des politiques économiques observées. Par opposition à l’intergouvernementalisme, la gouvernance multi-niveaux ne se concentre pas sur des Etats membres autonomes, mais considère l’Union européenne comme un réseau politique à plusieurs niveaux. Selon cette approche, les Etats membres, quoique puissants, ne sont pas les dirigeants politiques exclusifs. Cette théorie [Hooghe et Marks 2001] développe le concept de compétences superposées et analyse les interactions entre les différentes couches d’acteurs politiques infranationaux, nationaux et supranationaux. La structure du contrôle politique varie selon les domaines et chaque acteur peut prendre part à différents réseaux– ce qui implique en particulier la possibilité de rapports directs entre des acteurs infranationaux et des acteurs supranationaux.

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Nous tiendrons compte de la richesse des études européennes dans le domaine de la science politique, afin d’intégrer dans le raisonnement économique les concepts que ces auteurs ont développés. L’objet de ce travail n’étant pas d’émettre des conclusions normatives sur le degré optimal de centralisation ou de décentralisation mais de révéler la nature et l’évolution des processus décisionnels à l’échelle européenne, nous retiendrons les points de vue différenciés de l’intergouvernementalisme, du supranationalisme et de la gouvernance multi-niveaux, et nous nous attacherons à distinguer quelle configuration semble la plus pertinente selon les champs de politique économique. Les différentes procédures de négociations La littérature sur les négociations propose une très grande variété d’approches, dont nous ne pourrions rendre compte de façon exhaustive. Aussi nous limiterons-nous à distinguer deux aspects des négociations abordés dans ce travail de recherche : d’une part, la façon dont les préférences et les objectifs de chaque joueur se forment, et d’autre part, les modalités selon lesquelles la confrontation des stratégies individuelles conduit à une décision collective. L’un des objectifs de cette thèse est de révéler, parmi les hypothèses possibles, quels sont les critères discriminants pour la formation des stratégies et quelle forme prennent les processus de décision collective selon le champ de politique économique.

• La formation des objectifs de chaque joueur participant à la prise de décision

Les différents acteurs en présence dans les négociations européennes ne sont pas nécessairement sur un pied d’égalité et ils ne participent pas forcément tous directement à la prise de décision, mais ils cherchent tous au minimum à l’influencer. Cela suppose un comportement actif de la part de tous les agents, et en particulier de la part du décideur politique. Pour cette raison, nous ne retiendrons pas les approches semblables au modèle de lobbying de Becker [1983], dans lequel le décideur est simplement déplacé sous l’effet mécanique des pressions des groupes d’intérêts. Au sein de la littérature sur le lobbying, on distingue le lobbying par financement, qui joue sur le soutien financier accordé à un décideur politique et donc sur ses chances d’être élu, et le lobbying par transmission stratégique d’information ou lobbying informationnel, qui a pour but de modifier les convictions mêmes du décideur. Le premier type de lobbying, qui met d’accent sur le financement de partis et de campagnes électorales, correspond assez mal au cas du lobbying auprès des institutions européennes comme la Commission, surtout depuis la destitution de la Commission Santer. En revanche, le lobbying informationnel [Potters et van Winden 1992, Lohmann 1995, Rasmusen 1997, Sloof 1997] est plus proche des actions menées auprès de la Commission. Il suppose en effet un comportement actif à la fois de la part du groupe de pression (transmetteur) et du décideur politique (récepteur), dans un contexte où le décideur a besoin de l’information privée détenue par le lobby, tout en restant méfiant par rapport à l’information que le lobby lui transmet.

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Nous tiendrons également compte de résultats centraux de l’économie psychologique et de l’économie expérimentale – en particulier le jeu de l’ultimatum et l’effet de dotation – avec toutefois une réserve : bien que ce soit une tendance de la recherche récente en économie [Crowley 2004], nous nous garderons de tenir comme directement transposables à des décisions politiques de portée nationale les conclusions de modèles conçus pour analyser des relations microéconomiques. L’effet de dotation [Thaler 1980, Kahneman, Slovic et Tversky 1982] conduit un individu à attribuer à un bien une plus grande valeur une fois qu’il le possède, juste du fait de la possession de ce bien. Cela implique notamment que l’on préfère les gains sûrs plutôt qu’incertains mais que l’on soit prêt à prendre des risques quand il s’agit de pertes. Le principe du jeu de l’ultimatum est de diviser une somme entre deux joueurs selon un partage (1-x,x) proposé par le joueur 1, qui est ensuite accepté ou refusé par le joueur 2, le refus conduisant à des gains (0, 0). La théorie des jeux prédit que le joueur 2 devrait accepter tout partage dans lequel x est strictement positif, puisqu’il préfère avoir un gain positif plutôt que de ne rien gagner. Pourtant, le résultat issu des expériences est que les propositions x = 10%, 20%, 30% sont souvent rejetées par le joueur 2 et que le joueur 1 choisit en moyenne x = 43%. Ce résultat pourrait expliquer l’échec de négociations dans lesquelles un gouvernement, même gagnant, se juge lésé par rapport à d’autres. Enfin, plusieurs approches rendent compte de l’importance de l’ordre des décisions et de l’entremêlement des négociations. Le critère d’ignorance de Rawls suggère que, dans l’incertitude face à la position de chacun dans la configuration future, chacun décide de maximiser la condition du plus mal loti. Mais lorsque le voile d’ignorance est levé, la décision dépend de la trajectoire et les objectifs sont modifiés. De façon plus générale, nous pourrons considérer l’hypothèse selon laquelle les stratégies ne sont pas formées indépendamment du passé. Par exemple, l’Espagne et la Pologne auraient peut-être accepté immédiatement la pondération au Conseil des ministres prévue par le Traité constitutionnel si le Traité de Nice ne leur avait pas accordé auparavant un nombre de voix plus élevé. Le fait que les négociations soient situées dans le temps n’implique pas seulement la prise en compte de la trajectoire passée, mais également de la trajectoire future, ce qui signifie que le choix d’un joueur peut dépendre d’une stratégie élaborée dans le cadre de jeux séquentiels ou imbriqués. Ainsi, la théorie des jeux imbriqués [« nested », Tsebelis 1990] montre qu’un acteur rationnel peut ne pas choisir la même action dans un même jeu selon que ce jeu est isolé ou imbriqué dans un ensemble d’autres jeux. Ainsi, une action qui semble sous-optimale lorsque l’on considère le jeu isolé peut pourtant être une stratégie optimale lorsque l’on prend en compte le jeu suivant. C’est le cas notamment des jeux sur plusieurs terrains (« games in multiple arenas ») : le choix du joueur peut être sous-optimal si l’on ne regarde que le jeu principal, mais il est optimal quand on prend en compte les conséquences de ce choix sur d’autres jeux. Le problème de l’observateur extérieur est qu’il croit que le choix est sous-optimal parce qu’il ne voit pas le contexte dans lequel il est fait : il ne connaît pas l’ensemble des objectifs, les contraintes ni les espaces de choix.

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Moravcsik [1998] présente une approche allant dans le même sens en expliquant les négociations intergouvernementales européennes par leur regroupement sous forme de paquets de négociations donnant lieu à des enjeux croisés. Si les différents points d’une négociation groupée doivent être acceptés simultanément, cela implique qu’un gouvernement doit être prêt à faire des concessions dans un domaine pour pouvoir bénéficier de contre-concessions dans d’autres domaines. Moravcsik montre par ailleurs qu’un Etat est d’autant plus disposé à faire des concessions qu’il a besoin que les négociations aboutissent – ce qu’il appelle « interdépendance asymétrique ». Cette analyse semble pertinente pour rendre compte des pressions et des menaces exercées entre les Etats membres, ainsi que de l’impression de « marche en crabe » donnée par les négociations européennes.

• Les modes de formation des décisions collectives à partir des objectifs individuels

A partir de mêmes objectifs individuels, les modalités de la prise de décision collective peuvent conduire à des résultats très différents. Nous présenterons quatre types de configurations, du consensus proche de la boîte noire aux procédures de vote précisément détaillées. La modalité de décision collective la moins codifiée et la moins observable est celle du consensus. C’est par exemple, selon les propos de Wim Duisenberg, la procédure adoptée au Conseil des gouverneurs de la BCE et qu’il présente comme une solution préférable à un vote formel. Le problème pour la théorie économique est qu’il est difficile de mettre en évidence la formation d’une décision consensuelle lorsque l’on ne dispose d’aucune information sur le contenu des débats qui l’ont précédée ni la façon dont la délibération a modifié les stratégies initiales. On est donc amené à considérer une procédure implicite plus tangible, comme une règle de vote implicite ou la formation d’une coalition gagnante. La solution hiérarchique, celle d’une décision d’un acteur qui s’impose à tous, laisse cependant de la place à la négociation ex post : la règle peut être contournée, réinterprétée ou modifiée par ceux à qui elle s’impose, conduisant éventuellement le haut à revoir sa décision initiale. Cette lecture peut s’appliquer à des décisions de la Commission qui sont ensuite amendées, soit après avoir été remises en cause par le comportement des Etats membres (par exemple le Pacte de stabilité), soit parce que leur application est altérée par une interprétation nouvelle (par exemple, dans le domaine des politiques régionales, l’extension de la définition de la coopération transfrontalière terrestre à la coopération transmanche sous l’effet d’un lobbying franco-britannique ; et, dans le cadre du Pacte de stabilité, l’ajout du cas de stagnation prolongée à la liste des circonstances exceptionnelles autorisant un déficit excessif). La théorie des jeux non coopératifs examine l’affrontement de deux stratégies, soit dans un jeu simultané (Nash), soit dans un jeu séquentiel où l’un des joueurs est Stackelberg-leader. L’avantage de cette procédure est, pour l’analyste, que les règles et les paiements sont connus et qu’il est aisé de déterminer la stratégie optimale de chaque joueur. Mais cet avantage en termes de clarté de l’analyse constitue également l’inconvénient de la théorie des jeux, puisque les connaissances et le degré de rationalité qu’elle prête aux

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joueurs sont souvent au-delà de l’information dont ils disposent dans la réalité. Dupuis [1991] souligne que le problème de la théorie des jeux est justement de supposer que l’on connaît la structure du jeu et qu’on le résout à rebours, ce qui est en contradiction avec l’historicité de l’acteur et le poids du passé. L’histoire des négociations dans l’Union européenne montre que l’on peut difficilement supposer que les règles sont fixes et connues de tous dès le début du jeu. Au contraire, les habitudes de négociations se construisent au fur et à mesure que les négociations ont lieu, et les Etats membres ont besoin de temps pour les découvrir et s’y ajuster. Le comportement de la Pologne en est un exemple : dans les mois précédant son entrée dans l’Union européenne, le gouvernement polonais avait adopté des positions très fermes, qu’il a par la suite accepté d’assouplir en tenant compte du jeu de concessions et contre-concessions sur les négociations groupées. Enfin, le dernier mode de décision collective est le vote, qui peut correspondre lui-même à diverses procédures. Les règles de vote à un tour peuvent donner lieu à des résultats différents suivant que le vote agrégé est la moyenne simple des votes individuels, ou bien une moyenne pondérée (selon une règle de pondération elle-même variable), le vote de l’électeur médian ou encore le résultat complexe d’une procédure reposant sur plusieurs critères, comme le nombre de voix à la fois à la Commission, au Conseil des ministres et au Parlement européen – avec différents seuils selon le type de procédure : procédure de consultation, de coopération, de codécision ou d’avis conforme [Bindseil et Hantke 1997]. Les règles de vote en deux étapes prennent également plusieurs formes. D’une part, un acteur peut proposer une décision qui sera adoptée sauf si un vote de blocage suffisamment important conduit à la refuser. C’est la procédure supposée par Aksoy, De Grauwe et Dewachter [1999] pour le choix du taux d’intérêt par le Conseil des gouverneurs de la BCE, et c’est également ce que le Traité constitutionnel prévoit pour la procédure de constat de déficit excessif – la Commission émettant une proposition que le Conseil des ministres ne pourrait refuser qu’à la majorité qualifiée, alors qu’auparavant la Commission n’émettait que des recommandations. D’autre part, selon une approche en termes de théorie des jeux coopératifs, on peut considérer d’abord la formation de coalitions sur certains sujets, puis le vote de ces coalitions se ramenant à une confrontation entre une coalition gagnante et une coalition perdante ou le blocage de la décision si une minorité suffisamment importante est réunie [Holzinger 1995].

Trame commune de l’analyse Le thème transversal de la thèse est l’impact de l’hétérogénéité entre les Etats membres sur les processus de formation des politiques économiques à l’échelle européenne, dans un cadre institutionnel qui n’est pas encore intégralement fixé. Cette étude repose notamment sur la révélation des stratégies des agents dans les procédures de décision collective, et elle examine également si le processus de décision tend à résorber ou à accentuer l’hétérogénéité.

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Un même schéma sous-tend l’ensemble de l’analyse. Sous sa forme statique [figure 0.1], il situe le processus de formation de chaque politique économique dans un contexte institutionnel donné et en présence d’une certaine hétérogénéité entre les Etats membres. Figure 0.1. Schéma statique pour une configuration donnée

Le contexte institutionnel recouvre l’organisation de l’ensemble des représentants nationaux et supranationaux : comment sont délimités les compétences et quel est le rôle attribué aux Etats membres et aux acteurs nationaux, à la Commission européenne, au Conseil des ministres, à la Banque centrale européenne ? La configuration est-elle plutôt de type intergouvernementale, supranationale ou multi-niveaux ? Le problème est-il de définir une politique unique à l’échelle européenne ou de coordonner des politiques nationales ? L’hétérogénéité est fondée sur toutes les caractéristiques nationales et infranationales des Etats membres – hétérogénéité d’intérêts économiques, mais aussi de vision du monde, de préférences idéologiques a priori, de qualité du traitement de l’information, etc. Enfin, les processus de formation des politiques économiques sont étudiés sous les deux angles précédemment présentés : • d’abord, chaque participant à la prise de décision choisit ses objectifs en fonction de

ses préférences génériques (la partie stable de ses préférences, correspondant à une hétérogénéité structurelle : taille, structures politiques et socio-économiques, positionnement idéologique traditionnel du pays à l’égard de la construction européenne) et de ses préférences spécifiques (qui modulent les préférences

CONFIGURATION

INSTITUTIONNELLE

HETEROGENEITE

ENTRE LES

ETATS MEMBRES

PROCESSUS DE FORMATION DES

POLITIQUES ECONOMIQUES

Critères de formation des objectifs et des stratégies

Règles de formation des décisions collectives

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génériques en fonction de la conjoncture économique, d’un contexte pré-électoral, d’un changement de gouvernement…) ;

• ensuite, il élabore une stratégie pour défendre ses objectifs dans le cadre du processus de décision, ce qui passe par une prise en compte du contexte institutionnel, de la règle de décision collective et des stratégies des autres acteurs.

Cette configuration statique peut ne pas être stable et évoluer du fait de l’augmentation du nombre d’Etats membres et de leur hétérogénéité, des effets d’expérience, de changements du cadre institutionnel européen et de l’impact sur le processus décisionnel [figure 0.2]. Figure 0.2. Schéma dynamique

L’hétérogénéité entre Etats membres varie dans le temps : d’une part, l’intégration européenne tend à faire converger certaines caractéristiques nationales, mais d’autre part, les élargissements successifs de la Communauté puis de l’Union européenne entraînent un accroissement de l’hétérogénéité. Le cadre institutionnel et le processus décisionnel, s’ils ne traitent pas les Etats membres de façon identique, peuvent également contribuer à renforcer l’hétérogénéité. La variation du degré d’hétérogénéité entraîne des pressions sur le cadre institutionnel, certains Etats cherchant par exemple à accroître leur pouvoir pour mieux défendre leurs intérêts particuliers. Le processus décisionnel peut également être affecté si des pressions suffisamment fortes conduisent à réviser les critères de formation des stratégies ou la règle de décision collective. Ces deux derniers éléments sont eux-mêmes en interaction, puisqu’un acteur peut être amené à modifier sa stratégie pour adapter ses

CHANGEMENT

INSTITUTIONNEL

FACTEURS DE RESORPTION ET

D’ACCROISSEMENT DE

L’HETEROGENEITE ENTRE LES

ETATS MEMBRES

EVOLUTION DES PROCESSUS

DE FORMATION DES

POLITIQUES ECONOMIQUES

Pressions liées à l’hétérogénéité entre pays

Accroissement ou réduction du pouvoir de décision

Evolution des stratégies

Changement des modalités de prise de décision collective

Résorbe ou renforce l’hétérogénéité

Influence la formation des préférences et le poids informel dans la prise de décision

Conditionne le poids officiel dans la prise de décision collective

Effet d’apprentissage des processus décisionnels

L’évolution des modalités de prise de décision affecte la configuration institutionnelle

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objectifs à la règle de décision collective et que, réciproquement, une coalition de stratégies convergentes peut conduire à une redéfinition de la règle de décision. Les stratégies des acteurs évoluent aussi du fait de l’expérience acquise dans les négociations : grâce à un effet d’apprentissage, ils ont une meilleure connaissance du processus décisionnel et s’en servent pour améliorer leur stratégie. Enfin, l’évolution du cadre institutionnel européen et celle du processus décisionnel sont liées : le rôle de chaque acteur dépend du poids que lui accorde le processus décisionnel et, inversement, la position de chaque acteur dans la configuration institutionnelle affecte son influence sur la prise de décision.

Organisation de la thèse La trame d’analyse commune est appliquée successivement à différents domaines de politiques économiques européennes dans quatre essais consacrés aux politiques structurelles et régionales, à la politique monétaire, à la politique budgétaire et au policy mix, avec l’objectif de fournir une lecture comparative des processus décisionnels mis en œuvre dans chaque cas. Bien qu’elle se nourrisse nécessairement de la littérature spécialisée dans chaque champ de politique économique, cette thèse n’est donc pas une thèse d’économie régionale, ni d’économie monétaire, ni consacrée à la soutenabilité des finances publiques ou au dosage optimal des politiques macroéconomiques. Il s’agit une thèse de politique économique, considérée sous l’angle de l’analyse des fondements institutionnels de la prise de décision collective et appliquée aux politiques économiques à l’échelle européenne. Le chapitre 1, à travers l’analyse des négociations sur les politiques structurelles, met en avant deux particularités de l’Union européenne : les conflits de pouvoir et le rôle de l’information. D’une part, en tant que dépenses représentant une part croissante du budget européen, les politiques structurelles sont au cœur d’un conflit de pouvoir, à la fois dans les négociations intergouvernementales (dans le cadre des négociations sur le budget) et dans les relations entre la Commission européenne et les Etats membres (chacun voulant accroître son influence sur la gestion des Fonds structurels). D’autre part, dans le domaine des politiques régionales comme dans d’autres domaines, la Commission a besoin de l’expertise d’acteurs extérieurs pour compléter l’information dont elle dispose et elle encourage donc le développement de groupes de pressions chargés d’effectuer un lobbying informationnel auprès d’elle. Or, dans le cas de la politique régionale, un problème institutionnel se pose, puisque les lobbies sont des autorités régionales et même des gouvernements nationaux, qui participent donc à la fois directement et indirectement au processus décisionnel : le problème de l’information se superpose ainsi à celui des conflits de pouvoir politique. Nous étudions donc dans ce chapitre selon quelles stratégies chaque niveau politique – supranational, national et infranational – utilise son avantage en termes de pouvoir ou d’information pour mettre en avant ses objectifs dans le cadre des politiques structurelles. Le chapitre 2 porte sur l’évolution des conditions de formation de la politique monétaire depuis le Système monétaire européen (SME). Partant du constat que la règle de Taylor

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constitue, malgré les problèmes méthodologiques qu’elle soulève, une référence largement reconnue pour l’analyse de la politique monétaire, nous l’utilisons pour révéler les processus de décision sous-jacents. L’accent est mis sur le poids relatif des différents pays sur la détermination du taux d’intérêt dans trois configurations. Dans le SME, des politiques monétaires nationales coexistaient, mais sous des contraintes plus ou moins fortes qui limitaient de fait le degré d’autonomie. Nous étudions également selon quel processus la BCE met en œuvre une politique monétaire unique depuis 1999, après l’adoption de l’euro par onze puis douze pays – avec comme particularité un mode de décision qui n’est pas directement observable, puisque la BCE ne rend pas public le contenu des débats et des votes au sein du Conseil des gouverneurs (CG). Cela nous amène à mettre en œuvre une méthode inductive de révélation indirecte du processus décisionnel. Nous prolongeons la réflexion sur la BCE par un questionnement sur les enjeux de l’élargissement de l’Union économique et monétaire (UEM) en termes de risque de perturbation du fonctionnement institutionnel de la BCE ; la réforme du processus décisionnel permet-elle de garantir la continuité de la prise de décision collective en délimitant l’origine et le nombre de représentants autorisés à prendre part aux votes ? Le chapitre 3 porte sur les négociations autour du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Après avoir analysé les facteurs favorisant ou fragilisant le respect des règles de finances publiques selon les Etats membres, nous dressons une liste des réformes envisagées pour surmonter les critiques adressées au dispositif original et nous évaluons leurs chances d’être adoptées. Les critères de choix impliqués par l’hypothèse de rationalité standard conduiraient théoriquement à l’adoption de certaines propositions de réformes ; or, l’observation en réalité de blocages sur les négociations, confirmée par une chronologie détaillée des déclarations de différents représentants nationaux, nous amène à envisager d’autres hypothèses pour la formation des choix de soutien ou d’opposition aux réformes. Nous analysons également les effets d’expérience et d’apprentissage autour du PSC et la façon dont certains gouvernements parviennent à modifier l’interprétation de la règle et à contourner le dispositif de sanctions, influençant par leur comportement la position de la Commission sur le degré de rigidité nécessaire pour assurer la crédibilité de la règle. Enfin, dans le chapitre 4, un modèle macroéconomique théorique simple est utilisé pour révéler l’interdépendance entre la politique budgétaire et la politique monétaire. Nous analysons le changement des règles de comportement de la banque centrale et du gouvernement sous l’effet de plusieurs évolutions du contexte institutionnel et des objectifs politiques : la prise en compte de la contrainte budgétaire par les ministres des Finances, l’indépendance croissante des banquiers centraux par rapport aux gouvernements, et le passage de politiques monétaires nationales à une politique monétaire unique. Nous examinons les conséquences de l’hétérogénéité structurelle sur l’hétérogénéité des contraintes et des comportements, lorsque les pays sont soumis à une politique monétaire unique et à une règle commune de finances publiques. Nous étudions en particulier l’effet attendu du passage à la monnaie unique sur les marges de manœuvre budgétaires des différents pays participant à l’euro, et comment cela a pu affecter leurs positions dans les négociations européennes.

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CHAPITRE 1. LES POLITIQUES REGIONALES COMMUNAUTAIRES

ENTRE CONFLITS DE POUVOIR POLITIQUE ET LOBBYING INFORMATIONNEL

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1.1. Introduction Ce premier chapitre aborde un domaine de politique européenne – les politiques régionales et structurelles1 – qui est particulièrement révélateur du lien entre la gestion de l’information et les conflits de pouvoir entre différents niveaux politiques. Les conditions de formation et d’application des politiques structurelles soulèvent plusieurs problèmes théoriques. Une première série de questions porte sur les conflits de pouvoir, les tensions à l’intérieur du cadre institutionnel et les pressions sur les règles du jeu des politiques structurelles. Comment les rôles des différents intervenants s’articulent-ils au sein d’une structure politique à au moins trois niveaux – supranational, national et régional, auxquels on pourrait ajouter encore d’autres niveaux infrarégionaux, voire interrégionaux ? Sur quelles stratégies les acteurs s’appuient-ils pour faire passer leurs intérêts et tenter de protéger ou d’accroître leur influence sur les différentes étapes du processus – niveau du budget, définition des critères d’attribution des financements, attestation du respect de ces critères, contrôle de l’utilisation des financements ? Dans quelle mesure le développement de liens directs entre la Commission et des instances régionales remet-il en cause le modèle dominant purement intergouvernemental ? Des enjeux d’un autre type, mais intimement liés aux questions de pouvoir, sont mis en avant dans les négociations sur les politiques structurelles : la quantité d’information détenue et la qualité de son traitement stratégique. Les observations empiriques conduisent à nuancer des hypothèses supposant une trop forte homogénéité des situations au sein de chaque niveau politique – la Commission étant censée être le niveau le moins bien informé du fait de son éloignement du terrain, les gouvernements présumés avoir une vue d’ensemble claire du territoire national et les régions supposées détenir des informations privées sur les spécificités locales. Nous verrons que la réalité est bien plus hétérogène, la Commission pouvant dans certains cas être mieux informée que les acteurs locaux, les habitudes statistiques et comptables variant d’un pays à l’autre et les régions ayant des compétences inégales dans le traitement de l’information, même au cœur d’un même pays. Il reste cependant, de façon générale, un profond déséquilibre entre les puissants appareils d’Etat et le relativement petit nombre de fonctionnaires européens, qui explique notamment le manque récurrent d’information de la Commission sur les sujets microéconomiques. Certains gouvernements peuvent profiter de cette asymétrie pour favoriser l’application des politiques structurelles à un niveau microéconomique, comme pour l’objectif 2, et les soustraire ainsi au contrôle de la Commission. La sous-information la Commission crée 1 En toute rigueur, il faut distinguer la politique structurelle (qui peut être définie au niveau national, régional ou infrarégional), la politique régionale (qui s’applique région par région) et la politique de cohésion (qui fait davantage référence au Fonds de Cohésion destiné aux Etats membres les plus pauvres). Dans ce chapitre, comme nous nous concentrons en particulier sur le rôle des régions, nous mettons surtout l’accent sur la politique régionale. Cependant, dans les faits, les négociations ne portent pas de façon isolée sur la politique régionale, aussi sommes-nous amené à employer parfois indifféremment les termes de politique régionale et de politique structurelle. De plus, il est fréquent que les termes de « politique structurelle » et de « politique de cohésion » soient considérés comme équivalents. Notons enfin que l’utilisation du pluriel reflète la diversité des instruments politiques ainsi que leur évolution dans le temps, qui rendent quelque peu brumeuse la notion d’une politique régionale unique.

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par ailleurs les conditions pour un lobbying informationnel : pour la Commission, l’expertise transmise par les lobbies lui permet d’espérer être mieux informée et de mieux asseoir son autorité, et du point de vue des lobbies, la transmission stratégique d’information est un moyen intéressant pour défendre leurs intérêts. Il existe donc une symétrie entre les stratégies de collecte, d’extraction, de centralisation, de traitement et de transmission de l’information et les conflits de pouvoir politique. Brève chronologie des politiques structurelles européennes Rappelons brièvement les grands traits du développement de ces politiques. Depuis les années 1950, les Etats européens mènent des politiques régionales dans le but de corriger les déséquilibres territoriaux liés au développement économique. L’intervention de l’Etat dans la distribution géographique des hommes et des activités est motivée par des arguments d’équité et d’efficacité selon lesquels la distribution qui résulte des seules forces du marché n’est pas un optimum social, parce qu’elle crée des disparités entre les régions en termes de bien-être, d’activité économique et de revenu. Pour permettre un développement durable de l’ensemble du territoire, il est nécessaire de réduire ces inégalités. Selon Smyrl [1995], l’idée d’une politique de cohésion européenne remonte aux débuts de l’intégration européenne, lorsque les Etats membres se sont engagés en faveur d’une lutte contre les inégalités de développement économique entre les pays et à l’intérieur des pays. La logique de la politique régionale européenne est la même que celle qui sous-tend les politiques régionales nationales : il s’agit d’un mécanisme destiné à rectifier les disparités territoriales produites par l’intégration des marchés, à améliorer l’efficacité grâce à une meilleure allocation des ressources, et à fournir des compensations à ceux qui pâtissent du processus de restructuration économique. La conférence de Messine de 1956 a suggéré de créer un fonds d’investissement pour aider les régions les plus pauvres, mais sans que cela ne dépasse réellement le stade de la déclaration d’intention. Dans les années 1960, d’autres propositions en faveur d’une politique régionale communautaire suivirent et l’on créa des politiques de redistribution, essentiellement sous la forme de transferts budgétaires intergouvernementaux. Ainsi, jusqu’au milieu des années 1980, la politique structurelle resta peu structurée et dotée d’un budget très réduit, tandis que le rôle des acteurs infranationaux dans les négociations européennes demeura quasi inexistant. C’est la réforme générale de 1988 qui introduisit une politique structurelle européenne à proprement parler, avec un accroissement des transferts et surtout des indications sur la façon dont ils devraient être utilisés, à travers quatre principes réglementaires : l’additionnalité des dépenses communautaires et des dépenses nationales, la concentration géographique des efforts là où ils sont le plus nécessaires, la programmation pluriannuelle et le partenariat avec les autorités infranationales pour l’élaboration et l’application des politiques régionales. Le budget des politiques structurelles a encore fortement augmenté jusqu’en 1999 et il représente désormais environ un tiers du budget communautaire [cf. annexe 1.1, graphique 1.1 et tableaux 1.7 et 1.8].

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Le contexte institutionnel : les conflits de pouvoir sur le contrôle des politiques structurelles Comme ce bref historique le suggère, la mise en place des politiques structurelles prend place dans un contexte de changement du rapport de force entre les Etats membres et la Commission européenne, puisque ce qui était initialement une simple suite de transferts intergouvernementaux a ensuite fait l’objet d’un encadrement de la part de la Commission, ainsi que de l’introduction d’une participation des acteurs régionaux dans l’application des politiques. Cela engendre des conflits d’intérêts sur la gestion des Fonds structurels et la répartition du pouvoir de contrôle entre les différents niveaux politiques. Nous avons présenté dans l’introduction générale différents courants de la littérature de science politique qui analysent les relations entre gouvernements, institutions supranationales et acteurs infranationaux. Les politiques régionales étant au cœur de ces questions, nous nous inspirerons dans ce chapitre d’une partie de cette littérature en reprenant en particulier les trames de lecture fournies par l’intergouvernementalisme libéral [Moravcsik 1993 et 1998] et par la gouvernance multi-niveaux [Benz et Eberlein 1998, Marks, Hooghe et Blank 1995, Hooghe et Marks 2001]. Cela nous permettra d’évaluer dans quelle mesure les relations intergouvernementales dominent les interventions des acteurs supranationaux et infranationaux et comment ce rapport évolue au fur et à mesure des réformes de la politique structurelle. Nous étudierons par ailleurs les stratégies que les différents acteurs ont développées pour mettre en avant leurs objectifs et leurs intérêts dans le cadre du processus décisionnel de la politique régionale. Deux facettes de l’hétérogénéité : l’origine des écarts de prospérité et la qualité de l’information A côté du conflit d’intérêts sur la gestion des Fonds structurels, la deuxième caractéristique qui conditionne l’évolution des politiques structurelles est l’hétérogénéité entre les Etats et à l’intérieur des Etats. Le premier élément de l’hétérogénéité correspond aux disparités territoriales. Pour les mesurer, la Commission dispose principalement de deux indicateurs : l’écart du PIB par habitant par rapport à la moyenne communautaire et le taux de chômage. Bien qu’ils soient incontestablement utiles pour révéler des écarts de prospérité, ces indicateurs ont certaines limites, notamment parce qu’ils laissent de côté des informations importantes sur l’origine des écarts. Or, Begg [2003] et Barry et Begg [2003] ont identifié quatre origines pour les problèmes rencontrés par certaines régions. • Le retard de développement : cela correspond généralement à des Etats ou des

régions dans lesquelles le secteur agricole est dominant et peu productif tandis que l’industrialisation est peu développée [pays du Sud, la plupart des nouveaux Etats membres].

• Les désavantages purement géographiques : zones périphériques, éloignées ou inaccessibles. Cependant, si la plupart des régions défavorisées sont à la périphérie de l’UE, l’éloignement et les difficultés économiques ne sont pas deux

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caractéristiques indissociables. Par exemple, certaines régions périphériques sont relativement prospères (le nord du Yorkshire au Royaume-Uni, la Finlande, l’Irlande) alors que des régions du cœur connaissent des difficultés (le Hainaut en Belgique, la Sarre en Allemagne, le Nord-Pas de Calais en France).

• La perte de compétitivité liée au déclin de vieilles industries (en Europe du Nord : mines, sidérurgie, textile, construction navale) ou d’industries plus récentes (l’industrie automobile dans les West Midlands au Royaume-Uni).

• Les conséquences de l’intégration économique, comme la libéralisation du commerce, la reconfiguration du cadre politique – ces problèmes sont bien étudiés dans la littérature sur la nouvelle économie géographique [Krugman et Venables 1995].

La deuxième source d’hétérogénéité entre Etats et entre régions est le traitement de l’information. En effet, pour définir des politiques qui répondent le mieux possible à son objectif de réduction des disparités territoriales, la Commission a besoin de nombreuses informations. Quels sont les effets des différents programmes ? Lesquels sont les plus efficaces en termes de réduction des inégalités et sont donc intéressants à conserver parmi les outils de la Commission ? Si certains projets sont peu efficaces, est-ce parce qu’ils sont mal définis au départ, parce qu’ils sont mal suivis ou parce qu’ils relèvent davantage d’une stratégie destinée à obtenir des financements européens que d’une réelle volonté d’améliorer la cohésion ? Or, la Commission dépend en bonne partie des informations transmises par les Etats et les régions pour évaluer l’impact des politiques structurelles – et la qualité de ces informations peut varier fortement d’un Etat à l’autre et d’une région à l’autre [cf. entretien avec Frédérique Lorenzi, annexe 1.5.3]. Le lobbying auprès de la Commission Le manque d’information de la Commission sur certaines questions s’explique par la faiblesse de ses effectifs. Ce problème n’est pas spécifique aux politiques régionales : dans un certain nombre de domaines, la Commission est structurellement sous-informée, en particulier pour les questions de dimension microéconomique et dans les domaines technologiques récents. C’est pourquoi elle fait appel aux lobbies, qui sont indispensables pour lui apporter leur expertise, mais dont elle doit aussi se méfier puisque leur information est susceptible d’être biaisée. Il existe une vaste littérature en science politique sur la représentation d’intérêts, qui recouvre des analyses conceptuelles synthétiques et des études de cas ciblées [Falkner 1999 ; Schmitter et Streeck 1999 ; Schmidt 2001 ; Mazey et Richardson 2003]. Kohler-Koch [1997] puis Kohler-Koch et Quittkat [1999] ont mené une enquête approfondie sur le lobbying auprès des institutions européennes (Commission européenne, Conseil des ministres, Parlement européen), notamment sur les différences de comportement selon la nationalité des lobbyistes et celle de la cible du lobbying, et sur les choix stratégiques à propos des personnes à contacter selon le stade des négociations. Il en ressort que les groupes d’intérêts ont souvent une stratégie double de représentation simultanée auprès d'institutions européennes et de dirigeants nationaux. La Commission apparaît également comme une cible privilégiée des groupes de pressions, car elle est plus facile d’accès que le Conseil des ministres et a un poids plus important que le Parlement dans la formation des décisions européennes [tableau 1.1].

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Tableau 1.1. Importance stratégique et facilité de l’accès aux institutions européennes

Institution Rôle dans les processus de décision européens

Facilité d'accès

Commission Rôle décisif, en particulier pour son pouvoir de proposition

Accès encouragé par la Commission, qui a besoin de l'expertise des groupes d'intérêts

Conseil des ministres L'institution la plus importante Difficile à contacter. De plus, la stratégie est complexe : il faut à la fois convaincre son propre gouvernement et former une coalition avec d'autres pays

Parlement Influence moindre (malgré l'introduction de la procédure de coopération par l'Acte unique et l'introduction de la procédure de co-décision dans le Traité de Maastricht, depuis lesquels le Parlement attire de plus en plus de lobbyistes)

Accès très facile : permet aux députés de disposer de l'expertise des groupes d'intérêts, d'être informés sur l'état de l'opinion publique et d'apparaître comme les porte-parole des intérêts des électeurs. Par ailleurs, les groupes politiques au Parlement européen ont des structures très lâches, donc les députés sont très indépendants

Source : résumé d’arguments de Kohler-Koch et Quittkat [1999] Les modèles de lobbying Une tout autre littérature sur le thème de la représentation d’intérêts s’est développée : les modèles formels de lobbying, qui éclairent différents aspects selon les hypothèses qu’ils retiennent. D’une part, la nature de la décision en jeu varie selon les modèles : est-ce un choix politique de portée générale et dépendant des préférences du décideur (par exemple le positionnement politique), ou bien, au contraire, une décision portant sur une question particulière et pour laquelle le choix du décideur serait entièrement déterminé s’il connaissait l’état de la nature ? La deuxième différence concerne les caractéristiques de l’information : est-elle parfaite ou asymétrique, et, le cas échéant, dans quelle mesure le décideur est-il sous-informé par rapport aux groupes de pression ? D’autre part, le décideur a-t-il la possibilité de mener ses propres recherches, ou dépend-il entièrement de ce que les groupes de pression peuvent lui apprendre ? Enfin, le troisième critère porte sur le cadre institutionnel du processus politique. A un extrême, certaines approches supposent que le dirigeant politique est tellement passif face aux groupes de pression qu’il n’apparaît pas dans le modèle ; à l’autre extrême, d’autres hypothèses prêtent au décideur un comportement stratégique élaboré. Le tableau 1.2 classe plusieurs modèles de lobbying selon ces trois catégories d’hypothèses.

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Tableau 1.2. Comparaisons des hypothèses des modèles de lobbying

Comportement neutre du dirigeant politique

Comportement stratégique du décideur Attitude du décideur

Type de décision Dirigeant totalement

passif, voire absent Cadre institutionnel

minimal Altruiste Egoïste

Orientation idéologique générale

Borck [1996] Potters, Sloof et van Winden [1997]

Orientation de la législation

Wirl [1994] Bindseil et Hantke[1997]

Kroszner et Stratmann [1998]

Répartition du budget / Recherche de rente

Tullock [1980] Linster [1994] Becker [1983] Katz et Rosenberg [1989]

Gilligan et Matsusaka [1995] Atlas et al. [1995]

Baldwin [1993] Lagerlöf [1997]

Kohli et Singh [1999]

Choix technique ponctuel et binaire

Rasmusen [1993] Lohmann [1995]

Potters et van Winden [1992]

Aucun surlignage : information parfaite du dirigeant politique Id. + souligné : asymétrie d’information favorable au dirigeant politique Surlignage clair : asymétrie d’information favorable au lobby, mais le dirigeant politique a la

possibilité d’apprendre la vérité avec certitude Surlignage foncé : le dirigeant politique dépend entièrement de l’information fournie par le lobby Les modèles sont classés par ligne selon la nature de la décision visée par les groupes de pression, de la plus idéologique (l’orientation politique d’un parti ou d’un candidat) à la plus technique (une question ponctuelle sur un problème particulier dans laquelle les préférences idéologiques n’interviennent pas), en passant par deux niveaux intermédiaires : l’orientation globale de la législation et de la réglementation, et la répartition du budget. Les colonnes correspondent au rôle accordé au détail des procédures, aux institutions politiques et aux intérêts personnels du décideur. Quatre niveaux sont considérés : les procédures dans lesquelles le dirigeant politique est absent et seul le pouvoir relatif des groupes de pression joue ; les procédures pour lesquelles le cadre institutionnel importe mais le dirigeant reste passif ; et deux cas dans lesquels le décideur politique est un acteur à part entière, ayant un comportement stratégique, avec des objectifs plus ou moins éloignés de la maximisation du bien-être social pour se concentrer sur ses intérêts privés. Les hypothèses sur l’information dont dispose le dirigeant sont représentées par un surlignage d’autant plus foncé que le dirigeant est sous-informé par rapport au lobby. Le cas où le dirigeant est mieux informé que le lobby est également représenté (noms soulignés). Il ressort nettement de ce tableau que les modèles qui supposent que le dirigeant a un comportement neutre reposent tous également sur l’hypothèse d’information parfaite, à la fois pour le dirigeant et pour le groupe de pression. En revanche, dès qu’il existe une

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asymétrie d’information (et quel que soit son sens), le décideur a un comportement stratégique : c’est le cas quand les électeurs sont sous-informés [Potters, Sloof et van Winden 1997] et quand le lobby est sous-informé [Kroszner et Stratmann 1998], parce que le décideur cherche à tirer parti de son avantage informationnel ; c’est également vrai lorsque le décideur est sous-informé, parce qu’il cherche alors à obtenir une meilleure information [Rasmusen 1993, Lagerlöf 1997, Lohmann 1995, Potters et van Winden 1992]. On remarque également que les modèles où le décideur est sous-informé s’appliquent à des configurations dans lesquelles il a un comportement stratégique et portent surtout sur des questions techniques ; réciproquement, les questions techniques sont uniquement traitées par ce type de modèles. Ce sont justement ces modèles, correspondant à une famille de modèles de théorie des jeux, qui apparaissent particulièrement intéressants dans le cadre des négociations sur les politiques régionales communautaires. En effet, les modèles de lobbying informationnel [Lagerlöf 1997; Potters 1992; Potters et van Winden 1992; Rasmusen 1993; Lohmann 1995; Sloof 1997] supposent que certains acteurs peuvent utiliser leurs connaissances privées pour transmettre de l’information de façon stratégique (faire du « lobbying informationnel ») à des dirigeants politiques sous-informés afin d’influencer leurs décisions. Certaines hypothèses varient selon les modèles – par exemple le lobbyiste peut avoir ou non la possibilité de mentir et le décideur politique a ou non la capacité d’acquérir sa propre information – mais leur apport commun est de souligner l’importance de l’information comme source de pouvoir dans les jeux de décisions politiques. Ce cadre d’analyse se prête bien à l’étude du lobbying informationnel mené par les régions (ou par les Etats représentant les intérêts de régions) auprès de la Commission. Approche développée dans ce chapitre Pour les politiques régionales comme dans d’autres domaines, la Commission a besoin de l’information privée détenue par certains groupes de pression pour prendre ses décisions et elle fait donc appel au lobbying informationnel. La particularité des politiques régionales est que le lobbying y est exercé par des représentants politiques régionaux ou nationaux qui sont par ailleurs impliqués de façon formelle dans d’autres étapes du processus décisionnel. On observe donc une configuration atypique où des acteurs politiques généralement plus habitués à être la cible de lobbies se trouvent eux-mêmes en position de faire du lobbying [Vos 2004 et Grosse Huettmann 2004]. L’autre conséquence est que deux enjeux se superposent : d’une part, un jeu de transmission stratégique d’information et d’autre part, un conflit de pouvoir entre des acteurs supranationaux, nationaux et infranationaux. L’originalité de l’approche présentée dans ce chapitre est de combiner deux champs très différents de la littérature pour tenter de rendre compte des spécificités des politiques régionales et d’un processus décisionnel pris entre des conflits de pouvoir et des problèmes d’information : d’un côté, la littérature conceptuellement riche et empirique de science politique et de l’autre, une littérature très formalisée et quasi exclusivement théorique issue de la théorie des jeux. Nous considérons ainsi un cadre initialement

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intergouvernemental mais qui par certains aspects s’oriente vers une gouvernance multi-niveaux, et dans lequel certaines régions, directement ou à travers les représentants nationaux, exercent un lobbying informationnel auprès de la Commission. Nous nous appuyons par ailleurs sur une série d’entretiens menés à Bruxelles et à Lille en février 2001 auprès d’acteurs des négociations européennes : • trois fonctionnaires de la Commission européenne (Direction générale [DG]

Affaires économiques et financières et DG Politique régionale et cohésion), • Alain Lipietz, économiste et député européen, • un lobbyiste de l’antenne permanente d’une grande entreprise à Bruxelles, • et deux représentants du Conseil régional Nord-Pas de Calais dans les négociations

avec l’Etat et la Commission. Quelles stratégies les différents intervenants développent-ils pour mettre en avant leurs intérêts et faire évoluer le processus décisionnel en leur faveur ? Le transfert de certaines compétences des Etats membres vers la Commission a-t-il accru le pouvoir de contrôle de la Commission sur les gouvernements ? Comment les gouvernements nationaux réagissent-ils pour réaffirmer leur autorité et préserver leur pouvoir ? Dans quelle mesure les acteurs acquièrent-ils peu à peu une plus grande habileté dans les négociations grâce à un effet d’apprentissage ? La structure de ce chapitre est la suivante. La section 1.2 retrace les grandes lignes du changement institutionnel et de l’évolution des stratégies aux niveaux infranational, national et supranational, selon la perspective des conflits de pouvoir et d’information. La section 1.3 étudie plus en détail la mise en œuvre de la politique régionale communautaire dans la région Nord-Pas de Calais (NPdC). La section 1.4 propose une modélisation du processus décisionnel de la politique régionale en trois mouvements. D’abord, la détermination des paiements totaux au titre des Fonds structurels dans le cadre les négociations intergouvernementales sur l’ensemble du budget, qui met en avant un autre rôle des politiques structurelles que l’objectif de réduction des disparités territoriales : leur rôle de paiement parallèle dans les négociations. Ensuite, la définition des règles techniques de gestion et de répartition des Fonds structurels par la Commission, mais sous la pression des gouvernements nationaux et des régions. Enfin, les ajustements marginaux négociés par les régions en fin de processus. La section 2.5 dresse la liste des difficultés rencontrées lors du développement et de l’application de cette modélisation et la section 2.6 conclut.

1.2. Européanisation des politiques régionales et changement institutionnel à la lumière des conflits de pouvoir et d’information

Cette section se concentre sur la façon dont le développement de politiques régionales communautaires a déclenché un changement institutionnel à tous les niveaux politiques de l’Union européenne. L’histoire des conflits d’intérêts permet de dégager des hypothèses sur les objectifs de chaque niveau politique et d’élaborer un cadre d’analyse des relations entre ces différents acteurs.

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D’une part, les régions cherchent à influencer les politiques européennes et à jouer un nouveau rôle dans le cadre européen, tandis que la Commission encourage leur émancipation et se sert d’elles pour renforcer ses propres objectifs politiques. D’autre part, la Commission a défini des principes et des objectifs et a créé des mécanismes de contrôle afin d’empêcher les Etats nationaux d’utiliser les fonds communautaires selon leurs propres intérêts ; mais les Etats nationaux ont réagi à leur tour pour réaffirmer leur pouvoir sur les régions et leur indépendance par rapport à la Commission. Ces incessants conflits de pouvoir et l’interaction des intérêts croisés se combinent de plus avec une utilisation stratégique de l’information : ceux qui possèdent des informations peuvent s’en servir pour faire du lobbying informationnel… tandis que ceux qui manquent d’informations peuvent en obtenir auprès des lobbyistes. Pour tenter de démêler cet imbroglio, considérons successivement les stratégies respectives de la Commission européenne, des régions et des Etats nationaux. 1.2.1. La Commission européenne La Commission cherche à maintenir son pouvoir sur les Etats à travers le contrôle des Fonds structurels, en imposant des règles et des principes aux Etats membres et en établissant des liens directs avec les régions.

1.2.1.1. Définir des principes généraux pour contraindre les Etats membres

Lorsque le FEDER (Fonds européen de développement régional) est créé en 1975, il n’y a pas encore d’objectifs prioritaires : le FEDER est réparti en quotas nationaux fixes, et toutes les régions qui sont éligibles aux politiques régionales nationales sont éligibles aux aides du FEDER. Les fonds sont administrés par les gouvernements nationaux, qui les utilisent en remboursement des dépenses nationales et non en supplément. Ce fonctionnement provoque des conflits entre la Commission et les Etats membres, parce qu’il consiste en un simple mécanisme de transferts entre Etats au lieu de fournir un véritable instrument de politique régionale européenne. En réaction à cela, la Commission cherche à augmenter sa propre influence sur la mise en œuvre de la politique. C’est une des raisons de la réforme de 1988 : la définition d’objectifs prioritaires et de critères d’éligibilité a pour but de délimiter le domaine des dépenses communautaires. Non seulement les fonds sont doublés et rassemblés, mais surtout on établit des critères à l’échelle communautaire pour fixer des objectifs et définir des zones d’éligibilité. La Commission définit également quatre principes pour contrôler les Fonds structurels. Comme l’explique Kohler-Koch [2002], deux de ces principes visent à restreindre l’utilisation des financements : • le principe de concentration, qui implique de concentrer les ressources sur les

objectifs prioritaires, • et le principe d’additionnalité, qui contraint les financements communautaires à

compléter, plutôt qu’à remplacer, les financements nationaux.

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Les deux derniers principes visent la définition des politiques au niveau national : • le principe de programmation pluriannuelle, c’est-à-dire l’obligation de développer

une stratégie cohérente en établissant des priorités politiques sur une longue période, recouvrant plus d’une région et incorporant une approche multi-tâches,

• et enfin le principe de partenariat, qui impose une coopération plus étroite entre la Commission et les « autorités adéquates » aux niveaux national, régional et local, ainsi que « différents partenaires économiques et sociaux » – d’abord les chambres de commerce, les représentants de l’industrie et de l’agriculture, les syndicats, les organisations patronales, et par la suite des groupes d’intérêts comme des écologistes et des associations défendant l’égalité des sexes.

La réforme des Fonds structurels de 1999 introduit plus de flexibilité dans la façon dont les régions peuvent gérer les fonds, par exemple la possibilité des transférer des aides à l’intérieur d’un même programme sans avoir à demander l’accord de la Commission. En échange, la supervision des programmes – l’évaluation in itinere et l’évaluation ex post – est renforcée. Les paiements sont versés sur une base annuelle, en fonction des comptes qui sont remis à la Commission, conformément au principe de certification financière.

1.2.1.2. Encourager la collaboration avec les régions La Commission a encouragé la création de lobbies régionaux et l’établissement de représentations permanentes à Bruxelles principalement pour deux raisons. Premièrement, les délégations régionales détiennent des informations dont la Commission a besoin. La Commission est une petite organisation comparée à la très large étendue de ses responsabilités : ainsi, seulement 400 personnes au total sont en charge de toutes les politiques régionales européennes, et parmi elles, on compte environ 150 fonctionnaires de catégorie A ; de la même façon, tous les champs d’activité politique de la Commission souffrent d’une faiblesse des effectifs. Par conséquent, la Commission manque d’information et elle dépend de sources externes pour en obtenir. Afin de diversifier ses sources au-delà des seuls représentants des gouvernements nationaux, la Commission encourage l’émergence de lobbies dans tous les domaines – lobbies industriels, associations de consommateurs, syndicats, mais aussi autorités régionales et locales qui lui fournissent des points de vue régionaux sur toutes les questions qui les concernent. Deuxièmement, Keating et Hooghe [1996] soulignent que les délégations régionales jouent un rôle symbolique en projetant les régions et les élus régionaux dans la sphère européenne et en les présentant comme prenant part au processus politique. Cela permet de soutenir les politiques territoriales de la Commission et assure une légitimité à ses décisions. La Commission dispose d’un autre moyen de collaborer avec les régions : en lançant des programmes d’initiative communautaire (PIC) telles que Leader, Urban, Interreg et Equal. Certes, elles ne représentent que 5% du budget des Fonds structurels [cf. annexe 1.1, tableau 1.9] et le gain financier pour les régions est bien plus faible que sous l’objectif 1 ou l’objectif 2 [voir le cas du NPdC : annexe 1.1, tableaux 1.11 et 1.12], mais elles constituent potentiellement un instrument important pour établir des liens

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entre la Commission et les régions. Elles reposent sur une action directe de la Commission et lui permettent de mener ses propres programmes avec une implication moindre des Etats membres, dont le rôle et le degré de contrôle sont beaucoup plus limités (toutefois l’Etat intervient nécessairement lors de la mise en œuvre financière). Enfin, la Commission aide les régions à augmenter leur indépendance par rapport aux Etats nationaux dans les pays où elles ne disposent pas déjà d’une certaine autonomie ; elle leur permet de gérer des programmes en leur fournissant une assistance technique et en leur délégant des compétences légales. Par exemple, dans le cas de la France, cela a pour effet de réduire le large pouvoir de la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale). 1.2.2. Les régions Traditionnellement, les régions ont besoin de faire du lobbying auprès de l’Etat central pour qu’il défende leurs intérêts à Bruxelles puisque, conformément à l’approche intergouvernementaliste, le principal canal d’accès pour influencer les politiques de l’Union européenne passe par les gouvernements nationaux. L’expérience du NPdC confirme l’importance de la recherche de soutien auprès de l’Etat central dans ses négociations avec la Commission et avec les autres gouvernements [voir section 1.3]. Mais les régions cherchent également à jouer un nouveau rôle dans le cadre de l’Union européenne, en s’émancipant de l’Etat central, voire en contournant le niveau national pour avoir directement accès aux fonctionnaires de la Commission, notamment en établissant des représentations permanentes à Bruxelles. En effet, les régions ne possèdent pas de pouvoir de décision officiel les mettant sur un pied d’égalité avec les gouvernements nationaux, et elles ne disposent donc que de moyens indirects pour influencer les décisions communautaires : la gestion de l’information et la pression politique.

1.2.2.1. Transmission stratégique d’information Marks, Nielsen, Ray et Salk [1996] soulignent qu’à partir de 1985, de plus en plus de représentations régionales se sont implantées à Bruxelles, permettant aux régions d’échanger des informations entre elles et avec la Commission. Les délégations régionales permanentes jouent en effet un rôle informationnel crucial. La première raison en est qu’ouvrir un bureau à Bruxelles permet aux régions de fournir leur propre point de vue aux fonctionnaires de la Commission. En d’autres termes, les régions ont établi des stratégies de transmission d’information, au sens de l’approche en termes de lobbying informationnel développée entre autres par Potters [1992], Rasmusen [1993], Lohmann [1995] et Sloof [1997]. Dans ces modèles, le lobbying effectué par des groupes de pression a pour but de modifier les croyances du décideur politique afin de manipuler ses choix : ils utilisent de façon stratégique leur information privée sur un paramètre pour influencer les politiques mises en œuvre, même s’ils ne disposent pas directement d’un pouvoir de décision officiel. Dans le modèle présenté par Potters et van Winden [1992], un décideur politique fait face à un lobby sans avoir la possibilité de vérifier la sincérité de son message. Comme

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le décideur est conscient que le lobby cherche à le manipuler, il prend en compte son message mais il ne le croit pas nécessairement : à tort ou à raison, il y a une probabilité positive qu’il rejette la demande du lobby. Cependant, sous certaines conditions, un lobbying mensonger peut se révéler efficace et un lobby peut réussir à obtenir que le décideur mette en œuvre une politique qui lui soit favorable sans que cela soit justifié. D’autre part, il y a des chances que des institutions comme la Commission soient capables de distinguer le vrai du faux grâce à leur position centrale. Dans le modèle de Lohmann [1995], de nombreux groupes de pression envoient des messages au décideur, mais chaque message est biaisé et ne contient qu’une partie de la vérité. C’est le cas lorsque des lobbies régionaux font connaître leur propre point de vue à la Commission, et de façon générale lorsque des lobbies défendent des intérêts particuliers. Mais en agrégeant ces informations partielles et biaisées, la Commission parvient à se faire une idée plus claire de la situation globale et à révéler la vérité. Enfin, le décideur politique peut également avoir la possibilité de mener ses propres recherches et d’obtenir une information parfaite, comme dans le modèle de Rasmusen [1993]. Une présentation approfondie et critique de ces modèles, ainsi qu’une application à certains mécanismes des politiques régionales, sont développées dans la section 1.3 et les annexes 1.2 à 1.4.

1.2.2.2. Collecte d’information La seconde motivation pour entretenir une délégation permanente à Bruxelles, en plus de la transmission d’information, est la collecte d’information. En ayant une présence physique auprès des institutions centrales, les administrateurs des délégations régionales peuvent observer la scène européenne et recevoir des informations de la Commission, par exemple afin d’être prévenus de l’apparition de nouveaux programmes ou des prochaines réformes des politiques structurelles. En effet, l’environnement politique européen et les processus politiques dans l’Union européenne sont si imprévisibles qu’il est nécessaire d’obtenir des informations le plus tôt possible, et donc se trouver sur place est un atout indéniable. De plus, cela favorise les contacts avec d’autres représentations permanentes et permet de constituer des réseaux avec différentes sortes d’organisations, en particulier avec d’autres régions. Les PIC sont menés directement par la Commission, mais cela ne signifie pas nécessairement que l’impulsion initiale pour lancer une initiative vienne toujours de la Commission. Or, il est peu probable qu’elle vienne de l’Etat, puisqu’il a peu à y gagner. Comme le remarque un représentant du Conseil régional NPdC [cf. la retranscription de l’entretien dans l’annexe 1.5.6],

« Il s’agit moins d’une hostilité que d’un désintérêt parce qu’ils ne sont pas concernés (…)Mais bien sûr, l’Etat ne nous pousse pas dans les bras des Initiatives communautaires. C’est toujours nous qui proposons les PIC et qui lançons les appels d’offre, ce n’est pas l’Etat qui nous prévient de l’existence d’une Initiative communautaire qui pourrait nous intéresser. Nous nous occupons de trouver les Initiatives communautaires, de monter les dossiers et de les gérer. »

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Par conséquent, pour bénéficier de PIC, les régions ont besoin de faire des efforts indépendamment de leur gouvernement national afin de collecter des informations, de définir des projets et d’entretenir des réseaux avec d’autres régions pour par exemple lancer des programmes de coopération interrégionale. 1.2.3. Les Etats nationaux Le pouvoir des Etats nationaux est remis en cause à la fois par l’émancipation des régions et par la volonté de la part de la Commission de contrôler les dépenses communautaires pour qu’elles soient utilisées selon ses propres objectifs. En réaction, les gouvernements nationaux cherchent à réaffirmer leur autorité et leur contrôle sur les régions – toutefois à des degrés divers selon les pays – et leur indépendance par rapport à la Commission.

1.2.3.1. Réaffirmer son pouvoir sur les régions ? La diversité des configurations

Le Galès [2003] souligne que d’une manière générale, l’Etat a perdu son rôle de monopole sur les politiques publiques, puisque les autorités locales et régionales sont de plus en plus impliquées dans leur formation.

« In [the second half of the nineteenth century], regions and cities, whatever the room for manoeuvre in their particular contexts, found themselves operating within the centre-periphery paradigm, within hierarchies and national policies, in a political space dominated by the nation-state. This is no longer the case. Closely interconnected processes of reshaping the state, and Europeanization, are rendering this view obsolete. Cities and regions, even with Brussels’ support, are not about to replace the state. However, the central state’s grip has loosened, and Europe is witnessing increasingly unstable inter-governmental relations, with the cooperation/competition model giving way to the creation of networks. »

P. Le Galès, in Governing Europe, pp. 393-394 Il ajoute cependant que cela peut s’accompagner d’une redéfinition des pouvoirs qui n’implique pas nécessairement un affaiblissement de l’Etat – même s’il reconnaît que les processus autoentretenus de recherche d’autonomie régionale comme la fédéralisation en Belgique, la dévolution au Royaume-Uni et l’accroissement de l’autonomie de la Catalogne sont difficiles à arrêter. Le contrôle de l’Etat sur les régions est plus ou moins ferme selon les pays. Le pouvoir des différentes régions s’inscrit dans une grande variété de cadres institutionnels et par conséquent, la réaffirmation de l’autorité nationale sur les dirigeants régionaux prend des formes très diverses d’un pays à l’autre. Ainsi, les représentants des Länder allemands et les Ministres-Présidents des régions belges sont bien plus indépendants que leurs homologues des conseils régionaux français. Comme le but de cette section est de distinguer les grandes lignes du changement institutionnel en général, nous n’entrerons pas davantage dans les détails des idiosyncrasies nationales. Cependant, la section 1.3 aborde le cas particulier de la France – relevant notamment le décalage entre le discours pro-décentralisation des élus nationaux et le blocage exercé par la bureaucratie centrale.

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1.2.3.2. Tensions entre les gouvernements nationaux et la Commission européenne

Le débat sur le principe d’additionnalité et la définition d’objectifs prioritaires et de critères d’éligibilité est tout à fait révélateur du conflit de longue date entre les gouvernements nationaux et la Commission à propos de l’utilisation des dépenses communautaires. A l’origine, les Etats membres considéraient que les dépenses communautaires devaient compenser les dépenses nationales et non s’y ajouter – d’où la motivation des Etats à mettre en avant la dimension régionale des politiques communautaires. Nous avons montré comment la Commission avait cherché à empêcher ce comportement en mettant en place des objectifs prioritaires et des critères d’éligibilité. Mais cette décision a déclenché à son tour une réaction des Etats membres pour se réapproprier une partie des critères d’éligibilité. Selon Hooghe et Keating [1994], le principe de subsidiarité a permis aux gouvernements de réaffirmer leur influence sur le choix des zones éligibles, et cette influence s’est encore manifestée lors de la période de programmation suivante. Une des réformes introduites par l’Agenda 2000 fut en effet de réorganiser les sept anciens objectifs prioritaires en trois nouveaux objectifs prioritaires (voir encadré 1.1). Deux d’entre eux laissent peu de place aux interventions régionales ou nationales : • l’objectif 3 (un objectif horizontal relatif au développement des ressources

humaines : éducation, formation professionnelle, lutte contre l’exclusion sociale…) est défini au niveau national et ne peut donc pas faire l’objet de concurrence entre différentes régions ;

• l’objectif 1 est, par construction, très peu exposé au lobbying. Le principal critère est relatif au PIB par habitant – plus précisément : le PIB par habitant doit être inférieur à 75% de la moyenne communautaire – et d’autres critères (le taux de chômage et des agrégats sectoriels comme les infrastructures et l’éducation) sont également pris en compte, mais dans une moindre mesure. Ce sont des critères macroéconomiques, bien définis et difficilement manipulables. Comme il n’existe ni asymétrie d’information (la Commission disposant de ses propres modèles et de ses propres observations macroéconomiques) ni possibilité de manipuler les données (puisque la Commission possède des statistiques standardisées qui facilitent les comparaisons), le lobbying a peu d’impact pour des critères donnés : la Commission veille à une stricte application de la règle des 75%.

En revanche, le succès principal des gouvernements nationaux réside dans les négociations sur la réforme des objectifs prioritaires : ils ont réussi à obtenir que le nouvel objectif 2 (relatif aux régions en reconversion : zones en déclin industriel, zones rurales, certaines zones urbaines, pêche) ait des critères semi-nationaux. 50% des critères d’éligibilité sont définis par la Commission et se concentrent sur les zones rurales et sur les zones en déclin industriel ; les 50% restants sont des critères nationaux. La Commission définit un cadre qualitatif, mais à l’intérieur de ce cadre, les critères sont laissés à la discrétion des gouvernements nationaux. Ainsi, les Etats membres ont une marge de manœuvre bien plus large pour cet objectif. De plus, ils sont mieux informés que la Commission, puisque cet objectif s’applique au niveau microéconomique (par exemple pour les projets dans des zones urbaines) alors que la

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Commission ne dispose principalement que de données macroéconomiques. Cela entraîne une certaine hostilité de la part de la Commission, qui qualifie les critères nationaux de « critères flous » et cet objectif de « fourre-tout » que les Etats membres utilisent dans le but de recevoir davantage d’aides et de financer des programmes qui auraient dû bénéficier uniquement de financements nationaux [cf. entretien avec Carole Garnier, annexe 1.5.1]. Cela contribue à expliquer que l’objectif 2 ne dispose que de 10,6% des Fonds structurels, alors que 64,1% sont consacrés à l’objectif 1 [voir annexe 1.1, tableau 1.9]. Encadré 1.1. Comparaison entre anciens et nouveaux objectifs prioritaires ; Programmes d’initiatives communautaires

Objectifs prioritaires 1994-1999

Obj. 1 Régions en retard de développement Obj. 2 Régions et zones industrielles en déclin Obj. 3 Marché du travail (chômage, exclusion, égalité hommes-femmes, jeunes) Obj. 4 Adaptation des travailleurs aux mutations industrielles et à l'évolution des

systèmes de production Obj. 5a Adaptation des structures agricoles, modernisation et restructuration de la

pêche Obj. 5b Zones rurales Obj. 6 (à partir de 1995) Zones très peu peuplées Les objectifs 1, 2, 5b et 6 étaient des objectifs régionaux ; les autres objectifs couvraient l’ensemble du territoire.

Objectifs prioritaires 2000-2006

Obj. 1 (ex- 1) Régions en retard de développement Obj. 2 (ex- 2 et 5b) Reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle (déclin

industriel et rural, pêche, zones urbaines) Obj. 3 (ex- 3 et 4) Adaptation et modernisation des systèmes d’éducation, de formation et

d’emploi Les objectifs 1 et 2 sont des objectifs régionaux ; l’objectif 3 couvre l’ensemble du territoire.

Les quatre PIC en 2000-2006 Interreg III Coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale Leader + Développement local en milieu rural Urban II Revitalisation économique et sociale des villes et des banlieues en crise,

développement urbain durable Equal Coopération transnationale pour la promotion de pratiques nouvelles de lutte

contre la discrimination et les inégalités sur le marché du travail

1.2.4. Les politiques structurelles après l’élargissement : les propositions des

gouvernements et de la Commission L’élargissement à l’Est a exacerbé les demandes de réformes des politiques structurelles de la part de la Commission et de certains gouvernements ; ces demandes s’inscrivent dans leurs stratégies respectives plus générales dans le cadre du conflit de pouvoir entre le niveau national et le niveau supranational.

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1.2.4.1. Les enjeux de la réforme • L’ « effet statistique » L’élargissement à dix pays supplémentaires accroît sensiblement l’hétérogénéité entre les pays, puisque la plupart des nouveaux Etats membres sont petits par leur population [annexe 1.1, graphique 1.4] mais surtout ils par leur richesse en termes de part dans le PIB européen et de PIB par habitant [annexe 1.1, graphiques 1.5 et 1.6]. Selon un phénomène connu sous le nom d’« effet statistique », l’élargissement a entraîné du jour au lendemain une baisse mécanique du seuil de 75% du PIB moyen puisque l’entrée des nouveaux Etats membres entraîne une augmentation de 20% de la population de l’UE mais seulement de 4% du PIB en euros courants [Begg 2003]. A l’exception de la Slovénie et de Chypre, les nouveaux adhérents sont tous sous le seuil des 75% du PIB moyen. Andreff [2004] note que du fait de l’effet statistique, 18 régions de l’UE à 15 ne sont plus éligibles, tandis que plus de 60 régions des nouveaux Etats membres le deviennent. • Les problèmes soulevés par la Commission avant l’élargissement et les

nouvelles orientations proposées La Commission a déjà fait part de ses critiques à l’égard des objectifs prioritaires actuels, indépendamment de la question de l’élargissement. Premièrement, les critères d’éligibilité pour l’objectif 1 sont tels qu’ils mettent sur un pied d’égalité de vieilles régions industrielles en déclin, comme le NPdC et une partie du Royaume-Uni, et des régions en retard de développement, comme l’Andalousie en Espagne, la Calabre en Italie et les îles grecques. Pourtant, leurs problèmes sont très différents : les premiers ont un problème de restructuration industrielle alors que les derniers ont un problème de sous-développement structurel [entretien avec Andrea Mairate, annexe 1.5.2]. Deuxièmement, la Commission est réticente et méfiante envers l’objectif 2, parce qu’elle manque de données microéconomiques et qu’elle soupçonne les Etats membres d’utiliser cet objectif pour financer des projets qui devraient relever uniquement du niveau national [entretiens avec Carole Garnier et Andrea Mairate, annexes 1.5.1 et 1.5.2]. Les priorités mises en avant par la Commission dès 2001 proposent de maintenir l’objectif 1, mais en se concentrant le plus possible sur les régions en retard de développement plutôt que sur les régions en déclin, de réorienter l’objectif 2 dans un sens correspondant davantage à la stratégie de Lisbonne (modernisation du modèle social, cohésion allant de pair avec la compétitivité) et de renforcer des programmes à forte valeur ajoutée communautaire, comme l’environnement et la coopération transfrontalière et interrégionale (qui implique une coopération politique et pas seulement économique).

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• Les propositions des Etats contributeurs nets Il y a peu de doutes sur le maintien de l’objectif 1, qui reste le plus important des objectifs prioritaires selon la Commission et que les gouvernements ne remettent pas en cause ; cependant, la forte augmentation du nombre de régions éligibles du fait de l’élargissement entraîne une hausse des aides structurelles – même si ces pays bénéficiaient déjà auparavant de financements au titre de la pré-adhésion – et donc un alourdissement du budget. Le 16 décembre 2003, dans une lettre adressée au Président de la Commission européenne, Romano Prodi, les six plus grands contributeurs au budget communautaire (Allemagne, France, Pays-Bas, Royaume-Uni et Autriche) ont demandé que les dépenses communautaires soient plafonnées à 1% du PIB européen à partir de 2007 au lieu du plafond actuel de 1,24%. Plusieurs arguments sous-tendent cet appel. Tout d’abord, selon une conception du « juste retour », les pays contributeurs nets ne sont pas prêts à financer un budget accru des Fonds structurels, surtout s’ils reçoivent moins d’aides qu’auparavant. L’argument du respect du Pacte de stabilité est également invoqué : augmenter la contribution d’un pays au budget européen rend plus difficile le maintien de son déficit public sous le seuil des 3 points de PIB – cf. la déclaration du ministre des Finances allemand, Hans Eichel, le 9 février 2004 : « Cela ne va pas. On ne peut pas d’un côté demander à l’Allemagne d’épargner et de réduire ses dépenses, et d’un autre côté exiger que nous versions plus d’argent à Bruxelles. Cela ne marche pas comme ça. » [Süddeutsche Zeitung, 10 février 2004]. Enfin, cette lettre ouverte s’explique en grande partie par le contexte de négociations croisées : plafonner le budget constitue une forte menace contre l’Espagne et la Pologne après leur blocage des négociations sur le Traité constitutionnel lors de la conférence intergouvernementale des 12 et 13 décembre 2003. Cette dernière motivation souligne l’importance du budget dans les négociations croisées. Le débat sur le coût de l’élargissement en termes d’aides structurelles est cependant exagéré par rapport à l’accroissement attendu pour le budget. En effet, la hausse des dépenses structurelles est plafonnée : il est prévu que le soutien maximal accordé à une région ne dépasse pas 4% de son PIB. Comme le PIB total des nouveaux pays membres représente environ 4% de l’ensemble du PIB européen, la hausse des dépenses ne pourra donc pas excéder 0,16% du PIB européen [Barry et Begg 2003]. D’autres propositions allant dans le sens d’un « juste retour » ont été formulées. Puisque les Etats qui constituaient l’UE à quinze reçoivent de moins en moins de financements au titre de l’objectif 1, il a été suggéré de modifier l’objectif 2 en compensation. Deux versions ont été proposées : la renationalisation ou la redéfinition. L’idée de renationalisation provient du gouvernement britannique [2003], qui propose de supprimer l’objectif 2 et de réduire la contribution de chaque Etat au budget européen d’un montant équivalent aux aides qu’il recevait au titre de cet objectif. La redéfinition de l’objectif 2 consiste en revanche à délimiter de nouvelles conditions d’éligibilité de sorte que chaque pays continue à recevoir des aides. Les propositions de réforme de l’objectif 2 ne sont certes pas motivées par les mêmes intérêts selon qu’elles émanent des Etats membres (qui souhaitent se réapproprier une

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partie des sommes en jeu pour les dépenser selon leurs propres objectifs) ou de la Commission (qui désire modifier un objectif prioritaire qu’elle contrôle mal), mais les arguments et les suggestions développés de part et d’autre ne sont finalement pas très différents. Le rapport Sapir [Commission européenne 2003], par exemple, va dans le même sens que le gouvernement britannique en soulignant que les aides structurelles au titre de l’objectif 2 ont en fait au moins autant un rôle de paiement compensatoire qu’un véritable impact sur la réduction de la cohésion.

« (…) The current budget is more the expression of different deals and attempts by governments to claw back in receipts as much of their contribution as possible (juste retour again!) than a coherent set of measures aimed at pursuing EU objectives. » (p. 162)

Le rapport Sapir conclut également à la nécessité de renationaliser certains aspects des politiques régionales et propose en échange que les politiques structurelles européennes se concentrent plutôt sur l’investissement en capital humain (R&D, éducation, formation professionnelle) et physique (infrastructures) et sur la consolidation des institutions.

1.2.4.2. La proposition de juillet 2004 Ces stratégies se retrouvent dans la proposition de la Commission européenne du 14 juillet 2004 [2004a et 2004b] sur la réforme de la politique de cohésion à partir de 2007. La Commission indique que les trois objectifs prioritaires actuels seront remplacés par trois nouveaux objectifs [tableau 1.3] : • un objectif « convergence » reprenant l’objectif 1 actuel (y compris pour les régions

subissant l’effet statistique dû à l’élargissement) et le Fonds de Cohésion, • un objectif « Compétitivité régionale et emploi » visant à renforcer la compétitivité

et l’attractivité des régions et fondé sur la stratégie européenne pour l’emploi, • un objectif « Coopération territoriale européenne » relatif à la coopération

transfrontalière et transnationale. Par ailleurs, les principes de base (programmation pluriannuelle, partenariat, cofinancement et évaluation) sont maintenus, mais avec certaines réformes introduisant davantage de décentralisation. En particulier :

• (…) les règles d’éligibilité des dépenses seront en grande partie nationales et non plus communautaires (…) • En matière de contrôles, une confiance accrue sera accordée aux systèmes nationaux de contrôle financier et de certification des dépenses lorsque les États membres sont les principaux contributeurs financiers et que la Commission a obtenu l’assurance de la fiabilité de ces systèmes sur la base notamment de l’avis d’un organisme d’audit indépendant. Ce nouveau principe de «proportionnalité» permettra à la Commission de limiter ses propres contrôles et audits. • (…) La concentration sera améliorée par l’équilibrage de ses aspects géographique, thématique et financier. C’est ce qui conduit notamment à proposer, à la différence de l’actuel objectif n° 2, l’abandon du «microzonage» préalable pour les programmes de l’objectif «Compétitivité régionale et emploi». En effet, s’il importe de concentrer des ressources dans les poches ou zones les plus désavantagées, il faut aussi reconnaître – en évitant la dilution des actions – que la solution aux problèmes est liée à la mise en oeuvre d’une stratégie cohérente à l’échelle d’une région entière.

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• (…) pour une meilleure coordination des investissements lourds du FEDER et du Fonds de cohésion, ce dernier ne financera plus de projets séparés mais des priorités – incluant les «grands projets» (…).

Commission européenne [2004b], pp.6-7 Tableau 1.3. Les propositions de la Commission pour la politique de cohésion en 2007-2013 Total : 336,1 milliards d’euros

Programmes et instruments

Éligibilité Priorités Allocations

OBJECTIF «CONVERGENCE» Y compris le programme spécial pour les régions ultrapériphériques

78,5 % (264 milliards d’euros)

Programmes régionaux et nationaux

Régions avec un PIB/hab. < 75 % de la moyenne EU-25

67,34 % = 177,8 milliards d’euros

FEDER FSE [Fonds social européen]

Effet statistique: Régions avec un PIB/hab. < 75 % à EU-15 et > 75 % à EU-25

• Innovation • Environnement/ prévention des risques • Accessibilité • Infrastructures • Ressources humaines • Capacité administrative

8,38 % = 22,14 milliards d’euros

Fonds de Cohésion

États membres avec un PIB/hab. < 90 % de la moyenne EU-25

• Transports (RTE) • Transport durable • Environnement • Énergies renouvelables

23,86 % = 62,99 milliards d’euros

OBJECTIF «COMPETITIVITE REGIONALE ET EMPLOI » 17,2 % (57,9 milliards d’euros)

Les États membres proposent une liste de régions (NUTS I ou NUTS II)

83,44 % = 48,31 milliards d’euros

Programmes régionaux (FEDER) et programmes nationaux (FSE)

«Phasing-in» Régions couvertes par l’objectif n° 1 entre 2000 et 2006 et non couvertes par l‘objectif «Convergence»

• Innovation • Environnement/ prévention des risques • Accessibilité • Stratégie européenne pour l’emploi

16,56 % = 9,58 milliards d’euros

OBJECTIF « COOPERATION TERRITORIALE EUROPEENNE » 3,94 % (13,2 milliards d’euros)

Programmes et réseaux transfrontaliers et transnationaux (FEDER)

Régions frontalières et grandes régions de coopération transnationale

• Innovation • Environnement/ prévention des risques • Accessibilité • Culture, éducation

35,61 % transfrontalier 12,12 % IEVP 47,73 % transnational 4,54 % réseaux

Source : Commission européenne [2004b] Ces éléments de réforme portent la marque de la stratégie de la Commission : l’objectif 1 devenu objectif « convergence » reste largement prépondérant avec 78,5% du budget de la politique de cohésion tandis que l’objectif 2 (en grande partie microéconomique)

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et l’objectif 3 (national) sont fondus dans l’objectif « compétitivité régionale et emploi ». La Commission propose deux changements qui devraient réduire son problème de sous-information sur les programmes microéconomiques : elle accorde aux Etats membres le droit de définir une partie des règles d’éligibilité et aux pays contributeurs net de contrôler l’utilisation des financements, mais en contrepartie du passage du microzonage à une échelle plus large : niveaux NUTS I [niveau I de la Nomenclature des unités territoriales statistiques, correspondant à de grandes régions comme les Zones économiques d’aménagement du territoire – ZEAT – françaises] et NUTS II [régions de la taille d’une région française]. Enfin, la Commission continue à soutenir les programmes de coopération transfrontalière et transnationale (qui n’atteignent cependant pas 4% du budget de la politique de cohésion) et elle indique dans chacun des trois nouveaux objectifs des priorités pour des thèmes transversaux à forte valeur ajoutée communautaire, comme l’environnement. Les objectifs des pays contributeurs nets sont également apparents dans cette réforme : d’une part, l’effet statistique est partiellement corrigé puisque l’aide est maintenue pour les régions dont le PIB par habitant est compris entre 75% et 90% de la moyenne communautaire (à hauteur de 8,4% des aides structurelles) et d’autre part, les gouvernements accroissent leur influence sur la définition des zones éligibles et certains récupèrent le pouvoir de contrôle des dépenses – uniquement dans le cas des contributeurs principaux dont les systèmes de contrôle ont été jugés fiables, ce qui réduit ce transfert de compétences aux contributeurs nets ayant fait pression sur la Commission. Après cette présentation des grandes lignes du changement institutionnel à l’échelle européenne, la section suivante détaille plus précisément les enjeux de la mise en œuvre des politiques régionales communautaires dans le NPdC.

1.3. Etude de cas : la politique régionale européenne dans le Nord-Pas de Calais

Le passage de l’échelle européenne à une perspective régionale révèle une large variété de particularités nationales et régionales : structure des institutions politiques, répartition des pouvoirs, modes de représentation des intérêts et d’autres comportements locaux définissent des sentiers de dépendance plus ou moins éloignés des grandes tendances européennes. C’est pourquoi il est intéressant de se concentrer à titre d’exemple sur l’étude d’une région, qui révèle et illustre à travers sa propre histoire certains éléments du jeu de la politique régionale ; mais cette étude de cas ne saurait avoir valeur de généralité et demeure avant tout une illustration particulière.

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1.3.1. Le NPdC : présentation générale Encadré 1.2. Le NPdC en quelques chiffres (Source : INSEE) Superficie : 12 414 km² Population [estimation 2003] 4,013 millions hab. [4ème région française] dont métropole lilloise 1, 150 millions PIB par habitant [2002] 19 835 € [19ème région française] Taux de chômage [2ème trim. 2004] 12,9 % [2ème région française] [France métropolitaine : 9,9 %] Répartition de la population active par secteur d’activité [1998] : NPdC France Agriculture, sylviculture, pêche 2,8 % 4,4 % Industrie 21,3 % 18,5 % Bâtiment, travaux publics 5,6 % 6,1 % Tertiaire 70,2 % 71,0 % Répartition de la population par tranche d’âge [recensement de 1999] : NPdC France métropolitaine 0 - 20 ans 28,0 % 24,6 % 20 - 59 ans 53,3 % 54,1 % 60 ans et plus 18,7 % 21,3 %

Deux caractéristiques du NPdC jouent un rôle important dans l’application de la politique régionale : • C’est une vieille région industrielle en déclin, avec un taux de chômage élevé et un

PIB par habitant relativement faible par rapport aux autres régions françaises [encadré 1.2].

• C’est une région frontalière, ayant une frontière terrestre avec la Belgique et une frontière maritime avec le Royaume-Uni (quoique le caractère maritime de cette frontière soit, comme nous le verrons au paragraphe 1.3.2.1, remis en cause par l’existence du Tunnel sous la Manche). Du point de vue du territoire français, c’est une zone périphérique, mais à l’échelle européenne c’est une zone de transit importante, avec le Tunnel sous la Manche, le TGV et l’Eurostar vers Londres et Bruxelles, et un réseau routier et autoroutier dense.

Le NPdC est la région française qui reçoit le plus de subventions européennes [voir annexe 1.1, tableaux 1.10 et 1.12 : en 2000-2006, la France reçoit 14,4 milliards d’euros au titre des objectifs prioritaires, dont environ 1 milliard pour le seul NPdC]. Ces aides sont relativement élevées par rapport au budget de la région et elles s’élèvent à 28,7% des fonds publics reçus par la région en 2000-2006 [voir annexe 1.1, tableaux 1.13 et 1.14]. En 1994-1999, la région était éligible à l’objectif 1 (zones en retard de développement) et à l’objectif 2 (zones en déclin industriel), ainsi qu’à plusieurs Initiatives communautaires. Elle bénéficie actuellement d’un soutien transitoire au titre de l’objectif 1 et est toujours éligible au nouvel objectif 2. Elle participe également à des PIC : Interreg IIIA (programmes de coopération transfrontalière avec des régions belges et anglaise), Interreg IIIB (programme de coopération transnationale Europe du Nord-

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Ouest), Interreg IIIC (programme de coopération interrégionale Ouest), Leader + et Equal. 1.3.2. La mise en oeuvre des politiques régionales communautaires dans le

NPdC

1.3.2.1. Rôle du lobbying régional pour influencer les politiques communautaires

Les représentants du Conseil régional ont une expérience de presque trente ans du lobbying national et européen et ils ont l’habitude d’établir des plans techniques pour les programmes européens. Cette bonne connaissance de l’influence dans les réseaux politiques et ce savoir-faire technique ont permis au NPdC de bénéficier de financements à la fois au titre des objectifs prioritaires et des PIC. Bien sûr, la situation de déclin économique de la région justifiait de toute façon une aide financière, mais cette nécessité a été appuyée par une pression politique. Comme le souligne un représentant du Conseil régional [annexe 1.5.6] :

« Depuis les origines de la politique régionale communautaire, la Commission européenne a toujours été très sensible au NPdC, puisque dès 1984-85, la région a créé un lobby européen avec d’autres régions (Wallonie, région de Leeds, Ruhr…), l’association des Régions de Tradition Industrielle (RETI)2 qui regroupait de vieilles régions industrielles. En tant que région en reconversion industrielle et en tant que région agricole assez puissante, le NPdC a toujours été à l’écoute de toute innovation de la Commission européenne en matière de politique régionale. A l’époque, la région intervenait également au niveau national pour dire : « Attention : dans la négociation des politiques régionales européennes, faites entendre les voix de nos régions » (les régions particulièrement concernées étaient le NPdC et la Lorraine). Dans les années 1983 à 1986, la région NPdC et les régions associées étaient donc une force de proposition importante auprès du gouvernement français et de la Commission pour leur dire de bien prendre en compte les problèmes de nos régions lors de la mise en place des politiques européennes. Le lobbying du RETI et le lobbying national et européen avaient pour but que la Commission ne mette pas en œuvre des politiques régionales qui ne soient pas favorables à ces régions industrielles en reconversion. Il s’agissait d’un travail sur les objectifs : il fallait surveiller de près les premiers fonds régionaux européens pour voir si nos problèmes de friches industrielles, de formation professionnelle, de sites urbains, de politiques de modernisation industrielle, étaient bien pris en compte dans les fonds européens. »

Ce témoignage confirme la nécessité pour les régions et les gouvernements nationaux de faire pression sur la Commission dès les premières étapes du processus de décision. Influencer le choix même des objectifs politiques est la manière la plus sûre de s’assurer des financements. Parallèlement à ce lobbying sur la définition des objectifs prioritaires, le NPdC a travaillé à l’émergence d’une coopération transfrontalière comme réponse politique au Tunnel sous la Manche et au Marché unique, en lançant deux projets de coopération : la Région Transmanche, qui regroupe le comté anglais du Kent et le NPdC, et l’Eurorégion, qui comprend le Kent, le NPdC et les régions belges : Flandre, Wallonie et Bruxelles-Capitale.

2 Pour une étude plus détaillée du RETI, voir Mc Aleavey [1994].

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La coopération entre le Kent et le NPdC résultait initialement d’actions des dirigeants locaux et régionaux, et ce n’est que plus tard que les gouvernements centraux français et britannique ont pris part à cette initiative. Le Conseil régional NPdC et le Kent County Council ont commencé à développer des initiatives liées au Tunnel sous la Manche juste avant la signature de l’accord sur sa construction en 1986. En 1987, la coopération transfrontalière apparut officiellement avec le Joint Accord, qui établissait la possibilité de coopération dans divers domaines politiques comme les liens économiques et commerciaux, l’éducation, les transports et le tourisme. L’objectif central était de maximiser les bénéfices économiques résultant du Tunnel (en termes d’emploi, d’environnement et d’infrastructures) et du Marché unique, mais aussi de réduire les obstacles liés aux frontières nationales. C’était le premier accord de ce genre entre une région française et une région britannique. En septembre 1990, le Joint Accord fut formalisé en Programme de Développement Transfrontalier (PDT), qui comprenait une série d’initiatives potentielles. Le PDT fut proposé à la Commission pour recevoir des financements au titre de l’Initiative Interreg I, mais comme le soulignent Church et Reid [1995], il fallut mener un intense lobbying avant que la Commission ne l’approuve en 1992. En effet, l’Initiative Interreg I était développée à l’origine uniquement pour des frontières terrestres ; il fallut donc convaincre la Commission que l’existence du Tunnel sous la Manche avait transformé la frontière maritime entre la France et le Royaume-Uni en une frontière terrestre. En 1992-1993, 60% du budget de 54 millions d’Ecus du PDT provenait des gouvernements nationaux, régionaux et locaux français et britanniques, et le reste d’Interreg. Le concept de Région Transmanche fut étendu aux ports belges voisins et en juin 1991, l’Eurorégion fut créée afin de promouvoir la coopération dans plusieurs domaines et de mettre en œuvre une stratégie d’aménagement du territoire et de développement de manière à empêcher que cette zone ne devienne uniquement une zone de passage. L’Eurorégion se fondait sur des méthodes débutées en 1986-1987, avec de petits groupes de travail et des accords bilatéraux. Un autre représentant du Conseil régional NPdC insiste sur la façon dont cette coopération transfrontalière spontanée fut par la suite institutionnalisée sous la forme d’un nouveau programme communautaire [annexe 1.5.6] :

« La Commission s’est intéressée à cette expérience de coopération interrégionale (« a very exciting experience! »). On avait lancé un programme expérimental qui était la préfiguration des programmes Interreg. Personne n’avait fait cela auparavant – il y avait eu des tentatives de coopération dans l’Est de la France (Meuse, Sarre) mais nous avons été les premiers à passer un accord de coopération assis sur un projet, et à demander des financements à Bruxelles pour cela. (…) L’Eurorégion est donc un des ancêtres des programmes Interreg, avec d’autres tentatives de coopération sur toutes les frontières intra-européennes. Les programmes Interreg ont été construits sur les bases de ces expériences. »

Au-delà du discours et du lobbying, il apparaît ainsi que la Région Transmanche et l’Eurorégion ne sont pas seulement des noms de façade ou des arrangements superficiels dans le but de recevoir davantage de financements européens : la coopération interrégionale transfrontalière permet également une gestion concertée de politiques locales ayant un impact de part et d’autre de la frontière, comme les

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infrastructures de transport. C’est pourquoi la Commission la considère comme un précurseur de l’intégration européenne et a décidé d’encourager de tels programmes.

1.3.2.2. L’Eurorégion : hétérogénéité des structures politiques régionales et tensions intestines

Au sein même de l’Eurorégion, les régions ont des profils très différents en termes de décentralisation des compétences, ce qui a perturbé les relations internes. • NPdC En ce qui concerne la décentralisation de fonctions politiques et de gestion, le problème de la France est celui d’un Etat protéiforme. Le pouvoir politique – le gouvernement – est très favorable à la décentralisation, du moins dans son discours. L’Etat central – en l’occurrence la DATAR, qui coordonne le processus au niveau national, et l’administration du Ministère de l’Economie et des Finances – se pose en revanche comme gardien face à la décentralisation. Quant à la bureaucratie territoriale de l’Etat – la Préfecture régionale, en charge de la mise en œuvre locale –, elle se trouve prise entre la région et l’Etat central et doit concilier les deux. Le rôle principal du préfet est de cofinancer les projets et parfois d’émettre des propositions, mais sans disposer de pouvoir de décision. Smyrl [1995] souligne que les préfets ont en réalité acquis une position de médiation stratégique, puisque leur action consiste surtout à gérer des intérêts locaux concurrents. Par conséquent, au lieu de concentrer leurs efforts financiers de façon rationnelle, ils ont tendance à les disperser en fonction des pressions politiques locales. C’est pour cela que, comme le confirme un fonctionnaire de la Commission européenne [entretien avec Carole Garnier, annexe 1.5.1], même dans un Etat aussi centralisé que la France, les conditions d’application des politiques varient d’une région à l’autre. Ainsi, malgré le discours pro-décentralisation de plusieurs gouvernements, l’administration centrale française reste très centralisée et insiste pour gérer les projets directement et pour choisir les dépenses selon ses propres objectifs. Ce comportement s’est notamment manifesté par sa réticence à laisser le NPdC agir comme autorité de paiement ou autorité de gestion pour l’Eurorégion. Le gouvernement avait d’abord déclaré que, conformément aux souhaits de la Commission, les régions seraient capables de devenir autorité de paiement ou autorité de gestion ; mais par la suite, lorsque le NPdC posa sa candidature, les fonctionnaires du Ministère de l’Economie et des Finances exhibèrent des circulaires lui interdisant de tenir ce rôle. Le Président du Conseil régional NPdC et ancien Ministre de la ville et de l’aménagement du territoire, Michel Delebarre, dut organiser une rencontre avec le Premier ministre et après de longues négociations, le gouvernement réaffirma la possibilité pour les régions d’agir comme autorités de paiement et de gestion… Mais trop tard pour le NPdC, car entre-temps la Région wallonne avait été choisie comme autorité de gestion. Cependant, la situation est totalement différente en ce qui concerne l’information. Le NPdC travaille directement avec la Commission à Bruxelles et elle est donc informée des réformes et peut faire pression sur la Commission, par exemple pour le maintien de certains programmes comme Urban.

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• Angleterre En Angleterre, les régions n’existent pas en tant qu’entité politique. Ainsi, dans les programmes Interreg auxquels participe le Kent, le Kent County Council n’est pas officiellement impliqué et à la place, ce sont des représentants du gouvernement britannique qui gèrent les programmes directement. Cependant, depuis 1998, des Regional Development Agencies se sont développées. Elles dépendent toujours de l’administration centrale mais sont chargées de mettre en œuvre les politiques de développement au niveau local. • Belgique Chaque région dispose d’un Ministre-Président qui dirige un véritable gouvernement, ce qui rend les régions belges réticentes à travailler avec l’Etat français et les représentants du gouvernement britannique : elles préfèreraient traiter avec des représentants régionaux disposant des mêmes compétences. Une autre source de difficulté fut, à une certaine période, l’existence d’un conflit ouvert entre Flamands et Wallons, ce qui posa des problèmes pour la gestion de l’Eurorégion puisque cela empêchait les régions participantes de parvenir à des accords. Actuellement, l’hostilité de longue date entre Wallons et Flamands est loin d’éteinte mais au moins leurs représentants politiques ont trouvé une façon de cohabiter plus paisiblement lors des rencontres sur l’administration de l’Eurorégion. La section 1.2 et la section 1.3 ont permis de dégager des hypothèses sur les enjeux des négociations et les stratégies mises en place par la Commission, les gouvernements nationaux et les autorités régionales. La section suivante propose de resituer ces stratégies dans l’ensemble du processus décisionnel aboutissant à la répartition des dépenses structurelles et régionales, représenté par un jeu hiérarchisé qui intègre des grilles de lecture issues de la science politique et une formalisation en termes de modèles de lobbying informationnel. Grâce à la combinaison de ces différentes approches, qui constitue l’originalité de ce chapitre, nous tentons de rendre compte de plusieurs facettes des négociations sur les politiques structurelles.

1.4. Une modélisation du processus décisionnel des politiques régionales

1.4.1. Présentation du jeu d’ensemble On considère le jeu politique d’ensemble représenté par la figure 1.1, qui se compose lui-même de trois jeux :

• le jeu des négociations intergouvernementales, qui porte sur l’ensemble du budget communautaire, tous domaines politiques confondus ;

• le jeu de détermination des règles techniques du financement de la politique régionale, qui est dominé par la Commission mais sous la pression simultanée des gouvernements nationaux et des autorités régionales ;

• le jeu des régions pour maximiser leurs gains financiers en fin de processus.

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Figure 1.1. Le jeu d’ensemble des dépenses structurelles

Ce découpage en trois jeux est cohérent avec l’interprétation que donne Allen [2000] de l’évolution des politiques structurelles. En effet, il montre que la justification historique de la création des Fonds structurels se situe au cœur des négociations intergouvernementales, lorsque les politiques structurelles sont apparues initialement en tant que paiements parallèles en compensation de paiements dans d’autres domaines de politique européenne. Puis, ajoute-t-il, une fois que les Fonds structurels existaient, d’autres négociations sont intervenues en plus du jeu intergouvernemental : les politiques régionales sont l’occasion pour les représentants régionaux de mettre en avant leurs propres intérêts et, pour la Commission, de faire passer ses objectifs et d’accroître son rôle et son pouvoir au niveau européen. L’intérêt de cette représentation est de distinguer à quels stades du processus de décision interviennent les différents niveaux politiques. Ainsi, le double rôle des gouvernements apparaît clairement : d’une part, ils disposent d’un pouvoir de décision officiel et considérable dans les négociations intergouvernementales au sein du Conseil des ministres et du Conseil européen, mais d’autre part ils agissent en tant que lobbies pour influencer les décisions techniques de la Commission. Ce n’est d’ailleurs pas inhabituel : Alain Lipietz [annexe 1.5.4] souligne que les Etats se comportent également comme n’importe quel lobby envers les députés européens.

Evénements exogènes

Hétérogénéité entre Etats

Préférences structurelles des gouvernements

Réévaluation des préférences des gouvernements

NEGOCIATIONS INTERGOUVERNEMENTALES

sur le budget : Les Fonds structurels comme paiements parallèles

[taille du gâteau]

GOUVERNEMENTS Lobbying national REGIONS

Lobbying régional

COMMISSION EUROPEENNE Définition du cadre technique des objectifs

prioritaires, des critères d’éligibilité, des initiatives communautaires

[règle de partage du gâteau]

info

rmat

ion

REGLES DU JEU des dépenses structurelles et régionales

REGIONS Ajustements marginaux aux règles du jeu en fin de processus

pour maximiser les financements qu’elles reçoivent

JEU 1 JEU 2

JEU 3

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Ce schéma général montre aussi que les interventions des régions peuvent se faire aux deux extrémités du processus décisionnel : en amont pour influencer les objectifs mêmes des politiques régionales, et en aval pour maximiser les aides qu’elles reçoivent étant donné les règles du jeu.

1.4.1.1. Le jeu des négociations intergouvernementales sur le budget (jeu 1): détermination du montant total alloué aux politiques structurelles et régionales

Les négociations intergouvernementales portent sur une série de décisions qui concernent simultanément l’ensemble du budget, c’est-à-dire les ressources communautaires, le montant total accordé à la politique agricole commune (PAC) par rapport aux politiques structurelles, la ristourne britannique3… Elles aboutissent finalement à un accord d’équilibre sur tous les aspects du budget communautaire et le montant alloué aux politiques structurelles n’est donc qu’un élément inclus dans des négociations plus larges. Lorsque l’on se concentre sur les relations entre Etats, les politiques structurelles ne sont plus considérées principalement selon leur dimension de cohésion territoriale elles mais revêtent avant tout une importance plus politique : celle de contribuer à l’équilibre des positions des gouvernements sur tout un ensemble de questions.

1.4.1.2. Le jeu sur la définition « technique » des politiques structurelles et régionales par la Commission (jeu 2)

La stratégie de la Commission dans le cadre des politiques structurelles passe avant tout par son aptitude à élaborer des éléments réglementaires et techniques encadrant les dépenses. Cela comprend la définition des objectifs prioritaires, des critères d’éligibilité, la liste des PIC, les principes de gestion des Fonds structurels (additionnalité, concentration, programmation pluriannuelle, partenariat)… Ces règles sont élaborées par la Commission, mais sous l’influence des pressions exercées par les régions (directement ou par le canal gouvernemental) et par les gouvernements nationaux. Elles sont fixées pour chaque période de programmation, d’une durée de six ou sept ans.

3 Le Royaume-Uni est structurellement un contributeur net au budget communautaire pour deux raisons : d’abord, le secteur agricole britannique est relativement faible comparé aux autres Etats membres, si bien que les subventions qu’il reçoit au titre de la PAC restent limitées ; ensuite, étant donné que la part du Royaume-Uni dans l’assiette TVA harmonisée est relativement plus élevée que sa part dans le PIB européen, la contribution britannique au budget communautaire est relativement plus importante. C’est pourquoi – bien que la Commission européenne refuse la notion de « juste retour » mise en avant par Margaret Thatcher, et insiste au contraire sur le principe de solidarité qui sous-tend la construction européenne –, le Royaume-Uni bénéficie depuis 1985 d’un traitement de faveur : sa contribution nette a été réduite de 66%, le reste étant payé par les autres Etats membres.

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1.4.1.3. L’intervention des régions en fin de processus (jeu 3) La rencontre des deux jeux précédents détermine les règles du jeu de la politique régionale : la taille du gâteau et les règles de partage du gâteau, ainsi que la répartition des Fonds structurels par objectif et par pays. A l’intérieur de ces règles du jeu, il reste à négocier la répartition des dépenses structurelles entre les régions d’un même pays ainsi que l’acceptation des PIC. Le seul moyen d’action des régions à ce stade du processus est de gérer habilement les dossiers de subvention afin d’utiliser le plus possible les marges d’interprétation des critères : le problème est donc de s’adapter aux règles du jeu une fois qu’elles ont été établies. En résumé, sur l’ensemble du jeu, les régions peuvent intervenir à deux moments : en amont, par un lobbying (direct ou indirect, via le gouvernement) sur les orientations de la politique régionale, et en aval, sur l’interprétation des critères. Les trois sous-sections suivantes approfondissent d’abord l’étude du jeu des négociations intergouvernementales, en retraçant l’histoire des politiques structurelles sous l’angle de l’intergouvernementalisme, puis le jeu de lobbying informationnel auprès de la Commission pour influencer ses décisions techniques, à travers les résultats des modèles de théorie des jeux et enfin les stratégies des régions en début et en fin de processus. 1.4.2. Le jeu des négociations intergouvernementales L’histoire des politiques communautaires révèle que les négociations sur les politiques régionales sont non seulement un élément des questions sur le budget européen, mais qu’elles sont aussi imbriquées dans un jeu de négociations intergouvernementales plus général, et qu’on ne peut pas les isoler d’autres questions : la réforme de la PAC, la réforme du budget communautaire, l’évolution des institutions européennes ou encore les conséquences des différents élargissements.

1.4.2.1. Stabilité des clés de répartition du budget européen La position d’un pays dans les négociations intergouvernementales dépend de plusieurs facteurs. • Premièrement, elle dépend de ses caractéristiques socio-économiques par rapport à

celles de ses partenaires (par exemple le poids relatif de son secteur agricole, le dynamisme de son industrie, la qualité de ses infrastructures et sa richesse mesurée par le PIB par habitant) et du positionnement politique traditionnel du pays sur la construction européenne (préférence pour une union commerciale ou pour une union politique, pour un système intergouvernemental ou fédéral) Cela correspond à des éléments d’hétérogénéité entre Etats assez stables dans le temps qui définissent la partie structurelle des préférences des gouvernements, constante à court-moyen terme, et que l’on peut qualifier de préférences génériques ou a priori.

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• Deuxièmement, certains événements peuvent perturber les relations intergouvernementales (de façon symétrique ou asymétrique entre les pays) et conduire les dirigeants nationaux à réévaluer leurs préférences en raison du changement du contexte. C’est le cas notamment si un changement radical de majorité politique dans un pays entraîne une réelle modification des objectifs nationaux, en cas d’événement exogène notable. Par exemple, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, la mise en œuvre de la coopération policière et judiciaire a connu une accélération et une accentuation, notamment à travers la volonté de créer un mandat d’arrêt européen ; les attentats du 11 mars 2004 à Madrid ont eu pour effet une prise de conscience accrue du risque d’attentats en Europe ainsi qu’un changement de majorité en Espagne, modifiant fortement l’attitude du gouvernement espagnol dans les négociations intergouvernementales. Les modifications des préférences des gouvernements se font aussi de façon plus lente, sous l’effet d’une tendance sous-jacente, comme l’évolution de long terme des opinions publiques ou les « mainstreamings » qui s’inscrivent progressivement dans l’ensemble des politiques communautaires (prise en compte des problèmes environnementaux, égalité des chances entre hommes et femmes…) [entretien avec Alain Lipietz, annexe 1.5.4].

• Enfin, chaque gouvernement développe une stratégie de négociation étant donné ses objectifs, mais aussi ceux de ses pays partenaires et l’ensemble des questions débattues sous forme de paquet. Cela implique d’être disposé à faire des concessions lorsqu’un pays émet une menace crédible de veto ou de blocage des discussions.

On observe une certaine inertie dans la répartition du budget communautaire. En effet, chaque Etat membre cherche à tirer les politiques communautaires dans le sens des préférences génériques (réévaluées parfois sous l’effet d’événements exogènes) et le rapport de force conditionne les différentes stratégies nationales, si bien que les négociations intergouvernementales convergent vers un équilibre et déterminent des clés de répartition dont il est difficile de s’écarter [entretien avec Alain Lipietz, annexe 1.5.4]. Par exemple, certains pays ont des stratégies définies de longue date bien connues au niveau européen :

• la France ayant un important secteur agricole, elle cherche à maintenir les subventions qu’elle reçoit au titre de la PAC à un niveau aussi élevé que possible ;

• l’Espagne, qui reçoit avant tout des financements des Fonds structurels et du Fonds de Cohésion [voir annexe 1.1, tableau 1.9], souhaite maintenir le niveau de ces aides ;

• le Royaume-Uni, en tant que contributeur net au budget communautaire, cherche à réduire sa contribution et en particulier à conserver la ristourne dont il bénéficie ;

• l’Allemagne, le plus grand contributeur au budget européen, cherche à freiner l’évolution des dépenses de la PAC et des politiques structurelles.

Selon quel processus cet équilibre est-il atteint et pour quelles raisons est-il parfois amené à évoluer ? La prise en compte de l’histoire de l’ensemble des négociations

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intergouvernementales peut permettre de mieux comprendre les grands traits de l’histoire des politiques régionales européennes.

1.4.2.2. Une histoire des politiques régionales européennes à la lumière des négociations intergouvernementales

Moravcsik [1998] décrit l’histoire des négociations intergouvernementales à l’échelle européenne depuis les années 1950. Il ressort de son analyse que les négociations ne se font pas de façon isolée mais généralement sous forme de paquets (« package deals ») combinant plusieurs domaines et qu’elles reposent sur des coalitions dont la formation implique des menaces, des concessions et des contre-concessions. Moravcsik développe également le concept d’interdépendance asymétrique selon lequel un Etat est d’autant plus disposé à faire des concessions qu’il a besoin que les négociations aboutissent. Ces motifs typiques des négociations européennes se retrouvent en particulier dans le domaine des politiques structurelles. Ce paragraphe présente une lecture sélective de l’histoire des négociations européennes établie par Moravcsik [1998] afin de dégager les traits saillants concernant les politiques structurelles. L’un des exemples les plus anciens et les plus significatifs de menaces et d’intérêts croisés est le lien entre le financement de la PAC et l’adhésion du Royaume-Uni (qui débouche sur la création du FEDER). En 1955-1957, le Royaume-Uni était indifférent vis-à-vis de la CEE parce que les Britanniques n’avaient pas d’intérêts économiques à y entrer : ils commerçaient principalement avec le Commonwealth. Cependant, au cours des années qui suivirent, les marchés européens devinrent de plus en plus attractifs et l’objectif central de la politique britannique à l’égard de l’Europe changea radicalement : il s’agissait désormais d’éviter, au coût le plus bas possible, d’être commercialement exclus des marchés européens. Mais la France opposa son veto à l’adhésion britannique trois fois (en 1961, 1967 et 1969) car à l’époque, le Royaume-Uni n’aurait pas accepté de financer la PAC – comme son secteur agricole est relativement réduit, il aurait reçu peu de subventions et de plus, les consommateurs britanniques n’auraient pas accepté de payer leurs produits alimentaires plus cher. Entre-temps, le commerce britannique se tourna de plus en plus du Commonwealth vers les Six ; et plus ce commerce devenait dépendant des Six, plus le pouvoir de négociation du Royaume-Uni s’affaiblissait. Finalement, les Britanniques durent accepter de faire d’importantes concessions face aux exigences françaises. En particulier, ils acceptèrent de financer la PAC et en échange, la France accepta l’adhésion du Royaume-Uni (effective en 1973). Le Royaume-Uni se trouva ainsi en position de contributeur net au budget communautaire, mais ce n’est qu’au moment du referendum de 1975 (demandant aux Britanniques s’ils souhaitaient rester dans la CEE) que cela commença à poser un problème. En effet, ceux qui étaient opposés au maintien dans la CEE profitèrent du referendum pour mettre en avant la question du déficit et du coût de l’adhésion pour le consommateur et le contribuable britannique. La menace d’un « non » au referendum et donc d’une sortie du Royaume-Uni (et de sa contribution au budget) était si pesante que les autres Etats membres durent accepter de développer un programme de subventions régionales spécialement pour le Royaume-Uni.

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Le début de cet exemple reflète un critère crucial pour le pouvoir de négociation : plus un pays est demandeur et a besoin de parvenir à un accord, plus son pouvoir de négociation est faible et plus il est obligé d’accepter de faire des concessions. Mais la suite fournit une autre leçon sur les négociations intergouvernementales : si ce même pays est ensuite capable de menacer les autres Etats membres, alors – à condition que cette menace soit crédible – il peut obtenir une amélioration substantielle de sa situation financière. Cela explique le rôle du Royaume-Uni dans la création du FEDER et des politiques régionales communautaires, puisque la nécessité de redistribuer des ressources entre les Etats membres, qui est la logique politique générale sous-tendant les politiques structurelles, avait à l’origine une signification plus particulière : compenser le Royaume-Uni pour sa contribution nette disproportionnée. Par la suite, les négociations conduisirent à l’instauration d’autres mesures en faveur de certains Etats membres et une fois de plus, la chronologie des négociations intergouvernementales fut similaire : l’accroissement des financements fut accordé soit pour compenser un coût subi par le pays, soit pour éviter la réalisation d’une menace. • Selon les négociations de pré-adhésion de 1978, il était prévu que la Grèce soit un

contributeur net ; mais peu de temps après son adhésion, elle menaça d’opposer son veto à certaines propositions et put ainsi obtenir un remboursement de ses contributions au titre de la TVA, ce qui en fit un bénéficiaire net pendant les premières années de son intégration.

• La Grèce, l’Italie et la France ont reçu des aides afin de compenser les pertes liées à l’adhésion de l’Espagne et du Portugal en 1986.

• La réforme de 1988 n’avait pas seulement pour but de contrôler la manière dont les fonds européens seraient dépensés ; elle comprenait également une augmentation substantielle des dépenses structurelles afin de compenser la perte subie par l’Espagne, le Portugal, la Grèce et l’Irlande suite à l’adoption de l’Acte unique [voir annexe 1.1, graphique 1.1, pour l’évolution du niveau des dépenses structurelles].

• La création du Fonds de cohésion en 1994 était destinée à soutenir des projets dans le domaine de l’environnement et des transports dans les Etats membres les moins prospères : Espagne, Portugal, Grèce et Irlande [voir annexe 1.1, tableau 1.9 et graphique 1.3]. Mais, au-delà de l’environnement et des transports, la logique derrière la création de ce Fonds était plus fondamentalement de favoriser la convergence économique des quatre pays les plus pauvres de l’Union européenne dans le cadre de la préparation de l’UEM.

• Il était initialement prévu que les Etats membres nordiques (Suède et Finlande) contribuent au budget communautaire de façon significative lors de leur adhésion en 1995, mais ces deux pays subirent en 1990-1994 une récession si forte que l’on créa un nouvel objectif prioritaire (l’objectif 6 : zones très peu peuplées) spécialement pour les régions nordiques.

A la lumière de ces expériences, il apparaît qu’un pays initialement défavorisé parce qu’il était en position de demandeur peut ensuite obtenir une amélioration de sa situation dès lors qu’il est en mesure de formuler une menace crédible ou de réunir une coalition suffisante. Ce schéma s’étant déjà présenté à de nombreuses reprises dans l’histoire des négociations européennes, il est probable qu’il se répète à nouveau par la

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suite. Cela pourrait laisser supposer que les pays d’Europe centrale et orientale qui sont entrés dans l’Union européenne selon des conditions budgétaires défavorables chercheront à imposer des réformes pour rééquilibrer leur position dès qu’ils auront acquis un pouvoir de menace suffisant. 1.4.3. Les pressions sur la Commission : les apports des modèles de lobbying

informationnel (ou modèles de transmission stratégique d’information) Les modèles de transmission stratégique d’information peuvent aider à comprendre la situation de la Commission face à des lobbies qui cherchent à manipuler ses décisions grâce à une utilisation stratégique de leur information privée. Dans cette sous-section, les lobbies peuvent être régionaux ou nationaux, ou encore une coalition de ces deux niveaux, et ils ont pour but de maximiser les financements qu’ils reçoivent en influençant la définition des politiques régionales et structurelles européennes.

1.4.3.1. Spécificités des modèles de lobbying informationnel Cette famille de modèles de théorie des jeux [Potters et van Winden 1992 ; Rasmusen 1993 ; Lohmann 1995 ; Lagerlöf 1997 ; Potters, Sloof et van Winden 1997] repose sur des hypothèses communes. • Le décideur politique est sous-informé et fait face à un ou plusieurs groupes de

pression disposant d’une information privée sur un paramètre que le décideur aurait besoin de connaître pour prendre la bonne décision.

• Les croyances du décideur politique ne portent pas sur ses propres convictions idéologiques, mais sur la valeur du paramètre (cela peut correspondre en revanche aux préférences politiques de l’électorat).

• Le lobby a un comportement stratégique, qui consiste à envoyer un message au décideur, moyennant un coût : par exemple un coût d’accès au décideur, un coût d’envoi du message ou une mesure de l’effort fait par le lobby, les trois interprétations étant largement équivalentes.

• Le décideur politique a également un comportement stratégique : il ne croit pas systématiquement le message envoyé par le lobby, sachant que ce dernier vise à le manipuler.

A ces hypothèses de base s’ajoutent des hypothèses spécifiques à chaque modèle : le nombre de groupes de pression, la nature et la qualité de l’information dont dispose le lobby (parfaite ou imparfaite), la possibilité ou non pour le lobby de mentir, la nature du coût de lobbying (ce qui importe cependant assez peu puisque, comme nous l’avons dit, le coût peut s’interpréter de diverses façons) et surtout la possibilité ou non de choisir son niveau et la possibilité ou non pour le décideur politique de mener ses propres recherches et de disposer de sa propre information. L’originalité de ces modèles est qu’ils permettent de traiter des aspects du lobbying que leurs prédécesseurs ignoraient. Ainsi, contrairement à d’autres modèles de lobbying, et notamment au modèle de Becker [1983] dans lequel le « décideur » est totalement passif et se positionne uniquement en fonction de l’influence respective des groupes de pression [figure 1.2], les modèles de lobbying informationnel traitent les décideurs

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politiques comme des joueurs à part entière, en leur prêtant un comportement stratégique. En revanche, ils ne permettent pas de prendre en compte d’autres aspects comme la concurrence entre groupes de pression. Figure 1.2. Un modèle de lobbying avec dirigeant politique passif : le modèle de Becker [1983]

Les modèles de lobbying informationnel se distinguent également de la littérature principal-agent, puisque le décideur ne s’engage pas ex ante par contrat à avoir toujours la même réaction si le lobby lui envoie un message donné ; cela permet donc de mieux analyser des processus de négociations depuis l’intérieur et de suivre le cheminement et le traitement de l’information (croyance ex ante, analyse du message reçu, formation de la croyance ex post par une réévaluation de la croyance ex ante selon la règle de Bayes) et l’élaboration des stratégies de la part des deux joueurs, plutôt que l’élaboration d’un contrat par le principal uniquement. Enfin, la différence par rapport aux modèles de cheap talk est que les messages ont ici un coût, qui ne dépend pas du contenu du message ni de l’information privée détenue par le lobby, mais que ce dernier doit prendre en compte avant de décider d’envoyer un message. Les conclusions des modèles de lobbying informationnel remettent en cause la vision négative dont souffre généralement le lobbying en France – alors que c’est une activité totalement acceptée, et même encouragée, dans le domaine des politiques européennes. Le lobbying ne se confond pas avec la corruption : contrairement aux modèles qui étudient avant tout le lobbying sous forme de financement de partis politiques (et donc de corruption plus ou moins latente), les modèles de lobbying informationnel insistent sur la transmission stratégique d’information et sur la transformation des croyances mêmes du décideur [Potters, Sloof et van Winden 1997]. Pour les mêmes raisons, le lobbying n’est pas une menace ni une pression violente : le décideur politique n’agit pas sous la contrainte de la force, mais selon une stratégie qu’il a élaborée et s’il modifie son choix politique, c’est parce qu’il a réévalué ses croyances en ce sens. Enfin, l’information transmise par les lobbies n’est pas forcément mensongère. Cela s’explique aisément en termes de théorie des jeux : si le décideur savait que les messages étaient systématiquement biaisés, il ne les prendrait jamais en compte. Il faut donc au moins que le lobby dise la vérité avec une probabilité positive, ou plus précisément qu’il soit plus incité à dire la vérité si elle lui est favorable qu’à mentir si l’état de la nature lui est défavorable. D’un point de vue institutionnel, cela peut se comprendre comme un échange de bons procédés : la Commission accepte d’écouter le lobby parce qu’elle a besoin de son information, et le lobby accepte de prendre en

Statu quo

Nouvelle position du « décideur »

politique

I1(€1) I2(€2)

+ - I1+I2

€i Dépenses de lobbying du lobby i

I i Influence du lobby i (fonction de ses dépenses de lobbying)

La nouvelle position du « décideur » politique est simplement déterminée par l’influence relative des deux lobbies.

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charge le coût de la recherche et de la transmission d’information parce qu’il espère influencer la décision de la Commission. Ainsi, le lobbying n’a pas pour seule raison d’être la défense abusive d’intérêts particuliers et, s’il conduit parfois à mettre en œuvre des politiques qui ne sont pas justifiées par l’intérêt général, il est cependant nécessaire au fonctionnement même des institutions européennes.

1.4.3.2. Analyse comparative de trois modèles de lobbying informationnel Les modèles proposés par Potters et van Winden [1992], Lohmann [1995] et Rasmusen [1993, avec des commentaires de Sloof en 1997] analysent trois configurations différentes dans lesquelles le décideur dépend plus ou moins fortement des groupes de pression pour obtenir des informations sur un paramètre. Ce paragraphe présente une analyse comparative de leurs hypothèses et de leurs résultats ; pour une présentation plus formalisée, voir les annexes 1.2 à 1.4. Dans le modèle présenté par Potters et van Winden [1992] [figure 1.3], un lobby disposant d’une information privée fait face à un décideur politique sous-informé. Pour prendre une décision correcte, le décideur a besoin de connaître l’information dont dispose le lobby. Cette information peut par exemple porter sur un paramètre justifiant ou non la mise en œuvre d’une politique donnée ; l’information peut donc être symbolisée par « oui » ou « non ». Que cela soit justifié ou non par sa situation (« l’état de la nature »), le lobby cherche à influencer le décideur pour que cette politique soit appliquée. Son lobbying consiste à envoyer au décideur un message disant « oui » ou « non » – ou plutôt, à lui envoyer un « oui » ou à ne pas lui envoyer de message du tout, puisque l’envoi d’un « non » serait inefficace. Cela inclut la possibilité de mentir, c’est-à-dire d’envoyer un « oui » alors que la véritable information est « non ». Le décideur en est conscient et par conséquent, il prend en compte le message du lobby mais il ne le croit pas toujours : à tort ou à raison, il y a une probabilité positive qu’il rejette la demande du lobby. Cependant, sous certaines conditions, un lobbying mensonger peut se révéler efficace et un groupe de pression peut réussir à obtenir que le décideur finance des politiques qui en réalité ne respectent pas les critères requis. Dans le modèle de Lohmann [1995] [figure 1.4], l’information sur l’état de la nature est dispersée entre des groupes de pression hétérogènes. Chaque groupe possède une information imparfaite, mais à un niveau agrégé, l’ensemble des groupes de pression est parfaitement informé. Le décideur a besoin de leur information privée pour prendre une décision pertinente : maintenir le statu quo ou mettre en œuvre une autre politique. Pour transmettre leur message au décideur, les groupes de pression peuvent avoir à payer un droit d’accès qui, de façon générale, peut être considéré comme l’effort de lobbying nécessaire pour convaincre le décideur. Si leurs intérêts convergent avec ceux du décideurs, l’accès est gratuit et les groupes envoient un message sincère ; mais dans le cas d’intérêts divergents, il faut qu’ils acceptent d’engager un coût de lobbying accru afin d’assurer la crédibilité de leur message, parce que le décideur sait qu’ils cherchent à manipuler sa décision. Le statu quo est renversé si le nombre de rapports crédibles favorables à l’autre politique par rapport au nombre de rapports crédibles qui y sont défavorables dépasse un certain ratio. Le principal résultat de ce modèle est que le

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décideur parvient à dégager une information parfaite à partir des nombreux messages partiels qu’il reçoit, d’une part parce qu’il existe un mécanisme permettant de révéler les messages sincères (grâce à un système de crédibilisation par le coût du lobbying tel qu’envoyer un signal mensonger crédible serait trop coûteux par rapport à l’effet attendu) et d’autre part parce que sa position centrale lui permet d’agréger les informations partielles et d’avoir une idée d’ensemble. Le modèle de Rasmusen [1993] [figure 1.5] permet au décideur de mener ses propres recherches, soit pour vérifier l’exactitude du message que le lobby lui a envoyé, soit pour trouver la vraie valeur du paramètre lorsque le lobby ne lui a pas envoyé de message. Cette recherche a un coût et par conséquent le décideur ne choisit pas toujours de l’entreprendre ; en revanche, il peut utiliser l’information envoyée par le lobby comme un substitut à ses propres recherches. Cependant, comme Sloof [1997] l’a montré, le lobbying n’est qu’un substitut partiel et le décideur peut préférer acquérir ses propres informations même après avoir reçu un message du lobby. Dans ce modèle, le décideur ne parvient pas toujours à révéler la bonne information et parfois il met en œuvre la mauvaise politique ; mais la possibilité de pouvoir acquérir des informations indépendamment du message du lobby le met dans une situation plus confortable que dans le modèle de Potters et van Winden [1992]. Le tableau 1.4 résume les hypothèses et les résultats attendus de ces trois modèles.

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Figure 1.3. Le modèle de lobbying informationnel de Potters et van Winden [1992]

Figure 1.4. Le modèle de lobbying informationnel de Lohmann [1995]

Figure 1.5. Le modèle de lobbying informationnel de Rasmusen [1993]

Etat de la nature

LOBBY

COMMISSION EUROPEENNE

Décision

i i Information sincère mais partielle,

avec somme des i = i

+ € Coût supplémentaire du lobbying pour les lobbies ayant des positions extrêmes

Transmission stratégique d’information avec comportement actif de l’émetteur et du récepteur

LOBBY LOBBY LOBBY

i i i

i + € i i

i + €

Etat de la nature

LOBBY

COMMISSION EUROPEENNE

Décision

i

i

i Information parfaite i Information pouvant être

volontairement biaisée

Transmission stratégique d’information avec comportement actif de l’émetteur et du récepteur

€ Coût de recherche d’information par la Commission

i €

Etat de la nature

LOBBY

COMMISSION EUROPEENNE

Décision

i

i

i Information parfaite i Information pouvant être

volontairement biaisée

Transmission stratégique d’information avec comportement actif de l’émetteur et du récepteur

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Tableau 1.4. Analyse comparative de trois modèles de lobbying informationnel POTTERS et VAN WINDEN

[1992] LOHMANN

[1995] RASMUSEN [1993]

et SLOOF [1997] HYPOTHÈSES Nombre de lobbies Un n Un Information privée des lobbies

Information parfaite sur un paramètre (« l’état de la nature »)

Information imparfaite et partielle pour chaque lobby pris séparément ; mais à un niveau agrégé, les lobbies ont une information parfaite

Information parfaite sur un paramètre dont dépend le choix du décideur (par exemple les préférences de l’électorat sur une décision)

Possibilité pour les lobbies de pression d’envoyer un message mensonger

Oui Théoriquement oui, mais en réalité ils ne le font pas (ou cela serait inutile puisque le message ne pourrait pas être rendu crédible, faute d’incitation à payer un droit d’accès suffisant)

Oui

Coût du lobbying Exogène : c (Une extension du modèle envisage un coût endogène choisi par le lobby, mesurant son effort de lobbying)

Uniquement pour les groupes extrémistes pour rendre leurs messages crédibles. Les groupes modérés n’ont pas besoin de payer de droit d’accès (le décideur sait qu’ils ont toujours intérêt à dire la vérité)

Exogène : λ

Croyances ex ante du décideur politique

Croyance ex ante sur l’état de la nature : exogène

Information partielle : observe si un groupe est modéré ou extrémiste et sait que les chocs spécifiques aux groupes ont une distribution uniforme

Croyance ex ante sur le paramètre : exogène

Possibilité pour le décideur politique de mener ses propres recherches

Non Non Oui (qu’il ait reçu ou non un message du lobby et moyennant un coût) et dans ce cas, il est ensuite parfaitement informé

Nature de l’information envoyée par les lobbies au décideur politique

C’est l’existence même d’un message (donc d’un coût), plus que son contenu, qui apporte une information : le lobby n’aurait aucun intérêt à envoyer un message avec une information défavorable

Deux informations pour chaque groupe : le contenu de son message et le montant de la cotisation qu’il a payée pour avoir accès au décideur (nécessaire pour qu’un groupe extrémiste rende son message crédible)

Id. que dans le modèle de Potters et van Winden [1992]

Réévaluation des croyances du décideur politique

Réévaluation de la croyance ex ante selon la règle de Bayes : croyance ex post sur l’état de la nature conditionnellement au message envoyé par le lobby

Seuls les messages crédibles sont pris en compte. Règle de Bayes : distribution du vecteur de chocs spécifiques aux groupes conditionnellement aux messages et aux cotisations

Règle de Bayes : croyance ex post sur le paramètre conditionnellement au message du lobby – ou bien vraie valeur du paramètre si le décideur a mené ses propres recherches

RÉSULTATS Les lobbies ont-ils envoyé des messages ?

Oui, à condition que le coût ne soit pas prohibitif et que le choix du décideur après avoir reçu un message puisse être plus favorable au lobby qu’en l’absence de message

Oui, mais seulement les groupes modérés et les groupes extrémistes sincères

Id. que dans le modèle de Potters et van Winden [1992]

Les messages étaient-ils sincères ?

Pas toujours : dans certains cas, le lobby a menti sur l’état de la nature

Oui : les messages faux n’auraient pas pu être rendus crédibles

Id. que dans le modèle de Potters et van Winden [1992]

Qualité des croyances a posteriori du décideur politique : a-t-il réussi à retirer de l’information grâce aux messages ?

Pas toujours : il peut mettre en oeuvre à tort une politique favorable au lobby, et inversement

Oui : le décideur a une information parfaite a posteriori

Parfois, ce qui peut faire du lobbying un substitut aux propres recherches du décideur – mais juste un substitut partiel [Sloof 1997] : le décideur peut choisir de mener des recherches même après avoir reçu un message

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1.4.3.3. Deux stratégies de la Commission pour améliorer sa situation face aux lobbies

Il ressort de la comparaison de ces trois modèles de lobbying informationnel que c’est dans le modèle de Potters et van Winden [1992] que la situation du décideur politique est la moins confortable : sa seule source d’information est le message que le lobby lui envoie, et ce message est susceptible d’être faux. Par conséquent, sur une plus longue période, il est préférable pour le décideur de modifier les règles du jeu afin d’améliorer les conditions dans lesquelles il négocie. Deux changements sont envisageables : • faire appel à un plus grand nombre de groupes de pression, de sorte que la

configuration évolue en un jeu à la Lohmann [1995] dans lequel le décideur profite de son pouvoir central pour agréger les messages et en retirer une information plus complète ;

• ou permettre au décideur de mener ses propres recherches, et passer à un modèle de type Rasmusen [1993], dans lequel le décideur est moins dépendant du groupe de pression.

La Commission a déjà mis en œuvre chacune de ces stratégies à plusieurs occasions. • De Potters et van Winden [1992] à Lohmann [1995] De manière générale, la Commission a souvent encouragé le développement de lobbies dans de nombreux domaines : industriels, associations de consommateurs, mais aussi lobbies régionaux sous la forme notamment de représentations à Bruxelles. Cela peut se comprendre comme un moyen de diversifier ses sources pour retirer du lobbying une information plus complète. Dans le cadre des politiques régionales, ce comportement transparaît dans son attitude envers le lobbying des régions en déclin industriel [Mc Aleavey 1994]. Dans un premier temps, le lobbying exercé par le RETI (Régions de Tradition Industrielle, une association regroupant plusieurs régions en déclin industriel, principalement françaises, britanniques et allemandes) à partir de 1984 était peu efficace parce que la Commission considérait que ces régions, peu nombreuses, ne défendaient que leurs intérêts particuliers et que ce lobby était trop idiosyncrasique. Mais en 1991, il est apparu que les aides au titre de l’objectif 2 allaient être fortement réduites, sinon totalement supprimées, à la fin de la période de programmation en 1993. Le RETI s’est alors transformé et a rejoint le lobby des régions de l’objectif 2, qui regroupait des régions en déclin industriel sur l’ensemble de l’Europe. La Commission jugea que ce lobby représentait fidèlement des intérêts à l’échelle communautaire et que leurs revendications étaient plus crédibles que celles du RETI. Non seulement ces régions obtinrent le maintien de l’objectif 2 en 1994-1999, mais en plus les ressources accordées à cet objectif augmentèrent de 50%. • De Potters et van Winden [1992] à Rasmusen [1993] La Commission cherche également à obtenir ses propres renseignements pour réduire sa dépendance envers les rapports éventuellement fallacieux que les lobbies lui remettent. C’est une des raisons pour lesquelles la Commission exprime une forte préférence pour l’objectif 1. En effet, il est défini au niveau macroéconomique, pour lequel la

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Commission possède déjà ses propres statistiques et ses modèles économiques : cet objectif est donc clairement délimité et correctement contrôlé. En revanche, la Commission se montre réticente à l’égard de l’objectif 2, principalement parce qu’il est défini au niveau microéconomique sur lequel la Commission est mal informée : la plupart de ses informations proviennent de sources nationales et locales. Mais elle a commencé à développer ses propres statistiques à un niveau désagrégé et elle entend poursuivre ses travaux dans ce domaine [entretien avec Carole Garnier, annexe 1.5.1]. Pour la Commission, acquérir de l’information indépendamment des rapports que lui envoient les représentants nationaux, régionaux et locaux est une manière d’accroître son autonomie et de se protéger de la transmission d’informations erronées. Les modèles de lobbying informationnel permettent donc de mieux comprendre le comportement des régions à l’égard de la Commission et les stratégies que cette dernière peut mettre en œuvre pour être moins dépendante des lobbies. Cependant, l’apport théorique de cet éclairage sur les problèmes informationnels est limité par certains problèmes lors de l’application de la modélisation à l’échelle européenne. 1.4.4. Les stratégies des régions au sein du processus décisionnel

1.4.4.1. Le type de stratégies selon le moment d’action Les régions peuvent intervenir aux deux extrémités du processus de décision : en amont, elles peuvent chercher à influencer la définition des objectifs et des modalités techniques de la politique régionale par la Commission, et en aval, en jouant sur l’interprétation marginale des critères. Le premier mode d’intervention repose sur une stratégie de long terme mais il peut avoir des effets très significatifs, tandis que le second mode d’intervention, plus immédiat, a un impact plus restreint. • Les stratégies en amont du processus décisionnel Les interventions auprès de la Commission en amont prennent la forme d’un lobbying informationnel (direct ou indirect, via le canal du gouvernement) sur la définition des objectifs prioritaires, des critères d’éligibilité et des PIC. C’est une action sur longue période, qui passe par des pressions répétées sur la Commission, par exemple pour la convaincre de maintenir des programmes qu’elle envisage de supprimer – c’était le cas, comme nous l’avons vu au paragraphe précédent, pour l’objectif 2, ainsi que pour les programmes Urban [annexe 1.5.6] – mais le lobbying peut aussi l’influencer pour qu’elle intègre dans les politiques communautaires des programmes initialement menés de façon spontanée au niveau local, comme pour les programmes Interreg. Dans tous les cas, il s’agit pour les régions d’adapter les critères européens à leurs propres besoins. • Les stratégies en aval du processus décisionnel La stratégie est renversée à ce stade, puisque c’est à la région de s’adapter face à des critères d’éligibilité donnés. Or, une fois les critères définis, le lobbying a un impact limité sur la façon dont les aides sont versées. D’une part, si l’on s’en tient à la situation macroéconomique, il est

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difficile de tromper la Commission puisqu’elle possède ses propres données et qu’elle est donc relativement bien informée. D’autre part, la destitution collective de la Commission Santer fut un tel choc que depuis, les fonctionnaires de la Commission mettent leur honneur à afficher au moins en apparence une gestion transparente et irréprochable des Fonds structurels, et qu’ils ne prendront pas le risque de s’exposer à la corruption [entretien avec Claude Mariotte, annexe 1.5.5]. C’est pourquoi, pour des critères d’éligibilité donnés, l’allocation des fonds par la Commission est contrainte et ni les Etats, ni les régions ne peuvent espérer recevoir de financements pour des programmes qui ne respectent pas les critères. En d’autres termes, les marges de manœuvre sont assez limitées en fin de processus, pour des règles du jeu données. On peut toutefois distinguer plusieurs cas, selon le degré de flexibilité de l’interprétation des règles :

• à un extrême, l’objectif 1 est le plus rigide et le moins manipulable puisque la règle des 75% est appliquée stricto sensu ;

• les limites de l’objectif 2 sont bien plus lâches, en particulier du fait des critères mi-européens mi-nationaux ;

• les relations plus directes entre les régions et la Commission pour les PIC permettent une communication plus ouverte.

De manière générale, le principal moyen d’action pour les régions à ce stade du processus est de convaincre la Commission qu’elles respectent bien les critères requis, en utilisant le plus largement possible les marges de manœuvre et d’interprétation. Cela peut se faire à travers un lobbying destiné à convaincre la Commission que l’on remplit bien les critères, même si cela nécessite d’élargir leur interprétation. Ainsi, les autorités britanniques et françaises ont mené un intense lobbying pour que la frontière entre la France et l’Angleterre soit reconnue comme suffisamment terrestre pour que le PDT soit éligible aux financements Interreg I. Il est à noter que ce lobbying a entraîné à son tour une redéfinition des critères pour les programmes Interreg puisque, par la suite, l’existence de la Manche n’a plus posé de problème pour l’éligibilité de la coopération transfrontalière franco-britannique. De même, en Italie du Sud [Tedesco 2002], la commune de Mola di Bari a dû prouver qu’elle respectait les critères des programmes Urban pour recevoir des aides européennes. Le problème est que, comme cette ville de 25000 habitants est située en zone rurale et en zone objectif 1, ses besoins correspondraient en réalité davantage à des programmes Leader. Or, la Commission a défini une série d’indicateurs mesurant les problèmes qu’une ville européenne typique est supposée connaître, si bien que Mola di Bari a dû utiliser des indicateurs n’ayant aucun sens pour cette zone afin de démontrer la présence de problèmes qui n’existent pas réellement mais que la Commission s’attend à trouver dans une ville européenne. L’adaptation aux critères en fin de processus peut passer, inversement, par une conformation de la région ou de la zone elle-même aux critères, même si cela risque d’entraîner des effets pervers. Ainsi, au Portugal [Silva 2002], la région NUTS II de Lisbonne et de la Vallée du Tage a été redécoupée et parmi les 52 municipalités qui la composaient, seules 19 sont restées

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dans cette région ; les 33 autres ont été réparties entre les régions NUTS II du Centre et de l’Alentejo. L’explication de ce redécoupage est que la région de Lisbonne est en phase de sortie de l’objectif 1, tandis que le Centre et l’Alentejo, qui sont plus pauvres, continuent à recevoir d’importants financements européens. C’est donc uniquement afin de recevoir des aides plus élevées que ces régions ont été réorganisées – en revanche, en termes d’aménagement du territoire, l’effet est plutôt négatif puisque la zone métropolitaine de Lisbonne est désormais à cheval sur trois régions et gérée par trois Commissions de coordination régionale, ce qui complique l’élaboration des politiques de développement local.

1.4.4.2. Européanisation, adaptation et apprentissage Un trait marquant de la définition de nouveaux programmes européens est que tout ne vient pas de Bruxelles et que les innovations institutionnelles locales jouent un rôle important, car elles peuvent ensuite être reprises par la Commission sous forme de programmes communautaires. Cela s’est observé par exemple dans le cas des programmes de coopération transfrontalière apparus spontanément à plusieurs endroits en Europe – y compris entre le NPdC et ses voisins belges et britanniques – et que la Commission a par la suite entérinés dans l’initiative Interreg à partir de 1990. De façon plus générale, on observe une évolution cyclique qui peut être schématisée par la figure 1.6. et qui reprend les stratégies en amont et en aval précédemment décrites. Figure 1.6. Les innovations institutionnelles : un cycle local - européen - local

Certains dispositifs sont initialement mis en place par des collectivités locales de façon spontanée, pour répondre à un problème particulier ; ces innovations institutionnelles locales retiennent l’attention de la Commission qui a ainsi la possibilité d’observer un test en grandeur réelle, avant de décider de s’approprier ces programmes et de les incorporer à ses instruments de politique communautaire. Informées de l’existence de ces nouveaux programmes communautaires, d’autres régions peuvent alors s’adapter à ces nouvelles procédures pour bénéficier de financements. Mais pour entrer dans ce nouveau cadre, il est possible que certaines régions aient besoin à leur tour de mettre en œuvre des innovations qui pourront être retenues par la Commission, et ainsi de suite.

Innovations institutionnelles locales

Définition de nouveaux programmes européens

lobbying informationnel

STRATEGIE EN AMONT

STRATEGIE EN AVAL

Adaptation aux nouvelles règles

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Ce processus combine deux approches abordées dans ce chapitre : le lobbying informationnel et la gouvernance multi-niveaux. En effet, l’observation des innovations locales par la Commission est renforcée par des contacts directs avec les acteurs locaux et se traduit par d’importants échanges d’informations. Cette évolution repose ainsi sur une articulation entre le niveau infranational (voire infrarégional) et le niveau supranational. Le mouvement des innovations de politique structurelle des régions vers la Commission puis de la Commission vers les régions reflète l’utilisation par les régions de l’européanisation des politiques comme moyen détourné d’augmenter leur pouvoir. Ainsi, Fairbrass [2004] montre que les assemblées locales qui ne disposent pas d’un pouvoir formel peuvent utiliser le phénomène d’européanisation dans un but stratégique : en faisant remonter leurs intérêts jusqu’à Bruxelles, les représentants locaux ont la possibilité de construire des alliances et d’obtenir auprès de la Commission le pouvoir que les assemblées locales n’ont pas au niveau régional. Howell [2004] va également dans ce sens. Il décrit trois composantes de l’européanisation : • l’européanisation montante (« uploading »), par laquelle des politiques initialement

menées au niveau local sont peu à peu incluses dans le processus d’intégration européenne ;

• l’européanisation descendante (« downloading »), par laquelle des politiques définies au niveau communautaire sont appliquées au niveau national ou local et modifient les processus décisionnels existants ;

• l’européanisation croisée (« cross-loading »), qui correspond à une diffusion horizontale de certaines politiques, à travers un phénomène de mimétisme entre acteurs de même niveau et un effet d’apprentissage progressif par imitation et par répétition.

Selon ce cadre d’analyse, l’utilisation de l’européanisation pour mettre en avant des intérêts locaux décrite par Fairbrass [2004] correspond à une européanisation montante suivie d’une européanisation descendante. Nous pouvons appliquer ce schéma à l’européanisation des politiques structurelles [figure 1.7]. Les innovations institutionnelles locales remontent jusqu’au cadre communautaire des politiques structurelles par un phénomène d’européanisation montante, puis donnent lieu à des financements disponibles pour d’autres régions grâce à l’application des politiques européennes au niveau local (européanisation descendante). Il est intéressant de noter qu’une troisième forme d’européanisation joue : l’européanisation horizontale, qui correspond à une diffusion directe de processus politiques d’une région à l’autre. Par l’observation et l’imitation de programmes, les régions profitent d’un effet d’apprentissage qui leur permet de mieux gérer leurs dossiers pour disposer de financements européens.

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Figure 1.7. Les trois aspects de l’européanisation des politiques structurelles

Enfin, les effets d’apprentissage se transmettent aussi de façon plus verticale à l’intérieur d’une région. C’est le cas dans le NPdC, où le Conseil régional consacre une partie de son site internet aux conseils pour monter un projet européen en diffusant une liste de subventions possibles, des documents téléchargeables (comme des dossiers de subvention), la présentation du cheminement d’un dossier et une liste d’appels à projets européens. Les représentants du Conseil régional aident ainsi les petites collectivités territoriales à monter des dossiers européens [annexe 1.5.6], les faisant ainsi bénéficier de leur expérience des procédures européennes.

1.5. Problèmes rencontrés lors de la mise en œuvre des modèles

Certaines caractéristiques des modèles théoriques et de la complexité des études empiriques à l’échelle européenne limitent les possibilités d’une application systématique des modèles de lobbying informationnel aux négociations sur les politiques structurelles. 1.5.1. Limites des modèles de lobbying informationnel Les premières difficultés rencontrées lors des essais d’applications tiennent aux limites des modèles de lobbying informationnel eux-mêmes. Ainsi, si l’on considère le modèle élaboré par Potters et van Winden (1992), sa principale limite est qu’il s’agit d’un jeu à un coup, qui tient plus du « coup de bluff » que des véritables stratégies de lobbying développées en réalité par les régions – c’est-à-dire des contacts répétés sur longue période avec la Commission européenne. Sous cette forme, le modèle ne permet donc pas de rendre compte des informations accumulées par la Commission grâce au suivi

Politiques structurelles européennes

Financement de nouveaux programmes européens par la Commission européenne

Innovations institutionnelles locales

Européanisation montante

Européanisation descendante

Européanisation croisée

Imitation de programmes d’une région à l’autre Apprentissage des

négociations et de la gestion des programmes européens

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des programmes (évaluations in itinere et ex post) ni des effets d’apprentissage dont bénéficient les régions au fur et à mesure qu’elles mettent en œuvre leur lobbying. On peut envisager de modifier, dans des travaux futurs, les hypothèses du modèle afin de prendre en compte ces deux phénomènes : si ce jeu est répété sur plusieurs périodes, on peut considérer que la croyance ex ante de la Commission à une période correspond à sa croyance ex post de la période précédente. En ce qui concerne l’effet d’apprentissage pour le lobby, cela peut se traduire par une diminution progressive du coût d’envoi du message, rendant le coût du lobbying de moins en moins prohibitif. Mais plus fondamentalement, le problème posé par cette famille de modèles, et plus généralement par les modèles de théorie des jeux, est que les règles du jeu sont supposées connues des joueurs et fixées dès le départ. Ces hypothèses très fortes posent problème dans le cas des négociations politiques européennes, pour lesquelles on observe plutôt que les différents intervenants découvrent et construisent eux-mêmes les règles du jeu par tâtonnement : cela s’observe notamment dans le cadre des politiques structurelles où, sous l’effet des stratégies des uns et des contre-stratégies des autres, des réformes de la Commission et des pressions des gouvernements et des régions pour contrecarrer ces réformes, le processus décisionnel a été redéfini à plusieurs reprises. C’est ainsi que, par rapport au simple système de quotas nationaux fixes du début des politiques régionales, les conditions des négociations sont devenues considérablement plus complexes et contraignantes dans le système actuel constitué de principes de gestion, de règles d’attribution selon des critères changeants, de réserves de performances et de mécanismes de contrôle, d’objectifs réorientés et de Fonds multiples. 1.5.2. Difficultés propres aux études européennes Un deuxième ensemble de difficultés tient à la complexité des configurations européennes. Les différences qui existent non seulement entre les Etats membres, mais également entre les régions d’un même pays, sont telles qu’il est quasiment impossible de dégager une stratégie typique pour une région ou un Etat représentatifs. C’est probablement ce qui explique que les questions européennes soient insuffisamment théorisées et analysées par les économistes, tandis qu’elles font l’objet d’une littérature plus abondante sous forme d’études de cas précis en science politique. On peut illustrer ce problème en dressant une liste non exhaustive des différences entre Etats et entre régions dans le cadre des politiques régionales et structurelles. Ces écarts de configuration permettent de mieux comprendre pourquoi on fait face à une telle diversité de stratégies de la part d’acteurs pourtant soumis à de mêmes procédures communautaires.

1.5.2.1. Structure et pouvoir des autorités régionales Keating et Hooghe [1996] ont mis en avant la diversité des configurations politiques au niveau régional dans plusieurs Etats membres [tableau 1.5]. L’entrée de nombreux petits pays en mai 2004 a encore accru l’hétérogénéité des situations.

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Tableau 1.5. La diversité des configurations politiques régionales Allemagne Régions (Länder) avec des gouvernements puissants tirant leur légitimité

d’élections démocratiques France Les autorités régionales sont institutionnellement faibles et en concurrence

avec des figures politiques puissantes enracinées dans les villes et les départements ainsi que la bureaucratie territoriale de l’Etat central

Royaume-Uni Absence d’autorités régionales, mais une capacité à mobiliser des lobbies territoriaux comprenant à la fois des acteurs gouvernementaux et privés (y compris à travers la création récente des Regional Development Agencies)

Espagne Communautés autonomes (Autonomias) avec une identité historique plus ou moins forte

Italie Les autorités régionales sont traditionnellement faibles institutionnellement, dominées par les partis politiques nationaux et faiblement liées à la société civile

Belgique Depuis la réforme fédérale de 1993, dirigeants puissants responsables devant des assemblées élues, sur le modèle des Länder allemands

1.5.2.2. Motivations

Les pays les moins favorisés, dans lesquels la plupart des régions sont éligibles à l’objectif 1 (Grèce, Portugal, Irlande, une grande partie de l’Espagne), ont tendance à avoir pour but de réduire les inégalités nationales par rapport au reste de l’Union européenne. En revanche, les pays plus riches ont plutôt une problématique de réduction des disparités au niveau infrarégional (par exemple des zones urbaines). Mais cette distinction ne suit pas nécessairement un découpage Nord / Sud : par exemple, les régions espagnoles sont habituellement dynamiques et motivées pour se développer tandis que le Mezzogiorno italien reste soumis à un système clientéliste. En France, il peut exister de grandes différences de motivation selon les régions [entretien avec Carole Garnier, annexe 1.5.1].

1.5.2.3. Qualité du suivi Dans le cas du monitorage des projets, la distinction correspond beaucoup plus nettement à un clivage Nord / Sud. Les pays du Nord fournissent une meilleure évaluation, avec des comptes plus clairs et plus complets, car ils ont une culture d’évaluation financière et physique que le Sud n’a pas. Par exemple, les dossiers de contrôle des programmes remis par les régions espagnoles et portugaises à la Commission contiennent souvent des données manquantes. Il arrive même que la Commission soit mieux informée que certaines de ces régions [entretiens avec Carole Garnier et Frédérique Lorenzi, annexes 1.5.1 et 1.5.3].

1.5.2.4. Existence d’une tradition nationale de politique d’aménagement du territoire

Certains pays mènent des politiques régionales et d’aménagement du territoire au niveau national depuis longtemps et ont eu le temps de se forger des habitudes nationales. Ces pays ont tendance à ne pas suivre facilement les règles émises par la Commission et à vouloir continuer à dépenser les aides européennes selon leurs propres

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habitudes [Smyrl 1995 et annexe 1.5.6]. En revanche, les pays du Sud et de nombreux pays de l’Est n’ont pas réellement établi de traditions nationales dans ce domaine car ces politiques n’existaient pas toujours au niveau national avant l’adhésion à l’Union européenne ; ils sont donc plus disposés à appliquer les règles de dépenses à la lettre.

1.5.2.5. Qualité du lobbying Certains pays produisent un lobbying informationnel très efficace : c’est notamment le cas du Royaume-Uni, qui fournit à la Commission des informations traitées de manière à obtenir des aides [entretien avec Frédérique Lorenzi, annexe 1.5.3]. Mais là encore, il existe des différences entre les Etats membres et au cœur d’une même pays, si bien que certaines régions ont une efficacité nettement moindre (par exemple, la Corse agit plus à travers des menaces violentes que par une transmission stratégique d’information [entretien avec Alain Lipietz, annexe 1.5.4]) ou même ne font pas de lobbying du tout.

1.5.2.6. Un exemple de deux types opposés de régions au sein d’un même pays : Bretagne et région PACA

L’étude de cas menée par Smyrl [1995] illustre bien les profondes différences qui peuvent exister entre deux régions d’un même pays. Smyrl étudie l’application des programmes communautaires dans deux régions françaises, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur [PACA] et la Bretagne (il aborde ensuite dans une moindre mesure la région Languedoc-Roussillon) pendant dix ans. Ses recherches révèlent que, même dans un pays aussi centralisé que la France, un même programme a donné lieu à des modèles institutionnels différents selon les régions. Le tableau 1.6 résume les oppositions entre les deux régions.

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Tableau 1.6. La mise en œuvre de la politique régionale communautaire dans deux régions : Bretagne et région PACA Bretagne PACA Caractéristiques des régions Oppositions Catholique

Corporatiste Consensuelle

région du « Nord »

Laïque Clientéliste Conflictuelle

région du « Sud »

Points communs - Prédominance rurale, mais présence de centres industriels établis de longue date et une industrie du tourisme très développée, concentrée sur la côte

- Régions périphériques - Fort sens de l’identité régionale

Mise en œuvre de la politique régionale Exemplaire Problématique

Coordination entre les sources de financement (nationale, régionale, départementales, municipales…)

Etablissement de mécanismes institutionnels destinés à éviter les financements croisés : collaboration des différents niveaux politiques pour tout regrouper en un paiement

Persistance de financements croisés, coordination absente ou très faible entre les différentes sources de financements

Contrôle financier ex post : règles françaises (contrôle physique) vs. règles européennes (contrôle financier)

Utilisation des règles françaises en cours de projet (avancée physique du projet), utilisation des règles européennes (certification financière) uniquement en fin de projet

Application trop zélée des règles européennes (exigence de dossiers financiers entiers avant d’accepter de certifier l’avancée physique) qui entraîne des retards de paiements et la nécessité d’emprunter

Information sur les programmes européens

Information fiable et abondante : antenne à Bruxelles en liaison avec le Conseil régional et la préfecture, forum informel regroupant des représentants du Conseil régional, de la préfecture, des autorités locales et départementales et de la Chambre de commerce

Information quasi inexistante

Evolution des relations avec la Commission européenne et de la gestion de la politique régionale

Longue tradition du lobbying auprès de la Commission et du gouvernement français. Importantes aides communautaires dès le début des années 1980, lobbying sur les négociations précédant la réforme de 1988. Amélioration de l’organisation et de l’efficacité des relations avec Bruxelles grâce à un effet d’apprentissage de longue date

Le Conseil régional perd de plus en plus le contrôle de la politique régionale, au profit de la préfecture de région et des départements. Amélioration de la gestion par les départements depuis 1988 mais crainte que la préfecture ne renforce son pouvoir. Amélioration progressive de la capacité de la préfecture de région à gérer les financements européens

« Style politique » (Attitude des acteurs politiques à l’égard de la politique régionale européenne)

- Consensus - Volontarisme - Unité solide et constante vis-à-

vis de l’extérieur - Degré élevé de confiance

réciproque entre acteurs régionaux et infra-régionaux

- Fragmentation - Réactivité au cas par cas - Divisions ouvertes visibles

dans les relations externes - Manque total de confiance

entre acteurs régionaux et infra-régionaux

Source : synthèse des arguments de Smyrl [1995]

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1.5.3. Problèmes statistiques Le dernier type de difficultés concerne les données statistiques, qui souvent sont incomplètes ou cachent certains comportements.

1.5.3.1. Obstacles à la collecte des données Il est difficile d’obtenir des données exhaustives, pour différentes raisons : certains éléments sont confidentiels ou difficiles à évaluer (par exemple le coût du lobbying, surtout quand il n’est pas réalisé par des lobbyistes indépendants mais par des membres de collectivités territoriales), certaines sources ne sont pas mises à jour rapidement ni intégralement parce que les informations sont trop lourdes à gérer (c’est le cas de la base de données sur le site internet d’Inforegio, qui s’est cependant améliorée depuis les trois dernières années) et les données sur certains programmes en cours de négociation ne sont disponibles qu’avec un certain retard. Ainsi, on pourrait envisager de tester la réactivité et le degré d’effort des régions pour maximiser leurs subventions en étudiant les stratégies mises en place par les régions actuellement en soutien transitoire objectif 1. Il s’agirait de déterminer dans quelle mesure ces régions parviennent à mobiliser des sources de financement alternatives afin de compenser au moins partiellement la perte liée à la sortie de l’objectif 1 : de quels autres programmes bénéficient-elles ? Quels montants reçoivent-elles pour ces programmes ? Mais cela supposerait de connaître la liste de ces programmes et le détail de la répartition par régions, alors que seules des informations partielles sont disponibles [cf. annexe 1.1, tableau 1.12 : seul le montant global d’un projet Interreg est connu, mais les statistiques ne détaillent pas comment la somme globale est utilisée entre les différentes collectivités territoriales].

1.5.3.2. Ce que les chiffres ne montrent pas Même lorsque les données sont disponibles, elles peuvent cacher certaines évolutions pourtant révélatrices de comportements stratégiques. Deux exemples déjà cités au paragraphe 1.4.4.1. permettent d’illustrer ce problème. • L’évolution de la délimitation des zones éligibles à l’objectif 1 ne dépend pas

uniquement d’une évolution du PIB par habitant mais peut également reposer sur un zonage stratégique. Ainsi, la répartition de certaines communes de la zone métropolitaine de Lisbonne entre trois régions NUTS II (Lisbonne et Vallée du Tage, Alentejo et Centre) a été redéfinie dans le but de placer davantage de communes en zone objectif 1 et de recevoir davantage de financements [Silva 2002].

• Sur le papier, des indicateurs statistiques peuvent attester qu’une zone est éligible à un programme européen sans pour autant refléter la réalité de la situation sur le terrain : c’est le cas de la commune de Mola di Bari, qui souffre des problèmes typiques d’une zone rurale et en retard de développement, mais qui, en tant que ville, est tenue de remplir des critères d’éligibilité urbains standard [Tedesco 2002].

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1.6. Conclusion En dépit des difficultés théoriques et empiriques pour mettre en œuvre la modélisation proposée dans ce chapitre, il demeure certaines intuitions sur le processus de formation des politiques régionales européennes et sur les stratégies développées par les trois niveaux d’acteurs politiques. Nous avons montré que les politiques structurelles étaient passées d’un processus purement intergouvernemental à un certain degré de gouvernance multi-niveaux dans lequel la Commission et les régions cherchent à promouvoir leurs objectifs. En effet, la création d’instruments et de programmes de politiques structurelles (création des Fonds structurels, du Fonds de cohésion, de nouveaux objectifs prioritaires comme celui concernant les zones nordiques très peu peuplées) a d’abord été motivée par la nécessité d’accorder à certains pays des compensations par rapport à d’autres politiques européennes, conformément à un mécanisme de concessions/contre-concessions très fréquent dans les négociations intergouvernementales européennes. Mais, une fois que le jeu très politique des négociations au niveau des gouvernements a conduit à attribuer un budget aux politiques structurelles, la Commission et les régions interviennent dans le processus de décision pour y défendre leurs intérêts. Les stratégies des Etats pour mettre en avant leurs objectifs sont donc d’abord conditionnées par les rapports de force dans les négociations intergouvernementales sous forme de paquets de décisions et dans un cadre d’interdépendance asymétrique. Parallèlement aux relations intergouvernementales, qui restent l’enjeu prépondérant pour eux, les Etats s’efforcent de réaffirmer leur pouvoir d’influence face à la Commission à travers une influence accrue sur la définition des zones éligibles et un désir de reprendre le contrôle de l’utilisation des financements. En revanche, la diversité des configurations politiques infranationales fait que l’on ne peut pas dégager de traits communs à l’échelle européenne sur les stratégies des gouvernements centraux à l’égard des régions. Pour encadrer le comportement des Etats membres et faire passer ses propres objectifs dans l’utilisation des dépenses structurelles, la Commission utilise son pouvoir formel sur la définition de la réglementation, des principes de gestion et des critères techniques. Par ailleurs, elle mobilise différents types de stratégies pour améliorer son information face aux Etats membres et aux régions : en cherchant avant tout à rencontrer les lobbies qu’elle juge les plus représentatifs ou en profitant de sa position centrale pour confronter les messages partiels fournis par un grand nombre de lobbies, elle peut en extraire une meilleure information ; en déployant ses propres sources d’information (utilisation de modèles macroéconomiques, développement de données statistiques désagrégées), elle s’efforce de réduire sa dépendance par rapport aux sources externes. Quant aux régions, celles qui ont la volonté politique et le savoir-faire technique pour exercer un lobbying informationnel efficace ont mis en place des stratégies d’influence indirecte s’appuyant sur la Commission. L’impact du lobbying sur l’ensemble des politiques structurelles reste limité par rapport au rôle fondamental des négociations intergouvernementales mais, pour certaines régions, cette action au niveau européen est

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la seule marge de manœuvre dont elles disposent pour accroître, parfois de façon substantielle, leurs ressources budgétaires. Le cas de l’objectif 2 permet de donner une vue d’ensemble de la confrontation entre les stratégies des trois niveaux d’acteurs politiques. Il est en effet révélateur de plusieurs comportements caractéristiques : • les réticences de la Commission envers des projets microéconomiques pour lesquels

elle est mal informée, d’où sa proposition récente de remonter d’un microzonage à un niveau NUTS II, voire NUTS I ;

• le comportement stratégique de la part des régions et de la Commission autour du lobbying informationnel et l’importance de la configuration du jeu de lobbying : la Commission se montre plus méfiante face à un lobby qu’elle juge trop idiosyncrasique (comme le RETI) qu’à l’égard d’un lobby supposé plus représentatif d’intérêts à l’échelle européenne (comme le lobby des régions objectif 2) ;

• certaines stratégies des gouvernements pour conserver le contrôle partiel des dépenses : à travers l’application de politiques structurelles à un niveau microéconomique que la Commission ne peut pas observer et à travers la proposition de purement et simplement renationaliser l’objectif 2.

L’autre apport principal de ce chapitre est de souligner l’importance des effets d’apprentissage des règles du jeu et des processus de décision et, en retour, l’effet des marges d’interprétation sur l’évolution des règles du jeu. Plusieurs éléments de l’analyse vont dans ce sens. • Les régions ayant une plus longue expérience des relations avec la Commission

européenne connaissent mieux les processus décisionnels, ont une meilleure gestion technique des dossiers et peuvent transmettre leurs compétences aux acteurs infrarégionaux (cf. l’étude de cas sur le NPdC développée dans ce chapitre et la comparaison entre la Bretagne et la région PACA présentée par Smyrl [1995]).

• L’européanisation des politiques régionales permet à des régions de mettre en œuvre de nouvelles politiques, soit parce qu’elles ont été intégrées aux instruments communautaires par un enchaînement européanisation montante - européanisation descendante, soit par une imitation directe des comportements des régions entre elles.

• La nécessité pour une zone de remplir les critères européens peut donner lieu à un lobbying pour une interprétation plus souple des critères, modifiant marginalement les règles du jeu en fin de processus pour les adapter à la situation de la zone (mais contribuant aussi à redéfinir les critères pour la période de programmation suivante).

• La confrontation entre les critères et la réalité empirique locale peut également entraîner une adaptation de la zone elle-même aux critères, par exemple grâce à une redéfinition du zonage.

En résumé, nous avons montré à travers plusieurs exemples que dans le cadre des politiques structurelles, à chaque niveau politique – supranational, national, infranational –, les acteurs politiques adaptent leurs stratégies au processus décisionnel et qu’inversement, l’évolution du processus décisionnel se fait sous la pression des

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différentes stratégies. L’introduction d’un degré de gouvernance multi-niveaux dans un contexte qui reste cependant largement intergouvernemental a permis à la Commission et à certains acteurs infranationaux de développer des stratégies pour mettre en avant leurs objectifs. L’évolution des politiques monétaires étudiée au chapitre suivant va dans une direction opposée : la conduite de la politique monétaire est allée au contraire vers une centralisation des décisions et l’instauration de la seule véritable politique fédérale à l’échelle européenne actuellement. Nous verrons cependant que les interrogations sur les conflits d’intérêts se posent tout autant que dans le domaine des politiques structurelles.

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CHAPITRE 2.

LA POLITIQUE MONETAIRE DU SME A L’UEM : « CHACUN POUR SOI », « UN POUR TOUS »

OU « TOUS POUR UN » ?

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2.1. Introduction Ce deuxième chapitre est consacré à l’analyse des conditions de formation des politiques monétaires nationales puis d’une politique monétaire unique à l’échelle de la zone euro. Comme dans l’ensemble de la thèse, l’objet principal n’est pas d’étudier les effets de la politique monétaire (par exemple ses performances en matière de stabilisation des prix et de l’activité réelle), ni de discuter du caractère optimal des décisions de politique monétaire, mais de se concentrer sur la révélation du processus décisionnel sous-tendant la formation et la transformation de la politique monétaire. Indépendamment de tout débat sur le bien-fondé des règles, des poids relatifs attribués aux différents objectifs politiques ou du niveau de la cible d’inflation, ce chapitre a pour but de décrire les règles effectivement suivies par la plupart des banques centrales européennes depuis les années 1980. Cette question recouvre deux aspects de la formation des politiques monétaires : d’abord, selon quelles règles de politique monétaire le taux d’intérêt préféré est-il choisi ? Ensuite, par quel type de processus décisionnel passe-t-on des souhaits sur le taux d’intérêt à l’application de la politique monétaire ? Par ailleurs, l’approche positive des politiques monétaires développée dans ce chapitre conduit à étudier dans quelle mesure la mise en œuvre effective des politiques monétaires est conforme à la règle prévue par le dispositif institutionnel initial. Le titre du chapitre fait référence au changement de régime de 1999, lorsque les pays du Système monétaire européen (SME) qui ont adopté l’euro sont passés de onze puis douze politiques monétaires nationales à une politique monétaire unique décidée conjointement pour l’ensemble de la zone. Quels sont les impacts de ce changement en termes de perte d’autonomie, de répartition du pouvoir de décision, de contraintes sur la fixation du taux d’intérêt ? La coexistence de politiques monétaires nationales dans le cadre du SME préservait-elle réellement une certaine autonomie des décisions entre les pays ? L’abandon d’une monnaie nationale pour une monnaie unique ne peut-elle pas paradoxalement s’accompagner d’un accroissement du pouvoir de décision sur la politique monétaire ? Le passage de politiques nationales à une politique européenne se résume-t-il à appliquer la même règle à une échelle plus large ? En ce qui concerne le choix des outils d’analyse, ce chapitre repose en grande partie sur une réflexion à partir de la règle de Taylor. Permet-elle une analyse suffisamment riche de l’évolution des politiques monétaires en Europe, et en particulier est-elle à même de rendre compte des changements induits par le passage du SME à l’Union économique et monétaire (UEM) ? La littérature empirique utilisant la règle de Taylor et consacrée à la politique monétaire en Europe montre souvent que si la Banque centrale européenne (BCE) avait suivi la même règle de politique monétaire que la Bundesbank, elle aurait mis en œuvre un taux d’intérêt plus élevé. En d’autres termes, selon ces études, la BCE mène une politique plus souple que celle qu’aurait menée la Bundesbank à sa place. Or, si la rupture est assez bien mise en évidence par la confrontation de la règle de la Bundesbank appliquée à la zone euro et du taux effectivement choisi par la BCE, cette simple transposition de règle ne fournit en revanche pas d’explication sur les causes du changement ni sur les modalités de la formation de la politique monétaire de la BCE.

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Une analyse institutionnelle des processus décisionnels est nécessaire pour compléter la comparaison entre le SME et l’UEM. Ce chapitre propose de montrer que le changement de politique monétaire ne correspond pas uniquement à un changement de l’échelle à laquelle la règle s’applique, mais aussi et surtout à un changement profond des règles du jeu, c’est-à-dire de la procédure de détermination du taux d’intérêt. Ce qui doit faire le caractère véritablement européen de la règle suivie par la BCE, ce n’est pas seulement qu’elle s’applique à des données européennes : c’est le processus décisionnel lui-même qui est supposé devenir européen. Or, en l’absence d’une transparence suffisante sur les débats et les votes au sein du Conseil des gouverneurs (CG) de la BCE, il n’est pas possible d’observer directement le détail des décisions individuelles et la façon dont la décision collective se forme. Ce défaut de communication est d’ailleurs à l’origine de nombreuses critiques et de suspicions de dysfonctionnement institutionnel de la BCE. Deux enjeux théoriques sont ainsi mis en avant : d’une part, la nécessité de mieux tenir compte du cadre institutionnel et décisionnel pour tenter de dépasser les limites d’une lecture de la règle de Taylor isolée de son contexte ; d’autre part, le besoin d’une méthode de révélation indirecte du fonctionnement institutionnel de la BCE lorsqu’une observation directe n’est pas possible. Nous tentons de fournir des pistes de réponses à travers plusieurs réinterprétations de la règle de Taylor, en la combinant à une étude économétrique sous une forme modifiée, à des éléments de théorie de la prise de décision collective et à une analyse institutionnelle de la politique monétaire européenne. Après un retour sur les problèmes théoriques et empiriques posés par la règle de Taylor et ses développements ainsi que par la comparaison de règles ayant des bases méthodologiques et structurelles différentes [Section 2.2], ce chapitre propose de retracer l’évolution des processus de formation des politiques monétaires depuis le début du SME jusqu’au futur élargissement de l’UEM. Dans un premier temps, une analyse économétrique rétrospective des ajustements de court terme des taux d’intérêt dans le SME révèle la formation de deux clubs de pays selon le degré d’autonomie de leur politique monétaire, puis la convergence vers une zone Mark dominée par la Bundesbank [Section 2.3]. Une deuxième approche, fondée sur des simulations de règles de Taylor nationales et de trois procédures de vote au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE, suggère une méthode indirecte pour évaluer le caractère partisan ou européen des votes en l’absence de transparence sur le contenu des débats et des votes [Sections 2.4 et 2.5]. Enfin, des simulations sous forme d’expérience de pensée utilisent la règle de Taylor non comme guide pour la politique monétaire, mais comme un révélateur d’écarts de préférences permettant de juger de la cohérence institutionnelle de la zone euro lorsque de nouveaux pays rejoindront l’UEM [Section 2.6]. La septième section conclut.

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2.2. La règle de Taylor et ses développements : problèmes méthodologiques

2.2.1. La première version de la règle de Taylor Dans son article fondateur de 1993, Taylor présente comme un « exemple simple » de « ce à quoi une règle de politique [monétaire] représentative pourrait ressembler ». Il s’agit d’une fonction de réaction de la Banque centrale selon l’inflation et l’écart de production (ou output gap) avec, pour les Etats-Unis, les pondérations suivantes selon Taylor :

r = p + 0,5 y + 0,5 (p-2) + 2 où r est le taux d’intérêt de la Federal Reserve (federal funds rate), p est le taux d’inflation au cours des quatre trimestres précédents, y est l’écart en pourcentage du PIB réel Y par rapport au PIB réel tendanciel Y*. On a : y = 100 (Y-Y*)/Y* (avec un taux de croissance tendanciel du PIB réel de 2,2% par an aux Etats-Unis de 1984:1 à 1992:3). Cette règle suppose une cible d’inflation de 2% et donne le même poids à la cible d’activité réelle et à la cible d’inflation. Taylor indique que de cette façon, lorsque l’inflation et le PIB réel atteignent leur cible, le taux d’intérêt réel r-p est de 2%, ce taux d’intérêt réel d’équilibre étant proche du taux de croissance à l’état stationnaire de 2,2%. Cela signifie également que le taux d’inflation passé, p, sert de proxy pour l’inflation anticipée dans le calcul du taux d’intérêt réel. La règle de Taylor a été largement discutée depuis 1993 et elle ne fait pas l’unanimité parmi les économistes. Ainsi, Svensson [2003] critique les fondements même d’une telle règle : selon lui, plutôt que de se concentrer sur le taux d’intérêt, c’est-à-dire sur l’ instrument de la politique monétaire, et de donner des indications réductrices et mécaniques, une bonne règle de politique monétaire devrait consister à se fixer une cible d’inflation, donc un objectif, et à se donner les meilleurs moyens de l’atteindre. En effet, Svensson critique l’idée d’un engagement à suivre une simple règle d’instrument, selon laquelle l’instrument de la banque centrale serait uniquement fonction de l’information disponible sur l’économie. Cela ne permet pas d’expliquer la politique monétaire observée, surtout en ce qui concerne la cible d’inflation. Par ailleurs, la proposition consistant à utiliser une règle d’instrument de politique monétaire comme une ligne de conduite – dont la banque centrale serait parfois appelée à dévier – est trop incomplète et trop vague pour être opérationnelle : elle ne précise pas à quel moment il est approprié de dévier de la règle, ni de quelle façon. Svensson souligne d’ailleurs qu’aucune banque centrale ne s’est explicitement engagée à suivre une simple règle d’instrument ni à utiliser une telle règle comme ligne de conduite. En revanche, il observe que la réforme de la politique monétaire au cours des années 1980-2000 s’explique mieux en termes de formulation d’objectifs clairs pour la politique monétaire et de création d’engagements institutionnels sur ces objectifs. Les banques centrales à cible d’inflation ont ainsi développé des processus décisionnels élaborés, dans lesquels d’énormes quantités de données sont collectées et traitées, les

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anticipations d’inflation et d’output gap sont construites avec beaucoup de discernement (« judgment ») et grâce à des informations hors modèle, et la décision sur l’instrument est prise sur la base de ces prévisions. A la place d’une règle sur l’instrument de politique monétaire, Svensson propose donc d’établir des règles d’engagement à suivre une certaine cible d’inflation, ce qui permet d’utiliser le bon sens et l’information hors modèle, donc de disposer d’une vision plus large qu’une simple règle instrumentale. Malgré ces critiques, la littérature sur la règle de Taylor s’est beaucoup développée depuis 1993, donnant lieu à une grande variété de spécifications dérivées de la règle initiale. 2.2.2. La variété des modèles sous-jacents et des choix techniques, un obstacle

pour les comparaisons Le succès de la règle de Taylor s’explique notamment par sa simplicité de présentation et l’apparente facilité de sa mise en œuvre et des comparaisons qu’elle permet entre pays et entre périodes. Mais au-delà de cette simplicité, la règle de Taylor constitue en fait une forme réduite qui synthétise des relations macroéconomiques complexes : non seulement les préférences du banquier central – mesurées par la valeur de ses différents objectifs et par les pondérations qu’il leur accorde lors de l’arbitrage entre la stabilisation de l’activité et celle de l’inflation – mais aussi le modèle macroéconomique sur lequel sa politique repose. C’est pourquoi la comparaison des différentes règles proposées dans la littérature est perturbée car, malgré leur ressemblance formelle, elles cachent une diversité de modèles sous-jacents, de choix de variables et d’objectifs politiques. De plus, la règle de Taylor d’un même pays peut être variable dans le temps, reflétant des changements structurels – par exemple un accroissement de la flexibilité sur le marché du travail – et des changements d’objectifs de politique monétaire – par exemple une cible d’inflation plus basse, ou un poids plus important consacré à l’objectif d’inflation. La difficulté d’interprétation et de comparaison est renforcée par la sensibilité des coefficients de la règle au choix des variables, aux détails de spécification et aux techniques d’estimation. Khoury [1990], Smant [2002] et Eleftheriou [2003] ont mis en évidence cette sensibilité en comparant chacun un grand nombre d’estimations de fonctions de réaction, respectivement pour la Federal Reserve, la Bundesbank et la zone euro. En ce qui concerne le choix des variables, de nombreuses options sont envisagées dans la littérature : le modèle peut être tourné vers le passé ou vers l’avenir, l’output gap et l’inflation sont mesurés selon différentes techniques et des variables supplémentaires peuvent être prises en compte. La technique utilisée pour mesurer les coefficients des objectifs d’activité et d’inflation est un autre problème souvent discuté. Dans son article de 1993, Taylor soulignait déjà

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qu’il n’y avait pas de consensus sur la taille des coefficients. Deux principales approches sont utilisées pour les évaluer dans la littérature. • Premièrement, les coefficients peuvent être estimés directement en régressant le

taux d’intérêt sur l’output gap et sur le taux d’inflation ainsi que sur d’éventuelles variables supplémentaires. Cette approche positive donne une estimation empirique de la règle suivie en réalité, mais sans fournir d’explication sur le niveau des coefficients. Clarida, Gali et Gertler [1998] ont développé une technique d’estimation de règles de Taylor plus élaborée qu’une régression directe. Ils considèrent un taux d’intérêt cible r* , qui dépend de l’inflation future anticipée et de l’activité économique courante :

r t* = rr + πt* + β(E[πt+n|Ωt] - πt*) + γ E[yt|Ωt] + ξ E[zt|Ωt]

où r t*, rr, πt+n, πt* et yt sont respectivement la cible de taux d’intérêt nominal, le taux d’intérêt réel d’équilibre (constant), l’inflation de t à t+n, la cible d’inflation et l’ output gap. La variable z est une autre variable pouvant influencer la politique monétaire (l’inflation passée, l’offre de monnaie, un taux d’intérêt étranger ou le taux de change) et E[.|Ωt] est l’espérance conditionnelle à l’information disponible. La banque centrale détermine son taux d’intérêt de façon à s’ajuster partiellement à la cible, mais en ajoutant un terme de taux d’intérêt passé afin de lisser l’évolution du taux d’intérêt (ρ étant le paramètre de lissage) et un choc exogène υt :

r t = (1-ρ)r t* + ρr t-1 + υt

La relation estimée est donc :

r t = (1-ρ)α + β E[πt+n|Ωt] + γ E[yt|Ωt] + ξ E[zt|Ωt] + ρr t-1 + υt

où α = rr + (1-β)π* (la cible d’inflation π* étant constante). Pour réaliser l’estimation, les variables anticipées sont remplacées par leurs observations et les erreurs d’anticipation sont incluses dans le résidu de l’équation.

• La deuxième technique, décrite notamment par Taylor [1999], évalue les coefficients grâce à un modèle stochastique dynamique comprenant dans la plupart des cas la forme réduite d’une courbe IS (1) et une équation d’ajustement des prix (2), par exemple :

yt = -β(i t - πt - r) + ut (1) πt = πt-1 + α yt-1 + et (2)

et avec la règle de politique monétaire suivante : i t = gππt + gyyt + g0 (3)

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où y est l’écart en pourcentage du PIB réel Y par rapport au PIB potentiel, i est le taux d’intérêt nominal de court terme, π est le taux d’inflation et e et u sont des chocs stochastiques non corrélés et de moyenne nulle. Ce cadre permet de calculer la règle de politique monétaire optimale en termes de minimisation d’une fonction de perte, qui peut être, par exemple, une moyenne pondérée de la variance de l’inflation et de la variance de la production réelle :

E(Lt ) = E(πt -π*)² + λE(yt - y*) + νE(it - it-1)² Il s’agit donc d’une méthode normative, qui indique une règle théorique optimale mais qui ne rend pas nécessairement compte de la règle suivie en réalité par la banque centrale.

Une troisième approche repose sur une comparaison en trois étapes entre des banques centrales. Dans un premier temps, la fonction de réaction d’une banque centrale est estimée ou calculée ; ensuite, cette même fonction de réaction est appliquée à un autre pays (cas 1) ou à une autre période (cas 2) ; enfin, le taux d’intérêt ainsi simulé est comparé au taux d’intérêt observé. L’écart entre le taux simulé et le taux observé mesure dans le cas 1 la différence de comportement des deux banques centrales et, dans le cas 2, un changement de comportement de la banque centrale d’une période à l’autre. Le tableau 2.1 résume les principaux choix méthodologiques à l’origine des écarts de mesure des règles de Taylor dans la littérature, en dehors bien sûr du pays et de la période considérés. Ces choix expliquent la richesse de la littérature sur la règle de Taylor et la grande diversité des résultats qu’elle engendre [voir Annexe 2.1 pour un tableau comparatif].

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Tableau 2.1. Sources de variabilité des mesures des règles de Taylor

Horizon temporel Modèle tourné vers le passé ou vers l’avenir ; nombre de périodes de retard ou d’anticipation

Type de données mesurant l’activité : PIB, indice de la production industrielle, taux de chômage

Mesure de l’output gap

Technique d’estimation de la production potentielle ou tendancielle : méthodes statistiques (trend quadratique, filtre de Hodrick-Prescott [et choix du paramètre de lissage]), méthodes structurelles, méthodes fondées sur des fonctions de production

Si le modèle est tourné vers l’avenir, inflation = inflation observée ex post ou anticipée (mesurée par le forecast consensus)

Inflation totale ou sous-jacente (hors alimentation et énergie)

Mesure de l’inflation

Niveau de la cible d’inflation Cho

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es v

aria

bles

Constante Inflation courante ou cible d’inflation + taux de croissance tendanciel du PIB réel ou taux d’intérêt réel de long terme

Choix des coefficients pour la variance de l’inflation et la variance de l’activité dans la fonction de perte

Approche normative : calcul d’une règle optimale selon un modèle à trois équations : une courbe IS estimée, une courbe de Phillips estimée et une fonction de perte à minimiser

Technique de minimisation de la fonction de perte : par simulation stochastique ou par calibrage

Estimation directe de la règle standard ou estimation d’une règle modifiée, avec des variables supplémentaires : par exemple, le taux d’intérêt passé (inertie), un taux d’intérêt étranger de référence, le taux de change, la masse monétaire ou l’inflation passée

Approche positive : estimation rétrospective de la règle suivie

Méthode d’estimation : MCO, méthode des moments généralisés, méthode du maximum de vraisemblance, données de panel, modèles semi-structurels à équations simultanées, modèles VAR

Typ

e d’

appr

oche

Approche comparative : simulation d’une règle et comparaison avec la politique mise en œuvre

Type de règle simulée : une règle théorique de référence avec des pondérations données [par exemple (0,5 ; 0,5), ou (1,2 ; 0,8)] ; la règle estimée pour la Bundesbank avant l’euro ; une moyenne pondérée de règles nationales estimées pour plusieurs pays du SME avant 1999

2.2.3. Le problème de la mesure de l’output gap L’ output gap est défini comme la différence entre le PIB courant et le PIB potentiel. Or, il n’existe pas de définition univoque du PIB potentiel, ce qui rend difficile la mesure de l’ output gap. Plusieurs méthodes sont utilisées, comme l’indiquent Chagny et Döpke [2001].

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Eloïse Stéclebout Chapitre 2

81

2.2.3.1. Mesures directes Les mesures directes de l’output gap utilisent simplement des données d’enquêtes industrielles, comme le taux d’utilisation des capacités de production industrielle de la Commission européenne. Cependant, ces enquêtes ne sont disponibles que pour certains secteurs et portent sur un horizon à court terme, ce qui empêche de prendre en compte les effets à moyen terme de l’investissement sur la production potentielle. Par conséquent, cette approche est surtout utile pour déterminer les points de renversement des cycles d’affaires.

2.2.3.2. Mesures structurelles Les approches structurelles se distinguent des approches purement statistiques en ce qu’elles reposent sur des modèles de théorie économique. Parmi les méthodes structurelles, certaines utilisent une fonction de production (soit Cobb-Douglas, soit CES), ce qui permet de détailler l’analyse des composantes de la production potentielle – par exemple, le changement de l’output gap peut s’expliquer par l’évolution du volume des facteurs de production ou par leur productivité. Mais ces méthodes ont également quelques inconvénients : • Elles nécessitent beaucoup d’information, notamment des données sur le stock de

capital et sur la productivité totale des facteurs, de sorte qu’il est souvent impossible de les mettre en œuvre faute d’information disponible.

• Elles impliquent de faire des hypothèses ad hoc sur la main d’œuvre et le capital potentiels.

• Le choix de la fonction de production est lui-même relativement arbitraire. • Les capacités de production peuvent évoluer lorsque de nouvelles techniques de

production sont mises en œuvre. • Et surtout, ces méthodes utilisent également des techniques statistiques simples

d’extraction de la tendance (comme le filtre de Hodrick-Prescott), si bien que la distinction entre les méthodes structurelles et non structurelles n’est pas clairement délimitée.

Les modèles structurels VAR, ou S-VAR (structural vector autoregression), utilisent une relation statistique entre l’inflation et la croissance pour faire la distinction entre des changements permanents ou transitoires du PIB. La production potentielle est donnée par la composante déterministe du modèle et par l’impact de chocs d’offre, de sorte que l’ output gap correspond aux variations du PIB liées aux chocs de demande. Cela rend cette approche plus fine que celle des filtres univariés, puisque lorsqu’un choc d’offre affecte l’économie, un filtre univarié détecte à tort une augmentation de l’output gap là où un S-VAR voit un accroissement du PIB potentiel.

2.2.3.3. Mesures statistiques univariées et multivariées La principale motivation pour l’utilisation de méthodes purement statistiques est qu’elles nécessitent moins d’information que les méthodes reposant sur des modèles économiques théoriques. C’est pour cela qu’elles peuvent être appliquées lorsque seules

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Eloïse Stéclebout Chapitre 2

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des séries temporelles sont disponibles – ce qui est souvent le cas dans la zone euro, où les données nationales sont souvent incomplètes ou incomparables d’un pays à l’autre, et où l’on manque encore de données agrégées. La méthode d’extraction de la tendance la plus basique est linéaire, ce qui donne bien sûr une estimation très approximative de la production potentielle. L’output gap est dans ce cas l’écart entre le PIB courant et la tendance linéaire. Il existe des techniques plus élaborées, comme les moyennes mobiles sur longue période et le filtre de Hodrick-Prescott (HP) [Hodrick et Prescott 1997] défini comme suit :

min ∑ ∑=

−+

=

−−−+−T

1t

*1t

*t

*t

*1t

1T

2t

*tt )]²YY()YY[()²YY( λ

où Y est le PIB réel et Y* est la composante lissée (l’estimation du PIB potentiel). Le filtre HP, qui est une sorte de moyenne mobile améliorée, repose sur un double principe : la minimisation de la distance entre la valeur observée et la tendance (premier terme de l’équation) et la minimisation de la variation de la tendance (terme de droite). Ces deux principes jouant en sens contraire, le poids relatif accordé à l’objectif de lissage de la tendance est mesuré par le facteur λ. Pour des données trimestrielles, Hodrick et Prescott recommandent d’utiliser un facteur de lissage standard λ =1600.

2.2.3.4. Limites du filtre de Hodrick-Prescott Le filtre HP est facile à mettre en œuvre, ce qui explique qu’il soit fréquemment utilisé. Mais il pose également d’importants problèmes. • Comme tout filtre univarié, le filtre HP est un outil purement statistique et

mécanique. Il ne fournit aucune explication en termes de théorie économique sur le niveau de la production potentielle. Il peut toutefois être enrichi par l’incorporation d’informations économiques complémentaires, comme une courbe de Phillips, des estimations du NAIRU et le taux d’utilisation des capacités de production, comme dans le filtre HP multivarié construit par Laxton et Tetlow [1992]. Il est également possible d’utiliser des modèles à composantes inobservées fondés sur des modèles économiques, mais ces modèles sont cependant difficiles à appliquer dans le cadre de politiques macroéconomiques.

• Le choix du paramètre de lissage λ pose également problème. Il existe un large consensus sur une valeur de 1600 pour des données trimestrielles, mais la valeur à choisir pour des données annuelles est moins claire. En effet, plus λ est élevé, plus la tendance est lissée. Or, il faut arbitrer entre un effet de compression de l’output gap lié à un lissage trop faible (la variabilité de la tendance étant surestimée, la tendance apparaît trop volatile et l’output gap est sous-estimé) et, inversement, un effet d’amplification de l’output gap dû à un paramètre de lissage trop élevé (la variabilité de la tendance est sous-estimée, ce qui donne une tendance trop lisse et un output gap surestimé).

• Le filtre HP est assez sensible au choix de la période à laquelle il est appliqué.

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• Le filtre HP pose un problème aux bornes : les premières et dernières observations sont surpondérées par rapport aux observations de milieu d’intervalle, créant une distorsion de la tendance, qui est plus proche des valeurs observées aux deux extrémités de l’intervalles. Une solution à ce problème est de ne pas tenir compte des premières observations et d’étendre la série au-delà des dernières observations, au moyen de prévisions si nécessaire.

• Enfin, le filtre HP est incapable de détecter et de rendre compte de ruptures structurelles dans les séries, ce qui donne lieu à des output gaps très élevés de part et d’autre de la rupture. Le cas de l’Allemagne permet de voir clairement cet effet. Après la réunification de l’Allemagne en 1990, le PIB allemand a augmenté brusquement puisqu’il est passé du PIB de la seule République fédérale d’Allemagne au PIB de l’Allemagne réunifiée. Le graphique 2.1 ci-dessous montre la nécessité de diviser la période en deux intervalles pour mesurer l’output gap – même si cette solution n’est pas totalement satisfaisante puisqu’elle pose deux fois le problème du filtrage aux extrémités de l’intervalle.

Graphique 2.1. Comportement du filtre HP en cas de rupture et impact sur l’ output gap

Allemagne : filtre HP calculé sur une seule période

60

70

80

90

100

110

120

Q1

1979

Q1

1981

Q1

1983

Q1

1985

Q1

1987

Q1

1989

Q1

1991

Q1

1993

Q1

1995

Q1

1997

Q1

1999

Q1

2001

PIB en volume (1995=100) Tendance

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Allemagne : filtre HP appliqué à deux sous-périodes

60

70

80

90

100

110

120Q

1 19

79

Q1

1981

Q1

1983

Q1

1985

Q1

1987

Q1

1989

Q1

1991

Q1

1993

Q1

1995

Q1

1997

Q1

1999

Q1

2001

PIB en volume (1995=100)

Tendance avant la réunification

Tendance après la réunification

Allemagne : calcul de l'output gap sur une ou deux périodes

-4

-2

0

2

4

6

8

Q1

1979

Q1

1981

Q1

1983

Q1

1985

Q1

1987

Q1

1989

Q1

1991

Q1

1993

Q1

1995

Q1

1997

Q1

1999

Q1

2001

Output gap calculé sur une période Output gap calculé sur deux périodes

Finalement, la méthode choisie pour estimer l’output gap dans ce chapitre est le filtre HP, principalement pour des raisons pragmatiques : non seulement pour sa facilité de mise en œuvre, mais également par manque d’information et de données homogènes autres que le PIB des Etats membres et de la zone euro agrégée. Afin de limiter les effets de cette technique d’estimation, une attention particulière est portée au problème des ruptures (les observations sont donc divisées en sous-périodes en cas de rupture) et au problème des extrémités de l’intervalle d’observation (les premières et dernières observations sont laissées de côté lorsqu’elles apparaissent trop biaisées). La comparaison de nos calculs par rapport à d’autres estimations de l’output gap, par exemple celles effectuées par la Commission, montre que les résultats sont assez proches.

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2.2.3.5. Problèmes d’agrégation Dans quelle mesure est-il équivalent de calculer une combinaison linéaire d’output gaps nationaux pondérés par la part du PIB national dans le PIB européen, ou d’estimer directement un output gap européen sur la base de données européennes agrégées ? Lorsque l’output gap est calculé par la technique du filtre HP, les deux méthodes peuvent donner des résultats similaires sous trois conditions : • Il faut que les conjonctures des différents pays soient fortement corrélées. Si ce

n’était pas le cas, on combinerait des cycles économiques qui ne seraient pas en phase. En ce qui concerne les économies des pays participant à l’euro, on observe une assez forte corrélation depuis 1990, et à plus forte raison depuis 1999 pour la plupart des pays, comme le montrent les matrices de corrélation suivantes4.

Matrice de corrélation (1990.1 – 1998.4)

D A B E FIN F I NL P

D 1 A 0,505 1 B 0,733 0,608 1 E 0,676 0,703 0,810 1 FIN 0,404 0,128 0,480 0,485 1 F 0,744 0,687 0,762 0,846 0,529 1 I 0,544 0,476 0,780 0,766 0,605 0,791 1 NL 0,678 0,676 0,762 0,903 0,455 0,758 0,614 1 P 0,704 0,752 0,746 0,853 0,349 0,735 0,593 0,793 1

Matrice de corrélation (1999.1 – 2003.3)

D A B E FIN F I NL P D 1 A 0,733 1 B 0,611 0,793 1 E 0,781 0,837 0,732 1 FIN 0,633 0,643 0,672 0,547 1 F 0,880 0,660 0,575 0,715 0,619 1 I 0,914 0,634 0,462 0,700 0,597 0,864 1 NL 0,844 0,776 0,856 0,794 0,676 0,873 0,731 1 P 0,563 0,625 0,775 0,540 0,499 0,656 0,441 0,868 1

• L’ampleur des cycles nationaux doit être similaire, ce qui signifie que les output

gaps doivent être de niveaux comparables. C’est assez vrai dans la zone euro, même si des écarts persistent [voir graphique 2.6 dans le paragraphe 2.5.1].

• Les rythmes de croissance potentielle doivent être similaires. Si on les calcule par le taux de croissance annuel moyen en 1986-2003 [tableau 2.2], on trouve que ces rythmes sont assez proches d’un pays à l’autre puisqu’ils sont compris entre 2,2% et 2,8% par an, sauf pour le Portugal et l’Espagne qui ont des rythmes légèrement supérieurs.

4 La signification des lettres représentant les différents pays de l’UE est indiquée en fin de thèse.

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Tableau 2.2. Taux de croissance annuel moyen par pays de 1986 à 2003

Pays D A B E FIN F I NL P TCAM 1986-2003 2,2 2,4 2,3 3,1 2,4 2,2 2,8 2,8 3,5

Lorsque l’on utilise une méthode reposant sur une fonction de production, deux problèmes supplémentaires se posent si l’on veut agréger des données nationales : • Comment définit un NAIRU commun alors que les statistiques sur le chômage

provenant des différentes sources nationales ne sont pas nécessairement comparables, et que les compromis sociaux varient selon les pays ?

• Le taux de croissance potentiel de la zone euro est-il la moyenne des taux de croissance nationaux, ou peut-on s’attendre à ce que l’intégration économique contribue à accroître le potentiel de croissance de la zone ?

Ces deux derniers problèmes étant plus difficiles à surmonter, ils confortent les arguments en faveur de l’utilisation du filtre HP pour mesurer l’output gap.

2.3. L’hétérogénéité des politiques monétaires avant l’euro : mise en évidence économétrique

Plusieurs analyses économétriques ont déjà montré des différences entre les règles de Taylor suivies par les pays appartenant au SME : Clarida, Gali et Gertler [1998], Penot, Pollin et Seltz [2000] et Clausen et Hayo [2002] ont montré que les pondérations accordées à l’inflation et à l’output gap variaient selon les pays, et Ballabriga et Martinez-Mongay [2002] ont enrichi l’analyse en ajoutant dans les estimations un ancrage au taux d’intérêt allemand, montrant ainsi une asymétrie entre l’Allemagne et les autres pays du SME [voir l’Annexe 2.2 pour les résultats de ces estimations]. Afin de mettre en évidence la nature des déterminants immédiats des politiques monétaires nationales dans le SME, cette section propose une série d’estimations des ajustements de court terme des taux d’intérêt dans le SME, selon une spécification qui est inspirée de la règle de Taylor mais avec des modifications par rapport à la règle d’origine. Dans chaque pays du SME, les ajustements du taux d’intérêt sont régressés sur les variables traditionnelles de la règle de Taylor – l’inflation et l’output gap – et sur deux variables supplémentaires : un taux d’intérêt étranger de référence (allemand ou américain) et la dépréciation de la monnaie nationale (par rapport au Deutsche Mark ou par rapport au dollar américain). Il y a deux raisons pour utiliser les variations (c’est-à-dire les différences premières) plutôt que les niveaux. D’abord, cela permet d’éviter un problème économétrique. Ensuite, cela fournit une approche complémentaire par rapport à la règle de Taylor, en se concentrant sur les ajustements de court terme de la politique monétaire plutôt que sur les relations de long terme.

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2.3.1. Pourquoi utiliser des différences premières ?

2.3.1.1. Econométrie : le problème des régressions fallacieuses Lorsque l’on étudie des séries temporelles, l’ordre d’intégration des variables importe. Par exemple, régresser une variable I(0) sur une variable I(1) n’aurait aucun sens. Mais pour qu’une régression soit correcte, il ne suffit pas d’avoir des variables intégrées de même ordre ; encore faut-il qu’elles soient cointégrées. Que se passe-t-il dans le cas contraire ? La régression d’une variable I(1) sur un autre variable I(1) avec laquelle elle n’est pas cointégrée donne typiquement les résultats suivants : • La variable explicative est significative, • Le R² est très élevé, • Les hypothèses de normalité et d’homoscédasticité des résidus ne sont pas rejetées, • Mais le test de Durbin-Watson ne permet pas de rejeter l’hypothèse

d’autocorrélation des résidus ; on a même généralement DW plus petit que le R² (par exemple DW = 0,77 et R² = 0,95).

Ces résultats sont caractéristiques d’une régression fallacieuse. Pour éviter ce problème, il est nécessaire de tester si les variables sont cointégrées, par exemple par un test de Dickey-Fuller augmenté (ADF, augmented Dickey-Fuller). Or, les tests ADF sur les variables disponibles révèlent que les variables intégrées d’ordre 1 ne sont pas cointégrées. Pour éviter d’obtenir des régressions fallacieuses, les variables sont stationnarisées : les estimations portent donc sur des différences premières et non sur des variables en niveau.5

2.3.1.2. Relation de long terme versus ajustements de court terme du taux d’intérêt

Dans la règle de Taylor initiale :

r = p + 0,5 y + 0,5 (p-2) + 2 ,

le taux d’inflation p apparaît deux fois, mais avec deux significations différentes. Dans le terme 0,5(p-2), l’inflation est considérée comme l’une des variables déterminant la politique monétaire lorsque la banque centrale choisit le niveau approprié de taux d’intérêts selon divers indicateurs économiques. Si l’inflation est supérieure à la cible d’inflation (ici 2%), alors la banque centrale décide d’augmenter le taux d’intérêt afin de réduire l’inflation future.

5 Notons que d’autres solutions sont envisageables. On aurait pu, comme de nombreux papiers à la suite de Clarida, Gali et Gertler [1998], ajouter un terme d’inertie dans les relations en tenant compte du taux d’intérêt passé. Une autre solution serait d’utiliser un modèle à correction d’erreur ou encore un modèle VAR [Garatti 2003] (mais cela aurait posé d’autres problèmes, notamment à cause du trop petit nombre d’observations pour certains pays alors que les modèles VAR nécessitent un grand nombre d’observations).

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Mais l’inflation apparaît également de façon isolée au début du terme de droite de l’équation et cette fois, elle est prise en compte ex post par le banquier central une fois qu’il a choisi le niveau du taux d’intérêt nominal, pour calculer quel taux d’intérêt réel r-p en résulte. En effet, la règle de Taylor donne une indication de ce vers quoi les règles de politique monétaire devraient tendre à long terme : le taux d’intérêt réel r-p devrait être égal au taux de croissance tendanciel du PIB réel, plus des ajustements pour se rapprocher de la cible d’inflation et pour stabiliser l’activité :

r - p = 2 + [0,5 (p - 2) + 0,5 y] Taylor [1993] utilise le taux d’inflation au cours des quatre trimestres précédents pour mesurer p dans les deux cas, ce qui pourrait indiquer que p est considéré comme exogène par la banque centrale. Pourtant, la nature du taux d’inflation dans la règle de Taylor est ambiguë, parce que cette équation synthétise deux approches opposées. D’une part, les décisions de politique monétaire sont faites sur la base de variables économiques présentes et passées observées et dans le but d’influencer leur évolution future. Dans ce sens, le taux d’intérêt courant dépend de l’inflation passée, tandis que l’inflation future dépendra de ce taux d’intérêt courant. Mais d’autre part, il existe un effet de retour (feedback) de l’inflation future anticipée sur le niveau courant du taux d’intérêt [Graphique 2.2] en raison de l’effet Fisher détaillé dans l’encadré 1. Graphique 2.2. Politique monétaire et structure des taux d’intérêt

effet de feedback

Taux d’inflation et autres

indicateurs économiques

passés et courants

BANQUE

CENTRALE : conditions de crédit initiales

Effet direct sur les taux d’intérêt à court terme

MARCHES

FINANCIERS : ajustement des taux d’intérêt à

long terme

Anticipations sur

les variables économiques

futures (dont le taux d’inflation anticipé)

Règle de politique monétaire

(par ex. règle de Taylor)

Equation de

Fisher

Effet Fisher + théorie des

anticipations de la courbe des

taux

Les variables économiques passées comme

déterminants des décisions de politique monétaire

Comment la politique monétaire affecte la structure des taux

d’intérêt

La courbe des taux comme prédicteur de l’activité réelle

future : le contenu informationnel de la

structure des taux d’intérêt

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Encadré 2.1. Equation de Fisher, effet Fisher, courbe des taux et inflation anticipée Selon l’équation de Fisher à une période [1930], le taux d’intérêt nominal d’un actif à une période de la maturité est égal à la somme du taux réel et de l’inflation anticipée pour la période suivante : it

1 = Et (rt1) + Et (πt

1) + Φ(1) [1] où it

1 est le rendement à maturité à l’instant t d’un actif à une période de la maturité, Et (rt

1) est le taux réel moyen anticipé au cours de la période suivante (c’est-à-dire de t à t+1), Et (πt

1) est le taux d’inflation anticipé pour la période suivante, Φ(1) est la prime de risque moyenne d’un actif à une période jusqu’à échéance. (Tous les taux d’intérêt sont exprimés en logarithme et le taux d’inflation est la différence première de deux logarithmes.) De même, l’équation de Fisher à n périodes généralise la décomposition du taux d’intérêt nominal en une composante de taux réel et en inflation anticipée pour un actif à n périodes de la maturité : it

n = Et (rtn) + Et (πt

n) + Φ(n) [2] En d’autres termes, pour chaque maturité, le taux d’intérêt correspondant inclut une composante d’inflation anticipée pour la période allant du présent à la maturité. Le taux d’inflation anticipé peut être influencé par les décisions de politique monétaire. Par exemple, une contraction de l’offre de crédit entraîne une hausse immédiate des taux d’intérêt à court terme, mais elle peut aussi être interprétée comme un durcissement de la politique monétaire et réduire ainsi les anticipations d’inflation à long terme à condition que ce durcissement soit jugé crédible [Estrella et Mishkin 1995]. Si, au contraire, la hausse du taux d’intérêt est considérée insuffisante, elle peut avoir l’effet inverse et conduire à une augmentation de l’inflation à long terme anticipée et des taux longs. On obtient la pente de la courbe des taux en ôtant [1] de [2] : it

n - it1 = Et (rt

n - rt1) + Et (πt

n - πt1) + [Φ(n) - Φ(1)] [3]

Ainsi, la pente de la courbe des taux est égale à la somme du spread de taux d’intérêt réel et de la trajectoire d’inflation (c’est-à-dire l’évolution du taux d’inflation futur) anticipée par le marché, plus la différence de prime de risque. Selon Mishkin [1990], la pente de la courbe des taux donne une mesure exacte de la trajectoire d’inflation anticipée par le marché si les trois conditions suivantes sont respectées simultanément : • Les anticipations sont rationnelles ; • La prime de risque est constante dans le temps : Φ(n) = Φ(1) ; • Le taux d’intérêt réel anticipé est constant dans le temps : Et (rt

n) = Et (rt1). Cette condition fait

référence à la théorie des anticipations de la courbe des taux [Hicks 1939 ; Modigliani and Sutch 1966], selon laquelle les taux d’intérêt sont déterminés par le marché de telle sorte qu’un investisseur représentatif soit indifférent entre détenir un actif long ou une séquence d’actifs courts couvrant la même période. Cela implique que les ajustements soient tels que, quelle que soit sa maturité, le rendement d’un actif d’une maturité donnée moins l’inflation anticipée du présent à la maturité de cet actif soit toujours le même.

Sous ces conditions, la courbe des taux peut être utile pour prévoir des changements d’inflation et de l’activité économique future. En effet, conformément à l’effet Fisher, si i = r+E( π) et si r est constant, alors les mouvements des taux d’intérêt à court terme reflètent principalement les fluctuations de l’inflation anticipée et ils peuvent alors avoir une capacité prédictive pour l’inflation future. Si l’effet Fisher est vérifié, un taux d’intérêt plus élevé indique une hausse du taux d’inflation anticipé : il ne révèle pas un durcissement mais au contraire un relâchement de la politique monétaire. Cependant, Mishkin et Simon [1994] ont montré – du moins dans le cas de l’Australie – qu’il fallait faire une distinction selon l’horizon temporel. Même si un niveau élevé de taux d’intérêt indique bien que l’inflation anticipée est élevée, les variations du taux d’intérêt à court terme reflètent des variations du taux d’intérêt réel plutôt que de l’inflation anticipée. L’effet Fisher s’appliquerait donc à long terme mais pas à court terme. Une hausse à court terme du taux d’intérêt indique un durcissement de la politique monétaire et peut conduire à une baisse de l’inflation anticipée.

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Ainsi, à long terme, ni le taux d’intérêt de la banque centrale, ni l’inflation anticipée ne sont exogènes, puisque le taux décidé par la banque centrale dépend non seulement d’indicateurs économiques passés, mais aussi de variables futures anticipées (dont l’inflation) qui à leur tour dépendent du taux d’intérêt. Mais, si la banque centrale prend en compte dans sa décision l’effet induit sur l’inflation anticipée, elle le fait avec un retard : il faut du temps pour que l’effet de feedback intervienne et que le taux de la banque centrale intègre la révision des anticipations d’inflation. C’est pourquoi la règle de Taylor, qui donne une relation synthétique de tous ces effets, est nécessairement une relation de long terme. Les macroéconomistes étudient généralement les différents types de règles monétaires et la façon dont la politique monétaire peut affecter l’activité économique, tandis que les analystes financiers ont tendance à se concentrer davantage sur l’impact de la politique monétaire sur la structure des taux et sur le contenu informationnel de la structure des taux en termes d’inflation anticipée. Le but de cette section est de fournir encore une autre interprétation de la règle de Taylor. La motivation est semblable à celle de l’approche macroéconomique standard, mais avec également un souci d’économètre. La règle de Taylor exprimée en niveau est tout à fait intéressante pour étudier la relation générale entre le taux d’intérêt, le taux d’inflation et l’output gap, mais cette lecture en niveau reste « naïve » au sens où elle est rarement transposable directement sous cette forme pour des estimations économétriques6. Dans le cas des pays du SME, afin d’éviter le problème de régressions fallacieuses, nous avons choisi de prendre les différences premières des variables I(1). Mais cette transformation n’est pas neutre : elle change profondément la signification de la relation estimée. En effet, la règle de Taylor originale décrit une relation complexe de long terme, tandis que la relation en différences premières décrit les ajustements de court terme du taux d’intérêt en réaction aux variables déterminantes de la politique monétaire – output gap, inflation, et deux variables supplémentaires : un taux d’intérêt étranger et le taux de change. Il en résulte que les relations estimées dans cette section ne sont pas des règles de Taylor mais des relations inspirées de la règle de Taylor. Puisqu’il s’agit de relations de court terme, les variables déterminantes ne sont pas de même nature que dans la règle de Taylor. Comme nous l’avons discuté ci-dessus, la règle de Taylor présente de façon synthétique l’impact du taux d’intérêt sur l’activité économique future (et en particulier sur l’inflation future et sur l’output gap futur) et, inversement, la façon dont cet impact rétroagit sur le choix du taux d’intérêt courant. En revanche, le processus d’ajustement à court terme estimé dans cette section est limité à la prise en compte de l’inflation et de l’ output gap au cours du trimestre ou de l’année précédente. Même si les effets de long terme anticipés restent inclus implicitement dans cette relation de court terme, ils ne le sont pas de la même façon que dans la relation de long terme. Ce que nous mesurons est un ajustement à une cible à court terme, alors que dans le long terme, la « vraie » règle de Taylor exprime à la fois l’ajustement du taux d’intérêt à la cible et le déplacement de la cible en fonction de l’effet de feedback. 6 Comme indiqué précédemment, l’étude économétrique de la règle de Taylor nécessite généralement l’introduction d’un terme d’inertie, l’utilisation d’un modèle VAR ou d’un modèle à correction d’erreur, ou encore le passage à une règle en variation plutôt qu’en niveau.

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Par conséquent, il n’y a pas de raison particulière pour que les coefficients associés à l’ output gap et à l’inflation que nous estimons, dans une relation de court terme, soient égaux aux coefficients correspondants dans la règle de long terme. Le but de cette section n’est donc pas d’estimer directement des règles de Taylor (ce qui a déjà été fait dans la littérature, selon diverses hypothèses et techniques) mais de décrire quelles variables étaient significatives dans les fonctions de réaction de court terme des banques centrales nationales des pays du SME. On éclaire ainsi un autre aspect de la formation des politiques monétaires, qui se concentre davantage sur les conditions de court terme. 2.3.2. Résultats de l’analyse économétrique Les résultats détaillés des régressions sont reproduits dans l’annexe 2.2. Les données sont trimestrielles et proviennent des statistiques financières internationales du FMI, sauf les séries sur les taux d’intérêts, tirées des Principaux indicateurs économiques de l’OCDE. Seuls les pays participant actuellement à l’euro ont été étudiés ; aussi, le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède n’ont pas fait l’objet d’estimations. Par ailleurs, faute de données trimestrielles pour le PIB de la Grèce et du Luxembourg, ces deux pays n’ont pas pu être étudiés. Il est à noter toutefois que le Luxembourg a des liens monétaires très forts avec la Belgique, à travers l’égalité du franc belge et du franc luxembourgeois et le principe de co-décision inscrit dans les protocoles monétaires de la Belgique et du Luxembourg.

2.3.2.1. Révélation de deux clubs de pays Le bilan des variables déterminantes conduit à distinguer trois catégories de pays au sein du SME : l’Allemagne et deux clubs de pays. Le tableau 2.3 révèle ces deux clubs en classant les pays selon l’impact des variables expliquant les ajustement du taux d’intérêt.

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Tableau 2.3. Variables déterminantes pour l’ajustement à court terme du taux d’intérêt et formation de clubs au sein du SME

PAYS PERIODE OUTPUT

GAP INFLATION TAUX DE

CHANGE DM/DOLLAR

TAUX D’INTERET AMERICAIN

VARIABLES DUMMY

1980-1990 + + + +

Allemagne 1991-1998 + + +

PAYS PERIODE OUTPUT

GAP INFLATION TAUX DE

CHANGE /DM TAUX

D’INTERET ALLEMAND

VARIABLES DUMMY

France 1979-1986 ++ + + ++ Belgique 1980-1987 ++ + + Italie 1979-1986 + + + +

CERTAIN DEGRE

D’AUTONOMIE Espagne 1988-1998 ++ + + 92:3-93:1

Pays-Bas 1983-1998 + ++ France 1986-1998 + ++ 93:1, 93:2 Belgique 1988-1998 + ++ 93:3 Italie 1986-1998 + ++ 92:3, 92:4, 93:1 Irlande 1988-1998 + 92:3, 92:4, 93:1-93:2 Grèce 1984-1998 + + 94:2, 94:3 Portugal 1986-1998 + ++ 93:2, 93:3, 94:3

1980-1985 + ++ 81:1 Autriche 1986-1998 ++

ZONE DEUTSCHE

MARK

Finlande 1995-1998 ++

+ = variable ayant un coefficient positif ++ = variable ayant un coefficient positif et élevé Case vide = variable non significative Premièrement, l’Allemagne se distingue des autres pays par l’indépendance de sa politique monétaire : durant toute la période du SME, les ajustements de court terme de son taux d’intérêt restent en effet déterminés par des variables domestiques (output gap et inflation), avec une articulation à la politique américaine (prise en compte du taux de change par rapport au dollar et, dans les années 1980, du taux d’intérêt américain). Parmi les autres pays du SME, deux clubs se sont formés. Le premier club, qui est représenté dans la partie médiane du tableau 2.3, est constitué jusqu’au milieu des années 1980 de la France, de l’Italie et de la Belgique (et du Luxembourg en raison de son accord monétaire avec la Belgique, même s’il n’apparaît pas dans le tableau) ainsi que de l’Espagne dans les années 1990. Il est caractérisé par un poids important des déterminants domestiques pour les ajustements de court terme, avec par ailleurs un ancrage sur la politique monétaire allemande (significativité du taux d’intérêt allemand et, pour la France et l’Italie, du taux de change par rapport au Deutsche Mark). Ce premier club correspond donc à des pays ayant conservé une certaine autonomie de leur politique monétaire. En revanche, le second club, constitué de tous les autres pays du SME, ainsi que de la France, l’Italie et la Belgique à partir de la deuxième moitié des années 1980, est avant tout aligné sur la politique monétaire allemande : le taux d’intérêt allemand détermine pour une très large partie les ajustements de court terme des taux d’intérêt des autres pays. L’inflation et le taux de change par rapport au mark complètent cet alignement pour certains pays, impliquant des taux d’intérêt plus élevés pour les pays à inflation

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plus forte ou dont la monnaie se déprécie par rapport au mark, conformément à la théorie de la parité de taux d’intérêt – l’inflation jouant un rôle semblable à celui du taux de change, puisqu’une inflation élevée laissait supposer la nécessité d’un réalignement pour compenser la perte de compétitivité. Au sein de cette zone Deutsche Mark, seuls les Pays-Bas conservent un output gap significatif7.

2.3.2.2. Le triangle d’incompatibilité, le problème « N-1 » et l’autonomie des politiques monétaires dans le SME.

La formation de deux clubs – d’une part, des pays conservant une part de déterminants domestiques et d’autre part, des pays alignés sur la politique monétaire allemande – puis la convergence vers un seul club – le premier club rejoignant le second à partir de la deuxième moitié des années 1980, à l’exception de l’Espagne – traduit le fonctionnement asymétrique du SME, bien que le dispositif ait été initialement conçu pour être symétrique. L’asymétrie de fait s’explique par la solution au triangle d’incompatibilité de Mundell et au problème « N-1 » mise en œuvre au sein du SME. En effet, le triangle d’incompatibilité indique l’impossibilité pour un pays d’avoir simultanément un régime de changes fixes, une liberté des mouvements de capitaux et une politique monétaire autonome. Puisque les pays du SME avaient opté pour les changes fixes, ils avaient théoriquement le choix entre deux solutions : soit maintenir les contrôles des mouvements de capitaux et conserver une politique monétaire autonome, soit libéraliser les mouvements de capitaux mais en renonçant à l’indépendance de leur politique monétaire. Certains pays (la France, l’Italie, la Belgique et le Luxembourg) ont choisi la première option au début des années 1980. Mais avec l’augmentation de la mobilité des capitaux au sein du SME, et à plus forte raison après la libéralisation totale des mouvements de capitaux en juillet 1990, il est apparu que ces pays ne pouvaient plus conserver une politique monétaire autonome. Par ailleurs, comme tout système de changes fixes, le SME était confronté au problème « N-1 », c’est-à-dire au fait que quand N monnaies sont liées par des taux de change fixes, uniquement N-1 parités ont besoin d’être défendues. Bien que le SME ait été conçu pour être symétrique – les deux banques centrales concernées étant supposées intervenir sur un pied d’égalité pour défendre la parité entre leurs monnaies –, il fonctionnait en réalité de façon asymétrique. L’Allemagne avait en effet une inflation plus faible que la plupart de ses partenaires (sauf les Pays-Bas et l’Autriche), si bien que sa compétitivité-prix s’améliorait régulièrement. Les autres pays du SME, à inflation plus élevée, voyaient au contraire leur compétitivité se dégrader par rapport à l’Allemagne, ce qui créait des tensions à la dépréciation sur leur monnaie par rapport au Mark. Or, les interventions des banques centrales pour contrecarrer ces tensions n’avaient pas le même impact selon le pays : il était moins difficile de vendre des Marks et d’acheter de la monnaie faible pour la Bundesbank que pour les autres banques centrales, dont les réserves se trouvaient amoindries – cette situation étant d’autant plus

7 Peut-être cela s’explique-t-il par les compromis sociaux qu’ils ont pu mettre en place parallèlement à un alignement de longue date et quasi-total sur la politique monétaire allemande, si l’on en croit certaines études qui lient le succès de la politique monétaire aux négociations salariales [Soskice et al. 1998]

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problématique pour les pays à monnaie faible que les dévaluations étaient tardives, voire bloquées. Les pressions sur les marchés financiers devenant encore plus pesantes après la libéralisation des mouvements de capitaux, les pays du SME ont finalement été conduits à accepter que l’Allemagne s’impose comme pays leader sur lequel les autres pays s’alignaient, et la Bundesbank a de fait déterminé la politique monétaire de l’ensemble du SME, mais en l’établissant en fonction de la situation allemande uniquement. Même après l’élargissement des bandes de fluctuation à +/- 15% en 1993, l’organisation autour du rôle leader de l’Allemagne a été relativement maintenue, les pays choisissant pour la plupart de respecter des bandes implicites plus étroites.

2.3.2.3. Conséquences : perte d’autonomie et asymétrie au sein du SME L’évolution révélée par l’analyse économétrique et par l’analyse de l’asymétrie entre monnaies faibles et fortes traduit un effet d’apprentissage des règles du SME et de modification des comportements sous plusieurs effets : un contexte d’hétérogénéité d’inflation, impliquant une tendance à l’appréciation du Mark par rapport aux autres monnaies, et un contexte de pressions croissantes sur les marchés financiers après la libéralisation des mouvements de capitaux en 1990 et a fortiori pendant la période de qualification pour l’entrée dans la zone euro. A la fin du SME, deux règles coexistaient, marquant la hiérarchie entre l’Allemagne et le reste du SME : une règle de politique monétaire autonome pour l’Allemagne et un alignement plus ou moins tardif8 pour les autres pays du SME (sauf pendant les fortes turbulences de la première moitié des années 1990, avec la crise du SME en 1992-1994 et la sortie de certains pays du SME, comme en témoigne la présence de nombreuses variables dummy dans les estimations). La perte d’autonomie des politiques monétaire est donc bien antérieure au passage à l’euro. Les contraintes que l’appartenance au SME faisait peser sur la formation de la politique monétaire dès le début des années 1990 sont confirmées par la simulation d’une règle de Taylor [graphique 2.3] : cette simulation montre que la politique monétaire en France au début des années 1990 est trop restrictive par rapport à sa situation économique alors qu’elle correspond aux besoins de l’Allemagne réunifiée. En effet, la réunification allemande a entraîné une forte croissance de la demande intérieure allemande et des tensions inflationnistes, que les autorités allemandes n’ont pas choisi de contenir par une augmentation des impôts ou par une réévaluation du mark, mais par une politique monétaire restrictive [Morin et Thibault 1998]. Du fait de son ancrage au Mark, la France a dû répercuter cette hausse du taux d’intérêt jusqu’en 1992 alors que la conjoncture française aurait au contraire nécessité une politique monétaire plus accommodante.

8 Le chapitre 3 prolonge l’analyse du caractère plus ou moins tardif de la convergence des conditions monétaires (inflation, taux d’intérêt) selon les pays.

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Graphique 2.3. La politique monétaire au début des années 1990 : une politique adaptée à l’Allemagne, mais trop restrictive pour la France Constante a = taux de croissance annuel moyen national de 1986 à 2003

Allemagne : Règle de Taylor et politique monétaire observée en 1990-1998

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Taux d'intérêt à trois mois observé

Règle de Taylor : i = a + infl + 0,5 (infl - 2%) + 0,5 y

France :Règles de Taylor et politique monétaire observée en 1990-1998

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Taux d'intérêt à trois mois observéRègle de Taylor version 1 : i = a + infl + 1,3 (infl - 2%) + 0,2 yRègle de Taylor version 2 : i = a + infl + 0,5 (infl - 2%) + 0,5 y

Par conséquent, le passage à l’euro n’a pas entraîné de perte brutale de souveraineté en matière de politique monétaire puisque la plupart des pays du SME étaient déjà fortement ancrés sur la politique monétaire allemande. C’est la libéralisation des mouvements de capitaux au sein du SME, et non le passage à la monnaie unique, qui a, avant tout, contraint les politiques monétaires nationales. Ainsi, on n’est pas passé soudainement de douze politiques monétaires nationales autonomes à une seule politique pour l’ensemble de la zone ; il y a eu entre les deux cette période de transition au cours de laquelle, en s’alignant sur le taux d’intérêt allemand, les pays du SME ont renoncé à utiliser le taux d’intérêt en tant qu’instrument de politique économique. La

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convergence a été encore plus marquée à la fin des années 1990, sous l’effet des pressions accrues sur les marchés financiers liées à la période de qualification pour l’euro. Il convient cependant de nuancer cette conclusion : l’alignement s’est fait de façon plus ou moins tardive selon les pays, il n’a pas été constant puisque certains pays sont même sortis du SME, et la convergence n’a pas été linéaire.

2.4. Comment analyser les conséquences du passage à l’euro sur la formation de la politique monétaire ?

Quel a été l’impact du passage à l’euro sur les conditions de formation de la politique monétaire ? La structure asymétrique entre l’Allemagne et ses partenaires est-elle prolongée dans le nouveau cadre institutionnel, ou bien tous les pays participant à l’euro retrouvent-ils une certaine influence sur la détermination du taux d’intérêt ? 2.4.1. Econométrie rétrospective versus simulation et théorie de jeux

2.4.1.1. La politique monétaire de la BCE, une simple transposition des politiques monétaires nationales antérieures ?

La littérature empirique sur la règle de Taylor suivie par la BCE fait face à deux difficultés : d’une part, il est encore trop tôt pour disposer de suffisamment d’observations permettant une véritable analyse économétrique. D’autre part, la BCE est trop jeune pour disposer d’une réputation bien établie en matière de politique monétaire. Face à ces problèmes, deux solutions ont été envisagées. La première [Sibi 2001] consiste à imaginer l’existence d’une BCE fictive avant 1999, qui aurait mis en œuvre un taux d’intérêt fictif (mesuré comme la moyenne pondérée des taux d’intérêt nationaux), afin de prolonger avant 1999 les observations pour la BCE et de permettre une estimation économétrique couvrant la période de 1990 à 2000. Cette technique est habile, mais gênante car elle revient à prendre en compte dans une même régression deux périodes distinctes de la politique économique en négligeant la rupture de 1999. L’autre problème de cette méthode est qu’elle agrège avant 1999 des politiques monétaires nationales très différentes et qui ne sont pas décidées dans les mêmes conditions : comme l’analyse économétrique l’a révélé, la politique monétaire est décidée par l’Allemagne en fonction de ses propres intérêts alors que celles les autres pays lui sont subordonnées. La prise en compte du contexte plus large des négociations politiques rend encore moins pertinente cette assimilation de la Bundesbank, d’autres banques centrales nationales et de la BCE. En effet, la politique monétaire de la Bundesbank n’était pas décidée isolément par les autorités monétaires, mais de façon concertée avec la politique salariale et les négociations avec les syndicats, ce qui n’est pas le cas de la plupart des autres pays du SME ni de la BCE. La seconde solution, plus fréquemment employée [Alesina et al. (2001), Faust, Rogers et Wright (2001), Mihov (2001), Smant (2002), Clausen et Hayo (2002)], revient à considérer la BCE comme la suite logique de la Bundesbank : dans un premier temps, on estime la fonction de réaction de la Bundesbank à l’époque du SME, puis on

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applique la règle ainsi estimée aux données européennes après 1999 et on compare la règle simulée à la politique réellement mise en œuvre par la BCE. Cela permet de tester si la BCE suit la même règle que la Bundesbank ou si la règle a été modifiée. Or, ces auteurs trouvent généralement que le taux de la BCE est sensiblement inférieur à celui que la Bundesbank aurait choisi : leur principal apport est donc de révéler le changement de la politique monétaire entre l’avant et l’après 1999. Cependant, s’ils constatent un écart entre le comportement de la Bundesbank et celui de la BCE, ils ne fournissent pas d’explication approfondie sur les raisons de ce changement ni sur la formation de la politique économique de la BCE.

2.4.1.2. Motivations pour utiliser les simulations et la théorie des jeux Les limites de l’analyse économétrique incitent à préférer une autre approche combinant des simulations de règles de Taylor et des éléments de théorie des jeux. Non seulement évite-t-on ainsi le problème du petit nombre d’observations, mais, en plus, cela permet de tester plusieurs hypothèses sur la procédure de décision au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE, telles que la nature partisane ou neutre des votes et la pondération des différents pays. Afin de mettre en œuvre ces simulations, il est nécessaire de prendre en compte les spécificités du nouveau dispositif institutionnel mis en œuvre lors de la création de l’euro. 2.4.2. Présentation institutionnelle et décisionnelle de la BCE

2.4.2.1. Objectifs de la politique monétaire Le Traité sur l’Union européenne définit les objectifs du Système européen de banques centrales (SEBC) à l’article 105 : son objectif principal est clairement la stabilité des prix, et le soutien à la croissance et à l’emploi n’est que secondaire et il ne doit pas remettre en cause l’objectif de contrôle de l’inflation.

Article 105.1 L'objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis à l'article 2.

Article 2 La Communauté a pour mission, par l'établissement d'un marché commun, d'une Union économique et monétaire et par la mise en œuvre des politiques ou des actions communes visées aux articles 3 et 4, de promouvoir dans l'ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, l'égalité entre les hommes et les femmes, une croissance durable et non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres.

Bien qu’elle n’ait jamais annoncé de cible d’inflation totalement explicite, l’objectif de la BCE de 2% pour l’inflation est généralement compris comme une limite supérieure pour l’inflation sous-jacente (hors énergie et produits alimentaires non transformés) à

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moyen terme, conformément à la définition que la BCE donne de la stabilité des prix : « une progression sur un an de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) inférieure à 2 % dans la zone euro », précisant que la stabilité « doit être maintenue à moyen terme ».

2.4.2.2. Indépendance et neutralité des votes L’indépendance de la BCE repose sur deux conditions. Premièrement, les décisions de politique monétaire doivent être indépendantes des gouvernements nationaux, puisque l’article 108 interdit les pressions de la part des gouvernements sur la BCE et sur les BCN :

Article 108 (ex-article 107) Dans l'exercice des pouvoirs et dans l'accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par le présent traité et les statuts du SEBC, ni la BCE, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions et organes communautaires ainsi que les gouvernements des États membres s'engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la BCE ou des banques centrales nationales dans l'accomplissement de leurs missions.

Deuxièmement, le Conseil des gouverneurs est supposé neutre : il n’est pas permis aux gouverneurs des BCN ni aux membres du Directoire de voter en faveur des intérêts de leur pays d’origine, comme l’indique The Monetary Policy of the ECB [BCE 2004, p. 12] :

« Monetary policy decisions in the euro area must be based on a euro area perspective. (…) When taking decisions, the members of the Governing Council do not act as national representatives but in a fully independent, personal capacity. »

2.4.2.3. Procédure de décision

Le Système européen de banques centrales (SEBC) comprend toutes les banques centrales de l’Union européenne, c’est-à-dire les BCN de la zone euro et la BCE (qui forment l’Eurosystème) et les BCN des pays hors UEM : Danemark, Royaume-Uni, Suède, ainsi que les pays entrés le 1er mai 2004 [Figure 2.1]. La BCE comporte trois organes de décision : le Directoire, le Conseil des gouverneurs (CG) et le Conseil général [Figure 2.2]. En ce qui concerne les modalités de vote au CG, les statuts de la BCE indiquent que les décisions doivent être prises à la majorité :

Article 10 (…) Each member of the Governing Council shall have one vote (…) The Governing Council shall act by a simple majority. In the event of a tie, the President of the ECB has a casting vote.

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Figure 2.1. Les banques centrales nationales (BCN), la BCE, l’Eurosystème et le Système européen de banques centrales (SEBC)

Figure 2.2. Les organes de décision de la BCE et leur rôle

2.4.3. Les questions soulevées par le nouveau cadre institutionnel et

décisionnel Contrairement au SME dont le fonctionnement était en pratique asymétrique et fortement déséquilibré en faveur de l’Allemagne, le CG de la BCE est tenu de se comporter en décideur véritablement européen et de prendre ses décisions en fonction

Banque de France

Deutsche Bundesbank

Banque Nationale de

Belgique

Τράπεζα της Ελλάδος

Banco de España

Central Bank of Ireland

Banca d’Italia

Banque centrale du

Luxembourg

De Nederlandsche

Bank

Banco de Portugal

Österreichische Nationalbank

Suomen Pankki

Danmarks Nationalbank

Bank of England

Sveriges Riksbank

Banque centrale européenne (Directoire)

EUROSYSTEME

SYSTEME EUROPEEN DE BANQUES CENTRALES

Banques centrales

des nouveaux

Etats membres

Gouverneurs des BCN ne participant pas à l’euro : Danemark,

Royaume-Uni, Suède et les nouveaux Etats

membres

Les 12 gouverneurs des BCN participant à l’euro

CONSEIL DES GOUVERNEURS - 18 membres -

Formulation de la politique monétaire de la zone euro

CONSEIL GENERAL - 17 puis 27 membres -

Relations avec les pays hors UEM Fonctions consultatives Collecte d’informations statistiques

+ 4 autres Président membres Vice-Président

DIRECTOIRE - 6 membres -

Mise en oeuvre de la politique monétaire conformément aux lignes de conduite et aux décisions prises par le Conseil des gouverneurs Gestion au quotidien de la BCE

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des intérêts de l’ensemble de la zone, indépendamment de toute pression de la part des gouvernements nationaux. Pourtant, en l’absence de publication des minutes et des votes, il est difficile de vérifier de quelle façon le Conseil des gouverneurs prend ses décisions. On a souvent reproché à la BCE son défaut de communication, et le manque de transparence nourrit des suspicions : comment s’assurer que les gouverneurs s’abstiennent de tout vote nationaliste ? Certains pays, en particulier l’Allemagne et la France, ne sont-ils pas sur-représentés dans le processus décisionnel ? Par ailleurs, lors de conférences de presse, Wim Duisenberg a déclaré à plusieurs reprises9 que les décisions de la BCE étaient prises par consensus – ce qui peut être une indication rassurante quant à la portée européenne des décisions, mais qui indique toutefois un mode de décision contraire à ce que prévoient les statuts, c’est-à-dire la prise de décision par vote selon la règle « un homme, une voix ». L’évaluation de la politique monétaire de la BCE va donc au-delà de la simple estimation d’une règle de Taylor et nécessite une analyse du processus décisionnel. Deux papiers permettent d’alimenter la réflexion sur les règles de vote et sur le pouvoir de décision des grands pays (France et Allemagne) au sein de la BCE. De Grauwe, Dewachter et Aksoy [1999] envisagent trois procédures de vote au sein du Conseil des Gouverneurs : le consensus (tous les membres du Conseil des gouverneurs votent en fonction des intérêts de l’ensemble de la zone), la « règle BCE » dans laquelle les gouverneurs des BCN ont des votes partisans, mais les membres du Directoire ont une optique européenne, et enfin le scénario entièrement nationaliste, selon lequel tous les membres du Conseil des gouverneurs (y compris les membres du Directoire) votent selon les intérêts de leur pays d’origine. Ils étudient ainsi la possibilité de votes partisans et en se concentrant sur la règle de vote, ils mettent l’accent sur le rôle du Directoire et de l’électeur médian, et soulignent l’impact sur le pouvoir de vote des grands pays. Von Hagen et Brückner [2002] reprennent la technique consistant à estimer la règle suivie par la Bundesbank puis à l’appliquer aux données européennes, mais ils la complètent par une autre simulation : ils montrent que la règle estimée pour la Bundesbank appliquée aux données uniquement franco-allemandes après 1999 explique mieux le comportement de la BCE que cette même règle appliquée aux données européennes agrégées. Cela indique, selon eux, que la BCE accorde un poids particulièrement important aux économies allemande et française. Par ailleurs, De Grauwe et Piskorski [2001] mettent l’accent sur les problèmes d’agrégation des données en comparant la performance de la politique monétaire en termes de stabilisation selon qu’elle est déterminée sur la base de données nationales ou européennes. Ils montrent que pour la plupart des pays, la perte liée au passage d’une règle sur données nationales à une règle sur données européennes reste limitée, mais

9 En voici deux exemples, extraits de conférences de presse à la BCE du 3 février 2000 et du 8 juin 2000 : « First, there was no formal vote. Again, as I had hoped and as it was, it was a consensus decision » et « We had an intensive discussion, a prolonged discussion, which was very useful, and, in the end, resulted in a consensus on what we had to do. »

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pour certains pays, la perte est plus importante, tandis que pour d’autres, le passage à une règle sur données européennes peut entraîner au contraire une amélioration de la stabilisation. Cette étude ne correspond pas à la problématique développée ici puisque nous n’étudions pas les effets de la politique monétaire, mais elle pose le problème intéressant de l’utilisation de données nationales ou européennes comme base de la politique monétaire. 2.4.4. Une méthode indirecte d’évaluation de la BCE : règles de Taylor

nationales et procédures de vote dans une zone hétérogène à politique monétaire unique

La méthode proposée dans ce chapitre s’inscrit dans la lignée des travaux de De Grauwe et al. [1999] et von Hagen et Brückner [2002]. Elle vise à évaluer le fonctionnement institutionnel de la BCE, c’est-à-dire à tester si les décisions de politique monétaire prises par le CG sont conformes au processus prévu par les textes juridiques. Le but est donc de révéler la nature des décisions et de juger de leur qualité au sens institutionnel. Cette évaluation soulève en particulier trois questions. D’une part, y a-t-il un moyen de révéler l’éventuelle existence de dysfonctionnements institutionnels tel que des votes non neutres de la part des gouverneurs des BCN ? D’autre part, la politique mise en œuvre par la BCE est-elle véritablement conforme aux intérêts de la zone euro ou bien est-elle systématiquement trop restrictive ou trop accommodante ? Enfin, le processus décisionnel au sein du CG conduit-il à une prise de décision suffisamment rapide par rapport à la vitesse de réaction habituelle des banques centrales ? La méthode que nous proposons tente de répondre à ces trois questions.

2.4.4.1. Choix d’une règle de Taylor de référence Dans un premier temps, nous choisissons une règle de Taylor servant de règle de référence pour la politique monétaire européenne. Puisqu’il s’agit de simuler une règle et non plus de l’estimer, le problème économétrique soulevé à la section 2.3 ne se pose plus et nous pouvons utiliser une véritable règle de Taylor en niveau et incorporant un effet de feedback à travers le taux d’intérêt de long terme. Les pondérations ne pouvant pas être estimées, faute de séries temporelles suffisamment longues, nous supposons des pondérations théoriques fondées sur les objectifs mis en avant par la BCE – qui a clairement indiqué la prépondérance de l’objectif de stabilité des prix, avec une cible d’inflation de 2% maximum à moyen terme, tandis que l’objectif d’activité est secondaire. Nous retenons donc un poids plus élevé pour l’inflation que pour l’objectif d’activité, en reprenant les poids proposés par von Hagen et Brückner [2002] de 1,2 pour l’objectif d’inflation et de 0,8 pour l’objectif d’activité10, et une cible d’inflation de 2%.

10 Nous avons testé d’autres variantes, avec notamment un poids plus faible pour l’objectif d’activité, mais sans que cela n’affecte substantiellement le résultat des simulations ni la conclusion sur le comportement du Conseil des gouverneurs.

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La règle retenue est donc : i t = r t + 1,2 (πt - 2) + 0,8 yt L’ output gap y est mesuré par la méthode du filtre de Hodrick-Prescott ; l’inflation π est calculée à partir de l’indice des prix à la consommation et légèrement lissée par le filtre de Hodrick-Prescott (avec un très faible paramètre : λ = 50) puisque c’est l’inflation de moyen terme qui est prise en compte par la BCE. La constante est la même pour la zone euro et pour tous les pays : c’est le taux d’intérêt réel de long terme de la zone euro r t. Nous choisissons ainsi de supposer que tous les gouverneurs des BCN et les membres du Directoire sont d’accord sur la forme de la règle de Taylor. On peut objecter à cette hypothèse volontairement simplificatrice que tous les pays n’accordent pas nécessairement en réalité les mêmes poids à l’objectif d’inflation et à l’objectif d’activité. Mais deux motivations sous-tendent ce choix. Premièrement, ce ne sont pas les objectifs politiques des pays ou des gouvernements qui sont représentés, mais le comportement des gouverneurs des BCN et du Directoire au sein du CG ; or ils ont peut-être développé, par mimétisme ou par contrainte institutionnelle, un comportement semblable. Deuxièmement, c’est avant tout une raison méthodologique qui justifie cette hypothèse, puisque cela permet d’isoler les différences de variables domestiques (écarts d’inflation et d’output gap) comme seules sources d’hétérogénéité entre pays pour la formation des taux d’intérêt nationaux préférés.

2.4.4.2. Simulation de la règle et révélation des taux souhaités par pays et pour la zone euro

Cette règle est ensuite appliquée à compter du premier trimestre 1999 directement à des données européennes agrégées (l’output gap calculé directement à partir du PIB de la zone euro et l’inflation de la zone euro) ainsi qu’à chaque pays11 participant à l’euro, donnant ainsi les taux que souhaiteraient ces pays étant donné la situation de leur économie. On obtient de cette façon les taux d’intérêt nationaux souhaités et le taux d’intérêt européen de référence.

2.4.4.3. Agrégation des taux souhaités selon trois règles de vote Enfin, les taux simulés sont agrégés selon trois règles de vote. Dans les trois cas, on suppose que contrairement à ce que le Traité prévoit, les gouverneurs des BCN ont une attitude partisane et votent pour le taux souhaité par leur pays. La différence entre les trois règles porte sur l’attitude du Directoire et la pondération des votes. • La règle de vote A suppose une pondération uniforme « un pays, une voix », en

vigueur actuellement au Conseil des gouverneurs, et des votes partisans de la part du Directoire (donnant donc deux voix aux pays ayant un représentant parmi les

11 Faute de données trimestrielles sur le PIB, la règle ne peut pas être simulée pour la Grèce et pour le Luxembourg.

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membres du Directoire). Cela implique que si les membres du CG ont réellement des votes partisans, le taux observé pour la BCE devrait être proche du vote résultant de cette règle.

• La règle de vote B est intermédiaire : elle reprend les pondérations utilisées pour le vote à la majorité qualifiée au Conseil des ministres, qui sont moins que proportionnelles à la population. Elle représente une règle de vote réformée : comme la règle « un pays, une voix » conduit à une sur-représentation des petits pays, les grands pays cherchent à renégocier la règle de vote de façon à mieux tenir compte de la taille des pays (à travers un système de rotation ou de représentation en deux étapes accordant davantage de voix aux grands pays). Les votes (partisans) du Directoire sont inclus dans ces pondérations.

• La règle de vote C donne au vote de chaque gouverneur un poids exactement proportionnel au PIB de son pays. Les votes nationaux constituent les deux tiers du vote agrégé du CG, puisque les gouverneurs de BCN sont 12 des 18 membres du CG. Le dernier tiers du vote agrégé provient des votes du Directoire, dont on suppose cette fois que ses membres votent directement pour le taux européen « optimal » au sens où c’est le taux indiqué par la règle de Taylor appliqué aux données européennes. La règle C revient donc à simuler la règle idéale au sens de la représentation des intérêts de la zone euro. Sous l’hypothèse que l’agrégation des règles nationales pondérées par la taille des pays est équivalente à la règle européenne, cette règle devrait indiquer un taux proche de celui de la règle de Taylor appliquée aux données européennes. Cela signifie également que si les membres du CG ont en réalité une attitude pro-européenne, le taux décidé par la BCE devrait être proche de ce taux simulé.

Le tableau 2.4 résume les pondérations utilisées dans chaque règle de vote. Tableau 2.4. Pondérations dans les trois règles de vote

Pays Règle A : Pondération uniforme

(un pays, une voix, et Directoire nationaliste)

Règle B : Pondération intermédiaire

(réformée, de type majorité qualifiée)

Règle C : Pondération « idéale »

(pondération selon le PIB et Directoire pro-

européen) Luxembourg** 1 2 0,29% Irlande 1 3 1,41% Finlande 1 + 1* 3 1,95% Autriche 1 4 3,13% Portugal 1 5 1,69% Belgique 1 5 3,74% Grèce** 1 + 1* 5 1,88%

x 12/18

Pays-Bas 1 + 1* 5 5,93% Espagne 1 + 1* 8 8,97% Italie 1 + 1* 10 17,63% France 1 10 21,57% Allemagne 1 + 1* 10 31,80% Zone euro 0 0 6/18 * Membres du Directoire sous la présidence de Wim Duisenberg (les simulations se terminent au troisième trimestre 2003) ** Non simulé, faute de données.

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Enfin, deux options sont possibles à l’issue des votes. Le vote agrégé peut être simplement la moyenne pondérée des votes nationaux ; ou bien on peut décider de prendre en compte le vote de l’électeur médian. Cette deuxième option se justifie par le fait qu’elle est non manipulable ; mais dans la mesure où les données macroéconomiques sont de connaissance commune, on peut objecter qu’un gouverneur peut difficilement avoir un vote stratégique qui s’écarte de son taux préféré12. C’est pourquoi les deux types de votes (moyenne pondérée et électeur médian) sont envisagés dans les simulations.

2.4.4.4. Buts de cette méthode L’intérêt de cette méthode est qu’elle enrichit l’analyse institutionnelle. Ainsi, l’écart entre les trois règles de vote souligne l’impact des règles de décision, au-delà des seuls écarts de taux d’intérêt préférés. Cette méthode suggère également une technique simple pour tenter de révéler la présence de votes partisans lorsque l’absence de transparence des décisions ne permet pas une analyse plus directe des votes. Il n’est certes pas possible de vérifier par une observation directe si les votes sont bien nationalistes, mais l’on peut en revanche deviner quelles décisions seraient prises si c’était le cas. Selon une démarche inductive, on part de l’hypothèse de votes effectivement partisans et on étudie à quel taux cela conduirait la BCE étant donné la règle de vote actuelle (règle A : un homme, une voix) : si cela correspond au taux observé, c’est que les votes sont bien partisans. En revanche, si le taux observé est sensiblement différent du taux simulé par la règle A et apparaît plus proche de la règle de vote « idéale » C, cela peut vouloir dire que les décisions sont prises en fonction des intérêts de l’ensemble de la zone. Parallèlement, la simulation de la même règle appliquée directement aux données agrégées reprend une technique fréquemment employée. On compare le taux d’intérêt observé à une règle de politique monétaire de référence, afin d’évaluer la qualité de la politique monétaire selon des questions plus traditionnelles : la politique est-elle trop restrictive ? Les décisions sont-elles trop lentes ?

2.5. La politique monétaire de la BCE : résultats des simulations

2.5.1. Simulation des règles de Taylor nationales : une hétérogénéité persiste

Alors même qu’elles reposent sur une règle de Taylor de même forme, les simulations représentées dans le graphique 2.4 montrent la persistance d’une hétérogénéité au sein de la zone euro : les taux correspondant aux économies irlandaise, portugaise, néerlandaise et espagnole sont assez nettement supérieurs aux taux souhaités par l’Allemagne, l’Autriche et la France, avec des écarts allant jusqu’à 4 points (et même plus pour l’Irlande).

12 Cette objection peut elle-même être nuancée par le manque de fiabilité du calcul l’output gap et des anticipations sur l’inflation, qui fait que les données ne sont pas tout à fait de connaissance commune.

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Les graphiques 2.5 et 2.6 indiquent que ces écarts sont principalement dus à des différences d’inflation entre les pays de la zone, tandis que les output gaps nationaux sont très proches les uns des autres. Graphique 2.4. Taux d’intérêt préférés nationaux et européens simulés

Taux d'intérêt nationaux et européen préférés selon la règle : i = r + 0,8y + 1,2(infl-2) où r : taux d'intérêt réel de long terme de la zone euro

-2

0

2

4

6

8

10

12

Q1

19

99

Q2

19

99

Q3

19

99

Q4

19

99

Q1

20

00

Q2

20

00

Q3

20

00

Q4

20

00

Q1

20

01

Q2

20

01

Q3

20

01

Q4

20

01

Q1

20

02

Q2

20

02

Q3

20

02

Q4

20

02

Q1

20

03

Q2

20

03

Q3

20

03

D A B F I NL FIN IRL P E EMU-12

Graphique 2.5. Taux d’inflation lissés dans la zone euro

Taux d'inflation lissés dans la zone euro

0

0,5

1

1,5

2

2,53

3,5

4

4,5

5

Q1

19

99

Q2

19

99

Q3

19

99

Q4

19

99

Q1

20

00

Q2

20

00

Q3

20

00

Q4

20

00

Q1

20

01

Q2

20

01

Q3

20

01

Q4

20

01

Q1

20

02

Q2

20

02

Q3

20

02

Q4

20

02

Q1

20

03

Q2

20

03

Q3

20

03

D A B F I NLFIN IRL P E EMU-12

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Graphique 2.6. Output gaps dans la zone euro

Output gaps dans la zone euro

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

Q1

19

99

Q2

19

99

Q3

19

99

Q4

19

99

Q1

20

00

Q2

20

00

Q3

20

00

Q4

20

00

Q1

20

01

Q2

20

01

Q3

20

01

Q4

20

01

Q1

20

02

Q2

20

02

Q3

20

02

Q4

20

02

Q1

20

03

Q2

20

03

Q3

20

03

D A B FI NL FIN IRLP E EMU-12

2.5.2. Simulation des trois règles de vote et de la règle européenne Le graphique 2.7 représente la règle de Taylor appliquée aux données agrégées pour la zone euro, les taux d’intérêts résultant des trois règles de vote simulées et le taux observé de la BCE représenté avec un trimestre de décalage. Graphique 2.7. Comparaison entre les règles simulées et le taux d’intérêt observé

Règle de Taylor pour la zone euro, trois règles de vote simulées et taux observé de la BCE

0

1

2

3

4

5

6

Q1 1

999

Q2 1

999

Q3 1

999

Q4 1

999

Q1 2

000

Q2 2

000

Q3 2

000

Q4 2

000

Q1 2

001

Q2 2

001

Q3 2

001

Q4 2

001

Q1 2

002

Q2 2

002

Q3 2

002

Q4 2

002

Q1 2

003

Q2 2

003

Q3 2

003

Règle de Taylor appliquée à la zone euroRègle de vote A : un pays, une voix (BCN uniquement)Règle de vote A : un pays, une voix (avec votes du Directoire)Règle de vote B : pondération intermédiaireRègle de vote C : pondération selon le PIBTaux d'intérêt observé décalé d'un trimestre (principales opérations de refinancement)

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107

2.5.2.1. Impact des procédures de décision Le premier résultat des simulations provient d’une comparaison des trois règles de vote entre elles. Cette comparaison montre que le taux est d’autant plus élevé que la pondération est uniforme : la règle de vote A (pondération uniforme) donne le taux le plus élevé et la règle C (pondération proportionnelle à la taille du pays) le taux le plus faible, la règle B étant intermédiaire. Ce résultat n’est pas étonnant : en effet, les deux plus grands pays, l’Allemagne et la France, préfèrent les taux les plus bas tandis que ce sont généralement de petits pays qui préfèrent les taux les plus élevés. C’est pourquoi une règle accordant un pouvoir de décision relativement élevé aux petits pays leur permet de tirer le taux européen vers le haut – ou, inversement, quand la règle de pondération reflète mieux la taille des pays, l’Allemagne et la France peuvent tirer le taux européen vers le bas. Dans la règle A, bien que les membres du Directoire soient supposés avoir des votes nationalistes, la prise en compte de leurs voix a pour effet de rapprocher légèrement la décision simulée de la règle de Taylor européenne. Cela s’explique par la répartition des nationalités au sein du Directoire, dont au moins 50% des membres proviennent des plus grands pays (Allemagne, Italie, Espagne, ainsi que la France à partir de novembre 2003 sous la présidence de Jean-Claude Trichet). Le fait que la plupart des grands pays soient représentés au Directoire apparaît dans ce cas comme un moyen de rendre la pondération des voix plus proportionnelle à la taille des pays par rapport à la pondération uniforme des votes des gouverneurs de BCN. On vérifie par ailleurs que la règle C est bien proche de la règle de Taylor européenne, surtout à partir de fin 2000. On a donc bien une grande similitude entre l’agrégation de règles nationales pondérées par la taille des pays et la règle de Taylor appliquée directement aux données agrégées. En termes de processus décisionnel, cela signifie que les intérêts de la zone euro dans son ensemble peuvent être correctement représentés dans deux configurations : lorsque les représentants nationaux ont des votes nationalistes mais que leur pouvoir de décision est proportionnel au poids économique de leur pays d’origine, ou lorsque les membres du CG adoptent directement une attitude pro-européenne.

2.5.2.2. Les simulations révèlent-elles un dysfonctionnement

institutionnel ? Les simulations donnent-elles des preuves que les votes des membres du CG ne sont pas neutres ? Afin de déterminer quelle règle de vote reproduit le mieux le processus décisionnel en vigueur au sein du CG, on compare cette fois les trois règles de vote au taux de la BCE observé. Il s’agit du taux « Principales opérations de refinancement » et il est représenté graphiquement avec un trimestre de décalage, de manière à comparer les taux simulés par les règles au trimestre t et le taux mis en œuvre par la BCE au trimestre t+1. Cela revient à supposer que la BCE réagit avec un trimestre de retard par rapport aux variations conjoncturelles.

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La comparaison montre que le taux de la BCE décalé d’un trimestre est souvent très proche de la règle « idéale » C et toujours nettement inférieur à la règle A – sauf en 2003, mais cet écart devra être confirmé par une mise à jour des simulations lorsque des données plus récentes seront disponibles. Cela invalide les suspicions de votes partisans: les simulations n’apportent aucune preuve de votes nationalistes et laissent même penser que les intérêts de la zone sont bien représentés.

2.5.2.3. Les décisions de politique monétaire sont-elles adaptées aux besoins de la zone ?

La dernière comparaison confronte la règle de Taylor appliquée aux données européennes agrégées et le taux de la BCE décalé d’un trimestre. Cela permet d’apporter des pistes de réponses sur l’adaptation de la politique monétaire de la BCE aux besoins de la zone euro indiqués par la règle de Taylor de référence ainsi que sur le délai de réaction de la BCE aux changements conjoncturels. On observe que la politique monétaire menée par la BCE est généralement conforme aux besoins de la zone euro (quoique temporairement trop restrictive début 1999 et 2000, peut-être également en 2003), avec environ un trimestre de retard. Le fait que le taux mis en œuvre par la BCE début 1999 ait été plutôt élevé par rapport à la règle de Taylor simulée est probablement dû à la nécessaire période d’adaptation après la création de l’euro, pendant laquelle la BCE s’est ajustée à la situation de la zone euro. En 2000, la BCE semble avoir mené une politique un peu trop restrictive. Plusieurs explications peuvent contribuer à comprendre la forte montée du taux d’intérêt en 1999-2000. D’une part, la BCE a pu se montrer trop prudente devant les tensions inflationnistes, peut-être par souci d’affirmer son objectif de stabilité des prix afin d’asseoir sa réputation. Il est également possible que les anticipations de la BCE sur la croissance européenne aient été trop optimistes, la conduisant à augmenter trop fortement son taux d’intérêt. En 2001-2002, les simulations indiquent que le taux de la BCE a remarquablement suivi la règle de Taylor européenne. Enfin, il convient de rester prudent devant le nouvel écart observé en 2003. En effet, il ne résulte pas nécessairement d’un durcissement de la politique monétaire de la BCE, mais peut-être du mode de traitement des variables et des spécifications utilisées pour les simulations. Nous avons souligné au début de ce chapitre le problème posé par le filtre de Hodrick-Prescott en fin de période, lorsque la tendance est biaisée en direction des dernières observations. Cela peut expliquer une partie de l’écart, qui dans ce cas sera mécaniquement réduit lorsque l’utilisation de séries temporelles plus longues fournira une meilleure estimation du PIB tendanciel et donc de l’output gap pour 2003. D’autre part, nous avons choisi de mesurer l’inflation par un taux d’inflation légèrement lissé afin de prendre en compte le moyen terme, mais il est possible que la BCE utilise d’autres méthodes pour évaluer l’inflation sur le moyen terme – par exemple elle peut se

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concentrer davantage sur l’inflation anticipée. Une fois encore, cette hypothèse pourra être testée lorsque des données plus récentes sur l’inflation seront disponibles. En ce qui concerne le délai de réaction de la BCE, les simulations sur données trimestrielles montrent qu’il est proche d’un trimestre, quoique probablement légèrement supérieur à cela. L’analyse plus fine sur données mensuelles réalisée par Artus et Wyplosz [2002] conclut à un retard de quatre ou cinq mois, ce que les auteurs considèrent comme un délai tout à fait acceptable par rapport à d’autres banques centrales – d’autant plus que la BCE n’a pas besoin de réagir promptement aux variations du taux d’inflation puisqu’elle s’attache à stabiliser les prix sur le moyen terme. 2.5.3. Discussion sur l’électeur médian Nous avons considéré pour l’instant que le vote agrégé était une moyenne pondérée des votes nationaux. Il est intéressant, pour compléter l’analyse, d’étudier la décision à laquelle conduirait le vote de l’électeur médian. La prise en compte de l’électeur médian plutôt que d’une moyenne des votes est généralement motivée par le fait que ce mode de décision collective rend inutile toute tentative de manipulation du vote : quelle que soit sa position par rapport à ses partenaires, un joueur a toujours intérêt à voter de façon sincère pour son option préférée. Dans le cadre du CG, cette précaution n’est pas nécessairement utile dans la mesure où les données macroéconomiques (y compris les erreurs d’anticipation) qui sous-tendent le choix du taux d’intérêt sont généralement de connaissance commune. Un membre du CG ne pourrait voter pour un taux d’intérêt délibérément bas ou élevé qu’en invoquant un changement de pondération des objectifs d’inflation et d’activité ou une information privée de meilleure qualité sur les projections macroéconomiques. Cependant, l’étude du vote de l’électeur médian peut enrichir l’analyse dans la mesure où elle complète la comparaison des décisions collectives résultant de différentes règles de pondération. En effet, on peut définir d’au moins deux manières différentes l’électeur médian au sein du CG, en retenant soit la pondération « un homme, une voix », soit la pondération correspondant au poids économique des différents pays.

2.5.3.1. Deux définitions de l’électeur médian dans l’UEM Les figures 2.2 et 2.3 représentent le classement des pays par taux d’intérêt national préféré croissant et indiquent la nationalité de l’électeur médian lorsque la pondération est soit celle en vigueur (un homme, une voix, y compris les six membres du Directoire), soit une pondération proportionnelle au poids économique. Pour la pondération « un homme, une voix », comme certains pays disposent de deux voix provenant du gouverneur de la BCN et d’un membre du Directoire, deux pays se retrouvent à chaque date de part et d’autre de la position médiane. De même, pour la pondération selon le PIB, le taux correspondant à 50% du PIB européen est obtenu par

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extrapolation linéaire entre les taux des pays situés autour du poids médian. Pour cette raison, dans les deux graphiques, à chaque période deux pays entourent la position médiane et sont représentés graphiquement par une zone encadrée. La position du taux de Taylor européen par rapport à ce classement par pays est notée par le symbole « UEM » en gras. La position des deux plus grands pays, la France et l’Allemagne, est mise en avant par des cellules grisées. Enfin, à droite des figures, une colonne compare le vote de l’électeur médian et le taux de Taylor pour la zone euro : l’électeur médian conduit-il à un taux d’intérêt trop élevé, trop bas ou conforme aux besoins de la zone ? Figure 2.3. Electeur médian selon le nombre voix au CG

Date Classement des taux souhaités par ordre croissant

Zone encadrée : électeur médian selon la pondération uniforme avec Directoire natio naliste

Comparaison entre le vote de

l’électeur médian et la règle de Taylor pour la

zone euro Q1 1999 UEM A F D I E FIN IRL NL B P > Q2 1999 D F UEM A I FIN IRL NL E B P > Q3 1999 D F UEM FIN I A NL E IRL B P > Q4 1999 F D A UEM I FIN P NL E B IRL > Q1 2000 UEM D F A I IRL FIN E NL B P > Q2 2000 F UEM D I A FIN NL P B E IRL > Q3 2000 F D UEM A I FIN E B NL IRL P > Q4 2000 D F A I UEM E FIN B NL P IRL = Q1 2001 D F A UEM I E FIN B P NL IRL > Q2 2001 A FIN D F UEM I B E P NL IRL = Q3 2001 D A FIN F UEM B I E IRL P NL > Q4 2001 B D A FIN F UEM I E IRL NL P = Q1 2002 FIN D B F A UEM I E NL P IRL = Q2 2002 D B A FIN UEM F I E NL P IRL > Q3 2002 D B A FIN UEM F I E P NL IRL > Q4 2002 D B A UEM F FIN P I NL E IRL > Q1 2003 FIN D B A UEM F IRL NL P I E > Q2 2003 B D FIN F A UEM NL P I E IRL = Q3 2003 IRL D B A FIN NL UEM P F I E <

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Eloïse Stéclebout Chapitre 2

111

Figure 2.4. Electeur médian selon le poids économique

Date Classement des taux souhaités par ordre croissant

Zone encadrée : électeur médian selon la pondération proportionnelle au PIB

Comparaison entre le vote de

l’électeur médian et la règle de Taylor pour la

zone euro Q1 1999 UEM A F D I E FIN IRL NL B P > Q2 1999 D F UEM A I FIN IRL NL E B P < Q3 1999 D F UEM FIN I A NL E IRL B P < Q4 1999 F D A UEM I FIN P NL E B IRL < Q1 2000 UEM D F A I IRL FIN E NL B P > Q2 2000 F UEM D I A FIN NL P B E IRL = Q3 2000 F D UEM A I FIN E B NL IRL P < Q4 2000 D F A I UEM E FIN B NL P IRL < Q1 2001 D F A UEM I E FIN B P NL IRL < Q2 2001 A FIN D F UEM I B E P NL IRL < Q3 2001 D A FIN F UEM B I E IRL P NL < Q4 2001 B D A FIN F UEM I E IRL NL P < Q1 2002 FIN D B F A UEM I E NL P IRL < Q2 2002 D B A FIN UEM F I E NL P IRL = Q3 2002 D B A FIN UEM F I E P NL IRL = Q4 2002 D B A UEM F FIN P I NL E IRL = Q1 2003 FIN D B A UEM F IRL NL P I E = Q2 2003 B D FIN F A UEM NL P I E IRL < Q3 2003 IRL D B A FIN NL UEM P F I E =

2.5.3.2. Rang de l’Allemagne et de la France et électeur médian

Tandis que l’Allemagne est presque à chaque trimestre parmi les deux pays nécessitant les taux d’intérêt les plus bas, le rang de la France change au cours du temps : pendant les deux premières années suivant le lancement de l’euro, son taux d’intérêt souhaité est presque toujours parmi les deux plus bas, puis, sous l’effet d’une augmentation de l’inflation et d’un output gap relativement moins bas que celui de ses partenaires, le taux d’intérêt souhaité par la France remonte dans le classement des taux nationaux. Cela explique que la France se trouve cinq fois en position d’électeur médian en termes de nombre de voix au CG entre le deuxième trimestre 2001 et le troisième trimestre 2003. Quant à la pondération selon le poids économique, elle place la France et l’Allemagne de part et d’autre du poids économique médian en 1999 et 2000, puisque ce sont les deux pays souhaitant les taux les plus bas et qu’ils représentent ensemble 53% du PIB européen. En 2001-2003, le fait que l’Allemagne souhaite toujours un taux bas et que les autres pays souhaitant des taux bas soient de petits pays (Autriche, Belgique, Finlande) implique que le seuil de 50% du PIB européen corresponde à la position de la France. Finalement, à chaque trimestre de début 1999 au deuxième trimestre 2003, la France est en position d’électeur médian en termes de poids économique. Dès lors, le problème de sur-représentation de la France et de l’Allemagne soulevé par von Hagen et Brückner [2002] s’interprète différemment. Si l’on raisonne en fonction du poids économique, la France et l’Allemagne représentent plus de la moitié du PIB

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Eloïse Stéclebout Chapitre 2

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européen et il n’est donc pas particulièrement anormal que le taux d’intérêt choisi par la BCE reflète pour une bonne partie leur situation économique. Le fait que la moitié de l’économie de l’UEM requière un taux inférieur au taux souhaité par la France et que l’autre moitié préfère un taux supérieur place la France dans une position particulière, souvent assez représentative des intérêts de l’ensemble de la zone. Le graphique 2.8, comparant la règle de Taylor appliquée à la France, à l’Allemagne et à la zone euro ainsi que le taux de la BCE décalé d’un trimestre, illustre cette position de la France et montre que l’Allemagne préfère en revanche un taux de plus en plus bas par rapport à la règle de Taylor européenne. Graphique 2.8. Comparaison entre la règle de Taylor appliquée à l’Allemagne, à la France ou à la zone euro et le taux d’intérêt observé

Taux d'intérêt souhaités par l'Allemagne et la Fran ce et politique monétaire de la BCE

-1

0

1

2

3

4

5

Q1

1999

Q2

1999

Q3

1999

Q4

1999

Q1

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Q2

2000

Q3

2000

Q4

2000

Q1

2001

Q2

2001

Q3

2001

Q4

2001

Q1

2002

Q2

2002

Q3

2002

Q4

2002

Q1

2003

Q2

2003

Q3

2003

Taux d'intérêt observé décalé d'un trimestre

Règle de Taylor appliquée aux données européennesRègle de Taylor appliquée à la France

Règle de Taylor appliquée à l'Allemagne

2.5.3.3. Un nouvel éclairage sur l’impact de la règle de pondération L’étude du vote de l’électeur médian apporte un nouvel éclairage sur l’importance du type de pondération des voix. Si l’on compare le taux choisi par l’électeur médian et le taux de Taylor simulé pour la zone euro, on constate que les deux pondérations considérées donnent des résultats symétriques. Sur 19 trimestres, la pondération uniforme des pays conduit le plus souvent à un taux trop élevé par rapport aux besoins de la zone tandis qu’une pondération proportionnelle au PIB conduit le plus souvent à un taux d’intérêt trop bas [Tableau 2.5]. Tableau 2.5. Biais positif ou négatif du vote de l’électeur médian selon la pondération Nombre de trimestres où le vote de l’électeur médian est…

Pondération selon le nombre de voix

Pondération selon le poids économique

… supérieur au taux de Taylor européen 13 2 … proche du taux de Taylor européen 5 6 … inférieur au taux de Taylor européen 1 11

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Il en ressort qu’une pondération trop uniforme des voix crée un biais restrictif pour la politique monétaire de la BCE mais qu’une pondération selon le PIB a tendance à tirer le taux d’intérêt vers le bas. Par conséquent, il est probable qu’une réforme mettant en place une pondération intermédiaire engendrerait un vote de l’électeur médian plus souvent proche du taux de Taylor européen. 2.5.4. Bilan sur la performance institutionnelle de la BCE de 1999 à 2003 Jusqu’à 2003, les décisions de la BCE apparaissent finalement assez conformes aux besoins de la zone, ce qui révèle deux configurations possibles pour le processus décisionnel. Soit, contrairement aux craintes provoquées par le manque de transparence de la BCE, les membres du CG ont bien tous un comportement pro-européen, auquel cas la pondération des voix importe peu et il est possible que la décision collective repose sur un consensus sans vote, conformément aux déclarations de Wim Duisenberg – et alors la réforme de la BCE donnant un plus grand pouvoir de décision aux grands pays n’est pas nécessaire, à condition que les nouveaux Etats membres suivent ce même comportement une fois qu’ils auront adopté l’euro. Soit les votes sont nationalistes mais la règle de vote « un homme, une voix » est écartée au profit d’un plus fort pouvoir d’influence des grands pays – dans ce deuxième cas, la meilleure représentation des grands pays par rapport à la règle de pondération uniforme constitue un écart par rapport au processus décisionnel prévu par les statuts de la BCE, mais rééquilibre la prise en compte des besoins de l’ensemble de la zone euro. Si cette deuxième configuration correspond davantage à la réalité de la procédure de vote que la première, la réforme de la BCE est justifiée : en accordant officiellement davantage de poids aux grands pays, elle tendra à éviter que de petits pays ne fassent valoir leurs intérêts bien plus que leur poids économique dans la zone euro ne le nécessite. La dernière section de ce chapitre tente de donner un aperçu de l’impact possible du futur élargissement de l’UEM sur le processus décisionnel.

2.6. Une conjecture sur l’impact de l’adoption de l’euro par de nouveaux pays

Cette dernière section adopte une approche prospective sur le fonctionnement institutionnel de la BCE : que peut-on actuellement attendre de l’impact du futur élargissement de l’UEM sur le processus de décision au sein du Conseil des gouverneurs ? 2.6.1. Les critères de Maastricht dans les nouveaux Etats membres de l’UE Les nouveaux membres de l’UE sont membres de l’UEM avec une dérogation, ce qui signifie qu’ils ont l’obligation d’entrer dans l’UEM dès qu’ils rempliront les critères de Maastricht (cela n’exclut pas, toutefois qu’un pays préférant ne pas adopter la monnaie unique ne décide délibérément de ne pas respecter les critères). Quand peut-on s’attendre à ce qu’ils soient qualifiés pour entrer dans la zone euro ?

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L’annexe 2.3 présente une série de graphiques et de tableaux décrivant l’évolution et la situation récente des nouveaux Etats membres du point de vue des critères de convergence13.

2.6.1.1. La stabilité des prix Le critère de prix requiert que le taux d’inflation ne dépasse pas de plus de 1,5% l’inflation des trois pays les moins inflationnistes. En 2002, cette limite était de 3,6%. Les nouveaux Etats membres ont connu une importante désinflation au cours de la dernière décennie. Alors que huit d’entre eux avaient des taux d’inflation supérieurs à 10% en 1994 – et même jusqu’à 72,2% en Lituanie –, en 2002 tous sauf la Slovénie et la Hongrie étaient sous le seuil de Maastricht de 3,6% [graphique 2.11 de l’annexe 2.3]. Cependant, il est possible que l’inflation augmente à nouveau par la suite à cause de l’effet Balassa-Samuelson : dans les pays en situation de rattrapage économique, en raison d’une croissance rapide de la productivité du travail dans le secteur exposé à la concurrence internationale, les salaires du secteur exposé augmentent et cette hausse se propage également au secteur abrité (tel que les services) et au niveau général des prix. L’effet Balassa-Samuelson peut d’ailleurs constituer un argument en faveur d’une entrée plus tardive des nouveaux Etats membres dans l’euro : en effet, une fois qu’ils auront adopté la monnaie unique, il ne leur sera plus possible d’avoir recours à un réalignement par le taux de change. Du point de vue de la zone euro, le problème d’une inflation plus élevée chez les nouveaux Etats membres n’est pas tant son impact sur l’inflation de la zone euro (le faible poids économique de ces pays ne suffisant pas à menacer la stabilité des prix de la zone) que son impact sur le choix d’un taux d’intérêt commun : le différentiel d’inflation entre les membres actuels et les futurs membres conduit ces derniers à préférer un taux d’intérêt plus élevé.

2.6.1.2. Les taux d’intérêt à long terme Selon le critère de convergence qui leur est consacré, les taux d’intérêt à long terme ne doivent pas dépasser de plus de 2 points le taux moyen des titres d’Etat à 10 ans des trois pays les moins inflationnistes. En 2003, le seuil était de 6,8% et seuls deux pays14 avaient des taux supérieurs : la Pologne (6,9%) et la Hongrie (7,1%) [Graphique 2.12 de l’Annexe 2.3].

13 L’indépendance de la banque centrale n’est pas un critère de convergence mais était une condition requise pour l’entrée dans l’UE en tant qu’élément de l’acquis communautaire. Ce critère est moins clair que les autres parce qu’il n’est pas mesuré par un indicateur unique. De Haan, Eijffinger and Waller [2003] ont comparé plusieurs indices pour évaluer le degré d’indépendance et ils montrent que sur le papier, les banques centrales des nouveaux Etats membres sont remarquablement indépendantes. Pourtant, l’indépendance de fait, mesurée par le taux de rotation des gouverneurs, est moins satisfaisante. 14 Deux pays parmi huit – nous n’avons pas de données pour les deux derniers pays (Malte et Chypre).

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2.6.1.3. Les finances publiques A l’exception de la Hongrie, de la Slovaquie et de Malte, la plupart des nouveaux Etats membres respectent actuellement le critère de déficit public (qui doit être inférieur à 3 points de PIB) ou en sont proches [Graphique 2.13 de l’Annexe 2.3]. En ce qui concerne le critère de dette publique, tous les pays sauf Malte (66,4%) avaient une dette inférieure à 60 points de PIB en 2002. L’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la République tchèque et la Slovénie ont même des dettes inférieures à 30 points de PIB [Graphique 2.14 de l’Annexe 2.3].

2.6.1.4. La stabilité du taux de change Ce dernier critère demande que les pays aient participé depuis au moins deux ans au nouveau mécanisme de taux de change européen (MCE II ou « SME bis ») en restant à l’intérieur des marges normales de fluctuations de +/- 15% sans qu’une dévaluation ne soit nécessaire. Le graphique 2.15 de l’Annexe 2.3 indique qu’au moins pour les huit pays considérés, la stabilité du taux de change n’est pas actuellement un problème. Des tensions sur les taux de change pourraient cependant apparaître plus tard, à cause de l’effet Balassa-Samuelson ou en raison d’afflux massifs de capitaux. En ce qui concerne la condition de participation au MCE, la plupart des pays pourraient affirmer que même s’ils n’étaient pas encore officiellement dans le MCE, ils avaient déjà établi des régimes de change stables avant d’entrer dans l’UE et dans le MCE. En effet, plusieurs pays avaient mis en place un currency board avec un ancrage à l’euro, ce qui est un engagement fort constituant une forme crédible de régime de changes fixes [Tableau 2.7 de l’Annexe 2.3]. Cela pourrait favoriser l’entrer dans l’euro de certains pays avant qu’ils n’aient atteint deux ans de participation au MCE. En résumé, malgré les réticences de la Commission européenne sur une entrée trop précoce dans l’euro – elle insiste au contraire sur la nécessité d’une convergence réelle en plus de la convergence nominale afin de réduire le risque de chocs asymétriques [Andreff 2004] –, il est possible que plusieurs des nouveaux Etats membres adoptent l’euro dès 2006 s’ils continuent à respecter les critères de Maastricht, ou même dès 2005 si le critère de taux de change est interprété de façon souple. Quelles peuvent être les conséquences de leur participation à l’euro sur le processus de décision au sein du CG ? 2.6.2. Un aperçu de l’impact possible sur la cohérence institutionnelle

2.6.2.1. Conséquences de l’hétérogénéité des conjonctures sur le taux d’intérêt préféré

Les mêmes simulations que pour l’UEM actuelle sont appliquées aux dix nouveaux membres de l’UE. Puisque nous ne disposons pas encore de projections crédibles pour 2006 et au-delà, nous utilisons les données de la période 1999-2003. Par conséquent, les simulations n’ont bien sûr pas la même signification que pour les pays participant déjà à

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l’euro : dans le cas des nouveaux membres, cela ne relève pas de l’évaluation de la performance institutionnelle actuelle de la BCE, mais d’une expérience de pensée sans aucune prétention de réalisme (si c’était le cas, elle ne serait d’ailleurs d’aucun poids face à la critique de Lucas15). Dans ces simulations, la règle de Taylor n’est pas utilisée comme règle de référence pour une politique monétaire optimale, mais comme révélateur de l’évolution de l’écart de taux d’intérêt préférés entre les membres actuels et les futurs membres, avec une interrogation sur la viabilité du cadre institutionnel après l’élargissement de l’UEM. On part d’une hypothèse extrême : si, dès 1999, ces dix pays avaient adopté la même règle de politique monétaire que les membres actuels de l’UEM, mais appliquée à leur propre conjoncture, quels taux d’intérêt auraient-ils souhaités ? De plus, si la décision du CG avait tenu compte des votes de ces pays, quel taux d’intérêt européen la BCE aurait-elle mis en œuvre ? Le graphique 2.9 représente les taux d’intérêt préférés par chaque pays selon la même règle de Taylor que précédemment : le poids de l’objectif d’inflation est de 1,2 et celui de l’objectif d’activité de 0,8, la cible d’inflation est de 2% et la constante est le taux d’intérêt réel de long terme de la zone euro actuelle. Graphique 2.9. Taux d’intérêt nationaux préférés simulés pour les nouveaux Etats membres

Règles de Taylor simulées pour les nouveaux Etats membres

-5

0

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10

15

20

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Q1

19

99

Q2

19

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Q3

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Q4

19

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Q1

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00

Q2

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00

Q3

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Q1

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01

Q2

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01

Q3

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Q4

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01

Q1

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02

Q2

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02

Q3

20

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Q4

20

02

Q1

20

03

Q2

20

03

Estonie Hongrie LettonieLituanie Malte PologneRép. Tchèque Slovaquie Slovénie

15 Cette expérience de pensée totalement fictive revient en effet à supposer que les comportements sont stables et que les nouveaux adhérents auraient pu avoir déjà le même comportement de la BCE avant même de savoir s’ils allaient entrer dans l’Union européenne et qu’ils l’auront encore une fois dans l’UEM… Alors qu’il est tout à fait envisageable que le comportement des nouveaux adhérents change dès qu’ils entreront. Il est donc important de souligner que l’approche est très différente de celle de la section précédente : il s’agit cette fois de révéler des écarts de taux d’intérêt préférés entre membres actuels et futurs membres, et non de révéler des comportements effectifs.

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Les pays ayant les taux d’intérêt de Taylor les plus élevés sont la Slovaquie, la Pologne, la Slovénie et la Hongrie – c’est-à-dire les pays ayant les taux d’inflation les plus élevés, comme le montre le graphique 2.11 de l’annexe 2.3. Leurs taux d’intérêt souhaités diminuent avec l’inflation en 2000-2002, sauf pour la Slovaquie dont le taux d’inflation reste supérieur à 7% en 2002. La Lituanie préfère en revanche un taux d’intérêt beaucoup plus bas, voire négatif fin 1999 et fin 2000, en raison de son inflation très faible et de son output gap négatif.

2.6.2.2. Impact sur le processus décisionnel au sein du CG • La réforme de la BCE Les membres actuels de l’UEM craignent que lorsque les nouveaux Etats membres adopteront l’euro, cela n’affecte le processus décisionnel : non seulement les décisions peuvent être plus difficiles à prendre à cause du plus grand nombre de représentants nationaux (surtout si les décisions sont adoptées par consensus), mais en plus les nouveaux membres risquent d’avoir une inflation plus élevée et, s’ils ont une attitude nationaliste lors des votes, de tirer le taux d’intérêt de la zone euro vers le haut alors qu’ils ne représentent qu’une faible part de l’économie européenne. C’est pourquoi les pays participant à l’euro actuellement ont décidé de mettre en œuvre une réforme de la BCE pour prévenir ce risque. Plusieurs plans de réforme ont été proposés. La première proposition, la centralisation, impliquait que le pouvoir de décision fût restreint au Directoire de la BCE, dont les membres sont moins suspectés d’être partisans. Mais cette nouvelle configuration est officiellement interdite par le Traité et de plus, elle n’empêcherait pas les gouvernements nationaux ou d’autres groupes d’intérêts de faire pression de manière informelle sur les décisions. Deuxièmement, un plan de réforme inspiré de la formule du FMI suggérait de diviser les membres de l’UEM en trois groupes : les grands pays (Allemagne, France, Italie, Espagne et, quand il entrera dans l’euro, le Royaume-Uni) auraient disposé de 4 voix, les pays de taille moyenne (les autres membres actuels, dont le Luxembourg en raison de son niveau économique) auraient eu 8 voix et les autres pays (les nouveaux Etats membres de l’UE, y compris la Pologne à cause de son faible niveau de PIB par tête) auraient été crédités de 3 voix. Le problème de ce processus décisionnel en deux étapes est qu’il s’écarte de la règle « un pays, une voix » et qu’il va à l’encontre d’une vision à l’échelle européenne de la part des membres du CG. Les Etats membres se sont mis d’accord sur une troisième formule en mars 2003. Il s’agit d’un système de rotation, inspiré de la formule de la Federal Reserve américaine, qui accorde des sièges permanents aux six membres du Directoire et prévoit une rotation des gouverneurs des BCN telle que seulement quinze pays participent aux décisions – les autres gouverneurs pouvant assister aux réunions mais sans prendre part aux votes [The Monetary Policy of the ECB, 2004]. L’avantage de ce système est que, tout en préservant le principe « un pays, une voix » puisque chaque pays participant au vote aura le même poids, il vise à mieux refléter la taille relative des pays. Le système

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de rotation est en effet très semblable au regroupement proposé dans la réforme précédente : quatre pays parmi les cinq plus grands, huit pays parmi les pays de taille moyenne, dont le nombre est fixé à la moitié du nombre d’Etats membres, et trois pays parmi les autres membres, auront le droit de participer aux votes. • Simulations de trois règles de vote On calcule ces taux nationaux souhaités et on simule différentes règles de vote agrégé, selon les trois nouvelles règles de pondérations mises à jour [Tableau 2.6]. La règle A reprend la pondération uniforme pour tous les pays, et donne une voix à chaque membre du Directoire, en supposant des votes nationalistes de la part de tous les participants à la décision. Tableau 2.6. Les trois règles de vote avec les nouveaux Etats membres de l’UE

Règle B : réforme selon un système de rotation

Pays Règle A : Pondération uniforme

(un pays, une voix, et Directoire nationaliste)

version basse version haute

Règle C : Part dans le PIB de l’UEM à 22 pays et

Directoire pro-européen** Allemagne 1 + 1* 1 + 1* 1* 29,71% France 1 1 1 20,15% Italie 1 + 1* 1 + 1* 1 + 1* 16,47% Espagne 1 + 1* 1 + 1* 1 + 1* 8,38% Pays-Bas 1 + 1* 1* 1 + 1* 5,54% Belgique 1 1 1 3,49% Autriche 1 1 2,93% Finlande 1 + 1* 1 + 1* 1 + 1* 1,82% Portugal 1 1 1 1,58% Irlande 1 1 1 1,31% Pologne 1 1 1 3,00% Rép. tchèque 1 1 1 1,11% Hongrie 1 1 1,05% Slovaquie 1 1 1 0,38% Slovénie 1 1 0,35% Lituanie 1 1 0,22% Lettonie 1 1 0,13% Estonie 1 1 0,10% Malte 1 1 1 0,06%

* Membres du Directoire sous la présidence de Wim Duisenberg (les simulations se terminent au troisième trimestre 2003) ** Simulation du vote du Directoire dans la règle C : puisque nous ne disposons pas de données agrégées pour ces 22 pays, nous considérons que le Directoire vote pour le vote agrégé des gouverneurs des BCN pondérés selon le PIB. Note : pays non simulés par manque de données : Luxembourg, Grèce, Chypre. La règle B correspond à la réforme décidée en mars 2003. Puisque nous étudions le cas d’une UEM à 19 membres (les 12 membres actuels + les 10 nouveaux pays, moins trois pour lesquels nous n’avons pas de données permettant de simuler le taux d’intérêt souhaité), la répartition des votes est comme suit : • 4 voix parmi les 5 plus grands pays : Allemagne, France, Italie, Espagne, Pays-Bas

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• 8 voix parmi les 9 pays de taille moyenne : Belgique, Autriche, Finlande, Portugal, Irlande, Pologne, République tchèque, Hongrie, Slovaquie

• 3 voix parmi les 5 autres pays : Slovénie, Lituanie, Lettonie, Estonie, Malte. Plutôt que de prévoir toutes les combinaisons de pays possibles, nous simulons les deux configurations extrêmes. La version basse exclut dans chaque groupe le ou les pays souhaitant les taux d’intérêt les plus élevés : • parmi les grands pays : les Pays-Bas ; • parmi les pays intermédiaires : la Hongrie ; • parmi les petits pays : la Slovénie et l’Estonie. Inversement, pour la version haute, on retire à chaque fois le ou les pays ayant les taux d’intérêt préférés les plus bas : • parmi les grands pays : l’Allemagne ; • parmi les pays intermédiaires : l’Autriche ; • parmi les petits pays : la Lituanie et la Lettonie. Toutes les autres combinaisons possibles se trouvent nécessairement entre ces deux versions. Enfin, la règle C correspond toujours à une règle dans laquelle les votes des gouverneurs des BCN sont nationalistes mais pondérés selon le poids économique du pays, tandis que le Directoire vote pour le taux européen (ici estimé par la moyenne des votes nationaux pondérée par le poids économique – autrement dit, le vote du Directoire n’affecte pas le vote agrégé des gouverneurs de BCN). • Conclusion sur l’évolution de l’écart de taux d’intérêt préférés entre

membres actuels et futurs La règle de Taylor appliqué à la zone euro actuelle et le taux de la BCE observé sont rappelés en tant que référence pour les préférences des membres actuels de l’UEM, tandis que les trois simulations de règles de vote (dont deux versions pour la règle réformée) comprennent à la fois les préférences des membres actuels et celles des futurs membres de l’UEM. Les simulations [Graphique 2.10] montrent de façon générale un important écart de taux d’intérêt préférés entre l’UEM élargie et la zone euro actuelle en 1999-2000, qui est dû au fait que les nouveaux Etats membres de l’UE ont des taux d’inflation souvent élevés qui nécessitent un taux d’intérêt lui aussi élevé. Cependant, cet écart se réduit considérablement par la suite ; fin 2002, les taux d’intérêt préférés par les nouveaux membres rejoignent même ceux des membres actuels. Cela s’explique par la forte baisse de l’inflation chez les nouveaux adhérents : la convergence nominale mesurée par les critères de Maastricht se traduit ici en une convergence des votes, garante d’une meilleure cohérence institutionnelle.

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Si l’on regarde plus particulièrement l’impact de la réforme du processus décisionnel, on remarque que passer de la règle A à la règle réformée B ne conduit pas nécessairement à une meilleure représentation des intérêts de la zone euro. En effet, si parmi les quinze gouverneurs de BCN participant au vote se trouvent au même moment les représentants des pays souhaitant les taux les plus élevés, la procédure de vote réformée conduit à un taux encore plus élevé que sous la règle A. Si, inversement, les gouverneurs ayant le droit de prendre part au vote sont dans chacun des trois groupes ceux qui ont les taux d’intérêt préférés les plus bas, la règle réformée entraîne la mise en œuvre d’un taux moins haut que sous la règle A, mais qui reste supérieur au taux de la règle C, la plus conforme aux intérêts de l’ensemble de la zone. En somme, selon les combinaisons de pays auxquelles elle donnera lieu, la réforme de la BCE peut conduire à une politique plus ou moins restrictive par rapport à la règle de vote initiale ; elle permet à chaque grand pays de participer aux votes plus souvent qu’un pays de taille inférieure, mais sans assurer pour autant une meilleure prise en compte des intérêts de la zone. Graphique 2.10. La confrontation selon les différentes règles de vote des taux d’intérêts préférés dans la zone euro « élargie »

Règle de Taylor et taux observé pour la zone euro a ctuelle,règles de vote simulées dans la zone euro "élargie"

0

1

2

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Règle de Taylor appliquée à la zone euro actuelle

Règle de vote A dans l'UEM élargie (avec votes du Directoire)

Règle de vote réformée B version haute

Règle de vote réformée B version basse

Règle de vote C dans l'UEM élargie

Taux d'intérêt de la BCE observé décalé d'un trimestre

Cependant, de même que les décisions du CG jusqu’à présent ont été plus proches de la règle « idéale » C que de la règle A, il est possible que les décisions prises par le CG dans une UEM élargie correspondent davantage aux intérêts de l’ensemble de la zone que ne l’indiquent les simulations de la règle de vote réformée, sous trois conditions :

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• Si les plus grands pays de l’UEM ont en réalité un pouvoir d’influence sur les décisions plus important que leur pouvoir de décision officiel mesuré par le nombre de voix,

• Ou si les votes des gouverneurs des BCN ne sont pas motivés par des intérêts nationaux mais par la prise en compte des besoins de toute la zone euro,

• Ou encore si les conjonctures nationales, et donc les taux d’intérêt préférés, convergent suffisamment pour que la pondération des votes importe peu sur la décision collective.

Or, la convergence des taux d’intérêt préférés révélée par les simulations semble indiquer qu’au moins la troisième condition tend à être vérifiée. Ce résultat est donc de bon augure pour la survie de dispositif institutionnel dans les prochaines années – à condition toutefois que cette convergence se prolonge et que les nouveaux adhérents adoptent effectivement la même règle de formation du taux d’intérêt préféré que leurs voisins « in » actuels.

2.7. Conclusion Après avoir souligné les problèmes de mise en œuvre de la règle de Taylor ainsi que les difficultés de comparaison entre des règles reposant sur des approches méthodologiques diverses, ce chapitre développe trois analyses combinant la règle de Taylor à d’autres outils théoriques afin de retracer l’évolution des processus de formation des politiques monétaires en Europe. L’analyse économétrique des ajustements de court terme des taux d’intérêt révèle d’abord la formation de deux clubs dans les premières années du SME : d’une part, les pays conservant un certain degré de déterminants domestiques, et d’autre part, les pays alignés sur la politique monétaire allemande, renonçant à l’autonomie de leur politique monétaire – puis, sous l’effet de la libéralisation des mouvements de capitaux, la convergence du premier club vers le second. La constitution d’une zone Mark à l’intérieur du SME a ainsi établi un système asymétrique et hiérarchisé et maintenu la coexistence de deux règles de politique monétaire : une règle autonome pour l’Allemagne et un alignement contraint pour les autres pays. Le caractère asymétrique du processus décisionnel dans un contexte institutionnel qui était pourtant prévu pour être symétrique s’explique par l’hétérogénéité entre les pays du SME. L’Allemagne a bénéficié d’une position de leader au sein du SME grâce à un taux d’inflation plus bas que celui de la plupart de ses partenaires et à une monnaie forte par rapport aux autres monnaies du SME. Dans un contexte de changes fixes et de pressions croissantes sur les marchés financiers, les autres pays ont été contraints, plus ou moins tardivement, à ancrer leur politique monétaire sur celle de l’Allemagne. C’est ainsi que l’on pourrait résumer la formation de la politique monétaire à la fin du SME par la formule « un pour tous », la Bundesbank décidant de fait d’une politique monétaire selon les intérêts allemands, mais sur laquelle les autres pays ont été contraints de s’aligner, abandonnant la possibilité du « chacun pour soi » correspondant à des politiques monétaires nationales autonomes.

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La deuxième étude adopte un point de vue méthodologique inverse pour étudier le processus décisionnel de la BCE, puisqu’une analyse économétrique du comportement de la BCE reste peu envisageable tant que les séries de données ne sont pas suffisamment longues. L’analyse part donc d’hypothèses sur une règle de Taylor théorique supposée retranscrire les objectifs de la politique monétaire de la zone euro (poids de 1,2 pour l’objectif de stabilité des prix et de 0,8 pour l’objectif d’activité, cible d’inflation de 2%, output gap mesuré par le filtre de Hodrick-Prescott, inflation légèrement lissée afin de tenir compte du moyen terme, constante égale au taux d’intérêt réel de long terme de la zone euro) puis simule cette règle sur les différentes données nationales des pays participant à l’euro ainsi que sur les données européennes agrégées. Disposant ainsi d’indications sur les taux d’intérêt souhaités par chaque pays, nous développons ensuite une méthode inductive visant à révéler les modalités de la prise de décision au sein du CG de la BCE. Cette approche inductive est motivée par l’absence de transparence de la part de la BCE : faute de pouvoir observer les votes directement, nous choisissons de simuler trois règles de vote et de les confronter au taux observé afin de déterminer laquelle est la plus susceptible d’avoir été suivie. Les règles simulées supposent toutes des votes nationalistes, mais agrégés selon des règles de pondération reflétant plus ou moins le poids économique des pays. Il ressort des simulations que la politique mise en œuvre par la BCE est assez bien adaptée aux besoins de l’ensemble de la zone euro tels que nous les avons évalués, et qu’il est peu probable que les membres du CG aient des votes nationalistes si la pondération des votes est uniforme. En revanche, les simulations ne permettent pas de trancher sur les modalités pratiques de la prise de décision : la bonne prise en compte des intérêts de la zone peut s’expliquer par une vision pro-européenne de la politique monétaire de la part des membres du CG, mais elle peut aussi résulter de positions nationalistes associées à un pouvoir d’influence proportionnel au poids économique des pays. Les deux mécanismes ne sont toutefois pas nécessairement opposés : l’élaboration d’une conception consensuelle de la politique monétaire de la BCE, prenant en compte la situation de l’ensemble de la zone, peut être le résultat de débats au cours desquels les gouverneurs des BCN font passer des intérêts nationaux mais ne parviennent à les mettre en avant que dans la limite de leur poids économique relatif. Quoi qu’il en soit, la performance institutionnelle de la BCE apparaît satisfaisante dans le sens où elle conduit à une politique monétaire conforme aux intérêts de toute la zone, et pas seulement d’un pays. C’est pourquoi, en réponse au « un pour tous » du SME, la BCE semble davantage à même de correspondre à la formule « tous pour un » – tous les pays participant à la mise en œuvre d’une politique monétaire unique. D’autres simulations de la prise de décision, fondées cette fois sur le vote de l’électeur médian, complètent ces résultats. Elles montrent que si l’on classe les pays selon leurs préférences sur le niveau du taux d’intérêt, l’Allemagne est toujours parmi les pays souhaitant les taux d’intérêt les plus bas, tandis que la France est presque à chaque trimestre en position d’électeur médian (le caractère médian étant mesuré en termes de poids économique). Les simulations indiquent également que la prise en compte du vote de l’électeur médian selon le critère du nombre de voix officiel créerait la plupart du temps un biais restrictif pour la politique monétaire, mais que le vote de l’électeur médian selon le critère du poids économique conduirait à un taux d’intérêt souvent trop bas. Une pondération intermédiaire pourrait donc peut-être mieux refléter les besoins de la zone euro.

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La troisième analyse, qui relève davantage de l’expérience de pensée, utilise la règle de Taylor non comme guide pour un instrument de politique monétaire, mais comme un révélateur d’écart de préférences permettant de juger de la cohérence institutionnelle de la zone euro lorsque les nouveaux adhérents rejoindront l’UEM. Par conséquent, bien que les simulations reposent sur l’utilisation de variables passées, elles ne relèvent plus d’une démarche inductive mais ont une portée prospective. Des règles de vote sont simulées suivant le même principe de votes nationalistes et de différentes pondérations, en tenant compte notamment de la réforme institutionnelle de la BCE décidée en mars 2003. Deux principaux résultats en sont issus. Premièrement, si les gouverneurs des BCN et les membres du Directoire ont des votes nationalistes, la réforme du processus décisionnel permet au mieux de rapprocher partiellement la décision collective du taux d’intérêt requis par l’ensemble de la zone euro élargie, mais elle pourrait aussi conduire à un taux d’intérêt encore plus élevé s’il arrive que les pays prenant part au vote soient justement les plus favorables à des taux élevés. Toutefois, le deuxième résultat des simulations est qu’elles montrent une forte convergence des taux d’intérêt préférés depuis 2001, liée à la poursuite de la désinflation chez les nouveaux Etats membres. Si cette convergence est confirmée par la suite, elle contribuera probablement à rendre la prise de décision collective plus aisée. Même si les effets de la réforme de la BCE sur les décisions de politique monétaire après l’élargissement de l’UEM restent incertains, il est intéressant de noter que les membres actuels de la zone euro se sont posé la question de la réforme bien avant l’adoption de l’euro par de nouveaux pays. Une réflexion a été développée ex ante sur l’impact de l’élargissement, sur les problèmes décisionnels que peuvent poser l’augmentation du nombre de représentants nationaux et le risque d’une hétérogénéité accrue et sur des propositions de modifications du processus décisionnel pour prévenir ces problèmes. Dans le chapitre suivant, nous abordons la question différente d’une réforme à chaud du Pacte de stabilité, alors même que le dispositif institutionnel et décisionnel est en crise. Dans quelle mesure la contemporanéité des dysfonctionnements et des débats sur la solution à y apporter affecte-t-elle la probabilité d’aboutir à un consensus ?

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CHAPITRE 3.

LA CRISE DU PACTE DE STABILITE ET DE CROISSANCE ET LES DIFFICULTES A REUNIR UN

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3.1. Introduction Dans ce chapitre, nous analysons les conditions de formation d’un consensus au sein du Conseil Ecofin à propos d’une réforme du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) – ou, plus précisément, les raisons d’une absence de consensus. La question de l’encadrement des politiques budgétaires nationales est au croisement de deux enjeux. D’une part, même si la forme de cette règle fait l’objet d’un débat, il est communément admis qu’une règle assurant un minimum de coordination des politiques budgétaires est nécessaire à l’intérieur d’une union monétaire, afin de réduire les problèmes d’externalités et de passager clandestin. D’autre part, en l’absence d’autres mécanismes suffisamment réactifs (tels qu’un budget fédéral ayant un rôle de stabilisation, la mobilité des facteurs de production et la flexibilité salariale), les gouvernements ont besoin de pouvoir utiliser la politique budgétaire comme instrument d’ajustement en cas de choc asymétrique. Or, ces deux aspects des politiques budgétaires entrent en conflit, puisque le premier fait peser une contrainte sur leur détermination tandis que le second suppose de conserver une certaine marge de manœuvre. A cela s’ajoute un problème d’ordre plus politique : la réticence de certains gouvernements à laisser une règle commune contraindre leurs choix domestiques. En plus de ces conflits prévisibles au sein d’une union monétaire, le PSC – qui fixe un plafond de 3 points de PIB pour le déficit public et de 60 points de PIB pour la dette publique – pose des problèmes qui lui sont spécifiques. Premièrement, il a été négocié dans un contexte de croissance assez soutenue mais il s’applique ensuite à une période de croissance molle. Deuxièmement, la règle n’est pas assez clairement et fermement définie pour empêcher que certains pays n’essaient d’avoir recours à la « cosmétique » budgétaire ou à la « créativité comptable » pour la respecter ; elle se prête également à des tentatives de réinterprétation et de redéfinition sous la pression des gouvernements. Troisièmement, le PSC a été imposé en grande partie par l’Allemagne pour jouer un rôle dissuasif sur les économies du Sud de l’Europe, avec l’idée que les sanctions n’auraient probablement jamais besoin d’être appliquées – notamment à l’Allemagne, dont on ne s’attendait pas à ce qu’elle bute sur la règle ; c’est pourtant le cas. Enfin, l’efficacité du volet dissuasif est remise en cause par les stratégies des grands pays – Allemagne et France – qui profitent de leur pouvoir formel et informel au Conseil Ecofin pour dépasser le plafond de déficit autorisé tout en se protégeant contre la mise en œuvre de sanctions ; or, si la menace de sanctions n’est plus crédible, elle perdra son effet préventif et contraignant. La littérature économique a par ailleurs formulé, de façon répétée, des critiques sur les limites théoriques du PSC et sur les faiblesses de son application : il lui est notamment reproché d’être asymétrique puisqu’il est faiblement incitatif en période de forte croissance et trop contraignant quand la conjoncture est mauvaise, ce qui entraîne dans les deux cas un biais procyclique de la politique budgétaire ; de plus, de nombreux auteurs considèrent que son application revient à donner une interprétation trop unidimensionnelle et mécanique de la gestion des finances publiques et qu’elle risque

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de décourager des investissements publics pourtant nécessaires pour préparer les conditions de la croissance. En réponse à ces critiques, un certain nombre de réformes ont été proposées, soit pour améliorer, soit pour remplacer le dispositif initial. Elles reposent par exemple sur une interprétation plus souple des règles, un changement des indicateurs à prendre en compte, une modification du calcul du solde public ou encore, plus radicalement, une redéfinition du cadre institutionnel lui-même. N’étant pas inscrit dans le traité de Maastricht mais dans une résolution du Conseil européen et dans deux règlements du Conseil, le dispositif du PSC peut théoriquement être modifié sans que le traité n’ait besoin d’être renégocié. Cependant, l’unanimité est requise pour qu’une réforme puisse être adoptée, et l’absence de modifications substantielles du PSC révèle une absence de consensus dans les faits. Comment peut-on expliquer qu’une règle si vivement critiquée – y compris par le Président de la Commission, Romano Prodi, qui l’a qualifiée de « stupide » – n’ait pas encore été profondément réformée, au point que son existence même risque d’être remise en cause ? Quels éléments conduisent à de si profonds écarts de positionnement des gouvernements par rapport au PSC ? Pourquoi certains pays s’opposent-ils à des réformes qui pourraient pourtant leur être bénéfiques à plus ou moins long terme ? Les blocages s’expliquent-ils par une certaine myopie des décisions ou par la prise en compte d’enjeux extérieurs au PSC ? Les négociations sur l’application et la réforme du PSC reposent sur deux suites de confrontations entre des acteurs en conflit. D’une part, la Commission fait face aux dirigeants nationaux ; d’autre part, les gouvernements débattent entre eux. Si l’on considère que le rôle de la Commission est de garantir le respect d’une règle protégeant un bien public à l’échelle européenne – la stabilité financière de la zone euro –, son principal problème est de choisir le bon moment pour réformer le PSC de manière à assurer sa crédibilité. Une réforme trop précoce ou trop tardive pourrait en effet mettre en péril la pérennité de la règle, avec comme difficulté supplémentaire le fait que la réforme ait lieu à chaud, au moment même où plusieurs pays connaissent des difficultés à réduire leur déficit [Bourdin 2003]. • Si une réforme assouplissant le PSC a lieu trop tôt – c’est-à-dire à un moment où la

menace de sanctions pourrait encore peser sur le comportement des gouvernements –, elle peut être comprise sur les marchés financiers comme le signal d’un relâchement de la discipline budgétaire ; cela risquerait de remettre en cause la crédibilité de l’engagement à assurer la soutenabilité des finances publiques dans la zone euro et d’accroître les primes de risque sur les titres publics.

• Si, au contraire, elle a lieu une fois qu’un grand nombre de pays bute sur la règle, cela peut être trop tard puisque de fait, la règle aura déjà perdu de sa crédibilité. En effet, si la règle du jeu tarde à être modifiée par une décision officielle, elle risque d’être sapée de l’intérieur par le comportement des gouvernements (l’augmentation du nombre de pays butant sur la règle montrant que le seuil de 3% de déficit n’est pas infranchissable et incitant d’autres pays à faire de même).

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L’attitude de la Commission à l’égard du PSC n’est toutefois abordée que de manière secondaire dans ce chapitre, qui se concentre davantage sur l’étude des positions respectives adoptées par les gouvernements et sur la formation ou non de consensus au Conseil Ecofin. L’analyse repose en partie sur l’élaboration d’une chronologie détaillée des négociations, reproduite dans l’annexe 3.3.2, qui retrace les positions des Etats membres à travers leurs discours officiels, leurs déclarations à la presse et leurs votes lors des réunions du Conseil Ecofin. Ce chapitre commence par une présentation nuancée du PSC dans la section 3.2, discutant la justification et la logique du dispositif, mais aussi les principales critiques qui lui sont adressées. La section 3.3 tente de dégager un fait stylisé sur la relation entre certaines caractéristiques nationales (le comportement observé en matière de discipline budgétaire, la réactivité de la politique budgétaire, l’ancienneté de la perte d’autonomie de la politique monétaire et la taille du pays) et l’attitude des dirigeants envers le PSC – plutôt favorables à une application stricte du PSC ou à une réinterprétation plus souple de la règle. La section 3.4 donne une vision d’ensemble des réformes proposées et cherche à étudier si certaines d’entre elles ont une chance de réunir un consensus et pourquoi. Pour cela, nous adoptons une démarche inductive semblable à celle du chapitre 2 (sections 2.4 et 2.5) : nous supposons différents critères de formation du choix de soutenir ou de rejeter une réforme et nous en déduisons quelle serait la position de chaque Etat membre selon chaque critère. Cela nous amène à aborder d’autres critères que celui de la rationalité standard, en revisitant notamment des résultats de l’économie psychologique et de la théorie des jeux expérimentale. La section 3.5 conclut.

3.2. Présentation du Pacte de stabilité et de croissance 3.2.1. Logique économique du dispositif L'objectif du PSC est de prévenir l'apparition de déficits publics excessifs dans la zone euro après l'entrée dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire (UEM). Il s'inscrit donc dans la logique des critères de convergence énoncés dans le Traité de Maastricht et prolonge ces dispositions en invitant les gouvernements à poursuivre leur effort de discipline budgétaire de façon permanente après l’introduction de l’euro. Le PSC s’applique également aux pays de l’Union européenne ne participant pas à l’euro, mais sans qu’ils ne puissent faire l’objet de sanctions. Trois arguments économiques sous-tendent le PSC.

3.2.1.1. Internaliser les externalités négatives Le PSC vise à éviter les externalités négatives que le déficit excessif d’un Etat membre ferait subir à ses partenaires. Lorsqu’un pays isolé a un déficit élevé, il risque de subir une hausse de ses taux d’intérêt, provenant à la fois de la réaction de la banque centrale face à un risque inflationniste et des marchés financiers s’ils estiment que la solvabilité du pays est fragilisée. En revanche, dans une union monétaire, un pays peut être tenté de se comporter en passager clandestin en laissant filer son déficit sans subir seul une forte

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hausse de son taux d’intérêt, mais en entraînant une hausse pour l’ensemble de la zone – y compris pour les pays vertueux.

3.2.1.2. Garantir la crédibilité et la stabilité de la zone euro Le PSC répond également à la volonté d’assurer la crédibilité de la zone euro en tant que zone de stabilité économique propice à une croissance « forte et durable, génératrice d’emploi » : la stabilité des prix et la stabilité de l’euro doivent reposer sur la stabilité des finances publiques. A court terme, la maîtrise des déficits publics et, à long terme, la soutenabilité de la dette, doivent contribuer à garantir par ailleurs la crédibilité de la Banque centrale européenne en tant qu’institution indépendante, en lui évitant d’être en position de contrevenir à l’Article 101 du Traité qui lui interdit d’accorder tout déficit ou tout autre type de crédit aux Etats membres.

3.2.1.3. Permettre aux politiques budgétaires nationales de répondre aux chocs asymétriques

Enfin, l’encadrement des politiques budgétaires doit paradoxalement leur permettre de jouer pleinement leur rôle d’ajustement à des chocs nationaux dans le cadre de la théorie des zones monétaires optimales [Mundell 1961]. En effet, le coût de la monnaie unique est d’avoir une politique monétaire unique qui, par nature, peut ne pas être adaptée aux besoins de chaque pays, surtout en présence de chocs asymétriques. Or, les autres instruments d’ajustement restent limités : la faible mobilité de la main d’œuvre à l’échelle européenne, le degré insuffisant de flexibilité des salaires et le budget communautaire quasi-inexistant ne permettent pas de répondre à des chocs asymétriques. Ce sont donc avant tout les politiques budgétaires nationales qui sont chargées de compléter la politique monétaire unique par leur rôle de stabilisation. C’est pourquoi le PSC prévoit d’équilibrer le budget sur le moyen terme, afin de laisser suffisamment de marge de manœuvre aux gouvernements pour que les stabilisateurs automatiques puissent jouer librement : sur la base d’un budget équilibré, le jeu des stabilisateurs automatiques peut conduire à un déficit transitoire qui permettra de relancer l’économie sans que ce déficit ne dépasse pour autant la limite des 3 points de PIB dans des conditions normales de fluctuations économiques. 3.2.2. Elaboration et description du dispositif Le Pacte de stabilité et de croissance découle des principes présents dans le Traité instaurant la Communauté européenne, et il est constitué d’une résolution du Conseil européen et de deux règlements du Conseil. Ces textes sont reproduits dans l’Annexe 3.1.

3.2.2.1. Les principes énoncés dans le Traité Les articles 99 (ex-article 103) et 104 (ex-104 C) du Traité de Maastricht énoncent des principes de coordination et de discipline budgétaire [cf. annexe 3.1.1]. L’article 99 prévoit que le Conseil, sur recommandation de la Commission, élabore un projet pour les grandes orientations des politiques économiques (GOPE) des Etats membres et qu’une surveillance multilatérale est exercée pour vérifier la conformité des politiques

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économiques avec les GOPE. Pour cela, les Etats membres doivent transmettre des informations à la Commission ; la Commission présente des rapports au Conseil et elle émet des recommandations que le Conseil peut accepter par un vote à la majorité qualifiée. L’article 104 concerne le contrôle de la situation budgétaire. Il dit que la discipline budgétaire est examinée selon deux critères : le déficit public et la dette publique, qui ne doivent pas dépasser des valeurs de référence mesurées en points de PIB. Il prévoit des recommandations et des sanctions envers les Etats membres qui auraient des déficits excessifs et ne les corrigeraient pas. Le Protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé au Traité, précise les valeurs de référence utilisées pour apprécier le caractère excessif des déficits et des dettes publics : 3 points de PIB pour le déficit, 60 points de PIB pour la dette.

3.2.2.2. Le Pacte de stabilité et de croissance A l'automne 1995, le ministre allemand des Finances, Theo Waigel, propose l'instauration d'un pacte de stabilité afin d'assurer le maintien de la discipline budgétaire après la mise en place de l'euro. Les Allemands craignaient en particulier le manque de rigueur budgétaire des Etats membres du sud, alors péjorativement qualifiés de pays du « Club Med ». Discuté lors des sommets du Conseil européen de Madrid (décembre 1995), Florence (juin 1996), Dublin (décembre 1996) et Amsterdam (juin 1997), le PSC à proprement parler prend la forme d’une résolution du Conseil européen signée à Amsterdam le 17 juin 1997 [annexe 3.1.3] et est complété par deux règlements du Conseil le 7 juillet 1997 [annexes 3.1.4 et 3.1.5]. La résolution du Conseil européen relative au pacte de stabilité et de croissance est avant tout un engagement politique de toutes les parties impliquées (Etats membres, Commission européenne, Conseil) pour « mettre en œuvre le traité ainsi que le pacte de stabilité et de croissance d’une manière rigoureuse et rapide » pendant la phase III de l’UEM. Les deux règlements du Conseil du 7 juillet 1997 en précisent les modalités techniques, qui reposent sur la prévention, la dissuasion et la sanction. Le règlement n°1466/97 précise le volet préventif prévu par l’article 99 du traité, c’est-à-dire la surveillance multilatérale des positions budgétaires et la coordination des politiques économiques. Il présente le contenu et les modalités de suivi des programmes de stabilité et des programmes de convergence et prévoit un mécanisme d’alertes préventives. Chaque État membre participant à l’euro soumet au Conseil et à la Commission un programme de stabilité sur cinq ans, et mis à jour chaque année, comprenant notamment l’objectif à moyen terme pour le solde budgétaire, qui doit être proche de l'équilibre ou excédentaire, et l'évolution prévisible de la dette publique ; les hypothèses de croissance, d’emploi et d’inflation ; une description des mesures budgétaires et autres mises en oeuvre pour atteindre les objectifs du programme ; et une analyse de

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l'incidence que tout changement des principales hypothèses économiques aurait sur les finances publiques. La Commission évalue les programmes puis, sur ces bases, le Conseil examine à son tour les programmes. Sur recommandation de la Commission, le Conseil peut inviter l’Etat membre concerné à renforcer son programme s’il est jugé irréaliste, insuffisant ou non conforme aux GOPE. Dans le cadre de la surveillance multilatérale, le suivi de la mise en œuvre des programmes est exercé par le Conseil sur la base des informations fournies par les États membres et des évaluations effectuées par la Commission. En cas de dérapage significatif, sur recommandation de la Commission, le Conseil peut adresser une alerte préventive à l’Etat membre concerné pour qu’il prenne des mesures d’ajustement afin d’éviter un déficit excessif. Les programmes de convergence concernent les pays ne participant pas à l’euro. Semblables aux programmes de stabilité, ils visent à éviter les distorsions de taux de change réels et les fluctuations excessives des taux de change nominaux. Le règlement n°1467/97 constitue le volet dissuasif du PSC. Il vise à accélérer et clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs organisée par l’article 104 du traité. Pour cela, il définit les conditions d’engagement de la procédure et les exceptions, ainsi que le calendrier et la forme des sanctions. Le dépassement du seuil de 3 points de PIB pour le déficit est considéré comme exceptionnel et temporaire et échappe à la procédure concernant les déficits excessifs « s'il résulte d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques » ou « s'il est consécutif à une grave récession économique », c’est-à-dire le PIB en termes réels enregistre une baisse annuelle d'au moins 2%, ou entre 0,75% et 2% sous certaines conditions. Sur recommandation de la Commission, le Conseil décide s’il y a un déficit excessif et dans ce cas, il adresse une recommandation à l’Etat membre concerné pour qu’il engage dans les quatre mois une action suivie d’effets, de sorte que le déficit excessif soit corrigé avant un an. Si aucune action suivie d’effet n’est prise dans les quatre mois, le Conseil peut rendre publiques ses recommandations et mettre en demeure l’Etat membre de prendre des mesures. Si ces mesures ne sont pas prises dans les deux mois, le Conseil peut prendre des sanctions. Les sanctions prennent d’abord la forme d’un dépôt sans intérêt auprès de la Communauté compris entre 0,2% et 0,5% du PIB. Ce dépôt est converti en amende si, dans les deux années suivantes, le déficit excessif n’a pas été corrigé. 3.2.3. Vers une renégociation du Pacte de stabilité et de croissance ? Le PSC est actuellement le seul élément contraignant d’encadrement des politiques budgétaires nationales en complément de la politique monétaire unique dans la zone

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euro. Mais de nombreuses analyses lui reprochent de mal jouer ce rôle d’encadrement : le dispositif est tantôt excessif par certains aspects, tantôt insuffisant pour d’autres, ce qui en fait paradoxalement à la fois une règle trop minimaliste et un carcan trop rigide.

3.2.3.1. Les principales critiques adressées au PSC • Le PSC est-il une bonne règle de politique budgétaire ? Selon les critères établis par Koptis et Symansky [1998], une bonne règle de politique budgétaire devrait être clairement définie, simple, transparente, cohérente avec les objectifs affichés, crédible, applicable, adaptable selon les circonstances et soutenue par des réformes structurelles. Or, les conclusions de la confrontation du PSC à ces critères d’évaluation diffèrent selon les auteurs. Pour Buti, Eijffinger et Franco [2003], le PSC constitue une règle de politique budgétaire globalement satisfaisante. Il est clairement défini puisque le Traité donne les critères (le déficit et la dette publics) et le PSC prévoit les exceptions et les sanctions. Il est transparent et simple : il repose sur le système européen de comptabilité nationale SEC 95 et le critère de 3 points de PIB pour le déficit est très clair. Il est suffisamment flexible, car il prévoit des circonstances exceptionnelles et met l’accent sur une interprétation à moyen terme ainsi que sur la prise en compte du cycle au lieu de simplement considérer un plafond nominal. Il fournit une solution adéquate à l’objectif de prudence budgétaire année par année. Ses modalités d’application sont précisées par le calendrier des sanctions et on compte sur la pression des pairs pour créer des coûts de réputation à même de discipliner les autorités nationales. Il est cohérent : il assure une coordination entre les politiques budgétaires nationales grâce à la surveillance multilatérale et aux GOPE, et l’objectif de position budgétaire neutre est cohérent avec l’objectif de stabilité des prix de la BCE. Enfin, l’objectif de soutenabilité à long terme devrait susciter des réformes structurelles sur la fiscalité et les dépenses publiques. En revanche, selon Fatas et al. [2003], qui utilisent pourtant les mêmes critères d’évaluation, le PSC est loin d’être une bonne règle. Les objectifs du PSC ne sont pas clairs : initialement, il s’agissait d’éviter d’avoir des finances publiques non soutenables et on est passé progressivement à un objectif de politique budgétaire optimale. Les limites de déficit et de dette ne sont pas assez flexibles car elles ne tiennent pas compte du cycle économique ni des changements de croissance potentielle. L’uniformité des règles les rend inadaptées à l’objectif final : en effet, un déficit de 3% permet certes de stabiliser la dette à 60% sous une hypothèse de croissance nominale de 5%, mais pour les pays dont la croissance nominale tendancielle semble avoir diminué – Allemagne et France –, un déficit de 3% conduirait à une augmentation de la dette, et pour les pays à forte croissance – dont certains nouveaux Etats membres –, ce seuil de 3% est trop strict. Enfin, l’application des règles pose de sérieux problèmes puisque le Conseil Ecofin n’est ni indépendant, ni désintéressé, ni impartial.

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Tableau 3.1. L’évaluation du PSC : des critères identiques, des jugements opposés Critères d’évaluation Selon Buti et al. [2003] Selon Fatas et al. [2003] Clairement défini ++ - Transparent ++ - Simple +++ + Flexible ++ -- Adéquation avec l’objectif final ++ --- Applicable + --- Cohérent ++ --- Soutenu par des réformes structurelles + ---

Légende : +++ = très bon ++ = bon + = correct - = insuffisant -- = mauvais -- = très mauvais

Sources : Buti et al. [2003] et compléments de l’auteur d’après les arguments de Fatas et al. [2003] Cependant, même l’analyse très positive de Buti et al. [2003] s’accorde sur certains points avec la littérature plus critique : - le caractère vague du critère d’un budget « proche de l’équilibre ou excédentaire » ; - le fait que l’utilisation d’un système commun de comptabilité nationale n’exclue pas

les problèmes de révision des données ex post ni les risques de « cosmétique » budgétaire, surtout pour les pays menacés de buter sur le PSC ;

- la nécessité de mieux prendre en compte la composante structurelle du déficit et d’interpréter le critère de déficit sur le moyen terme ;

- la concentration sur le court terme et l’absence de prise en compte de la soutenabilité à long terme ;

- les besoins particuliers des pays périphériques en termes d’investissements publics, en contradiction avec la contrainte d’équilibre budgétaire ;

- le biais procyclique dans les périodes de forte croissance ; - le risque de décisions partisanes de la part du Conseil lors du vote de sanctions ; - le décalage entre un indicateur de flux (le solde budgétaire) et un indicateur de stock

(la dette) ; - l’absence d’incitation pour mener des réformes structurelles. De façon plus générale, de nombreuses critiques reviennent de façon récurrente dans la littérature sur le PSC. Nous pouvons les regrouper dans les trois catégories suivantes. • Le caractère simpliste et arbitraire du critère de déficit Le PSC est d’abord critiqué en raison du caractère arbitraire et dénué de fondements économiques de la règle de 3% de déficit – valeur de référence qui est antérieure au PSC lui-même, puisqu’elle est indiquée dans le protocole annexé au traité [annexe 3.1.2]. En effet, ce seuil a été choisi parce qu’il correspond au niveau de déficit permettant de stabiliser la dette à 60% du PIB (ce qui était le niveau moyen de dette dans l’Union européenne à l’époque des négociations sur le traité de Maastricht) avec des hypothèses de croissance semblables à celles observés au moment de l’adoption du protocole : de l’ordre de 5% en valeur nominale, c’est-à-dire environ 3% de croissance réelle si l’on

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

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suppose que la BCE parvient à maintenir l’inflation à 2%. La valeur de 3 points de PIB est obtenue en multipliant le niveau de la dette par le taux de croissance du PIB réel, conformément à la relation à l’état stationnaire [encadré 3.1]. Encadré 3.1. Relation entre le déficit, la dette et le taux de croissance du PIB à l’état stationnaire On note : D : le déficit nominal, B : la dette publique, P : le niveau des prix, Y : le PIB réel, π : le taux d’inflation, γ : le taux de croissance du PIB réel. On définit : d = D/PY le déficit public en pourcentage du PIB nominal b = B/PY la dette publique en pourcentage du PIB nominal Puisque l’accroissement de la dette B correspond au déficit D, on a la relation :

PY

B&=

PY

D= d

Or, PY

B&=

°

PY

B+

+

Y

Y

P

P

PY

B &&

= b& + b(π+ γ)

Donc d = b& + b(π+ γ) A l’état stationnaire, on a finalement : d = b(π+ γ) Pour stabiliser la dette à un niveau b quand la croissance tendancielle du PIB nominal est de π+ γ, il faut que le déficit moyen sur l’ensemble du cycle soit égal à b(π+ γ). Dans le cas du PSC, le seuil de 3% est obtenu de cette façon : en supposant que la BCE maintient le taux d’inflation à 2% et que la croissance réelle du PIB est de 3%, le niveau de déficit nécessaire au maintien de la dette à 60% est de 0,6.(0,02+0,03) = 0,03 soit 3% du PIB. Le seuil de 3 points de PIB pour le déficit apparaît donc fortement ad hoc et le PSC aurait pu imposer un autre plafond si les conditions de croissance réelle et le niveau moyen de la dette des pays candidats avaient été différents lors de l’adoption du protocole annexé au traité. Le problème est que la croissance tendancielle du PIB réel n’atteint plus nécessairement 3% dans tous les Etats membres, et que l’hypothèse retenue conduit par conséquent à un plafond de déficit qui n’assure pas la stabilité de la dette sous des conditions de croissance ou d’inflation plus faibles. Ainsi, si le taux de croissance nominale tombe à 3% (avec par exemple 1,5% de croissance réelle et 1,5% d’inflation), il faut que le déficit reste inférieur à 1,8% du PIB pour que la dette ne dépasse pas les 60%. Avec une croissance nominale tendancielle inférieure à 5%, certains Etats – notamment la France

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et l’Allemagne – pourraient voir leur dette augmenter même s’ils avaient un déficit de 3 points de PIB. Le plafonnement du déficit nominal est donc un critère qui s’applique mal à une situation d’hétérogénéité (interétatique ou temporelle) des taux de croissance, puisque selon les conditions de croissance, un même déficit nominal n’a pas le même impact sur l’évolution de la dette. En mettant l’accent sur le critère de déficit, le PSC ne permet donc pas toujours d’assurer la soutenabilité de la dette. Puisqu’il s’agit pourtant de l’objectif final du PSC, il serait peut-être plus logique de s’en tenir à un critère de dette [Pisani-Ferry 2002]. C’est pourquoi il est souvent reproché au PSC de ne pas accorder suffisamment d’attention à d’autres variables que le déficit public. Le traité prévoit d’accorder une attention égale au critère de dette ; et au-delà de ces seuls critères de finances publiques, de nombreux auteurs soulignent que d’autres indicateurs pourraient être pris en compte, par exemple le taux d’inflation [Mathieu et Sterdyniak 2003]. • Les problèmes d’incitations et l’inefficacité du volet préventif et dissuasif Le deuxième principal reproche fait au PSC est que, contrairement à ce qui est prévu par la résolution du Conseil européen du 17 juin 1997 [annexe 3.1.3], le PSC remplit mal son « objectif à la fois préventif et dissuasif ». Dans les faits, le volet préventif joue très peu. Les GOPE restent fondamentalement indicatives mais faiblement coercitives [Boyer et Dehove 2001]. En ce qui concerne l’effort de discipline budgétaire imposé aux gouvernements, son caractère incitatif est asymétrique. En raison du jeu des stabilisateurs automatiques – qui réduit le déficit quand la croissance est élevée et l’accroît quand la conjoncture est mauvaise –, plafonner le déficit nominal à 3 points de PIB empêche les gouvernements de creuser leur déficit en période de récession, mais il pèse peu sur leur comportement quand la croissance est plus élevée, alors que la logique du dispositif impliquerait qu’ils dégagent un excédent. Le PSC souffre donc d’une absence d’incitations à conduire des politiques contracycliques dans la phase haute du cycle, induisant un biais procyclique en période de forte croissance. Quant à l’objectif dissuasif du PSC, il est remis en cause par les arrangements obtenus par l’Allemagne et la France pour échapper aux sanctions prévues par le PSC [cf. la suspension des procédures de déficit excessif dans l’annexe 3.2 et la chronologie des négociations dans l’annexe 3.3]. Si la menace de sanctions devient moins crédible, le rôle dissuasif du PSC est moins efficace. • Les effets pervers du PSC Le troisième problème du PSC est que non seulement l’aspect préventif joue peu et garantit mal la stabilité des finances publiques, mais qu’en plus l’aspect pénalisant joue trop, puisqu’il va même parfois à l’encontre de la croissance économique.

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La contrainte pesant sur le déficit public est à la fois trop faible dans la phase haute du cycle et trop forte dans la phase basse, ce qui réduit la marge de manœuvre budgétaire et entrave les politiques de relance. Les cas exceptionnels prévus par le dispositif pour autoriser un déficit plus élevé sont trop réducteurs : par exemple, ils envisagent le cas d’une forte récession, mais pas d’une stagnation prolongée. Le caractère procyclique de la règle est renforcé par les sanctions prévues en cas de déficit excessif prolongé : les dépôts sans intérêt, qui peuvent ensuite être convertis en amendes, fragilisent encore plus les pays en difficulté et rendent plus problématique leur retour à l’équilibre budgétaire. Enfin, il est reproché au PSC de décourager les investissements publics. Le rapport Sapir [2003] note que le PSC entraîne, pour les nouveaux Etats membres, un dilemme entre convergence nominale et convergence réelle : ils sont contraints par le PSC en tant qu’Etats membres de l’UE – ils ne peuvent pas faire l’objet de sanctions pour déficit excessif tant qu’ils ne participent pas à l’euro, cependant ils peuvent perdre l’accès au Fonds de cohésion s’ils s’écartent des cibles des Programmes de convergence – mais ils ont besoin de réaliser d’importants investissements publics pour réduire leur écart par rapport aux Etats membres plus anciens.

3.2.3.2. La possibilité juridique d’une modification du PSC • Les principes énoncés dans le traité sont raisonnables Le traité est bien plus nuancé que le PSC lui-même. L’article 104 demande que « les Etats membres évitent les déficits publics excessifs », c’est-à-dire supérieurs à la valeur de référence de 3 points de PIB. Il considère cependant que la discipline budgétaire peut avoir été respectée si le ratio de déficit a « diminué de manière substantielle et constante et [atteint] un niveau proche de la valeur de référence » ou si le dépassement est « exceptionnel et temporaire » et que le déficit « reste proche de la valeur de référence ». Il indique également que la Commission doit examiner « si le déficit public excède les dépenses publiques d’investissement » et « [tenir] compte de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l’Etat membre ». Il accorde par ailleurs la même attention au critère de déficit et au critère de dette, puisque la Commission doit élaborer un rapport « si un Etat membre ne satisfait pas aux exigences de ces critères ou de l’un d’eux ». Les valeurs de référence indiquées dans le protocole en annexe du traité, quoique arbitraires et peut-être optimistes quant aux perspectives de croissance (même si De Grauwe [2003b] suggère qu’elles sont tout à fait réalisables sur le moyen terme, avec un sentier de croissance réelle d’environ 2,5% par an et en supposant que la BCE assouplisse son critère d’inflation en prenant une cible de 2 à 3%, comme le font d’autres banques centrales actuellement), sont cohérentes : à condition que la croissance nominale du PIB atteigne bien 5% en moyenne, un pays ayant un déficit de 3% et une dette de 60% ne risque pas de voir sa dette exploser.

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L’esprit des principes semble donc raisonnable et peu d’auteurs remettent en cause la nécessité d’une règle supranationale garantissant un minimum de coordination entre les politiques budgétaires nationales pour éviter les externalités négatives, ni le bien-fondé du principe de gestion saine des finances publiques. • Le PSC crée des distorsions par rapport aux principes Le problème réside davantage dans le dispositif d’application de ces principes, car il en modifie l’esprit. Avant l’amendement adopté en mars 2003 suite à la proposition de la Commission de novembre 2002, qui introduit la prise en compte sur le moyen terme du déficit corrigé des variations cycliques, la Commission s’attachait dans les faits à contrôler un critère de déficit nominal à court terme, ce qui traduit mal l’intention de l’article 104. Plus fondamentalement, De Grauwe [2003b] dénonce un changement profond d’interprétation entre le Traité de Maastricht et le Pacte de stabilité : le PSC a modifié l’état stationnaire vers lequel les pays doivent tendre, en considérant que le budget doit être équilibré à moyen terme et par conséquent que la dette doit tendre vers zéro. En effet, avec un déficit s’élevant à 3% du PIB et un taux de croissance du PIB nominal de 5%, la dette se stabiliserait à 60% du PIB. Même si on se donnait une cible d’inflation plus stricte, par exemple de 40%, il suffirait que le déficit moyen sur un cycle ne dépasse pas 2% du PIB. Le critère d’un budget équilibré à moyen terme est donc beaucoup trop restrictif et il révèle un objectif implicite de dette nulle. Or, l’auteur précise que l’objectif de dette zéro n’est pas justifié par des arguments théoriques et qu’il peut au contraire de fragiliser la croissance. Une dette positive permet de financer des investissements publics en capital physique et humain, favorisant les gains de productivité et préparant les conditions de la croissance ; a contrario, une dette nulle risque de prolonger la conjoncture molle ou la récession. Il conclut donc sur la nécessité de conserver une cible de dette positive, et donc de déficit positif en moyenne sur l’ensemble du cycle – ce qui peut conduire à accepter que le déficit soit transitoirement supérieur à sa cible de moyen terme. • La possibilité juridique d’une réforme du dispositif Le dispositif actuel est donc, selon de nombreuses analyses dans la littérature, insatisfaisant à plusieurs égards, notamment parce qu’il conduit à une application en décalage par rapport aux principes du traité. Ainsi, ce n’est pas le traité qui met l’accent sur le critère de déficit par rapport au critère de dette ; ce n’est pas non plus lui qui définit l’objectif de budget équilibré, voire en excédent, mais les protocoles d’application décidés après le Traité. Du point de vue juridique, il est donc possible de réformer le dispositif d’application sans modifier le traité [Bourdin 2003]. Cela suppose toutefois de réunir un large consensus parmi les Etats membres, puisque l’unanimité est requise pour modifier la règle. Dans quelle mesure peut-on s’attendre à ce que cette condition soit atteinte ?

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3.3. Quels facteurs nationaux motivent le degré de soutien des gouvernements au Pacte ?

Les gouvernements des pays européens ont des attitudes diverses à l’égard du PSC. Certains pays (Pays-Bas, Espagne, Finlande, Autriche) y sont très fortement attachés et ont répété à de nombreuses occasions l’obligation pour tous les Etats membres de le respecter à la lettre. Ces pays sont également opposés à toute réforme du PSC qui entraînerait une application moins stricte des critères de discipline budgétaire. D’autres pays (France, Allemagne), en revanche, ont appelé à une interprétation moins rigoriste du PSC, voire à sa suspension lorsque la conjoncture économique le nécessite. Entre ces deux cas extrêmes, certains Etats membres n’ont pas de position ferme et ils sont disposés à sanctionner leurs partenaires ayant des déficits excessifs, mais aussi à adapter l’application du PSC si elle devient problématique. Comment expliquer ces écarts de positionnement par rapport au PSC ? Quels facteurs motivent un soutien sans faille ou une remise en cause du PSC ? Les dirigeants nationaux ont certes des préférences idéologiques a priori sur le degré de discipline budgétaire souhaitable, mais d’autres éléments peuvent influencer les positions des Etats membres. En effet, certaines caractéristiques nationales rendent un pays plus ou moins susceptible de buter sur le PSC et de s’exposer à des sanctions. Or, un pays qui a peu de risque d’avoir un déficit excessif est probablement plus à même de défendre une application stricte du Pacte. Cette section propose de classer les Etats membres selon quatre critères susceptibles d’orienter leur degré de soutien au PSC. • Depuis 1990, quel a été le comportement des différents pays en termes de discipline

budgétaire ? • A quand remonte pour chaque pays le passage d’une politique monétaire

indépendante à une politique monétaire alignée sur la politique allemande ? Les pays ne participant pas à l’euro ont-ils conservé des conditions d’inflation et de taux d’intérêt différentes de celles de la zone euro ?

• En compensation de la perte de leur autonomie monétaire, les Etats membres disposent-ils d’une politique budgétaire réactive ?

• La taille du pays est-elle liée à son comportement en matière de discipline budgétaire ?

3.3.1. Evolution de la discipline budgétaire par pays depuis 1990 Plusieurs indicateurs [encadré 3.2] permettent de mesurer l’équilibre des finances publiques d’un pays. Le solde public, dont le traité prévoit qu’il ne doit pas dépasser une certaine valeur de référence, ne reflète pourtant pas uniquement les décisions du gouvernement. Il comprend en effet une composante conjoncturelle ainsi que le versement d’intérêts sur la dette publique.

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Encadré 3.2. Soldes budgétaire, public, primaire, structurel et primaire structurel Solde budgétaire : recettes moins dépenses de l’Etat Solde public (nominal) : soldes budgétaires cumulés de l’ensemble des administrations centrales, locales et de sécurité sociale d'un État membre. C'est cet agrégat qui ne peut excéder 3 points de PIB. Solde structurel : solde nominal ajusté du cycle. Il est calculé comme la différence entre le solde nominal et une composante conjoncturelle :

Déficit structurel = déficit nominal - αy où α est la sensibilité du déficit au cycle et y est l’écart de production ou output gap (différence entre le PIB et le PIB potentiel). Les problèmes méthodologiques liés à l’estimation de l’ output gap ont été discutés dans le chapitre 2, sous-section 2.2.3. Les institutions européennes n’ont pas toutes les mêmes méthodes : La Commission a d’abord utilisé la méthode du filtre Hodrick-Prescott pour calculer l’ output gap, mais désormais (depuis 2001) elle utilise une approche selon une fonction de production Cobb-Douglas [Commission européenne 2002] La BCE propose une méthode utilisant le filtre Hodrick-Prescott, mais améliorée par rapport à la méthode initiale de la Commission :

- correction des effets liés aux ruptures de tendance, - prolongation des observations pour éviter les effets de fin de période, - réduction du paramètre de compression λ de 100 à 30, - distinction entre plusieurs catégories macroéconomiques selon leur position dans

le cycle économique, - exclusion des composantes budgétaires qui ne sont pas affectées par la

conjoncture. Solde primaire : solde nominal hors charge de la dette. Solde structurel primaire : solde structurel hors charge de la dette ou : solde primaire corrigé du cycle. Nous utilisons les données de la Commission européenne, qui ont l’avantage d’être cohérentes et disponibles pour tous les pays et chaque année depuis 1990 (mais avec un changement de système comptable en 1995, correspondant au passage au système SEC-95) – cf. tableaux complets, graphiques et regroupements de pays par période dans l’annexe 3.2. Dans toute la section, les données pour 2004 et 2005 sont les projections de la Commission européenne.

3.3.1.1. Discipline budgétaire mesurée par le solde nominal Dans un premier temps, on observe l’évolution du solde nominal, utilisé selon le PSC pour détecter les déficits excessifs. On distingue trois sous-périodes et pour chaque sous-période, on rassemble les Etats membres en trois groupes selon leur degré de discipline budgétaire [tableau 3.2 et figure 3.1, d’après les résultats de l’annexe 3.2 : tableau 3.23 et graphique 3.11].

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Tableau 3.2. Evolution du solde nominal 1990-1996 1997-2000 2001-2005 Contexte Début de la convergence

mais avec de profondes perturbations (réunification allemande, crise du SME, récession de 1993)

Convergence pour la qualification à l’entrée dans l’euro, début de l’UEM, période de croissance plus soutenue

Faible croissance et remise en cause du PSC

Pays les plus vertueux

Excédent L

Excédent en hausse ou passage d’un déficit à un excédent L, IRL, DK, S, FIN, UK, NL, D

Excédent ou au moins équilibre maintenu FIN, DK, S, E

Pays intermédiaires

Déficit entre 0 et -5% du PIB IRL, DK, D, NL, A

Déficit entre 0 et -3% du PIB, en diminution B, A

Dégradation du solde nominal mais le déficit reste limité L, B, IRL, A

Pays les moins vertueux

Déficit au-delà de -5% du PIB FIN, S, UK, P, F, E, B, I, EL

Déficit au-delà de 3% du PIB en début de période, puis en diminution I, E, F, EL, P

Dégradation du solde nominal et déficit au-delà de -3% du PIB UK, NL, EL, I, D, F, P

Figure 3.1. Evolution du solde nominal

1990-1996 1997-2000 2001-2005

Luxembourg Finlande Danemark Suède Espagne

Luxembourg Belgique Irlande Autriche

Royaume-Uni Pays-Bas Grèce Italie France Portugal Allemagne

Finlande Royaume-Uni Suède Belgique Portugal France Espagne Italie Grèce

Luxembourg Irlande Danemark Suède Finlande Royaume-Uni Pays-Bas Allemagne

Déficit public faible

-3% -3% Irlande Danemark Pays-Bas Allemagne Autriche

Belgique Autriche

Espagne Italie France Grèce Portugal

Excédent public

Déficit public élevé

Equilibre

% du PIB

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L’évolution globale montre une nette amélioration des soldes nominaux après 1993, et une convergence des soldes en vue de la qualification pour la phase III de l’UEM. Lors de la première année de l’euro, en 1999, tous les pays sont parvenus à dégager un excédent ou à faire passer leur déficit sous les 3 points de PIB. Mais avec la baisse de la croissance à partir de 2001, les soldes publics se dégradent à nouveau et plusieurs pays ont des déficits excessifs (Portugal, France, Allemagne, Pays-Bas, et vraisemblablement Grèce, Italie et Royaume-Uni en 2004). Certains pays se montrent plus vertueux que d’autres : les pays scandinaves, l’Espagne qui passe d’un déficit élevé à un excédent, la Belgique, l’Irlande (qui bénéficie d’une forte croissance), l’Autriche. Les quatre plus grands pays de l’UE, en revanche, sont avec les Pays-Bas (pourtant irréprochables jusqu’en 2002), la Grèce et le Portugal les sept pays à laisser leur déficit au-delà des 3%. Cependant, l’analyse des soldes nominaux ne suffit pas à juger de l’effort de rigueur fourni par les gouvernements. Ainsi, la forte réduction du déficit grec dans les années 1990 s’explique en partie par la baisse de son taux d’intérêt, qui a fait baisser mécaniquement la charge de la dette. Le calcul des soldes primaires permet de déterminer la part de l’évolution qui n’est pas due aux variations du service de la dette.

3.3.1.2. Discipline budgétaire mesurée par le solde primaire Une fois de plus, les pays sont classés en trois groupes selon l’évolution de leur solde primaire [tableau 3.3 et figure 3.2, et annexe 3.2 : tableau 3.24 et graphique 3.12]. Le niveau général des soldes primaires est bien sûr plus élevé que celui des soldes nominaux et de 1997 à 2000, tous les pays dégagent un excédent primaire. Mais le fait de retirer les charges d’intérêt ne change pas sensiblement le classement des Etats membres. La Finlande, le Danemark, la Suède, la Belgique, l’Espagne, l’Irlande et l’Autriche sont toujours les pays ayant les soldes les plus élevés, tandis que la France, le Portugal, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont les moins bonnes performances et que le solde des Pays-Bas se dégrade en fin de période. Six pays ont particulièrement bénéficié de la baisse des taux d’intérêt, soit parce qu’ils étaient fortement endettés, soit parce que leur taux d’intérêt avant le passage à l’euro était très élevé : Belgique, Irlande, Portugal, Grèce, Italie, Espagne. Pourtant, l’évolution de leur solde primaire est semblable à celle de leur solde nominal. Ainsi, le solde nominal de la Belgique s’est amélioré de 7,3 points de PIB de 1993 à 2000, mais la baisse de la charge d’intérêt ne représente que 3,4 points, le reste étant dû à une amélioration du solde primaire. Il reste à distinguer, dans l’évolution du solde primaire, quelle part est due à la conjoncture économique et quelle part relève de choix du gouvernement, en étudiant l’évolution du solde primaire structurel.

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Tableau 3.3. Evolution du solde primaire 1990-1996 1997-2000 2001-2005 Pays les plus vertueux

Stabilité ou amélioration du solde primaire jusqu’à un excédent supérieur à 2% du PIB B, DK, IRL, L, NL, I, EL

Confortation de l’excédent primaire, supérieur à 5% du PIB S, DK, B, I, EL, IRL, NL, L, FIN, UK

Dégradation du solde primaire, mais maintien d’un excédent supérieur à 3% du PIB FIN, B, DK, S

Pays intermédiaires

Stabilité ou faible dégradation, mais maintien de l’équilibre primaire P, D

Maintien d’un faible excédent D, A, E, F, P

Dégradation du solde primaire, mais maintien d’un excédent faible EL, I, A, E, IRL

Pays les moins vertueux

Dégradation plus ou moins forte jusqu’en 1993 puis amélioration et retour à l’équilibre A, E, F, S, FIN, UK

Dégradation du solde primaire, qui devient négatif L, NL, D, UK, F, P

Figure 3.2. Evolution du solde primaire

Belgique Danemark Irlande Luxembourg Pays-Bas Italie Grèce

Grèce Italie Autriche Espagne Irlande

Luxembourg Pays-Bas Allemagne Royaume-Uni France Portugal

Suède Danemark Belgique Finlande Italie Grèce Irlande Pays-Bas Luxembourg Royaume-Uni

Portugal Allemagne

Autriche Espagne Allemagne France Portugal

Excédent primaire

Equilibre

Finlande Belgique Danemark Suède

Autriche Espagne France Suède Finlande Royaume-Uni

Déficit primaire

0% 0%

% du PIB

1990-1996 1997-2000 2001-2005

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3.3.1.3. Discipline budgétaire mesurée par le solde primaire structurel Tableau 3.4. Evolution du solde primaire structurel 1990-1996 1997-2000 2001-2005 Pays les plus vertueux

Excédent DK, IRL, B, L, FIN, P

Excédent primaire structurel élevé, supérieur à 4% du PIB S, EL, B, DK, I, IRL, FIN

Dégradation du solde primaire structurel, mais maintien d’un excédent supérieur à 4% du PIB B, FIN, DK

Pays intermédiaires

Passage d’un déficit à un excédent NL, I, EL

Excédent primaire structurel moyen, entre 2 et 4% du PIB L, NL, UK

Dégradation du solde primaire, mais maintien d’un excédent inférieur à 4% du PIB S, EL, E, I, A, NL

Pays les moins vertueux

Dégradation plus ou moins forte jusqu’en 1993 puis amélioration et retour à l’équilibre S, A, D, E, F, UK

Excédent faible, voire déficit (au Portugal) A, E, D, F, P

Solde proche de l’équilibre ou négatif IRL, D, F, L, UK, P

Figure 3.3. Evolution du solde primaire structurel

1990-1996 1997-2000 2001-2005

Danemark Irlande Belgique Finlande Luxembourg Portugal

Suède Grèce Espagne Italie Autriche Pays-Bas

Irlande Allemagne France Luxembourg Royaume-Uni Portugal

Suède Autriche Allemagne Espagne France Royaume-Uni Royaume-Uni

Belgique Danemark Finlande Suède Grèce Italie Irlande

0%

0%

Pays-Bas Italie Grèce

Autriche Espagne Allemagne France Portugal

Excédent primaire structurel

% du PIB

Equilibre

Déficit primaire structurel

Belgique Finlande Danemark

Pays-Bas Luxembourg Royaume-Uni

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

143

Indépendamment de l’effet des stabilisateurs automatiques qui ont amélioré le solde public en période de croissance et dégradé dans la phase basse du cycle, on observe un effort général de rigueur budgétaire jusqu’en 1999, à l’exception du Portugal dont le déficit primaire structurel se creuse pendant toutes les années 1990 (sauf en 1994-1995) [tableau 3.4 et figure 3.3, d’après annexe 3.2 : tableau 3.25 et graphique 3.13]. Cet effort soutenu a été suivi d’un relâchement après l’entrée dans l’euro et tous les soldes primaires structurels se sont dégradés depuis – sauf dans le cas du Portugal, contraint de réduire son déficit excessif : une fois qualifiés, la plupart des pays ont réduit leur excédent primaire structurel selon un phénomène de « convergence fatigue » [Von Hagen, Hallett et Strauch 2001].

3.3.1.4. Bilan Finalement, la Belgique doit la forte amélioration de son solde nominal à son excédent primaire structurel élevé et soutenu associé à la baisse de ses charges d’intérêt ; il en est de même pour la Finlande (qui a de plus bénéficié d’une forte croissance de 1998 à 2002) et, dans une moindre mesure, pour la Grèce et l’Irlande (qui ont relâché le contrôle de leur solde primaire structurel après 2002, la Grèce s’apprêtant même à avoir un déficit excessif en 2004). L’Autriche, l’Espagne et les Pays-Bas jusqu’en 2001, ont également amélioré leur position nominale grâce à un excédent primaire structurel. C’est surtout le relâchement de l’effort des Pays-Bas à partir de 2002 et du Luxembourg à partir de 2003 qui expliquent la baisse de leur solde nominal. Les pays ayant buté sur le PSC n’ont pas tous eu la même évolution : d’une part, la France et l’Allemagne n’ont pas bénéficié d’une baisse de leur taux d’intérêt et ces deux pays n’ont dégagé qu’un faible excédent primaire structurel à la fin des années 1990 ; d’autre part, la diminution des charges d’intérêts du Portugal n’ont pas suffi à compenser son déficit primaire structurel ; quant à l’Italie, en dépit d’un excédent primaire structurel et de la baisse des taux d’intérêt, sa dette élevée a continué à peser sur son déficit nominal. Parmi les pays ne participant pas à l’euro, le Danemark et la Suède ont des évolutions proches : baisse des intérêts sur la dette, fort excédent primaire structurel et une conjoncture assez favorable leur ont permis de dégager un excédent nominal. Le Royaume-Uni, avec une conjoncture plus molle (sauf en 2000), une moindre baisse de taux d’intérêt et un excédent primaire structurel limité puis un déficit, a vu son solde public se dégrader fortement de 2000 à 2003. On synthétise ces différents aspects de l’évolution des finances publiques en regroupant ces pays en trois groupes sur un tableau d’une ligne [tableau 3.5] qui entrera ensuite dans le tableau de synthèse. Plus une case est foncée, plus cela signifie que le pays est du côté d’une infraction au PSC, ce qui est susceptible de le rendre favorable à un assouplissement du dispositif. Les cases les plus sombres correspondent aux pays ayant fait ou faisant l’objet d’une procédure de déficit excessif (PDE) [avant avril 2004].

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

144

Tableau 3.5. Classement des pays par rigueur budgétaire décroissante Pays DK S FIN A E B NL IRL L UK EL I P D F Rigueur budgétaire

3.3.2. Date de perte d’autonomie de la politique monétaire La deuxième caractéristique susceptible d’influencer l’attitude d’un pays envers le PSC est la date à laquelle remonte l’abandon de l’autonomie de sa politique monétaire. En effet, la perte d’un instrument de politique économique conduit un pays à se concentrer sur les autres instruments dont il dispose, de sorte que le passage à une monnaie unique est moins brutal. La perte d’autonomie de la politique monétaire des pays du SME correspond à un alignement sur les conditions monétaires allemandes. Nous utiliserons trois critères pour mesurer la date de perte d’autonomie : la date de convergence sur le taux d’intérêt allemand, la date de convergence sur l’inflation allemande et la primauté des variables domestiques ou du taux d’intérêt allemand dans les ajustements de court terme du taux d’intérêt (cf. Chapitre 2 sur la formation des politiques monétaires).

3.3.2.1. Convergence en termes de taux d’intérêt Lorsque l’on compare le taux d’intérêt à trois mois des pays du SME avec le taux d’intérêt allemand, trois groupes de pays apparaissent clairement : ceux qui se sont ancrés sur la politique allemande dès les premières années du SME (Pays-Bas, Autriche), ceux qui ont convergé entre la fin des années 1980 et le début des années 1990 (France, Belgique – et Luxembourg puisque la politique monétaire de ces pays était liée – et Finlande) et enfin ceux qui ont seulement vu leur taux baisser jusqu’au niveau du taux allemand au moment de la création de l’euro (Grèce, Portugal, Espagne, Italie, Irlande). Graphique 3.1. Les taux d’intérêt dans le SME : une convergence plus ou moins tardive selon les pays

Taux d'intérêt : pays alignés sur l'Allemagne dès 1 980

0

5

10

15

20

25

30

Q1

1979

Q1

1980

Q1

1981

Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

1998

D A NL

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Elo

ïse S

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145

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Q1 1986

Q1 1987

Q1 1988

Q1 1989

Q1 1990

Q1 1991

Q1 1992

Q1 1993

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Q1 1995

Q1 1996

Q1 1997

Q1 1998

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BFIN

T

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ant à

la fin de

s anné

es 1990

0 5 10 15 20 25 30

Q1 1979

Q1 1980

Q1 1981

Q1 1982

Q1 1983

Q1 1984

Q1 1985

Q1 1986

Q1 1987

Q1 1988

Q1 1989

Q1 1990

Q1 1991

Q1 1992

Q1 1993

Q1 1994

Q1 1995

Q1 1996

Q1 1997

Q1 1998

DEL

PE

IIR

L

G

raphique 3.2. Les taux d’intérêt des pays out

Taux d'intérê

t à court term

e

0 2 4 6 8 10 12 14 16

Q1 1985

Q1 1986

Q1 1987

Q1 1988

Q1 1989

Q1 1990

Q1 1991

Q1 1992

Q1 1993

Q1 1994

Q1 1995

Q1 1996

Q1 1997

Q1 1998

Q1 1999

Q1 2000

Q1 2001

Q1 2002

Q1 2003

Q1 2004

UK

DK

SD

Zo

ne

eu

ro

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

146

Parmi les pays ne participant pas à l’euro, le Danemark est aligné sur le taux de la Bundesbank, puis de la BCE, depuis 1993 ; la Suède a eu un taux d’intérêt plus élevé en 1995-96 et elle mène une politique monétaire plus accommodante que la BCE, et le Royaume-Uni, qui a longtemps conservé un taux d’intérêt supérieur au taux allemand, semble s’aligner sur le taux de la BCE.

3.3.2.2. Convergence en termes de taux d’inflation Le différentiel de taux d’intérêt n’est pas suffisant pour mesurer des écarts de politique économique. En effet, la comparaison des niveaux d’inflation (mesurée en taux annuel par rapport à quatre trimestres plus tôt) montre que le différentiel de taux d’intérêt correspond principalement au différentiel d’inflation par rapport à l’Allemagne, et l’on retrouve presque le même découpage en trois groupes de pays. Graphique 3.3. Les taux d’inflation dans le SME : une convergence plus ou moins tardive selon les pays

Inflation : pays alignés sur l'Allemagne dès 1980

-5

0

5

10

15

20

25

30

35

Q1

1980

Q1

1981

Q1

1982

Q1

1983

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Q1

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Q1

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Q1

1990

Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

2000

Q1

2001

Q1

2002

D A NL

Inflation : pays convergeant à partir du milieu des années 1980

-5

0

5

10

15

20

25

30

35

Q1

1980

Q1

1981

Q1

1982

Q1

1983

Q1

1984

Q1

1985

Q1

1986

Q1

1987

Q1

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Q1

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Q1

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Q1

1992

Q1

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Q1

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Q1

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Q1

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Q1

2000

Q1

2001

Q1

2002

D F B L IRL FIN

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

147

Inflation : pays convergeant à la fin des années 19 90

-5

0

5

10

15

20

25

30

35Q

1 19

80

Q1

1981

Q1

1982

Q1

1983

Q1

1984

Q1

1985

Q1

1986

Q1

1987

Q1

1988

Q1

1989

Q1

1990

Q1

1991

Q1

1992

Q1

1993

Q1

1994

Q1

1995

Q1

1996

Q1

1997

Q1

1998

Q1

1999

Q1

2000

Q1

2001

Q1

2002

D EL P E I

En ce qui concerne les pays « out », la convergence est plus marquée que lorsque l’on regarde le taux d’intérêt. Graphique 3.4. Les taux d’inflation des pays out

Inflation par rapport à quatre trimestres plus tôt

-2

0

2

4

6

8

10

12

Q1

19

85

Q1

19

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19

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19

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Q1

19

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Q1

19

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Q1

19

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Q1

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19

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19

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19

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19

99

Q1

20

00

Q1

20

01

Q1

20

02

Q1

20

03

Q1

20

04

UK DK S D

3.3.2.3. Convergence en termes de règle de politique monétaire Rappelons le tableau 2.3 du chapitre 2 sur les estimations des déterminants des ajustements de taux d’intérêt dans le SME (les estimations sont restreintes aux pays participant actuellement à l’euro).

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

148

Tableau 2.3. Variables déterminantes pour l’ajustement à court terme du taux d’intérêt et formation de clubs au sein du SME

PAYS PERIODE OUTPUT

GAP INFLATION TAUX DE

CHANGE DM/DOLLAR

TAUX D’INTERET AMERICAIN

VARIABLES DUMMY

1980-1990 + + + +

Allemagne 1991-1998 + + +

PAYS PERIODE OUTPUT

GAP INFLATION TAUX DE

CHANGE /DM TAUX

D’INTERET ALLEMAND

VARIABLES DUMMY

France 1979-1986 ++ + + ++ Belgique 1980-1987 ++ + + Italie 1979-1986 + + + +

CERTAIN DEGRE

D’AUTONOMIE Espagne 1988-1998 ++ + + 92:3-93:1

Pays-Bas 1983-1998 + ++ France 1986-1998 + ++ 93:1, 93:2 Belgique 1988-1998 + ++ 93:3 Italie 1986-1998 + ++ 92:3, 92:4, 93:1 Irlande 1988-1998 + 92:3, 92:4, 93:1-93:2 Grèce 1984-1998 + + 94:2, 94:3 Portugal 1986-1998 + ++ 93:2, 93:3, 94:3

1980-1985 + ++ 81:1 Autriche 1986-1998 ++

ZONE DEUTSCHE

MARK

Finlande 1995-1998 ++

+ = variable ayant un coefficient positif ++ = variable ayant un coefficient positif et élevé Case vide = variable non significative La perte d’autonomie peut être bien antérieure à la convergence des taux d’intérêt : ainsi, un pays comme l’Italie a mis du temps à réduire son inflation et, pendant ce temps, elle a conservé un taux d’intérêt élevé en raison de la prime de risque, mais sa politique monétaire n’était plus autonome depuis la deuxième moitié des années 1980. Interprétation : malgré la persistance d’écarts de taux d’intérêt jusqu’en 1998, les politiques monétaires des pays du SME n’étaient plus autonomes depuis plusieurs années (en dehors de la période perturbée de la crise du SME). Les taux d’intérêt plus élevés en Italie, en Grèce, au Portugal, en Espagne, s’expliquent par une prime correspondant au différentiel d’inflation persistant. De la même manière qu’au paragraphe précédent, dressons un bilan en indiquant par des cases plus sombres les pays ayant perdu le plus tardivement leur autonomie monétaire [tableau 3.6].

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

149

Tableau 3.6. Classement des pays par ancienneté de la perte d’autonomie monétaire Pays NL A IRL EL P L B F FIN E I D UK DK S Alignement sur le taux d’intérêt allemand

Alignement sur l’inflation allemande

Abandon d’une règle de politique monétaire autonome

non estimé

Conclusion : ancienneté de la perte d’autonomie monétaire

3.3.3. Réactivité de la politique budgétaire Le critère de la réactivité budgétaire est le complément logique du critère de perte d’autonomie monétaire. En effet, les pays ayant renoncé le plus tôt à l’indépendance de leur politique monétaire ont eu le temps de mettre en place des compromis sociaux leur permettant de se concentrer sur une politique budgétaire plus réactive et mieux contrôlée. Le tableau suivant mesure la réactivité de la politique budgétaire par l’élasticité des recettes et des dépenses publiques par rapport au PIB, ainsi que par la sensibilité du solde budgétaire. La sensibilité σB du solde budgétaire B est mesurée par la semi-élasticité de B par rapport au PIB, c’est-à-dire la variation du solde budgétaire exprimée en % du PIB induite par une variation de 1% du PIB :

σB = Y/Y

)Y/B(

∆∆

Si on note R les recettes publiques et X les dépenses publiques (on a donc B = R-X) et

sachant que

Y

B∆ =

−Y

Y

B

B

Y

B ∆∆, on exprime facilement la sensibilité du solde

budgétaire au PIB en fonction de l’élasticité par rapport au PIB des recettes et des dépenses :

σB = Y

R(εR,Y - 1) -

Y

X (εX,Y - 1)

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

150

Tableau 3.7. Sensibilité des finances publiques au PIB

Elasticité des recettes

Elasticité des dépenses

Semi-élasticité du solde budgétaire

Suède 0,96 -0,25 0,75 Pays-Bas 0,96 -0,54 0,69 Danemark 1,03 -0,23 0,67 Royaume-Uni 1,12 -0,60 0,65 Belgique 0,94 -0,14 0,56 Finlande 0,95 -0,19 0,55 France 0,87 -0,08 0,53 Portugal 1,00 -0,16 0,50 Italie 0,95 -0,02 0,48 Autriche 0,95 0,08 0,47 Allemagne 0,82 -0,10 0,45 Irlande 0,93 -0,28 0,42 Espagne 0,87 -0,11 0,40 Grèce 0,83 0,00 0,38 Luxembourg 0,71 -0,12 0,33 Zone euro 0,88 -0,11 0,49 UE-15 0,93 -0,19 0,53

Source : FMI [Bouthevillain et al. 2001] Les petits pays qui suivent le taux d’intérêt allemand depuis longtemps ont dû, pour compenser le fait que leur politique monétaire ne tenait plus compte de l’output gap, réformer leurs procédures budgétaires : soit par l’établissement de pactes sociaux (Pays-Bas), soit par la mise en œuvre d’une politique budgétaire sophistiquée (Finlande) [cf. Von Hagen et Harden 1994]. Ce n’est cependant pas le cas de l’Autriche, dont le solde budgétaire n’est pas fortement sensible au PIB – cela s’explique par le caractère procyclique de ses dépenses publiques. En revanche, l’Allemagne, qui a pu déterminer plus longtemps la politique monétaire selon ses propres intérêts, a conservé une politique budgétaire peu réactive. 3.3.4. Taille du pays Le dernier critère est la taille du pays. Le tableau suivant [Busemeyer 2004] met en avant des écarts de moyenne significatifs entre les indicateurs de finances publiques des petits et grands pays (les grands pays étant ici l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni, tous les autres pays étant considérés comme petits). Il en résulte que les petits pays sont plus vertueux que les grands, que ce soit en termes de déficit, de niveau de la dette ou de variation de la dette.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

151

Tableau 3.8. Finances publiques : écarts de moyennes entre petits et grands pays de l’UE de 1992 à 2002 1992-1997 1998-2002

Petits pays Grands pays Petits pays Grands pays Solde nominal en % du PIB -3,49 -5,29 0,91 -1,20

Petits pays Grands pays Petits pays Grands pays Variation de la dette -0,24 3,82 -2,64 -1,51

Petits pays Grands pays Petits pays Grands pays Dette brute en % du PIB 76,71 74,09 62,62 76,15

Source : d’après Busemeyer (2004) Deux arguments liés à la taille du pays permettent de comprendre ces écarts. Tout d’abord, exprimée en part dans le PIB européen, la taille mesurée est celle de l’économie et elle donne une indication sur les instruments pertinents de politique macroéconomique dont peut disposer le pays. Ainsi, contrairement à un grand pays, une petite économie – surtout si elle est très ouverte comme les Pays-Bas – est peu disposée à mener des politiques de relance keynésiennes qui seraient peu efficaces dans son cas. Pour cette raison, on s’attend à ce que le déficit des petits pays soit moindre. Un autre aspect joue également : la taille du pays se traduit politiquement en poids du pays dans la construction européenne, et institutionnellement en nombre de voix au Conseil des ministres. Cela procure aux grands pays une marge de manœuvre que n’ont pas les petits pays, davantage soumis aux pressions pour respecter les règles européennes aussi bien avant qu’après la création de l’euro [Busemeyer 2004] : • Dans la période précédent l’introduction de l’euro, les petits pays étaient davantage

menacés de ne pas être qualifiés pour l’euro – et cela, qu’ils soient périphériques (Portugal, Grèce, Irlande, Finlande) ou au cœur de la zone (Belgique, Pays-Bas). Ils devaient donc faire leurs preuves pour être acceptés en tant que pays participant à l’euro. L’Espagne et l’Italie étaient dans une situation intermédiaire, tandis que l’Allemagne et la France étaient assurées d’être qualifiées quoi qu’il arrive, quitte à interpréter les critères de façon plus souple si elles ne les respectaient pas.

• Le dispositif prévu par le PSC rend les petits pays plus vulnérables à une menace de sanction. En effet, la décision de sanctionner ou non un pays revient au Conseil qui se prononce par un vote à la majorité qualifiée. Les grands pays ont donc plus de facilités que les petits pays à réunir des coalitions de blocage s’ils sont visés par une procédure de sanction, comme le montre la différence de traitement accordée à la France et à l’Allemagne par rapport au Portugal [cf. la chronologie des négociations, annexe 3.3]

Nous retenons ici trois catégories pour le classement par taille : • grands pays (PIB supérieur à 7% du PIB européen) : Allemagne, France, Royaume-

Uni, Italie, Espagne

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• pays intermédiaires (PIB compris entre 2 et 7% du PIB européen) : Belgique, Pays-Bas, Autriche, Suède

• petits pays (PIB inférieur à 2% du PIB européen) : Danemark, Grèce, Irlande, Luxembourg, Portugal, Finlande.

3.3.5. Les différentes attitudes à l’égard du PSC : application stricte versus

assouplissement L’attitude de chaque gouvernement envers l’application du PSC – soit un soutien répété à une application à la lettre, soit un appel insistant à l’assouplir, soit l’absence de position tranchée – est estimée à partir des positions ouvertement prises depuis 1999 : déclarations à la presse, lettres ouvertes, positions lors des votes au Conseil Ecofin, citées dans la chronologie des négociations autour du PSC dans l’annexe 3.3.2. L’Autriche, les Pays-Bas, la Finlande, la Belgique et l’Espagne sont les pays soutenant avec le plus de force une application stricte du PSC et s’opposent à toute réforme. Le Danemark, la Suède et le Portugal vont également dans ce sens, mais de façon moins insistante (le ministre des Finances suédois, Gunnar Lund, s’est même exprimé en faveur d’une interprétation plus flexible prenant en compte le niveau de la dette). A l’opposé, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni réclament un assouplissement du PSC. La France et l’Allemagne ont également pris des décisions de politique budgétaire ouvertement en contradiction avec le PSC, en annonçant des baisses d’impôts alors que leur déficit était déjà excessif. Les quatre derniers pays ont une attitude plus contrastée. L’Irlande est plutôt favorable à une application stricte du PSC mais, le 25 novembre 2003, elle n’a pas refusé de voter les décisions du Conseil Ecofin accommodantes envers la France et l’Allemagne. De même, le Luxembourg n’a pas exprimé de position ferme. Enfin, la Grèce et l’Italie ont des attitudes ambiguës : la Grèce s’est prononcée en faveur d’une application stricte du PSC mais elle a clairement prévenu que le PSC ne l’empêcherait pas d’avoir un déficit excessif lié aux dépenses d’organisation des Jeux Olympiques de 2004 ; quant à l’Italie, les déclarations de ses représentants ne vont pas toutes dans le même sens. Silvio Berlusconi est l’un des signataires d’une lettre ouverte réclamant une application stricte du PSC, tandis que son ministre des Finances Giulio Tremonti a pris parti pour une réforme à plusieurs reprises et que Romano Prodi, Président de la Commission européenne, mais également adversaire politique de Silvio Berlusconi, a déclaré que « le Pacte de stabilité est stupide, comme toutes les décisions qui sont rigides ». On obtient donc le classement suivant [tableau 3.9]. Tableau 3.9. Classement des pays selon leur position sur l’application du PSC, des plus stricts aux moins stricts Pays E A NL FIN B DK P S IRL L EL I F D UK Position sur l’application du PSC

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

153

3.3.6. Bilan : fait stylisé sur les caractéristiques nationales et le degré de soutien au PSC

Croisons dans un tableau de synthèse les quatre caractéristiques susceptibles d’influencer la position de chaque pays à l’égard de l’application du PSC, en conservant comme convention de représentation un gris d’autant plus soutenu qu’il indique une position favorable à un assouplissement du PSC, et comparons ces caractéristiques à la position effectivement observée pour chaque gouvernement. Tableau 3.10. Caractéristiques nationales et degré de soutien au PSC Pays DK NL A S FIN B E IRL L EL I P UK F D

Rigueur budgétaire

Ancienneté de l’alignement monétaire

Réactivité de la politique budgétaire

Taille du pays

Position sur l’application du PSC

Ce tableau fait ressortir les résultats suivants : • Aucun pays ayant fait preuve d’une grande rigueur budgétaire n’est favorable à une

réforme du PSC. • Les pays ayant fait l’objet d’une PDE sont favorables à un assouplissement du PSC,

sauf le Portugal qui y est opposé. • Il y a généralement une corrélation entre la précocité de la perte d’autonomie en

matière de politique monétaire et la réactivité de la politique budgétaire. Trois pays font exception : l’Autriche, dont la politique budgétaire est peu réactive malgré un alignement de longue date sur la politique monétaire allemande ; la Suède et le Royaume-Uni, qui ont conservé des politiques budgétaires très réactives en même temps qu’une certaine autonomie monétaire. La forte sensibilité du solde budgétaire suédois, associé à une conjoncture favorable et à un taux d’intérêt bas, lui a permis d’avoir des finances publiques en nette amélioration.

• Les petits pays alignés de longue date sur la politique monétaire allemande et disposant de politiques budgétaire très réactives ont de très bons résultats en termes de discipline budgétaire. A l’autre extrémité, les grands pays ayant perdu plus tardivement l’autonomie de leur politique monétaire et/ou dont les politiques budgétaires sont peu réactives ont plus de difficultés à respecter le PSC.

• Les quatre plus grands pays sont parmi les moins vertueux. Toutefois, bien qu’étant la cinquième économie de l’UE, l’Espagne est un très bon élève du point de vue

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dépenses publiques. Parmi les petites et moyennes économies, les Pays-Bas pourtant initialement rigoureux, la Grèce et le Portugal sont les seuls pays à avoir buté sur le PSC.

De manière générale, on peut dégager un fait stylisé sur les caractéristiques nationales et le comportement à l’égard du PSC. Fait stylisé : Les pays qui soutiennent le plus fortement le Pacte sont les plus vertueux, les plus petits, ayant une politique budgétaire réactive et ayant perdu le plus tôt l’autonomie de leur politique monétaire. Corollaire : Les grands pays, qui ont maintenu plus longuement leur autonomie en matière de politique monétaire et peu réformé leurs procédures budgétaires, butent davantage sur le PSC et sont plus favorables à une réforme rendant le PSC plus flexible. En effet, les pays les plus vertueux sont incités à défendre une lecture stricte du PSC, puisqu’ils ont fait un effort de discipline budgétaire et qu’ils exigent donc le même effort de leurs partenaires, et parce qu’ils peuvent soutenir un Pacte dont ils ne craignent pas (actuellement) les sanctions. Il est d’ailleurs dans leur intérêt de se conformer aux règles européennes : ces pays vertueux, qui sont le plus souvent de petits pays, ont peu de poids au Conseil des ministres et il leur serait difficile de former une coalition de blocage s’ils étaient visés par une PDE. S’ils peuvent respecter les critères de finances publiques, c’est généralement grâce aux procédures budgétaires réactives qu’ils ont établies pour compenser la perte de la politique monétaire comme instrument de politique économique domestique. Les pays les moins vertueux sont les grands pays, qui veulent et peuvent passer en force : grâce à leur poids élevé dans la règle de vote au Conseil, ils peuvent ne pas respecter la règle du PSC et pourtant éviter les sanctions. Ils ont en effet besoin de déficits élevés pour relancer leur économie, et peuvent de plus faire pression sur leurs partenaires plus petits en arguant que s’ils ne les laissent pas mener une politique de relance budgétaire, ils freineront la croissance de toute la zone euro. Les pays s’écartant de ce fait stylisé – Espagne, France, Royaume-Uni, Portugal – révèlent des choix politiques nationaux particuliers. L’Espagne a certaines caractéristiques qui pourraient la faire buter facilement sur les 3 points de PIB : c’est un pays de taille supérieure à la moyenne, ayant conservé l’autonomie de sa politique monétaire jusque dans les années 1990, et ses procédures budgétaires sont peu réactives. Pourtant, l’Espagne n’a pas de déficit excessif. Les aides structurelles européennes, représentant une part conséquente du budget espagnol, ont certes favorisé la croissance, mais l’excédent dégagé par l’Espagne est également dû aux choix restrictifs du gouvernement Aznar. Le résultat particulièrement vertueux de l’Espagne en termes de déficit nominal a ainsi permis à José Maria Aznar de se montrer très strict envers ses partenaires moins disciplinés. Depuis le changement de majorité de mars 2004, le gouvernement Zapatero s’est montré plus souple que son prédécesseur dans certains domaines de négociations européennes (sur le projet de Traité

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constitutionnel notamment) mais il reste ferme sur l’application du Pacte de stabilité, comme l’indique le choix de Pedro Solbes comme ministre de l’Economie. A l’inverse, l’assez bonne réactivité de la politique budgétaire française aurait pu permettre au gouvernement français d’avoir un déficit moins élevé. Le fait que la France ait un déficit excessif depuis plusieurs années semble donc traduire une volonté politique – d’ailleurs mise en avant par le gouvernement de façon répétée – de passer en force et d’ignorer la contrainte du PSC en période de conjoncture molle. Ne participant pas à l’euro et disposant d’une politique budgétaire très réactive, le Royaume-Uni a pu maintenir ses finances publiques relativement sous contrôle en comparaison avec le comportement des autres grands pays européens. Mais c’est un pays soucieux de son indépendance, et qui s’est fixé des critères avant d’entrer dans l’euro et de renoncer à une partie de son autonomie : il a notamment posé une réforme du PSC comme condition préalable à son entrée [voir Annexe 3, 7 novembre 2002 et 9 juin 2003]. Enfin, le Portugal est représentatif de la différence de comportement entre petits et grands pays. Il a eu un déficit excessif mais n’a pas pu réunir de coalition pour le soutenir au Conseil Ecofin. Il est donc compréhensible qu’il exige une application stricte pour les autres pays ayant des déficits excessifs, même s’il s’agit de grands pays. L’expérience portugaise incite les pays qui se sentent proches du Portugal – les petits pays et les pays périphériques – à faire bloc pour réclamer une égalité de traitement entre tous les Etats membres. Cela a probablement une incidence sur les perspectives de réformes du PSC. En somme, plusieurs caractéristiques nationales aident à comprendre qu’un pays soit généralement plutôt favorable à une application à la lettre du PSC ou à une lecture plus souple. Si l’on se tourne maintenant vers des propositions de réformes particulières, peut-on détecter si certaines sont susceptibles de réunir un consensus ?

3.4. Les propositions de réforme du Pacte de stabilité : quelles chances de succès ?

La littérature académique et les dirigeants nationaux ou européens proposent une très grande variété de réformes pour améliorer la règle de contrôle des finances publiques. Cette partie résume les principales propositions et teste si certaines d’entre elles ont une chance d’être adoptées, proposant ensuite plusieurs explications à l’absence de consensus. 3.4.1. Les réformes proposées Les réformes proposées diffèrent selon le degré, le type et le caractère plus ou moins ambitieux des changements qu’elles impliquent par rapport au statu quo – allant de la

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« réformette » au bouleversement complet du PSC. On peut cependant distinguer trois grandes catégories de propositions : celles qui visent à améliorer le dispositif actuel sans le changer radicalement ; celles qui reposent sur un déplacement du champ d’application de la règle ; et celles qui préconisent un changement du cadre institutionnel lui-même. Après avoir décrit ces propositions et relevé les difficultés qu’elles posent, nous étudierons le point de vue de la Commission européenne.

3.4.1.1. Améliorer le dispositif actuel La première catégorie de réformes consiste à conserver les grandes lignes du dispositif actuel, mais en améliorant certains points problématiques. • Augmenter le plafond de déficit autorisé Il s’agit probablement de la plus simple des réformes : considérant que le plafond de 3 points de PIB est arbitraire et trop bas, il est suggéré de choisir un autre plafond tout aussi arbitraire mais plus élevé, par exemple de 4 ou 5 points de PIB. • Elargir le champ des exceptions Le PSC prévoit des circonstances exceptionnelles sous lesquelles un Etat membre peut temporairement avoir un déficit supérieur à 3 points de PIB sans que cela ne déclenche une procédure de déficit excessif contre eux. Le problème est que les deux cas prévus (récession correspondant à une baisse d’au moins 2% du PIB réel, ou sous certaines conditions à une baisse comprise entre 0,75% et 2%) sont incomplètes par rapport aux difficultés qu’un pays peut rencontrer. Une réforme pourrait rendre la liste d’exceptions plus exhaustive en élargissant les cas de circonstances exceptionnelles à la stagnation prolongée (par exemple trois années consécutives de croissance inférieure à 1%) au lieu de ne considérer que les cas de récession ponctuelle. • Renforcer le volet incitatif Le PSC est critiqué pour être trop sévère et pas suffisamment incitatif. En juillet 2004, le gouvernement autrichien a proposé que l’on récompense les « bons élèves » qui dégagent un excédent en période de bonne conjoncture, par exemple en leur accordant la possibilité d’un déficit supplémentaire (ou des financements communautaires) pour la recherche publique. L’idée est séduisante mais le caractère intéressé de la proposition autrichienne est difficilement dissimulable. • Prendre en compte le cycle économique et rendre le dispositif plus

symétrique Le déficit nominal donne une vision biaisée de la discipline budgétaire et risque de conduire à des politiques procycliques. En effet, dans la phase basse du cycle, les gouvernements sont incités à réduire la composante structurelle du déficit pour compenser le jeu des stabilisateurs automatiques qui accroissent le déficit nominal, donnant ainsi une impulsion budgétaire nulle, voire restrictive. Dans la phase haute du

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cycle, la composante conjoncturelle du solde nominal s’améliore et les gouvernements ne sont donc pas incités à réduire leur déficit structurel – ils peuvent même mener une politique budgétaire procyclique, comme le montre l’exemple de la « cagnotte » française qui a été partiellement redistribuée en 2000. La solution à ce biais procyclique serait de définir une règle de finances publiques qui oblige les gouvernements à dégager un excédent en période de forte croissance. Cela corrigerait l’asymétrie du Pacte, en renforcer la discipline budgétaire dans les phases d’expansion également. Plusieurs variantes sont proposées pour atteindre ce résultat. Première version : créer des fonds de réserve ou fonds de stabilisation conjoncturelle (sur le modèle des « rainy day funds » des Etats fédérés américains) alimentés en période de forte croissance et dans lesquels les gouvernements pourront puiser en période de croissance faible ou de récession [Coeuré et Pisani-Ferry 2003]. Le caractère automatique de ces fonds est positif du point de vue de l’incitation, mais une telle réforme entraînerait un coût de révision des règles de comptabilité nationale et de leur interprétation. Deuxième version : définir, comme le propose le rapport Sapir [2003], une norme budgétaire selon laquelle l’intégralité ou une partie des recettes supplémentaires en cas de forte croissance devrait contribuer à dégager un excédent. Le principe est le même que celui des fonds de stabilisation, mais sans que le fonds ne soit créé explicitement, évitant ainsi les coûts de mise en œuvre. L’inconvénient de cette solution est qu’une telle norme reposerait davantage sur une approche disciplinaire que sur des mesures incitatives. Troisième version : contrôler directement le déficit structurel. C’est ce vers quoi tend l’application du PSC. La difficulté est qu’il n’existe pas de consensus sur la façon de calculer la croissance potentielle et donc le solde structurel, qui par conséquent n’est pas un agrégat incontestable. La mise en œuvre complète de cette réforme suppose de surmonter des difficultés méthodologiques et d’avoir des mesures cohérentes de l’ output gap et du déficit structurel pour tous les pays selon une méthodologie commune. Auparavant, la Commission et le Conseil Ecofin se fondaient sur des estimations de l’output gap par le filtre de Hodrick-Prescott. Mais le nouveau Code de conduite sur le contenu et la présentation des programmes de stabilité et de convergence, adopté par le Conseil Ecofin en 2001, a entraîné le passage à une méthode utilisant les fonctions de production et de nouvelles normes pour les estimations [Commission européenne, 2002].

3.4.1.2. Déplacer le champ d’application de la règle Le deuxième ensemble de réformes a pour trait commun de modifier l’objet de la règle, c’est-à-dire le critère de déficit.

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• Remplacer le critère de déficit nominal par un nouveau critère de dette ou d’inflation

Comme le souligne Pisani-Ferry [2002], puisque l’objectif de long terme du Pacte de stabilité est de contrôler le niveau de la dette, il serait plus logique de définir directement la règle sur un critère de dette. Aussi propose-t-il un « pacte de soutenabilité de la dette » qui autoriserait un pays à sortir du PSC à condition que sa dette reste inférieure à 50% du PIB, qu’il publie le budget détaillé du gouvernement (y compris les engagements futurs comme les retraites), et qu’il se fixe une cible pour le ratio de dette publique avec une échéance de plusieurs années, ce qui lui laisserait la possibilité d’ajuster leur déficit annuel. Cette réforme permettrait aux Etats ayant une dette faible de s’endetter ; en revanche, les Etats très endettés n’accepteraient certainement pas facilement une telle réforme. Dans le même ordre d’idées, Gros [2003] propose un « pacte de stabilité pour la dette publique » consistant à fixer une cible de ratio dette/PIB pour chaque pays et à spécifier une trajectoire de transition telle qu’un vingtième de l’écart entre le ratio initial et la cible soit éliminé chaque année. Mathieu et Sterdyniak [2003] suggèrent de remplacer la contrainte de finances publiques par une contrainte d’inflation à moyen terme. Le dispositif laisserait une marge d’autonomie aux gouvernements en leur permettant de se fixer une fourchette d’inflation à moyen terme, par exemple de 1 à 3 % pour les pays du « nord » et de 2 à 4 % pour les pays du « sud » en période de rattrapage, et en limitant la surveillance exercée par la Commission et le Conseil aux seuls facteurs d’externalités négatives entre les pays de la zone – c’est-à-dire vérifier que le pays reste dans sa fourchette d’inflation et que le déficit et l’évolution de la dette ne remettent pas en cause la solvabilité des finances publiques. Chaque politique budgétaire nationale serait ainsi chargée d’arbitrer entre inflation et production à l’échelle nationale. La compatibilité des politiques budgétaires nationales et de la politique monétaire pourrait être assurée par la recherche d’un objectif commun : la convergence à moyen terme du taux d’intérêt réel et du taux de croissance. La limite de cette proposition est que la politique budgétaire agit avec un retard sur l’inflation, par conséquent la variable pertinente à contrôler serait l’inflation anticipée. Or, elle est difficile à mesurer et sujette à des variations en fonction des échéances électorales et des alternances politiques. • Compléter le critère de déficit nominal par une approche multi-critères D’autres propositions ne retirent pas le critère de déficit, mais le complètent par la prise en compte d’autres indicateurs économiques comme la croissance, le niveau de l’inflation par rapport à la moyenne européenne et le niveau de la dette. Le rapport Bourdin [2003] propose la « règle des trois déficits ». Cette règle pose deux plafonds permanents pour le déficit structurel et le déficit nominal : le déficit structurel est plafonné à 2% du PIB, le déficit nominal à 5% du PIB. Le troisième critère est à géométrie variable : le Conseil, sur proposition de la Commission, impose à chaque Etat une évolution de son solde nominal en fonction de la situation conjoncturelle prévisible et d’un objectif clair d’évolution de la dette publique, et avec comme limite qu’aucun

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Etat ne pourrait se voir contraint au cours d’une année d’améliorer son solde structurel de plus de 0,5 point de PIB. Le plafond de déficit différencié de Calmfors et Corsetti [2003] assigne à chaque pays un plafond de déficit en fonction du niveau de sa dette, selon une échelle du type : 5% maximum pour les pays dont la dette est inférieure à 25% du PIB, 3% maximum pour les pays dont la dette est supérieure à 55% du PIB. Le rapport Sapir [2003] préconise que l’on tienne compte de la soutenabilité à long terme des finances publiques en ne se concentrant pas uniquement sur le déficit mais aussi sur la dette et sur les engagements implicites. Les pays endettés devraient avoir des soldes structurels excédentaires ou proches de l’équilibre tandis que les pays à dette plus fiable – dont les nouveaux adhérents – pourraient disposer de plus de flexibilité pour leur déficit et notamment être autorisés à avoir un déficit dépassant 3% du PIB pendant plus d’un an. Ce changement d’application ne nécessite pas une modification du Pacte, mais suppose simplement que l’on ajoute le cas d’une dette faible dans la liste des « circonstances exceptionnelles » au titre desquelles un Etat peut avoir un déficit excessif. • Regarder le contenu plutôt que le niveau des dépenses Le fait de s’intéresser au contenu des finances publiques, et pas seulement à leur niveau, peut se traduire par deux types de réformes. D’une part, il est proposé d’exclure certaines dépenses publiques du calcul du déficit, comme les dépenses publiques de recherche-développement et les dépenses de défense. L’argument qui sous-tend ces propositions est que le PSC risque d’avoir comme effet pervers de conduire à une réduction des « bonnes » dépenses publiques, jugées utiles ou d’intérêt général. Sortir ces dépenses du calcul du déficit cesserait de les soumettre à la contrainte du PSC. Ces réformes posent cependant trois problèmes : - Un problème de mesure : la délimitation de ces dépenses est assez floue, notamment

pour les dépenses « soft » – par opposition aux dépenses d’infrastructures – de R&D et de formation dans le cadre de la stratégie de croissance de Lisbonne.

- Un problème de niveau : Modigliani et Padoa Schioppa Kostoris [1998] ont estimé le niveau des dépenses favorables à la croissance (selon une définition très large, puisqu’ils les mesurent par les dépenses publiques brutes au titre du capital humain et matériel) en Italie à 16% du PIB. Va-t-on retirer ces 16% du calcul du déficit ?

- Un problème de multiplication des objectifs : l’objectif du PSC doit être d’assurer la discipline budgétaire, pas d’améliorer la qualité des dépenses publiques. Si l’on veut se donner d’autres objectifs que la discipline budgétaire, il faut également utiliser d’autres dispositifs que le PSC, puisqu’un même instrument ne peut pas servir plusieurs objectifs.

D’autre part, Fitoussi [in Bourdin 2003] propose d’instaurer une règle semblable à la règle d’or britannique, qui distingue parmi les dépenses publiques les dépenses

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courantes et les investissements publics. Les dépenses courantes doivent être couvertes par les recettes courantes mais l’Etat peut s’endetter pour financer des investissements publics. L’avantage de la règle d’or est qu’elle évite de décourager les investissements publics et qu’elle répartit le coût des investissements sur les différentes générations de contribuables qui en bénéficieront. Mais elle a un inconvénient : elle ne garantit pas la soutenabilité de la dette, qui est l’objectif de long terme du PSC. Enfin, elle pose un problème de mise en œuvre : comment se mettre d’accord sur la distinction comptable entre dépenses courantes et investissements publics sans que cela ne laisse de place à la « cosmétique budgétaire » ?

3.4.1.3. Changer le cadre institutionnel La dernière catégorie de réformes se concentre sur les problèmes institutionnels du dispositif actuel. • Déléguer le contrôle à une agence indépendante Un premier ensemble de réformes vise à corriger le problème de l’impartialité du dispositif actuel, selon lequel le pouvoir de constater un déficit excessif et de décider des sanctions revient au Conseil Ecofin, ce qui rend la décision hautement politique et favorise les ententes entre gouvernements. Ce dispositif de contrôle par les pairs est par ailleurs déséquilibré puisque le vote à la majorité qualifiée avantage les grands pays. Ces réformes conseillent qu’un organe indépendant des gouvernements soit chargé de surveiller les Etats et de vérifier qu’ils respectent le PSC. Wyplosz [2002] propose de déléguer le pouvoir de surveillance et de sanction à un « comité de politique budgétaire » qui devrait être mandaté pour assurer la soutenabilité budgétaire et, pour cela, serait chargé de fixer d’avance le niveau des déficits agrégés. Les parlements garderaient le choix de la taille du budget et de la répartition des recettes et des dépenses, mais dans le cadre de ces chiffres agrégés. Selon d’autres auteurs, cet organe pourrait être la Commission elle-même, dont le rôle serait renforcé, la BCE [Von Hagen 2003] ou un Conseil de soutenabilité [Fatas et al.2003]. Ces propositions posent toutefois des problèmes d’application : - Un problème de mise en commun de l’information : il faut que cette agence

réussisse à extraire l’information sur le déficit de chaque pays et notamment déterminer quelles dépenses et recettes prendre en compte ou non et quel est leur montant exact, et ne pas être trompé par certains artifices comptables.

- Un problème de pouvoir : le seul pouvoir de cette agence selon la proposition de von Hagen serait d’émettre des avis pour dénoncer les pays qui ne respecteraient pas le PSC. Or, on peut douter que le seul effet de publicité et de réputation suffise à contraindre les pays à réduire leur déficit. Sans moyens coercitifs tels qu’un pouvoir de décertification ou de sanction, l’efficacité de cette agence risquerait d’être limitée.

• Laisser le contrôle aux marchés financiers Un des scénarios envisagés par Boyer [2004] est de laisser les marchés financiers sanctionner les pays trop peu rigoureux, à travers une augmentation de la prime de

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risque sur les obligations publiques. Cela suppose qu’ils puissent disposer d’informations sur le risque pays rendues publiques par une agence indépendante comme celle que propose von Hagen. Cependant, le problème d’extraction de l’information demeure. • Modifier la règle de vote Actuellement, un pays menacé de sanction ne peut bien sûr pas prendre part au vote le concernant, mais si deux pays sont menacés simultanément, chacun participe au vote concernant le deuxième pays. Il est alors aisé pour chaque pays d’obtenir le soutien de l’autre. Ainsi, le 25 novembre 2003, la France a voté contre la décision défavorable à l’Allemagne et réciproquement. Afin d’éviter ces alliances, il est proposé d’exclure du vote tout pays concerné par une procédure (par exemple en liant les décisions dans un vote groupé) : dans ce cas, ni la France, ni l’Allemagne n’auraient participé aux décisions les concernant le 25 novembre. Cette réforme modifierait le résultat des votes, mais aussi le comportement des pays. En effet, selon le dispositif actuel, les pays menacés de sanctions ont intérêt à être plusieurs dans cette situation, puisqu’ils peuvent trouver un accord pour que chaque pays menacé de sanction vote contre les sanctions visant les autres pays. Le dispositif actuel favorise donc en quelque sorte les comportements déviants groupés. La règle de vote réformée aurait l’effet inverse : si seuls les pays ne faisant pas l’objet d’une procédure de sanction peuvent prendre part au vote, il est préférable pour un pays menacé d’être le seul dans ce cas car il lui sera plus facile de trouver des alliés parmi les pays votant. Si, a contrario, plusieurs pays – par exemple l’Allemagne, l’Italie et la France – sont simultanément menacées de sanctions, alors les pays participant au vote, qui sont pour la plupart vertueux, sont plus susceptibles de voter en faveur des sanctions. Ce nouveau dispositif apparaît donc plus dissuasif. Or, la matrice de corrélation des output gaps montre que les conjonctures sont généralement plus corrélées qu’auparavant (la corrélation entre la France et l’Allemagne étant particulièrement élevée : 0,89) donc il est peu probable que la France soit menacée de sanctions sans que l’Allemagne ne le soit. Le passage à cette nouvelle règle de vote constituerait donc une forte menace pour la France et l’Allemagne. • Instaurer un système de droits à déficit Casella [2001] propose de définir une cible de déficit agrégé pour l’ensemble de la zone euro plutôt que pays par pays et d’instaurer un système de permis à déficit négociables entre les Etats membres. Ainsi, le déficit agrégé resterait inchangé, les pays les plus vertueux seraient récompensés par la vente de leurs permis à déficit et les pays subissant un choc négatif pourraient acheter le droit d’avoir un déficit plus élevé. Cette proposition pose trois problèmes : les déficits de différents pays ne sont pas comparables parce qu’ils n’entraînent pas le même risque de solvabilité pour la zone ; le marché des permis ne ferait intervenir qu’un nombre limité de gouvernements et ne serait donc pas compétitif ; et il serait difficile d’établir quelle devrait être l’allocation initiale de permis selon les pays.

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• Renforcer la coordination macroéconomique et mieux délimiter les compétences entre les institutions européennes

La configuration actuelle des institutions européennes n’est pas satisfaisante parce qu’elle ne permet d’atteindre ni l’objectif de stabilisation des finances publiques, ni l’objectif de coordination des politiques macroéconomiques. En effet, dans le premier cas, les sanctions ne jouent pas leur rôle dissuasif à cause de leur mode de décision, et dans le second cas c’est l’absence de caractère contraignant qui est mise en avant. Plusieurs propositions ou scénarios présentent des voies pour l’évolution institutionnelle. Boyer et Dehove [2001] constatent l’échec des GOPE et de l’Eurogroupe pour la coordination des politiques économiques. Doté de compétences moins étendues que le Conseil Ecofin, émettant uniquement des recommandations qui ne sont pas juridiquement contraignantes, l’Eurogroupe n’est guère plus qu’un forum de discussion informel dénué de pouvoir : « [il] a sans doute contribué à renforcer les liens personnels entre les ministres des Finances et l’atmosphère conviviale nécessaire à l’établissement d’une confiance mutuelle. Mais, strictement intergouvernemental, informel, soumis à la règle de l’unanimité, sans visibilité externe à cause de la présidence tournante, sans doctrine affirmée, il s’est révélé incapable de prendre des décisions formelles autres que celles visant à améliorer l’harmonisation des données budgétaires des Etats membres ». Peut-on envisager la mise en place d’un gouvernement économique européen ? Il faudrait pour cela que l’Union européenne se dote d’un budget qui ne se limite pas à la politique agricole et aux politiques structurelles mais qui ait un véritable rôle de stabilisation. Or, la forte réticence des gouvernements à abandonner une partie de leur souveraineté rend ce scénario peu probable à moyen terme. Faute d’un gouvernement chargé d’assurer la stabilisation macroéconomique au niveau de la zone euro, les propositions se concentrent actuellement sur une amélioration de la coordination de politiques budgétaires nationales dans un cadre intergouvernemental, à travers un renforcement du rôle de l’Eurogroupe et une meilleure répartition des rôles entre l’Eurogroupe, le Conseil Ecofin et la Commission européenne. Il faut, selon le rapport Sapir [2003], améliorer la coordination des politiques macroéconomiques. Le problème du dispositif actuel est que les gouvernements sont jugés par leurs pairs, la Commission n’ayant qu’un pouvoir d’alerter et de recommander des sanctions mais sous réserve que le Conseil décide de les voter – ce qui est une décision éminemment politique et sujette à collusion d’intérêts entre gouvernements. Afin de mieux répartir les responsabilités, il serait préférable de distinguer la question « technique » – déterminer si un pays a effectivement un déficit excessif –, qui devrait relever entièrement de la Commission, et la question « politique » – le vote et l’application de sanctions – qui devrait rester de la responsabilité du Conseil. Les auteurs proposent également de diviser l’année en un « semestre européen » au cours duquel la Commission et les gouvernements définiraient les orientations pour l’ensemble de la zone, et un « semestre national » pendant lequel ces orientations seraient appliquées dans les politiques nationales à travers l’élaboration des budgets nationaux. Des comités d’audit budgétaire indépendants seraient chargés de vérifier les

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prévisions budgétaires et d’évaluer l’impact des politiques menées. Enfin, il est souhaitable de mieux tracer la ligne de partage de compétence entre ce qui relève du Conseil Ecofin et ce qui relève uniquement des pays participant à l’euro, par la création d’un Conseil restreint à la zone euro ayant un statut plus formel que l’Eurogroupe actuel. Coeuré et Pisani-Ferry [2003] insistent sur la nécessité de mieux distinguer ce qui relève de la décision à douze et ce qui relève de la décision à quinze (ou à vingt-cinq). La ligne de partage des tâches entre l’Eurogroupe et le conseil Ecofin en ce qui concerne le PSC n’est pas claire : le conseil Ecofin discute de la mise en infraction et d’éventuelles sanctions, mais seuls les pays participant à l’euro prennent part au vote. Pour lever cette ambiguïté, il serait souhaitable de renforcer la coopération entre pays « in » en formalisant l’Eurogroupe. On peut également proposer qu’un Conseil européen restreint en format « euro » se réunisse au moins une fois par an.

3.4.1.4. Le point de vue de la Commission : diagnostics et amendements du PSC

• La défense du PSC Comme le soulignent Pisani-Ferry et Coeuré [2003], la ligne officielle de la Commission jusqu’en 2002 est le maintien du statu quo : selon elle, le Pacte est peut-être imparfait, mais les problèmes observés sont dus avant tout au manque d’effort de la part des (grands) Etats membres. C’est encore la position de départ de Buti, Eijffinger et Franco en 2003. Ils considèrent que le PSC est une règle satisfaisante et qu’il n’est pas nécessaire de la changer radicalement. Si certains Etats ont des difficultés à le respecter, c’est parce qu’ils n’ont pas dégagé un excédent suffisant pendant la période de forte croissance. • La reconnaissance de certaines limites du dispositif Cependant, le constat de problèmes d’application du PSC – notamment le fait que les recommandations d’alertes précoces émises par la Commission ne soient pas toujours adoptées par le Conseil Ecofin [cf. annexe 3.3.1] et que plusieurs Etats membres butent sur la règle malgré le volet préventif et dissuasif – conduisent la Commission à admettre que la règle ne fonctionne pas aussi bien qu’elle le souhaiterait. La position des membres de la Commission européenne n’est pourtant pas uniforme. La chronologie des négociations [annexe 3.3.2] révèle des divergences d’analyse entre le Président, Romano Prodi, et le Commissaire aux affaires économiques et monétaires, Pedro Solbes – le second défendant avec persistance le PSC et présentant les amendements comme des améliorations, le premier étant plus critique et allant jusqu’à qualifier le PSC de « stupide, comme toutes les décisions qui sont rigides » [annexe 3.3.2 : Le Monde, 18 octobre 2002].

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De même, le soutien de Buti, Eijgginfer et Franco [2003] au PSC n’est pas inébranlable, puisqu’ils proposent certaines modifications permettraient d’améliorer son fonctionnement : - Rendre la règle moins uniforme en interprétant différemment l’objectif de « budget

proche de l’équilibre » selon les pays, en fonction du niveau de leur dette, de l’ensemble de leurs engagements implicites (dont les retraites) et de leurs besoins en investissements publics.

- Améliorer la transparence en distinguant plus clairement les recettes exceptionnelles et les recettes durables, afin d’éviter les ambiguïtés comme celle concernant la prise en compte des licences UMTS. Les gouvernements devraient également fournir des budgets prévisionnels selon les normes du système comptable SEC 95.

- Afin de corriger le biais procyclique du PSC, instaurer des fonds de réserve et étendre la procédure d’alerte précoce aux pays ne dégageant pas un excédent suffisant en période de forte croissance.

- Eviter une application partisane des règles en délimitant plus clairement le rôle de la Commission (qui serait la seule à estimer s’il y a ou non un déficit excessif) et le rôle du Conseil (qui, sur la base d’un constat de déficit excessif et d’une recommandation de sanction émis par la Commission, prendrait la décision politique des mesures à prendre pour corriger le déficit – il ne se prononcerait donc plus sur l’existence même du déficit mais uniquement sur la suite de la procédure).

• L’amendement de mars 2003 C’est le sens des neuf propositions dans la communication modifiant l’interprétation de l’objectif de budget équilibré [Commission, 2002b] rendue publique par la Commission le 27 novembre 2002. Le PSC a introduit l’objectif d’un budget proche de l’équilibre, voire excédentaire, à moyen terme. Dans un premier temps, la Commission s’était concentrée sur la surveillance du déficit nominal, mais devant les difficultés rencontrées par plusieurs Etats membres pour respecter le PSC, elle a dû modifier l’interprétation de la règle en proposant désormais de se concentrer sur le déficit structurel. Par ailleurs, elle souhaite tenir davantage compte de la dette et rendre le dispositif plus symétrique. La communication comprend d’abord cinq propositions ayant pour but d’améliorer l’interprétation du PSC : 1. Pour tenir compte de la conjoncture, l'exigence de parvenir à des positions « proches

de l'équilibre ou excédentaires » serait définie en termes structurels. 2. Les pays ayant un déficit structurel seraient tenus de le réduire de 0,5 % du PIB par

an, voire plus si le déficit ou la dette sont importants ou si la croissance est favorable, jusqu'à ce qu'ils parviennent à des budgets « proches de l'équilibre ou excédentaires ».

3. Les pays devraient dégager un excédent structurel en période de conjoncture favorable.

4. A condition d’avoir une dette inférieure à 60% du PIB et de faibles engagements implicites au titre des retraites et de conserver une marge de sécurité pour ne pas

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

165

avoir un déficit excessif, la Commission peut autoriser un léger déficit structurel aux pays qui mettent en place des réformes structurelles conformes à la stratégie de Lisbonne.

5. Pour assurer la soutenabilité de long terme des finances publiques, les pays ayant une dette supérieure à 60% du PIB devraient présenter une stratégie de réduction de leur dette, sous peine d’être visés par la procédure concernant les déficits excessifs.

Quatre autres propositions visent d’autre part à améliorer l’application du PSC : 1. Les États membres devraient voter lors du Conseil européen du printemps 2003 cette

« Résolution pour le renforcement de la coordination des politiques budgétaires » pour marquer leur engagement.

2. La Commission veut tenir compte de la qualité des finances publiques et vérifier si les mesures budgétaires proposées sont de nature à favoriser la croissance et l'emploi.

3. Amélioration de l’efficacité et de la crédibilité des procédures pour faire respecter le pacte – notamment le mécanisme « d'alerte préventive » (ou « alerte précoce ») qui pourrait être déclenché si un Etat ne dégage pas un excédent suffisant en période de forte croissance – et leur extension au critère de dette publique. La Commission souhaite aussi pouvoir adresser des avertissements directement aux Etats membres sans vote du Conseil.

4. Pour améliorer la communication, la Commission s'engage à rendre publique son évaluation détaillée des programmes de stabilité et de convergence dans son rapport annuel sur les finances publiques, et dans un bilan à mi-parcours.

Le 7 mars 2003, le Conseil Ecofin a suivi cette communication et amendé le PSC. L'objectif d'un solde budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire doit donc désormais s'apprécier sur l'ensemble du cycle d'activité et le rythme d'assainissement des finances publiques est mesuré à l'aide du solde structurel. • La proposition du 3 septembre 2004 Malgré le changement d’interprétation du PSC introduit par l’amendement de mars 2003, la situation de plusieurs Etats membres s’est dégradée : les déficits publics excessifs français et allemand n’ont pas été réduits, l’Italie a fait l’objet d’une recommandation d’alerte précoce émise par la Commission, la Grèce et même les Pays-Bas ont eu des déficits excessifs en 2003 et plusieurs nouveaux Etats membres sont entrés dans l’UE avec des déficits excessifs [cf. chronologie des alertes précoces et des procédures de déficit excessif, annexe 3.3.1]. Le nombre croissant de pays butant sur la règle, mais aussi les attitudes plus ou moins volontaristes des gouvernements à l’égard du PSC et le contexte de croissance très faible prolongée sont probablement parmi les facteurs ayant motivé la nouvelle proposition de la Commission. La communication du 3 septembre 2004 [Commission 2004d et annexe 3.1.7] reprend certaines mesures suggérées dans la littérature, mais ne propose pas de réforme profonde du PSC :

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

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• Définir des cibles de dette par pays, tenant compte d’engagements implicites comme le financement des retraites ;

• Moduler l’objectif d’équilibre budgétaire en une cible budgétaire à moyen terme, calculée en fonction du niveau de la dette et, de façon secondaire, de la croissance potentielle, de l’inflation, du coût des retraites, des réformes structurelles et des investissements nécessaires ;

• Ajouter le cas de stagnation prolongée à la liste des circonstances exceptionnelles autorisant un dépassement de la limite de 3% en matière de déficit ;

• En cas de déficit excessif, adapter les délais d’ajustement aux conditions économiques nationales, notamment la position dans le cycle (pour éviter de « demander des ajustements procycliques trop stricts ») et le niveau de la dette (ce qui permet d’accorder une plus grande marge de manœuvre dans la phase basse du cycle aux pays faiblement endettés) ;

• Rendre le dispositif plus symétrique en demandant aux gouvernements de dégager des excédents en période de conjoncture favorable et en étendant le mécanisme d’alertes précoces (la Commission pouvant demander à un pays de réduire davantage son déficit quand la croissance est plus forte, même si le déficit est inférieur à 3%) ;

• Découper l’année en un semestre communautaire et un semestre national, conformément à la proposition du rapport Sapir [2003] ;

• Renforcer le pouvoir de la Commission en lui permettant d’adresser directement ses alertes aux pays concernés sans passer par le Conseil et en remplaçant, dans le cadre de la procédure de déficit excessif, les simples recommandations de la Commission en des propositions (adoptées dès lors que le Conseil ne les bloque pas) ;

• Accroître la pression exercée par les pairs, mais aussi par l’opinion publique, les marchés financiers, le Parlement européen et les parlements nationaux, en demandant aux gouvernements plus de transparences sur leur politique budgétaire.

Certaines de ces mesures restent assez floues (notamment la dernière) et elles doivent encore être discutées avant d’être traduites en propositions législatives ; cependant, elles marquent un pas de la Commission en direction d’une lecture plus nuancée du PSC. 3.4.2. Quelles réformes sont susceptibles d’être acceptées ? Comme nous l’avons vu dans la section précédente, certains Etats membres ont exprimé leur opposition a priori à toute réforme assouplissant le PSC, tandis que d’autres ont proposé différents arrangements pour rendre la contrainte moins stricte. Cette partie examine plus particulièrement quatre des réformes qui ont été proposées dans la littérature ou par des dirigeants politiques. Dans un premier temps, on adopte une version naïve des négociations sur les réformes : pour chaque proposition de réforme, chaque pays compare sa situation sous le statu quo et sa situation si la réforme est appliquée. L’arbitrage entre la défense du statu quo et le soutien à la réforme est décidé très simplement d’après cette comparaison : si la réforme ne dégrade pas sa situation, il ne s’oppose pas à la réforme. Cette règle de choix suppose donc que les pays raisonnent de façon isolée et myope, et avec un certain degré de bienveillance, puisqu’ils n’exigent pas d’une réforme qu’elle améliore leur situation mais il suffit qu’elle ne la détériore pas. Ainsi, un pays considéré comme vertueux acceptera une réforme qui le désignera toujours comme vertueux.

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Les deux premières réformes étudiées portent sur un changement de la variable d’évaluation : le déficit nominal est remplacé dans le premier cas par la moyenne du solde structurel sur l’ensemble du cycle, et dans le deuxième cas par le niveau de la dette. Les deux autres réformes conservent le critère de déficit nominal, mais en excluant soit les dépenses de défense, soit les dépenses publiques de R&D du calcul du déficit.

3.4.2.1. Mesurer la discipline budgétaire par le solde structurel sur l’ensemble du cycle

Cette réforme correspond à ce à quoi tend la nouvelle interprétation du PSC : il ne s’agit plus de plus raisonner en termes nominaux mais en termes structurels et à moyen terme. • La réforme Deux versions de la réforme sont étudiées : - une version stricte, selon laquelle le solde structurel moyen sur l’ensemble du cycle

économique doit être nul ; - une version modérée, qui demande que le déficit structurel moyen sur l’ensemble du

cycle économique soit simplement inférieur à 2% du PIB. Le moyen terme est interprété comme l’ensemble d’un cycle. La période retenue est 1995-2003, qui correspond à un cycle entier d’après l’évolution de la composante structurelle mesurée par la Commission [graphique 3.5]. Le choix de cette période présente également deux avantages : les données sont toutes mesurées selon le système comptable SEC-95 et elles ne comprennent que des valeurs passées (donc aucune prévision). Graphique 3.5. La composante structurelle du solde public

Composante structurelle du solde public

-1

-0,5

0

0,5

1

1,5

2

2,5

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Zone euro UE-15

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

168

• Evaluation selon ce critère, comparaison avec le statu quo et soutien attendu

à la réforme L’évolution du solde structurel sur le cycle montre que les Etats membres ont eu des comportements contrastés [graphique 3.6]. La moyenne du solde structurel sur la période 1995-2003 confirme cet écart, avec un excédent structurel moyen s’élevant à 3,1% du PIB pour le Luxembourg tandis que le Portugal a eu en moyenne un déficit structurel de 3,9% du PIB en valeur absolue. Graphique 3.6. Solde structurel en pourcentage du PIB

Déficit (-) ou excédent (+) structurel en pourcentage du PIB

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

19

95

19

96

19

97

19

98

19

99

20

00

20

01

20

02

20

03

B D ELE F IRLI L NLA P FINDK S UKEU-15

Le tableau 3.11 compare les résultats évaluation de la discipline budgétaire des différents pays selon que le critère est le solde nominal ou le solde structurel à moyen terme. Selon le critère actuel, en avril 2004, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie et la Grèce sont sur le point de buter sur le PSC (cases gris moyen) et le Portugal, la France et l’Allemagne sont déjà concernés par une procédure de déficit excessif (cases gris foncé). Les deux versions de la réforme sont indiquées : dans le cas de la version stricte, tout solde structurel moyen négatif déclenche une procédure de déficit excessif (ce qui est indiqué par les cases noircies), tandis que selon la version modérée, un déficit structurel moyen de 2% est toléré. Tout Etat membre dont l’évaluation sera soit semblable, soit favorable par rapport au statu quo, est supposé accepter la réforme.

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169

Tableau 3.11. Soutien attendu à la réforme remplaçant le critère de déficit nominal par un critère de déficit structurel à moyen terme

Evaluation selon le critère de déficit structurel à moyen terme

Pays Evaluation selon le statu quo

Solde structurel moyen 1995-2003 Version

stricte Version modérée

Soutien attendu pour cette réforme (version stricte)

Soutien attendu pour cette réforme (version modérée)

L 3,1 oui oui FIN 1,4 oui oui DK 0,6 oui oui IRL 0,4 oui oui S 0,1 oui oui B -1,2 non oui UK -1,6 non oui NL -1,8 non oui A -2,1 non non E -2,2 non non D -2,7 oui oui F -3,0 oui oui I -3,5 non oui EL -3,6 non oui P -3,9 oui oui Résultat refusé refusé

Les positions sur la version stricte de la réforme sont partagées et conduisent à un refus de cette réforme. Quant à la version modérée, elle reçoit davantage de soutien, mais l’Autriche et l’Espagne, qui passent d’un statut de pays vertueux à un déficit structurel jugé excessif, s’opposent à la réforme. L’unanimité n’est donc pas atteinte et la version modérée est également rejetée.

3.4.2.2. Remplacer le critère de déficit par un critère de dette Selon cette deuxième réforme, le critère de déficit est remplacé par un critère de dette. Il s’agit d’une réforme très simple, puisque le critère de dette se substitue simplement au critère de déficit, par opposition à des versions plus sophistiquées qui font dépendre le niveau de déficit autorisé au niveau de la dette. • La réforme Pour cette réforme également, deux versions sont prises en compte :

- la première exige que la dette soit inférieure à 60 points de PIB ; - la seconde demande un niveau de dette inférieur : 40 points de PIB, mais avec

une interprétation en tendance qui peut conduire à éviter de sanctionner un Etat

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membre dont la dette baisse dans des proportions suffisantes et est peu éloigné des 40 points de PIB.

• Evaluation selon ce critère, comparaison avec le statu quo et soutien attendu à la réforme

De considérables écarts de niveau et d’évolution persistent entre les Etats membres [graphique 3.7]: la Belgique, l’Italie et la Grèce ont des dettes proches de 100% du PIB et la dette du Luxembourg est quasi-inexistante. De plus, la dette de quatre pays (Belgique, Italie, Espagne, Danemark) est en baisse constante pendant que celle du Portugal augmente et que l’évolution des autres pays est irrégulière. Graphique 3.7. Evolution de la dette publique en pourcentage du PIB

Evolution de la dette en points de PIB, 1999-2005

0

20

40

60

80

100

120

140

B I EL S NL E A D F DK P IRL FIN UK L

Source des données : Commission européenne [2004] Quelles sont les chances qu’une réforme faisant porter l’évaluation de la discipline budgétaire uniquement sur la dette soit acceptée [tableau 3.12] ? La Belgique, l’Italie et la Grèce, les trois pays les plus fortement endettés, ont une dette bien au-delà des 60 points de PIB – et a fortiori des 40 points de PIB, même en tendance. Il est donc probable que ces pays bloquent toute réforme faisant de la dette le critère unique d’évaluation de la rigueur des finances publiques. Avec une dette s’élevant à 65% de son PIB, l’Autriche est peu disposée à soutenir une réforme qui lui serait défavorable. De même, avec la dégradation de leur solde nominal, les Pays-Bas s’éloignent de l’objectif de 40% ; cependant ils restent sous la barre des 60%. Tous les autres pays semblent prêts à accepter que la dette soit prise en compte, dans la mesure où cela ne changerait pas leur situation par rapport au statu quo. Le pays le plus favorable à une telle réforme, comme l’attestent les prises de position de Gordon Brown, est le Royaume-Uni : avec un déficit proche de 3% mais une dette de 40%, il a tout intérêt à faire pression pour une modification du critère d’évaluation.

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171

Tableau 3.12. Soutien attendu à la réforme remplaçant le critère de déficit nominal par un critère de dette

Evaluation selon le critère de dette

Pays Evaluation selon le statu quo

Dette en % du PIB en 2004 Version

60% Version 40% en tendance

Soutien attendu pour cette réforme (version 60%)

Soutien attendu pour cette réforme (version 40% en tendance)

L 4,5 oui oui IRL 32,4 oui oui UK 40,1 oui oui DK 42,3 oui oui FIN 44,5 oui oui E 48 oui oui S 51,8 oui oui NL 56,3 oui non P 60,7 oui oui F 64,6 oui oui A 65,5 non non D 65,6 oui oui B 97,4 non non EL 102,8 non non I 106 non non Résultat refusé refusé

3.4.2.3. Exclure les dépenses d’armement du calcul du déficit Les deux dernières réformes conservent le déficit public comme variable servant à évaluer la prudence budgétaire, mais en modifiant la délimitation des dépenses à inclure dans le calcul du déficit : ces réformes proposent de sortir soit les dépenses de défense, soit les dépenses de R&D du calcul du déficit. • La réforme La règle d’évaluation réformée demande que les Etats membres aient un déficit public inférieur à 3% du PIB, mais en excluant les dépenses de défense du calcul du déficit. • Evaluation selon ce critère, comparaison avec le statu quo et soutien attendu

à la réforme Les budgets de défense sont de niveaux différents selon les pays (un demi point de PIB pour l’Espagne seulement, mais plus de 2% au Royaume-Uni et jusqu’à près de 3,5% en Grèce) mais leur exclusion du calcul du déficit entraîne dans tous les cas une amélioration du solde public [tableau 3.13 et graphique 3.8]. Selon ce mode de calcul, tous les pays respectent le PSC et devraient donc apporter logiquement leur soutien à cette réforme [tableau 3.14].

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

172

Tableau 3.13. Calcul du solde public hors budget de défense

Pays Budget de défense* en % du PIB

Solde public Solde public hors défense

FIN 1,30 2,1 3,40 DK 1,29 1,3 2,59 S 1,90 0,5 2,40 B 1,03 0,2 1,23 E 0,93 0,3 1,23 IRL 0,53 0,2 0,73 L 0,73 -0,1 0,63 EL 3,47 -3 0,47 A 0,77 -1,3 -0,53 UK 2,28 -3,2 -0,92 P 1,85 -2,9 -1,05 I 0,92 -2,5 -1,58 NL 1,38 -3,2 -1,82 F 1,74 -4,1 -2,36 D 1,11 -3,9 -2,79 UE15 1,43 -2,6 -1,17

(1) Données 2003, sauf Suède et Autriche : données 2002 * Budgets de défense LFI, hors pensions et hors force de police à statut militaire pour la France et l’Italie Source : Ecodef n°30 (novembre 2003) d’après données de l’OTAN Graphique 3.8. Effet de l’exclusion des dépenses de défense sur le solde public

Effet de l'exclusion des dépenses de défense sur le solde public

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

FIN DK S B E IRL L EL A UK P I NL F D

Budget de défense Solde public Solde public hors défense

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

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Tableau 3.14. Soutien attendu à la réforme sortant les dépenses de défense du calcul du solde public

Pays Evaluation selon le statu quo

Solde public hors défense

Evaluation selon le critère de déficit hors budget de défense

Soutien attendu pour cette réforme

FIN 3,40 oui DK 2,59 oui S 2,40 oui B 1,23 oui E 1,23 oui IRL 0,73 oui L 0,63 oui EL 0,47 oui A -0,53 oui UK -0,92 oui P -1,05 oui I -1,58 oui NL -1,82 oui F -2,36 oui D -2,79 oui Résultat accepté

3.4.2.4. Exclure les dépenses publiques de R&D du calcul du déficit

• La réforme Le critère est le même que pour la réforme précédente, mais en excluant cette fois du calcul du déficit la partie publique des dépenses de R&D. • Evaluation selon ce critère, comparaison avec le statu quo et soutien attendu

à la réforme Tous les Etats membres n’accordent pas la même part de leur PIB aux dépenses publiques en faveur de la R&D : seule la Finlande y consacre plus de 1% de son PIB, contre seulement 0,13% au Luxembourg [tableau 3.15]. Cependant, l’exclusion d’une catégorie de dépenses a pour effet d’améliorer le solde public, même de façon marginale [graphique 3.9]. Malgré cela, la France et l’Allemagne conservent un déficit excessif ; mais comme c’est déjà le cas sous le statu quo, ces pays peuvent, comme leurs partenaires, soutenir la réforme [tableau 3.16].

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Tableau 3.15. Calcul du solde public hors dépenses publiques de R&D

Pays Dépenses publiques de R&D

Solde public

Solde public hors dépenses publiques de R&D

FIN 1,02 2,1 3,1 DK 0,75 1,3 2,1 S 0,96 0,5 1,5 B 0,57 0,2 0,8 E 0,46 0,3 0,8 IRL 0,37 0,2 0,6 L 0,13 -0,1 0,0 A 0,65 -1,3 -0,7 I 0,54 -2,5 -2,0 P 0,57 -2,9 -2,3 NL 0,83 -3,2 -2,4 EL 0,48 -3 -2,5 UK 0,65 -3,2 -2,6 D 0,73 -3,9 -3,2 F 0,83 -4,1 -3,3 UE-15 0,69 -2,6 -1,9

Source : Eurostat Données de 2003, en % du PIB Dépenses publiques de R&D = GERD - BERD = dépenses totales de R&D - dépenses privées de R&D. Graphique 3.9. Effet de l’exclusion des dépenses publiques de R&D sur le solde public

Effet de l'exclusion des dépenses publiques de R&D sur le solde public

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

FIN DK S B E IRL L A I P NL EL UK D F

Dépenses publiques de R&D Solde public Solde public hors dépenses publiques de R&D

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Tableau 3.16. Soutien attendu à la réforme sortant les dépenses publiques de R&D du calcul du solde public

Pays Evaluation selon le statu quo

Solde public hors R&D

Evaluation selon le critère de déficit hors dépenses publiques de R&D

Soutien attendu pour cette réforme

FIN 3,1 oui DK 2,1 oui S 1,5 oui B 0,8 oui E 0,8 oui IRL 0,6 oui L 0,0 oui A -0,7 oui I -2,0 oui P -2,3 oui NL -2,4 oui EL -2,5 oui UK -2,6 oui D -3,2 oui F -3,3 oui Résultat accepté

Le changement de critère, remplaçant le critère de déficit nominal par un critère de déficit structurel à moyen terme ou de dette, n’est pas soutenu par tous les pays puisqu’il suffit qu’une minorité soit désavantagée par la réforme pour qu’elle la bloque. En revanche, les réformes consistant à exclure certaines dépenses du calcul du déficit tout en conservant un plafond de 3% de déficit nominal sont susceptibles d’être approuvées par tous les pays. Dès lors, comment expliquer que de telles réformes ne soient pas appliquées ? 3.4.3. Comment expliquer l’absence de consensus ? Une nouvelle lecture de la

formation de coalitions selon les réformes Jusqu’à présent, nous avons supposé que les Etats membres raisonnent uniquement selon un calcul de gain absolu : ils comparent leur situation avec ou sans réforme et acceptent la réforme dès lors qu’ils sont gagnants ou au moins non perdants. Mais cela revient à considérer que les gouvernements raisonnent de façon isolée, en faisant abstraction des évolutions passées et de la situation des autres joueurs. Or, il est probable que leur raisonnement soit en réalité moins naïf. Cette partie prête donc aux Etats membres des règles de choix plus élaborées en les enrichissant d’autres critère en faisant dépendre la décision du passé, des gains des autres Etats membres ou du risque que leur fait prendre la réforme.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

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Ainsi, les réformes qui améliorent la situation de tous les pays ne le font pas de façon uniforme ; les gouvernements sont donc tentés de comparer leurs gains relatifs avant d’accepter ces réformes. Les réformes qui ne sont pas avantageuses pour tous les pays entraînent, comme nous l’avons vu, des gains absolus positifs ou négatifs, mais également une prise de risque pour les pays qui ne sont pas certains que la réforme leur soit favorable. Enfin, la trajectoire passée a une influence sur les choix des gouvernements, selon leur situation passée ainsi que celle des pays dont ils se sentent proches.

3.4.3.1. Réformes gagnants-gagnants versus réformes gagnants-perdants Les réformes améliorant la situation de tous les pays par rapport au statu quo sont qualifiées ici de gagnants-gagnants, au sens où elles permettent à tous les pays d’augmenter (ou de ne pas réduire) leurs marges de manœuvre. Il faut souligner que ces réformes ne sont pas nécessairement Pareto-améliorantes au sens où elles correspondraient à des solutions économiquement optimales du point de vue de la soutenabilité des finances publiques ou du soutien à la croissance, ni compte tenu du coût entraîné par le changement de règle, ni en termes de crédibilité de la nouvelle règle. Ces critères sont importants pour estimer l’intérêt d’une réforme du point de vue de l’ensemble des pays, mais nous les laissons volontairement de côté pour nous concentrer sur ce qui motive les choix nationaux en fonction des intérêts nationaux. Une réforme est donc considérée gagnants-gagnants si elle ne rend pas plus difficile le respect du PSC par rapport au statu quo, et cela pour chacun des pays.

3.4.3.2. Les réformes gagnants-perdants : le refus des perdants et le rôle de l’incertitude

La comparaison en termes de gain absolu entre le statu quo et les réformes instaurant un critère de solde structurel à moyen terme ou un critère de dette montre que tous les pays ne gagnent pas à la réforme. Par conséquent, il est difficilement envisageable que ces réformes réunissent l’unanimité des voix : un pays lésé par la réforme s’y opposera probablement. On peut cependant modifier la façon dont la réforme est proposée aux Etats membres. Si, au lieu de proposer une réforme, puis l’autre, on imposait aux Etats membres de choisir l’une des deux – sachant que le Pacte serait forcément réformé, soit dans le sens de la prise en compte du cycle, soit dans le sens de la prise en compte de la dette –, les gouvernements parviendraient-ils à se mettre d’accord sur un choix commun ? La littérature sur l’économie psychologique a développé une analyse de l’effet de dotation (« endowment effect », Thaler [1980], Kahneman, Slovic et Tversky [1982]), un phénomène psychologique qui conduit un individu à attribuer à un bien une plus grande valeur une fois qu’il le possède, juste du fait de la possession de ce bien. Formellement, au lieu d’utiliser une fonction d’utilité Von Neumann-Morgenstern dans laquelle les utilités associées à des événements sont pondérées par leurs probabilités, les auteurs définissent une fonction de valeur où les poids des décisions sont une fonction des probabilités, mais ne sont pas les probabilités elles-mêmes. Les gains résultant des

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

177

différents choix possibles sont mesurés par rapport au statu quo au lieu d’être mesurés en termes absolus. L’effet de dotation se traduit par une fonction de valeur en forme de S :

La fonction de valeur est concave pour les gains : cela traduit le fait que l’on préfère les gains sûrs. Mais elle est convexe pour les pertes, indiquant que l’on est prêt à prendre des risques quand il s’agit de pertes.

Par exemple, une expérience classique en économie expérimentale consiste à demander de choisir quelle loterie l'on préfère parmi deux loteries proposées. L'expérience suivante consiste à observer ce choix pour deux couples de loteries : les participants doivent choisir une loterie parmi a et b et une loterie parmi c et d.

1. J’ai 300$. J’ai le choix entre : a. Gagner 100$ avec une probabilité 1 b. Gagner 200$ avec une probabilité 0,5 ou gagner 0$ avec une probabilité

0,5

2. J’ai 500$. J’ai le choix entre : c. Perdre 100$ avec une probabilité 1 d. Perdre 0$ avec une probabilité 0,5 ou perdre 200$ avec une probabilité 0,5.

L’issue des loteries a et c d’une part, et b et d d’autre part, est identique, mais le problème est posé différemment. Or, dans les expériences, les choix sont généralement a pour le cas 1 et d pour le cas 2 : le comportement est différent alors que les sommes finales sont les mêmes, simplement parce que le problème est posé différemment dans les deux cas. Cela montre comment les gains et les pertes jouent différemment sur la prise de décision. Nous reprenons l’idée d’une alternative entre deux loteries pour l’appliquer aux négociations sur la réforme du PSC. Les alternatives proposées dans l’expérience de Kahneman, Slovic et Tversky [1982], transposées au choix entre deux réformes du PSC, se présenteraient ainsi :

1. Un Etat membre ayant un déficit excessif selon le dispositif actuel a le choix entre :

a. Une réforme telle qu’il respectera juste la nouvelle règle avec une probabilité 1

b. Une réforme qui le jugera particulièrement vertueux avec une probabilité 0,5 ou telle qu’il continuera à enfreindre la nouvelle règle avec une probabilité 0,5.

gain

valeur

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2. Un Etat membre particulièrement vertueux au sens du dispositif actuel a le choix entre :

c. Une réforme telle qu’il respectera encore la nouvelle règle avec une probabilité 1

d. Une réforme selon laquelle il est toujours jugé vertueux avec une probabilité 0,5 ou il sera sanctionné avec une probabilité 0,5.

Selon les résultats de l’économie expérimentale, les Etats membres ayant actuellement un déficit positif, voire excessif, sont supposés préférer les réformes qui leur sont favorables avec certitude, tandis que les Etats membres actuellement vertueux préfèreraient les réformes aux effets incertains plutôt que celles qui leur sont forcément défavorables. Sur la base de cette hypothèse sur la formation des choix, comparons l’effet des deux réformes proposées par rapport au statu quo. La comparaison ne correspond pas exactement aux conditions de l’expérience de Kahneman, Slovic et Tversky [1982] puisque les choix proposés aux pays ne portent plus sur deux couples de loteries conduisant à des situations exactement identiques, cependant nous conservons l’intuition qu’un acteur préfère être gagnant avec certitude plutôt qu’avec un risque, et qu’inversement il préfère une option risquée plutôt que d’être sûr de perdre. Dans le tableau 3.17, on considère « gagnant » [en blanc] le cas où le pays est clairement en position d’être jugé vertueux, « perdant » [en gris foncé] le cas où le pays n’a aucune chance de respecter la nouvelle règle et « incertain » [hachuré] le cas où la position du pays n’est pas assez éloignée du seuil pour qu’il soit certain de l’effet de la réforme à moyen terme. Tableau 3.17. Choix entre deux réformes gagnants-perdants selon le critère d’effet de dotation Pays Statu quo Evaluation selon

le critère de dette

Evaluation selon le critère de déficit structurel

Réforme choisie

L indifférent FIN indifférent IRL dette DK dette E dette S dette A indécis B déficit structurel NL indécis UK indécis D dette F dette P dette I indécis EL indécis

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Tous les autres pays sauf la Belgique ont des choix triviaux. Les pays vertueux ont le choix entre gagnant et gagnant (ils sont alors indifférents), gagnant et incertain (ils préfèrent la réforme qui leur est favorable avec certitude) ou incertain et incertain (leur choix est indéterminé). Les pays qui butent actuellement sur le PSC ont le choix entre perdant et perdant (choix indéterminé), perdant et incertain (choix de la réforme aux effets incertains) ou incertain et incertain (choix indéterminé). Le seul cas vraiment intéressant mis en avant par ce tableau est celui de la Belgique. Ce pays est actuellement jugé vertueux et il a le choix entre une réforme qui lui est défavorable avec certitude (le critère de dette) et une réforme aux effets incertains (le critère de déficit structurel). La théorie de l’effet de dotation prédit que s’il doit se prononcer pour l’une des réformes, le gouvernement belge préfèrerait choisir le critère de déficit structurel alors que tous les autres pays pourraient se mettre d’accord sur un critère de dette. Ces résultats doivent bien sûr être nuancés. D’une part, ils ne sont valables que dans le cas peu probable où la Commission imposerait une réforme aux Etats membres et leur laisserait uniquement le choix des modalités de la réforme. D’autre part, l’économie psychologique n’a pas pour objet habituel le comportement des dirigeants politiques – un ministre des Finances ne prend pas ses décisions en fonction de ses préférences psychologiques microéconomiques mais selon des intérêts macroéconomiques qui concernent l’économie du pays et engagent au moins l’ensemble du gouvernement. Sous toutes ces réserves, cette parenthèse d’économie psychologique permet cependant d’illustrer une nouvelle fois la difficulté à mettre en œuvre une réforme acceptable par tous les Etats membres.

3.4.3.3. Les réformes gagnants-gagnants : le jeu de l’ultimatum et l’importance du gain relatif

Exclure certaines dépenses du calcul du déficit réduit le déficit ou renforce l’excédent de tous les pays. Comment expliquer alors que ces réformes ne soient pas mises en œuvre alors que tous les Etats membres en bénéficieraient ? Dans le cas des réformes gagnants-gagnants, selon lesquelles tous les Etats membres sont gagnants, un jeu central de l’économie des jeux expérimentale permet d’analyser la réaction des différents gouvernements : le jeu de l’ultimatum. Le principe du jeu de l’ultimatum est qu’une somme est à diviser entre deux joueurs selon la règle suivante. D’abord, le joueur 1 propose un partage (1-x,x) (x étant exprimé en pourcentage). Ensuite, le joueur 2 a le choix entre accepter le partage et les gains sont alors (1-x,x), ou bien refuser le partage, auquel cas les gains sont (0,0). La théorie des jeux prédit que le joueur 2 devrait accepter tout partage dans lequel x est strictement positif, puisqu’il préfère avoir un gain positif plutôt que de ne rien gagner. Pourtant, le résultat issu des expériences est que les propositions x = 10%, 20%, 30% sont souvent rejetées. Dans les expériences, le joueur 1 choisit en moyenne x = 43%. Ce résultat est généralement expliqué par un sentiment d’équité du partage : si le joueur 2 considère que la part que lui attribue le joueur 1 est injustement faible, il préfère punir le

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joueur 1 (et se priver lui-même d’un gain) plutôt que d’accepter un partage inéquitable. Le joueur 1 anticipe cette réaction et propose un partage inégal mais faiblement déséquilibré. Il est à noter que ce résultat reste partiellement vérifié dans une variante du jeu de l’ultimatum, le jeu du dictateur, qui reprend le même principe mais en ajoutant que le joueur 2 n’a pas la possibilité de refuser le partage. Dans les expériences de jeu du dictateur, x tombe en moyenne à 23% mais reste positif, alors que la théorie des jeux non expérimentale indiquerait x = 0. L’explication généralement mise en avant est que les joueurs raisonnent dans un cadre de jeux répétés, même lorsque l’expérience suppose que le jeu est unique. L’idée est que, dans des jeux futurs (qu’ils soient expérimentaux ou dans la « vraie » vie), les joueurs ne savent pas s’ils seront en position de joueur 1 ou de joueur 2. Le fait que le joueur 2 refuse un gain trop faible et que le joueur 1 accepte de lui laisser un gain positif même dans une configuration de type « jeu du dictateur » pourrait être interprété comme une sorte de souci d’équité, mais ces comportements pourraient aussi être motivés par des stratégies plus égoïstes dans des jeux répétés où les joueurs ne tiennent pas toujours le même rôle. Si le joueur 1 laisse 23% de la somme au joueur 2 dans le jeu du dictateur, c’est peut-être parce qu’il espère en recevoir autant si les positions sont inversées par la suite – et si le joueur 2 refuse un paiement trop faible, c’est peut-être parce qu’il juge que le joueur 1 lui a fait une proposition délibérément désavantageuse alors que lui-même l’aurait refusée à sa place. On peut considérer que ce type de raisonnement s’applique également aux négociations intergouvernementales. Un gouvernement peut être amené à refuser une proposition qui lui serait favorable, mais trop peu par rapport aux autres pays, dès lors qu’il anticipe l’impact sur les négociations suivantes : s’il accepte un gain trop faible, il peut craindre de ne plus recevoir de gains plus élevés par la suite. Si, en revanche, il établit un certain rapport de force en préférant bloquer une décision plutôt que d’être lésé, il pourra espérer avoir plus de poids dans les négociations suivantes. Si un Etat membre a ce type de comportement lors des négociations sur les réformes du PSC, cela signifie qu’il n’acceptera pas nécessairement toute réforme qui lui est favorable : encore faut-il que cette réforme lui procure un avantage suffisamment élevé par rapport à ce que gagnent ses partenaires. Dans ces conditions, le calcul fait par les gouvernements ne se réduit pas à calculer le gain absolu qu’ils retirent de la réforme, mais à regarder également le gain relatif, c’est-à-dire le gain rapporté au gain le plus élevé. Si l’on reprend les résultats observés en économie des jeux expérimentale, le joueur 1 propose en moyenne x = 43% – c’est-à-dire un partage (0,43 ; 0,57), ce qui correspond à un gain relatif de 100% pour le joueur 1 et de 43/57 = 75% pour le joueur 2. Le joueur 2 parvient ainsi à bénéficier d’un gain relatif moyen de 75%. A partir de quel gain relatif minimum le joueur 2 accepte-t-il le partage ? Les expériences montrent que les partages proposés par le joueur 1 sont généralement refusés par le joueur 2 s’ils sont inférieurs ou égaux à 30%, et acceptés à partir de x = 40%, soit un gain relatif de 40/60 = 66%. Nous pouvons retenir ce seuil de 66% comme

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le gain relatif qu’un Etat exige pour accepter une réforme ou, sous une hypothèse moins exigeante, le seuil de 50%16. A la lumière de cette nouvelle règle de choix, nous pouvons réexaminer les positions des Etats membres sur la proposition de réforme excluant les dépenses de défense du calcul du déficit [tableau 3.18]. Les cases en blanc correspondent aux pays acceptant la réforme, les cases grisées aux pays s’y opposant : en gris clair selon avec un seuil de gain relatif requis de 66% et en gris foncé avec un seuil de 50%. Tableau 3.18. Soutien attendu à la réforme sortant les dépenses de défense du calcul du solde public selon les critères de gain absolu et de gain relatif

Pays Solde public (2003)

Solde public hors défense

Gain absolu Gain relatif

EL -3 0,47 3,47 100% UK -3,2 -0,92 2,28 66% S 0,5 2,40 1,90 55% P -2,9 -1,05 1,85 53% F -4,1 -2,36 1,74 50% NL -3,2 -1,82 1,38 40% FIN 2,1 3,40 1,30 37% DK 1,3 2,59 1,29 37% D -3,9 -2,79 1,11 32% B 0,2 1,23 1,03 30% E 0,3 1,23 0,93 27% I -2,5 -1,58 0,92 27% A -1,3 -0,53 0,77 22% L -0,1 0,63 0,73 21% IRL 0,2 0,73 0,53 15% Résultat accepté refusé

La règle de choix reposant sur le calcul du gain absolu, étudiée précédemment, conduisait à une acceptation de la réforme à l’unanimité ; la nouvelle règle de décision fondée sur les gains relatifs conclut à un refus très marqué de la réforme, la plupart des pays se considérant lésés par rapport aux gains élevés retirés par la Grèce et le Royaume-Uni. Le faible gain relatif de l’Allemagne, la Belgique et de l’Italie explique l’objection de ces pays à la réforme soutenue par la Grèce, le Royaume-Uni et la France, pays ayant des gains relatifs plus élevés [cf. annexe 3.3.2, 16 septembre et 14 octobre 2002]. Notons le changement de position de l’Italie après le déclenchement de la guerre en Irak [annexe 3.3.2, 19 mai 2003].

16 Remarquons que la structure du jeu n’est pas tout à fait identique à celle du jeu de l’ultimatum habituel : 15 joueurs sont présents, au lieu de deux ; il ne s’agit pas de partager une somme fixe entre des joueurs, puisque les gains des uns ne se font pas au détriment des autres ; enfin, la distribution des gains ne suit pas la chronologie théorique selon laquelle un joueur émet d’abord une proposition que l’autre accepte ou refuse ensuite. Cependant, le problème posé reste du même ordre, puisqu’il s’agit de comparer des gains relatifs. De plus, même si les gains ne sont pas formellement proposés par un joueur, la chronologie des négociations [annexe 3.3.2] montre que les propositions de réformes proviennent souvent des pays qui s’attendent à en retirer les gains relatifs les plus élevés, avant d’être débattues.

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On applique le même raisonnement à la réforme consistant à sortir les dépenses publiques de R&D du calcul du solde public [tableau 3.19]. Tableau 3.19. Soutien attendu à la réforme sortant les dépenses publiques de R&D du solde public selon les critères de gain absolu et de gain relatif

Pays Solde public Solde public hors dépenses publiques de R&D

Gain absolu Gain relatif

FIN 2,1 3,1 1,02 100% S 0,5 1,5 0,96 94% NL -3,2 -2,4 0,83 81% F -4,1 -3,3 0,83 81% DK 1,3 2,1 0,75 74% D -3,9 -3,2 0,73 72% UK -3,2 -2,6 0,65 64% A -1,3 -0,7 0,65 64% B 0,2 0,8 0,57 56% P -2,9 -2,3 0,57 56% I -2,5 -2,0 0,54 53% EL -3 -2,5 0,48 47% E 0,3 0,8 0,46 45% IRL 0,2 0,6 0,37 36% L -0,1 0,0 0,13 13% Résultat accepté refusé

Les gains absolus étant moins dispersés, davantage de pays sont disposés à soutenir cette réforme ; mais une fois de plus, l’unanimité fait défaut et selon cette règle de décision, la réforme n’est pas adoptée.

3.4.3.4. L’invalidation du critère d’ignorance de Rawls : la dépendance par rapport au passé

Les règles de décision étudiées précédemment étaient soit instantanées (calcul statique du gain absolu et du gain relatif), soit tournées vers l’avenir (effet de dotation et caractère incertain du résultat de l’évaluation à moyen terme de la discipline budgétaire selon certaines réformes). Il reste à étudier le cas d’une règle de décision tournée vers le passé, c’est-à-dire vers le comportement et le traitement que les Etats membres ont eus avant l’instant où la réforme est négociée. Il existe en effet une différence profonde entre deux contextes de renégociation du PSC. D’une part, la règle de finances publiques aurait pu être renégociée ex ante, quand tout allait bien, simplement parce que l’on anticipait que certains pays pourraient buter sur le PSC plus tard. Ce cadre renvoie à une vision de l’intérêt général à la Rawls : aucun pays ne sait s’il fera partie de ceux qui seront en difficulté, mais dans un contexte incertain,

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tous choisissent de protéger la situation du pays le plus mal loti en rendant l’interprétation du PSC plus flexible. D’autre part, la question qui se pose actuellement est celle de renégocier la règle à chaud, alors que plusieurs pays butent dessus. Il est alors plus délicat pour ces pays d’invoquer le voile d’ignorance de Rawls et de prétendre qu’il s’agit de défendre l’intérêt général plutôt que leur intérêt particulier. C’est pour cela que la réforme du PSC discutée depuis 2002 arrive trop tardivement pour que les renégociations aient lieu sereinement. Les petits pays, plus vertueux, soupçonnent la France, l’Allemagne et l’Italie de mettre en avant leurs propres intérêts plutôt que ceux de la zone et cela perturbe les négociations. La trajectoire du Portugal renforce la méfiance des petits pays : lorsqu’une procédure a été ouverte contre lui, le Portugal n’a pas pu réunir de coalition suffisante pour le défendre et il a dû prendre des mesures pour réduire son déficit. Ce n’est pas le cas de la France et de l’Allemagne, qui ont échappé aux sanctions et ont disposé d’un délai supplémentaire grâce à leur poids important au Conseil Ecofin [la Cour européenne de Justice a toutefois annulé cette décision au motif que le Conseil Ecofin n’a pas pour compétence d’instaurer de nouvelles règles : cf. annexe 3.1.6]. La différence de traitement entre le Portugal et les deux plus grands pays de la zone incite les petits pays à faire front contre la France et l’Allemagne. L’invalidation ex post de l’incertitude de Rawls, ou anti-critère de Rawls, contribue à déterminer la position a priori des pays pour toute réforme assouplissant l’application du PSC [tableau 3.20]. Dans la première colonne, on signale par des cases grisées les pays ayant un déficit proche ou supérieur à 3% du PIB, et dans la deuxième colonne, les cases grisées indiquent les pays opposés à toute réforme. On en conclut que la plupart des petits pays sont d’emblée peu enclins à réformer le PSC. Tableau 3.20. Soutien attendu à une réforme du PSC selon l’anti-critère de Rawls

Pays Solde public (2004)

Anti-critère de Rawls

FIN 1,8 DK 1,1 E 0,5 S 0,2 B -0,5 IRL -0,8 A -1,3 L -2,0 UK -2,8 EL -3,2 I -3,2 P -3,5 NL -3,6 D -3,6 F -3,7 Résultat refusé

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3.4.3.5. Les jeux imbriqués : la réforme du PSC comme contrepartie d’autres négociations

La théorie des jeux imbriqués [« nested », Tsebelis 1990] fournit un éclairage supplémentaire sur les positions adoptées par les Etats membres. Selon cette approche, un acteur rationnel peut ne pas choisir la même action dans un même jeu selon que ce jeu est isolé ou imbriqué dans un ensemble d’autres jeux. Ainsi, une action qui semble sous-optimale lorsque l’on considère le jeu isolé (ici, refuser une réforme qui assouplirait une règle sur laquelle on risque de buter soi-même quelques années plus tard) peut pourtant être une stratégie optimale lorsque l’on prend en compte le jeu suivant. C’est le cas notamment des jeux sur plusieurs terrains (« games in multiple arenas ») : le choix du joueur peut être sous-optimal si l’on ne regarde que le jeu principal, mais il est optimal quand on prend en compte les conséquences de ce choix sur d’autres jeux. Le problème de l’observateur extérieur est qu’il croit que le choix est sous-optimal parce qu’il ne voit pas le contexte dans lequel ce choix est fait. Cette lecture complète la compréhension de la position espagnole selon la stratégie du gouvernement Aznar. Le refus de l’Espagne de renégocier une règle sur laquelle elle pourrait buter à son tour par la suite ne semble pas optimal. Mais en élargissant le champ d’analyse, il apparaît que d’autres domaines de négociation sont concernés. En se montrant particulièrement vertueux en matière budgétaire, José Maria Aznar s’est placé à l’abri de toute menace de sanction au Conseil Ecofin. N’ayant pas besoin de réunir une coalition de blocage pour le protéger de sanctions, il évitait de devoir faire des concessions sur d’autres domaines pour s’attirer des votes favorables. Au contraire, en faisant pression sur les mauvais élèves pour qu’ils respectent le PSC, il s’est placé en position de force : si la France et l’Allemagne veulent que l’Espagne accepte une réforme du PSC, elles doivent lui concéder des avantages dans d’autres domaines – par exemple sur le maintien des aides structurelles ou sur la règle de vote au Conseil des ministres. L’analyse des négociations européennes en termes de jeux imbriqués, peu développée ici, fournit une perspective stimulante qui pourrait être développée dans de prochains travaux.

3.5. Conclusion Malgré un large accord sur la nécessité d’une règle de coordination ou du moins d’encadrement des politiques budgétaires nationales dans une union monétaire, les limites théoriques du dispositif prévu par le PSC ont été soulignées depuis sa création. La traduction de principes relativement nuancés énoncés dans le traité, en une règle se concentrant principalement sur un critère de déficit public quantitatif, et conduisant implicitement à un objectif de dette nulle, est vivement critiquée dans la littérature économique pour son caractère simpliste et récessif. Dans les faits, le Pacte remplit assez imparfaitement son double rôle de stabilité et de croissance : son volet préventif et dissuasif n’a pas empêché que plusieurs pays aient des déficits jugés excessifs et des dettes publiques en augmentation, tandis que les contraintes sur le déficit en phase basse du cycle ont limité les marges de manœuvre et la possibilité de mener des politiques

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budgétaires contracycliques, ce qui a pu retarder la reprise de l’activité. Le PSC pose actuellement de sérieux problèmes dans son application et il est de plus en plus remis en cause par le comportement de certains gouvernements, en particulier français et allemand, qui ont ouvertement déclaré privilégier la relance de leur économie plutôt que le respect d’une règle rigide [annexe 3.3.2, 8 septembre 2003 et 9 octobre 2003]. Plusieurs pistes de réformes ont été suggérées dans la littérature économique et reprises par les acteurs politiques, mais elles requièrent l’unanimité ; faute d’un consensus au Conseil Ecofin, aucune réforme profonde du PSC n’a été adoptée jusqu’à présent. Nous avons dégagé dans ce chapitre un fait stylisé sur les caractéristiques nationales et l’attitude des gouvernements à l’égard du PSC : les pays qui soutiennent le plus fortement le Pacte sont les plus vertueux, les plus petits, ayant une politique budgétaire réactive et ayant perdu le plus tôt l’autonomie de leur politique monétaire. Inversement, les grands pays, qui ont maintenu plus longuement leur autonomie en matière de politique monétaire et peu réformé leurs procédures budgétaires, butent davantage sur le PSC et sont plus favorables à une réforme rendant le PSC plus flexible. Il existe donc une hétérogénéité des positions a priori sur la perspective d’une réforme. Si l’on regarde les réformes plus précisément, on peut aisément concevoir qu’une réforme dégradant la situation de certains pays par rapport au statu quo (réforme gagnants-perdants) soit peu susceptible de recevoir l’appui de ces pays – par exemple, remplacer le critère de déficit par un critère uniquement fondé sur la dette serait pénalisant pour l’Italie, la Belgique et la Grèce. Certaines réformes sembleraient pourtant pouvoir être bénéfiques à tous les pays (réformes gagnants-gagnants), dans le sens où elles accroîtraient leurs marges de manœuvre budgétaire, mais elles ne sont pas pour autant mises en œuvre. Les blocages s’expliquent-ils par la myopie des gouvernements ou par la prise en compte d’autres enjeux dans des stratégies plus élaborées ? Ce chapitre parvient à la conclusion qu’il s’agit probablement un peu des deux. Une démarche inductive – dans le même esprit que celle adoptée au chapitre 2 pour révéler le comportement du Conseil des gouverneurs de la BCE – teste différents critères de soutien ou de refus d’une réforme pour chaque pays et révèle que les gouvernements ne regardent pas uniquement leur gain immédiat, mais peuvent aussi tenir compte d’autres critères. En effet, le problème n’est pas seulement de trouver un accord qui améliore les marges de manœuvre de tous les pays. Des effets d’envie et d’équité conduisent les Etats membres à comparer leur gain avec ceux de leurs partenaires. De plus, les négociations sont inscrites dans le temps, et la séquence des choix et le poids des décisions passées importent. Plusieurs pistes contribuent à expliquer la difficulté d’une réforme du PSC. • Un gouvernement peut décider de renoncer à une réforme qui élargirait pourtant sa

marge de manœuvre, s’il estime que ce qu’il gagne est injustement inférieur à ce que gagnent d’autres Etats. Un tel comportement de renonciation à un gain positif a souvent été mis en évidence en théorie des jeux expérimentale, dans le cadre du jeu de l’ultimatum. Cela explique qu’un Etat accordant une très faible part de son budget à la recherche ou à l’armement, et a fortiori si son déficit est loin de la limite des 3% du PIB, puisse refuser que l’on retire ces dépenses du calcul du déficit.

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• Les gouvernements tiennent également compte de leurs gains espérés à moyen

terme. Cela se traduit par un effet de dotation, selon lequel la surévaluation de ce que l’on possède déjà conduit à renoncer plus difficilement à ce que l’on a qu’à ce que l’on pourrait avoir. Cet effet peut expliquer qu’un Etat jugé vertueux selon la règle actuelle soit peu disposé à accepter une réforme qui risquerait de lui être défavorable, tandis qu’un pays qui bute déjà sur la règle actuelle acceptera plus facilement une réforme dont les effets sont incertains.

• La comparaison des trajectoires passées entre pays importe aussi. Ex ante, avant

qu’aucun Etat ne bute sur la limite des 3% du PIB, une réforme indiquant une interprétation moins stricte du PSC aurait pu être acceptée en invoquant le voile d’ignorance de Rawls. Mais dès lors que certains pays, dont la France et l’Allemagne, butent sur la contrainte des 3%, le voile d’ignorance ne peut plus être mis en avant et ces pays sont forcément suspectés de protéger leurs intérêts particuliers plutôt que l’intérêt général. De même, le Portugal accepte mal que la France et l’Allemagne soient traitées moins sévèrement que lui pour leur déficit excessif ; et l’Espagne, qui a fait de gros efforts budgétaires, peut s’opposer à ce que d’autres pays moins rigoureux soient soudain affranchis de ces mêmes efforts parce qu’une réforme améliorerait leur situation.

• Plus généralement, il faut se souvenir que les négociations sur le PSC sont

imbriquées dans un jeu plus large de négociations intergouvernementales. Ainsi, on obtient un nouvel éclairage sur la stratégie de l’Espagne sous José Maria Aznar : le fait d’avoir dégagé un excédent budgétaire permet à l’Espagne de se poser en défenseur zélé du PSC et de bloquer sa renégociation, à moins d’obtenir des concessions dans d’autres discussions. Se montrer intransigeant à propos du PSC – même si cela peut sembler sous-optimal parce que chaque pays risque de buter sur le PSC un jour – peut donc donner un poids à un pays pour des négociations dans d’autres domaines, et s’intégrer dans une stratégie plus large. Cette lecture inspirée de Tsebelis renvoie également à l’analyse de Moravcsik, qui souligne le rôle des concessions et contre-concessions dans les négociations sous forme de « package deals » au sein des relations intergouvernementales européennes [cf. chapitre 1].

Le tableau 3.21 résume ces différents critères de choix et le type de décisions auxquels ils s’appliquent.

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Tableau 3.21. Synthèse des différents critères de choix déterminant le soutien ou l’opposition à une réforme

STRATEGIE REDUITE AUX NEGOCIATIONS SUR LE PSC

CRITERES INSTANTANES :

COMPARAISON AVEC LE STATU QUO

CRITERE TOURNE VERS

L’AVENIR : EFFETS

ATTENDUS A MOYEN TERME

CRITERE TOURNE VERS LE PASSE :

COMPARAISON RETROSPECTIVE ENTRE LES PAYS

STRATEGIE DANS UN JEU PLUS LARGE DONT

LES NEGOCIATIONS SUR LE PSC NE SONT QU’UN

SOUS-JEU

OBJET DE LA DECISION

Réformes gagnants-perdants

Réformes gagnants-gagnants

Comparaison entre deux réformes

Toute réforme assouplissant la règle

Toute décision sur le PSC, mais conditionnée par son imbrication dans un autre jeu

CRITERE PERTINENT

Gain absolu : le pays soutient la réforme s’il n’y perd pas. Exemple : blocage du critère de dette publique par les pays fortement endettés

Gain relatif : le pays soutient la réforme si son gain est assez élevé par rapport à celui de ses partenaires. Exemple : refus d’exclure les dépenses d’armement ou de R&D

Effet de dotation : le pays préfère une réforme qui lui procure un gain avec certitude. Il ne choisit une réforme risquée que si l’autre réforme proposée lui est défavorable avec certitude

Anti-critère de Rawls (ou invalidation ex post du voile d’ignorance) : le pays est opposé à toute réforme dont il considère qu’elle sert les intérêts particuliers d’autres pays étant donné leur trajectoire passée, mais pas les siens

Jeux imbriqués : une décision qui peut sembler sous-optimale dans le sous-jeu peut en fait s’inscrire dans une stratégie optimale sur l’ensemble du jeu, même si cela n’apparaît pas clairement à un observateur extérieur qui ne connaît pas l’ensemble des contraintes ni des objectifs

Du fait de ces critères de choix qui entravent la formation de consensus, les gouvernements n’adoptent pas de leur propre impulsion des réformes qui pourraient cependant leur être bénéfiques le jour où ils auront besoin d’avoir un déficit plus élevé. En revanche, les amendements proposés par la Commission, en novembre 2002 (adoptés en mars 2003) et en septembre 2004, introduisent quand même des ébauches d’assouplissement du PSC. Comment expliquer que ce soit paradoxalement la Commission, pourtant le plus grand défenseur d’une application stricte du PSC, qui les ait suggérés ? La chronologie des négociations autour du PSC [annexe 3.3.2] tend à montrer que les réformes ne se font pas à froid, par des décisions formelles à l’unanimité, mais à chaud, quand la Commission doit céder sous la pression des pays en difficulté et assouplir le dispositif pour éviter qu’il ne disparaisse à force de ne plus être respecté. L’évolution du PSC – notamment la réinterprétation des critères de finances publiques et les changements d’application des sanctions – semble donc reposer en grande partie sur un effet d’apprentissage de la règle et du processus décisionnel, que le comportement même des Etats membres redéfinit progressivement. Nous en tirons l’intuition d’un jeu réflexif entre les gouvernements et la Commission qui gagnerait à être modélisé et testé. D’une part, en tant que garante des règles européennes, la Commission a intérêt à afficher le plus longtemps et le plus fermement possible son soutien au PSC pour

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Eloïse Stéclebout Chapitre 3

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contraindre les pays à le respecter. Si, a contrario, les gouvernements sentent que la Commission est prête à assouplir le PSC, ils risquent de s’engouffrer dans cette brèche et d’augmenter leurs déficits avant même que la règle n’ait été renégociée. D’autre part, certains gouvernements ont tendance à adopter une double stratégie [cf. par exemple les déclarations successives du gouvernement français – annexe 3.3.2, 26 février 2003, 4 mars 2003, 2 avril 2003, 22 mai 2003, 2 juillet 2003, 27 août 2003] : • une stratégie à l’intérieur des règles du jeu, qui consiste à se présenter comme

vertueux pour ne pas être sanctionné, même si cela passe par la dissimulation du vrai niveau du déficit jusqu’à ce que les statistiques corrigées le révèlent,

• une stratégie contre les règles du jeu, qui remet en cause ouvertement le PSC – par exemple lorsqu’un gouvernement affirme qu’il ne tiendra pas compte de la règle au moment de déterminer le budget national. Les Etats font ainsi pression sur la Commission en menaçant de ne plus respecter la règle et de la rendre obsolète de fait à force de l’ignorer.

Le problème de la Commission est donc de soutenir la règle, mais aussi de savoir la réformer à temps, avant qu’elle ne disparaisse purement et simplement du fait du comportement des Etats membres. Le problème des gouvernements est de chercher à redéfinir les règles du jeu sous l’effet de leur comportement, tout en se protégeant par un discours mesuré. Le dernier chapitre apporte un autre éclairage sur la détermination des politiques budgétaires nationales, en se concentrant sur les externalités entre la politique monétaire et le budget. Les marges de manœuvre des gouvernements sont cette fois abordées sous l’angle de l’évolution du processus décisionnel confrontant les banquiers centraux aux gouvernements.

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Eloïse Stéclebout

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CHAPITRE 4.

UN MODELE THEORIQUE DES EFFETS DU PASSAGE A L’EURO SUR LES CONDITIONS DU POLICY MIX :

HETEROGENEITE DES PAYS ET REGLE COMMUNE

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

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4.1. Introduction Ce dernier chapitre, qui adopte une perspective plus théorique que les précédents, utilise un modèle macroéconomique simple pour étudier plusieurs aspects de l’évolution des conditions de formation du policy mix. La première motivation est de prolonger une question abordée de façon secondaire dans le chapitre 3 : l’importance de la distinction entre le solde nominal et le solde primaire, et donc l’impact du niveau de la dette sur le solde nominal. En effet, pour un même solde primaire, un pays fortement endetté a mécaniquement plus de difficultés à maintenir son déficit nominal sous un seuil donné, parce qu’il doit payer davantage d’intérêts sur sa dette. Deux conséquences en découlent. D’une part, l’introduction d’une règle de finances publiques de type PSC, fondée sur le déficit nominal, crée des contraintes hétérogènes selon les pays, puisque les Etats membres n’ont pas tous le même niveau d’endettement initial lorsque la règle est instaurée. L’unicité de la règle de déficit nominal ne se traduit donc pas par une uniformité de la contrainte. D’autre part, le PSC conduit le gouvernement à internaliser une externalité de la politique monétaire sur le budget : l’impact du taux d’intérêt sur le service de la dette. Ce n’est pas le PSC qui crée cette externalité, mais il oblige le gouvernement à en tenir compte, puisque, sous une contrainte de solde nominal, tout accroissement de la charge de la dette – y compris sous l’effet d’une augmentation du taux d’intérêt par la banque centrale – réduit les marges de manœuvre budgétaires. La deuxième motivation est de rendre compte des interdépendances stratégiques entre la politique budgétaire et la politique monétaire. Les dépenses publiques et le taux d’intérêt affectent tous deux le revenu et l’inflation, mais le gouvernement et la banque centrale n’ont pas forcément les mêmes objectifs politiques. Même si l’on prête aux autorités monétaires et budgétaires des objectifs de stabilisation macroéconomique, les poids relatifs accordés aux objectifs et les variables à stabiliser ne sont pas nécessairement les mêmes : en plus de la stabilisation de l’output gap et de l’inflation, la banque centrale peut chercher à lisser le taux d’intérêt et le gouvernement peut vouloir limiter les fluctuations d’un instrument budgétaire, comme les dépenses publiques ou le déficit public. Si l’on se propose de rendre compte des conditions de la gestion conjointe de la politique monétaire et de la politique budgétaire, il ne suffit donc pas de s’intéresser à leurs effets mais également à la nature et à la pondération relative des objectifs de la banque centrale et du gouvernement. Enfin, la troisième motivation est de poursuivre la réflexion lancée par plusieurs auteurs (dont Penot, Pollin et Seltz [2000], Asensio et al. [2003], Barbier-Gauchard et Blot [2004], Schlack [2003], et Menguy [2004]) à propos de l’effet de l’hétérogénéité entre pays de la zone euro sur les conditions du policy mix. Les modèles macroéconomiques à deux pays ou plus supposent souvent que les pays sont identiques et que leur principale différence réside dans les chocs asymétriques qu’ils subissent. Asensio et al. [2003] et Barbier-Gauchard et Blot [2004] considèrent des chocs asymétriques (d’offre et de demande pour Asensio et al., ou uniquement des chocs d’offre pour Barbier-Gauchard et Blot), mais également une hétérogénéité structurelle mesurée par un paramètre de négociations salariales. Schlack [2003] tient

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compte des écarts de taille entre les pays, de l’ampleur des externalités et des différences de sensibilité au taux d’intérêt. Penot, Pollin et Seltz [2000] décrivent de façon détaillée deux sources d’hétérogénéité : les canaux de transmission de la politique monétaire, correspondant à l’hétérogénéité des structures financières, et la réaction des salaires et des prix à l’activité économique, qui renvoie à l’hétérogénéité des marchés du travail et des négociations salariales. Enfin, Menguy [2004] synthétise plusieurs aspects de l’hétérogénéité structurelle entre les pays, mesurés par différents paramètres : la sensibilité de la demande au taux d’intérêt, aux variations des dépenses publiques et aux différentiels de prix et d’activité avec l’étranger, la sensibilité des prix au niveau de l’offre de production et au niveau des prix à l’étranger et la sensibilité du taux de change au différentiel de taux d’intérêt. Elle montre que, comme ces paramètres prennent généralement des valeurs différentes d’un pays à l’autre, ils conduisent à des réactions différenciées des politiques macroéconomiques. Nous nous inscrivons dans la lignée de cette réflexion en reprenant certains des paramètres structurels utilisés par Menguy [2004] et en ajoutant deux autres éléments d’hétérogénéité : la sensibilité des recettes publiques à l’activité et le niveau de la dette. Notre approche se distingue cependant d’une grande partie de la littérature sur le policy mix puisque nous n’adoptons pas une démarche normative. Or, le plus souvent, les auteurs s’intéressent à la stabilisation des économies et étudient quelle configuration répond le mieux aux chocs : quelle est la règle de Taylor optimale ? Quelle est la meilleure répartition des tâches entre la politique monétaire et la politique budgétaire ? Les gouvernements ont-ils intérêt à déléguer la politique monétaire à un banquier central conservateur ou progressiste [Faure 2001 et 2004] ? Faut-il laisser aux gouvernements la gestion des chocs asymétriques et la Banque centrale doit-elle se préoccuper des chocs d’offre affectant toute la zone euro ? Obtient-on la même stabilisation lorsque la Banque centrale se préoccupe uniquement de l’inflation [Mundschenk et von Hagen 2003] ? Est-il optimal de décentraliser complètement les politiques budgétaires, de les coordonner ou de les centraliser [Villieu 2003, Laskar 2003] ? Est-il possible d’atteindre une solution Pareto-optimale avec des politiques budgétaires non coopératives [Asensio 2002] ? La stabilisation du revenu et de l’inflation est-elle meilleure si les décisions sont simultanées ou séquentielles, et avec ou sans coordination [Barbier-Gauchard et Blot 2004] ? Nous serons amené dans ce chapitre à aborder indirectement certaines de ces questions, mais sous un angle différent : nous nous concentrerons sur l’étude du processus décisionnel contraint par les externalités et par les évolutions des règles du jeu du policy mix en Europe. Bien sûr, ce détour théorique ne prétend pas reproduire les conditions du policy mix sous le SME – avec notamment le rôle prépondérant de la politique monétaire de la Bundesbank par rapport aux autres politiques monétaires nationales, que nous avons mis en évidence au chapitre 2 – ni dans l’UEM. Il vise simplement à comparer différentes configurations de relations entre la banque centrale et le ministre des Finances. Nous espérons ainsi apporter un nouvel éclairage sur la façon dont l’évolution des objectifs, des contraintes et de la séquence des décisions, a pu affecter les marges de manœuvre des politiques budgétaires nationales. Dans un contexte d’hétérogénéité structurelle, comment les différents gouvernements sont-ils contraints par le passage à une politique

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monétaire unique et par l’introduction d’une règle de finances publiques à l’échelle européenne ? Pour tenter de répondre à cette question, nous comparons les conditions de formation du policy mix dans différents contextes institutionnels, en dégageant de façon schématique trois évolutions dans les pays de la zone euro. • Premièrement, on a observé une évolution du rapport de force entre les ministres des

Finances et les banques centrales : de banquiers centraux subordonnés aux choix budgétaires du gouvernement au début des années 1980, on est passé à des banques centrales nationales statutairement indépendantes du gouvernement dans le cadre des critères de Maastricht, puis à une Banque centrale européenne puissante, en position dominante par rapport aux gouvernements, et se permettant même de commenter les décisions de politique budgétaire. Dans le modèle, cette évolution se traduit par une modification de la structure du jeu : nous étudierons l’impact du passage d’un jeu simultané entre le gouvernement et la banque centrale (équilibre de Nash) à un jeu séquentiel dans lequel la banque centrale est en position de meneur (équilibre de Stackelberg).

• Deuxièmement, l’introduction de critères de finances publiques dans les critères de Maastricht puis la création du PSC ont conduit les ministres des Finances à intégrer une contrainte budgétaire portant sur le solde public. Auparavant, la contrainte sur le budget n’était pas pour autant forcément inexistante, mais elle pouvait prendre une autre forme : il pouvait par exemple s’agir d’une certaine inertie des dépenses publiques, correspondant à une inertie des compromis institutionnels. Le passage à une contrainte en termes de solde public reflète un changement de logique politique. Formellement, nous le représentons par une modification des objectifs du gouvernement, c’est-à-dire de sa fonction de perte : l’objectif de stabilisation des dépenses publiques est remplacé par un objectif de stabilisation du solde public, signifiant que la nouvelle fonction de perte intègre la contrainte de finances publiques.

• Enfin, la rupture de 1999 marque, pour onze pays (rejoints par la Grèce en 2001), le passage de monnaies nationales à une monnaie unique et la centralisation de la politique monétaire pour la zone euro. Du point de vue du cadre institutionnel, cela correspond à un changement du nombre de joueurs : de N banques centrales nationales, on passe à une banque centrale européenne unique.

Quel est l’impact de ces évolutions des conditions de formation du policy mix sur les politiques macroéconomiques menées avant et après l’introduction de l’euro ? Quels changements pouvait-on prévoir que cela induirait pour les finances publiques ? Certains pays sont-ils entrés dans l’euro en considérant qu’ils seraient gagnants ou perdants en termes de marges de manœuvre pour leur politique budgétaire ? L’organisation de ce chapitre est la suivante. La section 4.2 présente le modèle de base, dans lequel chaque pays détermine sa politique monétaire et sa politique budgétaire indépendamment de toute contrainte européenne : la politique monétaire relève de la banque centrale nationale et la politique budgétaire est contrainte par les compromis institutionnalisés nationaux. Nous discutons, dans ce contexte, l’effet sur le policy mix du passage à un jeu séquentiel favorable à la banque centrale. La section 4.3 introduit la

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contrainte budgétaire à travers une modification de la fonction de perte du gouvernement : sous l’effet des critères de Maastricht, le ministre des Finances est conduit à vouloir réduire le déficit public au lieu de stabiliser les dépenses publiques. Nous analysons une nouvelle fois les différences entre l’équilibre de Nash et l’équilibre de Stackelberg dans ce nouveau contexte. La section 4.4 étudie les effets du passage à l’euro, avec une politique monétaire unique pour l’ensemble de la zone et des politiques budgétaires qui restent définies au niveau national, mais contraintes par le PSC. La section 4.5 discute l’effet sur le déficit (en distinguant le déficit primaire et le service de la dette) et la section 4.6 conclut.

4.2. Le modèle de base avec policy mix national Dans un premier temps, les pays sont étudiés de façon isolée : chaque gouvernement fait face à une banque centrale, les dépenses publiques et le taux d’intérêt étant décidés à l’échelle nationale. Cette configuration nationale du policy mix national correspond à la version de base du modèle, sans centralisation de la politique monétaire ni contrainte budgétaire imposée par une règle européenne de finances publiques. 4.2.1. Le modèle

4.2.1.1. Présentation générale La configuration de base est directement inspirée de Menguy [2004]. L’intérêt de reprendre ce modèle est que cela permet de réutiliser, pour le calcul des équilibres, les mêmes paramètres mesurant l’hétérogénéité structurelle – ces paramètres provenant eux-mêmes de plusieurs travaux : Van Els et al. [2001], le modèle QUEST II de la Commission européenne [Roeger et In’t Veld 1997] et Penot, Pollin et Seltz [2000]. De même, dans cette première version du modèle, nous utilisons les mêmes poids que Menguy [2004] pour les différents objectifs dans les fonctions de perte des gouvernements et des banques centrales. Cependant, notre modèle de base comporte plusieurs changements par rapport au modèle de Menguy [2004]. Dans notre modèle, nous ignorons toutes les externalités directes entre les pays que Menguy [2004] introduit dans la courbe IS et dans la courbe de Phillips. L’étude des externalités liées aux écarts d’activité et de prix est en effet un des apports centraux de Menguy [2004], tandis que nous choisissons de ne pas en tenir compte afin de simplifier les calculs dans un premier temps. Raisonner en économie fermée est bien sûr une limite certaine et regrettable pour l’analyse des politiques économiques européennes, mais nous l’assumons car l’objet de ce chapitre est de développer d’autres aspects de la modélisation. Le fait de retirer les externalités nous ramène à un modèle tout à fait standard, à deux équations par pays – une courbe IS et une courbe de Phillips – ainsi que des fonctions de perte quadratiques pour les gouvernements et les banques centrales. Ce type de modélisation se retrouve de nombreux autres travaux (par exemple Buti, Roeger et In’t

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Veld [2001] et Uhlig [2002]). Le choix de caler notre modèle sur celui de Menguy [2004] est donc simplement motivé par la possibilité d’utiliser les mêmes paramètres structurels en reprenant la forme de base des équations. Nous apportons cependant deux nouveautés par rapport au modèle de Menguy, en développant deux aspects qu’elle n’aborde pas. D’une part, nous analysons des changements de la structure du jeu, avec le passage de politiques monétaires nationales à une politique monétaire unique, ainsi que l’importance de l’ordre des décisions, en comparant les résultats du jeu simultané et du jeu séquentiel (alors que Menguy considère uniquement l’équilibre de Nash entre les gouvernements et la BCE). D’autre part, dans les sections suivantes, nous étudions les conséquences sur le déficit du changement de règles du jeu, en distinguant le solde primaire et le service de la dette : les conditions de formation du policy mix sont ainsi replacées dans la perspective de la butée sur le PSC.

4.2.1.2. Les équations de base Le cadre de base est un modèle keynésien log-linéaire statique, dans lequel la production est déterminée par la demande de biens. Toutes les variables sont exprimées en écart relatif par rapport à leur valeur d'équilibre de long terme. Comme il n’y a pas de confusion possible entre les différents pays, nous n’utilisons pas d’indices de pays dans cette section afin d’alléger les notations (en revanche, après le passage à l’euro, les variables et paramètres de chaque pays seront indicés i = 1,…, N). • La demande de biens La demande de biens est indiquée par une courbe IS :

y = ηg - σr (1) où y est la production nationale, g les dépenses publiques, r le taux d’intérêt nominal, η la sensibilité de la demande aux variations des dépenses publiques, et σ la sensibilité de la demande au taux d’intérêt (avec σ > 0 car une hausse du taux d’intérêt entraîne une hausse du coût des dépenses en capital). Le modèle ne suppose pas de choc de demande. • L’offre de biens L’offre de biens est donnée par une courbe de Phillips :

p = p~ + νy (2) où p est le niveau des prix et p~ est un choc d'offre négatif inflationniste. Le paramètre ν mesure la sensibilité des prix aux tensions sur l’utilisation des capacités de production (ν > 0).

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• Les fonctions de perte de la banque centrale et du gouvernement Les fonctions de perte des autorités monétaires et budgétaires sont respectivement :

LM = ξM.r² + αM.p² + γM.y² LG = ξG.g² + αG.p² + γG.y² où α : poids accordé à l’objectif de stabilité des prix, γ : poids accordé à l’objectif de soutien de l’activité, ξ : poids accordé à la limitation des fluctuations de l’instrument, les variables indicées M se rapportant à la banque centrale et celles indicées G au gouvernement. Nous reprenons les pondérations proposées par Menguy [2004] : Poids accordé à l’objectif de… Paramètre Valeur

Stabilité des prix αM 0,7 Stabilité de l’activité γM 0,2

Banque centrale

Limitation des fluctuations du taux d’intérêt ξM 0,1 Stabilité des prix αG 0,2 Stabilité de l’activité γG 0,6

Gouvernement

Limitation des fluctuations des dépenses publiques ξG 0,2

En ce qui concerne la banque centrale, ξM et γM sont plus petits que αM, ce qui dénote la priorité accordée à l’objectif de stabilité des prix. En revanche, pour le gouvernement, γG est élevé car il donne la priorité à l’objectif de soutien de l’activité. Le paramètre ξG, indiquant une certaine inertie des dépenses publiques, rend compte de l’inertie des compromis institutionnalisés et de leur impact sur la détermination du budget. Nous faisons l’hypothèse que les pondérations dans les fonctions de perte des autorités sont les mêmes dans tous les pays, pour les banques centrales comme pour les gouvernements : les paramètres αM, γM, ξM, αG, γG et ξG sont supposés identiques pour tous les pays. Ce choix est critiquable car très simplificateur par rapport à l’hétérogénéité des comportements entre les pays, mais l’idée importante est que la banque centrale se concentre sur l’inflation tandis que le gouvernement accorde plus d’attention à l’activité. Cette hypothèse est assez standard : certains modèles ne supposent d’ailleurs pas d’objectif d’inflation pour le gouvernement [Buti, Roeger et In’t Veld 2001, Uhlig 2002, Asensio 2002, Asensio et al. 2003, Pommier 2003, Barbier-Gauchard et Blot 2004] ni de cible d’activité pour la banque centrale [Buti, Roeger et In’t Veld 2001, Asensio 2002, Pommier 2003]. L’intérêt de supposer des objectifs identiques pour tous les pays est que cela inhibe une source d’hétérogénéité. Dans cette première section, l’hétérogénéité entre les pays provient uniquement des paramètres structurels (le niveau du choc d’offre n’importe pas puisque nous étudions la réactivité à un choc donné).

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4.2.2. Résolution D’après les équations (1) et (2), nous obtenons la forme structurelle du modèle :

y = ηg - σr (1) p = p~ + νηg - νσr (3)

Nous en déduisons le comportement de la banque centrale et du gouvernement.

4.2.2.1. Fonctions de réaction des autorités • Fonction de réaction de la banque centrale Le taux d’intérêt résulte de la minimisation de la fonction de perte de la banque centrale en considérant les dépenses publiques comme données : Min LM = ξM.r² + αM.p² + γM.y² avec g = ctte r La condition du premier ordre donne :

dr

dLM = 0 ⇔ 2 ξM r + 2 αM pdr

dp+ 2 γM y

dr

dy= 0

⇔ ξM r + αM p(-νσ) + γM y (-σ) = 0 En remplaçant y et p par leurs valeurs dans (1) et (3), on trouve : r = A p~ + B g avec :

A = )²²( MMM

M

γνασξυσα

++> 0 et B =

)²²(

)²(

MMM

MM

γνασξγυαησ++

+ > 0.

• Fonction de réaction du gouvernement De même, le gouvernement minimise sa fonction de perte en prenant le taux d’intérêt comme donné : Min LG = ξG.g² + αG.p² + γG.y² avec r = ctte g La condition du premier ordre donne :

dg

dLG = 0 ⇔ 2 ξG g + 2 αG pdg

dp+ 2 γG y

dg

dy= 0

⇔ ξG g + αG ν η p + γM η y = 0

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En remplaçant y et p par leurs valeurs dans (1) et (3), on trouve : g = C p~ + D r avec :

C = )²²( GGG

G

γναηξυηα

++−

< 0 et D = )²²(

)²(

GGG

GG

γναηξγυαησ++

+ > 0.

4.2.2.2. Equilibre de Nash La première version du jeu suppose que la banque centrale et le gouvernement jouent de façon simultanée. On obtient donc un équilibre de Nash, résultant de la confrontation entre les deux fonctions de réaction :

rN = A p~ + B gN gN = C p~ + D rN

d’où :

rN = BD1

BCA

−+

p~ et gN = BD1

ADC

−+

p~ .

Comme nous ne nous proposons pas de regarder l’effet d’un choc d’offre sur l’économie mais de mettre l’accent sur la réactivité des politiques macroéconomiques dans différents contextes, nous retenons de cet équilibre les coefficients de réaction de la politique monétaire et de la politique budgétaire face à un même chocp~ . Nous définissons les notations suivantes :

iM

N m : réaction de la politique monétaire du pays i à un choc p~ dans l’équilibre de Nash sans contrainte budgétaire.

iG

N m : réaction de la politique budgétaire du pays i à un choc p~ dans l’équilibre de

Nash sans contrainte budgétaire. On montre aisément qu’avec les valeurs des paramètres structurels utilisées, on a nécessairement B < 1 et D < 1.

Par conséquent : iM

N m = BD1

BCA

−+

est du signe de A + BC, qui est toujours positif étant

donné la valeur des paramètres utilisés, car bien que C soit négatif, A est toujours supérieur à BC [cf. tableau 4.1 au paragraphe 4.2.3].

D’autre part, iG

N m = BD1

ADC

−+

est du signe de C + AD, qui est incertain car C est négatif

mais A et B sont positifs. Le signe de iG

N m dépend donc de la valeur relative des

paramètres dans les différents pays. De fait, le tableau 4.1 indique que la réaction de la politique budgétaire face à un choc inflationniste est soit expansionniste, soit restrictive selon les pays.

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4.2.2.3. Equilibre de Stackelberg avec la banque centrale en position de

meneur Nous considérons à présent le jeu séquentiel dans lequel la banque centrale joue en premier, puis le gouvernement réagit face au taux d’intérêt observé. Deux arguments justifient que l’on envisage cette configuration, plutôt que la configuration inverse dans laquelle le gouvernement serait en position de leader : premièrement, le rythme des décisions indique que la politique budgétaire, reposant sur un budget annuel, est beaucoup moins réactive que la politique monétaire, dont le rythme est plutôt mensuel. Cela signifie que la banque centrale est plus à même de mettre en avant ses objectifs et que le gouvernement ne peut s’ajuster qu’avec un retard17. Deuxièmement, l’indépendance de la banque centrale nationale étant une des conditions requises pour les pays candidats à l’adoption de la monnaie unique, l’évolution vers davantage d’autonomie des autorités monétaires par rapport au gouvernement conduit logiquement à augmenter leur pouvoir dans le jeu de policy mix. Dans le cas d’un jeu où la banque centrale est en position de leader de Stackelberg, elle anticipe la réaction du gouvernement dans sa décision. Le niveau des dépenses publiques n’est donc pas considéré comme donné, mais il est lui-même fonction du taux d’intérêt. Min LM = ξM.r² + αM.p² + γM.y² avec g = C p~ + D r r La condition du premier ordre donne :

dr

dLM = 0 ⇔ 2 ξM r + 2 αM pdr

dp+ 2 γM y

dr

dy= 0

Puisque y = η(C p~ + D r) - σr et p = p~ + νη(C p~ + D r) - νσr, on obtient finalement :

rS = F p~ avec F = )²)²(D(

])²(C)[D(

MMM

MMM

γναησξυαγυαηησ

+−+++−

gS = (C + DF) p~ De la même façon que pour l’équilibre de Nash, on définit les notations suivantes :

iM

Sm : réaction de la politique monétaire du pays i à un choc p~ dans l’équilibre de Nash sans contrainte budgétaire.

iG

Sm : réaction de la politique budgétaire du pays i à un choc p~ dans l’équilibre de Nash

sans contrainte budgétaire.

17 Cette lecture n’est cependant pas celle de certains auteurs, qui considèrent que la lenteur de la politique budgétaire lui permet de déterminer les conditions de la politique monétaire. Mais cette analyse ne nous semble pas convaincante, surtout dans le cadre de jeux répétés.

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On a : iM

Sm = F et iG

Sm = C + DF.

F est du signe de σ - ηD, donc du signe de σ ξG : iM

Sm est donc positif.

Comme C est négatif tandis que D et F sont positifs, le signe de iG

Sm dépend des

valeurs relatives des paramètres. Le tableau 4.1 indique que, face à un même choc d’offre inflationniste, la politique budgétaire agit dans des sens opposés selon les pays. 4.2.3. Réactivité des politiques économiques face à un choc d’offre

inflationniste Le tableau 4.1 donne les valeurs de la réactivité des politiques macroéconomiques dans les deux types de jeux. Tableau 4.1. Le policy mix au niveau national et sans contrainte budgétaire

D F I E NL B P FIN

Paramètres structurels Sensibilité de la demande aux variations des dépenses publiques

η 0,4 0,5 0,5 0,5 0,4 0,5 0,7 0,4

Sensibilité de la demande au taux d'intérêt

σ 0,28 0,15 0,26 0,12 0,2 0,15 0,12 0,34

Sensibilité des prix au niveau de l'offre de production ν 0,15 0,12 0,14 0,08 0,07 0,09 0,19 0,09

Fonctions de réaction

Banque centrale : r = A p~ + Bg

A 0,251 0,120 0,223 0,065 0,091 0,090 0,155 0,173 B 0,207 0,150 0,243 0,119 0,150 0,147 0,183 0,226

Gouvernement : g = C p~ + Dr

C -0,040 -0,034 -0,040 -0,023 -0,019 -0,026 -0,053 -0,024

D 0,228 0,129 0,224 0,103 0,162 0,129 0,103 0,276

Réaction des politiques économiques à un choc d’offre négatif inflationnis te p~ :

- Equilibre de Nash iM

N m 0,255 0,117 0,225 0,063 0,090 0,088 0,148 0,179 iG

N m 0,018 -0,019 0,010 -0,016 -0,004 -0,014 -0,038 0,025

- Equilibre de Stackelberg avec banque centrale en position de mene ur iM

Sm 0,178 0,068 0,133 0,036 0,062 0,051 0,060 0,126

iG

Sm 0,000 -0,025 -0,010 -0,019 -0,009 -0,019 -0,047 0,011

Sources : η : Commission européenne, modèle QUEST II [Roegers et In’t Veld 1997] σ : BCE [Van Els et al. 2001] ν : Penot, Pollin et Seltz [2000] ; pas de valeurs pour l’Autriche, la Grèce, le

Luxembourg et l’Irlande. Fonctions de réaction et équilibres : calculs de l’auteur.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

200

Commentaires • Commentaires sur les fonctions de réaction : La banque centrale réagit à un choc inflationniste par une hausse du taux d’intérêt (puisque A > 0), conformément à son objectif prioritaire de stabilité de prix. De même, le gouvernement réagit à un choc inflationniste par une baisse des dépenses publiques (C < 0) afin de freiner la demande et donc l’inflation. Quand la Banque centrale augmente le taux d’intérêt, le gouvernement augmente les dépenses publiques (D > 0), afin de contrecarrer l’effet récessif de la hausse du taux d’intérêt et de stabiliser l’activité. Réciproquement, la banque centrale répond à une hausse des dépenses publiques par une augmentation du taux d’intérêt (B > 0). • Commentaires sur les équilibres : Dans l’équilibre de Nash comme dans l’équilibre de Stackelberg, un choc d’offre inflationniste entraîne toujours une hausse du taux d’intérêt. L’effet sur les dépenses publiques dépend en revanche des pays. En effet, la réaction directe du gouvernement face à un choc inflationniste est de baisser ses dépenses publiques ; mais comme, par ailleurs, la banque centrale augmente le taux d’intérêt en réponse au choc inflationniste, le gouvernement réagit en augmentant les dépenses publiques. La façon dont ces deux effets se compensent donne soit une augmentation, soit une baisse des dépenses publiques selon les pays. Ainsi, pour certains pays (Allemagne et Finlande, ainsi que l’Italie dans l’équilibre de Nash), les deux politiques macroéconomiques réagissent en sens opposé à un choc d’offre inflationniste : la politique monétaire est restrictive et la politique budgétaire est expansionniste. Ce résultat sur la substituabilité stratégique des politiques économiques en cas de choc d’offre n’est pas nouveau [cf. par exemple Buti, Roeger et In’t Veld 2001] ; il rappelle que, comme Tinbergen l’avait indiqué, les différents instruments de politique économique ne doivent pas nécessairement être utilisés dans le même sens. • Comparaison entre l’équilibre de Nash et l’équilibre de Stackelberg : Lorsque la banque centrale est en position de leader, elle anticipe la réaction du gouvernement. Puisque son objectif principal est la stabilisation de l’inflation, la banque centrale souhaite que le gouvernement augmente le moins possible, ou réduise, les dépenses publiques. Or, la banque centrale sait que plus elle augmente le taux d’intérêt, plus le gouvernement réagira par une politique budgétaire expansionniste. La banque centrale peut donc profiter de son avantage dans le jeu pour choisir une hausse du taux d’intérêt moins importante que dans le cas de l’équilibre de Nash ( i

MSm < i

MN m ), ce qui

entraînera une hausse limitée, voire une diminution, des dépenses publiques.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

201

4.3. Le modèle avec policy mix national et contrainte budgétaire du gouvernement

4.3.1. Contrainte budgétaire et fonction de perte du gouvernement Du fait des critères de Maastricht avant 1999, prolongés par le Pacte de stabilité à partir de 1999, les gouvernements doivent veiller à réduire le déficit public. Par conséquent, ils doivent intégrer dans leur fonction de perte une contrainte budgétaire imposée par une règle commune à l’échelle européenne.

4.3.1.1. La contrainte budgétaire Le déficit public est défini comme la différence entre les dépenses publiques et les recettes publiques, plus les intérêts sur la dette. Les recettes publiques sont endogènes et calculées grâce à un paramètre mesurant leur sensibilité par rapport à l’activité. On a donc18 : d = g - τy + rb-1 (4) où d : déficit nominal en % du PIB τ : sensibilité des recettes publiques à l’activité b-1 : dette à la période précédente en % du PIB

4.3.1.2. La nouvelle fonction de perte du gouvernement La prise en compte de la contrainte budgétaire implique la modification d’un des objectifs du gouvernement, puisque son but n’est plus de lisser les dépenses publiques mais de réduire le déficit public : LG = ξG.d² + αG.p² + γG.y² Notons que ce changement peut entraîner de fortes variations des dépenses publiques (afin de s’adapter aux variations des recettes et des intérêts sur la dette) et remettre en cause certains compromis institutionnalisés. 4.3.2. Résolution Puisque seule la fonction de perte du gouvernement est modifiée, la fonction de réaction de la banque centrale est inchangée par rapport au cas sans contrainte budgétaire. Nous devons donc juste établir la nouvelle fonction de réaction du gouvernement.

18 Puisque les variables dans le modèle sont exprimées en écart par rapport à leur valeur de long terme, il faudrait théoriquement distinguer l’écart du taux d’intérêt et l’écart de la dette au lieu de simplement multiplier les deux variables. Cependant, comme nous raisonnons sur une seule période, l’approximation indiquée dans l’équation (4) est acceptable.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

202

4.3.2.1. La fonction de réaction du gouvernement Comme précédemment, le gouvernement minimise sa fonction de perte, mais selon la nouvelle formulation intégrant la contrainte budgétaire. La variable de décision est toujours le niveau des dépenses publiques, mais l’instrument de politique budgétaire à stabiliser est le solde public. Min LG = ξG.d² + αG.p² + γG.y² avec r = ctte et d = g - τy + rb-1 g La condition du premier ordre indique :

dg

dLG = 0 ⇔ 2 ξG (g - τy + rb-1) + 2 αG pdg

dp+ 2 γG y

dg

dy= 0

⇔ ξG g - ξG τy + ξG rb-1 + αG ν η p + γM η y = 0 En remplaçant y et p par leurs valeurs dans (1) et (3), on trouve : g = K p~ + I r avec :

K = )²²()1( GGG

G

γναητηξυηα

++−−

< 0 ; I = )²²()1(

)b()²(

GGG

1GGG

γναητηξτσξγυαησ

++−+−+ − .

I est du signe de )b()²( 1GGG −+−+ τσξγυαησ ; avec les valeurs des paramètres que

nous utilisons, I est négatif.

4.3.2.2. Equilibre de Nash Nous calculons l’équilibre de Nash en confrontant les deux fonctions de réaction :

rN = A p~ + B gN gN = K p~ + I r N

d’où :

rN = BI1

BKA

−+

p~ et gN = BI1

AIK

−+

p~ .

La réactivité des politiques économiques sous contrainte budgétaire est notée comme suit :

iM

NCB m : réaction de la politique monétaire du pays i à un chocp~ dans l’équilibre de

Nash avec contrainte budgétaire. iG

NCBm : réaction de la politique budgétaire du pays i à un chocp~ dans l’équilibre de

Nash avec contrainte budgétaire.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

203

I étant négatif, 1-BI est positif. iM

NCB m est donc du signe de A + BK. Puisque A et B sont

positifs et généralement du même ordre de grandeur, tandis que K est négatif mais petit en valeur absolue, on obtient des valeurs positives pour i

MN

CB m dans tous les pays [cf.

tableau 4.2 au paragraphe 4.3.3]. iG

NCBm est du signe de K + AI, donc négatif, puisque K et I sont négatifs et A positif.

4.3.2.3. Equilibre de Stackelberg avec la banque centrale en position de

meneur Lorsque la banque centrale anticipe la réaction du gouvernement à sa décision, le programme devient : Min LM = ξM.r² + αM.p² + γM.y² avec g = K p~ + I r r D’où la condition du premier ordre :

dr

dLM = 0 ⇔ 2 ξM r + 2 αM pdr

dp+ 2 γM y

dr

dy= 0

Puisque y = η(K p~ + I r) - σr et p = p~ + νη(K p~ + I r) - νσr, on obtient finalement :

rS = J p~ avec J = )²)²(I(

])²(K)[I(

MMM

MMM

γναησξυαγυαηησ

+−+++−

gS = (K + IJ) p~ En notant respectivement i

MS

CB m et iG

SCB m la réaction de la politique monétaire et de la

budgétaire du pays i à un chocp~ dans l’équilibre de Stackelberg, on a :

iM

SCB m = J et i

GS

CBm = K + IJ.

iM

SCB m est du signe de υαγυαη MMM )²(K ++ , qui est toujours positif étant donné les

paramètres retenus dans ce chapitre. En tant que somme d’un nombre négatif (K) et du produit d’un nombre négatif (I) par un nombre positif (J), i

GS

CB m est toujours négatif.

4.3.3. Réaction des politiques économiques face à un choc d’offre inflationniste Pour calculer les équilibres de Nash et de Stackelberg sous la contrainte budgétaire, il est nécessaire de prendre en compte un nouveau paramètre structurel (la sensibilité des recettes publiques à l’activité, τ) et le niveau exogène de la dette à la période précédente (b-1).

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

204

Le tableau 4.2 indique la réaction des politiques budgétaires dans ce nouveau contexte. Tableau 4.2. Le policy mix au niveau national et avec contrainte budgétaire

D F I E NL B P FIN Paramètre de recettes publiques et niveau de la dette Sensibilité des recettes publiques à l'output gap

τ 0,82 0,87 0,95 0,87 0,96 0,94 1 0,95

Dette publique en 1992 (part dans le PIB) b-1 0,429 0,396 1,081 0,468 0,779 1,322 0,544 0,405

Fonctions de réaction

Banque centrale : r = A p~ + Bg

A 0,251 0,120 0,223 0,065 0,091 0,090 0,155 0,173 B 0,207 0,150 0,243 0,119 0,150 0,147 0,183 0,226

Gouvernement : g = K p~ + Ir

K -0,052 -0,046 -0,055 -0,030 -0,026 -0,035 -0,074 -0,033 I -0,277 -0,228 -0,731 -0,298 -0,666 -0,965 -0,229 -0,290

Réaction des politiques économiques à un choc d’offre négatif inflationnis te p~ :

- Equilibre de Nash iM

NCB m 0,228 0,110 0,178 0,060 0,079 0,075 0,135 0,155

iG

NCBm -0,115 -0,070 -0,185 -0,048 -0,078 -0,107 -0,105 -0,078

- Equilibre de Stackelberg avec banque centrale en position de mene ur iM

SCB m 0,295 0,182 0,314 0,124 0,152 0,206 0,289 0,193

iM

SCB m -0,134 -0,087 -0,284 -0,067 -0,127 -0,234 -0,140 -0,088

Sources : τ : BCE [Bouthevillain et al. 2001] Dette : Eurostat Fonctions de réaction et équilibres : calculs de l’auteur.

Commentaires • Commentaires sur les fonctions de réaction : La fonction de réaction de la banque centrale est inchangée : la banque centrale augmente le taux d’intérêt en cas de choc d’offre négatif inflationniste ou lorsque les dépenses publiques augmentent. Comme dans le cas sans contrainte budgétaire, le gouvernement réagit à un choc d’offre inflationniste par une réduction des dépenses publiques, de façon un peu plus marquée que sans la contrainte budgétaire. On a en effet :

K = )²²()1( GGG

G

γναητηξυηα

++−−

< C = )²²( GGG

G

γναηξυηα

++−

< 0.

En revanche, la réaction du gouvernement à une variation du taux d’intérêt change de sens par rapport au cas sans contrainte budgétaire : si la banque centrale augmente son taux d’intérêt, le gouvernement réplique cette fois par une diminution de ses dépenses publiques, pour compenser le poids accru du service de la dette et éviter une hausse trop

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

205

importante du déficit public – l’instrument que le gouvernement cherche désormais à stabiliser. C’est pourquoi on a :

I = )²²()1(

)b()²(

GGG

1GGG

γναητηξτσξγυαησ

++−+−+ − < 0 au lieu de D =

)²²(

)²(

GGG

GG

γναηξγυαησ++

+> 0.

• Conséquences de la contrainte budgétaire sur l’équilibre de Nash : En cas de choc inflationniste, les gouvernements choisissent de réduire leurs dépenses publiques sous deux effets : d’une part, en réaction au choc lui-même, pour freiner la demande et l’inflation, d’autre part en réponse à la hausse du taux d’intérêt, pour compenser l’augmentation du service de la dette. La politique budgétaire face à un choc d’offre inflationniste est donc restrictive dans tous les pays ( i

GN

CBm < 0).

Il en résulte que la politique monétaire est légèrement moins restrictive que dans la configuration sans contrainte budgétaire. En effet, l’augmentation du taux d’intérêt en réaction au choc inflationniste est en partie compensée par une légère baisse en réponse à la réduction des dépenses publiques. • Conséquences de la contrainte budgétaire sur l’équilibre de Stackelberg : Lorsque la banque centrale est en position de leader, elle intègre dans sa décision la réaction du gouvernement. Son objectif principal étant de stabiliser l’inflation, elle cherche à pousser le gouvernement à réduire plus fortement les dépenses publiques. Puisqu’elle anticipe qu’en réaction à une hausse du taux d’intérêt, le gouvernement devra réduire ses dépenses pour contenir le déficit public, la banque centrale choisit d’augmenter encore plus son taux d’intérêt. C’est ainsi que dans l’équilibre de Stackelberg avec contrainte budgétaire, la politique monétaire et la politique budgétaire sont toutes les deux plus restrictives que dans l’équilibre de Nash. 4.3.4. Résultats : impact de la contrainte budgétaire et de l’ordre des décisions

sur le policy mix Nous pouvons dresser un premier bilan sur l’impact de deux évolutions des règles du policy mix : la création d’une règle commune de finances publiques (conduisant à la prise en compte de la contrainte budgétaire) et l’indépendance croissante des banques centrales nationales par rapport aux gouvernements (se traduisant par le passage d’un équilibre de Nash à un équilibre de Stackelberg avec la banque centrale est en position de meneur). Dans quelle mesure ces deux évolutions contraignent-elles la détermination des politiques budgétaires nationales ? Le tableau 4.3 rappelle les valeurs calculées pour la réaction des politiques monétaires et budgétaires selon les pays, dans les quatre configurations envisagées.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

206

Tableau 4.3. Bilan sur la réaction des politiques économiques avant l’euro

D F I E NL B P FIN

POLICY MIX NATIONAL , SANS CONTRAINTE BUDGETAIRE - Equilibre de Nash

Politique monétaire iM

N m 0,255 0,117 0,225 0,063 0,090 0,088 0,148 0,179

Politique budgétaire iG

N m 0,018 -0,019 0,010 -0,016 -0,004 -0,014 -0,038 0,025

- Equilibre avec la Banque centrale leader de Stackelberg

Politique monétaire iM

Sm 0,178 0,068 0,133 0,036 0,062 0,051 0,060 0,126

Politique budgétaire iG

Sm 0,000 -0,025 -0,010 -0,019 -0,009 -0,019 -0,047 0,011

POLICY MIX NATIONAL , AVEC CONTRAINTE BUDGETAIRE

- Equilibre de Nash

Politique monétaire iM

NCB m 0,228 0,110 0,178 0,060 0,079 0,075 0,135 0,155

Politique budgétaire iG

NCBm -0,115 -0,070 -0,185 -0,048 -0,078 -0,107 -0,105 -0,078

- Equilibre avec la Banque centrale leader de Stackelberg

Politique monétaire iM

SCB m 0,295 0,182 0,314 0,124 0,152 0,206 0,289 0,193

Politique budgétaire iG

SCBm -0,134 -0,087 -0,284 -0,067 -0,127 -0,234 -0,140 -0,088

Nous pouvons ainsi comparer la réactivité de la politique monétaire et de la politique budgétaire dans les différentes configurations : équilibre de Nash ou de Stackelberg, avec ou sans contrainte budgétaire. Les graphiques 4.1 et 4.2 représentent les quatre configurations pour chaque pays, respectivement pour la politique monétaire et pour la politique budgétaire, en les classant de la politique la plus souple à la politique la plus restrictive. Il est intéressant de noter que le classement est le même pour tous les pays, malgré l’hétérogénéité structurelle et les différents niveaux d’endettement. Pour une configuration donnée, il existe des écarts entre les pays, mais le passage d’une configuration à l’autre entraîne des évolutions semblables quel que soit le pays : • Par rapport à la configuration initiale (équilibre de Nash sans contrainte budgétaire),

la politique monétaire [graphique 4.1] devient un peu moins restrictive lorsque les gouvernements intègrent une contrainte budgétaire (équilibre de Nash avec contrainte budgétaire) ou lorsque la banque centrale peut jouer en premier (équilibre de Stackelberg sans contrainte budgétaire). En revanche, face à un même choc d’offre inflationniste, la politique monétaire devient plus restrictive dans l’équilibre de Stackelberg avec contrainte budgétaire.

• En ce qui concerne la politique budgétaire [graphique 4.2], les deux évolutions que nous étudions ont pour effet de la rendre plus restrictive : la prise en compte de la contrainte budgétaire et l’avantage donné à la banque centrale dans l’équilibre de Stackelberg conduisent le gouvernement à réduire ses dépenses publiques. La combinaison des deux évolutions produit donc les politiques budgétaires les plus restrictives face à un choc d’offre inflationniste.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

207

Graphique 4.1. Effet de la contrainte budgétaire et de l’ordre des décisions sur la politique monétaire

Effet de la contrainte budgétaire et de l'ordre des décisions sur la politique monétaire

0,000

0,050

0,100

0,150

0,200

0,250

0,300

0,350

D F I E NL B P FIN

Sans contrainte budgétaire, StackelbergAvec contrainte budgétaire, Nash

Sans contrainte budgétaire, Nash Avec contrainte budgétaire, Stackelberg

Graphique 4.2. Effet de la contrainte budgétaire et de l’ordre des décisions sur la politique budgétaire

Effet de la contrainte budgétaire et de l'ordre des décisions sur la politique budgétaire

-0,300

-0,250

-0,200

-0,150

-0,100

-0,050

0,000

0,050

D F I E NL B P FIN

Sans contrainte budgétaire, Nash Sans contrainte budgétaire, Stackelberg

Avec contrainte budgétaire, Nash Avec contrainte budgétaire, Stackelberg

Comment peut-on expliquer ces effets sur les politiques économiques ? Pour comprendre comment l’évolution des conditions de formation du policy mix affecte le niveau du taux d’intérêt et des dépenses publiques, il est utile de détailler de quelle façon la politique monétaire et la politique budgétaire réagissent face à un choc d’offre inflationniste, mais également comment elles réagissent à leurs décisions mutuelles. Le tableau 4.4 rappelle le sens des réactions en distinguant selon l’absence ou la présence de la contrainte budgétaire.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

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Tableau 4.4. Réactions face à un choc d’offre et interactions entre les politiques monétaire et budgétaire Sans contrainte

budgétaire Avec contrainte

budgétaire Réaction de

la politique monétaire

Réaction de la politique budgétaire

Réaction de la politique monétaire

Réaction de la politique budgétaire

Choc d’offre inflationniste + - + - Hausse des dépenses publiques + + Hausse du taux d’intérêt + - Que le gouvernement intègre ou non la contrainte budgétaire, la réaction des autorités face à un choc d’offre inflationniste est toujours la même : pour stabiliser l’économie, la banque centrale augmente le taux d’intérêt et le gouvernement réduit les dépenses publiques. De même, dans les deux cas, la banque centrale répond à une hausse des dépenses publiques par une hausse du taux d’intérêt, principalement pour éviter une hausse de l’inflation. En revanche, la politique budgétaire ne réagit pas toujours de la même façon lorsque le taux d’intérêt augmente. Si elle ne tient pas compte de la contrainte budgétaire, elle augmente les dépenses publiques pour contrebalancer l’effet récessif de la politique monétaire ; mais si elle est soumise à une règle de type PSC, l’augmentation des intérêts sur la dette résultant de la hausse du taux d’intérêt la conduit au contraire à réduire ses dépenses publiques. C’est pour cela que, dans un jeu simultané comme dans un jeu séquentiel, la prise en compte de la contrainte budgétaire conduit le gouvernement à réduire ses dépenses publiques par rapport au cas dans contrainte budgétaire. La différence de comportement des autorités entre un équilibre de Nash et un équilibre de Stackelberg s’explique par le fait que la banque centrale anticipe la réaction du gouvernement. Dans le cas sans contrainte budgétaire, les dépenses publiques sont d’autant plus basses que le taux d’intérêt est bas : la banque centrale s’adapte donc en augmentant moins le taux d’intérêt que dans l’équilibre de Nash. En revanche, dans la configuration avec contrainte budgétaire, les dépenses publiques sont plus faibles si le taux d’intérêt est élevé : la banque centrale profite de son avantage décisionnel pour augmenter davantage son taux d’intérêt et contraindre le gouvernement à réduire les dépenses publiques. C’est pourquoi le passage de l’équilibre de Nash à l’équilibre de Stackelberg, avec ou sans contrainte budgétaire, a toujours pour effet de rendre la politique budgétaire plus restrictive. Une conséquence est que, lorsque la banque centrale a la possibilité de jouer en premier – et bien que la fonction de réaction de la banque centrale reste inchangée et que le banquier central ne se préoccupe pas du niveau du déficit public –, il suffit que le gouvernement passe d’un objectif de stabilisation des dépenses publiques à un objectif de stabilisation du déficit pour que cela entraîne un durcissement de la politique monétaire en cas de choc inflationniste19.

19 Ce résultat peut sembler surprenant par rapport à l’effet attendu de l’indépendance accrue de la banque centrale. En effet, on pourrait s’attendre à ce que la simple menace d’une hausse du taux d’intérêt soit

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

209

Cet effet est dû au poids élevé que la BC donne à l’objectif de stabilisation de l’inflation : de ce fait, la banque centrale a intérêt à ce que le gouvernement baisse fortement ses dépenses publiques pour contrecarrer le choc inflationniste. Si la banque centrale avait un objectif principal de soutien à l’activité, le taux d’intérêt de l’équilibre de Stackelberg pourrait au contraire être plus bas que dans l’équilibre de Nash. Par exemple, si l’on suppose que la banque centrale accorde un poids de 0,8 à l’objectif d’activité (au lieu de 0,2) et de 0,1 à l’objectif d’inflation (au lieu de 0,7), on trouve les réactivités suivantes en cas de choc d’offre inflationniste :

D F I E NL B P FIN - Equilibre de Nash Politique monétaire -0,002 -0,007 -0,009 -0,004 -0,001 -0,004 -0,022 -0,002 Politique budgétaire -0,051 -0,044 -0,048 -0,029 -0,025 -0,031 -0,069 -0,032 - Equilibre avec la Banque centrale leader de Stackelberg Politique monétaire -0,003 -0,011 -0,012 -0,007 -0,002 -0,008 -0,039 -0,003 Politique budgétaire -0,051 -0,043 -0,046 -0,028 -0,024 -0,028 -0,065 -0,032

Enfin, comme nous l’indiquions dans l’introduction de ce chapitre, l’établissement d’une règle de type PSC contraint plus fortement les pays très endettés puisque leur déficit public comporte une part importante consacrée au service de la dette. Le graphique 4.3 compare la réaction de la politique budgétaire dans l’équilibre de Stackelberg avec ou sans contrainte budgétaire dans des pays inégalement endettés. Il en ressort que la création d’une règle de finances publiques comme le PSC contraint plus durement les pays fortement endettés que les pays peu endettés : le durcissement de la politique budgétaire est bien plus marqué en Belgique et en Italie. Graphique 4.3. La règle de finances publiques contraint plus durement les pays fortement endettés

Comparaison entre l'équilibre de Stackelberg sans c ontrainte budgétaire et l'équilibre de Stackelberg avec contr ainte budgétaire

F

FIND

E

PNL

I

B

-30%

-25%

-20%

-15%

-10%

-5%

0%

0% 20% 40% 60% 80% 100% 120% 140%

Dette en % du PIB en 1992

Effe

t de

la c

ontr

aint

e bu

dgét

aire

su

r le

niv

eau

des

dépe

nses

pu

bliq

ues

suffisante pour contraindre le gouvernement à stabiliser le déficit public. En ce sens, il est paradoxal que la banque centrale, jouant en premier, augmente d’emblée le taux d’intérêt et pénalise le gouvernement.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

210

4.4. Le policy mix après le passage à l’euro La troisième évolution des conditions de formation du policy mix est la plus marquante, car elle est précisément datée : depuis le 1er janvier 1999, une seule banque centrale européenne fait face à tous les ministres des Finances de la zone euro et fixe un taux d’intérêt unique pour toute la zone. Quel est l’impact de ce changement sur les marges de manœuvre de la politique budgétaire, qui est par ailleurs tenue de respecter le Pacte de stabilité ? Pour mesurer les effets du passage à l’euro, nous comparons le comportement de la politique monétaire et des politiques budgétaires dans l’ancienne configuration à N politiques nationales et dans la nouvelle configuration à politique monétaire unique. 4.4.1. Le modèle avec banque centrale unique Nous considérons maintenant N pays participant à l’euro et indicés i = 1,…, N. La courbe IS du pays i est :

yi = ηigi - σir (5) où r est le taux d’intérêt de la zone euro. La courbe de Phillips du pays i est :

pi = ip~ + νiyi (6)

où ip~ est un choc d’offre subi par le pays i.

D’après (5) et (6), on a, pour tout i :

yi = ηigi - σir (5) pi = ip~ + νiηigi - νiσir (7)

Une seule banque centrale, la BCE, décide de la politique monétaire pour l’ensemble de la zone. Sa fonction de perte agrégée est :

LM = ξM.r² + αM.∑=

N

1ii ²p + γM. ∑

=

N

1ii ²y

Nous considérons, pour simplifier les calculs, que la BCE minimise la somme des écarts d’inflation et la somme des output gaps – ou, ce qui revient au même, leur moyenne simple. Nous aurions pu choisir d’agréger les variables nationales en les pondérant selon la part de chaque pays dans le PIB européen ; quoi qu’il en soit, l’hypothèse importante est le passage à une politique monétaire unique reposant sur un objectif de stabilisation conjointe des économies de la zone euro.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

211

Chaque gouvernement continue à choisir le niveau de ses dépenses publiques tout en cherchant à rapprocher le déficit nominal de sa valeur d’équilibre de long terme, conformément à la contrainte imposée par le PSC depuis 1999 : LGi = ξG.di² + αG.pi² + γG.yi² avec di = gi - τiyi + rbi, -1. Les paramètres ξG, αG et γG ne sont pas indicés puisqu’ils sont encore supposés identiques pour tous les pays. 4.4.2. Equilibre de Stackelberg avec la BCE en position de leader Dans cette section consacrée au policy mix après l’introduction de l’euro, nous nous situons d’emblée dans la configuration où la banque centrale joue avant les gouvernements. Nous laissons donc de côté le cas d’un jeu simultané.

4.4.2.1. Fonctions de réaction des gouvernements La fonction de réaction du gouvernement du pays i est inchangée par rapport à ce qu’elle était dans le jeu à N politiques monétaires nationales, sauf qu’au lieu de prendre en compte un taux d’intérêt national ri, le gouvernement prend en compte le taux d’intérêt européen r. Ainsi, on a : UEM

ig = K i ip~ + I i r

avec :

Ki = )²²()1( GiGiiiG

iiG

γναηητξηυα

++−−

et I i = )²²()1(

)b()²(

GiGiiiG

1,iiiGGiGii

γναηητξστξγυαση

++−+−+ − .

4.4.2.2. Stratégie de la BCE

La BCE minimise la fonction de perte agrégée en anticipant les réactions des gouvernements :

Min LM = ξM.r² + αM.∑=

N

1ii ²p + γM. ∑

=

N

1ii ²y avec ∀ i, UEM

ig = Ki ip~ + I i r

r

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

212

La condition du premier ordre est :

dr

dLM = 0 ⇔ 2 ξM r + 2 αM )dr

dpp( i

N

1ii∑

= + 2 γM )

dr

dyy( i

N

1ii∑

=

= 0

Or, pi = ip~ + νiηi(Ki ip~ + I i r) - νiσir

et yi = ηi(Ki ip~ + I i r) - σir

donc on trouve :

r =

=

=

+−+

++−

N

1iMiMiiiM

N

1iiiMMiMiiiii

)]²)²(I[(

p~])²(K)[I(

γναησξ

υαγυαηησ.

4.4.2.3. Equilibre

Pour un vecteur de chocs P

~= ( 1p~ ,…, Np~ ) donné, l’équilibre lorsque la BCE est leader

de Stackelberg est :

r = ∑∑=

=

+−+

++−N

1iiN

1jMjMjjjM

iMMiMiiiii p~

)]²)²(I[(

])²(K)[I(

γναησξ

υαγυαηησ= ∑

=

N

1ii

UEMi,M p~m = M. P

~

avec i∀ , UEMi,Mm =

∑=

+−+

++−N

1jMjMjjjM

iMMiMiiiii

)]²)²(I[(

])²(K)[I(

γναησξ

υαγυαηησ

M = ( UEM1,Mm ,…, UEM

N,Mm )

∀ i, UEMig = Ki ip~ + I i M.P

~

Quand tous les pays subissent le même choc, c’est-à-dire quand P~

= ( p~ ,…, p~ ), alors :

r = p~mN

1j

UEMj,M

=

= UEMMm p~

et∀ i, UEMig =

+ ∑

=

N

1j

UEMj,Mii mIK p~ = (K i + I i

UEMMm ) p~ = UEM

i,Gm p~

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

213

4.4.3. Référence pour la comparaison : le cas où les politiques économiques nationales sont toujours isolées à partir de 1999

Pour disposer d’un point de référence, nous reprenons l’équilibre de Stackelberg du modèle à N banques centrales nationales, mais avec comme dettes initiales les dettes observées en 1999 (au lieu de 1992 dans la section précédente) :

I B P D FIN F NL E Dette publique en 1999

(en points de PIB) 115,5% 114,8% 54,3% 61,2% 47,0% 58,5% 63,1% 63,1%

Afin d’alléger les notations, et puisque nous considérons désormais uniquement la configuration avec contrainte budgétaire et un jeu à la Stackelberg, nous notons iMm la réaction de la politique monétaire nationale du pays i en cas de choc d’offre (ce que nous notions auparavant i

MS

CB m ).

De même, la réaction de la politique budgétaire du pays i dans ce jeu est notée

iGm (précédemment i

GS

CBm ).

Pour le pays i, lorsque la banque centrale nationale est leader de Stackelberg, l’équilibre est :

r i = iMm ip~

avec iMm = Ji =

)²)²(I(

])²(K)[I(

MiMiiiM

iMMiMiiiii

γναησξυαγυαηησ

+−+++−

où I i = )²²()1(

)b()²(

GiGiiiG

1,iiiGGiGii

γναηητξστξγυαση

++−+−+ − ,

la dette bi, -1 étant la dette en 1999.

gi = i

Gm ip~

avec i

Gm = K i+ I iiMm

où Ki = )²²()1( GiGiiiG

iiG

γναηητξηυα

++−−

.

4.4.4. Précisions sur les poids accordés aux différents objectifs dans les

fonctions de perte On peut considérer que la création de l’euro et la mise en œuvre du Pacte de stabilité entraînent par ailleurs une modification des poids accordés aux différents objectifs des politiques économiques.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

214

En ce qui concerne la BCE, ses statuts mettent clairement en avant la primauté de l’objectif de stabilité des prix et le caractère secondaire du soutien à l’activité. Nous supposons que cela implique un renforcement du poids accordé à l’objectif de stabilité des prix (αM passe de 0,7 à 0,8) et le maintien de γM à 0,2, tandis que l’objectif de stabilité du taux d’intérêt devient négligeable (ξM = 0)20. Quant aux gouvernements, le Pacte de stabilité les contraint fortement à réduire leur déficit sous peine de sanctions. Nous considèrerons que cela oblige les gouvernements à accorder autant de poids à l’objectif de stabilisation du déficit qu’à l’objectif de stabilisation de l’activité (ξG = γG = 0,4). Nous avons donc les changements suivants :

Avant l’euro A partir de 1999 ξM 0,1 0 αM 0,7 0,8 γM 0,2 0,2 ξG 0,2 0,4 αG 0,2 0,2 γG 0,6 0,4

On pose :

ai = ])²(K)[I( iMMiMiiiii υαγυαηησ ++−

bi = )²)²(I( MiMiii γναησ +−

20 L’avantage de poser ξM = 0 est également que cela retire un biais dans le comportement de la BCE. En

effet, les multiplicateurs sont de la forme iMm =iM

i

b

a

+ξet UEM

Mm =

=

=

+N

1zzM

N

1jj

b

a

ξ. Si ξM = 0, il existe au

moins un pays k pour lequel UEMMm =

=

=N

1zz

N

1jj

b

a < k

Mm =k

k

b

a. En revanche, si ξM > 0 et si k est le pays ayant le

multiplicateur le plus élevé, on a kMm =

kM

k

b

a

+ξ>

=

=

+N

1zzM

N

1jj

bN

a

ξmais pas nécessairement

kM

k

b

a

+ξ>

=

=

+N

1zzM

N

1jj

b

a

ξ. Il est ainsi possible que pour tout i, UEM

Mm > iMm : la BCE serait alors plus

réactive que la plus réactive des BCN. Cela est dû au fait que la BCE cherche à stabiliser un taux d’intérêt unique alors que les N banques centrales nationales veulent stabiliser chacune un taux d’intérêt : les fonctions de réaction ne sont pas exactement comparables.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

215

On a alors, puisque ξM = 0 : iMm =

i

i

b

a et UEM

Mm =

=

=N

1zz

N

1jj

b

a

.

4.4.5. L’effet du passage à l’euro sur la réactivité des politiques économiques On calcule la réaction de la politique monétaire et de la politique budgétaire face à un même choc p~ lorsqu’il y a N politiques monétaires nationales ou une politique monétaire unique. Dans les deux cas, la dette initiale et les paramètres structurels sont les mêmes ; la seule différence est donc la portée nationale ou européenne de la politique monétaire. Cela permet de mesurer, pour chaque pays i, la variation de mG et de mM entre les deux configurations. On a :

∆i (mM) = UEM

Mm - iMm =

=

=N

1zz

N

1jj

b

a

-i

i

b

a

i (mG) = UEMi,Gm - i

Gm = (K i+ I iUEMMm ) - (Ki+ I i

iMm ) = Ii(

UEMMm - i

Mm ) = Ii ∆i (mM)

Le tableau 4.5 compare les politiques monétaires dans les deux configurations. Tableau 4.5. L’impact du passage à l’euro sur la réactivité des politiques économiques

P D F E FIN NL I B N politiques monétaires

iMm 0,968 0,852 0,804 0,562 0,502 0,459 0,461 0,361

iGm -0,783 -0,780 -0,667 -0,489 -0,445 -0,457 -0,799 -0,589

Politique monétaire unique UEMMm 0,565 0,565 0,565 0,565 0,565 0,565 0,565 0,565

UEMi,Gm -0,492 -0,529 -0,479 -0,492 -0,498 -0,559 -0,968 -0,907

Effet du passage à l’euro

∆i (mM) -0,403 -0,287 -0,239 0,003 0,063 0,106 0,104 0,204

∆i (mG) 0,291 0,250 0,187 -0,003 -0,053 -0,101 -0,170 -0,318

Il est intéressant de noter que, contrairement aux deux évolutions des conditions du policy mix étudiées précédemment, cette fois le changement des règles du jeu a des effets différenciés selon les pays : la politique monétaire unique détermine un taux d’intérêt qui peut être plus élevé ou plus bas que dans le policy mix national, et les

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

216

politiques budgétaires nationales sont, selon les pays, soit plus restrictives, soit plus souples qu’avant l’euro. Le graphique 4.4 représentant le policy mix avec et sans l’euro met en évidence l’unicité de la politique monétaire de la BCE et l’impact sur les politiques budgétaires nationales. Graphique 4.4. Comparaison entre le policy mix déterminé au niveau national et le policy mix après le passage à l’euro

Politiques monétaires et politiques budgétaires nationales théoriques après 1999 : réaction à un même choc d'offre

D

F

I

E

NL

B

P

FIN

-0,90

-0,80

-0,70

-0,60

-0,50

-0,40

-0,30

0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80 0,90 1,00 1,10

Variation du taux d'intérêt

Va

ria

tion

des

dépe

nses

pu

bliq

ues

Politique monétaire unique et politiques budgétaires nationales dans la zone euro : réaction à un même choc d'offre

D

F

I

E

NL

B

PFIN

-1,00

-0,80

-0,60

-0,40

0,40 0,50 0,60 0,70

Variation du taux d'intérêt

Va

ria

tion

des

dépe

nses

pub

lique

s

On observe que le passage à une politique monétaire unique implique une hausse moindre du taux d’intérêt en cas de choc inflationniste en France, en Allemagne et au

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

217

Portugal, mais une hausse plus importante en Belgique, en Italie, aux Pays-bas et en Finlande, la réaction restant inchangée en Espagne. On remarque également que la Belgique et l’Italie, les deux pays les plus endettés, sont ceux dont les dépenses publiques sont le plus fortement réduites en cas de choc inflationniste. Cela souligne le poids de la contrainte budgétaire sur la formation de la politique budgétaire pour les pays fortement endettés. Le graphique 4.5 reprend la comparaison entre les deux formes de policy mix et ajoute trois autres informations : • la taille des bulles correspond à la part de chaque pays dans le PIB de la zone euro, • les bulles hachurées correspondent aux pays ayant déjà eu un déficit supérieur à 3%

du PIB (avant 2004), • les bulles à large bordure noire indiquent les pays les plus fermement opposés à une

réforme du Pacte de stabilité. Graphique 4.5. L’effet du passage à l’euro sur la réaction des politiques économiques à un choc d’offre inflationniste

Effet du passage à une politique monétaire unique

D

F

I

E

NL

B

FIN

P

-0,4

-0,3

-0,2

-0,1

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

-0,5 -0,4 -0,3 -0,2 -0,1 0,0 0,1 0,2 0,3 0,4

Impact sur la réactivité dela politique monétaire

Impact sur la réactivité de la

politique budgétaire

Ce graphique révèle un lien entre l’impact du passage à l’euro sur la politique monétaire et son impact sur la politique budgétaire : plus le taux d’intérêt est bas par rapport à ce qu’il aurait été selon le policy mix national, plus cela élargit la marge de manœuvre budgétaire du gouvernement, qui peut ainsi réagir au choc d’offre inflationniste par une politique budgétaire moins restrictive. C’est le cas de la France, de l’Allemagne et du

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

218

Portugal. A l’inverse, les pays ayant un taux d’intérêt plus élevé que dans la configuration purement nationale sont obligés de réduire davantage leurs dépenses publiques pour préserver la stabilité du déficit public. Une observation importante est que les pays les plus opposés à une réforme du Pacte de stabilité – Espagne, Finlande, Pays-Bas – sont ceux dont les politiques monétaire et budgétaire réagissent le moins à un choc inflationniste dans la configuration nationale [graphique 4.4] et qui subissent une hausse du taux d’intérêt et une réduction des dépenses publiques du fait du passage à l’euro [graphique 4.5]. Cela nous amène à nous interroger plus précisément sur ce que le passage à l’euro implique en termes de marges de manœuvre budgétaires et de facilité à respecter le PSC.

4.5. Les conditions de formation du policy mix et le niveau du déficit : étude de l’hétérogénéité entre les pays

4.5.1. La détermination endogène du déficit public Dans le modèle, le déficit public est entièrement déterminé par le choc d’offre et la réaction des politiques économiques. Si l’on note, de façon générale, mG et mM respectivement la réaction de la politique budgétaire et de la politique monétaire à un choc d’offre inflationniste, on peut exprimer le déficit en fonction du choc d’offre :

di = gi - τiyi + r i bi, -1

avec gi = mG p~

r i = mM p~ yi = ηigi - σir i = ηi mG p~ - σi mM p~

D’où : di = [(1 - τiηi)mG + (τiσi + bi,-1)mM] p~ Dans le cas à N politiques monétaires nationales, on a donc :

di = [(1 - τiηi) iGm + (τiσi + bi,-1)

iMm ] p~

Et dans le cas à politique monétaire unique, on a :

UEMid = [(1 - τiηi)

UEMi,Gm + (τiσi + bi,-1)

UEMMm ] p~

Dans les deux cas, la sensibilité du déficit au choc est mesurée par l’expression :

(1 - τiηi)mG + (τiσi + bi,-1)mM.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

219

Interprétation : Cette expression rend compte de l’effet des deux politiques économiques sur le déficit lorsque l’économie subit un choc d’offre inflationnistep~ . La politique budgétaire a deux effets sur le déficit : • Un effet direct : le gouvernement réagit à un choc inflationniste par une réduction

des dépenses publiques, ce qui entraîne immédiatement une réduction du déficit. Cet effet est mesuré par le terme mG, qui est négatif pour tous les pays et dans les deux configurations.

• La politique budgétaire a également un effet indirect : la baisse des dépenses publiques a un effet négatif sur l’activité, qui réagit avec une élasticité ηi. Cela provoque une baisse des recettes fiscales prélevées selon un taux τi, et par conséquent une augmentation du déficit : c’est ce que mesure le terme -τiηimG, qui est positif.

De même, on distingue deux effets de la politique monétaire sur le déficit : • Un effet direct : la hausse du taux d’intérêt décidée par la banque centrale en cas de

choc inflationniste entraîne un renchérissement de la charge de la dette et donc une hausse du déficit ; d’où le terme bi,-1.mM, qui est positif.

• L’effet indirect de la politique monétaire passe par l’effet négatif de l’augmentation du taux d’intérêt sur l’activité, qui réagit avec une élasticité σi. Cela provoque une baisse des recettes fiscales prélevées selon un taux τi et par conséquent une augmentation du déficit. Le terme τiσimM, qui est positif, rend compte de cet effet indirect.

Par conséquent, le déficit sera d’autant plus élevé que : • le choc d’offre inflationnistep~ est grand

• la politique budgétaire est peu réactive : mG petit en valeur absolue • la politique monétaire est réactive : mM grand • le taux de fiscalité moyen τ est élevé • l’élasticité de la demande par rapport aux dépenses publiques η est élevée • l’élasticité de la demande par rapport au taux d’intérêt σ est élevée • la dette initiale b-1 est élevée. Le graphique 4.6. présente une comparaison de la sensibilité des déficits publics au choc p~ entre pays et entre les deux configurations du policy mix. Il en ressort une forte hétérogénéité entre les pays, non seulement pour une configuration donnée, mais également en ce qui concerne l’impact du passage à la monnaie unique : en effet, le déficit de certains pays (Italie, Belgique, Finlande, Pays-Bas) devient plus sensible aux chocs d’offre, tandis que pour d’autres pays (Portugal, France, Allemagne), la sensibilité est réduite.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

220

Graphique 4.6. Les différences de sensibilité des déficits publics à un choc d’offre inflationniste

Sensibilité du déficit public à un choc d'offre inflationniste

0,000,05

0,100,150,20

0,250,300,35

0,400,45

P I F D B E FIN NL

Cas du policy mix déterminé au niveau national

Cas du policy mix avec politique monétaire unique

4.5.2. Le risque d’avoir un déficit public excessif : hétérogénéité entre les pays

4.5.2.1. Impact d’un choc d’offre inflationniste sur le déficit Le résultat mis en avant par le graphique 4.6 peut également être retrouvé en étudiant à partir de quelle taille un choc d’offre inflationniste fait dépasser à un pays la limite autorisée par le Pacte de stabilité pour le déficit public. Une façon symétrique d’aborder la même question est de regarder quel est l’impact d’un même choc p~ sur le déficit public de chaque pays, pour différents niveaux dep~ . C’est ce que proposent les tableaux 4.6 et 4.7. (Les cellules grisées correspondent à un déficit supérieur à 3% du PIB). Les résultats prédits par le graphique 4.6 sont vérifiés : le Portugal, la France et l’Allemagne réduisent leur risque de déficit (le seuil de choc minimal pour avoir un déficit excessif augmente) : en ce sens, le passage à l’euro leur est bénéfique. Mais pour les autres pays, le choc minimal entraînant un déficit excessif diminue, ce qui signifie qu’ils sont plus exposés à un risque de déficit excessif après le passage à la monnaie unique : ces pays sont, de ce point de vue, pénalisés par le passage à l’euro.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

221

Tableau 4.6. La sensibilité du déficit au choc d’offre : le cas du policy mix avec N politiques monétaires nationales

Déficit Choc d’offre P I F D B E FIN NL

2,5% 1,02% 0,57% 0,50% 0,48% 0,38% 0,34% 0,31% 0,24% 5% 2,03% 1,14% 0,99% 0,96% 0,76% 0,68% 0,61% 0,48% 7,5% 3,05% 1,70% 1,49% 1,44% 1,14% 1,02% 0,92% 0,72% 10% 4,07% 2,27% 1,99% 1,93% 1,53% 1,37% 1,22% 0,96% 12,5% 5,08% 2,84% 2,48% 2,41% 1,91% 1,71% 1,53% 1,20% 15% 6,10% 3,41% 2,98% 2,89% 2,29% 2,05% 1,83% 1,44% 17,5% 7,12% 3,98% 3,47% 3,37% 2,67% 2,39% 2,14% 1,68% 20% 8,14% 4,54% 3,97% 3,85% 3,05% 2,73% 2,44% 1,92% 22,5% 9,15% 5,11% 4,47% 4,33% 3,43% 3,07% 2,75% 2,16% 25% 10,17% 5,68% 4,96% 4,82% 3,81% 3,41% 3,05% 2,40% 27,5% 11,19% 6,25% 5,46% 5,30% 4,20% 3,75% 3,36% 2,64% 30% 12,20% 6,82% 5,96% 5,78% 4,58% 4,10% 3,66% 2,88% 32,50% 13,22% 7,38% 6,45% 6,26% 4,96% 4,44% 3,97% 3,12% Choc d’offre minimal entraînant un déficit excessif

7,4% 13,2% 15,1% 15,6% 19,7% 22,0% 24,6% 31,2%

Tableau 4.7. La sensibilité du déficit au choc d’offre : le cas du policy mix avec une politique monétaire unique

Déficit Choc d’offre P I F D B E FIN NL

2,5% 0,57% 0,71% 0,33% 0,30% 0,62% 0,34% 0,35% 0,30% 5% 1,14% 1,42% 0,67% 0,60% 1,24% 0,69% 0,70% 0,60%

7,5% 1,70% 2,13% 1,00% 0,90% 1,86% 1,03% 1,04% 0,91% 10% 2,27% 2,84% 1,33% 1,20% 2,48% 1,37% 1,39% 1,21%

12,5% 2,84% 3,55% 1,67% 1,50% 3,10% 1,72% 1,74% 1,51% 15% 3,41% 4,25% 2,00% 1,79% 3,71% 2,06% 2,09% 1,81%

17,5% 3,97% 4,96% 2,33% 2,09% 4,33% 2,40% 2,44% 2,12% 20% 4,54% 5,67% 2,67% 2,39% 4,95% 2,75% 2,78% 2,42%

22,5% 5,11% 6,38% 3,00% 2,69% 5,57% 3,09% 3,13% 2,72% 25% 5,68% 7,09% 3,33% 2,99% 6,19% 3,44% 3,48% 3,02%

27,5% 6,24% 7,80% 3,67% 3,29% 6,81% 3,78% 3,83% 3,32% 30% 6,81% 8,51% 4,00% 3,59% 7,43% 4,12% 4,17% 3,63%

Choc d’offre minimal entraînant un déficit excessif

13,2% 10,6% 22,5% 25,1% 12,1% 21,8% 21,6% 24,8%

4.5.2.2. L’effet du passage à l’euro sur les déficits publics, les déficits

primaires et la charge de la dette Ce dernier paragraphe propose d’étudier plus précisément l’évolution de la sensibilité du déficit au choc, en détaillant ce qui affecte le déficit primaire et ce qui affecte le service de la dette.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

222

Lorsque les politiques monétaires nationales sont autonomes, le déficit du pays i est : di = [(1 - τiηi)

iGm + (τiσi + bi,-1)

iMm ] p~

Dans la zone euro, le déficit du pays i devient :

UEMid = [(1 - τiηi)

UEMi,Gm + (τiσi + bi,-1)

UEMMm ] p~

L’impact du passage à l’euro sur la sensibilité du déficit à un choc d’offre est donc :

∆i (md) = (1 - τiηi) ∆

i (mG) + (τiσi + bi,-1) ∆i (mM)

où ∆i (.) mesure la variation d’une variable résultant du passage à l’euro et md est la sensibilité du déficit au choc d’offre. Le graphique 4.7 représente cette décomposition de l’évolution de md. Graphique 4.7. L’évolution de la sensibilité du déficit : décomposition selon la réactivité des politiques économiques

Effet du passage à l'euro sur la réactivité des politiques économiques et sur la sensibilité du déficit à des chocs

d'offre inflationnistes

-0,5

-0,4

-0,3

-0,2

-0,1

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

P D F E FIN NL I B

∆(mM) ∆(mG) ∆(md)

On retrouve, à gauche, les pays bénéficiant du passage à l’euro et, à droite, les pays pénalisés par le passage à l’euro du point de vue du risque de déficit excessif. Commentaires : Si ∆i (mM) > 0 (Espagne, Finlande, Pays-Bas, Italie, Belgique), la BCE réagit à un choc inflationniste par une hausse plus forte du taux d’intérêt que ne l’aurait fait la banque centrale nationale. En réaction, le gouvernement doit réduire encore plus les dépenses publiques (∆i (mG) < 0). Ces deux politiques restrictives freinant l’activité, associées à un alourdissement du service de la dette, creusent le déficit (∆i (md) > 0).

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

223

Dans les pays pour lesquels la politique monétaire de la BCE est moins réactive que ne l’aurait été leur politique monétaire nationale (Portugal, Allemagne, France), le taux d’intérêt augmente moins en cas de choc inflationniste. Cela permet à leurs gouvernements de mener une politique budgétaire moins restrictive. Comme l’activité baisse moins et que le service de la dette est moins lourd, le déficit se réduit. L’effet sur le déficit nominal se décompose en un effet sur le service de la dette et un effet sur le déficit primaire (que nous noterons dp). Dans le policy mix déterminé au niveau national, on a :

di = (gi - τiyi) + r i bi,-1 = dpi + r i bi,-1 dpi = [(1 - τiηi)

iGm + τiσi i

Mm ] p~

ri bi,-1 = iMm bi,-1 p~

Dans la zone euro, on a :

UEMid = UEM

idp + r bi,-1 UEMid = [(1 - τiηi)

UEMi,Gm + τiσi

UEMMm ] p~

r bi,-1 = UEMMm bi,-1 p~

D’où l’impact du passage à l’euro sur la sensibilité du déficit primaire (mdp) et du service de la dette (mr.b) à un choc d’offre :

∆i (mdp) = (1 - τiηi) ∆

i (mG) + τiσi ∆i (mM)

∆i (mr.b) = bi,-1 ∆

i (mM) On vérifie que l’on a bien : ∆i (md) = ∆i (mdp) + ∆i (mr.b). Le tableau 4.8 et le graphique 4.8 présentent les résultats de cette décomposition. Tableau 4.8. L’évolution de la sensibilité du déficit : décomposition selon le déficit primaire et le service de la dette P D F E FIN NL I B ∆

i (md) -0,180 -0,073 -0,065 0,001 0,017 0,025 0,056 0,095 ∆

i (mdp) 0,039 0,102 0,075 -0,001 -0,013 -0,042 -0,063 -0,139 ∆

i (mr.b) -0,219 -0,175 -0,140 0,002 0,030 0,067 0,120 0,235

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

224

Graphique 4.8. L’évolution de la sensibilité du déficit : décomposition selon le déficit primaire et le service de la dette

Effet du passage à l'euro sur la sensibilité du service de la dette, du déficit primaire et du déficit nominal à des

chocs d'offre inflationnistes

-0,3

-0,2

-0,1

0,0

0,1

0,2

0,3

P D F E FIN NL I B

∆(m_r.b) ∆(m_dp) ∆(md)

Puisque l’on raisonne sur une seule période, l’effet sur le service de la dette est simplement lié à la modification ponctuelle de la politique monétaire : le taux d’intérêt européen étant différent de ce qu’aurait été le taux d’intérêt national, le service de la dette s’en trouve allégé ou alourdi sans que cela ne corresponde à un changement de comportement du gouvernement. Sur plusieurs périodes, les décisions de politique budgétaire auraient cependant un impact puisque l’évolution de la dette dépend du déficit. La modification du déficit primaire correspond en revanche plus clairement au changement de la politique budgétaire induit par le passage à une politique monétaire unique : les dépenses publiques sont décidées directement par le gouvernement et les recettes publiques dépendent de l’activité, donc de la politique budgétaire (ainsi que de la politique monétaire). Le Portugal, l’Allemagne et la France, qui bénéficient d’un taux d’intérêt européen plus faible que le taux résultant du policy mix national, voient les intérêts sur leur dette diminuer mécaniquement (∆i (mr.b) < 0). Grâce à cela, ils peuvent augmenter leur déficit primaire (∆i (mdp) > 0) tout en réduisant leur déficit public (∆i (md) < 0). La situation de l’Espagne est quasiment identique avant et après le passage à l’euro. Pour les quatre derniers pays – Finlande, Pays-Bas, Italie, Belgique –, l’évolution est symétrique : à cause d’un taux d’intérêt européen plus élevé que le taux national théorique, le service de la dette augmente. Malgré un effort de réduction du déficit primaire, ces pays ont, à choc d’offre égal, un déficit nominal plus élevé que dans la configuration à N politiques monétaires nationales. La décomposition entre déficit primaire et service de la dette montre que l’effet du passage à l’euro n’entraîne pas seulement des risques différenciés d’avoir un déficit public excessif, mais également des différences de marges de manœuvre budgétaires.

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

225

En effet, certains pays peuvent augmenter leur déficit primaire, tandis que d’autres sont contraints à le réduire.

4.6. Conclusion Ce chapitre présente les résultats d’un modèle macroéconomique simple, étudiant les interdépendances stratégiques entre le budget et la politique monétaire. Son apport principal est de révéler que l’hétérogénéité des paramètres structurels et des niveaux d’endettement entre les pays conduit à une hétérogénéité des comportements dans la formation des politiques macroéconomiques – et cela, malgré la présence d’une règle commune de finances publiques et la mise en œuvre d’une politique monétaire unique. Nous proposons dans ce but une modélisation de trois évolutions des conditions de formation du policy mix en Europe du fait du passage à la monnaie unique. Le modèle de base considère les conditions de formation de la politique monétaire et de la politique budgétaire dans un contexte exclusivement national. Deux structures de jeux sont envisagées : un jeu simultané entre le gouvernement et la banque centrale nationale, conduisant à un équilibre de Nash, et un jeu séquentiel dans lequel la banque centrale joue la première, se traduisant par un équilibre de Stackelberg avec la banque centrale dans la position du meneur. La différence entre les deux jeux correspond à une première évolution du contexte du policy mix : l’indépendance croissante des banques centrales par rapport au gouvernement – conformément à une des conditions requises pour adopter l’euro –, leur permettant de mieux mettre en avant leurs objectifs de politique économique. Une deuxième version du modèle introduit une règle commune de finances publiques à l’échelle européenne, du même type que les critères de Maastricht et le PSC, obligeant les gouvernements à prendre en compte la stabilisation du déficit public plutôt que la stabilisation des dépenses publiques. Cette deuxième évolution des conditions de formation du policy mix donne lieu à une modification de la fonction de perte des gouvernements et modifie donc les décisions de politique économique. Une nouvelle fois, l’équilibre de Nash et l’équilibre de Stackelberg sont envisagés. La comparaison de l’équilibre de Nash et de l’équilibre de Stackelberg, dans les versions avec ou sans contrainte budgétaire, met en évidence des évolutions semblables pour tous les pays. D’une part, la prise en compte de la contrainte budgétaire conduit le gouvernement à réduire les dépenses publiques lorsque le taux d’intérêt augmente, pour compenser la hausse du service de la dette ; d’autre part, dans l’équilibre de Stackelberg, la banque centrale profite de sa situation de leader pour contraindre le gouvernement à réduire davantage ses dépenses publiques (et donc contribuer à mieux stabiliser l’inflation). Les deux premières évolutions du policy mix que nous étudions impliquent ainsi un durcissement de la politique budgétaire face à un choc d’offre inflationniste théorique inchangé. La troisième évolution est le passage de policy mixes nationaux au policy mix dans la zone euro, combinant une politique monétaire unique et des politiques budgétaires qui

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Eloïse Stéclebout Chapitre 4

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restent nationales. La structure du jeu est donc profondément changée, et accessoirement nous supposons des changements de pondération des objectifs de politique économique dans les fonctions de perte des gouvernements et de la BCE. Nous comparons cette nouvelle configuration avec le jeu de Stackelberg sous contrainte budgétaire à N politiques monétaires nationales. Il apparaît que, contrairement aux deux évolutions précédemment étudiées, ce troisième changement a des effets différents selon les pays : tandis que pour certains pays (Allemagne, France, Portugal), la politique monétaire et la politique budgétaire sont assouplies par rapport au policy mix national, pour d’autres pays (Finlande, Belgique, Pays-Bas, Italie), les conditions de taux d’intérêt sont durcies et obligent les gouvernements à réduire plus fortement les dépenses publiques. La situation de l’Espagne, en revanche, reste quasiment inchangée. Nous distinguons par ailleurs, dans le changement de sensibilité du déficit public aux chocs d’offre, ce qui est lié au service de le dette et ce qui relève du déficit primaire. L’étude détaillée des indicateurs de la politique budgétaire est en effet un autre apport du modèle : alors que de nombreux papiers utilisent indifféremment les dépenses publiques ou le déficit dans la courbe IS et dans la fonction de perte du gouvernement, nous insistons sur la différence qu’induit le passage d’une variable à l’autre ; de plus, la décomposition du solde public entre solde primaire et intérêts sur la dette permet de mieux distinguer ce qui vient du choix du gouvernement et ce qui est endogène. Ce modèle théorique laisse donc penser qu’avant le passage à l’euro, les gouvernements pouvaient s’attendre à ce qu’il y ait des gagnants et des perdants a priori au passage à la monnaie unique. La France et l’Allemagne, notamment, s’attendaient peut-être à pouvoir accroître leurs marges de manœuvre budgétaires et à respecter plus facilement la règle de finances publiques. A l’opposé, des pays comme les Pays-Bas et la Finlande étaient supposés être pénalisés par le passage à une politique monétaire unique. Le décalage entre les prévisions du modèle et le niveau observé des soldes publics soulève de nouvelles questions. La rigueur budgétaire dont ont fait preuve les Pays-Bas, la Finlande, la Belgique et l’Espagne, leur permet-elle de se présenter comme d’autant plus vertueux que le passage à l’euro risquait d’accroître leurs déficits ? L’Allemagne a-t-elle soutenu la création du PSC d’autant plus vigoureusement qu’elle ne s’attendait pas à buter sur la règle ? La France et l’Allemagne profitent-elles de marges de manœuvre accrues, comme elles pouvaient l’espérer ? Le modèle que nous avons étudié est bien sûr beaucoup trop schématique pour donner une réponse définitive à ces questions. Il a toutefois l’avantage de souligner le décalage entre les effets que peuvent prévoir les modèles théoriques et les évolutions observées en réalité. Nous ne pouvons pas trancher et déterminer si les difficultés de la France et de l’Allemagne à respecter le PSC sont dues à des particularités structurelles que le modèle n’a pas prises en compte, ou bien si elles proviennent du manque de discipline budgétaire des dirigeants franco-allemands – et inversement pour les pays plus vertueux comme les Pays-Bas, la Finlande, l’Espagne et la Belgique. Cependant, nous avons suggéré que les résultats d’un modèle théorique, tout comme leur remise en cause par les faits, peuvent être repris dans l’argumentation des différents pays dans les négociations européennes.

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Eloïse Stéclebout

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CONCLUSION GENERALE

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

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La formation des politiques économiques européennes pose la question théorique inédite de la prise de décision collective par des Etats membres hétérogènes dans un cadre institutionnel et décisionnel qui n’est pas définitivement établi. Dans cette thèse, nous avons cherché à révéler les différents processus décisionnels mis en œuvre face à cette hétérogénéité, à travers quatre études comparatives sur des thèmes que la littérature économique considère habituellement de façon isolée : la politique régionale, la politique monétaire, la politique budgétaire et le policy mix. La trame d’analyse commune avait trois buts : • distinguer les traits saillants du changement des institutions européennes et de la

répartition du pouvoir entre les Etats membres et les institutions supranationales, • détailler les sources et le degré d’hétérogénéité entre les Etats et à l’intérieur des

Etats, • révéler les critères pertinents pour la formation des stratégies des différents acteurs

en présence, ainsi que les modalités de la prise de décision collective aboutissant à la mise en œuvre des politiques économiques européennes.

Une grille de lecture commune pour les quatre domaines étudiés A la lumière des résultats obtenus dans les quatre chapitres, nous pouvons établir un tableau de synthèse résumant les principaux résultats. Nous obtenons ainsi une grille de lecture commune pour les enjeux et les stratégies des acteurs supranationaux, nationaux et éventuellement infranationaux dans les différents domaines de politique économique étudiés, ainsi que pour l’évolution des processus décisionnels. Le tableau 5.1 rappelle également les résultats particuliers à chaque domaine, mis en avant par l’utilisation spécifique et ciblée de différents outils choisis dans la large panoplie offerte par la théorie économique. Il ressort de ce tableau que si une même grille d’analyse peut être appliquée aux quatre situations, en revanche le contenu de cette grille varie puisque les acteurs en conflit et les solutions mises en œuvre sont différents. Le conflit d’intérêts peut en effet opposer les gouvernements nationaux à la Commission, les Etats membres entre eux ou encore un gouvernement à un banquier central national ou européen. Quant à la forme de la structure institutionnelle, elle varie entre une configuration fortement intergouvernementale et une gouvernance multi-niveaux, entre la mise en œuvre d’une politique unique à l’échelle européenne et l’encadrement de politiques nationales par une règle de finances commune et face à une réactivité uniforme de la politique monétaire.

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

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Tableau 5.1. Les principaux résultats de la thèse : une vue d’ensemble Politiques régionales

communautaires Politique monétaire Politique budgétaire Policy mix

Enjeu La gestion des fonds structurels (niveau et répartition du budget entre Etats et entre régions)

Le choix du taux d’intérêt par les banques centrales nationales puis par la BCE

La gestion d’un bien public : la solvabilité et la stabilité financière de la zone euro

La gestion conjointe des politiques budgétaires et monétaire(s)

Objet du conflit Le contrôle des fonds structurels est disputé entre les Etats et la Commission, avec des interventions en amont et en aval de la part des régions

Le poids accordé à la situation économique de chaque pays

L’application plus ou moins souple des règles de finances publiques

Les externalités entre le budget et la politique monétaire : les décisions des ministres des Finances affectent l’objectif de la ou des banques centrales, et réciproquement

Sources d’hétérogénéité entre pays

- Les configurations politiques nationales : relation entre l’Etat central et les autorités régionales - La nature des problèmes : retard de développement ou déclin industriel, problèmes micro- ou macroéconomiques…

- Taille - Niveau d’inflation - Date de perte d’autonomie de la politique monétaire

- Taille - Date de perte d’autonomie de la politique monétaire - Réactivité des procédures budgétaires - Volonté politique

- Paramètres structurels (sensibilité de la demande aux dépenses publiques et au taux d’intérêt, sensibilité des prix à l’offre, sensibilité des recettes publiques à l’activité) - Niveau de la dette

Sources de pouvoir

- Le rôle dans le processus de décision : officiel ou indirect - La nature et l’étendue de l’information détenue et la qualité du traitement de l’information

- Dans le SME : asymétrie en matière d’inflation et de monnaies fortes ou faibles - Dans l’UEM : nombre de voix officiel ou pouvoir d’influence au Conseil des Gouverneurs de la BCE

Le nombre de voix au Conseil Ecofin

La séquence des choix : détermination simultanée des politiques budgétaire et monétaire ou banque centrale en position de Stackelberg-leader

Qui cherche à améliorer son pouvoir de décision et de quelle façon ?

- Les gouvernements protègent leur autonomie en maintenant un contrôle partiel de la définition des critères d’éligibilité - Les régions collectent de l’information auprès de la Commission et lui en transmettent de façon stratégique (lobbying informationnel) - La Commission s’appuie sur les régions pour développer son propre rôle face aux gouvernements

- Avant l’euro : domination progressive de l’Allemagne qui s’impose comme pays leader du SME - Après l’euro : les petits pays bénéficient d’une règle de vote à pondération uniforme ; les grands pays préfèreraient une meilleure prise en compte de la taille des pays

- Petits pays : se mettre à l’abri de sanctions et être en position de force grâce à un comportement vertueux - Grands pays : préserver leur marge de manœuvre budgétaire tout en évitant les sanctions grâce à leur poids au Conseil

- En tant que leader, la banque centrale peut mettre en avant son objectif principal de stabilisation des prix - La réactivité de la politique budgétaire est contrainte par l’introduction de l’objectif de stabilisation du solde public mais le passage à la monnaie unique a des effets différenciés selon les pays

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

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Politiques régionales communautaires

Politique monétaire Politique budgétaire Policy mix

Evolution du processus décisionnel

Passage de négociations exclusivement intergouvernementales à un certain degré de gouvernance multi-niveaux, avec le développement du rôle de la Commission et des régions

Passage d’une politique monétaire déterminée unilatéralement par l’Allemagne et imposée aux autres pays du SME à une politique monétaire unique décidée conjointement en fonction des intérêts de l’ensemble de la zone

- Durcissement entre les principes initiaux du traité et le dispositif créé par le PSC, puis lent assouplissement progressif face au nombre croissant d’Etats membres butant sur la règle - Réinterprétation et redéfinition de la règle sous l’effet du comportement déviant des Etats membres, tant pour les finances publiques que pour l’application des sanctions

- Les banques centrales deviennent indépendantes des gouvernements et prennent la position de leaders - Les critères de Maastricht et le Pacte de stabilité imposent une contrainte budgétaire aux gouvernements - Passage de onze puis douze politiques monétaires nationales à une politique monétaire unique

Principaux apports des outils théoriques mobilisés

Apports des modèles de lobbying informationnel : - Réhabilitation du lobbying : il est nécessaire au fonctionnement de la Commission, qui manque d’expertise ; d’autre part, la transmission stratégique d’information ne peut pas être toujours un simple mensonge - La Commission peut améliorer sa position inconfortable face aux lobbies (configuration de type Potters et van Winden) soit en augmentant ses sources (configuration de type Lohmann), soit en menant ses propres recherches (configuration de type Rasmusen et Sloof)

Simulations de règles de vote : - Une hétérogénéité persiste entre pays de l’UEM (surtout en raison des écarts d’inflation) - La procédure de décision importe : le taux résultant des votes nationaux varie selon les pondérations dans la règle de vote et le mode d’agrégation (moyenne pondérée ou le vote de l’électeur médian) - La politique monétaire de la BCE est plutôt satisfaisante sous les hypothèses retenues : elle suit d’assez près la règle correspondant le plus aux intérêts de la zone et reste inférieure à la règle de vote reproduisant le taux qui résulterait de votes nationalistes avec la pondération uniforme en vigueur actuellement

Révélation des critères motivant le soutien ou l’opposition à une réforme du PSC : - Opposition de principe de la part des pays vertueux, pour défendre leurs intérêts, parce qu’ils ne sont pas menacés de sanctions et parce que le comportement passé de certains pays invalide le critère d’ignorance de Rawls - Pour les réformes gagnants-perdants : le critère de gain absolu entraîne l’opposition des perdants à la réforme - Pour les réformes gagnants-gagnants : le critère de gain relatif (cf. jeu de l’ultimatum) conduit à refuser des gains positifs mais jugés inéquitables

Effet du changement des règles du jeu : - Sous l’effet du passage à un jeu de Stackelberg et de l’introduction de l’objectif de stabilisation du solde public, les politiques budgétaires sont rendues de plus en plus restrictives face à un choc d’offre inflationniste - Le modèle théorique indique cependant que l’Allemagne, la France et le Portugal pouvaient s’attendre (peut-être à tort) à gagner au passage à l’euro en termes de marges de manœuvre budgétaire, ce qui a pu motiver leur soutien à l’introduction de la monnaie unique

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

231

Changement institutionnel, hétérogénéité et évolution des processus décisionnels : un bilan

Afin de mieux rendre compte des interactions entre le cadre institutionnel, l’hétérogénéité entre Etats membres et le processus décisionnel, nous pouvons reprendre le schéma général présenté dans l’introduction et l’appliquer à chaque politique économique. Figure 5.1. Les politiques régionales et structurelles

Objectifs de la Commission

CADRE INSTITUTIONNEL : Conflits de pouvoir entre la

Commission et les Etats membres à propos du degré

de contrôle de la Commission sur la gestion des Fonds

structurels

SOURCES DE L’HETEROGENEITE ENTRE

ETATS MEMBRES ET ENTRE REGIONS : - Caractéristiques socio-économiques - Qualité du traitement des dossiers - Degré d’engagement et de cohésion des acteurs politiques locaux

PROCESSUS DE FORMATION DES POLITIQUES REGIONALES

Négociations intergouvernementales : les Fonds structurels comme

paiements parallèles

Répartition des Fonds structurels

Budget des Fonds structurels

Européanisation montante

Critères techniques d’éligibilité

Lobbying informationnel des

régions

Influence la délimitation des pouvoirs de la

Commission et des Etats membres

Poids de la Commission Position dans les

négociations intergouvernementales

Les politiques structurelles visent à réduire les disparités

Européanisation descendante

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

232

En ce qui concerne les politiques régionales [figure 5.1], les changements du cadre institutionnel sont marqués par l’évolution du rôle relatif de la Commission et des Etats membres : à l’origine, la politique régionale prenait la forme de simples transferts intergouvernementaux utilisés sans le contrôle de la Commission, puis la Commission a fait passer ses propres objectifs et accru son rôle et son pouvoir à travers la définition de quatre principes de gestion des Fonds structurels ; enfin, ce contrôle a été remis en cause par les réformes de 1993 et 1999, par lesquelles les gouvernements ont rétabli partiellement leur influence sur le choix des zones éligibles. Les caractéristiques socio-économiques (part du secteur agricole, de l’industrie, niveau de PIB par habitant, régions en retard de développement ou vieilles régions industrielles en déclin, régions centrales ou périphériques, etc.) constituent une source importante d’hétérogénéité entre Etats et elles déterminent par ailleurs le niveau des recettes au titre des politiques structurelles et de la PAC et, en partie, le niveau de la contribution nette au budget européen – donc la position des Etats membres dans les négociations européennes sur les paiements parallèles. La qualité du traitement de l’information est également un élément discriminant entre Etats membres et entre régions, ainsi que le niveau d’implication des représentants politiques infranationaux dans les négociations européennes. L’action de ces acteurs régionaux peut se faire à travers les représentations permanentes à Bruxelles, qui leur permettent de faire parvenir leurs points de vue à la Commission. Des initiatives institutionnelles locales peuvent ainsi devenir des instruments de politique régionale au niveau communautaire et fournir de nouvelles sources de financements, selon un processus d’européanisation montante puis descendante. L’évolution des processus de formation des politiques monétaires s’est faite en plusieurs étapes [figures 5.2 et 5.3]. Le fonctionnement asymétrique du SME et la pression croissante des mouvements de capitaux ont fini par contraindre les Etats membres à renoncer à l’autonomie de leur politique monétaire nationale pour s’ancrer sur la politique domestique de la Bundesbank. Ensuite, le passage à une politique monétaire véritablement unique s’est accompagné d’un changement des règles de décision collective, dont l’étude montre qu’elles ont jusqu’à présent conduit à un taux d’intérêt assez conforme aux intérêts de la zone dans son ensemble. A part l’Allemagne, les pays participants ont donc pu rétablir partiellement un degré de contrôle sur la détermination de la politique monétaire dans le sens où la politique n’est plus biaisée en faveur de l’Allemagne. Cependant, puisque des écarts d’output gap et d’inflation persistent entre les Etats membres, la politique monétaire unique ne peut pas répondre aux besoins de chaque pays. Il est donc nécessaire de pouvoir utiliser les politiques budgétaires nationales en complément de la politique monétaire unique. Or, la marge de manœuvre budgétaire est limitée par les règles de contrôle des finances publiques qui visent à assurer la solvabilité des Etats. La nécessité d’utiliser pleinement la politique budgétaire entre donc en conflit avec le besoin d’encadrer les politiques budgétaires nationales dans une union monétaire. Ce conflit sous-tend les négociations sur l’application du Pacte de stabilité et de croissance [figure 5.4].

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

233

Figure 5.2. Les politiques monétaires dans le SME

L’Allemagne s’impose comme leader de fait et choisit son taux

d’intérêt selon ses besoins

CADRE INSTITUTIONNEL : - N politiques monétaires nationales - Changes fixes avec, en théorie, une défense symétrique des parités par les banques centrales - Libéralisation complète des mouvements de capitaux dans le SME à partir de juillet 1990

HETEROGENEITE ENTRE

ETATS MEMBRES : L’Allemagne ayant un taux d’inflation plus bas que celui de ses partenaires, le Mark a tendance à s’apprécier par rapport aux autres monnaies du SME

EVOLUTION DE LA FORMATION DES POLITIQUES MONETAIRES

Certains pays conservent initialement une politique monétaire autonome

grâce au contrôle des capitaux (ex. : France, Belgique, Italie)

D’autres pays calent leur inflation et leur politique monétaire sur

l’Allemagne dès le début du SME (ex. : Pays-Bas, Autriche)

Les autres pays du SME sont suiveurs et finissent par

s’aligner sur la politique de la Bundesbank

PUIS

Désinflation et convergence plus ou

moins tardive des taux d’inflation

Pressions accrues sur les marchés financiers

après 1990

De fait, les interventions de la Bundesbank pour

contrecarrer l’appréciation du Mark sont moins douloureuses que les interventions des autres banques centrales

pour défendre leurs monnaies

Perte de l’autonomie

des politiques monétaires

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

234

Figure 5.3. La politique monétaire du SME à l’UEM

Même en supposant que les le taux d’intérêt préférés nationaux sont calculés selon la

même règle de Taylor, des écarts persistent

CADRE INSTITUTIONNEL : Passage de N politiques monétaires nationales et N monnaies à une monnaie unique et une politique monétaire unique décidée par le Conseil des Gouverneurs de la BCE (12 gouverneurs des BCN + 6 membres du Directoire)

HETEROGENEITE ENTRE

ETATS MEMBRES : - Taille des pays - Malgré la convergence, des écarts d’inflation persistent - Ecarts moindres de cycle économique - L’élargissement de l’UEM accroîtra l’hétérogénéité (au moins en termes de taille des pays)

EVOLUTION DE LA FORMATION DES POLITIQUES MONETAIRES

Système asymétrique dominé par la

Bundesbank, décisions de politique monétaire

correspondant aux besoins de l’Allemagne

La révélation indirecte des votes ne conclut pourtant pas à des comportements

nationalistes au sein du CG mais à une prise de décision collective conforme aux

intérêts de l’ensemble de la zone euro

PUIS

Conflit entre petits et

grands pays sur la pondération des votes au Conseil des

Gouverneurs exacerbé par la perspective de l’élargissement

Si les nouveaux adhérents poursuivent leur

désinflation, le bon fonctionnement du processus

décisionnel peut être préservé

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

235

Figure 5.4. Les négociations sur le Pacte de stabilité et de croissance

Les débats sur le Pacte de stabilité sont au cœur de plusieurs conflits de pouvoir. • La Commission cherche à renforcer son rôle face au Conseil Ecofin pour éviter qu’il

ne contourne à nouveau ses recommandations. • Les pays participant à l’euro veulent renforcer leur pouvoir par rapport aux pays out

en donnant à l’Eurogroupe un caractère plus formel et un pouvoir de décision isolé du Conseil Ecofin.

• Certains pays demandent par ailleurs à titre individuel davantage de pouvoir ou un traitement plus favorable, en invoquant plusieurs arguments : les grands pays, parce que freiner leur croissance économique ralentirait toute la zone euro ; les pays

CADRE INSTITUTIONNEL : Conflits sur la répartition des rôles entre la Commission européenne, le Conseil Ecofin, l’Eurogroupe et les gouvernements nationaux

HETEROGENEITE ENTRE

ETATS MEMBRES : - Taille des pays - Réactivité des procédures budgétaires - Ancienneté de la perte d’autonomie de la politique monétaire - Comportement plus ou moins vertueux en matière de discipline budgétaire

FORMATION DE COALITION DE SOUTIEN OU DE REJET DES REFORMES

Etats membres : critères de soutien à une proposition de réforme Critères instantanés (gain absolu ou gain relatif), tournés vers l’avenir (effet de dotation) ou vers le passé (anti-critère de Rawls), ou stratégie plus large (jeux imbriqués dont le PSC n’est qu’un élément)

Commission : critère d’évolution des propositions Arbitrage entre une volonté d’application de la règle à la lettre et le risque que la règle devienne obsolète si une majorité de pays finit par buter dessus

Interprétation et application plus ou moins stricte du PSC

Différentes catégories de pays

(grands, vertueux, peu endettés, participant à l’euro) réclament plus

de pouvoir ou un traitement plus

favorable

Conditionne l’application de la règle et le vote de

sanctions

L’application stricte du PSC conduit de plus en plus de pays à buter sur la

règle

Le nombre croissant de pays butant sur le PSC rend le besoin de

réforme plus pressant

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

236

vertueux, parce que leur effort mérite d’être récompensé ; les pays faiblement endettés, parce que leur solvabilité n’est pas menacée.

Dans ce contexte, l’invalidation ex post du critère d’ignorance de Rawls fait que les pays sont favorables ou opposés à une réforme du Pacte de stabilité en fonction du comportement passé des gouvernements, en termes de discipline budgétaire et de sanctions subies ou écartées. Si l’on regarde plus en détail les propositions de réformes, on révèle que le critère standard de gain absolu n’est pas toujours pertinent puisque certains pays refusent des réformes dont ils retireraient pourtant un avantage. Le critère de gain relatif explique alors mieux la formation des positions nationales sur les réformes gagnants-gagnants. L’effet de dotation indique par ailleurs que les gouvernements peuvent anticiper les effets à moyen terme d’une réforme. Enfin, le fait de replonger les négociations dans un jeu plus vaste de négociations intergouvernementales aide à comprendre que des stratégies paraissant localement sous-optimales peuvent en fait constituer un élément de stratégie optimale dans un cadre de jeux imbriqués. Quant à la Commission, elle est partagée entre une volonté affichée de faire respecter les règles européennes par les Etats membres, afin de soutenir la crédibilité de ces règles, et la nécessité de réformer la règle avant que le Pacte ne disparaisse complètement à force de ne plus être appliqué par les Etats membres. Or, plus l’application stricte du Pacte se prolonge, plus le nombre de pays butant sur la règle augmente, ce qui menace le maintien du Pacte. La difficulté pour la Commission est donc d’intervenir au bon moment, sachant qu’un assouplissement trop précoce ou trop tardif du Pacte remettrait en cause sa crédibilité, bien que ce soit pour des raisons différentes. Enfin, l’évolution des conditions de formation du policy mix [figure 5.5] est caractérisée par trois changements : • l’exigence de l’indépendance de la banque centrale nationale comme condition de

qualification pour la participation d’un pays à l’euro, ce qui a eu pour effet de donner aux banques centrales une position plus forte face aux gouvernements ;

• l’introduction des critères de convergence de Maastricht puis du Pacte de stabilité, conduisant les gouvernements à se concentrer davantage sur la réduction des déficits publics ;

• le passage de politiques monétaires nationales à une politique unique. La traduction de ces évolutions en termes de fonctions objectifs des gouvernements et de séquence des décisions prises par le gouvernement et la banque centrale conduit à des évolutions différenciées des marges de manœuvre budgétaires selon les pays.

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

237

Figure 5.5. Les conditions de formation du policy mix

Apports de ces travaux à la théorie économique et limites Intérêt de cette approche pour l’étude des politiques économiques européennes Un des principaux résultats de la thèse est l’établissement d’une grille de lecture et d’un schéma d’analyse pour des domaines de politique économique qui sont habituellement traités de façon séparée. Cette approche fournit aussi un éclairage plus systématique sur les relations intergouvernementales et sur les rapports entre le niveau national, supranational et infranational.

HETEROGENEITE ENTRE ETATS

MEMBRES : - Paramètres macroéconomiques structurels - Niveau de la dette

FORMATION DU POLICY MIX

Modification des objectifs des banques centrales

Passage de banques centrales nationales à la BCE : renforcement de l’objectif de stabilité des prix

Modification de la règle de décision Passage d’un équilibre de Nash à un jeu séquentiel avec les banques centrales indépendantes en meneurs de Stackelberg

puis avec la BCE en meneur de Stackelberg

Modifie les fonctions objectifs et la séquence

des décisions

Renforce l’hétérogénéité du point de vue de la réactivité de la politique

budgétaire

Rend le respect des règles de

finances publiques plus ou moins aisé en cas

de choc

Modification des objectifs des gouvernements

Introduction de critères de finances publiques : passage d’un objectif de stabilité des dépenses publiques à un objectif de stabilité du solde public

CHANGEMENT INSTITUTIONNEL : - Les banques centrales deviennent indépendantes - Introduction des critères de Maastricht et du Pacte de stabilité (règle commune de finances publiques) - Passage de douze politiques monétaires nationales à une politique monétaire unique

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

238

L’approche dynamique des processus de décision permet de mieux rendre compte de l’évolution des institutions et des règles du jeu sous l’effet des conflits d’intérêt. Ce résultat est particulièrement important dans le cas de l’Union européenne, où les acteurs politiques forment et apprennent les règles en même temps qu’ils les découvrent. Les effets d’apprentissage et d’expérience s’observent notamment dans la diffusion des innovations institutionnelles locales à travers l’européanisation des politiques régionales, dans l’évolution du comportement des membres du SME au fur et à mesure que de nouvelles contraintes modifiaient leurs stratégies et dans les changements d’interprétation et d’application du Pacte de stabilité. L’observation de l’histoire des négociations dans les règles et sur les règles est donc nécessaire pour compléter les résultats de la théorie des jeux qui suppose au contraire des règles établies, fixes et connues de tous. Enfin, l’utilisation d’un cadre d’analyse commun conceptuel plutôt que d’un modèle général formalisé laisse davantage de flexibilité afin de choisir ensuite pour chaque domaine d’étude les outils les plus à même de rendre compte de l’évolution du processus de formation de la politique économique concernée. Cela laisse envisager l’application ultérieure de ce cadre d’analyse à d’autres domaines en mobilisant d’autres outils. La sélection des outils les plus pertinents peut notamment passer par un renouvellement de l’utilisation d’approches traditionnelles en les combinant à des éléments de théorie des jeux et d’économie expérimentale. Intérêts pour l’étude de la prise de décision collective par des acteurs hétérogènes Il est difficile d’étudier les modalités de la prise de décision collective lorsque l’on n’observe que la décision finale, mais pas le détail des décisions individuelles ni les stratégies individuelles qui les motivent. Nous avons développé dans cette thèse une approche inductive afin de tenter de dépasser le problème d’absence d’observation. Ainsi, pour l’étude des règles de décision au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE, le problème est que les débats et les votes ne sont pas rendus publics et qu’une analyse directe est impossible. Nous avons donc choisi de mettre en œuvre un processus de révélation indirecte de la règle, en simulant plusieurs règles et en les confrontant à la décision collective observée afin de révéler la règle la plus susceptible d’avoir été suivie. De la même façon, dans le débat sur la réforme du Pacte de stabilité, on ne dispose que d’une information limitée : d’une part, la révélation partielle des positions des Etats membres à travers leurs déclarations et leurs votes au Conseil Ecofin et, d’autre part, l’absence de réforme profonde du Pacte de stabilité, indiquant un blocage des négociations. Nous avons suivi la même méthode inductive en appliquant différents critères de choix aux propositions de réformes. Cela nous a conduit à rejeter comme non pertinent tout critère conduisant à l’acceptation unanime d’une proposition de réforme alors que dans les faits certains pays s’y opposent fermement. Par élimination, nous avons ainsi pu révéler des critères vraisemblablement discriminants pour la formation des stratégies. Pour réaliser ces simulations, nous avons complété les relations macroéconomiques habituelles (règle de Taylor, modélisation macroéconomique) par des méthodes issues

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Eloïse Stéclebout Conclusion générale

239

de la théorie des jeux et de la théorie des négociations : comparaison de différentes règles de vote, conclusions de la théorie des jeux expérimentale, résultats de l’économie psychologique. Cela a permis de révéler que les acteurs adaptent leurs stratégies en fonction de divers éléments, dont la trajectoire passée, les nouvelles informations venant soit d’autres acteurs, soit d’une meilleure connaissance du processus décisionnel, ou encore l’ordre des décisions et la liste des options disponibles. Enrichir le contenu institutionnel et décisionnel de la politique économique Nous avons montré qu’au-delà de la multiplicité des champs abordés, l’étude des fondements institutionnels des décisions économiques collectives constitue une approche intéressante qui permet de rétablir le lien entre des domaines souvent séparés par la spécialisation des sciences économiques. Nous espérons que ce passage par une racine commune de la formation des politiques économiques contribuera à enrichir à son tour les analyses sectorielles. Il apparaît nécessaire de dépasser une vision atemporelle et mécanique de la politique économique et de prendre en compte l’importance du cadre institutionnel, des procédures décisionnelles et de leur changement. Cette thèse a en effet illustré par plusieurs études qu’en Europe, les décisions de politique économique reposent sur des processus de décision collectifs qui évoluent et font évoluer le cadre institutionnel sous l’effet des phénomènes d’apprentissage et des conflits nés de l’hétérogénéité. Nous sommes convaincu que tenir compte du processus décisionnel et replonger la formation des politiques économiques dans leur contexte institutionnel affinerait les résultats de l’analyse économique également en dehors de l’espace européen. Limites et perspectives L’intégration européenne dans ses développements récents a certes l’intérêt de susciter de nouvelles approches théoriques et empiriques de la formation des politiques économiques, mais la jeunesse de ces évolutions est également ce qui constitue leur principale difficulté pour l’analyse économique. Le caractère provisoire des données, dont certaines sont substantiellement corrigées jusqu’à trois ans plus tard, et a fortiori l’utilisation de projections, rendent les résultats de cette thèse eux aussi exploratoires ; aussi sera-t-il nécessaire de les réexaminer dans quelque temps, à la lumière de nouvelles observations. De même, le passage à l’euro et la création de la BCE sont trop récents pour que l’on puisse actuellement mener des estimations économétriques fiables sur l’après-1999. Pour les mêmes raisons d’absence de recul, nous regrettons de ne pas avoir pu développer davantage l’approche des négociations en termes de jeux imbriqués, mais nous nous promettons de reprendre cette analyse lorsque nous disposerons d’une séquence plus longue de négociations imbriquées. Enfin, les conclusions tirées de l’étude de débats contemporains et de négociations en cours présentent le risque de tomber en désuétude si de nouveaux événements bouleversent les enjeux. Heureusement, c’est aussi le caractère complexe, évolutif et actuel des questions européennes qui rend leur étude si stimulante pour la théorie économique.

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Eloïse Stéclebout

240

ANNEXES DU CHAPITRE 1

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

241

ANNEXE 1.1 : STATISTIQUES Graphique 1.1. Evolution du budget annuel des politiques structurelles

Ressources annuelles des Fonds structurels et du Fo nds de cohésion(en milliards d'euros, prix 1999)

0

5

10

15

20

25

30

35

40

1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

Source : Commission européenne Note : pour 2002-2006, estimations d’après la programmation pour 2000-2006. Tableau 1.7 Evolution du budget des politiques structurelles par période de programmation (en milliards d’euros, prix 1999)

1989-1993 (paquet Delors I) 70 (14 par an) 1994-1999 (paquet Delors II) 177 (29,5 par an) 2000-2006 (Agenda 2000) 213 (30,4 par an)

Source : Commission européenne Tableau 1.8. Evolution de la part des politiques structurelles dans le budget européen et comparaison avec la politique agricole commune

Part des politiques

structurelles

Part de la PAC

1988 17% 60% 1992 27% 52% 1999 35% 45%

Source : Rapport Sapir [Commission européenne 2003]

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

242

Graphique 1.2. Répartition des aides structurelles en 2000-2006 (en milliards d’euros, prix 1999)

Fonds de Cohésion

18,24

Actions innovatrices

1

Pêche1,11

Objectif 222,45

Objectif 3 24,05

Initiatives communautaires

10,44

Objectif 1135,95

Source : Commission européenne

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

243

Tableau 1.9. Répartition des Fonds structurels par objectif, par initiative et par pays en 2000-2006 (en millions d’euros, prix 1999 ; hors actions innovatrices)

Source : Commission européenne et calculs de l’auteur Graphique 1.3. Répartition des aides structurelles par Etat en 2000-2006 (en millions d’euros, prix 1999)

0

10000

20000

30000

40000

50000

60000

L DK A B FIN S NL IRL F UK P EL I D E

Objectifs prioritaires Initiatives communautaires Fonds de cohésion

Source : Commission européenne et calculs de l’auteur Note : le montant des versements de l’IFOP et au titre des actions innovatrices est trop faible pour qu’ils apparaissent sur le graphique.

OBJECTIFS PRIORITAIRES INITIATIVES COMMUNAUTAIRES

ETATS MEMBRES

Obj

ectif

1

Sou

tien

tran

0ito

ire

Obj

ectif

1

Obj

ectif

2

Sou

tien

tran

s.

ex-O

bjec

tifs

2 et

5b

Obj

ectif

3

Sou

s-to

tal

obje

ctifs

pr

iorit

aire

s

Inte

rreg

III

Urb

an II

Equ

al

Lead

er+

Sou

s-to

tal I

C

Fon

ds d

e C

ohés

ion

IFO

P

TO

TA

L (h

ors

actio

ns

inno

vatr

ices

)

Belgique 0 625 368 65 737 1795 104 20 70 15 209 34 2038 1,0% Danemark 0 0 156 27 365 548 34 5 28 16 83 197 828 0,4% Allemagne 19229 729 2984 526 4581 28049 737 140 484 247 1608 107 29764 14,0% Grèce 20961 0 0 0 0 20961 568 24 98 172 862 3060 0 24883 11,7% Espagne 37744 352 2553 98 2140 42887 900 106 485 467 1958 11160 200 56205 26,5% France 3254 551 5437 613 4540 14395 397 96 301 252 1046 225 15666 7,4% Irlande 1315 1773 0 0 0 3088 84 5 32 45 166 720 0 3974 1,9% Italie 21935 187 2145 377 3744 28 388 426 108 371 267 1172 96 29656 14,0% Luxembourg 0 0 34 6 38 78 7 0 4 2 13 0 91 0,0% Pays-Bas 0 123 676 119 1686 2604 349 28 196 78 651 31 3286 1,5% Autriche 261 0 578 102 528 1469 183 8 96 71 358 4 1831 0,9% Portugal 16124 2905 0 0 0 19029 394 18 107 152 671 3300 0 23000 10,8% Finlande 913 0 459 30 403 1805 129 5 68 52 254 31 2090 1,0% Suède 722 0 354 52 720 1848 154 5 81 38 278 60 2186 1,0% Royaume-Uni 5085 1166 3989 706 4568 15514 362 117 376 106 961 121 16596 7,8%

Réseaux 47 15 50 40 152 152 0,1%

127543 8411 19733 2721 24050 182458 4875 700 2847 2020 10442 18240 1106 212246 100% UE-15

60,1% 4,0% 9,3% 1,3% 11,3% 86,0% 2,3% 0,3% 1,3% 1,0% 4,9% 8,6% 0,5% 100%

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

244

Tableau 1.10. Aides structurelles accordées à la France en 2000-2006 (en millions d’euros)

Objectifs prioritaires 14 395 Objectif 1 3 254 Objectif 1 soutien transitoire 551 Objectif 2 5 437 Objectif 2 soutien transitoire 613 Objectif 3 4 540 Initiatives communautaires 1 046 Interreg III 397 Urban II 96 Equal 301 Leader + 252 TOTAL 15 441

Source : Commission européenne Tableau 1.11. Aides structurelles accordées au NPdC en 1994-1999 (en millions d’euros)

Objectifs prioritaires 1146,8 Objectif 1 458,4 Objectif 2 688,4 Initiatives communautaires 205,6 Interreg II Hainaut / NPdC / Picardie 71,5 Interreg II NPdC / Flandres 18 Interreg II NPdC / Kent 45,1 Urban Roubaix-Tourcoing 7 Urban Valenciennes 4,9 Rechar II 16,9 Resider II 14,3 Konver II 1,1 Retex 7,7 Adapt 3,4 Emploi 13,7 Leader 2 TOTAL 1352,4

Source : Commission européenne et calculs personnels Tableau 1.12. Les financements européens dans le NPdC en 2000-2006 (en millions d’euros)

Objectifs prioritaires 997,2 Objectif 1 soutien transitoire 389 Objectif 2 (partiellement soutien transitoire) 608,2

Financements totaux accordés aux programmes de coopération territoriale auxquels participe le NPdC (en millions d’euros) :

Interreg IIIA France/Royaume-Uni 106 Interreg IIIA France/Wallonie/Flandre 86 Interreg IIIB Europe du Nord-Ouest 329 Interreg IIIC Ouest 139

Source : Commission européenne

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

245

Tableau 1.13. Origine des fonds publics dans le NPdC en 2000-2006 (en millions d’euros)

Etat 1597 37,2% Région 1070 24,9% Départements 396 9,2% Fonds européens 1235 28,7% TOTAL 4298 100%

Source : Contrat de Plan Etat-Région 2000-2006

Tableau 1.14. Budget annuel de la région NPdC (en millions d’ECU et d’euros, prix courants)

1998 846 1999 869 2002 1157 2003 1206

Source : Conseil régional NPdC Graphique 1.4. Part dans la population de l’UE en 2004

Part dans la population de l'Union européenne en 20 04

0%2%4%6%8%

10%12%14%16%18%20%

Allem

agne

Franc

e

Royau

me-

UniIta

lieEsp

agne

Polog

nePay

s-Bas

Grè

ceBel

gique

Portu

gal

Répub

lique

tchèqu

eHon

grie

Suède

Autric

heDan

emar

kSlo

vaqu

ieFinl

ande

Irlan

deLi

tuan

ieLe

ttonie

Slové

nieEst

onie

Chypr

e

Luxe

mbo

urg

Mal

te

Source : Eurostat

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

246

Graphique 1.5. Part dans le PIB de l’UE à 25

Part dans le PIB de l'Union européenne à 25 (donnée s 2003)

0%

5%

10%

15%

20%

25%

Allem

agne

Royau

me-

UniFra

nce

Italie

Espag

nePay

s-Bas

Belgiq

ueSuè

deAut

riche

Danem

ark

Polog

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Finlan

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Répub

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eHon

grie

Slova

quie

Slové

nie

Luxe

mbo

urg

Litu

anie

Chypr

eLe

ttonie

Eston

ieM

alte

Source : Eurostat

Graphique 1.6. PIB par habitant en SPA SPA = standard de pouvoir d’achat : permet de pour tenir compte des différences de niveaux de prix entre les pays.

PIB par habitant en SPA (prévisions pour 2004)

0

25

50

75

100

125

150

175

200

225

Luxe

mbour

g

Irland

e

Danem

ark

Autric

he

Royau

me-Uni

Pays-

Bas

Belgique

Suède

Franc

e

Finlan

de

UE-15

Allem

agne

Italie

UE-25

Espag

ne

Chypre

Grèce

Slovénie

Portug

al

Malt

e

Répub

lique

tchèqu

e

Hongr

ie

Slova

quie

Estonie

Litua

nie

Polog

ne

Letto

nie

Source : Eurostat

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

247

ANNEXE 1.2 : LE MODELE DE LOBBYING INFORMATIONNEL DE POTTERS ET VAN

WINDEN (1992) Hypothèses spécifiques à ce modèle

• un seul groupe de pression (F) face au décideur politique (G), • le lobby dispose d’une information parfaite, • le lobby a la possibilité de mentir, • envoyer un message a un coût c pour le lobby (aucun coût pour le décideur), • le décideur n’a pas la possibilité de mener ses propres recherches pour vérifier la

valeur du paramètre.

G choisit une action x∈ X = x1, x2 où x2 est favorable à F. Les paiements des joueurs pour une action x dépendent de l’état de la natureθ, avec θ ∈Θ = θ1, θ2. La vraie valeur de θ est une information privée de F. Avant que G ne prenne sa décision, F peut :

• lui envoyer un message s = m° (signal « θ = θ2 »), coût : c • ou ne pas lui envoyer de message (s = n), coût : 0

Matrice des paiements Lecture : (paiement de G, paiement de F) NB : la structure de cette matrice des paiements est inhabituelle : θ n’est pas une action de F mais l’état de la nature.

θ = θ1 θ = θ2 x = x1 a1, 0 0, 0 x = x2 0, b1 a2, b2

ai > 0 (i = 1,2) : paiement de G quand il prend la « bonne » décision x = xi quand θ = θi. Quand G joue x2, F reçoit un paiement bi quand θ = θi. On suppose b1 > 0 et b2 > 0, d’où un conflit d’intérêts partiel : • quand θ = θ1, F a intérêt à mentir, • quand θ = θ2, F a intérêt à dire la vérité. Notation : Quand θ = θi, on dit que le type du lobby est Fi. Stratégie des joueurs • Probabilité que G joue x2 quand il reçoit le signal s : σ(s) (avec s∈ S = m°,n) • Probabilité que Fi envoie le message s : ρi (s) Croyances de G • Ex ante : G attribue à l’état θ2 la probabilité p • Ex post : après avoir reçu le message s, G attribue à l’état θ2 la probabilité

q(s) = Pθ=θ2|s

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

248

Equilibre de lobbying (LE : lobbying equilibrium) Couple (σ,ρ) vérifiant les conditions : (1) Si ρi (s) > 0, alors s maximise biσ(s) - c(s)

De plus, ρi(m°) +ρi(n) = 1 pour i = 1, 2 (ρ doit maximiser l’espérance de paiement de F, en prenant la stratégie de G comme donnée)

(2) Si σ(s) > 0 (resp. < 1), alors q(s)≥ (resp. ≤ ) α = a1/(a1+a2) (σ doit maximiser l’espérance de paiement de G étant donné sa croyance ex post)

(3) q(s) = )s(p)s()p1(

)s(p

21

2

ρρρ

+−

si le dénominateur est positif ;

sinon, la croyance q(s) doit être concentrée sur le type Fi qui est le plus susceptible d’envoyer le signal hors équilibre s. (Lorsque c’est possible, la croyance de G doit respecter la règle de Bayes, et en dehors de l’équilibre, la croyance se concentre sur le type le plus susceptible d’envoyer un message différent du message d’équilibre)

Conditions sur les paramètres

• Si b1 > b2 > 0 alors ρi (m°) = 0 et σ(n) = σ(p) dans tout LE. (F est plus incité à envoyer un message faux quand θ = θ1 qu’un message honnête quand θ = θ2 donc G considèrerait tout message m° comme un mensonge)

• Pour que F envoie des messages, il faut que b2 > c (sinon le coût des messages serait prohibitif)

d’où les conditions d’existence du lobbying : b2 > b1 > 0

b2 > c Cas à distinguer selon la valeur des paramètres b1 < c le coût d’envoi du message est prohibitif pour F1 b1 > c le coût n’est pas prohibitif p > α sur la base de ses croyances ex ante, G déciderait de jouer x2

(favorable à F) p < α sur la base de ses croyances ex ante, G déciderait de jouer x1

(défavorable à F)

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

249

Equilibres de lobbying

p < αααα : équilibre unique p > αααα : équilibre multiple (LE3)

ρ1 (m°) = ρ2(m°) = 0 σ(n) = σ(m°) =1

(LE4)

ρ1 (m°) = 0, ρ2 (m°) =)1(p

)p1(1

αα

−−−

,

σ(n) = 1 - 2b

c, σ(m°) = 1

c < b1 < b2 (LE1)

ρ1 (m°) =α

α)p1(

)1(p

−−

, ρ2 (m°) = 1

σ(n) = 0, σ(m°) = c/b1

(LE5) ρ1 (m°) = ρ2 (m°) = 1 σ(n) = 0, σ(m°) =1

(LE2) b1 < c < b2 (LE2) ρ1 (m°) = 0, ρ2 (m°) = 1 σ(n) = 0, σ(m°) =1 (LE3)

Interprétation LE1 F2 envoie toujours un message et F1 a une stratégie mixte (il faut en effet que la

probabilité qu’un message vienne de F2 soit plus élevée que celle qu’un message vienne de F1 pour que G décide de jouer x2). Le message est donc informatif, mais comme un doute existe, G a une stratégie mixte. En revanche, G interprète l’absence de message comme la révélation que θ = θ1.

LE2 Comme le coût est prohibitif pour F1, seul F2 envoie un message, et quand il

reçoit un message, G en conclut toujours que θ = θ2. LE3 Quand les croyances ex ante de G sont déjà favorables à F, n’effectuer aucun

lobbying est toujours une stratégie optimale pour F. LE4 Seul F2 envoie un message avec une probabilité positive, donc un message est

une preuve que θ = θ2. Par ailleurs, comme σ(n) est très élevé, F1 n’a pas intérêt à envoyer un message coûteux.

LE5 G est certain de recevoir un message. S’il n’en reçoit pas (s n’est pas un signal

d’équilibre), G en conclut que θ = θ1 (cf. condition d’équilibre (3)).

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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Conclusions Le groupe de pression a parfois intérêt à effectuer du lobbying, même s’il est coûteux, dans deux cas :

• si cela permet de modifier le choix que le décideur aurait fait en se fondant sur ses propres croyances ex ante (LE1, LE2)

• si le fait que le décideur reçoive un message l’amène à prendre une décision plus favorable au groupe de pression qu’en l’absence de message (LE2, LE4, LE5)

En termes de paiements associés à ces équilibres :

• dans certains cas (par exemple LE2), à la fois le décideur politique et le groupe de pression retirent des bénéfices du lobbying

• d’autres cas (par exemple LE5), les coûts consacrés au lobbying informationnel sont une pure perte pour les deux joueurs.

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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ANNEXE 1.3 : LE MODELE DE LOBBYING INFORMATIONNEL DE LOHMANN (1995) Hypothèses spécifiques à ce modèle • n groupes d’intérêt (n impair) font face à un décideur politique • Chaque groupe d’intérêt possède une information imparfaite mais, pris ensemble au

niveau agrégé, les groupes sont parfaitement informés • Théoriquement, les groupes d’intérêt peuvent mentir (mais le jeu est tel que

finalement aucun ne ment) • Envoyer un message peut entraîner un coût pour un groupe d’intérêt sous forme de

cotisation, si cela est nécessaire pour rendre le message crédible. • Le décideur ne peut pas mener ses propres recherches pour vérifier l’exactitude des

messages, mais en analysant le montant des cotisations versées par les groupes d’intérêt, il détermine si ces messages sont crédibles ou non.

Le décideur a le choix entre maintenir le statu quo (Q) ou appliquer une nouvelle politique (A). Paiements Le groupe d’intérêt i (i = 1,…,n) a la fonction d’utilité suivante : Ui = - ½ (Q – si)² + qi – ci si Q est maintenu, - ½ (A – si)² + ai – ci si A est mise en oeuvre, avec 0 ≤ Q < A ≤ 1; si est un choc spécifique au groupe ;

qi et ai sont les profits supplémentaires que le groupe tire respectivement du statu quo et de l’autre politique ;

ci est une cotisation versée par le groupe i, ci ≥ 0. Les chocs s1,…,sn sont des tirages indépendants d’une distribution uniforme β(.) sur [0,1]. Les paramètres de profit p1, …, pn sont définis par pi ≡ ai – qi et sont uniformément distribués sur [- p , p ], p > 0. Ces paramètres sont connus de tous. Le décideur choisit de maintenir le statu quo ou de mettre en œuvre l’autre politique afin de maximiser le bien-être agrégé :

UP = ∑=

n

1i

iU

Chronologie • Au début de la période 1, la nature tire un vecteur de n chocs spécifiques aux

groupes, [s1,…,sn]. • Puis chaque groupe i observe de façon isolée une réalisation indépendante d’un

signal binaire σ. La probabilité que le groupe i observe la réalisation σ = 1 (σ = 0) est égale à si (1 – si).

• Chaque groupe tire de l’observation de σ une hypothèse sur la distribution de son choc si : β(si|σ).

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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• Etape de lobbying : chaque groupe décide d’avoir accès ou non au décideur et de lui envoyer un message. Formellement, la stratégie de lobbying d’un groupe i est donnée par deux nombres : r i(σ)∈0,1,Ø et ci(σ)∈[0, ∞ [ . Les messages r i(σ) = 0 et r i(σ) = 1 signifient respectivement « le groupe i a observé σ = 0 » et « le groupe i a observé σ = 1 », et ces messages sont accompagnés de la cotisation ci(σ). Si le groupe i choisit de ne pas verser de droit d’accès pour transmettre son information (r i(σ) = Ø), il ne paie pas de cotisation.

• Le décideur observe les messages et les cotisations r i,ci i=1,…,n . • Le décideur en déduit une hypothèse a posteriori sur la densité β(si|r i,ci) i=1,…,n

du vecteur de chocs [s1,…,sn] conditionnellement aux messages et aux cotisations r i,ci i=1,…,n .

• Etape de la décision politique : le décideur prend une décision d(r i,ci i=1,…,n)∈0,1 [d = 0 correspondant au maintien du statu quo et d = 1 à un changement de politique].

• Le vecteur des réalisations des chocs est révélé, et les paiements sont réalisés. Equilibre Un équilibre séquentiel du jeu est donné par les stratégies de lobbying des groupes, r i(σ),ci(σ) i =1,…,n ; leurs croyances au moment du choix de lobbying, β(si|σ) i=1,…,n ; la règle de décision du décideur politique, d(r i, ci i=1,…,n) ; et ses croyances au moment du choix de politique, β(si|r i,ci) i=1,…,n. Les meilleures réponses et les croyances sont cohérentes et remplissent les conditions suivantes : (E1) La stratégie de lobbying du groupe i, [r i(σ), ci(σ)] , maximise son espérance

d’utilité E(Ui|σ) au moment du choix de lobbying. (E2) Le groupe i utilise la règle de Bayes pour calculer β(si|σ), sa croyance a

posteriori sur la densité du choc si conditionnellement à l’information σ. (E3) La règle de décision du décideur politique, d(r i, ci i = 1, …, n), maximise son

espérance d’utilité E(UP|r i, ci i = 1, …, n ) au moment du choix de politique. (E4) Le décideur utilise la règle de Bayes pour calculer β(si|r i,ci) i=1,…,n, sa

croyance a posteriori sur la densité du vecteur de chocs [s1,…,sn] conditionnellement à l’information r i(σ),ci(σ) i=1,…,n.

Chaque groupe anticipe parfaitement la règle de décision du décideur : le statu quo est renversé si le nombre de messages crédibles qui lui sont défavorables par rapport aux messages favorables excède un certain seuil. Qu’est-ce qu’un message crédible ? Les préférences d’un groupe d’intérêt dépendent à la fois de son paramètre de profit pi et de son choc spécifique si, sur lequel il a une information privée à travers la réalisation du signal σ. Ce sont les préférences du groupe qui déterminent son choix quant à l’achat du droit d’accès.

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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On distingue trois intervalles correspondant à trois types de groupes : • sur [- p ,

~p ], tous les groupes préfèrent le statu quo indépendamment de leur

information sur si ; on les appelle « groupes extrémistes pro statu quo » ; • inversement, sur [p~ , p ], tous les groupes préfèrent l’autre politique

indépendamment de leur information sur si ; on les appelle « groupes extrémistes anti statu quo » ;

• entre les deux, sur [~

p , p~ ], les groupes de type σ = 0 préfèrent le statu quo et les

groupes de type σ = 1 préfèrent l’autre politique ; on les appelle « groupes modérés ».

Les groupes modérés sont incités à transmettre leur vraie information - c’est-à-dire à annoncer r i = 0 (resp. 1) quand ils sont de type σ = 0 (resp. 1) – et le décideur le sait ; par conséquent, les messages des modérés sont toujours crédibles et ils ont accès au décideur sans payer de cotisation. En revanche, les messages des groupes extrémistes ne sont pas crédibles sans cotisation, puisque ces groupes ont toujours intérêt à annoncer r i = 0 pour les pro statu quo, et r i = 1 pour les anti statu quo. Les groupes extrémistes pro statu quo qui sont vraiment de type σ = 0 et les anti statu quo qui sont vraiment de type σ = 1 doivent donc payer une cotisation pour donner de la crédibilité à leur message. Cette cotisation est égale à la cotisation minimale qui garantit qu’un groupe de l’autre type n’ait pas intérêt à cotiser (c’est-à-dire à la différence entre l’espérance d’utilité que le groupe tire d’une décision politique favorable multipliée par la probabilité espérée que son message soit décisif pour le décideur, quand le groupe est du « bon » type, et l’espérance d’utilité correspondante s’il est de l’autre type). Ainsi, le décideur sait qu’un groupe qu’un groupe extrémiste pro statu quo qui a payé une cotisation est bien de type σ = 0, et qu’un groupe extrémiste anti statu quo qui a payé une cotisation est bien de type σ = 1. Résultats du jeu Corollaire 1 : La contribution versée par un groupe d’intérêts est faible par rapport aux bénéfices qu’il s’attend à tirer de la décision politique. Cela est dû au problème de passager clandestin : en effet, les groupes qui paient des cotisations (les groupes extrémistes) ne prennent pas seulement en compte les bénéfices qu’ils attendent d’une décision politique favorable, mais aussi la probabilité (très faible) que leur message soit décisif pour le choix du décideur politique. Corollaire 2 : Les groupes d’intérêts ont un accès gratuit, tandis que les groupes extrémistes paient une cotisation strictement positive pour avoir le droit d’accéder au décideur. En effet, les premiers ont intérêt à annoncer la vérité (donc leurs intérêts vont dans le même sens que ceux du décideur) tandis que les derniers sont incités à manipuler le décideur et doivent payer une cotisation pour rendre leurs rapports crédibles. Corollaire 3 : L’information dispersée entre les groupes d’intérêts est entièrement révélée.

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ANNEXE 1.4 : LE MODELE DE LOBBYING INFORMATIONNEL DE RASMUSEN (1993) ET

LES COMMENTAIRES DE SLOOF (1997) Hypothèses spécifiques à ce modèle • Un seul lobby face au décideur politique • Le lobby possède une information parfaite sur les préférences de l’électorat (son

« type » ou encore « l’état de la nature ») : T∈0,τ • Le lobby peut mentir • Le lobby peut envoyer un message (L = λ) ou ne pas en envoyer (L = 0) • Pour le lobby, le coût d’envoi d’un message est λ ; recevoir un message ne coûte

rien au décideur. • Le décideur peut mener ses propres recherches, soit pour vérifier l’exactitude du

message que le lobby lui a envoyé, soit pour découvrir la vraie valeur de l’état de la nature si le lobby ne lui a pas envoyé de message. Cette recherche a un coût pour le décideur.

Le décideur doit choisir entre maintenir le statu quo, c’est-à-dire choisir l’action T = 0, ou bien innover, c’est-à-dire jouer T = τ. Il préfère choisir l’action que l’électorat préfère. Le lobby veut que le décideur innove, et il est donc incité à lui faire croire que l’électorat préfère l’innovation, c’est-à-dire que T = τ, que cela soit vrai ou non. Le décideur et le lobby ont donc des intérêts partiellement conflictuels. Déroulement du jeu • La nature choisit les préférences de l’électorat pour l’innovation : T∈0, τ, avec

P(T = 0) = α > ½. Le lobby observe T, mais pas le décideur. • Le lobby choisit son niveau de lobbying L ∈0, λ, et le décideur observe son choix

L. • Le décideur choisit C, les dépenses pour découvrir T.

o Si le décideur a reçu un message du lobby, C∈0, C1, où C1 est le coût de vérification.

o S’il n’a pas reçu de message, C∈0, C2, où C2 est le coût d’une recherche indépendante.

On suppose C2 ≥ C1 > 0. C = 0 implique que le politique n’a pas de nouveaux renseignements sur T, C = C1 ou C2 implique qu’il découvre la vraie valeur de T.

• Le politique choisit l’action T ∈0, τ. • Le lobby reçoit le paiement πl = T X – L, où X représente l’intensité de l’intérêt du

lobby par rapport à celui du décideur. On suppose que le gain potentiel maximal du lobbying excède son coût : τX > λ. Le décideur reçoit le paiement πp = -( T - T)² - C.

On appelle régime de lobbying la situation qui vient d’être décrite, et régime de non-lobbying la situation où le lobby choisit L = 0 à l’étape de lobbying.

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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Notations • θ0 (θτ) est la probabilité que le lobby de type 0 (τ) envoie un message de lobbying λ ; • γ est la probabilité que le décideur vérifie le contenu du message λ ; • δ est la probabilité que le décideur entreprenne une recherche indépendante dans le

régime de non-lobbying ; • β(λ) est la probabilité que le décideur choisisse T = τ après ne pas avoir vérifié le

message λ ; • β(0) est la probabilité qu’il choisisse T = τ après ne pas avoir mené de recherche. Equilibres Les sentiers d’équilibre de tous les équilibres bayésiens parfaits du régime de lobbying sont : • si C1 > ½ τ² : E1 : θ0 = θτ = 0, δ = 0, β(0) = 0.

E2 : θ0 = (1 – α)/αθτ avec 0 < θτ ≤ 1 arbitraire, γ = δ = 0, β(0) = 0, β(λ) = λ/τX.

• si C1 < ½ τ² et C2 > (1 – α)τ² :

E1 E3 : θ0 = (1 – α)C1/α (τ² - C1), θτ = 1, γ = 1 – λ/τX, δ = 0,

β(0) = 0, β(λ) = 1. • si C2 < (1 – α)τ² :

E3 E4 : θ0 = θτ = 0, δ = 1. E5 : θ0 = C1 (τ² (1 – α) – C2) / α τ² (τ² - C1 –C2),

θτ = (τ² - C1) (τ² (1 – α) – C2) / (1 – α) τ² (τ² - C1 – C2), γ = δ = 1 – λ / τX, β(0) = 0, β(λ) = 1.

Les équilibres du régime de non-lobbying sont donnés par E1 et E4. E5 a été oublié dans l’article original de Rasmusen, et par ailleurs Rasmusen considère – à tort selon Sloof – que E3 est l’équilibre le plus plausible. Interprétation Résultats de Rasmusen |1993] : • Proposition 1 :

Si le décideur a l’intention de mener des recherches dans le régime sans lobbying, alors introduire la possibilité de lobbying est néfaste pour l’électorat et pour le lobby puisque cela augmente le nombre de mauvais choix politiques. Si le décideur n’a pas l’intention de mener de recherches dans le régime sans lobbying, alors introduire la possibilité de lobbying est bénéfique à l’électorat et au lobby puisque cela diminue le nombre de mauvais choix politiques. Dans les deux cas, le décideur politique a intérêt à ce que le lobbying existe.

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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Le sens de la Proposition 1 est que, pour le décideur, le lobbying peut servir de substitut à la recherche d’information et il lui est donc toujours utile. S’il n’avait pas l’intention de mener de recherches, le lobbying lui apporte une meilleure information, ce qui lui permet de choisir plus souvent la bonne décision et d’augmenter la satisfaction des électeurs et du lobby. En revanche, s’il avait l’intention de mener des recherches, l’existence du lobbying lui permet de réduire ses coûts de recherche d’information mais elle dégrade la situation du lobby (qui entreprend un lobbying coûteux, mais pas toujours efficace puisque le décideur peut choisir de ne pas le croire et de mettre en œuvre la politique opposée) et celle de l’électorat (lorsque le décideur met en œuvre la mauvaise politique). • Proposition 2 : le lobbying est souhaitable lorsque le coût d’une recherche

indépendante C2 est élevé, lorsque le décideur est plus sûr de l’opinion de l’électorat (α élevé) et lorsque l’enjeu de la décision est faible (τ petit).

Commentaires de Sloof [1997] : • On peut noter trois différences importantes entre E3 et E5 :

o dans E5, le décideur acquiert de l’information indépendante de temps en temps quand il n’a pas reçu de message du lobby, alors qu’il n’effectue jamais de recherche dans ce cas dans E3 ;

o dans E5, un lobby qui sait que l’électorat préfère l’innovation s’abstient parfois d’envoyer un message, alors qu’il en envoie toujours un dans E3 ;

o dans E5, non seulement le décideur peut décider d’innover à tort, mais il peut aussi choisir de maintenir le statu quo à tort.

• Par conséquent, E5 – contrairement aux autres équilibres de lobbying – montre que le décideur peut parfois mener ses propres recherches sur le véritable état de la nature, même après avoir reçu un message : le lobbying n’est pas un substitut complet aux recherches propres du décideur.

• E5 montre également que le lobbying n’a pas toujours lieu quand l’électorat préfère l’innovation, contrairement à ce que suggère E2.

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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ANNEXE 1.5 : COMPTES-RENDUS D’ENTRETIENS Compte-rendu des entretiens du 1er février 2001 à Bruxelles Annexe 1.5.1. Entretien avec Carole Garnier (extraits) Commission européenne DG Ecfin-E-3 (DG Affaires économiques et financières : Service d’évaluation économique : Fonds structurels et politique agricole commune) Quels sont les objectifs les plus importants pour la Commission ? L’objectif principal est, de loin, l’objectif 1, qui représente environ un tiers du budget communautaire et 70% des fonds structurels. Cet objectif a une dimension macroéconomique : la convergence réelle des pays ou des régions. Les autres objectifs sont moins mis en avant. Il s’agit de : - L’objectif 3 : objectif social, relatif au chômage, qui est plutôt un objectif complémentaire - L’objectif 2 : cet objectif correspond plutôt à une problématique de pays riches, il vise des poches

infrarégionales en retard de développement. Je suis assez perplexe à cet égard, et je considère que c’est plutôt un fourre-tout que les gouvernements utilisent pour avoir des financements supplémentaires. Il est douteux qu’il ait vraiment un sens. Par ailleurs, son efficacité ne fait pas vraiment l’objet d’une évaluation (mais c’est mon opinion personnelle et ce n’est pas nécessairement l’avis de la DG Régio).

Quelles sont les motivations des Etats et des régions ? Du côté des Etats : les allocations entre Etats se font selon des critères objectifs, c’est-à-dire non manipulables. En ce qui concerne les motivations des Etats, de façon générale, ils ont plutôt des objectifs financiers que de véritables objectifs de développement – à l’exception toutefois de l’Irlande, qui fait de réels efforts de développement. Du côté des régions : le degré de motivation est très variable selon les cultures régionales. Certaines régions sont très motivées, d’autres ont une culture clientéliste, de saupoudrage. En fait, pour les pays dont la majeure partie du territoire est concernée par l’objectif 1, l’enjeu est de réduire les disparités nationales, c’est-à-dire leur écart par rapport aux autres pays de l’Union européenne. En revanche, dans les pays plus riches, on s’intéresse plus à la réduction des disparités régionales. L’échelle et la motivation ne sont donc pas les mêmes. Les pays riches n’ont plus vraiment une problématique de développement régional, mais plutôt une problématique de poches sous-développées. C’est donc dans ce sens qu’ils mènent un lobbying pour influencer la politique régionale – d’où l’objectif 2, qui donne lieu à un émiettement permettant aux Etats de percevoir des aides en plus. Cependant, il n’y a pas vraiment de clivage Nord / Sud pour les questions de motivation. Pour citer quelques exemples de différences selon les pays : - en Allemagne, il y a une forte motivation des Länder, qui ont une tradition d’autonomie ; - en Italie, le problème est le système clientéliste, surtout dans le Mezzogiorno ; - en Espagne, les communautés autonomes sont dynamiques ; - en France, le système est centralisé, mais avec des différences selon les régions, qui doivent passer

par une période d’apprentissage plus ou moins rapide. De quelles informations disposez-vous sur les régions ? D’où viennent-elles et sont-elles vérifiables ? Pour l’objectif 1 et la cohésion économique, il n’y a pas de problème d’information pour la DG Ecfin. En effet, l’évaluation ex ante se fait selon certaines exigences. Les objectifs sont clairement définis, les données sont toujours vérifiables et la DG Ecfin mène des contre-évaluations ex ante et dispose d’évaluations reposant sur deux modèles macroéconomiques.

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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Les problèmes se situent plutôt sur les conclusions en termes de priorités que les régions ou Etats tirent de l’analyse macroéconomique. Les régions ont tendance à utiliser les Fonds structurels avec plus ou moins d’efficacité… L’évaluation macroéconomique est plus ou moins bien faite selon les pays. Par exemple, l’Espagne est connue pour ses analyses insuffisantes de la situation et pour proposer des listes de priorités mal définies et bien trop longues. Au cours de la mise en œuvre, le monitorage doit permettre de rendre compte de l’évolution financière et physique des projets. C’est à ce moment (et non ex ante) que se pose le problème de l’asymétrie d’information. Le monitorage fonctionne plus ou moins bien selon les pays, et cette fois la distinction correspond beaucoup plus nettement à un clivage Nord / Sud. Les pays du Nord fournissent une meilleure évaluation car ils ont une culture d’évaluation que le Sud n’a pas. Une des actions les plus importantes de la Commission actuellement est d’essayer d’améliorer cette évaluation, mais cela prend du temps car les pays qui n’ont pas cette culture doivent passer par une période d’apprentissage. L’évaluation se fait à trois moments : • ex ante (avec le plans de développement, les cadres communautaires d’appui [CCA]…) : l’évaluation

est de la responsabilité de l’Etat, mais la Commission fait sa propre évaluation à côté. C’est cette évaluation ex ante qui conditionne la position de la Commission.

• intermédiaire (à moyen terme des programmes) : cette évaluation sert à revoir la programmation restante pour le programme en cours. Cela ne provoque pas de changements importants – d’autant plus que le budget est déjà fixé en grande partie –, mais les financements peuvent être revus légèrement à la hausse ou à la baisse pour la fin du programme.

• ex post (après la fin des programmes : l’évaluation commence deux ans après la fin des programmes). Elle a pour but de fournir une évaluation plus analytique que le bilan en fin de programmation, qui n’est pas très satisfaisant. L’évaluation ex post de la programmation qui vient de se terminer a bien sûr lieu trop tard pour avoir un impact sur la définition ex ante de la nouvelle programmation, mais elle a un impact à moyen terme.

La menace de suspension des paiements est-elle crédible ? Il y a eu des cas de suspension donc cette menace est crédible. Quels indicateurs utilisez-vous pour mesurer l’impact des politiques régionales ? Pour l’objectif 1, on regarde avant tout l’écart par rapport au PIB par tête moyen dans la Communauté. Le deuxième indicateur, dans une moindre importance, est le taux de chômage. Enfin, on utilise d’autres agrégats sectoriels, pour compléter : les infrastructures, les ressources humaines (éducation…). Il n’y a pas de problème d’asymétrie d’information pour les variables macroéconomiques, mais il y a un avantage national et local pour tout ce qui est microéconomique, surtout pour les programmes de l’objectif 2 : les informations sur les quartiers, les zones… Cependant, la Commission fait d’importants efforts pour avoir des statistiques plus désagrégées. Comment se décide la définition des objectifs prioritaires ? Pour l’objectif 1 (PIB par tête inférieur à 75 % de la moyenne communautaire – avec une période de phasing out pour les régions qui étaient éligibles et qui ne le sont plus), c’est la Commission qui a décidé directement : c’est un critère simple et pour lequel elle dispose de statistiques. Cela n’empêche pas que ce critère soit cependant parfois appréhendé de façon douteuse au niveau régional. Pour l’objectif 2, il y a deux types de critères : - des critères communautaires (définis par la Commission) portant sur les zones rurales et les zones

industrielles en déclin, et qui sont définis de façon assez nette. - des critères non quantifiés, simplement encadrés qualitativement et laissés à la discrétion des Etats.

Sur ces critères, la Commission a de gros problèmes de statistiques.

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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Les négociations pour la définition des critères pour l’objectif 2 portent sur la part accordée aux critères flous par rapport aux critères communautaires. Historiquement, l’objectif 1 était prédominant dès le début, en 1989. Les autres objectifs (les objectifs 2 et 3 actuels) ont connu des inflexions pour prendre en compte de nouvelles problématiques. Ces inflexions se font de concert avec les Etats et les régions plutôt que sous l’effet de pressions. Il y a en quelque sorte une prise de conscience commune de la nécessité de prendre en compte de nouvelles priorités. Par exemple, pour l’objectif 2, la priorité allait auparavant aux zones rurales et industrielles ; plus récemment, on a également pris en compte des zones urbaines. Pour l’objectif 3 actuel, la prise en compte de l’importance des mutations industrielles en 1994 a conduit à l’introduction de l’ancien objectif 4 relatif à la préparation au redéploiement sectoriel. Pouvez-vous indiquer des cas typiques de lobbying ? Il existe clairement des coalitions de régions, comme le lobby des régions maritimes qui regroupe des régions de l’Ouest (principalement françaises) inquiètes de voir le centre de l’Union se déplacer vers l’Est et de devenir des régions périphériques.

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Annexe 1.5.2. Entretien avec Andrea Mairate (extraits) Commission européenne DG Régio-A-3 (DG XVI Politique régionale et Cohésion : Conception, impact, coordination et évaluation des politiques régionales : Coordination de l’évaluation) Présentation des principes généraux Le premier principe fondamental est que la politique régionale est une politique à compétences partagées, avec une définition plus ou moins précise des responsabilités entre Etats membres et Commission. C’est aussi une politique décentralisée : les fonds européens sont gérés par l’administration nationale et l’administration régionale. Dans ce contexte, l’objectif essentiel de la Commission est la cohésion économique et sociale, qui représente environ 30% du budget communautaire et 0,46% du PIB communautaire. La politique de solidarité intra-communautaire repose sur un mécanisme redistributif des pays riches vers les pays pauvres afin d’aider les régions en retard de développement (il peut s’agir d’un pays tout entier : la Grèce, le Portugal, l’Irlande, 80% de l’Espagne). Ces aides ne sont pas destinées à des dépenses courantes mais à des dépenses d’investissements que l’on peut classer en trois catégories : - investissements en infrastructures, pour augmenter le stock de capital public d’infrastructures ; - aides au secteur productif, pour augmenter le stock de capital privé ; - investissements en capital humain. C’est pour cela que la DG Régio utilise des modèles de type croissance endogène, permettant de formaliser les externalités associées à ces investissements. Avec la réforme de 1999, on est allé encore plus loin dans la décentralisation : les régions ont beaucoup plus de flexibilité dans la gestion des fonds, notamment la possibilité de transferts à l’intérieur de programmes sans passer par la Commission. En contrepartie, il y a un renforcement des activités de suivi et de contrôle, ainsi que l’introduction d’une innovation, le mécanisme dit de « réserves de performances » : une partie des fonds (4%) n’est pas allouée en début de période mais à mi-parcours (en 2004) sur la base de critères liés à l’efficacité et à la bonne gestion. Ce mécanisme, inspiré des expériences américaines, crée une incertitude sur le montant des ressources disponibles pour les régions. La DG Régio gère les objectifs 1 et 2, et la DG Emploi et Affaires sociales gère l’objectif 3. Selon le principe de programmation pluriannuelle, la Commission négocie des priorités et des objectifs quantifiés. Ensuite, les Etats membres choisissent les projets, qui sont en nombre beaucoup trop élevé pour que la Commission puisse les gérer elle-même (on estime qu’il y a entre 100.000 et 150.000 projets). Les Etats et les régions ont donc nécessairement un très grand avantage informationnel sur le choix et la gestion des projets. La Commission ne connaît qu’un petit nombre de ces projets : ceux qui sont supérieurs à 50 millions d’euros, c’est-à-dire les très grands projets. Ces très grands projets sont étudiés par la Commission, qui les évalue, fait une analyse financière, travaille avec la Banque européenne d’investissement (BEI) pour voir si l’on peut compléter par des prêts… Dans le cas général, la Commission ne choisit pas les projets, son rôle se limite à confirmer ou à moduler le taux d’aide, qui est de 50% en moyenne et qui peut aller jusqu’à 70% dans les zones les plus pauvres. L’évaluation des politiques structurelles et les problèmes d’information La Commission a l’obligation de rendre compte devant le Parlement et la Cour des comptes de l’utilisation de l’argent communautaire : comment le budget a-t-il été utilisé, et quel a été son impact dans les différents pays en termes de croissance, d’emploi… ? La Commission répond à ces questions dans son Rapport sur la Cohésion économique et sociale. L’évaluation revient à juger l’efficacité des politiques qui ont été mises en œuvre. Comme la Commission est très loin du terrain, l’évaluation est un moyen de réduire l’écart entre le terrain et la Commission, de faire remonter l’information. Mais ce n’est plus une information brute, mais une information qui a déjà

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été traitée, construite par des évaluateurs externes à la Commission (si possible indépendants). Pour collecter les données sur lesquels ils fondent leur analyse, les évaluateurs ont besoin de systèmes de suivi au niveau des régions et des Etats. Pour cela, on est en train de mettre en place un système informatisé, « Présage », qui concerne toutes les régions françaises et qui collectera de manière systématique toute l’information financière et physique (infrastructures construites, emplois créés…). On a besoin de collecter cette information au niveau de chaque Etat et de chaque région, qui à son tour doit collecter l’information auprès des bénéficiaires finals. Ce système commence seulement à se mettre en place ; avant, la Commission avait peu d’informations, et uniquement des informations financières (notamment des rapports annuels financiers, pas très utiles pour l’évaluation des politiques). La culture d’évaluation n’est pas bien établie dans tous les pays, par exemple en France. Il peut y avoir une bonne évaluation des projets, mais pas d’évaluation des programmes – or, c’est à l’évaluation des programmes que la Commission s’intéresse. Un programme est beaucoup plus difficile à évaluer qu’un projet, car ce n’est pas une liste de projets mais une stratégie articulée autour d’objectifs quantifiés si possible, et hiérarchisés. On finance un ensemble d’activités étroitement liées entre elles, qui ont un impact global que l’on peut mesurer à travers des variables macroéconomiques (par ex. l’écart entre le taux de chômage régional et le taux de chômage national), des variables plus spécifiques (par ex. le taux de chômage des jeunes), des objectifs plus concrets et plus opérationnels (par ex. des kilomètres de routes). L’autre difficulté est la dimension institutionnelle : certains facteurs institutionnels influencent le résultat final. C’est le cas des structures de gestion – par exemple, le clientélisme peut affecter la qualité de la sélection des projets et la capacité de gestion des administrations. Il serait abusif de dire que la Commission n’est pas informée. Elle dispose de ses propres sources d’information, elle développe ses propres indicateurs statistiques. La Commission est bien informée au niveau macroéconomique, elle mène d’ailleurs elle-même la plupart des analyses macroéconomiques et elle a ses propres modèles (plutôt néoclassiques pour la DG Ecfin, plutôt néokeynésiens avec effets d’offre et externalités pour la DG Régio). La Commission ne peut travailler qu’au niveau national, c’est pourquoi elle est mal informée dans sur les pays où elle intervient sur de petites zones éclatées. En revanche, elle est bien informée là où elle intervient sur tout un territoire national (les quatre pays les plus pauvres), où les transferts communautaires sont beaucoup plus importants (de l’ordre de 2 à 4% du PIB par an). La mise en place d’un système informatique de collecte de données permettra d’avoir des données comparables entre les pays, à la fois pour des données financières et physiques. Dans chaque Etat membre, on calcule des indicateurs clés comparables (nombre de PME financées, nombre de chômeurs de longue durée et de jeunes formés, kilomètres de routes construits…). Ce sont des indicateurs très basiques, non construits, mais à partir desquels la Commission pourra construire son analyse. Le but est de construire une batterie d’indicateurs structurels qui puisse permettre de comparer les performances entre les différentes régions. Dans quelle mesure l’Eurorégion est-elle un moyen pour le Nord- Pas de Calais de continuer à recevoir des financements alors qu’il n’est plus éligible à l’objectif 1 ? Les masses financières en jeu ne sont pas du tout les mêmes. Une région classée objectif 1 reçoit bien plus d’argent, puisque ce sont des critères de richesse. Comment se passe la mise en place des programmes Interreg ? Dans quelle mesure la relation entre la Commission et les régions permet-elle de contourner le niveau national ? Cela transite par le niveau national, mais sans que l’on ait la même attention ni le même degré de contrôle que pour les objectifs prioritaires. Pour la coopération transnationale, il y a une région qui est chef de file, et cela transite par l’Etat auquel appartient cette région. Cependant, même si les administrations nationales n’aiment pas beaucoup ces programmes et si elles y accordent peu d’attention, il serait peut-être abusif de dire qu’ils permettent aux régions de contourner le niveau national. Pour la Commission, c’est un moyen d’avoir un dialogue direct et ouvert avec les régions.

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Quelle orientation la Commission souhaite-t-elle donner aux politiques régionales à l’avenir ? Pour le futur, l’idée est de financer de moins en moins les priorités nationales et de plus en plus les priorités qui ont un intérêt communautaire. Par exemple : la coopération interrégionale, la problématique urbaine, le développement rural. Les fonds communautaires étant limités, on ne peut pas financer n’importe quoi. On a remarqué que dans le cadre de l’objectif 2 en France, on finançait dans certaines régions des programmes qui devraient relever du budget national (financer des crèches, des IUT, aider des entreprises…). On fait beaucoup de saupoudrage avec l’objectif 2 : les zones sont si petites qu’il ne peut pas y avoir d’impact significatif. C’est impossible à évaluer, il est inutile de dépenser des milliards pour collecter de l’information sur ces programmes. Ce serait trop difficile, et d’ailleurs la Commission n’a pas les ressources suffisantes pour le faire. Cela n’a aucune valeur ajoutée communautaire et ne devrait donc pas relever du budget communautaire. Il faut recentrer la politique régionale sur des questions qui ont un intérêt communautaire, comme l’environnement. Est-ce que cela passe par une modification des critères des objectifs prioritaires ou une augmentation des initiatives communautaires ? A mon avis, il faut fondamentalement redéfinir la politique régionale, c’est-à-dire modifier les objectifs prioritaires. Quel est le nombre de fonctionnaires européens en charge des politiques régionales ? En tout, 400 personnes s’occupent de la politique régionale (toutes catégories confondues), dont à peu près 150 fonctionnaires de type A à la DG Régio, et ce pour gérer un budget d’environ 30 milliards par an. Cependant, parmi les 150 fonctionnaires, beaucoup mènent des études horizontales ; il faut compter une centaine de fonctionnaires qui gèrent directement des programmes. Il y a également des fonctionnaires de DG sectorielles, qui interviennent pour des politiques plus sectorielles comme l’emploi, l’agriculture et la pêche. La DG Régio gérait environ 1000 programmes en 1994-1999, et environ 400 en 2000-2006. La réduction du nombre de programmes s’inscrit dans l’objectif de simplification : réduction du nombre d’objectifs prioritaires, réduction du nombre d’initiatives communautaires… La menace de suspension des paiements lorsqu’un programme en cours ne donne pas de résultats satisfaisants ou que le contrôle n’est pas bien effectué a-t-elle déjà été appliquée ? Oui, plusieurs fois : soit en cas de non respect de la réglementation (non respect des règles de la concurrence, non éligibilité des dépenses, non respect des directives environnementales…), soit en cas de suspicion de fraude ou d’irrégularité. Comment la répartition du budget entre Etats et par critères est-elle décidée ? Au départ, le Conseil des ministres décide, sur la base d’une proposition de la Commission, du budget qu’il faut allouer. Des dotations sont définies pour chacune des politiques communautaires : PAC, rubrique 2 : politiques structurelles… La répartition de ce paquet « politiques de cohésion » entre les Etats membres est décidée par le Conseil des ministres (pour la période actuelle, cette décision a été prise les 24 et 25 mars 1999 à Berlin). La Commission avait proposé pour cela une méthode de répartition entre Etats sur la base de critères. Pour l’objectif 1, ce sont des critères de richesse : les régions les plus pauvres devraient bénéficier de fonds plus élevés. En gros, la répartition est proportionnelle à la richesse, avec quelques petites corrections en fonction du taux de chômage et d’autres variables. Cette méthode a été appliquée à 97% ; les 3% restant ont été attribués de manière très discrétionnaire. Cela signifie qu’il y a une progressivité de l’aide en fonction du PIB par tête.

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Pour l’objectif 2, on a défini des plafonds de population par Etat membre, mais l’intensité d’aide est la même partout, c’est-à-dire 48 euros par habitant, à multiplier par le nombre d’habitants. L’Etat membre soumet une proposition à la Commission pour définir les zones sur la base de critères à la fois communautaires (pour 50%) et nationaux (pour 50%). On laisse donc une flexibilité aux Etats membres pour choisir les zones dans lesquelles il faudrait concentrer les interventions. Les critères communautaires sont des critères assez objectifs d’emploi et de chômage, par exemple : - pour l’industrie, il faut que la part de l’emploi dans le secteur manufacturier diminue de manière

sensible sur les trois dernières années ; - pour le secteur rural, c’est un critère de dépopulation. Ces critères communautaires et nationaux s’appliquent au niveau NUTS III, c’est-à-dire au niveau départemental. L’objectif 3 est national ; la répartition se fait donc uniquement par pays. Arrive-t-il qu’une région ou un Etat essaie de négocier l’éligibilité de certaines régions à l’objectif 1, malgré la rigueur du critère de PIB par habitant ? Oui, bien sûr. Quand on pense que la moitié du Royaume-Uni (l’Irlande du Nord, l’Ile de Man, le Pays de Galles, le Yorkshire, la Cornouaille…) est zone objectif 1, on imagine… Ce ne sont quand même pas les îles grecques ou le sud de l’Espagne ! Sans aller jusqu’à dire que ce sont des manipulations statistiques (puisque qu’effectivement, ce sont des zones en déclin), la nature des problèmes n’est pas la même et pourtant, ces zones sont considérées comme objectif 1 et reçoivent donc des sommes plus importantes. On n’a donc pas réussi à éviter les situations atypiques, anormales. De la même façon, il est curieux que la moitié du Nord-Pas de Calais soit objectif 1 : c’est une région en reconversion industrielle plutôt qu’une région en retard structurel de développement (comme le sont l’Andalousie en Espagne, la Calabre en Italie, les îles grecques : des régions véritablement structurellement sous-développées). Ces situations atypiques résultent-elles d’un lobbying ? Non, le problème est que ces régions sont véritablement en déclin profond. Dans ce cas, que faire ? On ne peut pas leur dire : « Vous êtes une région industrielle donc vous ne pouvez pas faire partie du même groupe que l’Andalousie ou l’Estrémadure ». Mais c’est sûr que cela pose des problèmes de déséquilibre dans la répartition des ressources entre pays riches et pays pauvres. C’est de cette façon que le Royaume-Uni bénéficie d’une partie beaucoup plus importante de ressources communautaires, alors qu’elles seraient certainement plus nécessaires dans le Sud de l’Italie, le Sud de l’Espagne ou en Grèce. Pensez-vous que le poids des régions dans le processus de décision (pour les politiques structurelles, mais aussi plus généralement) va avoir tendance à augmenter ? Oui. Il y a une tendance à la décentralisation qui est en train de se généraliser en Europe. Dans plusieurs pays (comme en Italie où on discute de la mise en place d’un régime fédéral), des débats ont lieu sur des transferts de pouvoirs et de compétences aux régions et cela semble inévitable. Cela signifie que les régions auront plus de ressources et un poids beaucoup plus important dans les affaires nationales et communautaires. Actuellement, la Commission mène une réflexion sur une nouvelle gouvernance, une nouvelle articulation des pouvoirs et une meilleure définition des responsabilités entre le niveau national, le niveau communautaire et le niveau régional. On cherche une meilleure architecture institutionnelle. Cela suppose de bien clarifier ce que font l’Union européenne, les Etats, les régions, quelles que soient leurs spécificités institutionnelles. Globalement, il y a une tendance à un rôle plus important de la part des régions dans les processus décisionnels, et cela se voit dans la mise en œuvre de la politique régionale communautaire puisqu’elle est faite pour les régions. L’effet le plus important de la politique régionale communautaire est de pousser vers une décentralisation vers les régions, avec tout ce que cela implique en termes de ressources, mais aussi de pouvoirs effectifs, de compétences, de possibilité de créer des structures, de gérer de manière autonome un budget et de pouvoir décider de leur politique d’investissement. Bien sûr, il y a des résistances, au Royaume-Uni et en France notamment (où tout transite par la DATAR – même les

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initiatives communautaires – et où il est impossible de discuter avec les régions : même quand la Commission lance des évaluations, la DATAR peut dire aux régions de ne rien communiquer à la Commission). Il existe déjà un Comité des Régions, institué par le Traité de Maastricht. Ce n’est qu’un organe consultatif et il ne fonctionne pas bien, mais au moins il existe et il regroupe des représentants de très haut niveau : présidents de conseils régionaux, maires de grandes villes… Ils peuvent jouer un rôle effectif, mais à condition qu’on leur donne les moyens dont ils manquent actuellement, et cela implique une réforme des institutions.

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Annexe 1.5.3. Entretien avec Frédérique Lorenzi (extraits) Commission européenne DG Régio Administrateur principal La Commission est-elle moins bien informée que les régions ? Dans quelle mesure dépend-elle de l’information qu’elles lui transmettent ? Le traitement de l’information dépend des régions. • La Commission n’est pas forcément moins bien informée que les régions. En effet, certaines régions

ont un très mauvais suivi de la situation et des politiques qui sont menées (Espagne, Portugal) et la Commission, qui mène ses propres études, dispose de plus d’informations qu’elles. Ces régions, par exemple, ne remplissent pas correctement les dossiers de contrôle des programmes et laissent beaucoup de données manquantes.

• Toutes les régions ne font pas de lobbying. • Il faut reconnaître que d’autres pays ou d’autres régions non seulement sont mieux informées que la

Commission, mais en plus lui fournissent des informations qui sont déjà traitées, et d’ailleurs traitées de façon à obtenir des aides, donc de façon très orientée. Le Royaume-Uni, en particulier, mène un très bon lobbying informationnel.

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Annexe 1.5.4. Entretien avec Alain Lipietz (extraits) Député européen Membre de la Commission économique et monétaire Economiste Relations entre l’Etat et les régions pour le lobbying Il y a une collaboration entre la région et l’Etat pour le lobbying. Du point de vue de l’Etat, plus la région est classée objectif 1, plus l’Europe cofinance les programmes et moins l’Europe est exigeante pour les aides spécifiques. En ce qui concerne le déroulement du processus de décision pour le classement d’une région en tel ou tel objectif, il y a d’abord un lobbying des régions vers l’Etat, puis l’Etat apparaît comme un avocat (des régions et de ses propres intérêts) vis-à-vis de l’Europe. Les négociations se font dans le cadre d’un budget (pour les politiques régionales) déterminé pour 5 ans par le Conseil et par le Parlement. C’est donc une bataille pour la répartition du budget entre Etats, avec certaines clés de répartition stables, par exemple : l’Angleterre doit récupérer beaucoup à travers les politiques structurelles, l’Allemagne doit payer un peu, la France récupère surtout par l’agriculture…. Comment peut-il y avoir un lobbying pour être classé objectif 1, alors que cela semble l’objectif le plus limpide et le moins exposé aux asymétries d’information ? Si l’on prend l’exemple de la Corse, il s’agit de jouer sur l’interprétation des statistiques, c’est-à-dire sur la définition du PIB. On peut dire que l’augmentation du PIB par tête dans la région est due à des artefacts statistiques, par exemple à l’augmentation soudaine du nombre de fonctionnaires. Comment sont négociées les initiatives communautaires ? Ce sont directement les petits enfants de Bruxelles, les négociations se font directement avec Bruxelles en sautant par dessus l’Etat (par exemple ce sont des négociations entre une région, ou même une ONG, et Bruxelles). Bruxelles, jusqu’à la crise de la Commission Santer, jouait quand elle le pouvait le rôle d’une sorte de DATAR directe pour les régions périphériques de l’Europe où l’Etat était plus faible (Portugal, Grèce, Espagne…). Il y a donc un travail direct de la Commission avec des ONG, par delà l’Etat et même par delà les autorités régionales. Les lobbies à Bruxelles Les lobbies ne sont pas du tout considérés de façon négative à Bruxelles : ce sont simplement les représentants de mouvements sociaux organisés et ils travaillent ouvertement et facilement. Ils interviennent directement sur la Commission et sur le Parlement. L’intervention sur le Conseil est plus difficile car il faut correspondre à des intérêts nationaux. Quelle est l’influence du lobbying sur la définition des objectifs prioritaires et sur la mise en œuvre de la politique régionale ? La définition des objectifs généraux de la politique régionale est très interne. Ce sont des héritiers de Jean Monnet, la Commission a son idéologie propre et chaque DG a également son idéologie, son éthique de corps, ses propres traditions. A ce niveau, ce n’est pas un lobby qui dit qu’il faut s’occuper de l’environnement, mais plutôt la réalité, la conférence de Rio, etc. Pour les politiques régionales, il y a tout en haut les orientations de politique régionale avec certains mainstreamings (dont celui de l’environnement et celui des femmes). Les mainstreamings, ce sont les thèmes qui ne sont plus défendus par une DG ou une sous-DG spécifique, mais dont on veut veiller à ce qu’ils soient pris en compte sous un certain angle dans toutes les politiques. Quelquefois, il est préférable de maintenir les deux, c’est-à-dire d’être l’objet d’une DG ou sous-DG et d’être un mainstreaming (c’est le cas de l’égalité homme-femme).

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Le deuxième niveau concerne la détermination du budget et le classement en objectifs. Il y a un énorme lobbying des Etats et des régions à ce niveau : • de la part des régions, pour avoir le plus d’argent possible • de la part des Etats, pour faire prendre en charge le plus possible leur propre budget par l’Europe et

pour avoir plus de liberté d’innovation et de subventions. Le lobbying se fait toujours sous forme de lobbying informationnel. Toutefois, il y a une possibilité de corruption dans le cadre des initiatives communautaires pour le choix du maître d’ouvrage délégué, mais en réalité, c’est plus un problème de favoritisme que de corruption. Du côté des objectifs prioritaires et pour le choix des projets par la Banque européenne d’investissement (BEI), c’est du lobbying de la part des collectivités locales (ex. : une ville qui réclame une bretelle d’autoroute ou un aéroport) puis il y a des appels d’offre pour savoir qui emporte le marché. Ces appels d’offre sont nationaux ou européens au delà d’une certaine somme, mais toujours avec un jury national. S’il y a de la corruption, c’est en tout cas très en dessous du niveau européen. En ce qui concerne le lobbying sur le choix des orientations et du budget, il s’agit d’un lobbying des régions et des Etats sur la Commission, sur la BEI et sur le Parlement européen. Cela peut prendre plusieurs formes, par exemple des stands dans les couloirs du Parlement avec dégustation de spécialités locales pour rendre la région sympathique aux yeux des parlementaires ; il y a aussi du lobbying plus direct. Mais le Parlement a un rôle secondaire, le lobbying auprès des parlementaires sert surtout à avoir des alliés, des avocats. L’Etat négocie d’abord sur son budget net pour la politique régionale. Ensuite, on rentre dans les détails, les lignes budgétaires, qui ne sont qu’un habillage de cette somme. En ce sens, le fait que la Corse ait été rétrogradée (ou promue) de l’objectif 1 à l’objectif 2 est secondaire : si en argumentant bien, on avait fait valoir que la Corse méritait d’être objectif 1, la France n’en aurait pas eu un franc de plus – en revanche, cela changeait beaucoup pour la situation de la Corse. C’est pourquoi la Corse pouvait légitimement accuser la France de ne pas l’avoir bien défendue, puisque la France n’avait rien à y gagner (la France a certes intérêt à avoir le plus d’objectif 1 possible, mais elle sait qu’elle le reperdra ailleurs.) Il y a donc un lobbying (ou des menaces, dans le cas de la Corse) des régions vis-à-vis de l’Etat, et des deux ensemble vis-à-vis de la Commission, sur le classement en objectif 1. Mais il est évident que la France est moins intéressée que la Corse. Par ailleurs, cela fait longtemps que la France, dans sa bataille avec les autres pays, a atteint un certain équilibre qu’elle sait ne pas pouvoir bouleverser, sauf à certains grands sommets où on renégocie les équilibres budgétaires. Quels sont les ministres qui interviennent, et à quel moment ? • Le Conseil Ecofin négocie sur le solde net de la contribution. • Le secrétariat général du gouvernement négocie sur la répartition qui conduit à ce solde net : va-t-on

pousser plutôt les fonds structurels de la politique agricole ou les fonds structurels régionaux ? • Le Ministère des Affaires européennes et le Ministère de l’Aménagement du Territoire négocient la

classification (avec ce que cela implique en liberté d’innovation et de subventions, même à budget donné). Le Ministère de l’Aménagement du Territoire agit alors en tant qu’avocat de certaines régions.

Parlement, Conseil, Commission, Etats et lobbying Vu du Parlement européen, tout est mis à plat : la Commission, l’Etat, la région, une grande entreprise ou une ONG ont exactement le même rôle de lobbyistes, à la seule différence que l’Etat vote par ailleurs directement au Conseil. Dans ses relations avec les parlementaires européens, l’Etat se comporte comme un lobbyiste : il envoie des dossiers dans lesquels il exprime ses positions avant les votes, des invitations à déjeuner… Et pourtant, au final, les décisions sont prises par le Parlement (avec un rôle plus ou moins important selon la procédure) et par le Conseil, où les ministres sont donc à la fois décideurs et lobbyistes.

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Annexe 1.5.5. Entretien avec Claude Mariotte (extraits) France Télécom – Direction des Relations Extérieures, Bureau de Bruxelles Délégué auprès des Institutions Européennes Il est peu probable que l’on puisse accuser la Commission de laxisme ou de négligence (qui consisterait à laisser les Etats membres gérer la politique régionale sans aucun contrôle ni aucune évaluation) aujourd’hui, surtout après la crise de la Commission Santer. Au contraire, il existe plutôt une sorte de psychose interne à la Commission, qui pousse les fonctionnaires européens à être extrêmement prudents. Tout le monde s’accorde à penser que ce n’est surtout pas le moment d’être négligeant. Par conséquent, la Commission se veut irréprochable : la gestion est très contrôlée, les critères sont respectés à la lettre (au point que certains pays se sont vu refuser des financements auxquels ils pensaient avoir droit, au motif que leur situation ne correspondait pas rigoureusement aux critères d’éligibilité) et la politique est définie si précisément qu’elle est souvent plus claire que les politiques nationales, qui sont moins soumises à cette exigence de rigueur. Le lobbying n’apparaît donc quasiment pas à la dernière étape du processus de décision. Une fois que les critères ont été définis, ils sont appliqués de façon si stricte qu’il ne reste que très peu de marge de négociation. De plus, la décision de déborder sur un critère dépendrait du fonctionnaire européen en charge du dossier, donc d’une personne identifiable – or, peu de fonctionnaires européens sont disposés à prendre ce risque. Le lobbying se fait donc en amont, au moment de la définition des critères d’éligibilité. Faute de pouvoir jouer sur l’application des critères, il est en effet indispensable de chercher à influencer leur définition, puisque c’est uniquement à l’intérieur de ces critères que l’on pourra obtenir des financements. Cela se voit particulièrement pour l’objectif 2 : en ayant la possibilité de définir (dans un cadre prédéfini par la Commission) des objectifs nationaux, les Etats membres peuvent cibler les programmes dans les zones qui ont le plus besoin d’aides. C’est ce qui explique le morcellement des zones objectif 2. Les intervenants de ce lobbying sont les représentants des intérêts français à Bruxelles (industriels, représentants de conseils régionaux, de conseils généraux, maires…). Ils sont regroupés en une association, le Cercle des délégués permanents français. Le Cercle compte actuellement plus d’une centaine d’adhérents, regroupés selon six catégories : collectivités territoriales, organisations professionnelles et consulaires, entreprises, organismes de recherche, consultants, divers. Le gouvernement intervient également, puisque c’est dans son intérêt de définir les critères qui lui permettront de recevoir des financements communautaires. Les interventions des représentants d’intérêts se font auprès de la Commission, et aussi auprès des députés européens qui pourront à leur tour soutenir leurs intérêts. Le Comité des Régions n’a qu’un rôle très faible puisqu’il est uniquement consultatif. Il faudrait réellement une coalition très large et très active pour peser sur le processus, ce qui est peu probable actuellement. A propos des initiatives communautaires : Il semble que les gouvernements n’apprécient pas particulièrement les initiatives communautaires, peut-être parce qu’ils peuvent moins les contrôler que les programmes d’objectifs prioritaires et parce qu’ils considèrent que leur impact est moindre. France Télécom mène des actions en commun avec des régions françaises, dans le cadre du cinquième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions communautaires de recherche, de développement technologique et de démonstration (DG Recherche) et du programme des Technologies de la Société de l’Information (IST) de la DG Société de l’information.

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Compte-rendu de l’entretien du 23 février 2001 à Lille Annexe 1.5.6. Entretien avec François Delagrange et Daniel Ghouzi Conseil régional Nord-Pas de Calais François Delagrange : Directeur de cabinet du Président du Conseil régional, Michel Delebarre Daniel Ghouzi : Direction générale « Prospective et international » FD : Depuis les origines de la politique régionale communautaire, la Commission européenne a toujours été très sensible au NPdC, puisque dès 1984-85, la région a créé un lobby européen avec d’autres régions (Wallonie, région de Leeds, Ruhr…), l’association des Régions de Tradition Industrielle (RETI) qui regroupait de vieilles régions industrielles. En tant que région en reconversion industrielle et en tant que région agricole assez puissante, le NPdC a toujours été à l’écoute de toute innovation de la Commission européenne en matière de politique régionale. A l’époque, la région intervenait également au niveau national pour dire : « Attention : dans la négociation des politiques régionales européennes, faites entendre les voix de nos régions » (les régions particulièrement concernées étaient le NPdC et la Lorraine). Dans les années 1983 à 1986, la région NPdC et les régions associées étaient donc une force de proposition importante auprès du gouvernement français et de la Commission pour leur dire de bien prendre en compte les problèmes de nos régions lors de la mise en place des politiques européennes, aussi bien au niveau du FSE que des premiers FEDER. Cela se situe donc en amont, bien avant la définition des objectifs prioritaires ? Absolument. Le lobbying du RETI et le lobbying national et européen avaient pour but que la Commission ne mette pas en œuvre des politiques régionales qui ne soient pas favorables à ces régions industrielles en reconversion. Il s’agissait d’un travail sur les objectifs, il fallait surveiller de près les premiers fonds régionaux européens pour voir si nos problèmes de friches industrielles, de formation professionnelle, de sites urbains, de politiques de modernisation industrielle, étaient bien pris en compte dans les fonds européens. On a donc toujours veillé à se faire entendre et à être à l’écoute de toute orientation nouvelle de la Commission en matière de fonds européens, à l’époque des premières générations de politique régionale européenne. Aujourd’hui, la région NPdC est toujours concernée par les fonds européens : objectif 1, objectif 2 et fonds Interreg. L’Eurorégion a-t-elle été créée de manière à compenser le fait que la région ne soit plus éligible pour l’objectif 1 ? DG : Non, la création ne correspond pas du tout à cette problématique. La création date de la fin des années 1980, et son moteur premier est le partenariat entre le NPdC et le Kent, sur toute la thématique de la construction du Tunnel sous la Manche : quel impact le Tunnel pouvait-il avoir sur les deux régions, d’abord au niveau de sa construction (création d’emplois, utilisation de la main-d’œuvre et des entreprises régionales) et au niveau de son impact sur l’environnement, sur les réseaux d’infrastructures etc. Le but était d’avoir des réponses concertées de la part du Kent et du NPdC, à la fois vis-à-vis des gouvernements français et britannique (qui discutaient dans le cadre d’une commission intergouvernementale) et vis-à-vis de l’entreprise Eurotunnel elle-même. A partir de ce concept, on a créé le concept de région transmanche, qui s’est rapidement élargi (compte tenu de l’impact du Tunnel sur l’économie portuaire) aux ports voisins belges. Une fois que le Tunnel a commencé à prendre corps, on s’est mis à réfléchir en termes d’aménagement du territoire à un niveau plus stratégique : alors que le triangle situé entre Paris, Londres et Bruxelles allait être relié par de nouveaux moyens de transports très rapides qui bouleversent les rapports distance/temps, et que les flux de transports risquaient d’être multipliés par cinq ou plus, cette région ne serait-elle qu’une région de passage ou serait-elle capable d’avoir une stratégie d’aménagement et de développement ? Un des fondements de la création de l’Eurorégion a donc été cette idée que nous étions une région située au cœur de l’Europe et que le nouveau positionnement que nous occupions avec les infrastructures de transports (TGV, Tunnel sous la Manche, réseau routier construit à cette occasion) nous donnait de nouveaux atouts par rapport à notre situation antérieure où nous étions le cul-de-sac de la France. Cela ouvrait de nouvelles perspectives de partenariat avec nos voisins britanniques et belges et

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c’est pour cela que l’on a créé l’Eurorégion en 1991. L’Eurorégion entérinait les méthodes de travail qui avaient été mises en place à partir de 1986-87 (petits groupes de travail, accords bilatéraux). La Commission s’est intéressée à cette expérience de coopération interrégionale (« a very exciting experience! »). On avait lancé un programme expérimental qui était la préfiguration des programmes Interreg. Personne n’avait fait cela auparavant – il y avait eu des tentatives de coopération dans l’Est de la France (Meuse, Sarre) mais nous avons été les premiers à passer un accord de coopération assis sur un projet, et à demander des financements à Bruxelles pour cela. (Les Anglais étaient très contents, puisqu’ils n’avaient pas droit aux fonds structurels – en particulier le Kent, qui est la région la plus pauvre d’Angleterre – et l’Eurorégion leur a donc permis de mettre un pied dans les fonds européens. Ils nous ont beaucoup aidés dans notre lobbying avec Bruxelles, parce qu’ils ont une bonne expérience dans ce domaine.) L’Eurorégion est donc un des ancêtres des programmes Interreg, avec d’autres tentatives de coopération sur toutes les frontières intra-européennes. Les programmes Interreg ont été construits sur les bases de ces expériences. L’Eurorégion a commencé à se structurer peu à peu, mais on est un peu resté sur sa faim : au départ, la coopération était très axée sur tout ce qui concernait les transports et l’impact du Tunnel sur les économies portuaires, mais ensuite, malgré la vision stratégique d’un certain nombre de partenaires, on n’a pas su monter en niveau de réflexion pour se demander comment faire pour ne pas être uniquement une région de passage. On est resté un peu velléitaire sur ce sujet. La Commission a mené des études dans le cadre du schéma de développement de l’espace communautaire (SDEC) sur les corridors de fret, sur le schéma de développement de l’espace communautaire et sur l’aire métropolitaine du Nord-Ouest ; l’Eurorégion était concernée, puisqu’elle gère un des programmes de cet ensemble (le programme SPACE, 10 millions d’euros), mais les structures politiques légères qu’on avait adoptées au départ (présidence tournante d’un an, réunion tous les cinq ans, petits groupes de travail de techniciens) n’ont pas pris corps et n’ont pas été articulées sur la société civile. Aujourd’hui, l’Eurorégion existe sous la structure d’un GEIE et dispose de moyens considérables au travers des politiques européennes qui depuis se sont structurées et développées (en particulier avec Interreg III A, voire Interreg III B et avec les programmes d’intérêt communautaire comme SPACE), mais elle n’a pas cette volonté ni cette organisation politique collective pour être gérée dans de bonnes conditions – malgré les encouragements (relativement timides) de la Communauté. Le problème est également et surtout que durant les dix dernières années, l’Eurorégion a été victime de la querelle entre Flandre et Wallonie. L’éclatement de l’Etat belge en Etat fédéral a particulièrement amoindri la signification de l’Eurorégion, puisque pendant une certaine période les réunions de l’Eurorégion servaient aux Flamands et aux Wallons à régler leurs comptes devant témoins. Cela a été un handicap majeur pour faire vivre la structure. Il semble que cette période soit révolue, que les Belges aient surmonté les problèmes liés à leurs mutations internes et qu’ils soient disposés à renouer des partenariats beaucoup plus étroits entre eux et, de ce fait, à travailler avec le NPdC, le Kent et même au-delà – puisque dans le cadre d’Interreg III A, nous travaillons avec la région Champagne - Ardennes, en particulier avec le département de l’Aisne. (On a élargi toute la superficie sur laquelle on peut travailler avec Interreg III A. Cela n’est pas été pris en charge par l’Eurorégion, parce que dans le cadre de la décentralisation française, qui confie aux autorités régionales la possibilité de devenir autorité de gestion, l’Etat s’est réservé le rôle de préfet coordinateur, et même coordinateur transfrontalier – ce qui signifie que l’Etat français peut coordonner les Belges à l’envi…) En bref, ce qui constituait le boulet principal de l’Eurorégion, c’est-à-dire la fragilité du partenaire belge, a aujourd’hui disparu. L’intégration européenne est en marche assez forte, aussi bien au niveau économique qu’au niveau monétaire ; il faut maintenant la traduire clairement dans les faits. Pour cela, on réfléchit à la façon de réorganiser le pouvoir politique dans le cadre de l’Eurorégion, de changer les structures pour que ces changements traduisent les évolutions de rapports à l’intérieur même de la structure eurorégionale. FD : Mais aujourd’hui, cela ne sert plus à rien en matière de gestion des fonds européens ou de lobbying sur les fonds européens – sinon qu’avec la Wallonie on a travaillé ensemble sur les nouvelles propositions de la Commission sur le phasing out et la sortie d’objectif 1, et là on a fait un lobbying à deux : on s’est battus ensemble pour faire valoir nos intérêts communs sur l’objectif et la manière d’en sortir, pour rallonger les délais. Mais si l’on s’est battus ensemble, ce n’est pas dans le cadre de l’Eurorégion mais

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simplement parce que l’on a de bons rapports avec la Wallonie et que l’on a eu beaucoup de réunions avec eux. Ces négociations ont-elles lieu directement entre le niveau régional et la Commission ? DG : Les négociations se font avec des niveaux institutionnels différents, donc dans des contextes différents, sur des sujets différents qui sont fortement marqués par, en ce qui nous concerne, les problèmes franco-français : nous ne sommes pas un Etat décentralisé – cela se saurait. Alors que l’Europe est impliquée dans une démarche de décentralisation, de subsidiarité, d’additionnalité, la démarche de l’Etat français a toujours été inverse. « C’est moi, l’Etat, qui gère les fonds, je suis responsable des fonds ; je considère les fonds européens comme mes propres crédits, donc il faudra que l’on rediscute des critères d’additionnalité, et pour les problèmes de subsidiarité, je me sers d’abord et ensuite on regarde comment cela se passe. » Il y a bien souvent substitution de crédits européens aux crédits d’Etat – quand on n’a pas assez d’argent pour construire une route, on fait appel aux crédits européens, mais c’est « à la place de » et non pas « en plus de ». FD : Mais c’est différent en amont, c’est-à-dire en termes d’information, parce que là on travaille directement avec la Commission. Quand la Commission a commencé la réforme des fonds structurels, on allait aux nouvelles de façon à pouvoir être en avance et voir comment l’Etat français allait être amené à gérer ces questions. Grâce à Michel Delebarre en particulier, à travers le Comité des Régions et de nombreux contacts qu’on avait à Bruxelles, on était au fait des réformes qui étaient en cours à Bruxelles. On ne demandait pas à l’Etat français ce qu’il en pensait : on allait aux nouvelles, on essayait de se battre pour que les programmes Urban soient repris, et on s’est aperçu rapidement que l’enveloppe que la Commission allait donner à la France allait être telle enveloppe. Mais on était bien en amont de l’information, et ensuite il fallait se battre au niveau français pour savoir comment cette enveloppe pouvait être répartie. DG : Le fond du problème, en ce qui concerne nos rapports avec l’Etat sur les questions européennes, est terriblement biaisé par le prisme de la décentralisation. Malgré les efforts réels qui sont faits aujourd’hui, les déclarations du gouvernement sur la volonté de décentraliser et la volonté de la Commission de dire que les régions peuvent devenir autorités de gestion, prendre en charge la responsabilité complète de la gestion de certains programmes (Interreg en particulier) et être associées de façon très étroite à la gestion des programmes FEDER ou FSE, les relations avec l’Etat ne sont pas faciles. On se heurte à un Etat protéiforme : d’un côté, il y a le pouvoir politique qui a un discours très décentralisateur (le Premier ministre dit qu’il faut que les régions puissent prendre en charge les responsabilités) ; d’un autre côté, il y a l’administration centrale (la DATAR) qui dit qu’il faut quand même qu’elle puisse contrôler la gestion des programmes, voire les gérer elle-même – donc la DATAR n’est pas nécessairement un moteur de la décentralisation ; et enfin, il y a les services extérieurs de l’Etat en régions, qui sont en quelque sorte entre le marteau et l’enclume. D’une part, ils nous ont comme interlocuteurs au quotidien et ils voient qu’on peut travailler en bonne intelligence et que le fait que nous prenions en responsabilité tel ou tel type de programme ne les exclut pas pour autant de leurs responsabilités premières, conformément aux circulaires ; mais d’un autre côté, ils ont des comptes à rendre à Paris. Nos relations sont donc complexes : nous travaillons en bonne entente avec l’Etat dans la région, mais les relations sont compliquées avec l’Etat central, parce que si on travaille avec le politique (le Premier ministre, le ministre de l’Aménagement du Territoire), cela se passe bien, mais si on travaille avec les administrations centrales, cela se passe moins bien – cela dépend en fait des interlocuteurs à la DATAR, qui sont plus ou moins conciliants. Comme on a une tradition de dialogue direct avec la Commission, on va voir la Commission. Au Conseil régional, il y a des gens qui ont travaillé à la Commission pendant longtemps, donc qui connaissent bien les arcanes et les réseaux et qui ont gardé leurs contacts là-bas. FD : On a utilisé ce levier des bonnes connaissances avec la Commission pour faire pression sur l’Etat français. Par exemple, on a bien suivi l’élaboration du projet européen et on considérait qu’avec les critères des nouveaux fonds européens, notre région devait être classée en objectif 1 pour la partie qui l’était déjà avant et globalement en objectif 2 pour le reste, puisqu’on répond aux critères de la Commission. On était satisfait avec cela, puisque nous étions en plein dans les critères. Malheureusement, cela ne se passe pas comme cela, parce qu’ensuite il y a des arbitrages nationaux, et là on ne peut plus

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rien y faire : on est face à un Etat qui nous enlève des zones parce qu’il faut mettre des quartiers difficiles en région parisienne ou en région lyonnaise en objectif 2. L’aménagement du territoire se fait par un arbitrage national, mais pas toujours à notre avantage. Les méthodes de négociation sont complexes. Nous avons négocié un contrat de plan avec les deux départements (Nord et Pas de Calais) et pour la première fois, on avait concomitance entre un contrat de plan Etat-région (2000/2006) et la période 2000/2006 pour les fonds européens. On a donc quasiment tout négocié en même temps : les politiques régionales s’appuient sur les capacités du Conseil régional et ses compétences (lycées, formation professionnelle…), avec deux leviers financiers : les moyens du contrat de plan et les fonds européens. DG : On a donc négocié avec les deux départements (ce qui n’est pas toujours facile : même quand il y a de fortes proximités politiques, chacun a ses intérêts) et avec l’Etat, mais la simultanéité des négociations a abouti à une perversion, au sens où l’Etat était enclin à considérer que les groupes de travail du contrat de plan sont les groupes de travail dans lesquels on peut négocier les fonds européens. Comme l’Etat dit que les fonds européens lui appartiennent, et comme il négocie le contrat de plan avec la région, il négocie l’utilisation des fonds européens dans le cadre du contrat de plan. C’est la même durée, les fiches mesures sont calquées sur les dispositions du contrat de plan et donc il considère qu’à la limite, on peut très bien se passer de dispositifs de négociation et de régulation qui sont propres à la Commission. On peut donc se passer des comités techniques et des comités de programmation, puisque tout cela aura déjà été fait dans le cadre des groupes de travail du contrat de plan où il y a les mêmes intervenants (Etat, région, départements). Mais en réalité, ce n’est pas du tout la même chose : la philosophie n’est pas du tout la même, même si on s’appuie sur un projet qui est identique (la stratégie de l’Etat en régions, la stratégie de la région, la stratégie de ses partenaires, la synthèse du tout et à partir de cela la définition des priorités, qui se traduit dans le contrat de plan par des axes et des priorités et dans le document unique de programmation (DOCUP) par des axes et des fiches mesures qui traduisent des priorités quasiment identiques). La philosophie des programmes européens n’est pas la même, parce qu’il y a subsidiarité, additionnalité et des critères demandés par la Commission (comme l’égalité hommes/femmes) qui ne sont pas toujours particulièrement pris en compte. Nous souhaitons qu’il y ait une spécificité de la gestion des crédits européens, ce qui n’est pas toujours le cas de nos partenaires de l’Etat et qui complique les négociations. En effet, quand l’Etat dit qu’il n’a pas de quoi financer tel projet mais qu’il va utiliser les crédits européens pour compléter, cela ne respecte pas la philosophie européenne. Donc les négociations ne sont pas faciles : l’Etat a une tradition de rapports à la Commission européenne qui n’est pas décentralisatrice du tout. Pour nous, c’est un problème. FD : Le résultat est cependant que l’on a globalement, en termes d’objectifs, la même chose dans les fonds européens que dans le contrat de plan, donc on partage les mêmes objectifs. En plus, en termes d’affichage financier, nous pouvons dire que nous avons 30 milliards de francs de 2000 à 2006, comprenant les moyens de contrat de plan Etat-région et les moyens des fonds européens. Il y a donc à la fois un intérêt financier et des objectifs, et on parvient à définir des objectifs communs entre la région, l’Etat et la Commission, que ce soit pour le contrat de plan Etat/région ou pour les fonds européens. Ce n’est pas le cas pour d’autres régions. DG : On a un bon contrat de plan et de bons DOCUP. Les programmes opérationnels Interreg s’inscrivent exactement dans la même démarche, mais en élargissant la stratégie sur des champs géographiques beaucoup plus vastes, puisque cela couvre avec Interreg toute la Belgique et une partie du Nord de la France, et Interreg III B couvre plusieurs régions françaises, l’Angleterre, une partie de l’Irlande… On s’inscrit bien dans la démarche souhaitée par la Commission, et qui s’est traduite dans le SDEC. Cela a été une de nos bases de réflexion. Par rapport à cela, nous avons élaboré un projet régional que nous avons confronté au projet de l’Etat en région en demandant à l’Etat quelles sont les spécificités du projet de l’Etat en région par rapport aux démarches qu’il conduit au niveau national au titre, par exemple, de l’élaboration des schémas de services collectifs. Comment ce projet se situe-t-il par rapport aux grandes démarches menées par l’Etat dans ses rapports avec la Commission ? En effet, on n’a jamais pu connaître clairement quelle était la position française vis-à-vis du SDEC. Cela a toujours été plus ou moins flou, on n’a jamais eu de référence précise, la Communauté disait qu’elle n’avait pas vraiment de compétences en matière d’aménagement du territoire mais elle s’en occupait quand même… De plus, l’Etat a refondu de 1995 à 2000 toute sa stratégie de planification nationale et régionale : il y a d’abord eu l’ère Pasqua, puis

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l’ère de la gauche plurielle, les documents et la nature de la démarche ont changé, on ne s’est plus fondé sur une démarche d’offre d’équipements mais sur une démarche d’analyse de la demande sociale – ce qui est complètement différent. Tout cela a croisé nos négociations avec la Commission européenne, qui nous prévenait que c’était la dernière fois qu’on travaillait dans ces conditions : les fonds structurels vont évoluer considérablement, le FEDER va disparaître, les objectifs ne sont plus les mêmes, les fonds généraux seront consacrés aux pays émergents d’Europe centrale et Bruxelles continuera uniquement à financer la coopération interrégionale, dans des conditions qui ne seront pas nécessairement celles d’aujourd’hui au travers d’Interreg. La Commission nous conseille donc d’être attentifs : les nouveaux objectifs de la Commission sont l’intégration, l’égalité des chances, l’égalité d’accès, et nous avons cinq à six ans pour nous adapter. Ici, tout le monde a bien compris l’enjeu que cela représentait pour nous, dans la mesure où – il faut le souligner – les fonds européens représentent plus en contribution à nos projets d’investissements que les fonds d’Etat (en dehors des rémunérations des fonctionnaires, bien sûr). L’Europe est donc pour nous un partenaire essentiel, qui nous aide à traverser les mutations auxquelles nous sommes confrontés. Mais il faut aussi mettre tout cela en rapport avec les évolutions qui sont en train de se produire chez nous, et qui modifient les rapports de forces des partenaires participant aux négociations : il y a cinq ans, seuls l’Etat et la région négociaient. Aujourd’hui, il y a l’Etat, la région et les départements, et dans cinq ans, s’ajouteront les groupements intercommunaux (lorsque la loi Chevènement aura produit ses effets). Les rapports de forces vont donc se trouver modifiés et il faudra aussi discuter de tout cela avec notre partenaire européen qui, lui, aura modifié sa stratégie, travaillant plutôt sur l’Europe centrale et considérant que nous sommes tirés d’affaire, mais poursuivant toujours le même dessein d’intégration européenne (donc de réduction des inégalités sur l’ensemble du territoire) mais fonctionnant de manière différente. C’est donc une perpétuelle évolution : tous les cinq ans, il faut changer de stratégie, de partenaires, s’inscrire dans de nouveaux rapports de forces, et dans un contexte économique et social qui lui aussi est mouvant. On ne peut pas dire qu’il existe une méthode de lobbying unique : c’est fonction des circonstances, des partenaires, des sujets. Ce qui paie, c’est la parfaite connaissance des dossiers et des circuits, l’identification des nœuds de décision et de régulation, mais cela peut changer : aujourd’hui, la DG Régio est importante et la DG Agriculture est encore plus importante, mais peut-être que dans dix ans ces deux DG seront beaucoup moins importantes et qu’il y en aura d’autres, comme les transports ou l’environnement, qui auront pris de l’importance. Nous ne pouvons pas anticiper ces évolutions et c’est pour cela que nous avons besoin de garder en permanence un œil braqué sur la Commission. De plus, les rapports entre les institutions européennes sont modifiés également : par exemple, les rapports de forces évoluent entre le Parlement et la Commission, et tout cela a un impact sur la façon dont nous travaillons. Il y a donc une multitude d’entrées si on veut étudier les négociations sur les politiques régionales européennes. FD : C’est à comparer également avec les autres approches. A un opposé, la Bavière et tous les Länder allemands discutent directement avec la Commission européenne ; à l’autre opposé, en Angleterre, les régions n’existent pas et c’est l’Etat britannique qui intervient. Par exemple, nous montons des fonds Interreg avec la Haute Normandie, le NPdC, la Somme et l’Angleterre, mais nos partenaires du Kent County Council (KCC) ne sont pas du tout associés. Ce ne sont pas les élus, les représentants de la région du Sussex ou du Kent, mais les représentants du gouvernement britannique qui discutent avec le préfet de région de Haute Normandie, avec le Conseil régional NPdC, etc. Nous sommes un peu une forme hybride entre les Länder allemands, les Belges et les Anglais. DG : Le président d’une communauté en Belgique est ministre-président, il dirige un exécutif complet. Notre collègue de Wallonie entretient une politique de relations internationales d’Etat, avec des représentations permanentes et des ambassades. Si nous nous mettions à faire cela, nous serions immédiatement rappelés à l’ordre par la Direction générale des collectivités locales : « Pas de politique étrangère au niveau des collectivités ; vous pouvez faire de la coopération décentralisée, et encore, sous le contrôle du Ministère des Affaires étrangères ». Nous travaillons donc avec des partenaires qui n’ont pas du tout le même profil que nous. Nous devons négocier avec l’Etat en région et avec l’Etat central, et ce que dit la DATAR n’est pas ce que dit le Ministère de l’Aménagement du territoire et ce n’est pas forcément ce que dit le Premier ministre.

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FD : Mais on revient de loin : il y a quinze ans, nous n’existions pas dans ces débats, il n’était pas question de discuter. Dans la phase à venir, même si la décentralisation n’avance pas considérablement, on ne pourra pas nous ignorer dans les débats européens. L’Etat central voit bien qu’avec notre proximité géographique, on est plus facilement à Bruxelles qu’à Lille. Nous avons également des complicités : nous sommes candidat pour l’accueil d’agences européennes (l’agence de sécurité alimentaire ou l’agence de sécurité maritime). Nous avons toutes les informations du côté de Bruxelles, donc nous savons comment présenter le dossier et à Bruxelles, ils aimeraient bien que l’Etat français tranche en faveur du NPdC. En termes d’approche, Michel Delebarre va à Bruxelles pour voir le Commissaire européen ou la DG en charge d’un dossier pour qu’on lui donne les éléments qui nous permettront de nous défendre au niveau national français. On a vécu cela la semaine dernière : nous sommes allés à Matignon pour revendiquer telle et telle agence, et nous avons utilisé des arguments que nous avions en tête et des arguments que la Commission nous a donnés. Effectivement, la Commission a intérêt à ce que le NPdC accueille des agences : ces agences seraient en dehors de la Belgique, dans laquelle on ne peut plus mettre d’éléments européens supplémentaires, mais elles seraient dans la région la plus proche de Bruxelles, donc la plus proche du centre administratif européen. Cette proximité et ces habitudes font que l’Etat sera bien obligé de nous accorder de plus en plus de compétences. DG : On a donc un croisement complexe entre les réseaux d’influence politique, les réseaux de techniciens, les amitiés… Mais de toute façon, il n’y a pas de réussite sans dossier de qualité, c’est la condition sine qua non. Si le dossier n’est pas bon ou pas complet, avec un maître d’ouvrage, un plan de financement bouclé, une stratégie claire, des gens sérieux derrière et les capacités d’évaluation, ce n’est même pas la peine de discuter. Et c’est normal. FD : Il faut également savoir qu’il y a deux ans, on a constaté qu’on arrivait en fin de période sans avoir consommé tous les fonds européens objectif 1 et objectif 2. C’est nous, la région, qui avons dit à l’Etat qu’il fallait faire quelque chose et qui sommes allés chercher des partenaires et aidé des gens à monter des projets pour pouvoir consommer ces fonds. Pour l’Etat, à la limite, ce n’était pas grave et ce n’était pas son problème. C’est le Conseil régional qui a été le moteur de la relance, de façon à arriver à une bonne consommation en fin de période. Nous sommes arrivés à cela parce que nous avons été des aiguilleurs politiques et des moteurs de projets. L’Etat lui-même ne se remuait pas beaucoup. DG : Nos collectivités partenaires ont également des problèmes majeurs : elles ne sont pas très riches et elles ont peu de moyens propres. Or, pour présenter un projet à Bruxelles, il faut être armé et disposer d’une ingénierie particulièrement compétente. Les collectivités n’ont pas les moyens de payer des techniciens suffisamment experts, capables de faire du lobbying, de trouver des partenaires, de monter un projet, de l’inscrire dans une stratégie. Bruxelles est de plus en plus exigeant sur la qualité des dossiers, à tous les niveaux : préparation, conception, mise en œuvre, suivi, évaluation. Tout est sérieusement contrôlé. Mais c’est logique, c’est la contrepartie de la responsabilité. Quelles sont les différences entre les PIC et les programmes d’objectifs prioritaires, en termes de négociations ? FD : Il ne reste plus beaucoup de PIC : il nous reste Urban, Leader. Ce qui est intéressant avec les PIC, c’est qu’on discute directement avec la Commission. On ne passe donc pas par un contrôle ou un arbitrage de l’Etat. Bien entendu, on informe l’Etat de ce que l’on fait, mais on traite directement avec la Commission. La coopération dans le cadre d’Interreg passe-t-elle par l’Etat, ou est-elle discutée directement avec la Commission ? DG : C’est très compliqué. Je ne parlerai que d’Interreg III A, pas d’Interreg III B. La situation globale de départ est que le gouvernement dit qu’il a décidé de mettre en place un processus de décentralisation, conformément aux orientations de la Commission, et qu’il souhaite que les conseils régionaux puissent devenir autorité de gestion et autorité de paiement, donc être en charge de la certification et du contrôle, mais aussi de la préparation, de l’animation, de l’instruction des dossiers, du suivi de la réalisation et de l’exécution financière. Sachant cela, le bureau exécutif de la région NPdC se réunit et, à l’initiative du président Michel Delebarre, dit que c’est une avancée importante de la décentralisation, qu’il ne faut pas

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la manquer et qu’il faut adapter nos structures et nos moyens, avec l’aide des comités d’assistance technique. Mais ensuite, le gouvernement nous apprend qu’en réalité, telle circulaire dit que nous ne pouvons pas devenir autorité de gestion, que telle autre circulaire dit que nous ne pouvons pas non plus devenir autorité de contrôle, et que nous avons besoin de passer par un Groupement d’intérêt public (GIP) international (une procédure de droit français où l’Etat français reste majoritaire). Bien sûr, les partenaires belges n’ont pas accepté cette situation et on est arrivé à un blocage. Le président Delebarre a dû intervenir personnellement auprès du Premier ministre pour lui exposer le problème : une circulaire dit que nous pouvons être autorité de gestion et autorité de contrôle, mais on s’aperçoit que Bercy fait tout pour nous en empêcher. On nous empêche de prendre, comme ce qui était prévu, la Caisse des dépôts comme autorité de paiement, et on nous oppose d’autres circulaires qui disent que nous ne pouvons pas être autorité de gestion. Que faire ? A la demande de Michel Delebarre, il y a eu une réunion exceptionnelle à Matignon, présidée par le Premier ministre, et qui a donné lieu à des arbitrages assez sévères. Le gouvernement a réaffirmé sa position, c’est-à-dire que les régions doivent pouvoir devenir autorité de gestion et de paiement. Entre-temps, dans nos négociations avec Interreg, nous avions trouvé que la meilleure manière d’avoir un premier pas dans la décentralisation, puisque la région NPdC ne pouvait pas être autorité de gestion, était de confier ce rôle à nos partenaires belges. Nous avons donc soutenu la candidature de la Wallonie comme autorité de gestion – ce qui était un déchirement pour nous, puisque nous aurions voulu être nous-mêmes autorité de gestion. La candidature de la Wallonie a été acceptée. Quelques semaines plus tard, après l’arbitrage de Matignon, nous avons appris que nous pouvions être autorité de gestion… Mais c’était trop tard. Nous avons continué de négocier avec l’Etat sur ces bases. La Wallonie était autorité de gestion ; sur le versant franco-belge, nous avons convenu que nous constituerions des sous-programmes (un sous-programme Wallonie/Flandre et un sous-programme NPdC/Champagne-Ardennes/Aisne). C’est alors qu’une circulaire de Dominique Voynet a demandé qu’il y ait un chef de file côté français, c’est-à-dire une collectivité qui puisse gérer l’ensemble du processus (vérifier, certifier, animer, co-instruire…). Or, la loi sur la décentralisation dit qu’aucune autorité ne peut exercer de tutelle sur les autres – et le fait d’être chef de file revient à exercer une certaine forme de tutelle. Nos partenaires des autres collectivités n’ont bien sûr pas voulu que nous soyons chef de file et que nous nous occupions de leur gestion. Nous avons alors découvert un alinéa de la circulaire Voynet disant qu’en cas de désaccord entre les collectivités pour désigner un chef de file, le préfet coordinateur reprendrait ses prérogatives. Aujourd’hui, nous en sommes à ce point : nous discutons avec le préfet pour essayer de trouver un modus vivendi qui corresponde au mieux aux aspirations de chacun : - celles des collectivités, qui veulent exercer des responsabilités réelles mais dans un cadre mal défini,

puisque si le chef de fil exerce son autorité pleine, il contrevient aux dispositions de la loi sur la décentralisation. Nous cherchons donc à trouver les meilleurs arrangements possibles ;

- celles de l’Etat, qui veut reprendre le contrôle si les collectivités ne parviennent pas à un accord ; - les partenaires belges, quant à eux, refusent de discuter avec l’Etat : puisqu’il s’agit d’un programme

décentralisé, ils veulent avoir les collectivités pour interlocuteurs. Ce qui se passe actuellement est une révolution. C’est l’amorce d’une évolution qui sera irréversible et qui fera que, de plus en plus, les programmes européens seront gérés dans un contexte décentralisé, parce que c’est la problématique de la Commission et qu’elle ne cèdera pas. Il faudra donc que l’Etat français trouve des accommodements avec le Ciel pour pouvoir continuer à exercer ses fonctions de régulation, mais en même temps laisser aux gens du terrain la libre capacité de s’administrer sous le contrôle de la Communauté. FD : Vous nous demandiez au début de cet entretien si nous avions uniquement pour objectif d’obtenir des crédits les plus élevés possibles ou si nous avions d’autres objectifs. En réalité, ce sont les deux : avec l’articulation entre le contrat de plan et les fonds européens, le Conseil régional a rédigé un document commun, le document d’orientations régionales. C’est la bible du Conseil régional, qui dit ce que nous voulons faire dans les six ans à venir. Nous sommes intransigeants là-dessus : ce sont des objectifs que nous avons discutés avec nos partenaires et tout le monde les a approuvés et votés. Nous avons donc des

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 1

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objectifs bien déterminés, comme achever la reconversion du bassin minier avant 2006. Tout s’emboîte parfaitement : chaque objectif de notre document d’orientations régionales correspond à un objectif européen identifié et à une ligne budgétaire déterminée. Intellectuellement, c’est satisfaisant. Maintenant, nous devons encore monter les projets, mais nous savons que si un projet entre dans ce cadre d’orientations régionales, il trouvera des financements dans le contrat de plan et dans les fonds européens, en Interreg ou en objectif 2. DG : Avant de passer à la démarche de projets proprement dite, nous avons fait un bilan et une analyse stratégique de ce qui s’était passé auparavant et des dysfonctionnements que nous avions pu connaître, d’une part dans nos rapports avec l’Etat, au travers de la décentralisation, et d’autre part dans nos rapports avec nos autres partenaires – la Commission européenne et les autres territoires. A partir de cela, nous avons défini nos lignes directrices. FD : Nous avons donc une stratégie, des objectifs et de l’argent. Mais contrairement à d’autres régions (et peut-être contrairement aussi aux Anglais), nous n’avons jamais raisonné en nous disant uniquement « il faut ramener de l’argent ». Nous cherchons à obtenir des crédits, mais nous savons quoi en faire. Dans la période précédente, c’était un peu différent – et c’est comme cela qu’en 1998, nous nous sommes aperçus que des sommes importantes n’avaient pas été affectées, parce que cela ne reposait pas sur des stratégies très approfondies. Comment pouvez-vous jouer sur les classifications en objectif 2, sachant que les critères sont pour moitié des critères communautaires et pour moitié des critères nationaux ? Il y a d’abord des critères européens, et ensuite nous travaillons avec nos partenaires (l’Etat, les départements) pour faire notre propre projet, en le cadrant avec les orientations de la Commission. Une fois que nous sommes d’accord sur notre propre projet, nous le renvoyons à la Commission pour adoption. Quelle est l’attitude de l’Etat vis-à-vis des initiatives communautaires ? Le fait que les discussions aient lieu directement entre la région et la Commission, sans que l’Etat ne puisse gérer les programmes, engendre-t-il une forme d’hostilité de l’Etat ? Il s’agit moins d’une hostilité que d’un désintérêt parce qu’ils ne sont pas concernés. Cependant, dans la région NPdC, nous avons toujours pris soin d’informer l’Etat. En effet, les PIC sont limités dans le temps et ce sont souvent des programmes assez expérimentaux, pour tenter de nouvelles stratégies, de nouvelles politiques. On sait qu’un jour, il faudra un relais. De plus, les PIC ne sont jamais financés à 100 % – le taux de cofinancement est plutôt de l’ordre de 50 % – donc il faut trouver des contreparties, à la fois auprès des partenaires locaux et de l’Etat. Nous avons donc intérêt à associer l’Etat à ces programmes, nous ne sommes pas en guerre avec l’Etat. Mais bien sûr, l’Etat ne nous pousse pas dans les bras des initiatives communautaires. C’est toujours nous qui proposons les PIC et qui lançons les appels d’offre, ce n’est pas l’Etat qui nous prévient de l’existence d’une initiative communautaire qui pourrait nous intéresser. Nous nous occupons de trouver les initiatives communautaires, de monter les dossiers et de les gérer, mais nous en informons toujours l’Etat. En plus du fait que nous avons besoin de contreparties financières, il est normal que nous en informions l’Etat, puisque ces programmes entrent dans le cadre de nos objectifs d’aménagement du territoire sur l’ensemble de la région. Nous n’allons pas avoir une attitude différente selon qu’il s’agit de programmes communautaires ou de programmes nationaux : nous avons une seule stratégie, nous jouons sur différents claviers pour la mettre en œuvre mais notre intérêt est que les différents partenaires soient associés. Pensez-vous que les initiatives communautaires soient appelées à disparaître d’ici quelques années ? Non, parce que du fait de la disparition à terme des fonds européens de politique régionale pour nos régions (la Pologne, la Hongrie, la République tchèque vont avoir des problèmes considérables de conversion économique qui font que bientôt, la région NPdC sera considérée comme une région riche – ce n’est pas encore le cas, mais nos retards et nos difficultés peuvent apparaître extrêmement faibles par rapport à ceux des pays de l’Est), toutes les régions du cœur de l’Europe (France, Belgique, Allemagne…) vont se battre pour le maintien de PIC pour régler des problèmes spécifiques sur la pêche,

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les politiques urbaines, la formation… Il y aura donc certainement une relance des PIC transversaux pour aider ceux qui ont connu des fonds de reconversion régionale à continuer quand même. Il est évident qu’en 2006, toutes nos difficultés n’auront pas disparu, par exemple la conversion du bassin minier ne sera pas terminée. La Commission a diminué le nombre de programmes, mais en termes de poids financier, les PIC sont beaucoup plus importants qu’auparavant. La région NPdC apparaît comme une région qui a une longue habitude de lobbying, qui sait mener des négociations et présenter des dossiers par rapport à d’autres régions (du Sud ?) qui n’auraient pas cette expérience. L’Europe a d’abord été l’Europe du charbon et de l’acier, donc les premiers fonds de conversion européens répondaient à ces problèmes et le NPdC et la Lorraine ont été les premiers à faire attention à l’émergence de nouvelles politiques européennes. En plus, nous avons cette proximité géographique. Cela fait que nous sommes la première région française en matière de fonds européens, c’est-à-dire la région qui touche le plus de fonds européens pour la période à venir. C’est parce que nous avons eu tous les problèmes industriels que l’on connaît. Donc bien sûr, étant la première région française en matière de subsides européens, on a su gérer ces fonds, à la fois du côté de l’Etat que du côté des collectivités. Et puis, même si on se plaint parce qu’on dit toujours qu’il n’y a pas assez de technicité dans nos territoires, on a déjà une technicité incomparable avec celle des gens de la région PACA sur les fonds européens ! Dans chacune de nos grandes communautés urbaines, on trouve au moins deux ou trois personnes qui savent monter un dossier européen. Dans l’ensemble du NPdC, on doit avoir une centaine des techniciens qui savent faire cela. Ce n’est pas le cas partout. Le lobbying était naturel : la France et l’Europe ne pouvaient pas se détourner d’une région avec les problèmes que nous avons connus jusqu’en 1986. De 1978 à 1984, on fermait une usine toutes les semaines. La sidérurgie s’est complètement transformée, l’exploitation minière s’est arrêté en 1986, on avait 23000 mineurs en 1981 et plus un seul en 1986. 5000 personnes travaillaient sur les chantiers navals de Dunkerque en 1980, et plus personne en 1986. On a connu tous les grands problèmes de conversion et on ne pouvait donc pas être ignorés. Même si on avait été silencieux politiquement, on n’aurait pas pu être ignorés. Il se trouve qu’en plus, nous avions ici des pro-européens, qui ont été porteurs de l’idée européenne bien que la population fût contre l’Europe. Tous partis confondus, on recherchait le contact avec Bruxelles. Au niveau infrarégional, existait-il également une volonté de coopérer pour négocier ? Une collectivité ou un porteur de projet ne se pose pas nécessairement la question des enjeux de l’idée européenne, il voit avant tout une source de financements. Ce sont l’Etat, la région et les grandes collectivités qui portent le discours global, mais une association intercommunale ne raisonne pas à ce niveau. Par exemple, le nouveau maire d'Etaples veut construire un nouveau centre, Maréis, et a besoin de 35 millions de francs pour le financer. La région intervient sur un tel projet, parce que les montages financiers sont complexes et qu’il faut bien cibler la demande (le maire d’Etaples pensait à un financement Interreg, alors que ce projet correspond bien mieux à l’objectif de développement touristique du FEDER). On cherche des financements au niveau du département, de la région et de l’Etat, et à leur tour le département, la région et l’Etat sollicitent des fonds européens pour apporter un complément. Donc, même si les petites collectivités ne savent pas comment monter un dossier européen, elles sont quand même toutes au courant qu’il existe des sources financières. Par ailleurs, on observe un changement de mentalité : il y a dix ou quinze ans, quand un projet était financé par les fonds européens, on ne l’indiquait pas souvent, parce que la population n’était pas forcément pro-européenne. Aujourd’hui, un élu est heureux de dire qu’il a obtenu des crédits européens. Les négociations sont toujours très difficiles et très longues, en raison du rapport de forces entre les services de l’Etat et la région pour savoir qui va gérer les programmes. Mais une fois que la règle du jeu est établie, que nous en soyons satisfaits ou non, nous la respectons tous et les tours de table se font facilement.

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Eloïse Stéclebout

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ANNEXES DU CHAPITRE 2

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 2

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ANNEXE 2.1 : LA VARIETE DES REGLES DE TAYLOR DANS LA LITTERATURE Tableau 2.7. La variété des règles de Taylor dans la littérature Source Pays Période Coeff. de

l’objectif d’inflation

Coeff. de l’objectif d’activité

Autres variables et leurs coefficients

SIMPLES SIMULATIONS DE REGLES DE TAYLOR DE REFERENC E TAYLOR (1999) Zone euro réduite

(Allemagne, France, Italie)

1988-1998 0,5 0,5

VON HAGEN et BRÜCKNER (2002)

Zone euro (règle de la Bundesbank)

1998:11-2002:7 1,2 0,2 constante : 4,0

Zone euro 1998:11-2002:7 1,2 0,8 constante : 4,0 ESTIMATIONS DIRECTES DE REGLES DE TAYLOR GERLACH et SCHNABEL (1999)

Zone euro 1990:1-1998:4 1,58 0,45 constante : 2,4

Etats-Unis 1995:1-2002:4 0,03 0,07 it-1 : 0,94 ; constante : -5,1 Japon 1995:1-2002:4 0,015 0,01 it-1 : 0,88 ; constante : -0,08 Royaume-Uni 1995:1-2002:4 -0,07 0,10 it-1 : 0,82 ; constante : -7,2 Allemagne 1995:1-1998:12 0,07 0,02 it-1 : 0,88 ; constante : -1,9

ARTUS (2002)

Zone euro 1999:1-2002:4 0,06 0,17 it-1 : 0,76 ; constante : -13,7 ESTIMATION D’UNE COURBE IS ET D’UNE COURBE DE PHILL IPS ; CALCUL D’UNE REGLE OPTIMALE PAR MINIMISATION D’UNE FONCTION DE PERTE [SIMULATION ST OCHASTIQUE] PEERSMAN et SMETS (1998)

5 pays européens 1975:1-1997:4 0,65 1,29 it-1 : 0,56

Allemagne 1991-1999 2,00 0,80 Belgique 1990-1999 4,15 1,60 Espagne 1989-1999 2,10 1,45 Finlande 1989-1999 1,70 1,25 France 1981-1999 2,95 2,15 Italie 1991-1999 1,30 0,00 Pays-Bas 1981-1999 2,95 0,45 Portugal 1987-1999 3,40 0,00

PENOT, POLLIN et SELTZ (2000)

Zone euro 1991-1999 2,75 1,00 Etats-Unis 1968:1-1998:4 1,89 1,87 it-1 : 0,71 JONDEAU et LE

BIHAN (2000) Allemagne 1968:1-1998:4 1,93 1,94 it-1 : 0,78 Zone euro 1990:1-2001:1 0,5325 0,3 it-1 : 0,1 SIBI (2002) Zone euro 1990:1-2001:1 0,5325 0,2 it-1 : 0,2

ESTIMATION D’UNE COURBE IS ET D’UNE COURBE DE PHILL IPS ; CALCUL D’UNE REGLE OPTIMALE PAR MINIMISATION D’UNE FONCTION DE PERTE [CALIBRAGE]

Zone euro (cas 1) 1990:1-2001:1 0,05 0,32 it-1 : 0,13 SIBI (2002) d’après BALL (1997) Zone euro (cas 2) 1990:1-2001:1 0,07 0,02 it-1 : 0,31 ESTIMATION DE FONCTIONS DE REACTION A PARTIR D’UN M ODELE FORWARD-LOOKING A ANTICIPATIONS RATIONNELLES [CIBLE DE TAUX D’INTERET + TERME D’INE RTIE]

Allemagne 1979:3-1993:12 1,31 0,25 it-1 : 0,91 ; constante : 3,14

Japon 1979:4-1994:12 2,04 0,08 it-1 : 0,93 ; constante : 1,21 Etats-Unis 1979:10-1994:12 1,79 0,07 it-1 : 0,92 ; constante : 0,26 Royaume-Uni 1979:6-1990:10 0,98 0,19 it-1 : 0,92 ; constante : 5,76

CLARIDA, GALI et GERTLER (1998)

France 1983:5-1989:12 1,13 0,88 it-1 : 0,95 ; constante : 5,75 1960:1-1979:2 0,83 0,27 it-1 : 0,68 CLARIDA, GALI et

GERTLER (2000) Etats-Unis

1979:3-1996:4 2,15 0,93 it-1 : 0,79 1970:1-1999:4 1,604 1,303 it-1 : 0,878 1970:1-1982:4 0,806 1,308 it-1 : 0,772 1983:1-1999:4 1,625 0,800 it-1 : 0,883 ; ∆it-1 : 0,394

DOMENECH, LEDO et TAGUAS (2001)

Zone euro

1983:1-1999:4 1,594 0,754 it-1 : 0,875 ; ∆it-1 : 0,395 ; dummy 92:3 : 0,011

0,3596 0,9208 constante : 3,40 + inflation courante 0,3634 constante : 3,40 + inflation courante

Allemagne 1990:1-1998:4

0,3596 constante : 3,40 + inflation courante 1,3047 constante : 3,70 + inflation courante 1,3269 0,5383 constante : 3,70 + inflation courante

SIBI F. (2001)

Zone euro 1990:1-2000:2

1,3291 0,4716 constante : 3,70 + inflation courante

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 2

280

Source Pays Période Coeff. de l’objectif d’inflation

Coeff. de l’objectif d’activité

Autres variables et leurs coefficients

Belgique 1982:1-1998:4 0,47 0,16 it-1 : 0,74 ; taux d’intérêt allemand : 0,79

Irlande 1980:1-1998:4 0,53 0,35 it-1 : 0,65 ; taux d’intérêt allemand : 0,66

Portugal 1982:1-1998:4 0,22 0,03 it-1 : 0,77 ; taux d’intérêt allemand : 1,52

Allemagne 1979:1-1998:4 1,29 1,00 it-1 : 0,87 Espagne 1979:1-1998:4 0,62 0,79 it-1 : 0,82 ; taux d’intérêt allemand :

0,67 France 1979:1-1998:4 0,52 1,54 it-1 : 0,88 ; taux d’intérêt allemand :

0,65 Italie 1979:1-1998:4 0,60 0,85 it-1 : 0,92 ; taux d’intérêt allemand :

1,37 Pays-Bas 1979:1-1998:4 -0.07 0,48 it-1 : 0,55 ; taux d’intérêt allemand :

1,00 Autriche 1979:1-1998:4 0,21 0,33 it-1 : 0,62 ; taux d’intérêt allemand :

0,76 Finlande 1979:1-1998:4 1,63 -0,53 it-1 : 0,93 ; taux d’intérêt allemand :

-0,23 Danemark 1979:1-1998:4 0,68 0,93 it-1 : 0,75 ; taux d’intérêt allemand :

1,54 Suède 1979:1-1998:4 0,08 0,33 it-1 : 0,53 ; taux d’intérêt allemand :

1,05

BALLABRIGA et MARTINEZ-MONGAY (2002)

Royaume-Uni 1979:1-1998:4 0,52 1,20 it-1 : 0,85 ; taux d’intérêt allemand : 0,86

Allemagne 1979:4-1990:6 1,21 0,43 it-1 : 0,92 ; constante : 3,64 Allemagne 1990:8-1998:12 1,25 0,32 it-1 : 0,92 ; constante : 2,56

HAYO et HOFMANN (2003)

Zone euro 1999:1-2002:7 1,12 1,03 it-1 : 0,86 ; constante : 1,38 FAUST, ROGERS et WRIGHT (2001)

Allemagne 1985:1-1998:12 1,31 0,18 it-1 : 0,91 ; constante : 2,58

1,73 0,45 1,49 0,42 inflation passée : 0,20 1,66 0,49 masse monétaire : -0,07 1,47 0,52 taux d’intérêt américain : 0,23

SMANT (2002) Allemagne 1979:3-1998:12

1,81 0,49 taux de change DM/S : 0,06 ESTIMATION D’UN MODELE SEMI-STRUCTUREL A TROIS EQUA TIONS SIMULTANEES PAR PAYS ; DEDUCTION DES FONCTIONS DE REACTION DE LONG TERME

France 1979:1-1996:4 2,28 1,73 constante (ancrage nominal) : 3,26 Allemagne 1979:1-1996:4 2,89 0,49 constante (ancrage nominal) : 4,02 Italie 1979:1-1996:4 2,02 2,46 constante (ancrage nominal) : 0,48

CLAUSEN et HAYO (2002)

Zone euro réduite (Allemagne, France, Italie)

1979:1-1996:4 2,15 2,12 constante (ancrage nominal) : 3,91

ESTIMATION DE FONCTION DE REACTION SUR DONNEES DE PANEL SME (sans effets fixes)

1982-1997 0,20 0,23 it-1 : 0,66 ; taux d’intérêt américain : 0,21

WYPLOSZ (1999)

SME (avec effets fixes)

1982-1997 0,24 0,34 it-1 : 0,57 ; taux d’intérêt américain : 0,26

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 2

281

ANNEXE 2.2 : ESTIMATIONS DE FONCTIONS D ’AJUSTEMENT A COURT TERME DU TAUX

D’ INTERET Tableau 2.8. Estimations de fonctions d’ajustement à court terme du taux d’intérêt Variable expliquée : ∆i. Entre parenthèses : t de Student.

Pays Période Output gap Inflation Taux de change DM/$

Taux d’intérêt américain Ctte R²

1980:2-1990:4

y 0,162 (1,77)

∆infl4 0,335 (1,62)

∆tch1 1,182 (1,67)

∆i_us 0,169 (2,45)

0,060 (0,64)

0,50 Allemagne

1991:1-1998:4

y 0,235 (2,90)

∆infl4 -1 0,096 (1,70)

∆tch2 -1 1,647 (2,09)

∆i_us-1 0,171 (2,45)

-0,17 (-3,4)

0,35

Pays Période Output gap Inflation Taux de change /DM

Taux d’intérêt allemand

Variables dummy Ctte R²

1979:3-1986:1

∆y 0,991 (4,13)

∆infl1 0,158 (3,28)

e1 0,129 (2,16)

∆i_all 1,039 (7,95)

0,051 (0,39)

0,81 France

1986:3-1998:4

e1 e1-1

0,197 (2,78) 0,161 (2,42)

∆i_all ∆i_all -1

0,384 (2,36) 0,336 (2,06)

D93:1 D93:2

1,589 (3,30) -3,09 (-6,4)

-0,06 (-0,8)

0,71

Pays-Bas 1983:1-1998:4

∆y 0,212 (4,69)

∆i_all ∆i_all -1

0,637 (9,23) 0,265 (4,21)

-0,00 (-0,1)

0,79

1980:2-1987:4

∆y 0,862 (3,33)

∆infl4 0,418 (1,82)

∆i_all 0,461 (2,34)

-0,07 (-0,4)

0,49 Belgique

1988:1-1998:4

∆e2 ∆e2 -1

0,159 (3,06) 0,139 (3,03)

∆i_all 0,956 (10,3)

D93:3 1,979 (6,07)

-0,11 (-2,6)

0,82

1979:3-1986:2

y -1 0,474 (2,92)

∆infl1 0,065 (1,80)

∆e2-1 0,161 (2,92)

∆i_all 0,287 (1,60)

0,152 (0,90)

0,52 Italie

1986:3-1998:3

e1 -1 0,069 (3,10)

∆i_all 0,633 (3,40)

D92:3 D92:4 D93:1

3,855 (6,68) -2,25 (-3,3) -2,50 (-4,2)

-0,17 (-2,0)

0,69

Irlande 1988:1-1998:4

∆i_all -1 0,545 (3,30)

D92:3 D92:4 D93:1/93:2

2,341 (4,65) 11,46 (22,8) -7,87 (-21)

-0,01 (-0,2)

0,97

Grèce 1984:1-1998:4

∆infl4 0,216 (3,23)

∆i_all -1 0,536 (2,28)

D94:2 D94:3

7,380 (9,29) -5,34 (-6,7)

-0,06 (-0,6)

0,73

Espagne 1989:3-1998:4

∆y -1 1,346 (4,80)

∆infl4 0,321 (1,81)

∆i_all -1 0,363 (1,95)

D92:3/93:1 1,771 (5,28)

-0,31 (-4,2)

0,58

Portugal 1990:1-1998:

∆(infl4-infl_all)-1 0,193 (3,85)

∆i_all -1 0,712 (3,36)

D93:2 D93:3 D94:3

1,383 (3,35) -1,41 (-3,4) 2,800 (7,07)

-0,37 (-5,3)

0,78

1980:2-1985:4

∆infl4 0,391 (2,88)

∆i_all 0,725 (5,68)

D81:1 -2,83 (-5,1)

0,165 (1,49)

0,74 Autriche

1986:4-1998:4

∆i_all 0,925 (12,8)

-0,01 (-0,4)

0,78

Finlande 1995:3-1998:4

∆i_all 1,461 (5,69)

-0,06 (-1,0)

0,73

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 2

282

Encadré 2.2. Description des variables (Données trimestrielles, sources : FMI et OCDE pour les taux d’intérêt) y output gap mesuré par le filtre de Hodrick-Prescott infl1, infl4 inflation en taux annuel, respectivement par rapport au trimestre

précédent ou au cours des quatre trimestres précédents i, i_us, i_all taux d’intérêt à trois mois domestique, américain, allemand tch1, tch2 taux de change nominal (respectivement en fin de période ou moyenne

trimestrielle) par rapport au Deutsche Mark ou, pour l’Allemagne, par rapport au dollar américain

e1, e2 dépréciation de la monnaie nationale par rapport au DM (ou au dollar) : variation en % respectivement de tch1 et tch2

D., D./. variable dummy sur un trimestre, sur un ensemble de trimestres Taux d’intérêt : Allemagne FIBOR à 3 mois Autriche Taux du marché monétaire (très proche du VIBOR à trois mois qui

commence en 1989) Belgique Certificats du Trésor à 3 mois Espagne Taux de la Banque d’Espagne Finlande HELIBOR à 3 mois (débute en 1987) France PIBOR à 3 mois Grèce Bons du Trésor à 12 mois (très proche de l’ATHIBOR à 3 mois qui

débute en 1994) Irlande Taux à 1 mois fixe (très proche du taux interbancaire à 3 mois fixe qui

commence en 1984) Italie Dépôts interbancaires à 3 mois Pays-Bas Taux au jour le jour (très proche de l’AIBOR à 3 mois qui débute en

1986) Portugal Bons du gouvernement (très proche du taux interbancaire à 86-96 jours

qui commence en 1992 et des bons du Trésor à 91 jours pour lesquels données sont incomplètes)

Etats-Unis Certificats de dépôt à 3 mois

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 2

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ANNEXE 2.3 : LES CRITERES DE MAASTRICHT CHEZ LES NOUVEAUX ETATS MEMBRES

DE L’UNION EUROPEENNE Graphique 2.11. Le critère d’inflation dans les nouveaux Etats membres

Inflation(Critère de Maastricht en 2002 : 3,6%)

0

5

10

15

20

25

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Slovénie Hongrie Estonie SlovaquieChypre Malte Lettonie PologneRép. Tchèque Lituanie

Source : FMI

Graphique 2.12 Le critère de taux d’intérêt à long terme dans les nouveaux Etats membres

Taux d'intérêt à long terme moyens entre mars 2002 et février 2003 (critère de Maastricht : 6,8%)

0

1

2

3

4

5

6

7

8

Eston

ie

Rép. T

chèq

ue

Letto

nie

Slovénie

Slovaqu

ie

Litua

nie

Polog

ne

Hongr

ie

Source : MINEFI-DREE

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 2

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Graphique 2.13. Le critère de déficit public dans les nouveaux Etats membres

Solde public en % du PIB

-12-11-10-9-8-7-6-5-4-3-2-1012

1998 1999 2000 2001 2002

Hongrie Slovaquie Malte Pologne

Rép. Tchèque Chypre Lettonie Slovénie

Lituanie Estonie Limite de 3%

Source : FMI

Graphique 2.14. Le critère de dette publique dans les nouveaux Etats membres

Dette publique en % du PIB

0

10

20

30

40

50

60

70

1998 1999 2000 2001 2002

Malte Chypre Hongrie Slovaquie

Pologne Slovénie Rép. Tchèque Lituanie

Lettonie Estonie Limite de 60%

Source : FMI

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 2

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Graphique 2.15. Le critère de stabilité du taux de change dans les nouveaux Etats membres

Stabilité du taux de change(critère de Maastricht : +/-15%)

-15

-10

-5

0

5

10

15

Rép.Tchèque

Estonie Hongrie Lettonie Lituanie Pologne Slovaquie Slovénie

Source : MINEFI-DREE

Tableau 2.9. Les régimes de change des nouveaux Etats membres avant l’entrée dans le MCE II Pays Régime de change Chypre Ancrage à l’euro avec une marge de +/- 2,25% et cible d’agrégats

monétaires Rép. tchèque Flottement contrôlé par rapport à l’euro et cible d’inflation Estonie Ancrage à l’euro (currency board) Hongrie Parité ajustable (crawling peg) vis-à-vis de l’euro avec une marge de +/-

15% et cible d’inflation implicite Lettonie Ancrage en DTS [droits de tirage spéciaux – FMI] (quasi currency

board) Lituanie Ancrage à l’euro (currency board) Malte Ancrage à un panier comprenant l’euro, le dollar américain et la livre

sterling Pologne Changes flottants et cible d’inflation Slovaquie Flottement contrôlé et cible d’agrégats monétaires Slovénie Flottement contrôlé et avec accompagnement (shadowing) de l’euro et

cible d’agrégats monétaires Source : De Haan, Eijffinger et Waller [2003] d’après Kröger et Redonnet [2001]

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Eloïse Stéclebout

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ANNEXES DU CHAPITRE 3

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

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ANNEXE 3.1 : PACTE DE STABILITE : TEXTES OFFICIELS Annexe 3.1.1. Articles 99 et 104 du Traité instituant la Communauté européenne

Article 99 (ex-article 103) 1. Les États membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun et les coordonnent au sein du Conseil, conformément à l'article 98. 2. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission, élabore un projet pour les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de la Communauté et en fait rapport au Conseil européen. Le Conseil européen, sur la base du rapport du Conseil, débat d'une conclusion sur les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de la Communauté. Sur la base de cette conclusion, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, adopte une recommandation fixant ces grandes orientations. Le Conseil informe le Parlement de sa recommandation. 3. Afin d'assurer une coordination plus étroite des politiques économiques et une convergence soutenue des performances économiques des États membres, le Conseil, sur la base de rapports présentés par la Commission, surveille l'évolution économique dans chacun des États membres et dans la Communauté, ainsi que la conformité des politiques économiques avec les grandes orientations visées au paragraphe 2, et procède régulièrement à une évaluation d'ensemble. Pour les besoins de cette surveillance multilatérale, les États membres transmettent à la Commission des informations sur les mesures importantes qu'ils ont prises dans le domaine de leur politique économique et toute autre information qu'ils jugent nécessaire. 4. Lorsqu'il est constaté, dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 3, que les politiques économiques d'un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations visées au paragraphe 2 ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission, peut adresser les recommandations nécessaires à l'État membre concerné. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut décider de rendre publiques ses recommandations. Le président du Conseil et la Commission font rapport au Parlement européen sur les résultats de la surveillance multilatérale. Le président du Conseil peut être invité à se présenter devant la commission compétente du Parlement européen si le Conseil a rendu publiques ses recommandations. 5. Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 252, peut arrêter les modalités de la procédure de surveillance multilatérale visée aux paragraphes 3 et 4 du présent article.

Article 104 (ex-article 104 C) 1. Les États membres évitent les déficits publics excessifs. 2. La Commission surveille l'évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les États membres en vue de déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée, et ce sur la base des deux critères ci-après: a) si le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins: — que le rapport n'ait diminué de manière substantielle et constante et n'atteigne un niveau proche de la valeur de référence, — ou que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu'exceptionnel et temporaire et que ledit rapport ne reste proche de la valeur de référence; b) si le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins que ce rapport ne diminue suffisamment et ne s'approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant. Les valeurs de référence sont précisées dans le protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, qui est annexé au présent traité. 3. Si un État membre ne satisfait pas aux exigences de ces critères ou de l'un d'eux, la Commission élabore un rapport. Le rapport de la Commission examine également si le déficit public excède les

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

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dépenses publiques d'investissement et tient compte de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l'État membre. La Commission peut également élaborer un rapport si, en dépit du respect des exigences découlant des critères, elle estime qu'il y a un risque de déficit excessif dans un État membre. 4. Le comité prévu à l'article 114 rend un avis sur le rapport de la Commission. 5. Si la Commission estime qu'il y a un déficit excessif dans un État membre ou qu'un tel déficit risque de se produire, elle adresse un avis au Conseil. 6. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission, et compte tenu des observations éventuelles de l'État membre concerné, décide, après une évaluation globale, s'il y a ou non un déficit excessif. 7. Lorsque le Conseil, conformément au paragraphe 6, décide qu'il y a un déficit excessif, il adresse des recommandations à l'État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné. Sous réserve des dispositions du paragraphe 8, ces recommandations ne sont pas rendues publiques. 8. Lorsque le Conseil constate qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise en réponse à ses recommandations dans le délai prescrit, il peut rendre publiques ses recommandations. 9. Si un État membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l'État membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation. En pareil cas, le Conseil peut demander à l'État membre concerné de présenter des rapports selon un calendrier précis, afin de pouvoir examiner les efforts d'ajustement consentis par cet État membre. 10. Les droits de recours prévus aux articles 226 et 227 ne peuvent être exercés dans le cadre des paragraphes 1 à 9 du présent article. 11. Aussi longtemps qu'un État membre ne se conforme pas à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, d'intensifier une ou plusieurs des mesures suivantes: — exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d'émettre des obligations et des titres; — inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'État membre concerné; — exiger que l'État membre concerné fasse, auprès de la Communauté, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé; — imposer des amendes d'un montant approprié. Le président du Conseil informe le Parlement européen des décisions prises. 12. Le Conseil abroge toutes ou certaines de ses décisions visées aux paragraphes 6 à 9 et 11 dans la mesure où, de l'avis du Conseil, le déficit excessif dans l'État membre concerné a été corrigé. Si le Conseil a précédemment rendu publiques ses recommandations, il déclare publiquement, dès l'abrogation de la décision visée au paragraphe 8, qu'il n'y a plus de déficit excessif dans cet État membre. 13. Lorsque le Conseil prend ses décisions visées aux paragraphes 7 à 9, 11 et 12, le Conseil statue sur recommandation de la Commission à une majorité des deux tiers des voix de ses membres, pondérées conformément à l'article 205, paragraphe 2, les voix du représentant de l'État membre concerné étant exclues. 14. Des dispositions complémentaires relatives à la mise en œuvre de la procédure décrite au présent article figurent dans le protocole sur la procédure applicable en cas de déficit excessif, annexé au présent traité. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et de la BCE, arrête les dispositions appropriées qui remplaceront ledit protocole. Sous réserve des autres dispositions du présent paragraphe, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, fixe, avant le 1er janvier 1994, les modalités et les définitions en vue de l'application des dispositions dudit protocole.

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

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Annexe 3.1.2. Protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne.

Article premier Les valeurs de référence visées à l'article 104, paragraphe 2, du traité sont les suivantes: — 3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché; — 60 % pour le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché.

Article 2 À l'article 104 du traité et dans le présent protocole, on entend par: — public: ce qui est relatif au gouvernement général, c'est-à-dire les administrations centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale, à l'exclusion des opérations commerciales, telles que définies dans le système européen de comptes économiques intégrés; — déficit: le besoin net de financement, tel que défini dans le système européen de comptes économiques intégrés; — investissement: la formation brute de capital fixe, telle que définie dans le système européen de comptes économiques intégrés; — dette: le total des dettes brutes, à leur valeur nominale, en cours à la fin de l'année et consolidées à l'intérieur des secteurs du gouvernement général tel qu'il est défini au premier tiret.

Article 3 En vue d'assurer l'efficacité de la procédure concernant les déficits excessifs, les gouvernements des États membres sont responsables, aux termes de la présente procédure, des déficits du gouvernement général tel qu'il est défini à l'article 2, premier tiret. Les États membres veillent à ce que les procédures nationales en matière budgétaire leur permettent de remplir les obligations qui leur incombent dans ce domaine en vertu du traité. Les États membres notifient rapidement et régulièrement à la Commission leurs déficits prévus et effectifs ainsi que le niveau de leur dette.

Article 4 Les données statistiques utilisées pour l'application du présent protocole sont fournies par la Commission.

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

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Annexe 3.1.3. Résolution du Conseil européen relative au pacte de stabilité et de croissance – Amsterdam, le 17 juin 1997 (97/C 236/01) I. Lors de sa réunion de Madrid en décembre 1995, le Conseil européen a confirmé qu'il était d'une importance essentielle d'assurer la discipline budgétaire pendant la troisième phase de l'union économique et monétaire (UEM). À Florence, six mois plus tard, le Conseil européen l'a répété et, à Dublin, en décembre 1996, il est parvenu à un accord sur les principaux éléments du pacte de stabilité et de croissance. Pendant la troisième phase de l'UEM, les États membres évitent les déficits excessifs des administrations publiques: cette obligation est clairement inscrite dans le traité (1). Le Conseil européen souligne qu'il importe de maintenir des finances publiques saines en tant que moyen de renforcer les conditions propices à la stabilité des prix et à une croissance forte et durable génératrice d'emploi. Il convient aussi de veiller à ce que les politiques budgétaires nationales viennent à l'appui de politiques monétaires axées sur la stabilité. L'adhésion à l'objectif qui consiste à parvenir à une position budgétaire saine proche de l'équilibre ou excédentaire permettra à tous les États membres de faire face aux fluctuations conjoncturelles normales tout en maintenant le déficit public dans la limite de la valeur de référence de 3 % du produit intérieur brut (PIB). II. Lors de sa réunion de Dublin en décembre 1996, le Conseil européen a demandé que l'élaboration d'un pacte de stabilité et de croissance se fasse conformément aux procédures et aux principes établis dans le traité. Ce pacte de stabilité et de croissance ne modifie en rien les critères définis pour la participation à la troisième phase de l'UEM, soit dans le premier groupe, soit par la suite. Les États membres demeurent responsables de leur politique budgétaire nationale, sous réserve des dispositions du traité; ils prendront les mesures nécessaires pour faire face à leurs responsabilités conformément à ces dispositions. III. Le pacte de stabilité et de croissance, qui a un objectif à la fois préventif et dissuasif, est constitué de la présente résolution et de deux règlements du Conseil, l'un relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, l'autre visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs. IV. Le Conseil européen invite solennellement toutes les parties, à savoir les États membres, le Conseil de l'Union européenne et la Commission des Communautés européennes, à mettre en oeuvre le traité ainsi que le pacte de stabilité et de croissance d'une manière rigoureuse et rapide. La présente résolution entend fournir des orientations politiques fermes aux parties qui mettront en oeuvre le pacte de stabilité et de croissance. À cette fin, le Conseil européen a arrêté les orientations suivantes. LES ÉTATS MEMBRES : 1. s'engagent à respecter l'objectif budgétaire à moyen terme d'une position proche de l'équilibre ou excédentaire, conformément à leurs programmes de stabilité ou de convergence, et à prendre les mesures budgétaires correctrices qu'ils jugent nécessaires pour atteindre les objectifs énoncés dans leurs programmes de stabilité ou de convergence dès qu'ils disposent d'informations indiquant un dérapage sensible, effectif ou prévisible, par rapport à ces objectifs; 2. sont invités à rendre publiques, de leur propre initiative, les recommandations qui leur sont adressées par le Conseil conformément à l'article 103 paragraphe 4 du traité; 3. s'engagent à prendre les mesures budgétaires correctrices qu'ils jugent nécessaires pour atteindre les objectifs de leurs programmes de stabilité ou de convergence lorsqu'ils reçoivent un avertissement sous la forme d'une recommandation adressée par le Conseil conformément à l'article 103 paragraphe 4 du traité; 4. mettront en oeuvre les ajustements budgétaires correcteurs qu'ils jugent nécessaires dans les plus brefs délais lorsqu'ils reçoivent des informations indiquant qu'il existe un risque de déficit excessif; 5. corrigeront les déficits excessifs le plus rapidement possible après leur apparition; cette correction devrait être réalisée au plus tard l'année suivant la constatation du déficit excessif, sauf circonstances particulières; 6. sont invités à rendre publiques, de leur propre initiative, les recommandations qui leur sont adressées conformément à l'article 104 C paragraphe 7 du traité; 7. s'engagent à ne pas invoquer le bénéfice de l'article 2 paragraphe 3 du règlement du Conseil visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, à moins de connaître une grave récession; pour évaluer la gravité de la récession économique, les États membres prendront en principe comme référence une baisse annuelle du PIB réel d'au moins 0,75 %.

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

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LA COMMISSION: 1. exercera le droit d'initiative que lui confère le traité de manière à faciliter le fonctionnement rigoureux, rapide et efficace du pacte de stabilité et de croissance; 2. présentera sans tarder les rapports, avis et recommandations nécessaires pour permettre au Conseil de prendre des décisions conformément aux articles 103 et 104 C du traité, facilitant ainsi le fonctionnement efficace du système d'alerte rapide ainsi que le déclenchement rapide et l'application rigoureuse de la procédure concernant les déficits excessifs; 3. s'engage à élaborer un rapport, conformément à l'article 104 C paragraphe 3 du traité, lorsqu'il y a un risque de déficit excessif ou lorsque le déficit public prévu ou effectif dépasse la valeur de référence de 3 % du PIB, déclenchant ainsi la procédure prévue à l'article 104 C paragraphe 3; 4. s'engage, au cas où elle estime qu'un déficit dépassant 3 % du PIB n'est pas excessif et que cet avis n'est pas conforme à celui du comité économique et financier, à présenter par écrit au Conseil les raisons justifiant sa position; 5. s'engage, sur demande du Conseil conformément à l'article 109 D du traité, à formuler en principe une recommandation sur la base de laquelle le Conseil décide s'il y a ou non un déficit excessif conformément à l'article 104 C paragraphe 6. LE CONSEIL: 1. s'engage à mettre en oeuvre de manière rigoureuse et rapide tous les éléments du pacte de stabilité et de croissance relevant de sa compétence; il prendra les décisions nécessaires au titre des articles 103 et 104 C du traité aussi rapidement que possible; 2. est instamment invité à considérer les délais prévus pour l'application de la procédure concernant les déficits excessifs comme des délais maximaux; ainsi, le Conseil, statuant conformément à l'article 104 C paragraphe 7 du traité, recommande que les déficits excessifs soient corrigés le plus rapidement possible après leur apparition et au plus tard l'année suivant leur constatation, sauf circonstances particulières; 3. est invité à décider systématiquement d'infliger des sanctions si un État membre participant ne prend pas les mesures nécessaires pour mettre fin à une situation de déficit excessif selon les recommandations adressées par le Conseil; 4. est instamment invité à demander systématiquement un dépôt non productif d'intérêts lorsque le Conseil décide d'infliger des sanctions à un État membre participant conformément à l'article 104 C paragraphe 11 du traité; 5. est instamment invité à convertir systématiquement un dépôt en amende deux ans après la décision d'infliger des sanctions conformément à l'article 104 C paragraphe 11, sauf s'il estime que le déficit excessif a été corrigé; 6. est invité à exposer systématiquement par écrit les raisons qui justifient une décision de ne pas agir si, à un moment quelconque de la procédure concernant les déficits excessifs ou de la procédure de surveillance des positions budgétaires, le Conseil n'a pas statué sur recommandation de la Commission et dans ce cas, à rendre public le vote de chacun des États membres. (1) Aux termes du point 5 du protocole n° 11, cette obligation ne s'applique pas au Royaume-Uni, à moins qu'il ne passe à la troisième phase. L'obligation énoncée à l'article 109 E paragraphe 4 du traité instituant la Communauté européenne, qui prévoit que les États membres s'efforcent d'éviter les déficits excessifs, continue de s'appliquer au Royaume-Uni.

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Annexe 3.1.4. Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE, (…) A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT: SECTION 1 OBJET ET DÉFINITIONS

Article premier

Le présent règlement fixe les dispositions régissant le contenu, la présentation, l'examen et le suivi des programmes de stabilité et des programmes de convergence dans le cadre de la surveillance multilatérale exercée par le Conseil en vue de prévenir, à un stade précoce, l'apparition de déficits excessifs des administrations publiques et de promouvoir la surveillance et la coordination des politiques économiques.

Article 2

Aux fins du présent règlement, on entend par «États membres participants», les États membres qui ont adopté la monnaie unique conformément au traité et par «États membres non participants», ceux qui n'ont pas adopté la monnaie unique. SECTION 2 PROGRAMMES DE STABILITÉ

Article 3

1. Chaque État membre participant présente au Conseil et à la Commission les informations nécessaires à l'exercice périodique de la surveillance multilatérale visée à l'article 103 du traité sous la forme d'un programme de stabilité qui fournit une base essentielle à la stabilité des prix et à une croissance forte et durable génératrice d'emploi. 2. Un programme de stabilité fournit les informations suivantes: a) l'objectif à moyen terme d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire, ainsi que la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif concernant l'excédent/le déficit des administrations publiques et l'évolution prévisible du ratio d'endettement de l'État; b) les principales hypothèses concernant l'évolution prévisible de l'économie et les variables économiques importantes qui sont susceptibles d'influer sur la réalisation du programme de stabilité, telles que les dépenses publiques d'investissement, la croissance du produit intérieur brut, en termes réels, l'emploi et l'inflation; c) une description des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique qui sont mises en oeuvre et/ou envisagées pour réaliser les objectifs du programme et, dans le cas des principales mesures budgétaires, une évaluation de leurs effets quantitatifs sur le budget; d) une analyse de l'incidence que tout changement des principales hypothèses économiques aurait sur la situation budgétaire et la dette. 3. Les informations concernant l'évolution du ratio de l'excédent/du déficit des administrations publiques et du ratio d'endettement, ainsi que les principales hypothèses économiques visées au paragraphe 2 points a) et b) sont établies sur une base annuelle et couvrent, outre l'année en cours et l'année précédente, au moins les trois années suivantes.

Article 4

1. Les programmes de stabilité sont présentés avant le 1er mars 1999. Après cette date, des programmes actualisés sont présentés annuellement. Un État membre adoptant la monnaie unique ultérieurement présente un programme de stabilité dans les six mois qui suivent la décision du Conseil relative à sa participation à la monnaie unique. 2. Les États membres rendent publics leurs programmes de stabilité et leurs programmes actualisés.

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

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Article 5 1. Sur la base des évaluations effectuées par la Commission et par le comité institué à l'article 109 C du traité, et dans le cadre de la surveillance multilatérale prévue à l'article 103 du traité, le Conseil examine si l'objectif budgétaire à moyen terme fixé par le programme de stabilité offre une marge de sécurité pour assurer la prévention d'un déficit excessif, si les hypothèses économiques sur lesquelles se fonde le programme sont réalistes et si les mesures mises en oeuvre et/ou envisagées sont suffisantes pour réaliser la trajectoire d'ajustement visée, qui doit conduire à la réalisation de l'objectif budgétaire à moyen terme. Le Conseil examine, en outre, si le contenu du programme de stabilité favorise une coordination plus étroite des politiques économiques et si les politiques économiques de l'État membre concerné sont conformes aux grandes orientations de politique économique. 2. Le Conseil procède à l'examen du programme de stabilité, tel qu'il est visé au paragraphe 1, dans les deux mois au maximum suivant la présentation du programme. Le Conseil, agissant sur recommandation de la Commission et après avoir consulté le comité institué à l'article 109 C du traité, rend un avis sur le programme. S'il estime, conformément à l'article 103 du traité, que les objectifs et le contenu d'un programme devraient être renforcés, le Conseil, dans son avis, invite l'État membre concerné à adapter son programme. 3. Les programmes de stabilité actualisés sont examinés par le comité institué à l'article 109 C du traité, sur la base des évaluations effectuées par la Commission; au besoin, les programmes actualisés peuvent également être examinés par le Conseil, conformément à la procédure prévue aux paragraphes 1 et 2 du présent article.

Article 6

1. Dans le cadre de la surveillance multilatérale visée à l'article 103 paragraphe 3 du traité, le Conseil suit la mise en oeuvre des programmes de stabilité sur la base d'informations fournies par les États membres participants et des évaluations effectuées par la Commission et par le comité institué à l'article 109 C du traité, notamment en vue d'identifier tout dérapage sensible, effectif ou prévisible, de la position budgétaire par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme ou par rapport à la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif, tels que fixés dans le programme en ce qui concerne l'excédent/le déficit des finances publiques. 2. Si le Conseil constate un dérapage significatif de la position budgétaire par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme ou par rapport à la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif, il adresse, conformément à l'article 103 paragraphe 4 du traité, une recommandation à l'État membre concerné, l'invitant à prendre les mesures d'ajustement nécessaires, et ce en vue de donner rapidement l'alerte pour empêcher l'apparition d'un déficit excessif. 3. Si, au cours du suivi ultérieur, le Conseil constate que le dérapage de la position budgétaire par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme ou par rapport à la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif persiste ou s'aggrave, il adresse, conformément à l'article 103 paragraphe 4 du traité, une recommandation à l'État membre concerné, l'invitant à prendre rapidement des mesures correctrices et peut, ainsi que le prévoit ledit article, rendre sa recommandation publique. SECTION 3 PROGRAMMES DE CONVERGENCE

Article 7

1. Chaque État membre non participant présente au Conseil et à la Commission les informations nécessaires à l'exercice à intervalles réguliers de la surveillance multilatérale visée à l'article 103 du traité, sous forme d'un programme de convergence, qui fournit une base essentielle à la stabilité des prix et à une croissance durable génératrice d'emplois. 2. Un programme de convergence fournit les informations suivantes, qui concernent en particulier les variables afférentes à la convergence: a) l'objectif à moyen terme d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire, ainsi que la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif concernant l'excédent/le déficit des administrations publiques; l'évolution prévisible du ratio d'endettement de l'État; les objectifs à moyen terme de la politique monétaire; les relations entre ces objectifs et la stabilité des prix et des taux de change; b) les principales hypothèses concernant l'évolution prévisible de l'économie et les variables économiques importantes qui sont susceptibles d'influer sur la réalisation du programme de convergence,

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telles que les dépenses publiques d'investissement, la croissance du produit intérieur brut en termes réels, l'emploi et l'inflation; c) une description des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique qui sont mises en oeuvre et/ou envisagées pour réaliser les objectifs du programme et, dans le cas des principales mesures budgétaires, une évaluation de leurs effets quantitatifs sur le budget; d) une analyse de l'incidence que tout changement des principales hypothèses économiques aurait sur la situation budgétaire et la dette. 3. Les informations concernant l'évolution du ratio de l'excédent/du déficit des administrations publiques et du ratio d'endettement, ainsi que les principales hypothèses économiques visées au paragraphe 2 points a) et b) sont établies sur une base annuelle et couvrent, outre l'année en cours et l'année précédente, au moins les trois années suivantes.

Article 8

1. Les programmes de convergence sont présentés avant le 1er mars 1999. Après cette date, des programmes actualisés sont présentés annuellement. 2. Les États membres rendent publics leurs programmes de convergence et leurs programmes actualisés.

Article 9

1. Sur la base des évaluations effectuées par la Commission et par le comité institué à l'article 109 C du traité, et dans le cadre de la surveillance multilatérale prévue à l'article 103 du traité, le Conseil examine si l'objectif budgétaire à moyen terme fixé par le programme de convergence offre une marge de sécurité pour assurer la prévention d'un déficit excessif, si les hypothèses économiques sur lesquelles se fonde le programme sont réalistes et si les mesures mises en oeuvre et/ou envisagées sont suffisantes pour réaliser la trajectoire d'ajustement prévue qui doit conduire à la réalisation de l'objectif à moyen terme et pour parvenir à une convergence durable. Le Conseil examine, en outre, si le contenu du programme de convergence favorise une coordination plus étroite des politiques économiques et si les politiques économiques de l'État membre concerné sont conformes aux grandes orientations des politiques économiques. 2. Le Conseil procède à l'examen du programme de convergence, tel qu'il est visé au paragraphe 1, dans les deux mois au maximum suivant la présentation du programme. Le Conseil, agissant sur recommandation de la Commission et après avoir consulté le comité institué à l'article 109 C du traité, rend un avis sur le programme. S'il estime, conformément à l'article 103 du traité, que les objectifs et le contenu d'un programme devraient être renforcés, le Conseil, dans son avis, invite l'État membre concerné à adapter son programme. 3. Les programmes de convergence actualisés sont examinés par le comité institué à l'article 109 C du traité, sur la base des évaluations effectuées par la Commission; au besoin, les programmes actualisés peuvent également être examinés par le Conseil, conformément à la procédure prévue aux paragraphes 1 et 2 du présent article.

Article 10

1. Dans le cadre de la surveillance multilatérale visée à l'article 103 paragraphe 3 du traité, le Conseil suit la mise en oeuvre des programmes de convergence sur la base d'informations fournies par les États membres non participants, conformément à l'article 7 paragraphe 2 point a) du présent règlement, et des évaluations effectuées par la Commission et par le comité institué à l'article 109 C du traité, notamment en vue d'identifier tout dérapage significatif, effectif ou prévisible, de la position budgétaire par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme ou par rapport à la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif, tels que fixés dans le programme en ce qui concerne l'excédent/le déficit des finances publiques. En outre, le Conseil suit les politiques économiques des États membres non participants à la lumière des objectifs du programme de convergence afin d'assurer que leurs politiques sont axées sur la stabilité et vise donc à éviter les distorsions des taux de change réels et les fluctuations excessives des taux de change nominaux. 2. Si le Conseil constate un dérapage sensible de la position budgétaire par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme ou par rapport à la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif, il adresse, conformément à l'article 103 paragraphe 4 du traité, une recommandation à l'État membre concerné, l'invitant à prendre les mesures d'ajustement nécessaires, et ce en vue de donner rapidement l'alerte pour empêcher l'apparition d'un déficit excessif.

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3. Si, au cours du suivi ultérieur, le Conseil constate que le dérapage de la position budgétaire par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme ou par rapport à la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif persiste ou s'aggrave, il adresse, conformément à l'article 103 paragraphe 4 du traité, une recommandation à l'État membre concerné, l'invitant à prendre rapidement des mesures correctrices et peut, ainsi que le prévoit ledit article, rendre sa recommandation publique. SECTION 4 DISPOSITIONS COMMUNES

Article 11

Dans le cadre de la surveillance multilatérale décrite par le présent règlement, le Conseil procède à l'évaluation d'ensemble visée à l'article 103 paragraphe 3 du traité.

Article 12

Conformément à l'article 103 paragraphe 4 second alinéa du traité, le président du Conseil et la Commission font état, dans les rapports qu'ils adressent au Parlement européen, des résultats de la surveillance exercée selon le présent règlement.

Article 13

Le présent règlement entre en vigueur le 1er juillet 1998.

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Annexe 3.1.5. Règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE, (…) A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÉGLEMENT: SECTION 1 DÉFINITIONS ET ÉVALUATIONS

Article premier 1. Le présent règlement arrête les dispositions visant à accélérer et à clarifier la procédure concernant les déficits excessifs, afin de prévenir l'apparition de déficits excessifs des administrations publiques et, s'ils se produisent, de favoriser leur rapide correction. 2. Aux fins du présent règlement, on entend par «États membres participants» les États membres qui ont adopté la monnaie unique conformément au traité et par «États membres non participants» ceux qui n'ont pas adopté la monnaie unique.

Article 2 1. Le dépassement de la valeur de référence fixée pour le déficit public est considéré comme exceptionnel et temporaire au sens de l'article 104 C paragraphe 2 point a) deuxième tiret, s'il résulte d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou s'il est consécutif à une grave récession économique. En outre, le dépassement de la valeur de référence est considéré comme temporaire si les prévisions budgétaires établies par la Commission indiquent que le déficit tombera au-dessous de la valeur de référence lorsque la circonstance inhabituelle ou la grave récession aura disparu. 2. Dans le rapport qu'elle élabore conformément à l'article 104 C paragraphe 3, la Commission considère, en principe, qu'un dépassement de la valeur de référence consécutif à une grave récession économique n'est exceptionnel que si le PIB en termes réels enregistre une baisse annuelle d'au moins 2 %. 3. Lorsque le Conseil décide, conformément à l'article 104 C paragraphe 6, s'il y a ou non un déficit excessif, il tient compte, dans son évaluation globale, des observations éventuelles de l'État membre montrant qu'une baisse annuelle du PIB en termes réels de moins de 2 % est néanmoins exceptionnelle eu égard à d'autres éléments d'information allant dans le même sens, en particulier le caractère soudain de la récession ou la baisse cumulative de la production par rapport à l'évolution constatée dans le passé. SECTION 2 ACCÉLÉRATION DE LA PROCÉDURE CONCERNANT LES DÉFICITS EXCESSIFS

Article 3 1. Dans un délai de deux semaines à compter de l'adoption par la Commission du rapport visé à l'article 104 C paragraphe 3, le comité économique et financier rend un avis conformément à l'article 104 C paragraphe 4. 2. Tenant pleinement compte de l'avis visé au paragraphe 1, la Commission, si elle considère qu'il y a un déficit excessif, adresse au Conseil un avis et une recommandation conformément à l'article 104 C paragraphes 5 et 6. 3. Le Conseil décide s'il y a ou non un déficit excessif conformément à l'article 104 C paragraphe 6, dans un délai de trois mois à compter des dates de notification prévues à l'article 4 paragraphes 2 et 3 du règlement (CE) n° 3605/93. S'il décide, en application de l'article 104 C paragraphe 6, qu'il y a un déficit excessif, le Conseil adresse en même temps des recommandations à l'État membre concerné, conformément à l'article 104 C paragraphe 7. 4. Dans les recommandations qu'il adresse conformément à l'article 104 C paragraphe 7, le Conseil prescrit à l'État membre concerné un délai de quatre mois au maximum pour engager une action suivie d'effets. Il fixe également un délai pour corriger le déficit excessif, qui devrait disparaître dans l'année suivant la constatation de l'existence de ce déficit, sauf circonstances particulières.

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Article 4 1. Toute décision du Conseil de rendre publiques ses recommandations, lorsqu'il est constaté qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise conformément à l'article 104 C paragraphe 8, est prise immédiatement après l'expiration du délai fixé conformément à l'article 3 paragraphe 4 du présent règlement. 2. Pour établir si une action suivie d'effets a été prise en réponse aux recommandations qu'il a formulées conformément à l'article 104 C paragraphe 7, le Conseil fonde sa décision sur des décisions annoncées publiquement par le gouvernement de l'État membre concerné.

Article 5 Toute décision du Conseil de mettre l'État membre participant concerné en demeure de prendre des mesures visant à réduire le déficit, conformément à l'article 104 C paragraphe 9, est prise dans un délai d'un mois à compter de la décision du Conseil constatant qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise, conformément à l'article 104 C paragraphe 8.

Article 6 Lorsque les conditions régissant l'application de l'article 104 C paragraphe 11 sont remplies, le Conseil décide d'imposer des sanctions conformément à l'article 104 C paragraphe 11. Toute décision en ce sens doit être prise au plus tard deux mois après la décision du Conseil de mettre l'État membre participant concerné en demeure de prendre des mesures, conformément à l'article 104 C paragraphe 9.

Article 7 Si un État membre participant ne donne pas suite aux décisions successives du Conseil conformément à l'article 104 C paragraphes 7 et 9, la décision du Conseil d'imposer des sanctions, conformément à l'article 104 C paragraphe 11, est prise dans un délai de dix mois à compter des dates de notification prévues par le règlement (CE) n° 3605/93 et visées à l'article 3 paragraphe 3 du présent règlement. Une procédure accélérée est mise en oeuvre en cas de déficit prévu et délibéré, dont le Conseil décide qu'il est excessif.

Article 8 Toute décision tendant à intensifier les sanctions conformément à l'article 104 C paragraphe 11, autres que la conversion des dépôts en amendes visée à l'article 14 du présent règlement est prise au plus tard dans les deux mois suivant les dates de notification prévues par le règlement (CE) n° 3605/93. Toute décision du Conseil d'abroger tout ou partie de ses décisions en application de l'article 104 C paragraphe 12, est prise le plus rapidement possible et, en tout cas, au plus tard dans les deux mois suivant les dates de notification prévues par le règlement (CE) n° 3605/93. SECTION 3 SUSPENSION ET SURVEILLANCE

Article 9 1. La procédure concernant les déficits excessifs est suspendue: - si l'État membre concerné prend des mesures en réponse aux recommandations adressées conformément à l'article 104 C paragraphe 7, - si l'État membre participant concerné prend des mesures en réponse à la mise en demeure adressée conformément à l'article 104 C paragraphe 9. 2. La période pendant laquelle la procédure est suspendue n'est prise en considération ni pour le délai de dix mois visé à l'article 7 ni pour le délai de deux mois visé à l'article 6 du présent règlement.

Article 10 1. La Commission et le Conseil surveillent la mise en oeuvre des mesures prises: - par l'État membre concerné en réponse aux recommandations adressées conformément à l'article 104 C paragraphe 7, - par l'État membre participant concerné en réponse à la mise en demeure adressée conformément à l'article 104 C paragraphe 9. 2. Si un État membre participant ne met pas en oeuvre les mesures qu'il a prises ou si, de l'avis du Conseil, les mesures s'avèrent inadéquates, le Conseil prend immédiatement une décision au titre de l'article 104 C paragraphe 9 ou 11 respectivement.

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3. Si les chiffres réels, conformément au règlement (CE) n° 3605/93, indiquent qu'un déficit excessif n'a pas été corrigé par un État membre participant dans les délais prescrits dans les recommandations adressées en application de l'article 104 C paragraphe 7, ou dans la mise en demeure adressée en vertu de l'article 104 C paragraphe 9, le Conseil prend immédiatement une décision au titre de l'article 104 C paragraphe 9 ou paragraphe 11 respectivement. SECTION 4 SANCTIONS

Article 11 Lorsqu'il décide d'infliger des sanctions à un État membre participant conformément à l'article 104 C paragraphe 11, le Conseil exige en principe un dépôt ne portant pas intérêt. Le Conseil peut décider de compléter ce dépôt par les mesures prévues à l'article 104 C paragraphe 11 premier et deuxième tirets.

Article 12 1. Lorsque le déficit excessif résulte du non-respect du critère relatif au rapport concernant le déficit public défini à l'article 104 C paragraphe 2 point a), le montant du premier dépôt comprend un élément fixe égal à 0,2 % du PIB et un élément variable égal au dixième de la différence entre le déficit exprimé en pourcentage du PIB de l'année précédente et la valeur de référence de 3 % du PIB. 2. Chacune des années suivantes, jusqu'à ce que la décision constatant l'existence d'un déficit excessif ait été abrogée, le Conseil évalue si l'État membre participant concerné a pris des mesures suivies d'effets en réponse à la mise en demeure adressée par le Conseil conformément à l'article 104 C paragraphe 9. Lors de cette évaluation annuelle, le Conseil décide, conformément à l'article 104 C paragraphe 11, et sans préjudice de l'article 13 du présent règlement, de renforcer les sanctions, à moins que l'État membre participant concerné n'ait donné suite à sa mise en demeure. S'il est décidé d'exiger un dépôt supplémentaire, celui-ci est égal au dixième de la différence entre le déficit exprimé en pourcentage du PIB de l'année précédente et la valeur de référence de 3 % du PIB. 3. Tout dépôt visé aux paragraphes 1 et 2 n'excède pas le plafond de 0,5 % du PIB.

Article 13 Un dépôt est en principe converti en amende par le Conseil, conformément à l'article 104 C paragraphe 11, si, dans les deux années suivant la décision d'exiger de l'État membre participant concerné qu'il fasse un dépôt, le déficit excessif n'a pas, de l'avis du Conseil, été corrigé.

Article 14 Conformément à l'article 104 C paragraphe 12, le Conseil abroge les sanctions visées à l'article 104 C paragraphe 11 premier et deuxième tirets, en fonction de l'importance des progrès réalisés par l'État membre participant concerné dans la correction du déficit excessif.

Article 15 Conformément à l'article 104 C paragraphe 12, le Conseil abroge toutes les sanctions en vigueur si la décision constatant l'existence d'un déficit excessif est abrogée. Les amendes infligées conformément à l'article 13 du présent règlement ne sont pas remboursées à l'État membre participant concerné.

Article 16 Les dépôts visés aux articles 11 et 12 du présent règlement sont constitués auprès de la Commission. Les intérêts sur les dépôts et les amendes visées à l'article 13 du présent règlement font partie des autres recettes au sens de l'article 201 du traité et sont répartis entre les États membres n'étant pas en situation de déficit excessif établi conformément à l'article 104 C paragraphe 6, proportionnellement à leur part dans le produit national brut (PNB) global des États membres éligibles. (…)

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Annexe 3.1.6. Décision de la CEJ du 13 juillet 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE Nº 57/04 13 juillet 2004

Arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-27/04 Commission des Communautés européennes / Conseil de l’Union européenne

LA COUR DE JUSTICE ÉCLAIRE PAR CET ARRÊT LES COMPÉT ENCES DE LA

COMMISSION ET DU CONSEIL CONCERNANT LA PROCÉDURE DE DÉFICIT EXCESSIF

La Cour déclare irrecevable le recours quant à la demande de la Commission d'annuler la non-adoption par le Conseil des décisions de mise en demeure à l'égard de l'Allemagne et de la France. En revanche,

la Cour annule les conclusions adoptées par le Conseil dans lesquelles il suspend les procédures de déficit excessif et modifie les recommandations adressées précédemment par lui à chacun de ces États

membres pour la correction du déficit excessif. A. Les dispositions concernant la procédure de déficit excessif Dans le contexte de l’Union économique et monétaire, le traité CE organise une procédure de déficit excessif21 dont le but est d’inciter et, au besoin, de contraindre l’État membre concerné à réduire le déficit constaté. C'est essentiellement le Conseil qui a la responsabilité de faire respecter la discipline budgétaire par les États membres. La procédure de déficit excessif est une procédure par étapes, dont les modalités de déroulement ainsi que les rôles et les pouvoirs respectifs des institutions sont précisés par le traité. Cette procédure peut aboutir à l’imposition de sanctions aux États membres. Chaque étape de la procédure où le Conseil est appelé à intervenir suppose que celui-ci examine, sur recommandation de la Commission, si l’État membre défaillant a respecté les obligations résultant des recommandations et décisions précédemment adoptées par le Conseil à son intention. Les règles du traité relatives à la procédure de déficit excessif sont précisées et renforcées par le pacte de stabilité et de croissance, constitué, notamment, par la résolution du Conseil européen du 17 juin 1997 et le règlement de cette même année visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs22. Ce règlement fixe un cadre strict de délais à respecter dans le déroulement de la procédure de déficit excessif ainsi que les conditions pour la suspension de la procédure. B. Les antécédents de l'affaire Le Conseil a, sur recommandation de la Commission, décidé qu'il existait un déficit excessif en Allemagne et en France. Il a adopté deux recommandations fixant à ces deux États membres une date limite pour l'adoption des mesures recommandées pour la correction du déficit excessif. Les dates limites étant expirées, la Commission a recommandé au Conseil d'adopter des décisions constatant que ni l'Allemagne ni la France n'avaient pris des mesures adéquates pour réduire leurs déficits en réponse aux recommandations du Conseil. Elle lui a également recommandé de mettre les deux États membres concernés en demeure de prendre des mesures pour réduire leur déficit. Le 25 novembre 2003, le Conseil a procédé à des votes sur les recommandations de décisions présentées par la Commission, sans atteindre la majorité requise. Ce même jour, le Conseil a adopté à l'égard de chacun des deux États membres concernés des conclusions en substance similaires, aux termes desquelles il a décidé de suspendre les procédures de déficit excessif à l'égard de l'Allemagne et de la France et émis à leur intention des recommandations pour la correction du déficit excessif compte tenu des engagements de chacun de ces États membres. La Commission a, le 27 janvier 200423, introduit un recours devant la Cour de justice à l'encontre de la non-adoption par le Conseil des décisions recommandées par la Commission, ainsi que des conclusions adoptées par le Conseil.

21Article 104 du traité de la Communauté européenne. 22 Règlement nº 1467/97/CE du Conseil du 7 juillet 1997, JO L 209 du 2 août 1997, p. 6. 23 À la demande de la Commission, le Président de la Cour a ordonné le 13 février 2004 que cette affaire soit soumise à la procédure accélérée.

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C. La demande d'annulation de la non-adoption par le Conseil, en dépit des recommandations de la Commission, d'une part, des décisions constatant que ni l'Allemagne ni la France n'avaient pris des mesures adéquates pour réduire leurs déficits, et d'autre part, des décisions de mise en demeure à l'égard de ces deux États membres La Cour constate tout d'abord que, lorsque la Commission recommande au Conseil d'adopter des décisions telles que celles en cause en l'espèce et que la majorité requise n'est pas atteinte au Conseil, il n'existe aucune décision, fût-elle implicite, au sens du traité. En conséquence, la Cour constate que la non-adoption par le Conseil des décisions recommandées par la Commission ne constitue pas un acte attaquable par un recours en annulation et déclare irrecevable cette branche du recours. D. La demande d'annulation des conclusions adoptées par le Conseil en tant qu'elles contiennent des décisions de suspendre les procédures de déficit excessif à l'égard de l'Allemagne et de la France et des décisions modifiant les recommandations adressées précédemment par le Conseil à ces deux États membres pour la correction de leur déficit excessif La Cour accepte la recevabilité du recours en tant que dirigé contre les conclusions, au motif que celles-ci visent à produire des effets de droit. En effet, elles suspendent les procédures de déficit excessif en cours et modifient les recommandations précédemment adoptées par le Conseil. Ensuite, la Cour constate que le Conseil dispose d'un pouvoir d'appréciation dans ce domaine car il peut modifier l'acte recommandé par la Commission sur le fondement d'une appréciation différente des données économiques, des mesures à prendre et du calendrier à respecter par l'État membre concerné. Cependant, le Conseil ne peut pas s'écarter des règles établies par le traité ni de celles qu'il s'est lui-même imposées dans le règlement n° 1467/97. - Quant à la suspension de la procédure de déficit excessif, la Cour souligne que le règlement prévoit

de façon exhaustive les hypothèses où il y a lieu de suspendre la procédure de déficit excessif, à savoir lorsque l’État membre concerné prend des mesures en réponse aux recommandations ou à la mise en demeure que lui a adressées le Conseil en application du traité. Elle admet qu'une suspension de fait peut résulter de la circonstance que le Conseil, saisi d'une recommandation de la Commission, ne parvient pas à réunir la majorité requise pour adopter une décision. Néanmoins, dans ses conclusions du 25 novembre 2003, le Conseil ne se borne pas à constater une suspension de fait de la procédure de déficit excessif découlant de l'impossibilité d'adopter une décision recommandée par la Commission. En tant que les conclusions du Conseil subordonnent la suspension au respect par les États membres concernés de leurs engagements, elles limitent le pouvoir du Conseil de procéder à une mise en demeure sur la base de la recommandation antérieure de la Commission, aussi longtemps que les engagements sont considérés comme respectés. En conséquence, l'appréciation du Conseil aux fins d'une décision de mise en demeure ne se fondera plus sur le contenu des recommandations pour la correction du déficit que le Conseil avait déjà adressées aux États membres concernés, mais sur des engagements unilatéraux de ceux-ci.

- S'agissant de la modification des recommandations adoptées par le Conseil pour la correction du déficit excessif, la Cour relève que lorsque le Conseil a adopté lesdites recommandations, il ne peut pas les modifier sans une nouvelle impulsion de la Commission, qui dispose d'un droit d'initiative dans le cadre de la procédure de déficit excessif. Néanmoins, les conclusions du Conseil n'ont pas été précédées d'initiatives de la Commission visant à l'adoption de recommandations du Conseil pour la correction du déficit excessif différentes de celles précédemment adoptées. En outre, les recommandations contenues dans lesdites conclusions ont été adoptées selon les modalités de vote prévues pour une décision de mise en demeure, qui sont différentes de celles prévues pour l'adoption de recommandations pour la correction du déficit excessif.

Dans ces conditions, la Cour annule les conclusions du Conseil du 25 novembre 2003.

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Annexe 3.1.7. Communiqué de presse de la Commission du 3 septembre 2004

La Commission préconise le renforcement de la coordination des politiques économiques et budgétaires

Dans une communication adoptée ce jour, la Commission européenne recommande de mieux coordonner les instruments de gouvernance économique de l'UE afin d'accroître la contribution de la politique budgétaire à la croissance économique. Elle est également d'avis qu'il serait bénéfique, pour le pacte de stabilité et de croissance (PSC), d'accorder une plus grande attention à la viabilité des finances publiques et de prendre davantage en considération la diversité des situations économiques dans une Union à 25 élargie. Romano Prodi, président de la Commission, a déclaré: "Je suis fermement convaincu que ces propositions permettront de renforcer le pacte et de le rendre plus crédible. Je suis heureux de constater que les travaux réalisés par cette Commission ont porté leurs fruits, aboutissant à un projet de propositions qui contribuera à promouvoir la croissance en Europe". Joaquín Almunia, membre de la Commission chargé des affaires économiques et monétaires, a ajouté: "La Commission souhaite faire avancer ce débat d'une manière ouverte et transparente et en coopération étroite avec les États membres. Nos propositions introduisent une plus grande logique économique dans la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance, tout en renforçant la surveillance et l'application effective. Elles visent à étayer la stabilité macroéconomique et à garantir des finances publiques viables, tout en contribuant à améliorer le potentiel de croissance de l'UE et à réaliser les objectifs de l'agenda de Lisbonne". Cette communication fait suite à l'appel lancé à la Commission par le Conseil européen de juin à soumettre des propositions en vue de renforcer et de clarifier la mise en œuvre du PSC. Elle s'inspire d'idées contenues dans la communication du 24 juin 2004 intitulée "Les finances publiques dans l'UEM - 2004". La Commission est d'avis que le renforcement de la coordination des politiques économiques devrait passer par un recours accru aux grandes orientations de politique économique. Il pourrait être fait davantage appel à la pression collégiale et aux alertes rapides aux fins de la surveillance dans ce cadre. En ce qui concerne la coordination et la surveillance des politiques budgétaires, l'objectif est de consolider les fondements économiques du PSC, tout en améliorant son application effective et sa crédibilité. Les principales mesures qui pourraient être prises pour clarifier et améliorer la mise en œuvre du PSC sont les suivantes: i) mettre davantage l'accent, dans le cadre de la surveillance des positions budgétaires, sur la viabilité de la dette. Cristalliser l'attention sur le critère de la dette et la viabilité à moyen et long terme suppose de surveiller de plus près l'évolution actuelle de la dette, de même que les facteurs susceptibles d'influer sur sa dynamique à moyen et long terme; ii) tenir davantage compte de la situation de chaque pays dans la définition de l'objectif à moyen terme de positions budgétaires "proches de l'équilibre ou excédentaires"; (iii) prendre en considération les conditions économiques et leur évolution dans la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs. Lors de la constatation de l'existence d'un "déficit excessif" et de l'adoption de recommandations et de délais en vue de sa correction, il serait sans doute utile de tenir davantage compte de l'impact sur le budget de périodes de croissance économique exceptionnellement faible; iv) agir plus rapidement afin de corriger les évolutions budgétaires inadéquates. Le processus de surveillance budgétaire devrait permettre de dégager des excédents en période de conjoncture favorable afin de pouvoir faire face aux conséquences du vieillissement démographique, de ménager une marge de manœuvre suffisante pour résister aux ralentissements de l'activité et, enfin, d'assurer un dosage approprié des politiques économiques au cours du cycle. Enfin, la Commission insiste sur la nécessité d'une forte cohérence entre les objectifs de politique économique et budgétaire de l'Union et, partant, d'une coordination étroite entre les GOPE et le PSC.

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ANNEXE 3.2 : EVOLUTION DU SOLDE NOMINAL , DU SOLDE PRIMAIRE ET DU SOLDE

PRIMAIRE STRUCTUREL Tableau 3.22. Evolution et décomposition du solde nominal de la zone euro Source des données : Commission européenne [2004]. 2004 et 2005 : projections. Effet conj. = effet conjoncturel ; solde str.prim. = solde structurel primaire Ancienne définition SEC 95 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

ZONE EURO Solde nominal -4,3 -4,6 -4,8 -5,6 -5,1 -5 -4,3 -2,6 -2,3 -1,3 0,1 -1,7 -2,3 -2,7 -2,8 -2,6 Effet conj. 1,2 1,2 0,8 -0,4 -0,4 -0,2 -0,6 -0,4 -0,2 0,3 1,9 0,7 0,3 -0,4 -0,5 -0,2 Intérêts 4,8 4,9 5,5 5,6 5,4 5,6 5,7 5,1 4,8 4,3 4,1 4 3,8 3,5 3,5 3,4 Solde str. prim. -0,7 -0,9 -0,1 0,4 0,7 0,8 2 2,9 2,7 2,7 2,3 1,6 1,2 1,2 1,2 1

UE-15 Solde nominal -3,5 -4,1 -5 -6 -5,4 -5,1 -4,2 -2,5 -1,7 -0,7 1 -1 -2 -2,6 -2,6 -2,4 Effet conj. 1,1 0,9 0,5 -0,7 -0,4 -0,3 -0,6 -0,4 -0,1 0,3 2,1 0,7 0,3 -0,3 -0,4 -0,2 Intérêts 4,7 4,7 5,1 5,2 5,2 5,4 5,5 5 4,6 4,1 3,8 3,7 3,4 3,2 3,1 3,1 Solde str. prim. 0,1 -0,3 -0,4 -0,1 0,2 0,6 1,9 2,9 3 3,1 2,7 2 1,1 0,9 0,9 0,9

A Solde nominal -2,4 -3 -1,9 -4,2 -4,9 -5,3 -4 -2 -2,5 -2,4 -1,6 0,1 -0,4 -1,3 -1,3 -2,1 Effet conj. 0,5 0,6 0,6 0 0 -0,3 -0,4 -0,6 -0,1 0,1 0,9 0,1 -0,1 -0,4 -0,4 -0,3 Intérêts 4 4,2 4,1 4,3 4 4,4 4,4 4 3,9 3,7 3,8 3,7 3,6 3,3 3,3 3,3 Solde str. prim. 1,1 0,6 1,6 0,1 -0,9 -0,6 0,8 2,6 1,5 1,2 1,3 3,7 3,3 2,4 2,4 1,5

B Solde nominal -5,4 -6,2 -6,9 -7,2 -4,8 -4,3 -3,8 -2 -0,7 -0,4 0,1 0,5 0 0,2 -0,5 -0,8 Effet conj. 1,4 1,2 0,8 -1,2 -0,5 -0,3 -0,9 -0,2 -0,2 0,5 1,5 0,8 -0,1 -0,6 -0,5 -0,2 Intérêts 10,4 10 10,6 10,7 9,9 9,2 8,9 8 7,5 7 6,8 6,6 6,1 5,6 5,2 4,9 Solde str. prim. 3,6 2,6 2,9 4,7 5,6 5,2 6 6,2 7 6,1 5,4 6,3 6,2 6,4 5,2 4,3

D Solde nominal -2 -3,2 -2,8 -3,5 -2,6 -3,3 -3,4 -2,7 -2,2 -1,5 1,3 -2,8 -3,5 -3,9 -3,6 -2,8 Effet conj. 0,9 1,9 1,8 0,2 0,3 0,2 -0,3 -0,4 -0,2 0 3,2 0,5 0 -0,7 -0,6 -0,3 Intérêts 2,5 2,6 3,2 3,3 3,3 3,6 3,7 3,6 3,6 3,5 3,4 3,2 3,1 3,2 3,2 3,1 Solde str. prim. -0,4 -2,5 -1,4 -0,4 0,4 0,1 0,6 1,3 1,6 2 1,5 -0,1 -0,4 0 0,2 0,6

EL Solde nominal -15,9 -11,4 -12,6 -13,6 -9,9 -10,2 -7,4 -4 -2,5 -1,8 -2 -1,4 -1,5 -3 -3,2 -2,8 Effet conj. 0,2 0,7 0,5 -0,7 -0,7 -0,7 -0,7 -0,4 -0,4 -0,4 0,1 0,7 0,2 0,4 0,6 0,5 Intérêts 10 9,3 11,5 12,6 13,9 12,8 12 9,6 9 8,3 7,9 7,1 6,2 5,7 5,6 5,5 Solde str. prim. -6,1 -2,8 -1,6 -0,3 4,7 3,3 5,3 6 6,9 6,9 5,8 5 4,5 2,3 1,8 2,2

E Solde nominal -4,2 -4,3 -4 -6,7 -6,1 -6,6 -5 -3,2 -3 -1,2 -0,9 -0,4 -0,1 0,3 0,5 0,6 Effet conj. 1,5 1,5 0,8 -0,6 -0,8 -0,7 -1 -0,6 -0,1 0,3 0,8 0,6 0,1 -0,1 -0,1 -0,1 Intérêts 3,9 3,7 4,3 5 4,7 5,2 5,4 4,8 4,2 3,6 3,3 3,2 2,9 2,6 2,3 2,3 Solde str. prim. -1,8 -2,1 -0,5 -1,1 -0,6 -0,7 1,4 2,2 1,3 2,1 1,6 2,2 2,7 3 2,9 3

F Solde nominal -1,5 -2 -3,9 -5,6 -5,6 -5,5 -4,1 -3 -2,7 -1,8 -1,4 -1,5 -3,1 -4,1 -3,7 -3,6 Effet conj. 1,2 0,8 0,6 -0,5 -0,4 -0,5 -0,9 -0,9 -0,4 0,1 0,8 0,9 0,7 -0,3 -0,3 -0,2 Intérêts 2,9 2,9 3,2 3,3 3,4 3,7 4 3,7 3,6 3,4 3,2 3,2 3,2 3,1 3,1 3,1 Solde str. prim. 0,2 0,1 -1,3 -1,8 -1,8 -1,3 0,8 1,6 1,3 1,5 1 0,8 -0,6 -0,7 -0,3 -0,3

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

303

Ancienne définition SEC 95 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

FIN Solde nominal 5,3 -1,5 -5,7 -7,8 -6 -3,9 -2,9 -1,3 1,6 2,2 7,1 5,2 4,3 2,1 1,8 2 Effet conj. 4,5 -0,6 -4 -5,8 -4,4 -3,4 -2,4 -0,1 1,2 1,4 2,7 1,4 1 0,1 -0,1 0 Intérêts 1,4 1,9 2,6 4,5 5 4 4,2 4,3 3,6 3,1 2,9 2,7 2,2 2 2 1,8 Solde str. prim. 2,2 1 0,9 2,5 3,4 3,5 3,7 3,1 4 3,9 7,3 6,5 5,5 4 3,9 3,8

I Solde nominal -11 -10 -9,5 -9,4 -9,1 -7,6 -7,1 -2,7 -3,1 -1,8 -0,7 -2,7 -2,4 -2,5 -3,2 -4 Effet conj. 0,9 0,6 0,2 -1 -0,7 -0,1 -0,4 -0,2 -0,4 -0,1 1,7 0,6 0 -0,4 -0,4 -0,1 Intérêts 9,4 10,1 11,4 12 10,9 11,5 11,5 9,4 8,3 6,8 6,5 6,6 5,9 5,4 5 5,2 Solde str. prim. -2,5 -0,5 1,7 3,6 2,5 4 4,8 6,9 5,6 5,1 4,1 3,3 3,5 3,3 2,2 1,3

IRL Solde nominal -2,2 -2,3 -2,4 -2,3 -1,6 -2,1 -0,1 1,4 2,3 2,3 4,4 1,1 -0,1 0,2 -0,8 -1 Effet conj. 0,9 -0,1 -0,8 -2 -2,3 -1,4 -1,1 0,3 0,2 1,3 2,1 1,9 2,2 0,5 0 -0,2 Intérêts 7,5 7,3 6,7 6,3 5,6 5,4 4,5 3,9 3,4 2,4 2 1,5 1,3 1,4 1,4 1,3 Solde str. prim. 4,4 5,1 5,1 6 6,3 4,7 5,5 5 5,5 3,4 4,3 0,7 -1 1,1 0,6 0,5

L Solde nominal 4,7 1,8 0,7 1,5 2,6 2,1 1,9 3,2 3,2 3,7 6,3 6,3 2,7 -0,1 -2 -2,3 Effet conj. -2,3 -3,4 -1,4 -0,3 1,4 3,9 2,3 0,9 -0,1 -0,7 -0,7 Intérêts 0,4 0,3 0,4 0,4 0,4 0,3 0,4 0,3 0,3 0,3 0,2 0,2 0,3 0,2 0,1 0,1 Solde str. prim. 4,7 5,7 4,9 3,8 2,6 2,6 4,2 2,1 0,2 -1,2 -1,5

NL Solde nominal -4,9 -2,8 -3,8 -3,1 -3,6 -4,2 -1,8 -1,1 -0,8 0,7 2,2 0 -1,6 -3,2 -3,6 -3,3 Effet conj. 1,5 1,2 0,3 -1,2 -1,1 -1,1 -0,9 -0,3 0,8 1,8 3,2 2 1,2 -0,7 -1,1 -0,9 Intérêts 5,7 5,9 6,1 6 5,6 5,9 5,6 5,2 4,9 4,4 3,8 3,4 3,1 2,9 2,9 3 Solde str. prim. -0,7 1,9 2 4,1 3,1 2,8 4,7 4,4 3,3 3,3 2,8 1,4 0,3 0,4 0,4 0,6

P Solde nominal -4,9 -5,8 -2,9 -5,9 -5,9 -5,5 -4,8 -3,6 -3,2 -2,9 -2,9 -4,4 -2,7 -2,9 -3,5 -3,9 Effet conj. 1,2 1,6 1 -0,6 -1,3 -0,9 -0,6 -0,2 0,4 0,8 1,5 1 0,6 -0,6 -0,9 -0,7 Intérêts 7,8 7,6 7 6 6,1 6,3 5,4 4,3 3,5 3,3 3,3 3,2 3 3 3 3,1 Solde str. prim. 1,7 0,2 3,1 0,7 1,5 1,7 1,2 0,9 -0,1 -0,4 -1,1 -2,2 -0,3 0,7 0,4 -0,1

DK Solde nominal -1 -2,4 -2,2 -2,8 -2,6 -2,3 -1 0,4 1,1 3,2 2,5 3,1 1,5 1,3 1,1 1,5 Effet conj. -0,3 -0,8 -1,7 -3,2 -0,7 -0,2 0 0,6 0,7 1 1,5 1,5 0,4 -1 -0,5 -0,2 Intérêts 7,3 7,3 6,6 7,3 6,7 6,4 6,1 5,7 5,4 4,8 3,5 3,2 3 2,7 2,5 2,3 Solde str. prim. 6,6 5,7 6,1 7,7 4,8 4,3 5,1 5,5 5,8 7 4,5 4,8 4,1 5 4,1 4

S Solde nominal 4 -1,1 -7,3 -11,5 -9,6 -6,9 -2,8 -1 1,9 2,3 5,1 2,9 -0,3 0,5 0,2 0,7 Effet conj. 2,5 0,6 -1,2 -3,7 -2 -0,6 -1,3 -1,2 -0,5 0,7 2,1 1,1 0,4 -0,1 0 0,2 Intérêts 4,8 4,9 5,1 5,8 6,3 6,6 6,6 6,3 5,5 4,8 4,1 3,1 3,2 2,4 2,3 2,4 Solde str. prim. 6,3 3,2 -1 -2 -1,3 0,3 5,1 6,5 7,9 6,4 7,1 4,9 2,5 3 2,5 2,9

UK Solde nominal -0,9 -2,3 -6,1 -7,7 -6,7 -5,8 -4,2 -2,2 0,1 1,1 3,9 0,7 -1,6 -3,2 -2,8 -2,6 Effet conj. 1,2 -0,4 -1,3 -1,2 -0,4 -0,4 -0,3 0 0,2 0,2 3,1 0,5 -0,1 -0,2 -0,2 -0,1 Intérêts 3,1 2,7 2,7 2,8 3,2 3,6 3,6 3,6 3,5 2,9 2,7 2,4 2 2 2,1 2,1 Solde str. prim. 1 0,8 -2,1 -3,7 -3,1 -1,8 -0,3 1,4 3,4 3,8 3,5 2,6 0,5 -1 -0,5 -0,4

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

304

Graphique 3.10. Evolution d’ensemble du solde nominal, du solde primaire et du solde primaire structurel

Déficit (-) ou excédent (+) nominal en pourcentage du PIB

-20

-15

-10

-5

0

5

10

199

0

199

1

199

2

199

3

199

4

199

5

199

6

199

7

199

8

199

9

200

0

200

1

200

2

200

3

200

4

200

5

B D ELE F IRLI L NLA P FINDK SE UKEU-15

Déficit (-) ou excédent (+) primaire en pourcentage du PIB

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

10

12

19

90

19

91

19

92

19

93

19

94

19

95

19

96

19

97

19

98

19

99

20

00

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

B D ELE F IRLI L NLA P FINDK S UKEU-15

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 3

305

Déficit (-) ou excédent (+) primaire structurel en pourcentage du PIB

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

10

19

90

19

91

19

92

19

93

19

94

19

95

19

96

19

97

19

98

19

99

20

00

20

01

20

02

20

03

20

04

20

05

B D ELE F IRLI L NLA P FINDK S UKEU-15

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

306

Tableau 3.23. Evolution du solde nominal Cellules grisées : déficit au-delà de -3% du PIB

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 L 4,7 1,8 0,7 1,5 2,6 2,1 1,9 L 3,2 3,2 3,7 6,3 FIN 5,2 4,3 2,1 1,8 2 IRL -2,2 -2,3 -2,4 -2,3 -1,6 -2,1 -0,1 IRL 1,4 2,3 2,3 4,4 DK 3,1 1,5 1,3 1,1 1,5 DK -1 -2,4 -2,2 -2,8 -2,6 -2,3 -1 DK 0,4 1,1 3,2 2,5 S 2,9 -0,3 0,5 0,2 0,7 D -2 -3,2 -2,8 -3,5 -2,6 -3,3 -3,4 S -1 1,9 2,3 5,1 E -0,4 -0,1 0,3 0,5 0,6 NL -4,9 -2,8 -3,8 -3,1 -3,6 -4,2 -1,8 FIN -1,3 1,6 2,2 7,1 L 6,3 2,7 -0,1 -2 -2,3 A -2,4 -3 -1,9 -4,2 -4,9 -5,3 -4 UK -2,2 0,1 1,1 3,9 B 0,5 0 0,2 -0,5 -0,8 FIN 5,3 -1,5 -5,7 -7,8 -6 -3,9 -2,9 NL -1,1 -0,8 0,7 2,2 IRL 1,1 -0,1 0,2 -0,8 -1 S 4 -1,1 -7,3 -11,5 -9,6 -6,9 -2,8 D -2,7 -2,2 -1,5 1,3 A 0,1 -0,4 -1,3 -1,3 -2,1 UK -0,9 -2,3 -6,1 -7,7 -6,7 -5,8 -4,2 B -2 -0,7 -0,4 0,1 UK 0,7 -1,6 -3,2 -2,8 -2,6 P -4,9 -5,8 -2,9 -5,9 -5,9 -5,5 -4,8 A -2 -2,5 -2,4 -1,6 NL 0 -1,6 -3,2 -3,6 -3,3 F -1,5 -2 -3,9 -5,6 -5,6 -5,5 -4,1 I -2,7 -3,1 -1,8 -0,7 EL -1,4 -1,5 -3 -3,2 -2,8 E -4,2 -4,3 -4 -6,7 -6,1 -6,6 -5 E -3,2 -3 -1,2 -0,9 I -2,7 -2,4 -2,5 -3,2 -4 B -5,4 -6,2 -6,9 -7,2 -4,8 -4,3 -3,8 F -3 -2,7 -1,8 -1,4 D -2,8 -3,5 -3,9 -3,6 -2,8 I -11 -10 -9,5 -9,4 -9,1 -7,6 -7,1 EL -4 -2,5 -1,8 -2 F -1,5 -3,1 -4,1 -3,7 -3,6 EL -15,9 -11,4 -12,6 -13,6 -9,9 -10,2 -7,4 P -3,6 -3,2 -2,9 -2,9 P -4,4 -2,7 -2,9 -3,5 -3,9 EU-15 -3,5 -4,1 -5 -6 -5,4 -5,1 -4,2 EU-15 -2,5 -1,7 -0,7 1 EU-15 -1 -2 -2,6 -2,6 -2,4

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

307

Tableau 3.24. Evolution du solde primaire Cellules grisées : déficit primaire

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 B 5 3,8 3,7 3,5 5,1 4,9 5,1 S 5,3 7,4 7,1 9,2 FIN 7,9 6,5 4,1 3,8 3,8 DK 6,3 4,9 4,4 4,5 4,1 4,1 5,1 DK 6,1 6,5 8 6 B 7,1 6,1 5,8 4,7 4,1 IRL 5,3 5 4,3 4 4 3,3 4,4 B 6 6,8 6,6 6,9 DK 6,3 4,5 4 3,6 3,8 L 5,1 2,1 1,1 1,9 3 2,4 2,3 I 6,7 5,2 5 5,8 S 6 2,9 2,9 2,5 3,1 NL 0,8 3,1 2,3 2,9 2 1,7 3,8 EL 5,6 6,5 6,5 5,9 EL 5,7 4,7 2,7 2,4 2,7 I -1,6 0,1 1,9 2,6 1,8 3,9 4,4 IRL 5,3 5,7 4,7 6,4 I 3,9 3,5 2,9 1,8 1,2 EL -5,9 -2,1 -1,1 -1 4 2,6 4,6 NL 4,1 4,1 5,1 6 A 3,8 3,2 2 2 1,2 P 2,9 1,8 4,1 0,1 0,2 0,8 0,6 L 3,5 3,5 4 6,5 E 2,8 2,8 2,9 2,8 2,9 D 0,5 -0,6 0,4 -0,2 0,7 0,3 0,3 FIN 3 5,2 5,3 10 IRL 2,6 1,2 1,6 0,6 0,3 A 1,6 1,2 2,2 0,1 -0,9 -0,9 0,4 UK 1,4 3,6 4 6,6 L 6,5 3 0,1 -1,9 -2,2 E -0,3 -0,6 0,3 -1,7 -1,4 -1,4 0,4 D 0,9 1,4 2 4,7 NL 3,4 1,5 -0,3 -0,7 -0,3 F 1,4 0,9 -0,7 -2,3 -2,2 -1,8 -0,1 A 2 1,4 1,3 2,2 D 0,4 -0,4 -0,7 -0,4 0,3 FIN 6,7 0,4 -3,1 -3,3 -1 0,1 1,3 E 1,6 1,2 2,4 2,4 UK 3,1 0,4 -1,2 -0,7 -0,5 S 8,8 3,8 -2,2 -5,7 -3,3 -0,3 3,8 F 0,7 0,9 1,6 1,8 F 1,7 0,1 -1 -0,6 -0,5 UK 2,2 0,4 -3,4 -4,9 -3,5 -2,2 -0,6 P 0,7 0,3 0,4 0,4 P -1,2 0,3 0,1 -0,5 -0,8 EU-15 1,2 0,6 0,1 -0,8 -0,2 0,3 1,3 EU-15 2,5 2,9 3,4 4,8 EU-15 2,7 1,4 0,6 0,5 0,7

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

308

Tableau 3.25. Evolution du solde primaire structurel Cellules grisées : déficit primaire structurel 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 DK 6,6 5,7 6,1 7,7 4,8 4,3 5,1 S 6,5 7,9 6,4 7,1 B 6,3 6,2 6,4 5,1 4,3 IRL 4,3 5 5,1 6 6,3 4,7 5,6 EL 6 6,9 6,9 5,8 FIN 6,5 5,5 4 3,9 3,9 B 3,6 2,6 2,9 4,6 5,6 5,3 6 B 6,2 7,1 6,1 5,4 DK 4,9 4 5,1 4,1 4 L 4,8 5,7 DK 5,5 5,7 7 4,5 S 5 2,5 3 2,5 2,9 FIN 2,2 1 0,9 2,5 3,4 3,5 3,8 I 6,9 5,6 5,1 4,1 EL 5 4,5 2,3 1,8 2,2 P 1,7 0,2 3,1 0,7 1,5 1,7 1,2 IRL 4,9 5,6 3,5 4,3 E 2,1 2,6 2,9 2,9 2,9 NL -0,7 1,9 1,9 4,1 3,2 2,8 4,7 FIN 3,1 4 3,9 7,3 A 3,7 3,3 2,4 2,4 1,4 I -2,5 -0,5 1,7 3,6 2,5 4 4,8 L 4,9 3,9 2,6 2,7 I 3,2 3,5 3,3 2,2 1,3 EL -6,1 -2,8 -1,6 -0,3 4,7 3,2 5,3 NL 4,4 3,2 3,4 2,8 NL 1,4 0,3 0,4 0,4 0,6 S 6,3 3,2 -1 -2 -1,2 0,3 5,1 UK 1,4 3,4 3,8 3,5 IRL 0,7 -0,9 1 0,6 0,6 A 1,1 0,6 1,7 0,1 -0,9 -0,6 0,8 A 2,6 1,5 1,2 1,3 D 0 -0,4 -0,1 0,1 0,6 D -0,4 -2,5 -1,4 -0,5 0,4 0,2 0,6 E 2,2 1,4 2 1,6 F 0,8 -0,6 -0,8 -0,4 -0,4 E -1,8 -2,1 -0,5 -1,1 -0,6 -0,7 1,3 D 1,3 1,6 2 1,5 L 4,3 2 0,2 -1,1 -1,5 F 0,2 0,1 -1,3 -1,8 -1,7 -1,2 0,7 F 1,6 1,3 1,4 1 UK 2,6 0,5 -1 -0,6 -0,4 UK 1 0,8 -2,1 -3,7 -3,2 -1,8 -0,3 P 0,8 -0,1 -0,5 -1,1 P -2,2 -0,3 0,6 0,4 -0,1 EU-15 0,1 -0,3 -0,3 0 0,1 0,6 1,8 EU-15 3,4 3,4 3,6 3 EU-15 2,1 1,4 1,1 1 0,9

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

309

Graphique 3.11. Déficit (-) ou excédent (+) nominal : découpage en sous-périodes et regroupement des pays par niveau 1990-1996 1997-2000 2001-2005

-18-15-12-9-6-30369

L EU-15

-9

-6

-3

0

3

6

9

D IRL LNL FIN DKS UK EU-15

-9

-6

-3

0

3

6

9

E FIN DKS EU-15

-18-15-12-9-6-30369

D IRL NL

A DK EU-15

-9

-6

-3

0

3

6

9

B A EU-15

-9

-6

-3

0

3

6

9

B IRL L A EU-15

-18-15-12-9-6-30369 B EL

E FI PFIN SUK EU-15

-9

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0

3

6

9

EL E FI P EU-15

-9

-6

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0

3

6

9 D EL FI NL PUK EU-15

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Eloïse Stéclebout Annexes du Chapitre 3

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Graphique 3.12. Déficit (-) ou excédent (+) primaire : découpage en sous-périodes et regroupement des pays par niveau 1990-1996 1997-2000 2001-2005

-9

-6

-3

0

3

6

9

12 B EL IRLI L NLDK EU-15

-9

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-3

0

3

6

9

12

B EL IRLI L NLFIN DK SUK EU-15

-9

-6

-3

0

3

6

9

12

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-9

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12

D P EU-15

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-6

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12

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-9

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9

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-9-6

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912

D F LNL P UKEU-15

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Graphique 3.13. Déficit (-) ou excédent (+) primaire structurel : découpage en sous-périodes et regroupement des pays par niveau

1990-1996 1997-2000 2001-2005

-9

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B IRLL PFIN DKEU-15

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B EL IRLI FIN DKS EU-15

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9EL I NL EU-15

-9

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0

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L NLUK EU-15

-9

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-9

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9 D F IRLL NL PUK EU-15

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ANNEXE 3.3 : CHRONOLOGIE DES PROCEDURES ENGAGEES ET DES NEGOCIATIONS AUTOUR DU PACTE DE STABILITE

Annexe 3.3.1. Chronologie des procédures engagées par la Commission européenne et suivies ou non par le Conseil Ecofin Pays Procédure Problème Déroulement IRL Alerte

précoce L'Irlande satisfait largement aux obligations du pacte de stabilité et de croissance avec un excédent budgétaire d'environ 4,7 % du PIB et un taux de dette publique faible, mais la forte activité économique est accompagnée de tensions inflationnistes. De plus, des mesures budgétaires procycliques stimulent la demande et accroissent les risques de surchauffe.

12 février 2001 : Avis du Conseil demandant à l’Irlande de réduire son inflation.

P Alerte précoce

Le déficit budgétaire était estimé à 2,2 % du PIB pour 2001 et dépassait déjà l'objectif fixé par le programme de stabilité actualisé de janvier 2001 (1,1 % du PIB).

30 janvier 2002 : Recommandation de la Commission. 12 février 2002 : Le Conseil ne suit pas la proposition d’alerte précoce de la Commission suite aux engagements fermes du gouvernement portugais d'arriver d'ici à 2004 à un budget équilibré.

P Déficit excessif

Suite à l'audit entrepris par le nouveau gouvernement portugais en 2002, le déficit budgétaire pour 2001 a été revu à la hausse pour atteindre 4,1 % du PIB.

16 octobre 2002 : Recommandation de la Commission. 5 novembre 2002 : Le Conseil constate l’existence d’un déficit excessif et adresse des recommandations au Portugal. 28 avril 2004 : Recommandation de la Commission abrogeant le constat de déficit excessif. 11 mai 2004 : Le Conseil suit la recommandation de la Commission.

D Alerte précoce

Le déficit budgétaire a atteint 2,7 % du PIB en 2001 et a donc largement dépassé l'objectif prévu dans l'actualisation du programme de stabilité d'octobre 2000 (1,5 % du PIB).

8 janvier 2002 : Recommandation de la Commission. 12 février 2002 : Le Conseil ne suit pas la recommandation de la Commission d’engager une procédure d’alerte précoce, suite à l'engagement politique du gouvernement allemand de veiller à ce que la valeur de référence ne soit pas transgressée et à l'engagement ferme de parvenir à une position budgétaire proche de l'équilibre d'ici à 2004.

D Déficit excessif

En 2002, le déficit budgétaire de la République fédérale a dépassé la valeur de référence et a atteint 3,8 % du PIB. La dette totale des administrations publiques a dépassé la valeur de référence de 60 % et s'élevait à 60,9 % du PIB. Les mesures prises par le gouvernement allemand après le constat de déficit excessif sont jugées insuffisantes : le déficit excessif n’est pas réduit.

8 janvier 2003 : Recommandation de la Commission. 21 janvier 2003 : Le Conseil constate l’existence d’un déficit excessif et adresse des recommandations à l’Allemagne (réduction du déficit structurel de 0,5% par an) 18 novembre 2003 : Recommandations de la Commission pour poursuivre la PDE. 25 novembre 2003 : Le Conseil émet des recommandations pour la réduction du déficit mais suspend la PDE.

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 3

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Pays Procédure Problème Déroulement F Alerte

précoce Augmentation du déficit budgétaire français en 2002 (2,7 % du PIB selon la Commission au lieu des 1,4 % annoncés dans le programme de stabilité de 2001) et risque que le déficit atteigne la valeur de référence de 3 % en 2003.

8 janvier 2003 : Recommandation de la Commission. 21 janvier 2003 : Le Conseil adresse des recommandations à la France (réduction du déficit structurel de 0,5% par an).

F Déficit excessif

Le déficit public de la France a atteint 3,1% du PIB en 2002 et le dépassement du seuil de 3% sera, selon la Commission, probablement durable. Les mesures prises par le gouvernement français après le constat de déficit excessif sont jugées insuffisantes : le déficit excessif n’est pas réduit et la dette dépasse 60% du PIB.

7 mai 2003 : Recommandation de la Commission. 3 juin 2003 : Le Conseil constate l’existence d’un déficit excessif. 8 et 21 octobre 2003 : Recommandations de la Commission pour poursuivre la PDE. 25 novembre 2003 : Le Conseil émet des recommandations pour la réduction du déficit mais suspend la PDE.

I Alerte précoce

Le déficit italien en 2004 dépassera 3% du PIB et la dette italienne ne diminue pas suffisamment vite.

28 avril 2004 : Recommandation de la Commission. 5 juillet 2004 : Au vu des mesures présentées par le gouvernement italien, le Conseil ne suit pas la recommandation de la Commission.

NL Déficit excessif

Le déficit public néerlandais atteint 3,2% en 2003 et restera probablement supérieur à 3% en 2004.

19 mai 2004 : Recommandation de la Commission. 2 juin 2004 : Le Conseil constate l’existence d’un déficit excessif.

EL Déficit excessif

Le déficit public grec a atteint 3,2% du PIB en 2003 et la dette publique 103%.

24 juin 2004 : Recommandation de la Commission. 5 juillet 2004 : Le Conseil constate l’existence d’un déficit excessif.

Rép. tchèque, Chypre, Hongrie, Malte, Pologne, Slovaquie

Déficit excessif

Le déficit public est supérieur à 3% du PIB. 24 juin 2004 : Recommandations de la Commission. 5 juillet 2004 : Le Conseil constate l’existence de déficits excessifs.

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Annexe 3.3.2 Chronologie des négociations autour du Pacte de stabilité Sources : brèves sur le site EUobserver.com ; dossier en ligne de la Documentation française sur le Pacte de stabilité [La Documentation française 2004] ; presse européenne (Le Monde, La Stampa, Il Corriere della Sera, Financial Times, Die Presse, Handelsblatt, The Irish Independent, The Guardian, Svenska Dagbladet) et interventions télévisées (interview de Jacques Chirac du 14 juillet 2003) ; communiqués à la presse de la Commission européenne, du Conseil européen et du Conseil Ecofin. 1er janvier 1999 – Entrée en vigueur du PSC. 12 févier 2001 – Le Conseil Ecofin adresse sa première recommandation officielle, adressée au gouvernement irlandais afin qu'il réduise son taux d'inflation. Juillet 2001 – Adoption par le Conseil Ecofin du code de conduite proposé par la Commission. 17 août 2001 – Lors d’une conférence de presse, le ministre des Finances allemand, Hans Eichel, propose que les gouvernements se préoccupent davantage sur les cibles de dépenses que de suivre une réduction rigide du budget chaque année. Plus tard, il répète cependant son engagement à maintenir la discipline budgétaire : « Pour dissiper tout doute possible, je veux dire clairement que je soutiens pleinement le PSC, ses instruments et toutes les responsabilités qui en découlent et pour lesquelles nous nous sommes engagés ». 3 septembre 2001 – Les ministres des Finances français et allemand, Laurent Fabius et Hans Eichel, répètent leur engagement à respecter le PSC ; mais ils reconnaissent qu’avec le ralentissement de la croissance et la baisse des recettes, il leur sera plus difficile d’atteindre la cible de déficit en 2001 et 2002. 10 septembre 2001 – Le Premier ministre espagnol José Maria Aznar prévient ses partenaires européens qu’il n’est pas question de réformer le PSC sous la présidence espagnole de l’UE. 25 octobre 2001 – Sans citer de pays, l’ancien président de la Cour des comptes de l’UE Bernhard Friedmann critique certains gouvernements qui auraient utilisé des fonds structurels européens pour respecter le PSC. 12 novembre 2001 – Dans un discours au Collège d’Europe à Bruges, le président de la Commission Romano Prodi appelle les Etats membres à respecter un « code de conduite » pour les politiques budgétaires et économiques, au-delà du PSC. 1er janvier 2002 – Dans un entretien pour le journal autrichien Die Presse, Romano Prodi prévient que changer le PSC serait envoyer un mauvais signal pour la stabilité de l’euro et aurait finalement plus de mauvaises que de bonnes conséquences.

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18 janvier 2002 – L’office fédéral des statistiques allemand annonce des chiffres à la limite du PSC : 2,6% de déficit (que la Commission estime à 2,7% une semaine plus tard) et 59,5% de dette. 23 janvier 2002 – Alors que l’Allemagne risque de recevoir une alerte précoce, le ministre des Finances irlandais Charlie McCreevy déclare lors d’une pause au Conseil Ecofin que petits et grands pays devraient être traités de façon égale [l’Irlande ayant elle-même fait l’objet d’une alerte précoce en 2001]. 30 janvier 2002 – La Commission engage une procédure d’alerte précoce contre l’Allemagne et le Portugal qui ont dépassé le déficit qu’ils avaient ciblé dans leur programme de stabilité et risquent d’avoir un déficit excessif. Début février 2002 – L’Allemagne fait pression sur les autres Etats membres pour s’assurer une minorité de blocage pour le vote de l’alerte précoce au Conseil Ecofin [vote auquel l’Allemagne participera]. Les Pays-Bas, la Finlande et l’Autriche sont prêts à voter la décision. Le Royaume-Uni, la Belgique et le Luxembourg accordent leur soutien à l’Allemagne, ce qui est suffisant pour bloquer une décision du Conseil. Devant cette perspective de blocage, la présidence cherche un accord sur un texte consensuel. 12 février 2002 – Ne suivant pas les recommandations de la Commission, le Conseil ne vote pas d’alertes précoces contre le Portugal ni l’Allemagne, en échange de leur engagement à contrôler leur budget. Février 2002 – La Commission réclame que chaque pays soit obligé de consulter la Commission et ses partenaires avant de prendre des décisions importantes de politique économique. 15 février 2002 – Après la réunion du Conseil Ecofin, Hans Eichel déclare qu’il présentera un budget équilibré en 2004 si la conjoncture le permet ; la Commission reste donc méfiante. 10 mai 2002 – Le nouveau gouvernement français repousse la perspective d’équilibre budgétaire à 2007 (au lieu de 2004). 16 mai 2002 – Le porte-parole du gouvernement français indique que « le PSC sera respecté » mais que la baisse d’impôts sera maintenue. Hans Eichel ne comprend pas que Jacques Chirac refuse de repousser la baisse d’impôts alors que l’Allemagne et le Portugal ont dû s’engager à réduire leur déficit. 7 juin 2002 - Déclaration du ministre des Finances français, Francis Mer, sur Europe 1 : « le PSC n’est pas gravé dans le marbre ». 18 juin 2002 – L’Allemagne demande que la France soit traitée de la même façon qu’elle par la Commission. 20 Juin 2002 – Le conseil Ecofin parvient à un compromis sur le désaccord franco-allemand, en acceptant l’objectif pour tous les Etats membres d’avoir un budget

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équilibré dès 2004 mais, pour la France, sous des hypothèses (très peu probables) d’une croissance d’au moins 3%. 25 juin 2002 – Dans une interview au Financial Times, le ministre des Finances italien Giulio Tremonti se prononce en faveur d’une réinterprétation du PSC : « Il était nécessaire d’avoir des budgets équilibrés dans la première phase du processus d’introduction de l’euro. Maintenant nous devons essayer de passer à une autre phase, qui maintienne la stabilité mais qui mette aussi l’accent sur la croissance et la flexibilité ». Il croit également que le pouvoir de décision pour les politiques économiques européennes se déplace : pendant la période de création de l’euro, la Commission européenne jouait le rôle principal, mais maintenant toutes les décisions importantes sont prises par le Conseil Ecofin. Giulio Tremonti y voit le passage « de la technocratie à la démocratie ». 30 juin 2002 – Le gouvernement français répète son intention de baisser les impôts, conformément aux promesses électorales de Jacques Chirac. 9 juillet 2002 – La Commission rappelle à l’ordre l’Italie, qui envisage de baisser ses impôts et n’envisage de réduire son déficit que grâce à des recettes exceptionnelles (comme les privatisations de Telecom Italia et Alitalia). 10 juillet 2002 – Le Commissaire européen aux Affaires monétaires, Pedro Solbes, propose un assouplissement du PSC pour les onze pays ayant atteint l’équilibre budgétaire, en leur accordant plus de flexibilité pour emprunter et investir afin de se concentrer sur la croissance. Mais cela ne donnerait pas plus de marge de manœuvre aux quatre autres pays : la France, l’Allemagne, l’Italie et le Portugal. – Le même jour, la BCE réclame une application stricte du PSC. 12 juillet 2002 – Lors de la réunion du Conseil Ecofin, Pedro Solbes présente la nouvelle méthode de calcul des soldes budgétaires corrigés du cycle. 15 juillet 2002 – Après révision par Eurostat, il apparaît que les déficits de trois pays ont été sous-estimés par leur gouvernement : le Portugal, l’Italie et l’Espagne. 14 août 2002 – Le ministre de la Culture italien, Giuliano Urbani, déclare dans La Stampa : "Nous serons obligés de réviser le PSC, parce que non seulement [l’Italie] mais aussi la France et surtout l’Allemagne risquent d’être incapables de respecter les obligations et d’atteindre l’objectif d’un budget équilibré. (…) Plutôt que de ‘révision’, je préfère l’appeler ‘interprétation’, parce que le pacte n’est pas seulement sur la stabilité, mais la stabilité et le développement. (…) Il est nécessaire de changer de direction, par exemple en sortant les investissements des dépenses du budget. » 20 août 2002 – L’Allemagne connaît d’importantes inondations. Gerhard Schröder repousse la baisse d’impôts pour pouvoir financer les interventions tout en maintenant le déficit sous les 3 points de PIB. Pedro Solbes le félicite. 4 septembre 2002 – Le ministre des Finances finlandais Sauli Niinistö déclare au Financial Times qu’il est conscient des pressions pour réviser le PSC au moment où

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 3

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l’Italie, la France, l’Allemagne et le Portugal ont des difficultés à contenir leur déficit. « Dans cette situation, il est tout à fait essentiel de protéger le PSC. Ici et là, nous entendons dire que le pacte est trop strict, mais maintenant il semble qu’il ait été trop lâche. Il laisse de la place pour des erreurs parce que l’on n’est pas puni par des retournements sur les marchés financiers ». 6 septembre 2002 – Réunion de l’Eurogroupe (les douze ministres des Finances de la zone euro) à Copenhague : les ministres répètent la nécessité de respecter le PSC et s’engagent à équilibrer leur budget en 2004 au plus tard. 11 septembre 2002 – Dans un discours au Parlement européen, le ministre de la Défense grec [la Grèce préside alors l’UE] Yiannos Papantoniou propose d’augmenter les dépenses de défense pour que l’UE puisse constituer une force de réaction rapide, ajoutant : « Des procédures techniques pourraient (…) être mises en place pour que les dépenses de défense ne menacent pas le PSC ». 13 septembre 2002 – Le Commissaire chargé des politiques économiques et monétaires, Pedro Solbes, se félicite du fonctionnement de l’UEM mais propose trois réformes : - que la Commission puisse envoyer directement des alertes précoces aux Etats sans

avoir besoin de l’accord du Conseil ; - que l’unanimité soit requise pour que le Conseil ne suive pas les recommandations

de la Commission relatives aux GOPE et aux alertes précoces prévues par le PSC ; - qu’un Etat visé par une alerte précoce ne prenne pas part au vote le concernant. 16 septembre 2002 – La France propose d’exclure les dépenses de défense du calcul du déficit, mais reçoit peu de soutien. Pour le Secrétaire d’Etat aux Finances allemand Caio Koch-Weser, « c’est la mauvaise discussion au mauvais moment ». Selon le ministre des Finances belge Didier Reynders, dans The Irish Independent, « Nous devons être déterminés à nous en tenir au Pacte en 2003, 2004 et même 2005 pour montrer que nous revenons vers une bonne position » et pour un haut fonctionnaire du ministère italien de l’Economie et des Finances, Mario Baldassarri, « ce serait trop facile de dire OK, retirons l’investissement des comptes, retirons les dépenses militaires des comptes. Pourquoi ne pas ajouter l’éducation et ainsi de suite ? ». 17 septembre 2002 – Selon le vice-Président de la Commission, Neil Kinnock, la Commission est prête à renégocier certaines règles avant que le Royaume-Uni n’adopte l’euro, et en particulier que le PSC tienne davantage compte du niveau de la dette : « Le Royaume-Uni enfoncera une porte ouverte, mais c’est une porte qui a besoin d’être enfoncée ». 24 septembre 2002 – La Commission engage une procédure de déficit excessif contre le Portugal, dont le déficit s’élève à 4,1% du PIB. Pedro Solbes [2002] reconnaît qu’un solde proche de l’équilibre en 2004 « ne semble plus réalisable, même en termes de solde corrigé de la conjoncture » (surtout pour le Portugal, la France, l’Allemagne et l’Italie) mais il refuse toute remise en cause du Pacte et tout recul de l’objectif, qui risqueraient de retirer toute crédibilité au Pacte. L’objectif de moyen terme reste donc un solde public nul en moyenne sur le cycle. Cependant

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Eloïse Stéclebout Annexes du chapitre 3

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dans son rapport « Budgetary Challenges in the Euro Area », la Commission accepte de raisonner en termes structurels : faute d’atteindre l’équilibre en 2004, la Commission exige que le Portugal, l’Allemagne, la France et l’Italie diminuent leur déficit structurel de 0,5 point de PIB par an au minimum, que ces pays soient proches de l’équilibre structurel en 2006 et qu’ils ne s’en éloignent plus ensuite. Tous les pays sauf la France acceptent cette règle le 8 octobre. 26 septembre 2002 –The Guardian cite les réactions mécontentes de plusieurs pays : l’Espagne (Rodrigo Rato, ministre de l’Economie : « Avec tout notre respect pour la Commission, c’est une décision qu’elle ne peut pas prendre seule »), les Pays-Bas, la Belgique, l’Autriche (Karl-Heinz Grasser, ministre des Finances : « un système à deux niveaux, avec les grands Etats européens qui n’ont pas de discipline budgétaire et les petits Etats qui maintiennent la discipline, serait inacceptable »). 8 octobre 2002 – Réunion du Conseil Ecofin : tous les ministres des Finances de la zone euro sauf la France déclarent leur engagement à commencer à équilibrer leurs budgets immédiatement. Ils appellent les pays n’ayant pas encore atteint l’équilibre à réduire leur déficit structurel d’au moins 0,5 point de PIB par an à partir de 2003, mais sans préciser de date limite pour atteindre un solde proche de l’équilibre ou excédentaire. – Le même jour, Wim Duisenberg demande que le PSC soit respecté. 11 octobre 2002 – A l’Assemblée nationale, Francis Mer affirme que la France suivra la recommandation de la Commission de réduire son déficit structurel de 0,5% par an, que ses partenaires européens ont mal compris ses intentions et que la France ne compte pas remettre en question le PSC. 14 octobre 2002 – Dans le journal italien Il Sole, Tony Blair soutient la France et implicitement sa proposition d’exclure les dépenses militaires du calcul du déficit, en reconnaissant que les dépenses de défense rendent plus difficile le respect du PSC. – Le même jour, Jacques Chirac et Gerhard Schröder déclarent conjointement qu’il faut respecter le PSC, mais en tenant compte de la croissance. 16 octobre 2002 – Francis Mer annonce que l’équilibre budgétaire est repoussé à 2007. La Commission lance une procédure de déficit excessif contre le Portugal. 17 octobre 2002 – Hans Eichel déclare que l’Allemagne aura sûrement un déficit supérieur à 3 points de PIB en 2002. 18 octobre 2002 – Déclaration de Romano Prodi dans un entretien accordé au Monde : « Le Pacte de stabilité est stupide, comme toutes les décisions qui sont rigides », ce que la Commission corrige ensuite sous la forme : « Une application rigide et dogmatique du PSC serait stupide ». 22 octobre 2002 – Lors d’un débat au Parlement européen, Romano Prodi appelle à l’établissement d’une autorité indépendante des gouvernements (idéalement la Commission elle-même) qui soit chargée de contrôler les Etats membres et d’adapter les

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règles aux circonstances. Le but serait de rendre l’application du PSC plus intelligente et de retirer au Conseil Ecofin le pouvoir de contourner les décisions de cette autorité. 23 octobre 2002 – La Suède, qui s’est toujours montrée en faveur d’une application stricte du PSC, est peut-être prête à accepter de mieux prendre en compte le niveau de la dette, d’après une déclaration de son ministre des Finances Gunnar Lund : « Il y a une différence énorme entre avoir un déficit de 3% et une dette de 60% ou avoir un déficit de 3% et une dette de 120 %. Il pourrait être possible de regarder de plus près ce dernier chiffre. » – Dans une interview pour Il Sole 24 Ore, José Maria Aznar déclare que les déclarations de Romano Prodi sont « une grave erreur » et que « remettre en cause le PSC, c’est remettre en cause l’euro ». 24 octobre 2002 – Pour le ministre des Finances finlandais Sauli Niinistö, ce qui est « stupide », c’est la déclaration de Romano Prodi. 25 octobre 2002 – La BCE défend le PSC et critique la France : s’il y a des problèmes, ce n’est pas parce que le Pacte est rigide, mais parce que certains pays ne sont pas disposés à respecter leurs engagements. 4 novembre 2002 – Le Conseil Ecofin vote la procédure de déficit excessif contre le Portugal. – La France et l’Allemagne appellent conjointement à une réforme du PSC. Francis Mer propose l’introduction progressive de cinq paramètres pour mesurer la performance économique de chaque pays : le déficit, l’inflation, des questions liées à l’emploi, la dette et la « qualité des futures préparations ». 7 novembre 2002 – Le ministre des Finances britannique Gordon Brown demande que le PSC soit réformé avant l’entrée du Royaume-Uni dans l’euro. Il insiste en particulier sur la prise en compte du cycle économique et du niveau de la dette. 13 novembre 2002 – A l’occasion de la visite de parlementaires britanniques, le gouvernement français soutient l’entrée du Royaume-Uni dans l’euro. Francis Mer est prêt à soutenir le gouvernement britannique sur le taux de change d’entrée entre la livre et l’euro et sur les règles d’application de l’euro, notamment la prise en compte de la dette. 19 novembre 2002 – La Commission émet une proposition d’alerte précoce pour la France et de constat de déficit excessif pour l’Allemagne. 27 novembre 2002 – La Commission [2002b] présente neuf propositions pour renforcer la coordination des politiques budgétaires : Cinq propositions pour améliorer l’interprétation du PSC : 1. Pour tenir compte de la conjoncture, l'exigence de parvenir à des positions « proches

de l'équilibre ou excédentaires » serait définie en termes structurels. 2. Les pays ayant un déficit structurel seraient tenus de le réduire de 0,5 % du PIB par

an, voire plus si le déficit ou la dette sont importants ou si la croissance est

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favorable, jusqu'à ce qu'ils parviennent à des budgets « proches de l'équilibre ou excédentaires ».

3. Les pays devraient dégager un excédent structurel en période de conjoncture favorable.

4. A condition d’avoir une dette inférieure à 60% du PIB et de faibles engagements implicites au titre des retraites et de conserver une marge de sécurité pour ne pas avoir un déficit excessif, la Commission peut autoriser un léger déficit structurel aux pays qui mettent en place des réformes structurelles conformes à la stratégie de Lisbonne.

5. Pour assurer la soutenabilité de long terme des finances publiques, les pays ayant une dette supérieure à 60% du PIB devraient présenter une stratégie de réduction de leur dette, sous peine d’être visés par la procédure concernant les déficits excessifs.

Quatre propositions pour améliorer l’application du PSC : 1. Les États membres devraient voter lors du Conseil européen du printemps 2003

cette « Résolution pour le renforcement de la coordination des politiques budgétaires » pour marquer leur engagement.

2. La Commission veut tenir compte de la qualité des finances publiques et vérifier si les mesures budgétaires proposées sont de nature à favoriser la croissance et l'emploi.

3. Amélioration de l’efficacité et de la crédibilité des procédures pour faire respecter le pacte – notamment le mécanisme « d'alerte précoce » qui pourrait être déclenché si un Etat ne dégage pas un excédent suffisant en période de forte croissance – et leur extension au critère de dette publique. La Commission souhaite aussi pouvoir adresser des avertissements directement aux Etats membres sans vote du Conseil.

4. Pour améliorer la communication, la Commission s'engage à rendre publique son évaluation détaillée des programmes de stabilité et de convergence dans son rapport annuel sur les finances publiques, et dans un bilan à mi-parcours.

8 janvier 2003 – La Commission engage une procédure d’alerte précoce contre la France (qui ne fait rien pour réduire son déficit) et de déficit excessif contre l’Allemagne (qui a décidé d’augmenter les impôts, mais au risque de s’enfoncer dans la récession). 13 janvier 2003 – La Grèce exclut de réformer le PSC sous sa présidence. 20 janvier 2003 – La coopération franco-allemande est renforcée par la création d’un conseil des ministres commun. 21 janvier 2003 – Le Conseil Ecofin constate à l’unanimité (y compris le vote allemand) que l’Allemagne a un déficit excessif. Le Conseil vote également l’alerte précoce contre la France, sauf Francis Mer qui s’abstient parce qu’il ne veut pas fragiliser la croissance en France en réduisant les dépenses. 24 janvier 2003 – La BCE insiste pour que la France et l’Allemagne respectent le PSC. 11 février 2003 – La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni proposent que le PSC soit assoupli en cas de guerre en Irak.

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Huit jours plus tard, Wim Duisenberg se déclare opposé à un assouplissement. 18 février 2003 – Lors de la réunion du Conseil Ecofin, le Royaume-Uni demande l’autorisation d’avoir un léger déficit. Cette proposition, soutenue par la France et l’Allemagne mais refusée par l’Espagne, la Belgique et le Danemark, est rejetée par un vote à la majorité qualifiée. La Commission autorise cependant unilatéralement une petite déviation au Royaume-Uni, mais à condition que le déficit ne dépasse pas 3% – ce dont doute Pedro Solbes. 19 février 2003 – Pedro Solbes félicite le Portugal pour la réduction de son déficit. 20 février 2003 – Le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne soutiennent la proposition de la Commission du 27 novembre. L’Italie, l’Espagne, la Finlande, la Belgique, le Danemark, la Grèce et les Pays-Bas émettent des doutes sur cette réforme. – Dans un document de travail, la Commission indique qu’une éventuelle guerre en Irak ne pourrait pas justifier un écart par rapport au PSC. 26 février 2003 – Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin annonce que le déficit dépassera 3 points de PIB et qu’il n’a pas l’intention de mener une politique d’austérité alors que la croissance est incertaine. 4 mars 2003 – Le déficit français approche des 3 points de PIB, mais Francis Mer déclare lors d’une conférence de presse que la Commission ne peut pas engager une procédure de déficit excessif si le déficit est de 3%. 7 Mars 2003 – Le Conseil Ecofin approuve les propositions faites par la Commission le 27 novembre 2002. 20 mars 2003 – Pedro Solbes reconnaît que la guerre en Irak peut constituer une circonstance exceptionnelle conduisant à un relâchement du PSC si le conflit est long, que le prix du pétrole ne retombe pas tout de suite et que cela entraîne une stagnation, voire une récession. 2 avril 2003 – Les données finales d’Eurostat indiquent un déficit de 3,1% pour la France. La Commission engage une procédure de déficit excessif. 19 mai 2003 – Le ministre de la Défense italien, Antonio Martino, propose d’exclure les investissements militaires du calcul du déficit. 20 mai 2003 – Dans une lettre adressée à la Convention, les pays participant à l’euro demandent que le pouvoir de l’Eurogroupe soit accru et notamment que seuls les pays in votent sur les questions budgétaires et sur les sanctions en cas de non respect du PSC. La Commission soutient cette proposition et pense que cela permettrait à la zone euro de fonctionner plus efficacement après l’élargissement (les nouveaux adhérents étant exclus des principales décisions économiques tant qu’ils n’adopteront pas l’euro). Gordon Brown proteste et réclame que tout accroissement du pouvoir de l’Eurogroupe soit accepté par les 25 Etats membres lors de la conférence intergouvernementale suivant l’élargissement.

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21 mai 2003 – Le Président de la Bundesbank, Ernst Welteke, regrette que le PSC ne joue que quand il est trop tard : il serait préférable que le PSC oblige les gouvernements à dégager des excédents dans les périodes de croissance forte. – Pedro Solbes avertit les gouvernements belge, allemand, grec, espagnol, français, italien et autrichien de la bombe à retardement que constituent les retraites. Il invite ces pays à assainir leurs finances publiques. A propos de la proposition d’exclure les dépenses militaires du déficit, il indique que c’est possible uniquement à condition que ces dépenses ne soient pas financées par le budget public. Par ailleurs, il fait part de sa satisfaction face aux mesures prises par le gouvernement allemand pour réduire son déficit, même si l’impact de ces mesures est encore incertain. 22 mai 2003 – Francis Mer annonce la détermination du gouvernement à augmenter les impôts et à réduire les dépenses publiques pour respecter le PSC et promet face à cela « des larmes, des grincements de dents et des grognements ». – Certains articles du projet de Constitution sont révisés, en particulier : - Le pouvoir des pays de la zone euro est renforcé. Il ne sera pas créé de Conseil des Finances séparé, mais il est prévu d’accroître la liste de domaines sur lesquels les pays out ne pourront pas se prononcer – notamment l’autorisation à entrer dans l’UEM. - Le pouvoir de la Commission est également accru : ses recommandations deviennent des propositions, c’est-à-dire qu’il faudra un vote à l’unanimité du Conseil des ministres pour les changer. D’autre part, le pays concerné par une proposition ne pourra pas prendre au vote. Enfin, la Commission pourra adresser des alertes précoces directement au pays concerné sans passer par le Conseil. 3 juin 2003 – Le Conseil Ecofin suit la recommandation de la Commission et constate un déficit excessif en France, mais laisse au gouvernement français jusqu’à 2004 pour prendre des mesures afin de corriger le déficit structurel de 0,5 point de PIB. Le gouvernement néerlandais, remarquant que cette décision est en contradiction avec l’engagement du 8 octobre 2002, ne soutient pas cette recommandation. 9 juin 2003 – Dans un discours à la Chambre des Communes, Gordon Brown déclare que comme un seul des cinq tests pour l’euro est validé, le Royaume-Uni n’est pas encore prêt pour entrer dans l’euro. Il ajoute que certaines réformes sont nécessaires avant l’entrée du Royaume-Uni : un ajustement du PSC (afin de prendre en compte le cycle économique, la soutenabilité de la dette et l’investissement public), une réforme de la BCE et des éclaircissements sur le projet de Constitution. 29 juin 2003 – Gerhard Schröder annonce d’importantes baisses d’impôts en 2004 pour relancer la croissance, au risque de dépasser une nouvelle fois les 3% de déficit. 2 juillet 2003 – Jean-Pierre Raffarin annonce des baisses d’impôts « significatives » en 2004 pour « dynamiser l’économie ». 9 juillet 2003 – Dans une interview au Monde, Michel Barnier propose de renforcer le PSC, de ne plus exiger l’unanimité sur les questions d’harmonisation fiscale, et de renforcer les pouvoirs de l’Eurogroupe en lui donnant un pouvoir de décision formel.

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14 juillet 2003 – Dans son intervention télévisée, et quelques heures avant une réunion de l’Eurogroupe, Jacques Chirac relance le débat sur le PSC en demandant que les ministres des Finances « examinent ensemble quelles sont les modalités provisoires d'assouplissement » et « trouvent une solution qui soit cohérente avec l'impératif de stabilité qui permette de ne pas diminuer la croissance ». A l’issue de la réunion de l’Eurogroupe, les ministres des Finances déclarent que le Pacte est déjà « suffisamment flexible » pour soutenir à la fois la croissance et la stabilité. 25 juillet 2003 – Lors du sommet Asie-Europe, le Commissaire au commerce extérieur, Pascal Lamy, déclare que le PSC, « trop simpliste », doit être « modernisé et rendu plus intelligent ». 30 juillet 2003 – Interviewé par le quotidien économique allemand Handelsbatt, le ministre des Finances néerlandais Gerrit Zalm souhaite que la France et l’Allemagne soient sanctionnées pour leur non respect du PSC. Il critique les baisses d’impôts annoncées par Gerhard Schröder et a fortiori la France, qui n’affiche même pas publiquement son intention de réduire son déficit. Selon lui, le PSC est assez flexible, à condition que l’on dégage un excédent pendant les périodes de forte croissance, ce que les Pays-Bas, la Finlande, la Belgique et l’Irlande ont fait, contrairement à la France et à l’Allemagne. Ces critiques font suite aux plaintes de plusieurs petits pays, dont l’Autriche et la Grèce, qui ont l’impression que les règles du PSC sont changées dans l’intérêt des grands pays. 7 août 2003 – Selon les nouvelles estimations du ministère des Finances, le déficit public français pourrait atteindre 4% du PIB en 2003. 14 août 2003 – La Commissaire aux Affaires sociales, Anna Diamantopoulou, déclare dans une interview au quotidien allemand Handelsblatt : « Tout le monde parle de la nécessité de réformer le PSC mais personne n’ose demander de discussions formelles. Peut-être que l’élan sera donné par la Présidence de l’Union européenne. L’union monétaire a été créée il y a dix ans, mais la situation est très différente aujourd’hui. La question est : faut-il laisser le PSC comme il est ou décider de la modifier ? Mais il y a une différence énorme entre une décision unanime des Etats membres de réformer le Pacte et des décisions unilatérales de certains gouvernements qui mettent en danger le Pacte et l’UEM. » 18 août 2003 – Dans une interview au Financial Times Deutschland, Pedro Solbes menace l’Allemagne de sanctions et refuse toute réforme du PSC. 27 août 2003 – Menacé de sanctions financières lors d’une rencontre avec la Commission, Jean-Pierre Raffarin affirme son engagement à respecter le PSC et à ramener le déficit sous la barre des 3 points de PIB, mais sans pouvoir dire en quelle année ce sera le cas. 29 août 2003 – Gerhard Schröder annonce que son gouvernement va diriger un groupe informel d’Etats membres qui fera pression pour que le PSC soit assoupli.

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1er septembre 2003 – La France annonce ses prévisions pour le déficit en 2003 : 4,0 %. 4 septembre 2003 – Dans une interview au Figaro, Jean-Pierre Raffarin annonce une baisse d’impôts de 3%, qui ne sera pas accompagnée de réformes structurelles, et qui va à l’encontre des recommandations de la Commission et du Conseil Ecofin pour réduire le déficit excessif français. 5 septembre 2003 – Après l’annonce de Jean-Pierre Raffarin de maintenir la baisse d’impôts malgré un déficit de 4% et de ne pas redescendre sous 3% de déficit avant 2005 ou 2006, le Commissaire Pascal Lamy demande à la France de respecter les règles budgétaires de l’UE, règles que la France a acceptées. 8 septembre 2003 – Le journal italien Il Corriere della Sera rapporte que le ministre des Finances italien, Giulio Tremonti, a demandé plus de flexibilité pour le PSC en affirmant que lorsqu’un gouvernement augmente son déficit d’un point, « ce n’est pas pour soutenir l’économie, puisque cela serait insuffisant, mais pour éviter des conflits sociaux ». – Jean-Pierre Raffarin répond à Pascal Lamy : ses priorités sont la croissance et l’emploi, Pascal Lamy n’a pas à s’occuper des affaires des autres et doit se limiter à son mandat de Commissaire au commerce extérieur. Pascal Lamy reçoit le soutien de l’autre Commissaire français, Michel Barnier, qui dit que le rôle de la Commission est de faire respecter les traités européens. – Le ministre des finances néerlandais Gerrit Zalm, cité par le journal suédois Svenska Dagbladet, critique fermement l’Allemagne et la France : « Il y a deux voies possibles : soit ces pays prennent des mesures pour respecter les règles ; soit ils ne le font pas, et la Commission doit prendre des sanctions ». 11 septembre 2003 – Dans son discours d’adieu (avant son départ et son remplacement par Jean-Claude Trichet le 1er novembre 2003), Wim Duisenberg s’oppose à une réforme du PSC et critique la France et l’Allemagne : si leur déficit est si élevé maintenant, c’est parce que ces pays n’ont pas dégagé un excédent suffisant pendant la période de forte croissance. 15 septembre 2003 – Le ministre des Finances français Francis Mer promet de ramener le déficit sous les 3% dès 2005 (au lieu de 2006 comme précédemment annoncé). Pedro Solbes émet des doutes sur cette promesse et demande « des dates crédibles ». Le ministre des Finances néerlandais, Gerrit Zalm, « n’arrive pas à croire que la Commission considère 2005 comme une échéance suffisamment proche ». 19 septembre 2003 – Après leur rencontre bilatérale du 18 septembre, Jacques Chirac et Gerhard Schröder présentent leur plan de croissance. Ils prévoient d’investir dans de grands projets d’infrastructures (notamment une liaison ferroviaire rapide entre Paris et le sud-ouest de l’Allemagne et l’amélioration des liens de télécommunications). Mais cela implique d’accroître leurs déficits, ce que la Commission déplore. 25 septembre 2003 – La France présente son budget, qui prévoit un déficit de 3,6% que Jean-Pierre Raffarin justifie par la faiblesse inattendue de l’économie et la nécessité de

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stimuler la croissance et l’emploi. Francis Mer promet un retour sous les 3% en 2005, mais Jacques Chirac parle plutôt de 2006. 26 septembre 2003 – La Commission réagit au budget français : en 2004, ce sera la troisième année consécutive où la France dépassera les 3% de déficit. Pedro Solbes laisse à la France jusqu’au 3 octobre pour présenter des mesures, faute de quoi la Commission passera à l’étape suivante de la PDE. 9 octobre 2003 – L’Allemagne, qui jusque là avait toujours maintenu que le déficit repasserait sous les 3% du PIB en 2004 quelles que soient les difficultés, change de position : selon des sources gouvernementales citées par le Financial Times Deutschland, Berlin considère que son calendrier de réformes passe avant la cible de déficit de l’UE. 10 octobre 2003 – Dans une interview à la chaîne LCI, Romano Prodi renouvelle son appel pour une lecture plus souple et plus intelligente du PSC, mais souligne que la règle doit s’appliquer à tous les pays. 21 octobre 2003 – Pedro Solbes reconnaît qu’en raison de la faible croissance, il serait irréaliste de demander à la France de passer d’un déficit de 4% en 2003 à moins de 3% en 2004. La Commission accorde donc à la France jusqu’en 2005 pour revenir sous les 3%, mais demande que la France réduise son déficit structurel en 2004. 23 octobre 2003 – Silvio Berlusconi déclare au Parlement européen que le plafond de 3% « ne devrait pas être pris comme une valeur absolue indiscutable et [qu’elle] pourrait être ajustée d’un ou deux points de pourcentage, jusqu’à 4 ou 5% en cas de stagnation économique. » Il ajoute qu’il faut accepter de « prendre en compte l’état de l’économie et des événements comme le 11 septembre, la guerre contre le terrorisme, la campagne en Afghanistan et la campagne américaine en Irak. » Cependant, un peu plus tard, il dit que le PSC « devrait rester tel qu’il est ». 24 octobre 2003 – Hans Eichel reconnaît que le déficit allemand atteindra 4,3% en 2004. De plus, la croissance pour 2003 a été revue à 0%, alors que le budget avait été calculé sur une hypothèse de 0,75% de croissance. 27 octobre 2003 – Selon le Commissaire à l’élargissement, Günter Verheugen, il faut peut-être réformer le PSC : d’une part, l’entrée de nouveaux pays en mai 2004 et la faible croissance constituent une nouvelle situation, imprévisible dix ans plus tôt, et qui nécessite davantage de flexibilité ; d’autre part, le PSC a déjà posé beaucoup de problèmes, à la fois entre les Etats membres et entre les gouvernements et la Commission. 3 novembre 2003 – Réunion de l’Eurogroupe : les ministres des Finances (malgré le désaccord des ministres néerlandais, autrichien et finlandais) décident de reporter leur décision sur la France de trois semaines. En effet, Francis Mer a annoncé qu’il allait présenter de nouvelles mesures pour réduire le déficit.

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7 novembre 2003 – Hans Eichel annonce que le déficit néerlandais dépassera 3% en 2003. 10 novembre 2003 – Gerrit Zalm dément l’information de Hans Eichel et retourne la critique contre la France et l’Allemagne. 18 novembre 2003 – Dans une recommandation, la Commission demande à l’Allemagne de réduire son déficit structurel de 0,8% en 2004. Hans Eichel juge que cela ne ferait qu’aggraver les problèmes économiques de l’Allemagne. Au congrès du SPD du 14 novembre 2003, il a accusé la Commission de considérer le PSC selon une procédure purement mécanique. Or, « le Pacte n’est pas du droit pénal, mais plutôt un cadre. Il n’est pas question de pécheurs ou de criminels, mais d’agir économiquement de façon raisonnable. « 25 novembre 2003 – Le Conseil Ecofin ne suit pas les recommandations de la Commission à propos de la France et de l’Allemagne. Il accepte l’avis de la Commission selon lequel la France et l’Allemagne contreviennent à leur obligation d’éviter les déficits excessifs, mais compte tenu de la dégradation de la conjoncture et des efforts entrepris par les gouvernements français et allemand pour réduire leur déficit, il ne leur impose pas de sanctions : il suspend la procédure concernant les déficits excessifs à l’égard de ces deux pays. A la place, il propose une nouvelle règle de réduction du déficit, moins sévère. Les pays ayant voté en faveur des recommandations de la Commission en vue d’une décision du Conseil sont : - au titre de l’article 104, paragraphe 8, du traité : B, DK, EL, E, NL, A, FIN, S - au titre de l’article 104, paragraphe 9, du traité : B, EL, E, NL, A, FIN Pour ces deux décisions, soit quatre votes (deux décisions par pays), la majorité qualifiée n’a pas été atteinte et les décisions n’ont pas été adoptées. Les pays ayant voté en faveur des conclusions du Conseil proposant de nouvelles mesures sont : - vote concernant la France : B, D, EL, IRL, I, L, P - vote concernant l’Allemagne : B, EL, F, IRL, I, L, P La majorité qualifiée ayant été réunie, et malgré l’opposition de l’Autriche, de l’Espagne, de la Finlande et des Pays-Bas, ces conclusions ont été adoptées. Paris et Berlin s'engagent, par de simples déclarations, à mettre leur déficit en conformité avec le PSC fin 2005. Concrètement, la France s'engage à réduire son déficit structurel de 0,77 % en 2004 et de 0,6 % en 2005 contre respectivement 0,6 % et 0,5 % pour l'Allemagne. La Commission et la BCE s'inquiètent de cette décision. Pedro Solbes se dit très déçu et estime que l’esprit du PSC n’est pas respecté ; il n’exclut pas de porter l’affaire devant la Cour européenne de justice. 2 décembre 2003 – Lors d’une réunion du Comité des affaires économiques et monétaires, Jean-Claude Trichet déclare : « Le Pacte n’est pas mort. Nous ne devrions pas le changer – si nous voulons engendrer de la confiance. » Cependant, Jean-Claude Trichet n’est pas opposé à la proposition de la Commission de se concentrer sur le déficit structurel plutôt que sur le déficit nominal.

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3 décembre 2003 – Francis Mer affirme que la France et l’Allemagne sont fermement engagées à tenir leur promesse de réduire le déficit à moins de 3% en 2005. Il reconnaît que la France a bien besoin de cette année supplémentaire, sans laquelle la reprise aurait été compromise. Mais il refuse l’idée que le PSC et la discipline budgétaire aient été détruits, comme le prouve, selon lui, l’absence de réaction sur les marchés financiers après l’annonce de la suspension de sanctions contre la France et l’Allemagne. 4 décembre 2003 – Une analyse du Central Planning Bureau, un think tank néerlandais, prévoit un déficit de 3,25% pour les Pays-Bas en 2004. « Absurde », répond Gerrit Zalm. 11 décembre 2003 – Gordon Brown annonce que le Royaume-Uni aura un déficit de 3,4% en 2004. 16 décembre 2003 – Dans une lettre adressée au Président de la Commission européenne, Romano Prodi, les six plus grands contributeurs au budget communautaire (Allemagne, France, Pays-Bas, Royaume-Uni et Autriche) demandent que les dépenses communautaires soient plafonnées à 1% du PIB européen à partir de 2007. 23 décembre 2003 – Dans une interview à Die Welt, Hans Eichel assure que l’Allemagne fait de son mieux, mais qu’il lui sera difficile de respecter le PSC dès 2005. 12 janvier 2004 – Pedro Solbes annonce que la Commission lance une action contre les Etats membres pour avoir agi illégalement en empêchant la France et l’Allemagne d’être sanctionnées. Jean-Claude Trichet l’a assuré de son soutien le 8 janvier. 27 janvier 2004 – Dans un rapport, la Commission s’inquiète que la France soit peu susceptible de respecter le PSC avant 2007. 4 février 2004 – Pedro Solbes laisse entrevoir des possibilités de réforme du PSC : dans les périodes de difficultés économiques, le Pacte est trop restrictif. Pour rendre les règles moins strictes, il propose d’autoriser un Etat membre à avoir un déficit supérieur à 3% à condition que sa dette soit faible [ce qui ne sauve pas la France ni l’Allemagne, dont les dettes s’élèvent respectivement à 64% et 65% en 2004]. 9 février 2004 – Déclaration de Hans Eichel à la Süddeutsche Zeitung, à propos du budget communautaire : « Cela ne va pas. On ne peut pas d’un côté demander à l’Allemagne d’épargner et de réduire ses dépenses, et d’un autre côté exiger que nous versions plus d’argent à Bruxelles. Cela ne marche pas comme ça. ». 16 février 2004 – Une lettre signée par l’Espagne, les Pays-Bas, l’Italie, le Portugal, la Pologne et l’Estonie, et soutenue par la BCE, demande le maintien du PSC. 18 février 2004 – Pedro Solbes doute des prévisions de l’Allemagne, qui indiquent un déficit inférieur à 3% en 2005, mais selon une hypothèse de croissance de 2,25% – alors que Pedro Solbes juge qu’une croissance de 1,5% est plus plausible.

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1er mars 2004 – Les prévisions pour 2004 annoncent, pour l’Allemagne, un déficit de 3,3% et une dette de 65%, et, pour la France, un déficit de 4%. 15 mars 2004 – Elections en Espagne : quatre jours après les attentats à Madrid, José Maria Aznar est battu par José Luis Zapatero. Pedro Solbes entre au gouvernement comme Ministre des Finances. 7 avril 2004 – Lors de sa dernière conférence de presse en tant que Commissaire européen, Pedro Solbes annonce que six Etats membres, représentant les ¾ du PIB de l’UE, ont ou risquent d’avoir des déficits supérieurs à 3% du PIB : la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie, le Royaume-Uni et la Grèce. 27 avril 2004 – Auditions à la CEJ : selon le représentant de la Commission, Michel Petite, le Conseil Ecofin avait pour devoir d’appliquer la recommandation de la Commission. De plus, il a enfreint les règles procédurales en émettant une déclaration politique plutôt qu’un document légalement contraignant. Cette décision a jeté le trouble sur certains éléments du PSC et à cause de cela, la situation budgétaire de l’UE est indéterminée et précaire, et dépend complètement du bon vouloir de Paris et de Berlin plutôt que de lois strictes. Selon le représentant du Conseil des ministres, Jean-Claude Piris, c’est aux Etats membres de choisir de suivre ou non les recommandations de la Commission. Un article du traité dit que le Conseil « peut » adopter les recommandations, ce dont on peut déduire que le Conseil peut ne pas être d’accord avec la Commission. Les Etats membres sont au cœur du processus et le rôle du Conseil ne se limite pas à entériner les décisions de la Commission. Le Conseil utilise sont pouvoir discrétionnaire, comme il l’a fait en l’espèce en jugeant la recommandation de la Commission inapropriée. 12 mai 2004 – Lors d’une conférence du SPD, le leader des sociaux-démocrates allemands, Franz Müntefering, dit « [qu’]il faut choisir entre respecter les 3% de déficit ou accorder 3% du PIB à la recherche et à l’éducation d’ici 2010 », ce qui est un objectif de la stratégie de Lisbonne. Comme les deux sont souvent incompatibles, il préfère choisir la recherche et l’éducation. – Malgré les coûts énormes et plus élevés que prévus à cause des retards et des efforts de sécurité, le gouvernement grec affirme qu’il n’a pas l’intention de rogner sur les dépenses liées aux Jeux Olympiques pour réduire son déficit. 18 mai 2004 – Dans une interview au Figaro, Nicolas Sarkozy – qui remplace Francis Mer au ministère des Finances depuis le 1er avril – appelle à une réforme du PSC. 27 mai 2004 – Cité par la Süddeutsche Zeitung, le ministre des Finances autrichien, Karl-Heinz Grasser, réclame une punition radicale pour sanctionner les pays qui persistent à enfreindre le PSC au moins trois années consécutives : la suspension temporaire de leur droit de vote au Conseil des ministres. 11 juin 2004 – Une lettre signée par l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et la Grèce s’oppose à un accroissement du pouvoir de la Commission pour sanctionner les pays qui ne respectent pas le PSC : la Commission devrait s’en tenir à émettre des recommandations. Les Pays-Bas, en revanche, y sont favorables.

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18 juin 2004 – La présidence irlandaise propose un compromis : les Etats membres pourraient bloquer une recommandation de la Commission à la majorité qualifiée (alors que la proposition initiale prévoyait un blocage à l’unanimité). En compensation, une nouvelle clause serait introduite, obligeant les Etats membres à dégager un excédent en période de forte croissance. 24 juin 2004 – Le nouveau Commissaire aux affaires économiques et monétaires, Joaquín Almunia, émet des propositions préliminaires pour réformer le PSC : - obliger les Etats membres à constituer des réserves quand la croissance est forte, - tenir compte davantage du niveau de la dette, - mieux prendre en compte la situation économique individuelle des Etats membres. 13 juillet 2004 – La CEJ rend sa décision : la décision du Conseil Ecofin du 25 novembre 2003 est annulée, mais la CEJ confirme que le Conseil Ecofin dispose d’une marge de manœuvre pour appliquer le PSC [cf. annexe 3.1.6]. 19 juillet 2004 – L’Autriche propose que les pays respectant le PSC soient récompensés, par exemple par des financements accrus pour la recherche.

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Eloïse Stéclebout Abréviation des noms de pays

342

Abréviation des noms de pays dans les graphiques et les tableaux A Autriche B Belgique D Allemagne DK Danemark E Espagne EL Grèce F France FIN Finlande I Italie IRL Irlande L Luxembourg NL Pays-Bas P Portugal S Suède UK Royaume-Uni UE-15, UE-25 Union européenne à 15, à 25 pays UEM-12, UEM-22 Union économique et monétaire à 12 pays, à 22 pays

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Eloïse Stéclebout Liste des sigles et abréviations

343

Liste des sigles et abréviations BCE Banque centrale européenne BCN Banque centrale nationale BEI Banque européenne d’investissement CCA Cadre communautaire d’appui CEE Communauté économique européenne CEJ Cour européenne de justice CG Conseil des gouverneurs (de la BCE) DATAR Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale DG Direction générale DOCUP Document unique de programmation FEDER Fonds européen de développement régional FSE Fonds social européen GIP Groupement d’intérêt public GOPE Grandes orientations des politiques économiques MCE Mécanisme de change européen NPdC Nord-Pas de Calais NUTS Nomenclature des unités territoriales statistiques PAC Politique agricole commune PDE Procédure de déficit excessif PIC Programme d’initiative communautaire PSC Pacte de stabilité et de croissance RETI Régions de tradition industrielle SDEC Schéma de développement de l’espace communautaire SME Système monétaire européen SPA Standard de pouvoir d’achat UE Union européenne UEM Union économique et monétaire

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Eloïse Stéclebout Tables des encadrés, figures, graphiques et tableaux

344

Tables des encadrés, figures, graphiques et tableaux Table des encadrés Encadré 1.1. Comparaison entre anciens et nouveaux objectifs prioritaires ; Programmes d’initiatives

communautaires .............................................................................................................36 Encadré 1.2. Le NPdC en quelques chiffres........................................................................................42 Encadré 2.1. Equation de Fisher, effet Fisher, courbe des taux et inflation anticipée.........................89 Encadré 3.1. Relation entre le déficit, la dette et le taux de croissance du PIB à l’état stationnaire .133 Encadré 3.2. Soldes budgétaire, public, primaire, structurel et primaire structurel...........................138 Encadré 2.2. Description des variables .............................................................................................282 Table des figures Figure 0.1. Schéma statique pour une configuration donnée............................................................17 Figure 0.2. Schéma dynamique ........................................................................................................18 Figure 1.1. Le jeu d’ensemble des dépenses structurelles ................................................................47 Figure 1.2. Un modèle de lobbying avec dirigeant politique passif : le modèle de Becker [1983] ..54 Figure 1.3. Le modèle de lobbying informationnel de Potters et van Winden [1992]......................57 Figure 1.4. Le modèle de lobbying informationnel de Lohmann [1995]..........................................57 Figure 1.5. Le modèle de lobbying informationnel de Rasmusen [1993].........................................57 Figure 1.6. Les innovations institutionnelles : un cycle local - européen - local ..............................62 Figure 1.7. Les trois aspects de l’européanisation des politiques structurelles.................................64 Figure 2.1. Les banques centrales nationales (BCN), la BCE, l’Eurosystème et le Système européen

de banques centrales (SEBC) .........................................................................................99 Figure 2.2. Les organes de décision de la BCE et leur rôle ..............................................................99 Figure 2.3. Electeur médian selon le nombre voix au CG ..............................................................110 Figure 2.4. Electeur médian selon le poids économique.................................................................111 Figure 3.1. Evolution du solde nominal..........................................................................................139 Figure 3.2. Evolution du solde primaire .........................................................................................141 Figure 3.3. Evolution du solde primaire structurel .........................................................................142 Figure 5.1. Les politiques régionales et structurelles......................................................................231 Figure 5.2. Les politiques monétaires dans le SME........................................................................233 Figure 5.3. La politique monétaire du SME à l’UEM ....................................................................234 Figure 5.4. Les négociations sur le Pacte de stabilité et de croissance ...........................................235 Figure 5.5. Les conditions de formation du policy mix...................................................................237 Table des graphiques Graphique 2.1. Comportement du filtre HP en cas de rupture et impact sur l’output gap......................83 Graphique 2.2. Politique monétaire et structure des taux d’intérêt.........................................................88 Graphique 2.3. La politique monétaire au début des années 1990 : une politique adaptée à l’Allemagne,

mais trop restrictive pour la France................................................................................95 Graphique 2.4. Taux d’intérêt préférés nationaux et européens simulés...............................................105 Graphique 2.5. Taux d’inflation lissés dans la zone euro .....................................................................105 Graphique 2.6. Output gaps dans la zone euro .....................................................................................106 Graphique 2.7. Comparaison entre les règles simulées et le taux d’intérêt observé .............................106 Graphique 2.8. Comparaison entre la règle de Taylor appliquée à l’Allemagne, à la France ou à la zone

euro et le taux d’intérêt observé ...................................................................................112 Graphique 2.9. Taux d’intérêt nationaux préférés simulés pour les nouveaux Etats membres.............116 Graphique 2.10. La confrontation selon les différentes règles de vote des taux d’intérêts préférés dans la

zone euro « élargie » ....................................................................................................120 Graphique 3.1. Les taux d’intérêt dans le SME : une convergence plus ou moins tardive selon les pays

......................................................................................................................................144 Graphique 3.2. Les taux d’intérêt des pays out.....................................................................................145 Graphique 3.3. Les taux d’inflation dans le SME : une convergence plus ou moins tardive selon les

pays ..............................................................................................................................146 Graphique 3.4. Les taux d’inflation des pays out..................................................................................147 Graphique 3.5. La composante structurelle du solde public .................................................................167

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Eloïse Stéclebout Tables des encadrés, figures, graphiques et tableaux

345

Graphique 3.6. Solde structurel en pourcentage du PIB .......................................................................168 Graphique 3.7. Evolution de la dette publique en pourcentage du PIB.................................................170 Graphique 3.8. Effet de l’exclusion des dépenses de défense sur le solde public.................................172 Graphique 3.9. Effet de l’exclusion des dépenses publiques de R&D sur le solde public ....................174 Graphique 4.1. Effet de la contrainte budgétaire et de l’ordre des décisions sur la politique monétaire

......................................................................................................................................207 Graphique 4.2. Effet de la contrainte budgétaire et de l’ordre des décisions sur la politique budgétaire

......................................................................................................................................207 Graphique 4.3. La règle de finances publiques contraint plus durement les pays fortement endettés ..209 Graphique 4.4. Comparaison entre le policy mix déterminé au niveau national et le policy mix après le

passage à l’euro ............................................................................................................216 Graphique 4.5. L’effet du passage à l’euro sur la réaction des politiques économiques à un choc d’offre

inflationniste.................................................................................................................217 Graphique 4.6. Les différences de sensibilité des déficits publics à un choc d’offre inflationniste......220 Graphique 4.7. L’évolution de la sensibilité du déficit : décomposition selon la réactivité des politiques

économiques.................................................................................................................222 Graphique 4.8. L’évolution de la sensibilité du déficit : décomposition selon le déficit primaire et le

service de la dette .........................................................................................................224 Graphique 1.1. Evolution du budget annuel des politiques structurelles ..............................................241 Graphique 1.2. Répartition des aides structurelles en 2000-2006.........................................................242 Graphique 1.3. Répartition des aides structurelles par Etat en 2000-2006............................................243 Graphique 1.4. Part dans la population de l’UE en 2004......................................................................245 Graphique 1.5. Part dans le PIB de l’UE à 25.......................................................................................246 Graphique 1.6. PIB par habitant en SPA...............................................................................................246 Graphique 2.11. Le critère d’inflation dans les nouveaux Etats membres ..............................................283 Graphique 2.12 Le critère de taux d’intérêt à long terme dans les nouveaux Etats membres................283 Graphique 2.13. Le critère de déficit public dans les nouveaux Etats membres.....................................284 Graphique 2.14. Le critère de dette publique dans les nouveaux Etats membres ...................................284 Graphique 2.15. Le critère de stabilité du taux de change dans les nouveaux Etats membres................285 Graphique 3.10. Evolution d’ensemble du solde nominal, du solde primaire et du solde primaire

structurel.......................................................................................................................304 Graphique 3.11. Déficit (-) ou excédent (+) nominal : découpage en sous-périodes et regroupement des

pays par niveau.............................................................................................................309 Graphique 3.12. Déficit (-) ou excédent (+) primaire : découpage en sous-périodes et regroupement des

pays par niveau.............................................................................................................310 Graphique 3.13. Déficit (-) ou excédent (+) primaire structurel : découpage en sous-périodes et

regroupement des pays par niveau ...............................................................................311 Table des tableaux Tableau 1.1. Importance stratégique et facilité de l’accès aux institutions européennes ....................26 Tableau 1.2. Comparaisons des hypothèses des modèles de lobbying................................................27 Tableau 1.3. Les propositions de la Commission pour la politique de cohésion en 2007-2013..........40 Tableau 1.4. Analyse comparative de trois modèles de lobbying informationnel...............................58 Tableau 1.5. La diversité des configurations politiques régionales.....................................................66 Tableau 1.6. La mise en œuvre de la politique régionale communautaire dans deux régions : Bretagne

et région PACA..............................................................................................................68 Tableau 2.1. Sources de variabilité des mesures des règles de Taylor................................................80 Tableau 2.2. Taux de croissance annuel moyen par pays de 1986 à 2003 ..........................................86 Tableau 2.3. Variables déterminantes pour l’ajustement à court terme du taux d’intérêt et formation

de clubs au sein du SME ................................................................................................92 Tableau 2.4. Pondérations dans les trois règles de vote ....................................................................103 Tableau 2.5. Biais positif ou négatif du vote de l’électeur médian selon la pondération ..................112 Tableau 2.6. Les trois règles de vote avec les nouveaux Etats membres de l’UE.............................118 Tableau 3.1. L’évaluation du PSC : des critères identiques, des jugements opposés........................132 Tableau 3.2. Evolution du solde nominal..........................................................................................139 Tableau 3.3. Evolution du solde primaire .........................................................................................141 Tableau 3.4. Evolution du solde primaire structurel .........................................................................142 Tableau 3.5. Classement des pays par rigueur budgétaire décroissante............................................144

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Eloïse Stéclebout Tables des encadrés, figures, graphiques et tableaux

346

Tableau 3.6. Classement des pays par ancienneté de la perte d’autonomie monétaire .....................149 Tableau 3.7. Sensibilité des finances publiques au PIB ....................................................................150 Tableau 3.8. Finances publiques : écarts de moyennes entre petits et grands pays de l’UE de 1992 à

2002..............................................................................................................................151 Tableau 3.9. Classement des pays selon leur position sur l’application du PSC, des plus stricts aux

moins stricts .................................................................................................................152 Tableau 3.10. Caractéristiques nationales et degré de soutien au PSC ...............................................153 Tableau 3.11. Soutien attendu à la réforme remplaçant le critère de déficit nominal par un critère de

déficit structurel à moyen terme...................................................................................169 Tableau 3.12. Soutien attendu à la réforme remplaçant le critère de déficit nominal par un critère de

dette..............................................................................................................................171 Tableau 3.13. Calcul du solde public hors budget de défense............................................................172 Tableau 3.14. Soutien attendu à la réforme sortant les dépenses de défense du calcul du solde public

......................................................................................................................................173 Tableau 3.15. Calcul du solde public hors dépenses publiques de R&D ...........................................174 Tableau 3.16. Soutien attendu à la réforme sortant les dépenses publiques de R&D du calcul du solde

public............................................................................................................................175 Tableau 3.17. Choix entre deux réformes gagnants-perdants selon le critère d’effet de dotation.......178 Tableau 3.18. Soutien attendu à la réforme sortant les dépenses de défense du calcul du solde public

selon les critères de gain absolu et de gain relatif ........................................................181 Tableau 3.19. Soutien attendu à la réforme sortant les dépenses publiques de R&D du solde public

selon les critères de gain absolu et de gain relatif ........................................................182 Tableau 3.20. Soutien attendu à une réforme du PSC selon l’anti-critère de Rawls..........................183 Tableau 3.21. Synthèse des différents critères de choix déterminant le soutien ou l’opposition à une

réforme .........................................................................................................................187 Tableau 4.1. Le policy mix au niveau national et sans contrainte budgétaire....................................199 Tableau 4.2. Le policy mix au niveau national et avec contrainte budgétaire ...................................204 Tableau 4.3. Bilan sur la réaction des politiques économiques avant l’euro.....................................206 Tableau 4.4. Réactions face à un choc d’offre et interactions entre les politiques monétaire et

budgétaire.....................................................................................................................208 Tableau 4.5. L’impact du passage à l’euro sur la réactivité des politiques économiques .................215 Tableau 4.6. La sensibilité du déficit au choc d’offre : le cas du policy mix avec N politiques

monétaires nationales ...................................................................................................221 Tableau 4.7. La sensibilité du déficit au choc d’offre : le cas du policy mix avec une politique

monétaire unique..........................................................................................................221 Tableau 4.8. L’évolution de la sensibilité du déficit : décomposition selon le déficit primaire et le

service de la dette .........................................................................................................223 Tableau 5.1. Les principaux résultats de la thèse : une vue d’ensemble ...........................................229 Tableau 1.7 Evolution du budget des politiques structurelles par période de programmation.........241 Tableau 1.8. Evolution de la part des politiques structurelles dans le budget européen et comparaison

avec la politique agricole commune.............................................................................241 Tableau 1.9. Répartition des Fonds structurels par objectif, par initiative et par pays en 2000-2006

......................................................................................................................................243 Tableau 1.10. Aides structurelles accordées à la France en 2000-2006..............................................244 Tableau 1.11. Aides structurelles accordées au NPdC en 1994-1999.................................................244 Tableau 1.12. Les financements européens dans le NPdC en 2000-2006...........................................244 Tableau 1.13. Origine des fonds publics dans le NPdC en 2000-2006...............................................245 Tableau 1.14. Budget annuel de la région NPdC ................................................................................245 Tableau 2.7. La variété des règles de Taylor dans la littérature ........................................................279 Tableau 2.8. Estimations de fonctions d’ajustement à court terme du taux d’intérêt........................281 Tableau 2.9. Les régimes de change des nouveaux Etats membres avant l’entrée dans le MCE II ..285 Tableau 3.22. Evolution et décomposition du solde nominal de la zone euro ....................................302 Tableau 3.23. Evolution du solde nominal..........................................................................................306 Tableau 3.24. Evolution du solde primaire .........................................................................................307 Tableau 3.25. Evolution du solde primaire structurel .........................................................................308

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Eloïse Stéclebout Table des matières

347

Table des matières

REMERCIEMENTS................................................................................................................2

SOMMAIRE..........................................................................................................................3

INTRODUCTION GENERALE.................................................................................................4

CHAPITRE 1. LES POLITIQUES REGIONALES COMMUNAUTAIRES ENTRE CONFLITS DE

POUVOIR POLITIQUE ET LOBBYING INFORMATIONNEL.......................................................21 1.1. INTRODUCTION ........................................................................................................................22 1.2. EUROPEANISATION DES POLITIQUES REGIONALES ET CHANGEMENT INSTITUTIONNEL A LA

LUMIERE DES CONFLITS DE POUVOIR ET D’ INFORMATION .......................................................................29 1.2.1. La Commission européenne................................................................................................30 1.2.2. Les régions..........................................................................................................................32 1.2.3. Les Etats nationaux ............................................................................................................34 1.2.4. Les politiques structurelles après l’élargissement : les propositions des gouvernements et de la Commission..............................................................................................................................36

• L’ « effet statistique »................................................................................................................... 37 • Les problèmes soulevés par la Commission avant l’élargissement et les nouvelles orientations proposées ................................................................................................................................................37 • Les propositions des Etats contributeurs nets ............................................................................... 38

1.3. ETUDE DE CAS : LA POLITIQUE REGIONALE EUROPEENNE DANS LE NORD-PAS DE CALAIS .......41 1.3.1. Le NPdC : présentation générale .......................................................................................42 1.3.2. La mise en oeuvre des politiques régionales communautaires dans le NPdC....................43

• NPdC............................................................................................................................................ 45 • Angleterre..................................................................................................................................... 46 • Belgique ....................................................................................................................................... 46

1.4. UNE MODELISATION DU PROCESSUS DECISIONNEL DES POLITIQUES REGIONALES....................46 1.4.1. Présentation du jeu d’ensemble..........................................................................................46 1.4.2. Le jeu des négociations intergouvernementales .................................................................49 1.4.3. Les pressions sur la Commission : les apports des modèles de lobbying informationnel (ou modèles de transmission stratégique d’information) ........................................................................53

• De Potters et van Winden [1992] à Lohmann [1995] ................................................................... 59 • De Potters et van Winden [1992] à Rasmusen [1993] .................................................................. 59

1.4.4. Les stratégies des régions au sein du processus décisionnel..............................................60 • Les stratégies en amont du processus décisionnel ........................................................................ 60 • Les stratégies en aval du processus décisionnel............................................................................ 60

1.5. PROBLEMES RENCONTRES LORS DE LA MISE EN ŒUVRE DES MODELES.....................................64 1.5.1. Limites des modèles de lobbying informationnel................................................................64 1.5.2. Difficultés propres aux études européennes .......................................................................65 1.5.3. Problèmes statistiques ........................................................................................................69

1.6. CONCLUSION............................................................................................................................70

CHAPITRE 2. LA POLITIQUE MONETAIRE DU SME A L’UEM : « CHACUN POUR

SOI », « UN POUR TOUS » OU « TOUS POUR UN » ? ............................................................73 2.1. INTRODUCTION ........................................................................................................................74 2.2. LA REGLE DE TAYLOR ET SES DEVELOPPEMENTS : PROBLEMES METHODOLOGIQUES...............76

2.2.1. La première version de la règle de Taylor .........................................................................76 2.2.2. La variété des modèles sous-jacents et des choix techniques, un obstacle pour les comparaisons....................................................................................................................................77 2.2.3. Le problème de la mesure de l’output gap .........................................................................80

2.3. L’ HETEROGENEITE DES POLITIQUES MONETAIRES AVANT L’EURO : MISE EN EVIDENCE

ECONOMETRIQUE....................................................................................................................................86 2.3.1. Pourquoi utiliser des différences premières ? ....................................................................87 2.3.2. Résultats de l’analyse économétrique.................................................................................91

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Eloïse Stéclebout Table des matières

348

2.4. COMMENT ANALYSER LES CONSEQUENCES DU PASSAGE A L’EURO SUR LA FORMATION DE LA

POLITIQUE MONETAIRE ? ........................................................................................................................96 2.4.1. Econométrie rétrospective versus simulation et théorie de jeux.........................................96 2.4.2. Présentation institutionnelle et décisionnelle de la BCE....................................................97 2.4.3. Les questions soulevées par le nouveau cadre institutionnel et décisionnel.......................99 2.4.4. Une méthode indirecte d’évaluation de la BCE : règles de Taylor nationales et procédures de vote dans une zone hétérogène à politique monétaire unique....................................................101

2.5. LA POLITIQUE MONETAIRE DE LA BCE : RESULTATS DES SIMULATIONS.................................104 2.5.1. Simulation des règles de Taylor nationales : une hétérogénéité persiste .........................104 2.5.2. Simulation des trois règles de vote et de la règle européenne..........................................106 2.5.3. Discussion sur l’électeur médian......................................................................................109 2.5.4. Bilan sur la performance institutionnelle de la BCE de 1999 à 2003 ..............................113

2.6. UNE CONJECTURE SUR L’ IMPACT DE L’ADOPTION DE L’EURO PAR DE NOUVEAUX PAYS.........113 2.6.1. Les critères de Maastricht dans les nouveaux Etats membres de l’UE ............................113 2.6.2. Un aperçu de l’impact possible sur la cohérence institutionnelle....................................115

• La réforme de la BCE................................................................................................................. 117 • Simulations de trois règles de vote ............................................................................................. 118 • Conclusion sur l’évolution de l’écart de taux d’intérêt préférés entre membres actuels et futurs119

2.7. CONCLUSION..........................................................................................................................121

CHAPITRE 3. LA CRISE DU PACTE DE STABILITE ET DE CROISSANCE ET LES DIFFICULTES

A REUNIR UN CONSENSUS................................................................................................124 3.1. INTRODUCTION ......................................................................................................................125 3.2. PRESENTATION DU PACTE DE STABILITE ET DE CROISSANCE..................................................127

3.2.1. Logique économique du dispositif ....................................................................................127 3.2.2. Elaboration et description du dispositif............................................................................128 3.2.3. Vers une renégociation du Pacte de stabilité et de croissance ?......................................130

• Le PSC est-il une bonne règle de politique budgétaire ? ............................................................ 131 • Le caractère simpliste et arbitraire du critère de déficit .............................................................. 132 • Les problèmes d’incitations et l’inefficacité du volet préventif et dissuasif ............................... 134 • Les effets pervers du PSC........................................................................................................... 134 • Les principes énoncés dans le traité sont raisonnables ............................................................... 135 • Le PSC crée des distorsions par rapport aux principes ............................................................... 136 • La possibilité juridique d’une réforme du dispositif ................................................................... 136

3.3. QUELS FACTEURS NATIONAUX MOTIVENT LE DEGRE DE SOUTIEN DES GOUVERNEMENTS AU

PACTE ? 137 3.3.1. Evolution de la discipline budgétaire par pays depuis 1990 ............................................137 3.3.2. Date de perte d’autonomie de la politique monétaire......................................................144 3.3.3. Réactivité de la politique budgétaire ................................................................................149 3.3.4. Taille du pays ...................................................................................................................150 3.3.5. Les différentes attitudes à l’égard du PSC : application stricte versus assouplissement .152 3.3.6. Bilan : fait stylisé sur les caractéristiques nationales et le degré de soutien au PSC ......153

3.4. LES PROPOSITIONS DE REFORME DU PACTE DE STABILITE : QUELLES CHANCES DE SUCCES ?.155 3.4.1. Les réformes proposées ....................................................................................................155

• Augmenter le plafond de déficit autorisé.................................................................................... 156 • Elargir le champ des exceptions ................................................................................................. 156 • Renforcer le volet incitatif.......................................................................................................... 156 • Prendre en compte le cycle économique et rendre le dispositif plus symétrique ........................ 156 • Remplacer le critère de déficit nominal par un nouveau critère de dette ou d’inflation.............. 158 • Compléter le critère de déficit nominal par une approche multi-critères.................................... 158 • Regarder le contenu plutôt que le niveau des dépenses .............................................................. 159 • Déléguer le contrôle à une agence indépendante ........................................................................ 160 • Laisser le contrôle aux marchés financiers ................................................................................. 160 • Modifier la règle de vote ............................................................................................................ 161 • Instaurer un système de droits à déficit ...................................................................................... 161 • Renforcer la coordination macroéconomique et mieux délimiter les compétences entre les institutions européennes........................................................................................................................ 162 • La défense du PSC ..................................................................................................................... 163 • La reconnaissance de certaines limites du dispositif .................................................................. 163

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Eloïse Stéclebout Table des matières

349

• L’amendement de mars 2003 ..................................................................................................... 164 • La proposition du 3 septembre 2004 .......................................................................................... 165

3.4.2. Quelles réformes sont susceptibles d’être acceptées ? .....................................................166 • La réforme.................................................................................................................................. 167 • Evaluation selon ce critère, comparaison avec le statu quo et soutien attendu à la réforme....... 168 • La réforme.................................................................................................................................. 169 • Evaluation selon ce critère, comparaison avec le statu quo et soutien attendu à la réforme....... 170 • La réforme.................................................................................................................................. 171 • Evaluation selon ce critère, comparaison avec le statu quo et soutien attendu à la réforme....... 171 • La réforme.................................................................................................................................. 173 • Evaluation selon ce critère, comparaison avec le statu quo et soutien attendu à la réforme....... 173

3.4.3. Comment expliquer l’absence de consensus ? Une nouvelle lecture de la formation de coalitions selon les réformes...........................................................................................................175

3.5. CONCLUSION..........................................................................................................................184

CHAPITRE 4. UN MODELE THEORIQUE DES EFFETS DU PASSAGE A L’EURO SUR LES

CONDITIONS DU POLICY MIX : HETEROGENEITE DES PAYS ET REGLE COMMUNE..............189 4.1. INTRODUCTION ......................................................................................................................190 4.2. LE MODELE DE BASE AVEC POLICY MIX NATIONAL ..................................................................193

4.2.1. Le modèle..........................................................................................................................193 • La demande de biens .................................................................................................................. 194 • L’offre de biens .......................................................................................................................... 194 • Les fonctions de perte de la banque centrale et du gouvernement.............................................. 195

4.2.2. Résolution.........................................................................................................................196 • Fonction de réaction de la banque centrale................................................................................. 196 • Fonction de réaction du gouvernement....................................................................................... 196

4.2.3. Réactivité des politiques économiques face à un choc d’offre inflationniste....................199 4.3. LE MODELE AVEC POLICY MIX NATIONAL ET CONTRAINTE BUDGETAIRE DU GOUVERNEMENT201

4.3.1. Contrainte budgétaire et fonction de perte du gouvernement ..........................................201 4.3.2. Résolution.........................................................................................................................201 4.3.3. Réaction des politiques économiques face à un choc d’offre inflationniste .....................203 4.3.4. Résultats : impact de la contrainte budgétaire et de l’ordre des décisions sur le policy mix 205

4.4. LE POLICY MIX APRES LE PASSAGE A L’EURO..........................................................................210 4.4.1. Le modèle avec banque centrale unique...........................................................................210 4.4.2. Equilibre de Stackelberg avec la BCE en position de leader ...........................................211 4.4.3. Référence pour la comparaison : le cas où les politiques économiques nationales sont toujours isolées à partir de 1999 ....................................................................................................213 4.4.4. Précisions sur les poids accordés aux différents objectifs dans les fonctions de perte ....213 4.4.5. L’effet du passage à l’euro sur la réactivité des politiques économiques ........................215

4.5. LES CONDITIONS DE FORMATION DU POLICY MIX ET LE NIVEAU DU DEFICIT : ETUDE DE

L’HETEROGENEITE ENTRE LES PAYS.....................................................................................................218 4.5.1. La détermination endogène du déficit public....................................................................218 4.5.2. Le risque d’avoir un déficit public excessif : hétérogénéité entre les pays.......................220

4.5.2.1. Impact d’un choc d’offre inflationniste sur le déficit ............................................................ 220 4.5.2.2. L’effet du passage à l’euro sur les déficits publics, les déficits primaires et la charge de la dette 221

4.6. CONCLUSION..........................................................................................................................225

CONCLUSION GENERALE.................................................................................................227

ANNEXES DU CHAPITRE 1 ...............................................................................................240 ANNEXE 1.1 : STATISTIQUES................................................................................................................241 ANNEXE 1.2 : LE MODELE DE LOBBYING INFORMATIONNEL DE POTTERS ET VAN WINDEN (1992) .......247 ANNEXE 1.3 : LE MODELE DE LOBBYING INFORMATIONNEL DE LOHMANN (1995) ...............................251 ANNEXE 1.4 : LE MODELE DE LOBBYING INFORMATIONNEL DE RASMUSEN (1993) ET LES

COMMENTAIRES DE SLOOF (1997)........................................................................................................254 ANNEXE 1.5 : COMPTES-RENDUS D’ENTRETIENS..................................................................................257

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Eloïse Stéclebout Table des matières

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Annexe 1.5.1. Entretien avec Carole Garnier (extraits) .................................................................257 Annexe 1.5.2. Entretien avec Andrea Mairate (extraits).................................................................260 Annexe 1.5.3. Entretien avec Frédérique Lorenzi (extraits) ...........................................................265 Annexe 1.5.4. Entretien avec Alain Lipietz (extraits)......................................................................266 Annexe 1.5.5. Entretien avec Claude Mariotte (extraits)................................................................268 Annexe 1.5.6. Entretien avec François Delagrange et Daniel Ghouzi ...........................................269

ANNEXES DU CHAPITRE 2 ...............................................................................................278 ANNEXE 2.1 : LA VARIETE DES REGLES DE TAYLOR DANS LA LITTERATURE ........................................279 ANNEXE 2.2 : ESTIMATIONS DE FONCTIONS D’AJUSTEMENT A COURT TERME DU TAUX D’ INTERET......281 ANNEXE 2.3 : LES CRITERES DE MAASTRICHT CHEZ LES NOUVEAUX ETATS MEMBRES DE L’UNION

EUROPEENNE........................................................................................................................................283

ANNEXES DU CHAPITRE 3 ...............................................................................................286 ANNEXE 3.1 : PACTE DE STABILITE : TEXTES OFFICIELS.......................................................................287

Annexe 3.1.1. Articles 99 et 104 du Traité instituant la Communauté européenne ........................287 Annexe 3.1.2. Protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne. ..........................................................................................289 Annexe 3.1.3. Résolution du Conseil européen relative au pacte de stabilité et de croissance – Amsterdam, le 17 juin 1997 (97/C 236/01).....................................................................................290 Annexe 3.1.4. Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques...................................................................................................................292 Annexe 3.1.5. Règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.................................296 Annexe 3.1.6. Décision de la CEJ du 13 juillet 2004......................................................................299 Annexe 3.1.7. Communiqué de presse de la Commission du 3 septembre 2004.............................301

ANNEXE 3.2 : EVOLUTION DU SOLDE NOMINAL, DU SOLDE PRIMAIRE ET DU SOLDE PRIMAIRE

STRUCTUREL.........................................................................................................................................302 ANNEXE 3.3 : CHRONOLOGIE DES PROCEDURES ENGAGEES ET DES NEGOCIATIONS AUTOUR DU PACTE DE

STABILITE .............................................................................................................................................312 Annexe 3.3.1. Chronologie des procédures engagées par la Commission européenne et suivies ou non par le Conseil Ecofin ...............................................................................................................312 Annexe 3.3.2 Chronologie des négociations autour du Pacte de stabilité ......................................314

BIBLIOGRAPHIE ..............................................................................................................330

ABREVIATION DES NOMS DE PAYS DANS LES GRAPHIQUES ET LES TABLEAUX.................342

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS...............................................................................343

TABLES DES ENCADRES, FIGURES, GRAPHIQUES ET TABLEAUX.......................................344

TABLE DES MATIERES.....................................................................................................347

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Eloïse STÉCLEBOUT, Thèse de doctorat de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, 351 p., 2004

LA FORMATION DES POLITIQUES ECONOMIQUES EUROPEENNES :

HETEROGENEITE , CHANGEMENT INSTITUTIONNEL , PROCESSUS DECISIONNELS Résumé : Les développements récents de la construction européenne soulèvent de nouvelles questions pour l’étude de la formation des politiques économiques. Selon quels processus, des pays hétérogènes à de nombreux égards, et agissant dans un cadre institutionnel qui n’est pas encore intégralement fixé, parviennent-ils à des décisions collectives ? Une démarche commune, analysant les interactions entre le changement institutionnel, les facteurs d’accroissement ou de résorption de l’hétérogénéité et l’évolution des stratégies et des règles de décision, est appliquée à quatre domaines habituellement isolés dans des études sectorielles – la politique régionale, la politique monétaire, la politique budgétaire et le policy mix. La variété des sources de conflits et des solutions institutionnelles et décisionnelles est révélée par cette grille de lecture d’ensemble. Le rapport dual entre information et pouvoir ainsi que l’importance des effets d’apprentissage des processus décisionnels sont également mis en avant.

ECONOMIC POLICY -MAKING IN EUROPE:

HETEROGENEITY , INSTITUTIONAL CHANGE , DECISION-MAKING PROCESSES Summary: The recent developments in European integration have brought about new theoretical issues for economic policy-making analysis. According to what processes can member states come to collective decisions while they are heterogeneous in many respects, and play within a still partly unset institutional framework? A common approach focusing on the interactions between institutional change, factors of increase or reduction in heterogeneity, and the evolution of strategies and decision-making rules, is applied to four fields that the economic literature usually separates into sector studies: regional policy, monetary policy, fiscal policy, and policy mix. The general grid of analysis reveals a variety of sources of conflicts and of institutional and decision-making solutions. The dual relation between information and power, as well as the importance of learning effects in decision-making processes, are also put to the fore. Discipline : Economie Spécialité : Analyse et politique économiques, mention Etudes européennes Mots clés : Politique économique, Union européenne, négociations, prise de décision

collective, information, théorie des jeux Keywords: Economic policy, European Union, bargaining, collective decision-

making, information, game theory Thèse réalisée au Centre d’études prospectives d’économie mathématique appliquées à la planification (CEPREMAP), CNRS, URA 922