la décision d’hospitalisation sans consentement aux urgences : approche dimensionnelle ou...

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Pour citer cet article : Braitman A, et al. La décision d’hospitalisation sans consentement aux urgences : approche dimensionnelle ou catégorielle ? Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2014.01.007 ARTICLE IN PRESS Modele + JEUREA-97; No. of Pages 9 Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MISE AU POINT La décision d’hospitalisation sans consentement aux urgences : approche dimensionnelle ou catégorielle ? , Decision of emergency involuntary hospitalization: Categorical or dimensional approach? A. Braitman a , V. Dauriac-Le Masson b , F. Beghelli c,d , E. Gallois a , E. Guillibert e , C. Hoang f,g , A. Kahvedjian h , P. Lana a , M.-J. Guedj a,a Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA), centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France b Département d’information médicale (DIM), centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France c Secteur 75G13, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France d Service d’accueil des urgences, groupe hospitalier Paris—Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris, France e Service de psychologie clinique et psychiatrie de liaison, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France f Secteur 75G18, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France g Service d’accueil des urgences, hôpital Ambroise-Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne-Billancourt, France h Service de psychiatrie, groupe hospitalier Broca-Cochin—Hôtel-Dieu, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 1, France MOTS CLÉS Urgences psychiatriques ; Hospitalisation sans consentement ; Résumé Comme le signalait déjà la Haute Autorité de santé en 2005, la réalisation d’études en France sur les modalités de décision de l’hospitalisation sans consentement fait toujours défaut. Dans cette optique, nous présentons les résultats d’une enquête multicentrique trans- versale de conception naturalistique, portant sur 442 patients dont l’objectif est d’explorer aux urgences les critères de prise de décision de l’hospitalisation sans le consentement. Parmi les facteurs cliniques et sociodémographiques étudiés, le diagnostic catégoriel ne semble Ne pas utiliser, pour citation, la référence de cet article mais la référence de sa première parution : http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2013.03.009. Cet article appartient à la série « Psychiatrie et Médico-légal ». Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.-J. Guedj). 2211-4238/$ see front matter © 2014 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2014.01.007

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Page 1: La décision d’hospitalisation sans consentement aux urgences : approche dimensionnelle ou catégorielle ?

ARTICLE IN PRESSModele +JEUREA-97; No. of Pages 9

Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

MISE AU POINT

La décision d’hospitalisation sansconsentement aux urgences : approchedimensionnelle ou catégorielle ?�,��

Decision of emergency involuntary hospitalization: Categorical ordimensional approach?

A. Braitmana, V. Dauriac-Le Massonb, F. Beghelli c,d,E. Galloisa, E. Guilliberte, C. Hoangf,g,A. Kahvedjianh, P. Lanaa, M.-J. Guedja,∗

a Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA), centre hospitalier Sainte-Anne, 1,rue Cabanis, 75014 Paris, Franceb Département d’information médicale (DIM), centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis,75014 Paris, Francec Secteur 75G13, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, Franced Service d’accueil des urgences, groupe hospitalier Paris—Saint-Joseph, 185,rue Raymond-Losserand, 75014 Paris, Francee Service de psychologie clinique et psychiatrie de liaison, hôpital européenGeorges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, Francef Secteur 75G18, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, Franceg Service d’accueil des urgences, hôpital Ambroise-Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle,92100 Boulogne-Billancourt, Franceh Service de psychiatrie, groupe hospitalier Broca-Cochin—Hôtel-Dieu, 27,rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 1, France

MOTS CLÉS Résumé Comme le signalait déjà la Haute Autorité de santé en 2005, la réalisation d’études

Pour citer cet article : Braitman A, et al. La décision d’hospitalisation sans consentement aux urgences :approche dimensionnelle ou catégorielle ? Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2014.01.007

Urgencespsychiatriques ;Hospitalisation sansconsentement ;

en France sur les modalités de décision de l’hospitalisation sans consentement fait toujoursdéfaut. Dans cette optique, nous présentons les résultats d’une enquête multicentrique trans-versale de conception naturalistique, portant sur 442 patients dont l’objectif est d’exploreraux urgences les critères de prise de décision de l’hospitalisation sans le consentement. Parmiles facteurs cliniques et sociodémographiques étudiés, le diagnostic catégoriel ne semble

� Ne pas utiliser, pour citation, la référence de cet article mais la référence de sa première parution :http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2013.03.009.

�� Cet article appartient à la série « Psychiatrie et Médico-légal ».∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (M.-J. Guedj).

2211-4238/$ — see front matter © 2014 Publie par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2014.01.007

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2 A. Braitman et al.

Loi du 5 juillet 2011 ;Processusdécisionnel ;Insight

pas intervenir dans la décision. En revanche, de faibles scores à l’Échelle d’Insight Q8 ou àl’Échelle Globale de Fonctionnement (EGF) prédisent le mieux la décision d’hospitalisationsans consentement. À la lumière de ces résultats, nous discutons des relations entre insight,capacité à consentir aux soins et modalité d’hospitalisation pour proposer l’évaluation del’insight et du fonctionnement global comme critères opérationnels dans la prise de décisionde l’hospitalisation sans le consentement.© 2014 Publie par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSEmergencies;Commitment ofmentally ill;Decision making;Insight;Mental competency

SummaryBackground. — In 2005, in its recommendations on the modalities of decision making for com-pulsory hospitalization, the French Health High Authority (HAS) had already stressed the needfor rapid implementation of studies and epidemiological analyses on the subject to compen-sate the lack of adequate data in France. The new French law of July 5, 2011, on the rightsand protection of persons under psychiatric care, establishes a judicial review of decisionsfor compulsory hospitalization. Therefore, healthcare professionals need to better define andcharacterize the criteria for such decisions, especially in their relation to psychopathology.The concept of capacity to consent to treatment includes the ability to understand (to receiveinformation about the disease), the ability to appreciate (to weigh the risks and benefits oftreatment), the ability to reason (determining the best choice rationally) and the ability tofreely express a decision. However, assessment tools of capacity to consent to treatment seemto fail to predict the modality of hospitalization.Objective. — This study examined the impact of clinical and contextual characteristics on thedecision in emergency services to admit patients to compulsory inpatient psychiatric units.Method. — Data was collected from 442 successive patients admitted to hospital for carefrom five psychiatric emergency facilities in Paris and covered sociodemographic information,previous hospitalizations, recent course of care, clinical diagnosis, Global Assessment of Func-tioning scale (GAF) and Insight measured by the Q8 Bourgeois questionnaire. Patients were alsoassessed based on criteria established by the HAS for the severity of mental disorders and thenecessity of emergency care.Results. — Multivariable logistic regression shows that diagnosis does not affect the decision ofhospitalization. Agitation, aggressiveness toward others, being married as well as being referredby a doctor or family are all factors that increase the risk of involuntary hospitalization. Last,low Q8 and GAF scores are strong predictors for compulsory admission.Conclusion. — Our study shows a dimensional rather than categorical assessment of patientsby clinicians. Assessment of insight is the main operational criterion used by clinicians in ourstudy. This supports using insight and GAF evaluation in clinical practice to clarify assessmentand decision-making in an emergency setting regarding compulsory hospitalization.

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© 2014 Published by Elsevie

ntroduction

n 2005, les conclusions des recommandations de l’HASoncernant les modalités de prise de décision en urgenceour une hospitalisation sans consentement soulignaient « laécessité d’engager rapidement la réalisation d’études et’analyses épidémiologiques sur le sujet afin de compen-er le manque de données exploitables » [1]. À ce jour,orce est de constater l’absence de nouvelles recherches enrance visant à mettre au point des procédures d’évaluatione critères de prise de décision de l’hospitalisation sans leonsentement. La nouvelle loi francaise du 5 juillet 2011,elative aux droits et à la protection des personnes faisant’objet de soins psychiatriques, instaure un contrôle judi-iaire des décisions d’hospitalisation sans consentement.

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l est donc d’autant plus nécessaire que les critères dees décisions soient mieux définis et explicités par lesrofessionnels, notamment dans leur rapport avec la psy-hopathologie.

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sson SAS.

’hétérogénéité des contextes légaux et desonnées épidémiologiques

’analyse de la littérature nationale et internationale sur leujet se heurte à l’hétérogénéité considérable des données.n dépit de la tendance à l’harmonisation des recomman-ations et des pratiques en santé mentale en Europe etans le monde, les critères légaux de l’hospitalisation sansonsentement pour les personnes faisant l’objet de soinssychiatriques varient considérablement selon les pays. Onifférencie principalement le modèle médical, qui insisteur la nécessité de soins lorsque la maladie rend impossiblee consentement, et une approche plus centrée sur la pré-ervation des libertés civiles qui n’autorise l’hospitalisationans consentement que lorsqu’il existe un danger pour le

d’hospitalisation sans consentement aux urgences :opéen des Urgences et de Réanimation (2014),

atient ou pour autrui [2]. Pourtant, selon l’analyse épi-émiologique européenne de Dressing et Salize en 2004,i ces deux principes différents, ni l’implication plus ouoins forte du système judiciaire ne sauraient expliquer

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ARTICLEJEUREA-97; No. of Pages 9

La décision d’hospitalisation sans consentement aux urgenc

les disparités considérables entre les taux d’hospitalisationsans consentement. Ces taux varient dans un rapport de 1 à20 entre pays [3]. En France, 154 mesures d’hospitalisationsans consentement pour 100 000 habitants de plus de 20 ansont été dénombrées en 2009. Cette proportion varie dans unrapport de 1 à 7 au niveau départemental [4]. Entre autresfacteurs, les différentes traditions culturelles, l’attitudegénérale envers les malades mentaux, l’organisation, laqualité des systèmes de santé mentale et les différentesprocédures administratives doivent être considérées lorsde l’analyse complexe de ces variations. Malgré ces diffé-rences, la majorité des pays ont connu une même tendanceà l’augmentation des hospitalisations sans consentement ces20 dernières années. En Angleterre par exemple, la réduc-tion de 60 % du nombre de lits entre 1988 et 2008 a été suivied’une augmentation de 60 % du nombre d’hospitalisationssans consentement. Ainsi sans alternative ambulatoire pos-sible, la réduction inhérente des durées de séjour, alors quel’état de santé est à peine stabilisé, pourrait avoir favoriséles réadmissions induisant une augmentation des procé-dures [5]. Ce phénomène, communément appelé « revolvingdoors » (portes tournantes) dans la littérature, pourrait doncintervenir en grande partie dans l’hétérogénéité des résul-tats par le biais des taux de réadmission non comptabilisésdans les études internationales.

Caractéristiques des patients hospitalisés sansconsentement

Les résultats les plus stables des études épidémiologiquesinternationales concernent les caractéristiques cliniques etsociodémographiques des patients admis sans leur consen-tement. Elles apportent un reflet indirect des critèresd’hospitalisation. Il s’agit le plus souvent d’hommes jeunes,souffrant en majorité de troubles psychiatriques sévères,parmi lesquels la schizophrénie et les autres troubles psy-chotiques représentent 30 à 50 % des cas [6]. Le diagnosticde troubles liés à l’utilisation de substances psychoactivesreprésente 12 à 15 % des hospitalisations sans consentement,mais n’est généralement pas surreprésenté par rapport auxhospitalisations libres [7,8]. Van de Post et al. à Amsterdamrapportent un risque relatif de décision d’hospitalisationsans consentement quadruplé par le diagnostic de psy-chose ou d’épisode maniaque, par le fait de vivre chezses parents, d’être adressé par la police, ou par la pré-sence d’antécédents d’hospitalisations sans consentementdans les cinq dernières années [9]. Le statut involontaire à lapremière admission est aussi un facteur prédictif de futureshospitalisations sans consentement [10]. Concernant lestatut socioéconomique, les études sont discordantes. Cer-taines rapportent un statut socioéconomiquement faible,et le fait d’être sans logement [11], mais cette carac-téristique n’est pas retrouvée dans les études les plusrécentes [12—14]. En France, les patients hospitalisés sansleur consentement sont plus nombreux à vivre seuls ou àêtre célibataires que ceux qui sont hospitalisés librement(HL) (respectivement 39 % et 68 % contre 30 % et 64 %).

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Les patients hospitalisés sans consentement qui ne viventpas seuls habitent beaucoup plus fréquemment chez leursparents que les patients en hospitalisation libre (21 % contre11 %). Enfin, l’absence de résidence stable ou l’absence de

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PRESS3

ogement concerne 20 % des patients en hospitalisation libreais moins de 12 % des patients hospitalisés à la demande’un tiers (HDT) [8].

es recommandations internationales

a discussion sur les critères d’hospitalisation sans consente-ent comprend des études soutenant que, dans l’usage, les

aractéristiques des populations admises sans consentementont plutôt stables, indépendamment des facteurs structu-els complexes et des critères législatifs en vigueur dans lesifférents pays [15]. Cela suggère qu’en dehors des condi-ions définies par la loi et des contraintes imposées par leystème de soins, les cliniciens initiant les procédures danses différents pays s’appuient sur des critères intuitifs assezimilaires pour l’hospitalisation sans consentement [16]. Leiveau de formation du médecin et son degré de prise deisque [17] ou la disponibilité des lits en unité fermée [18]nterviendraient comme facteur confondant dans ce proces-us de décision. L’American Psychiatric Association a ainsiroposé un modèle comprenant les cinq critères suivants19] :

un diagnostic fiable d’un trouble mental sévère ;une détresse majeure du patient ;la disponibilité d’un traitement efficace ;l’incapacité à consentir aux soins ;le caractère raisonnable du traitement appliqué qui seraitaccepté par une personne compétente à consentir.

a capacité à consentir aux soins

e plus difficile reste probablement de définir les modali-és cliniques de l’évaluation de la capacité à consentir auxoins, puisque la notion de consentement doit être ratta-hée au projet qu’elle englobe, à la qualité de l’informationournie au patient et n’a de sens que rapportée à la particu-arité du patient et de sa rencontre avec le médecin. Pourertains, l’évaluation de la capacité à consentir relèveraitonc plus d’un acte de jugement singulier du médecin dansne situation donnée [20]. Pourtant, l’absence de sémio-ogie du consentement laisse libre cours à de nombreusesnterprétations et participe probablement aux disparitéses taux d’hospitalisations à la demande d’un tiers. Dansa littérature anglo-saxonne, guidée par l’analyse de laurisprudence, une conception cognitiviste de la capacité

consentir aux soins a été définie. Basée sur l’analyse durocessus décisionnel du patient, elle comprend la capacité

comprendre (recevoir une information sur la maladie), laapacité à apprécier (peser les risques et bénéfices du trai-ement), la capacité à raisonner (détermination du meilleurhoix de manière rationnelle) et la capacité à exprimer saécision librement [21,22]. Enfin, la capacité à maintenir saécision dans le temps a été ajoutée à ces critères dans lesecommandations de l’HAS [1]. Suivant ce modèle, de nom-reux outils d’évaluation standardisée ont vu le jour [23,24].a plupart ont été concus pour être appliqués au modèleu consentement en médecine somatique ou au modèle duonsentement en recherche médicale, rendant en cela leur

d’hospitalisation sans consentement aux urgences :opéen des Urgences et de Réanimation (2014),

tilisation en soins psychiatriques discutable. Le MacArthurompetence Assessment Tool For Treatment (MacCAT-T) aoutefois été utilisé pour évaluer le consentement dans deombreuses études en milieu psychiatrique avec une bonne

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QlcL3de vue). Il existe une concordance entre les hypothèsesdiagnostiques d’urgence et le diagnostic principal portéen fin d’hospitalisation dans 69,2 % des cas. Le moded’hospitalisation a été transformé dans les 72 heures pour

1 Des résultats partiels et préliminaires de l’enquête présentéedans le présent article ont fait l’objet d’une communication oraleà la Société médico-psychologique le 23 mai 2011 dont le compte

ARTICLEEUREA-97; No. of Pages 9

abilité inter-juges [25]. Utilisant le MacCAT-T, l’incapacité consentir aux soins est plus souvent associée au dia-nostic de schizophrénie, à la présence d’un délire ou d’unexcitation maniaque. Mais, plus qu’aux diagnostics ou à’intensité des symptômes, elle est naturellement corréléeositivement aux déficits des fonctions cognitives [26—28].a capacité à consentir aux soins est aussi fortement cor-élée à l’insight [29,30]. En effet, l’insight comprend troisrincipales dimensions qui chevauchent en grande partie leoncept de consentement aux soins : la conscience de laaladie, la capacité d’attribuer les expériences mentales

nhabituelles à la pathologie, et l’adhésion aux traite-ents [31]. Les conclusions de ces études sur la capacité à

onsentir aux soins sont cependant limitées par un biais deélection majeur dû à un taux de non-inclusion de l’ordree 50 % des patients, en raison de l’incapacité des patients

consentir à l’étude ou à se prêter à l’évaluation cogni-ive standardisée du consentement [32]. Par ailleurs, danses études, la présence d’une incapacité à consentir auxoins n’est pas complètement en adéquation avec la moda-ité d’hospitalisation. En effet, jusqu’à 50 % des patients enospitalisation libre et seulement 60 % des patients en hos-italisation sans consentement présentent une incapacité àonsentir aux soins selon ces évaluations [32,33]. L’insightst, en revanche, un facteur prédictif plus spécifique dea modalité d’hospitalisation pour les patients souffrant dechizophrénie [34].

bjectif de l’étude

ans la présente enquête, notre objectif est donc de déter-iner quels sont les critères cliniques effectivement utilisésar les médecins dans la décision d’hospitalisation sansonsentement, en analysant l’impact des facteurs de confu-ion de type sociodémographique et situationnel (parcourse soin) sur cette association. Un tiers des hospitalisationsans consentement est initié dans les services d’urgences4]. Il est donc apparu particulièrement pertinent d’étudieres décisions médicales dans ce contexte.

atériel et méthode

ette recherche, menée pendant une période d’un moisn 2009 sur cinq sites d’urgences psychiatriques pari-iens, a inclus tous les patients pour qui l’indication’hospitalisation libre ou à la demande d’un tiers a étéosée. Les praticiens exercant dans les différents sites ontecueilli à l’aide d’un questionnaire les données sociodémo-raphiques, les antécédents d’hospitalisation, le parcourse soins récent jusqu’à la consultation d’urgence. Poures diagnostics, le questionnaire comportait la possibilitée porter plusieurs hypothèses diagnostiques principales etomorbides codées selon la Classification internationale desaladies (CIM 10). Ont été aussi recueillis les critères de

évérité des troubles mentaux et de nécessité de soinsmmédiats tels que proposés par l’HAS [1] : risque suici-

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aire, risque hétéro-agressif, prises d’alcool ou de toxiques,résence d’un délire ou d’hallucinations, de symptômeshymiques ou d’une incurie selon une cotation « présenceu absence ». À l’issue de la consultation, la sévérité du

rpcd

PRESSA. Braitman et al.

etentissement des troubles a été évaluée par l’Échelle Glo-ale de Fonctionnement (EGF) [35]. Enfin, l’insight a étéxploré par le questionnaire Insight Q8 de Bourgeois et al.e questionnaire d’Insight comprend huit questions ouvertesui ne sont pas spécifiquement orientées sur les symptômessychotiques et qui sont donc applicables à toute patho-ogie [36]. Le choix de ces deux hétéroquestionnaires até déterminé par la volonté de ne pas modifier le coursaturel de l’entretien aux urgences afin d’éviter le biaise recueil du consentement du patient. De même, nous’avons pas utilisé d’outil standardisé pour la détermina-ion du diagnostic. Toutefois, à trois mois de distance dea décision d’hospitalisation sans consentement, un ques-ionnaire a été envoyé aux services receveurs afin deecueillir le diagnostic final et de vérifier sa concordancevec les hypothèses diagnostiques d’urgence. Le question-aire à trois mois comportait aussi la durée de séjour etes éventuelles modifications du mode d’hospitalisation deanière à estimer la cohérence des indications portées

ux urgences avec celles du service receveur. Les carac-éristiques des patients HL et HDT ont été comparées ennalyse bivariée par un test de Chi2 pour les variables qua-itatives et par un test t de Student pour les variablesuantitatives. Pour les analyses statistiques, nous avonsegroupé les codes CIM10 en diagnostic de « trouble psycho-ique chronique » (F20/F21/F22/F25), « trouble psychotiqueigu » (F30/F23), « dépression» (F32/F33) et enfin « troubleddictif » (F10/F19). Nous avons choisi de garder les diffé-entes hypothèses diagnostiques des patients quand ceux-ciénéficiaient de plusieurs hypothèses diagnostiques codées,u d’une hypothèse diagnostique et d’une comorbidité. Unenalyse de régression logistique multivariée a ensuite étééalisée en incluant dans le modèle les variables signifi-ativement associées à la décision d’hospitalisation sansonsentement en analyse bivariée et les facteurs pertinentsssus de la littérature. Les analyses ont été réalisées avec leogiciel STATA/SE 11.

ésultats1

alidité des hypothèses diagnostiques et desndications

uatre cent quarante-deux patients ont été inclus dans’étude parmi lesquels 30 patients sont sortis des urgencesontre avis médical ou par fugue (6,8 %) (Tableau 1).es données à trois mois ont pu être recueillies pour63 patients effectivement hospitalisés (12 % de perdus

d’hospitalisation sans consentement aux urgences :opéen des Urgences et de Réanimation (2014),

endu à donné lieu à une publication dans les Annales Médico-sychologiques, 169(10):664—7. Sans modification des tendances,es résultats préliminaires diffèrent du présent article car le modèlee régression statistique de l’analyse multivariée a été affiné.

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La décision d’hospitalisation sans consentement aux urgences 5

Tableau 1 Analyse bivariée selon le mode d’hospitalisation et prédicteurs de l’hospitalisation sous contrainte en analysede régression logistique.

Analyse bivariée Analyse de régression logistique

HL (n = 240) HDT (n = 202) p OR IC 95 % p

DonnéessociodémographiquesSexe féminin, n (%) 116 (48,3) 95 (47,0) 0,79Âge années, m (sd) 41,1 (15,1) 39,9 (15,7) 0,44

ActivitéActif, n (%) 72 (36,6) 61 (36,3)Chômeur, n (%) 80 (40,6) 58 (34,5)Femme au foyer, n (%) 4 (2,0) 13 (7,7) 0,12Retraité, n (%) 22 (11,2) 20 (11,9)Étudiant, n (%) 19 (9,6) 16 (9,5)

Niveau d’étudesÉtudes primaires, n (%) 21 (13,4) 15 (10,0)Études secondaires, n

(%)57 (36,3) 66 (44,0) 0,34

Études supérieures, n(%)

79 (50,3) 69 (46,0)

Allocations, n (%) 74 (35,6) 55 (31,8) 0,42Mode de vie

Vit avec quelqu’un, n(%)

39 (16,3) 45 (22,3)

Vit seul, n (%) 136 (56,7) 97 (48,0) 0,26Vit chez ses parents, n

(%)46 (19,2) 44 (21,8)

Autre, n (%) 19 (7,9) 16 (7,9)Sans hébergement stable,n (%)

46 (19,2) 36 (17,8) 0,72

Statut marital 0,02Célibataire, n (%) 150 (63,8) 112 (58,6) 1Marié, pacsé

concubinage, n (%)36 (15,3) 49 (25,7) 0,02 2,71 [1,19—6,17]

Veuf, divorcé, séparé,n (%)

49 (20,9) 30 (15,7) 2,48 [1,06—5,83]

Parcours de soinsAdressé par 0,04

Lui-même, n (%) 74 (30,9) 22 (10,9) 1Un médecin, n (%) 92 (38,5) 99 (49,0) < 0,001 3,66 [1,51—8,83]La famille, n (%) 67 (28,0) 68 (33,7) 2,29 [0,90—5,83]La police, n (%) 6 (2,5) 13 (6,4) 2,51 [0,52—12,01]

Contact dans le moisprécédent avec un médecin

Contact < 1 mois touttype de praticien, n (%)

188 (86,7) 133 (75,1) 0,003

Contact < 1 moispsychiatre, n (%)

135 (60,0) 76 (42,7) 0,001

Durée des troubles enannées, m (sd)

9,2 (8,6) 9,4 (10,6) 0,88

Nombre d’hospitalisationsantérieures, m (sd)

3,7 (6,5) 2,8 (5,4) 0,12

Antécédentsd’hospitalisation HDT ouHO, m (sd)

51 (21,7) 75 (38,7) < 0,001

Durée de passage auxurgences heures, m (sd)

6,5 (8,4) 8,5 (7,4) 0,01

Sortie contre avis médicaldes urgences, n (%)

16 (6,7) 14 (6,9) 0,91

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6 A. Braitman et al.

Tableau 1 (Suite)

Analyse bivariée Analyse de régression logistique

HL (n = 240) HDT (n = 202) p OR IC 95 % p

Hypothèses diagnostiquesDépression, n (%) 119 (49,6) 52 (25,7) < 0,001 1,82 [0,65—5,10] 0,26Troubles psychotiqueschroniques, n (%)

74 (30,8) 94 (46,5) 0,001 1,66 [0,53—4,17] 0,33

Troubles psychotiquesaigus, n (%)

20 (8,3) 51 (25,3) 0,001 3,42 [0,85—13,7] 0,08

Troubles lié à l’alcool ousubstances, n (%)

52 (21,7) 42 (20,8) 0,82 3,34 [1,25—8,91] 0,02

Agitation aux urgences, n (%) 13 (5,4 71 (35,5) < 0,001 3,06 [1,10—8,55] 0,03

Critères HASRisque suicidaire, n (%) 141 (59,0) 85 (42,3) < 0,001 2,04 [0,86—4,83] 0,11Risque hétéro-agressif, n(%)

19 (7,9) 84 (41,6) < 0,001 4,24 [1,82—9,90] 0,001

Prise de toxique d’alcool, n(%)

77 (32,1) 67 (33,2) 0,81 1,30 [0,52—3,24] 0,57

Trouble thymique, n (%) 169 (70,4) 115 (56,9) 0,003 0,72 [0,32—1,65] 0,44Délires hallucination, n (%) 72 (30,0) 125 (61,9) < 0,001 1,78 [0,72—4,40] 0,21Incurie, n (%) 40 (16,7) 46 (22,9) 0,11 0,57 [0,26—1,24] 0,16

EGF, m (sd) 42,8 (13,6) 31,0 (12,1) < 0,001 0,96 [0,94—0,99] 0,003

Insight Q8, m (sd) 6,4 (1,9) 2,4 (2,4) < 0,001 0,51 [1,10—8,55] < 0,001

m : moyenne ; sd : écart-type ; HL : hospitalisation libre : HDT : hospitalisation à la demande d’un tiers ; OR : odds ratio ; IC 95 % :

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intervalle de confiance à 95 %.

% des patients. Pour 11 % des patients l’hospitalisation auré moins de 48 heures.

aractéristiques sociodémographiques

es groupes hospitalisation libre et à la demande d’uniers ne diffèrent pas en termes d’âge, de sexe, d’activité,e niveau socioéconomique, de niveau d’étude, de modee vie (en couple, seul, ou chez des parents). Alors quees patients vivent majoritairement seuls dans les deuxroupes, les patients HL sont plus souvent célibataires63,8 % vs 58,6 %), veufs ou divorcés (20,9 % vs 15,7 %),p = 0,02).

arcours de soins

es patients hospitalisés sans leur consentement sont plusréquemment adressés aux urgences par un médecin (49 %s 38,3 %) alors que les patients HL viennent plus sou-ent consulter d’eux-mêmes (30,8 % vs 10,9 %), (p < 0,001).ependant, en dehors de la consultation à l’origine du pas-age aux urgences, les patients HL ont eu plus fréquemmentn contact avec un médecin généraliste ou un psychiatreans le mois précédent (86,7 % vs 75,1 %, p = 0,003). Les deux

Pour citer cet article : Braitman A, et al. La décisionapproche dimensionnelle ou catégorielle ? Journal Eurhttp://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2014.01.007

roupes sont similaires en termes de durée de la maladie,e nombre d’hospitalisations antérieures mais les patientsospitalisés sans leur consentement ont plus souvent unntécédent ou plus d’hospitalisation sous contrainte (38,7 %ontre 21,7 %, p < 0,001).

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aractéristiques cliniques

es patients en hospitalisation libre ont plus souvent uneypothèse diagnostique de dépression (49,6 % versus 25,7 %,

< 0,001) et les patients hospitalisés sans leur consente-ent ont plus fréquemment les hypothèses diagnostiques de

roubles psychotiques aigus ou chroniques (25,3 % et 46,5 %ersus 8,3 % et 30,8 %, p = 0,001). L’existence d’un risqueuicidaire et de symptômes thymiques est plus fréquentee manière significative dans le groupe des indications’hospitalisation libre. A contrario, l’agitation aux urgencest l’existence d’un risque hétéro-agressif sont bien plus fré-uents dans le groupe des indications d’hospitalisation sansonsentement (35,5 % vs 5,4 % ; p < 0,001 et 41,6 % vs 7,9 %

< 0,001). De même la présence d’un délire est presqueeux fois plus fréquente dans ce groupe (61,9 % vs 30 %,

< 0,001). La fréquence de l’incurie est similaire dans leseux groupes (p = 0,11). Enfin, les moyennes des scores’Insight Q8 et de fonctionnement global (EGF) sont signi-cativement inférieures dans le groupe des hospitalisations

la demande d’un tiers (respectivement 2,4 [±2,4] contre,4 [±1,9], p < 0,001 et 31 [±12,1] contre et 42,8 [±13,6]

< 0,001).

nalyse de régression logistique

d’hospitalisation sans consentement aux urgences :opéen des Urgences et de Réanimation (2014),

n analyse de régression logistique multivariée, la moda-ité d’hospitalisation (libre ou à la demande d’un tiers)’est pas influencée par le diagnostic clinique, hormise diagnostic principal ou co-morbide de dépendance à

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La décision d’hospitalisation sans consentement aux urgenc

l’alcool ou à une substance. La présence d’une agitation oud’une hétéro agressivité augmente la probabilité de déci-sion d’hospitalisation sans consentement, de même que lefait d’être marié ou le fait d’être adressé par un médecin.Enfin, de faibles scores à l’Échelle d’Insight Q8 et à l’EGFprédisent fortement une hospitalisation sans consentement.

Discussion

Dans notre enquête, contrairement à ce que laissentpenser les données de la littérature, le diagnostic detrouble psychotique aigu ou chronique ne semble pasintervenir directement dans le processus de décisionde l’hospitalisation non consentie. Pour conforter cettehypothèse, l’analyse de régression logistique a aussi étéeffectuée en prenant comme diagnostics ceux portés en find’hospitalisation, sans modification de ce résultat. Le faitque les diagnostics de psychose, largement surreprésentéschez les patients pour qui une indication d’hospitalisationsans consentement a été posée, n’apparaissent plus en ana-lyse mutivariée au profit de l’insight et de la sévérité duretentissement des symptômes, semble indiquer une éva-luation dimensionnelle plutôt que catégorielle des patientspar les cliniciens aux urgences. Le diagnostic de dépendanceà une substance, l’agitation aux urgences et la présenced’une hétéro-agressivité augmentent la probabilité d’unehospitalisation sans consentement. Ces caractéristiques cli-niques partagent une dimension d’impulsivité probablementprise en compte dans l’évaluation de la capacité du patientà prendre, mais surtout à maintenir la décision de soinsdans le temps. En effet, cette dimension de stabilité duconsentement est indispensable à prendre en compte afind’éviter les risques de rupture de soins prématurée [37].L’évaluation de l’insight se révèle être un critère opéra-tionnel important dans la prise de décision aux urgencesde l’hospitalisation sans le consentement. Cette dimensionest probablement plus facilement abordable et pertinentecliniquement dans le contexte de l’urgence que les évalua-tions cognitives visant à mesurer les capacités à consentiraux soins. De manière intéressante, Koren et al. ont mon-tré que, lorsqu’il est demandé aux patients de déterminerleur confiance dans l’exactitude de leurs réponses à des testscognitifs, l’incapacité à consentir aux soins est plus corréléeau déficit d’autoévaluation qu’au déficit cognitif en soi [38].En effet, sur la base d’une évaluation cognitive de la capa-cité à consentir aux soins du type du MacCAT-T, utilisant desvignettes cliniques qui ne concerneraient pas les troubles dupatient, il est envisageable que certains sujets se montrentcompétents sur le plan cognitif à recevoir une information, àpeser les alternatives, à raisonner et à décider du meilleurchoix. Ils pourraient même conseiller d’accepter les soinsà un tiers dans une telle situation mais resteraient inca-pables de prendre la même décision pour eux-mêmes du faitdu déficit d’autoévaluation [39]. À la lumière de ce déficitmétacognitif de l’autoévaluation, l’insight semble donc unconcept particulièrement pertinent pour l’estimation de lacapacité à consentir aux soins.

Pour citer cet article : Braitman A, et al. La décisionapproche dimensionnelle ou catégorielle ? Journal Eurhttp://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2014.01.007

La décision d’hospitalisation sans consentement sembleaussi reposer sur l’intensité du retentissement des symp-tômes. Dans notre enquête, les scores d’Insight et defonctionnement global sont tout deux liés à la décision de

C

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anière indépendante. Cela pourrait être expliqué par leait que, plus le risque encouru par l’absence de soins estrave (EGF bas), moins le clinicien aura tendance à lais-er de place à l’incertitude en augmentant le seuil requis

la recevabilité du consentement, en d’autres termes enenant moins compte dans sa décision de l’insight, reflet dea capacité à consentir aux soins [40].

Les patients hospitalisés sans leur consentement sontoins souvent célibataires, ils sont aussi plus fréquemment

dressés par un médecin. En analyse de régression logis-ique, le fait d’être adressé par la famille ou par un médecinugmente le risque d’hospitalisation sans consentement.ien qu’il soit peu probable que ces éléments interviennentirectement dans la décision d’hospitalisation sans consen-ement, le fait d’être marié ou d’être adressé par unédecin ou la famille pourrait faciliter l’accès aux soins par

es urgences pour les patients qui les refusent. Ce résultat,ui témoigne d’un parcours de soins accompagné jusqu’auxrgences, conforte l’intérêt, sur les lieux d’urgence, d’unravail avec des familles pour favoriser l’accès aux soinse leur proche en lien avec les équipes de soins de sec-eur et les médecins traitants. Parmi les patients hospitalisésn psychiatrie via les urgences, vivant le plus souvent seulvec un faible statut socioéconomique, le taux plus élevée célibataires chez les patients HL pourrait aussi témoigner’un isolement social plus marqué dans ce groupe. Outre laotion de parcours de soins accompagné, une autre hypo-hèse est la carence de tiers signataire pour la demande’hospitalisation puisque, au moment de notre enquête, larocédure de soins psychiatrique en péril imminent sansiers n’était pas encore en vigueur. Pour les patients leslus isolés et désocialisés, il est possible que, en dépit de larésence de critères d’hospitalisation sans consentement,a décision d’hospitalisation soit reportée dans un certainombre de cas sur une hospitalisation libre au risque d’uneupture de soins prématurée. En effet, il est envisageableue ces patients acceptent une hospitalisation sans véri-able consentement aux soins, mais seulement motivés pare besoin de rompre l’isolement. Dans cette hypothèse, laouvelle procédure de soins psychiatrique en péril imminentevrait effacer cette différence dans le futur.

La principale limite de notre étude est constituéear le fait que les cotations des symptômes, des scores’Insight et du fonctionnement global sont effectuées pare médecin qui a décidé de l’orientation, induisant un biais’autovalidation, le cotateur pouvant être enclin à justifieron indication en exacerbant certaines dimensions. En effet,ous décrivons plutôt le processus décisionnel et les critèresur lesquels l’indication a été posée, plus que la mesurebjective de ces dimensions chez les patients. De même,es facteurs confondants relatifs au médecin prenant la déci-ion d’hospitalisation (tels que son niveau d’expérience, sonegré de prise de risque) et ceux relatifs aux caractéris-iques de l’offre de soins d’aval des urgences (disponibilitées lits, présence d’une unité fermée ou d’une unité derise) ne sont pas ici étudiés.

d’hospitalisation sans consentement aux urgences :opéen des Urgences et de Réanimation (2014),

onclusion

a présente enquête est la première à notre connaissance démontrer une approche dimensionnelle de la décision

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’hospitalisation sans consentement reposant principale-ent sur l’évaluation de l’insight et de l’intensité du

etentissement des troubles et non sur un diagnostic catégo-iel. La mesure du fonctionnement global, qui tient comptee l’existence d’un certain danger d’aggravation, d’incurie,’auto- ou d’hétéro-agression, et la mesure de l’insight,eflet de la conscience de la maladie prérequis à uneemande de soins du patient, sont bien en concordance avec’esprit de la loi et la bientraitance du patient. Dans unepproche équilibrée du devoir d’assistance et du respect de’autonomie de la personne, l’évaluation de ces dimensionsourrait représenter un outil précieux pour la pratique cli-ique mais aussi pour l’explicitation de ce processus de déci-ion complexe notamment dans les certificats médicaux.’autres travaux restent à mener pour observer un éventuel

mpact de la nouvelle loi sur les décisions d’hospitalisationans consentement. Dans de futures enquêtes, il serait aussiertinent d’étudier les critères de décision en urgence deoins à la demande du représentant de l’état.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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