L. van Beethoven

Symphonie n°5, op. 67

III - Allegro

Le 3e mouvement de la Symphonie n°5 de L. van Beethoven est le moment de l’opposition franche entre l’Homme et le Destin.Le thème de l’homme, hésitant au début, interrogatif, va finir par l’emporter.Le motif du « Destin », qui revient en force, est imposant au début du mouvement, mais va petit à petit perdre de sa vigueur, puis s'éteindre.Ce 3e mouvement est un grand prologue au 4e mouvement, il s'enchaîne avec lui → Victoire finale et éclatante de l’Homme et de la Liberté.

1. Généralités.

La forme du mouvement est globalement A - B - A’

Menuet 1 Menuet 2 (appelé « trio »)

Menuet 1(sans reprise)

A B C D A B

a a b b c c d d a b

A B A’

Cette forme est courante dans les 3e mouvements de symphonie. A l’époque de Haydn et de Mozart, il y a habituellement ici un Menuet. Le menuet est une ancienne danse à 3 temps, qui n’est bien sûr plus dansée dans les symphonies, mais qui a gardé son caractère léger, joyeux. Les 3e mouvements de symphonie sont donc, à l’époque classique, des mouvements calmes, élégants, qui permettent de détendre l’atmosphère avant le dernier mouvement.Les menuets sont construits de cette manière :

Ce que l’on appelle un « Menuet », dans une symphonie, une sonate, un quatuor à cordes, est en fait l'enchaînement de 2 menuets, le second (appelé « Trio »*) dans un esprit un peu différent du premier, plus léger, puis une reprise du premier, sans reprise. Chaque menuet fait se répéter 2 phrases.

On en trouve un parfait exemple dans le « Menuet » de la Petite musique de Nuit de Mozart.

ECOUTE : Eine kleine Nachtmusik, K.525, « Menuetto », W.A. Mozart

*Trio ?

L'appellation « Trio » que l’on trouve pour le second menuet vient du compositeur baroque français Lully. Celui-ci avait l’habitude d’alléger l’écriture du second menuet et de ne l’écrire qu’à 3 voix (2 hautbois et basson), d’où l'appellation de « Trio ».Cette appellation est restée pour le second menuet, même s’il n’est plus écrit, à l’époque classique, en « Trio »

En raison de son caractère léger et galant, Beethoven va délaisser le menuet au profit du Scherzo. Le Scherzo, qui signifie « plaisanterie », est aussi un mouvement à 3 temps, mais avec un tempo plus rapide et un caractère plus dynamique.

ECOUTE : Symphonie n°2, op.36, « III-Scherzo », L.v. Beethoven

1er Scherzo de Beethoven (la Symphonie n°1 comporte encore un menuet).

Le mouvement est à 3 temps, très rapide. Le caractère est joyeux et très dynamique.On constate que la forme est la même que le menuet :

A - B (trio) - A (sans reprise)

On constate aussi, comme dans le menuet, que le « Trio » est dans un esprit différent (caractère plus léger) que la 1ère partie.

Les Scherzos sont plus rapides et plus dynamiques que les menuets, mais en sont très proches au niveau de la forme.

On s’attend donc à trouver un scherzo dans ce 3e mouvement de la 5e symphonie. Mais Beethoven brouille les pistes :

- Les indications « Scherzo » ou « Trio » sont absentes,- Le caractère du mouvement n’est pas joyeux, ni léger (ut mineur),- La fin du mouvement a un caractère très différent du début (fausse reprise),

mais...- Le mouvement est bien à 3 temps, rapide et dynamique,- La forme A-B-A’, avec une partie B contrastante, « ressemble » à celle du scherzo :

Comme dans le 2e mouvement, il s’agit donc d’une forme atypique que Beethoven utilise. Il confirme en cela la remarque que Haydn lui avait faite :

« [...] vous aurez des pensées que personne n’a encore eues, vous ne sacrifierez jamais votre pensée à une règle tyrannique, mais vous sacrifierez les règles à vos fantaisies [...] »

A B A’

2. Thèmes.

Il y a 3 thèmes dans ce mouvement :

- Thème A « de l’Homme » : une mélodie ascendante, chromatique, sinueuse, interrogative, pianissimo, pleine de doute.

- Thème B « du Destin » : motif principal, fortissimo, conquérant, sur une seule note.

- Thème C « de la lutte » : Thème tourbillonnant, très agité, écrit en fugato.

3. Partie A.

Le mouvement débute par le thème A (« de l’Homme »). ECOUTE : Thème A.

Après les rêveries du 2e mouvement, le 3e revient à la dure réalité de la sombre tonalité d’ut mineur. Le thème semble émerger d’un long sommeil, d’une longue rêverie, il s’extirpe difficilement du grave, pour s’étendre vers l’aigu en une grande interrogation. Il se conclut par une demi-cadence, non moins interrogative.Son aspect sinueux et ses chromatismes en font un thème tendu et inquiétant.

Il est joué 2 fois.½ cad.

Après avoir plus ou moins disparu dans le 2e mouvement, le motif « du Destin » revient en force et forme le thème B.

ECOUTE : Thème B (mes. 19).

Joué fortissimo, aux cors, sur une seule note, ce thème incisif, « sûr de lui », ne semble pas se poser les mêmes questions existentielles que le thème précédent.

Il est repris en tutti, puis se termine par le motif de transition déjà entendu dans le 1er

mouvement.

Motif de transition (1er mvt.)

Motif de transition (3ème mvt.)

Le thème A revient, toujours autant hésitant au début, puis gagne en dynamisme et en tension.Les nombreux chromatismes se font plus présents encore, ils gagnent tout l’orchestre.

Long crescendo chromatique avant le retour de B.

ECOUTE : Thème A (mes. 44).

Chromatismes(tension)

Retour du thème B en tutti, encore plus imposant que la 1ère fois.

ECOUTE : Thème B (mes. 71).

La partie suivante, étonnante, consiste en la superposition du thème A et du thème B, du thème « de l’Homme » et celui du « Destin ».

Le thème A semble, pour la première fois, prendre le dessus sur le thème du destin, le motif de 4 notes étant relégué ici en arrière-plan.

ECOUTE : Thème A+B (mes. 97).

Le motif du Destin se transforme ensuite en une mélodie joyeuse et sautillante, accompagnée par le thème A dans le grave.

ECOUTE : Thème A+B (mes. 115).

Mais c’est le Destin qui aura le dernier mot … pour le moment. Fin fortissimo en tutti sur le motif de 4 notes.

ECOUTE : Thème B (mes. 133).

Th.A

Th.B

4. Partie B.

Le 3e thème intervient uniquement dans cette partie centrale, contrastante.

C’est un thème très agité, tourbillonnant, qui évoque une lutte, un combat. Il débute dans le grave, avant de gagner tout l’orchestre. Il est écrit en fugato, c’est-à-dire à la manière d’une fugue, d’un canon : les instruments entrent les uns après les autres en reprenant la même mélodie.La musique gagne donc en puissance par ajout progressif de strates les unes aux autres.

ECOUTE : Thème C1 (mes. 141). Le thème est joué 2 fois à l’identique.

Le fugato se poursuit.Il débute à nouveau, semble hésitant, puis repart de plus belle : grand crescendo et tutti conquérant, majestueux.

ECOUTE : Thème C2 (mes. 163).

On reconnaît, à la fin de chaque partie les 4 notes du thème du Destin, mais dans un caractère très différent, plutôt joyeux, conquérant (anticipe le 4e mouvement).

Cette partie, contrairement à la précédente, n’est pas reprise à l’identique. Le début est identique, mais pas de grand crescendo ici. Au contraire, la musique s'amenuise petit à petit vers l’aigu.Thème du fugato à la flûte avant d’entamer une grande descente vers le grave pour un retour à la partie A.

ECOUTE : Thème C2’ (mes. 199).

A la toute fin, cordes graves en pizz. et retour des chromatismes (tension).

5. Partie A’.

Après ce grand tourbillon, les différents protagonistes semblent épuisés. Toute la fin de la pièce est calme, douce, un grand moment d’attente avant le dernier mouvement.

Le thème A a perdu son caractère inquiétant. Joué au basson la 2e fois, il prend un caractère plutôt cocasse, voire comique.

ECOUTE : Thème A’ (mes. 238).

Un caractère cocasse qui ne va pas sans rappeler le thème, aussi au basson, de L’Apprenti Sorcier de P. Dukas, écrit bien plus tard (1897).

ECOUTE : L’Apprenti Sorcier, P. Dukas (extrait).

Idem, pour le thème B, le thème du Destin, il a maintenant perdu son caractère menaçant et grandiose. Il est à présent joué dans une nuance pianissimo, il est tout aminci, chétif, maigrelet, presque ridicule.

ECOUTE : Thème B’ (mes. 257).

Il en va de même pour la superposition des deux thèmes. La musique semble disparaître sous nos yeux, se désagréger petit à petit. Le caractère est très ténu, minimaliste presque.

ECOUTE : Thème A’+B’ (mes. 282).

6. Coda.

A la fin du processus, il ne reste quasiment plus rien. Le temps semble suspendu.

Des notes tenues aux cordes (triple piano) et le motif du Destin « dans son plus simple appareil » : 4 notes identiques répétées aux timbales. Ultime désintégration, le motif se transforme ensuite simplement en pulsation, il n’en reste rien, le motif du destin disparaît ! C’est, au passage, la première fois qu’une véritable « mélodie » est confiée aux timbales (elle n’a pas ici un rôle de ponctuation).

ECOUTE : Coda (début, mes. 326).

Pulsation

Sur ce motif du Destin transformé en pulsation, le thème A (le thème « de l’Homme ») peut à présent faire son retour.Inlassablement répété, progressivement vers l’aigu, le thème passe en majeur, c’est les prémices de la victoire toute proche.

majeur

ECOUTE : Coda (mes. 341).

Le mouvement se termine par un immense crescendo et enchaîne directement, sans interruption, avec le mouvement suivant, la victoire éclatante de l’Homme et de la Liberté sur le Destin.

majeur

ECOUTE : Coda (mes. 364).

ANALYSE EN VIDÉO

RÉSUMÉ

Ce 3e mouvement de la Symphonie n°5 de L. van Beethoven est le point central de l’opposition entre l’Homme et le Destin.C’est un grand prologue au 4e mouvement, il s'enchaîne avec lui → Victoire finale et éclatante de l’Homme et de la Liberté.

- Tonalité : Ut mineur (comme le 1er mouvement)- Tempo : rapide à 3 temps.- Forme : A-B-A’ mais atypique (comme le 2e mouvement). Forme proche du Scherzo, mais sans en

être un. Caractère sombre et inquiétant (≠ Scherzo).- 3 thèmes :

- Thème A « de l’Homme » : mélodie ascendante, sinueuse, chromatique, interrogative, pianissimo, pleine de doute.

- Thème B « du Destin » : motif principal, fortissimo, conquérant, sur une seule note.- Thème C « de la lutte » : thème tourbillonnant, très agité, écrit en fugato.

- Partie A : Opposition, puis superposition des thèmes A et B.- Partie B : Thème C. Fugato tourbillonnant et virtuose qui gagne tout l’orchestre.- Partie A’ : N’est pas une reprise de A. Mêmes thèmes mais dans un caractère très différent. « Après

la bataille », la musique se désintègre petit à petit. Caractère très ténu, minimaliste, cocasse, voire fantasque.

- Motif du Destin aux timbales : sensation de temps suspendu, le motif se transforme en pulsation. Le Motif du Destin disparaît.

- Le thème A refait son apparition. Immense crescendo, passage en Ut majeur, pour enchainer avec le 4e mouvement, la victoire finale et éclatante de l’Homme sur le Destin.