kadath chroniques des civilisations disparues - 062

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Au sommaire

— locmariaquer (morbihain) : on enlève tout et on recommence !, Ivan Verheyden……...…………………...…………….....……….………….

— deux svastikas, un même message, Pierre Carnac……………………….. — la trilogie de rebecq : le calendrier luni-solaire de saintes, Emile Jaumotte — le mystère des alignements telluriques, Eugène Zimmee ...……………….... — et glozel ? petite histoire et actualité, Patrick Ferryn...……………………… — la filière égyptienne aux sources de l’atlantide de platon, Jon D. Singer — essai de déchiffrement du disque de phaistos, Sigurd Amundsen...………… — le sacré chez les héllènes, Hilaire Heim…………………………......………… post-scriptum : bretagne, corse…...…………….……………………………..

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COMITÉ DE REDACTION : ivan verheyden, rédacteur en chef patrick ferryn, secrétaire de rédaction jacques bury, jacques gossart, jean-claude mahieu AVEC LA COLLABORATION DE : jean-claude berck, robert dehon, serge dewit, hilaire heim, jacques keyaerts, josiane misson, nicole torchet, jacques victoor, eugène zimmer ÉCHANGES AVEC LES REVUES : archaeoastronomy (john b. carlson, états-unis) atlantis (jacques d’arès, france) bres (j.p. klautz, pays-bas) nouvelle école (alain de benoist, france) the ley hunter (paul devereux, grande-bretagne) MAQUETTE DE GÉRARD DEUQUET

Dans le ciel, savoir est regarder Sur terre, savoir est se souvenir.

Pintare

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Qui ne connaît le Déluge de Noé ? Sait-on qu’il fut précédé de nom-breux autres déluges, provoqués par les destructions successives des grands glaciers quaternaires ? On en retrouve la trace dans toutes les mers du monde, chaque fois à des profondeurs identiques : — 110 et — 55 mètres. Ces catastrophes naturelles de la préhistoire sont relatées par les textes anciens et confirmées par les plus récentes découvertes scientifiques. Ces déluges eurent une influence directe sur la disparition des premiers hommes, et sur la naissance des pre-mières civilisations. André Capart — assisté ici par les connaissances archéologiques de son épouse — est professeur émérite d’océanographie à l’Université Catholique de Louvain, et directeur honoraire de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique. Il est le fils du grand égyptologue Jean Capart et aussi membre du Comité d’Honneur de KADATH.

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A la recherche

De kadath

OFFRE

KADATH

965 FB * * Frais d’envoi compris

(à l’ordre de « Kadath »).

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MYSTERIEUSE CELTIE

LOCMARIAQUER (MORBIHAN) : ON ENLEVE TOUT ET ON RECOMMENCE !

« La science ressemble beaucoup à la Guerre Civile Américaine : même si c’était l’autre camp qui avait gagné, ce serait toujours une victoire américaine ».

Charles Fort. Ce qu’on savait déjà. C’est dans le numéro de juillet 1983 du bulletin qu’édite la Société Polymathique du Morbihan que Jean L’Helgouach, maître de recherche au CNRS, attira l’attention sur ces « idoles qu’on abat » (c’est le titre de son article). Mane-er-Hroëk, à un kilomètre de Locmariaquer, est un gigantesque tumulus de pierres (ou cairn) de 100 mètres sur 60, et haut de 10 m. Lors des fouilles de 1863, Lefebvre et Galles découvri-rent en son centre un modeste caveau semi-mégalithique de 3 m sur 4 ; mais surtout, c’est parmi les pierres bloquant l’entrée qu’on exhu-ma les fragments d’une stèle ornée de symboles néolithiques : une « idole en écusson affublée du signe en U et de deux crosses de commande-ment », selon les termes de L’Helgouach. Préci-sons tout de suite à l’intention du lecteur, qu’il n’y a là ni idole, ni écusson, ni crosse, ni com-mandement, mais qu’il devra bien s’y faire : ce sont là des termes descriptifs hérités de l’épo-que de Zacharie Le Rouzic, et devenus inamo-vibles tant qu’on n’aura pas découvert la vérita-ble signification de ces symboles. Ce qu’il est important de savoir, c’est que l’association de ces signes est assez classique à l’époque néoli-thique du Ve millénaire et qu’on la retrouve, par

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Une petite révolution s’est produite ces dernières années dans le monde de l’archéologie armoricaine. Mais hormis une brève allusion dans un numéro de La Recherche, elle est demeurée ignorée du grand public, car les communications scientifiques en question, émanant des plus grands spécialistes, furent publiées dans des bulletins très confidentiels. A côté des multiples énigmes que recèlent déjà les alignements de Carnac, la presqu’île de Locmariaquer ne demeurait certes pas en reste, avec son allée « pythagoricienne » des Pierres-Plates et son Grand Menhir Brisé « astronomique ». Ne voilà-t-il pas que des découvertes fortuites nous révè-lent une toute nouvelle physionomie de la région ? Voici leur histoire.

La stèle de Mane-er-Hroëk, gravée de haches, d’une « idole en écusson » au centre, et d’une « hache-charrue » en bas. (Photo Zacharie Le Rouzic).

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exemple, sur la Table des Marchands et à Gavr’inis. Ce qui nous intéresse, ici à Mane-er-Hroëk, c’est qu’il est incontestable que ceux qui obstruèrent le monument se servirent d’une pierre gravée qu’ils brisèrent à des fins somme toute assez prosaïques. La chambre dolménique elle-même ne contenait pas moins de 106 ha-ches en pierre polie, 49 perles et pendeloques en callaïs et un anneau-disque en jadéite, ce qui fait dire à L’Helgouach que le « défunt » (?) devait être un haut dignitaire disposant, de son vivant, d’un « autel particulier » (?) et de cette « idole » (?), l’ensemble ayant été enterré au plus profond du cairn ; mais ceux qui vinrent par la suite n’hésitèrent pas à briser la stèle. Peu nous importent, pour le moment, les motiva-tions, l’essentiel étant dans ce réemploi, très net sur le schéma du cairn reproduit ici. De plus, des consolidations ultérieures faites par P.-R. Giot ont révélé que la dalle de couverture n’était que le morceau sectionné net d’un bloc plus volumineux.

Plus révélatrice est la dalle de couverture du dolmen de Mane-Rutual, toujours à Locmaria-quer. Ce monument est du type à double cham-bre en enfilade, dont le seul autre exemple connu est intégré dans le gigantesque tumulus de Barnenez à Plouezoch, lui-même daté d’au moins 4300 à 4600 avant notre ère. C’est la chambre terminale de Mane-Rutual qui nous intéresse : elle est recouverte par une énorme dalle de 60 cm d’épaisseur, mais totalement démesurée avec ses 4 m 20 de large sur 11 m 90 de long, ce qui la fait largement déborder en arrière de la chambre dolménique elle-même. Elle reposait ainsi sur un cairn de pierres qui entourait la construction (et non sur le petit ter-tre artificiel reconstitué au siècle passé). Pour une densité de la pierre de 2,5, cette table pèse pas moins de 75 tonnes. Et c’est sous la partie de la dalle qui déborde du dolmen qu’est gravée une énorme « idole en écusson » de 4 m 40 sur

3 m 30, analogue à celle de Mane-er-Hroëk. Autrement dit, ceux qui visitent le monument ne voient rien de la gravure, pas plus que les visiteurs du néolithique. Et les constructeurs avaient donc réutilisé une dalle dont, primo, la décoration ne les intéressait plus et, secundo, la taille disproportionnée ne les dérangeait pas le moins du monde... Deux autres dalles de cou-verture de Mane-Rutual semblent d’ailleurs également être du réemploi : elles sont toutes deux cassées à une extrémité, la première est gravée d’une « hache-charrue » et la seconde déborde largement les nécessités de couverture du couloir. Pour en revenir à la dalle de la chambre terminale, Zacharie Le Rouzic déjà avait insisté sur sa forme particulière, laissant entendre qu’elle est amputée d’un morceau : en effet, les grands côtés sont plus ou moins paral-lèles, la base est large et brute tandis que le sommet semble s’arrondir et se rétrécir pour se terminer en pointe (du moins si l’on tente de reconstituer le fragment qui manque). Tout à fait logiquement, L’Helgouach suppose qu’au départ, l’on a affaire à un menhir gravé de 8 à 9 mètres (au moins, car on ignore de combien la base pouvait encore se prolonger pour être en-foncée dans le sol), menhir dont la pointe de l’« écusson » est orientée alors vers son som-met (ébréché). 4

Plan de Mane-Rutual à gauche, l’« idole en écus-son » étant figurée par transparence sur la dalle de couverture. A droite, restitution de celle-ci en position verticale, avec prolongement hypothéti-que de la base dans le sol. (Dessins de Jean L’Helgouach).

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A 300 mètres de là, non loin du Grand Menhir Brisé d’Er-Grah, se trouve la célèbre Table des Marchands (ce nom provient peut-être de dol march’hand, qui signifie « table de l’allée du cheval » en breton). Ce dolmen à couloir est surtout connu pour sa splendide dalle de chevet, gravée d’« épis de blé » et d’un soleil inscrits dans un « écusson » (encore un !). Mais dans l’optique de cet article, c’est à nouveau la dalle de couverture qui retiendra notre attention. Déjà en 1834, le chevalier de Fréminville remarqua à son sujet : « Cette masse, toute volumineuse qu’elle nous paraisse, était jadis plus considéra-ble, car elle a été cassée à son extrémité ». Et ceci est bien évident sur les photographies fai-tes depuis lors, du moins avant que la Commis-sion des Monuments Historiques ne construise alentour des murs de soutènement et un tumu-lus de goût douteux. On y voit que la dalle, lon-gue déjà de 6 m 16, est un bloc dégrossi au dé-part d’un autre, et qu’elle repose en équilibre sur trois pierres dressées ; parfaitement en équi-libre d’ailleurs, ce qui exclut qu’elle ait à un moment donné recouvert une partie du couloir (celui-ci est d’ailleurs plus bas de plafond). La dalle de couverture repose donc bien à son em-placement originel. Comment expliquer alors, sinon par un réemploi, que lorsqu’on observe sa face inférieure, on y retrouve, outre une « hache-charrue », un quadrupède s’engageant sous le sommet du pilier gauche du couloir et sectionné par ladite cassure ?

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Ci-contre, les trois étapes de la restauration de la Table des Marchands ; dans le fond, la dalle de chevet ornée d’« épis de blé ». Ci-dessus, détail de la face inférieure de la dalle de couver-ture, avec la « hache-charrue » et le quadrupède s’engageant sous le pilier gauche.

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C’est ici que va venir s’insérer, comme par en-chantement, la découverte faite par le Directeur des Antiquités de Bretagne, Charles-Tanguy Le Roux. Il faut dire que, depuis quelques années, celui-ci avait également eu l’attention attirée par ce genre de questions. En 1980 déjà, il avait suggéré que la dalle de chevet de la Table des Marchands avait pu se trouver initialement à l’air libre, permettant ainsi de voir non seule-ment les « épis » ou « crosses » de sa face anté-rieure, mais aussi les gravures de la face arrière que, tant le cairn supposé d’origine que le tu-mulus actuel, empêchent d’encore observer. Mais la nouvelle donne allait venir de l’île de Gavr’inis, à 3,5 km à l’est de Locmariaquer. Ce qu’on a découvert. Cette fois, c’est dans le numéro d’août 1984 du Bulletin de la Société Préhistorique Française qu’a paru l’information. C.-T. Le Roux y pré-sente ses travaux de fouilles entamées depuis 1982 sur cette « cathédrale mégalithique » qu’est Gavr’inis. Sur cette île — qu’on rallie à partir de la commune de Larmor-Baden — se dresse un tumulus de pierres et de terre, d’un diamètre de 50 mètres et haut de 6 m, lequel recouvre un dolmen à couloir (ce dernier est orné des célèbres gravures formant des « empreintes digitales »). La dalle de couver-ture de la chambre dolménique repose sur huit montants et est déjà impressionnante en elle-même : de forme trapézoïdale, elle fait 3 m 70 de long sur 3 m 10 et 2 m 50 pour les bases. C’est à nouveau cette dalle qui va retenir l’at-tention. En fait, elle est depuis longtemps ac-cessible par un vaste cratère au sommet de la butte et déjà mentionné par Prosper Mérimée. Les travaux de restauration entamés en 1982 avaient pour but de restaurer les volumes, et de bâtir une voûte de décharge destinée à protéger la chambre des pressions du cairn. Ce faisant, on dégagea la dalle de couverture complète-ment, ce qui mit au jour de grandes figures en faux relief. Ce sont : une « hache-charrue » lon-gue de 2 m 80 cassée à son sommet, un animal long de 2m ressemblant à un bovidé mais avec les cornes d’un bouquetin, et surtout, devant et en dessous de lui, d’autres cornes interrompues par la cassure de la pierre, ainsi qu’une ligne parallèle à celle-ci et qui pourrait être l’échine de l’animal disparu. Mais disparu où ? Nul be-soin de chercher loin, il suffisait de songer à la dalle de couverture de la Table des Marchands : pour peu que l’on retourne un des blocs (une paille !), le « quadrupède » de Locmariaquer retrouve ses cornes ! Aux esquillures près, af-firme Le Roux, la forme de la cassure et le fil de la roche permettent de raccorder les deux

tronçons l’un à l’autre, et les dimensions des gravures correspondent pour restituer un second bovidé. Aux fins de reconstituer le mégalithe d’origine, Le Roux pense que la dalle de cou-verture du tumulus de Er Vinglé, non loin du Grand Menhir Brisé, est la pièce manquante : grain et texture comparables, dimensions et cassure correspondant à la base de la « hache-charrue » (malheureusement, aucune gravure n’est conservée sur ce tronçon). Ainsi avons-nous un nouveau menhir complet qui, venant s’insérer dans la hiérarchie tout de suite après celui de Er-Grah, mesurait pas moins de 14 mètres de haut ; avec une largeur de 3 m 70 pour 80 cm d’épaisseur, ceci nous donne un poids approximatif (densité 2,5) de 104 tonnes ! Et les gravures, particulièrement celles figurant les bovidés, nous démontrent, si besoin était, que ce menhir était dressé verticalement... Cette dalle de couverture du dolmen de Gavr’i-nis proviendrait donc, elle aussi, de Locmaria-quer. Pour ce faire, il aura fallu transporter ses vingt tonnes sur 3,5 km environ, mais à l’épo-que néolithique, la rivière d’Auray et le chenal principal du Morbihan étaient déjà partielle-ment submergés, ce qui implique un trajet alter-nant l’eau et la terre ferme. Le Roux imagine une quatre-vingtaine de troncs d’arbre liés en fagots autour du bloc. Admettons.

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Gravures sur la face supérieure (sous tumulus) de la dalle de couverture du dolmen de Gavr’inis, et son prolongement hypothétique par la dalle de Er Vinglé. (Dessin de Charles-Tanguy Le Roux).

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Notre propos est ailleurs : car nous nous retrou-vons ainsi sur une aire d’environ quatre hecta-res ayant supporté quelques menhirs de taille : celui de Mane-Rutual (75 tonnes), celui de Gavr’inis-Er Vinglé-Table des Marchands (104 tonnes), mais surtout celui autour duquel nous avons tourné sans l’aborder de front : le Grand Menhir Brisé d’Er-Grah (347 tonnes). Hormis un motif rappelant la hache-charrue et signalé récemment sur le deuxième tronçon, aucune gravure ne décore ce mégalithe ; par ailleurs, les traces de débitage aux arêtes vives et légère-ment crénelées sont de la même « signature » humaine qu’à Gavr’inis. Dans cet article consa-cré au tronçonnage des menhirs, la question qui se pose immanquablement est la suivante : le Grand Menhir fut-il brisé de manière délibérée ou suite à un cataclysme naturel ? Et d’abord, fut-il jamais dressé ? Car certains, effrayés sans doute par sa taille — il est haut comme l’obélis-que de la Concorde à Paris ! —, ont voulu nier la chose. Je pense que cette hypothèse est de plus en plus à exclure, au vu précisément de cette découverte impliquant des menhirs d’a-bord décorés puis débités en tranches : la dispo-sition même des gravures exige que les stèles

aient été dressées afin d’arborer correctement leur décoration ; de plus, la physionomie de Locmariaquer, suite à tout ceci, change égale-ment d’aspect et il faut en tenir compte. Si déjà au moins deux menhirs impressionnants y fu-rent érigés, le nier pour celui de Er-Grah relève-rait de la plus pure mauvaise foi. Ce qu’on se demande. Il n’existe aucun document probant attestant, au cours du millénaire écoulé, que quelqu’un ait vu le Grand Menhir dressé. Les quelques rares allusions de navigateurs à des points de repère dans le golfe du Morbihan semblent toutes se référer plutôt au tumulus de Mane-er-Hroëk. Le seul indice troublant est mentionné par Pierre Salmon en 1885. Il cite un passage attribué à Scymnos de Chios, repris probablement de l’historien Ephorus (IVe siècle avant J.-C.), et parlant des Celtes : « Dans leur pays, écrit-il, se trouve une stèle nordique que l’on dit se trouver au point le plus éloigné (ou : une colonne qui est dite limite extrême vers le nord) : elle est très haute, étendant son promontoire vers la haute mer. Les habitants de la région près de la colonne sont ceux des Celtes qui vivent le plus loin ». Pour les Grecs, cette extrémité nord de la partie ouest du monde est-elle la Bretagne ? Et si oui, le « on dit » prouve-t-il que quelqu’un ait vu le Grand Menhir dressé ? Mystère... Tout comme la question des poteries gallo-romaines que déterra Zacharie Le Rouzic lorsque, à partir du tumulus d’Er-Grah qui se trouve à l’extrémi-té nord du menhir, il creusa une tranchée en direction de celui-ci. R.J.C. Atkinson suggère à ce propos que Le Rouzic n’a peut-être pas pu creuser assez profondément sous le fragment de base du menhir, au risque de miner le sous-sol, et que dès lors les restes gallo-romains s’étaient peut-être tout simplement accumulés autour et sous le surplomb de ce fragment, et furent re-couverts par le temps (n’oublions pas que nous sommes sous les vents de l’Atlantique). Dans ce cas, le Grand Menhir aurait été encore de-bout, et se serait brisé plus tard, sous l’effet de la foudre ou d’un tremblement de terre. C’est l’avis de nombreux archéologues. Et si d’autres envisagent quand même une intervention hu-maine, c’est pour l’attribuer aux populations gallo-romaines qui construisirent un théâtre non loin de là, et non aux hommes du néolithique. Avec toute la prudence qui s’impose, et se ba-sant sur son idée des « idoles qu’on abat » — idée renforcée encore par la découverte de Le Roux — L’Helgouach envisage donc plutôt que c’est à l’époque néolithique que le Grand Men-hir fut abattu et tronçonné. Revenant ainsi tout

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Un des deux cartouches en exergue de la grande carte de Waldseemuller, montrant l’Amérique « impossible » de 1507 (au sud, la limite du

Le menhir de 14 mètres reconstitué par la juxtaposi-tion (de haut en bas) de la dalle de Er Vinglé, celle de Gavr’inis et celle de la Table des Marchands. (Dessins La Recherche, d’après C.-T. Le Roux).

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simplement à ce qu’écrivait en 1834 le cheva-lier de Fréminville : « Malheureusement, il a été totalement déplanté et brisé, d’abord en deux parties, et ensuite l’une des parties en trois... ce qu’il y a d’admirable, c’est la netteté avec laquelle ces fractures ont été opérées par ceux qui ont tenté de détruire le menhir ». Dans cette hypothèse néanmoins, on s’explique mal la disposition des vestiges : il faut se rappeler, en effet, que le fragment principal (probablement la base) est orienté au nord-ouest, tandis que les trois autres tronçons gisent côte à côte vers l’est, comme s’il y avait eu bas-culement au moment d’une chute éventuelle. L’Helgouach inverse la proposition : le Grand Menhir aurait été abattu, l’un des fragments débité en trois morceaux et enfin, on aurait commencé à faire pivoter l’autre pour le conduire là où il devait être, pourquoi pas vers la Table des Marchands ?

C’est très plausible. Mais dans ce cas, mon esprit kadathien mal tourné ne peut s’empêcher de constater que les Mégalithiques avaient, une fois de plus, choisi la difficulté : car ce frag-ment de base est le plus volumineux des quatre, faisant 186 tonnes à lui tout seul. Une paille, encore une fois !... Enfin, j’ai consulté Archi-bald Thom, lequel avait fait un relevé photo-grammétrique des divers fragments du Grand Menhir. Il ne se souvient pas d’avoir vu des marques de coins utilisés pour un tronçonnage éventuel. « Mais, reconnaît-il, je ne suis pas archéologue » (communication personnelle du 27 janvier 1985). On le voit, cette découverte du réemploi de menhirs fragmentés pour recouvrir des dolmens entraîne des questions en cascade. En voici une

autre : « On s’est demandé si les monuments du type menhir étaient contemporains de ceux du type dolmen, et des opinions très différentes ont été émises à ce sujet ». C’était Fernand Niel qui posait déjà la question, naguère dans son petit Que sais-je ? sur les « Dolmens et menhirs ». Peut-on y répondre aujourd’hui ? Certes non, mais on progresse ! C’est l’évidence même que, aussi bien la dalle de blocage de Mane-er-Hroëk que les dalles de couverture de la Table des Marchands, de Mane-Rutual et de Gavr’inis furent, d’abord, des (fragments de) menhirs et, au vu de la disposition des gravures, que ces menhirs étaient dressés. Pour l’instant, le péri-mètre de ce véritable sanctuaire de stèles gigan-tesques se concentre sur la partie orientale de la presqu’île de Locmariaquer, très précisément entre Petit Mont, l’île-aux-Moines, Gavr’inis, l’île-Longue et la Table des Marchands. Faute d’autres découvertes, on ne peut (pas encore)

extrapoler hors de la zone de Locmariaquer. Un autre élément de l’argumentation est la pré-sence des « haches-charrues ». C’est un motif peu fréquent mais bien typique dans l’art méga-lithique armoricain. Outre sur les dalles connues maintenant pour être de réemploi (Gavr’inis, Table des Marchands, Mane-Rutual), on ne le retrouve que sur le Grand Menhir et dans deux dolmens à couloir : sur un pilier à Pen-Hap dans l’île-aux-Moines et au plafond de Kerkado à Carnac ; on peut être presque assuré maintenant qu’il s’agit là aussi de réemploi. Le motif de la « hache-charrue » n’est donc pas lié à la décoration des dolmens, mais bien à un autre type de mégalithes, les menhirs en question dont, d’une manière ou de l’autre, il devait symboliser la « puissance », quelle qu’elle soit.

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Le Grand Menhir Brisé d’Er-Grah, vu dans la direction du tumulus de la Table des Marchands (qu’on voit dans le fond, recouvert de sa dalle). Le fragment principal est à l’avant-plan à droite, orienté au nord-ouest, tandis que les trois autres tronçons gisent côte à côte vers l’est (à gauche).

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Faut-il dès lors imagine, une « première pé-riode » mégalithique, une sorte de « peuple des stèles » pratiquant le culte de « l’idole néolithi-que », comme aurait tendance à le faire croire L’Helgouach ? Non, répond Le Roux, qui parle de « coexistence » et de « complémentarité » des deux types d’architecture. Sans doute songe-t-il à l’ensemble du monde mégalithique armoricain ; mais si l’on s’en tient à la région de Locmariaquer seule ? Difficile de répondre, car la chronologie connue en rapport avec cer-tains mégalithes n’est que fragmentaire et n’ap-porte aucune réponse définitive. Rien ne permet de dater l’érection du Grand Menhir. Pour Garv’inis, on sait que le dolmen fut condamné vers — 2500, mais quand fut-il construit, on l’ignore. De même pour Mane-Rutual, dont on sait seulement que la structure ne se retrouve qu’à Barnenez, daté de — 4500. Pour la Table des Marchands, c’est la bouteille à encre. Enfin, dans le dolmen de Kercado (orné d’une « hache-charrue » au plafond), les plus anciens charbons recueillis remontent à — 3900. Nous n’avons donc là que des dates-limites, qui peu-vent toutes être terminales, c’est-à-dire posté-rieures à la destruction des menhirs et leur ré-emploi. Tout comme d’ailleurs, il faut le recon-naître, certaines peuvent lui être antérieures... On ignore d’ailleurs aussi, bien évidemment, combien de temps ces menhirs sont restés dres-sés majestueusement dans le paysage de Loc-mariaquer, du haut de leurs 12 à 23 mètres. Ce qui amène L’Helgouach à remettre subtilement en cause la destination astronomique du Grand Menhir Brisé préconisée par Alexander Thom.

« Encore fallait-il qu’il subsistât suffisamment dressé pour que tous les repères de visée puis-sent être soigneusement établis », dit-il. Forcé-ment !... J’abonderai quand même encore dans son sens en rappelant que Thom postule, pour ses visées, une date d’érection de — 1800 envi-ron : si ce n’est pas la bonne — il y a, dans ce qui précède, des arguments pour et contre —, au moins faudra-t-il faire des corrections de visée. Cela étant, l’objection de L’Helgouach n’est guère probante. Il est bien certain que, quoique taillés et gravés, les menhirs en ques-tion ne sont pas des statues anthropomorphes. Et rien ne s’oppose à ce que l’un d’eux se dresse bien au-dessus des autres, comme la tour d’une cathédrale n’exclut pas pour autant les tours secondaires (pas plus, soit rappelé en pas-sant, que le fait d’y trouver la sépulture de quel-que grand homme ne permet d’assimiler la ca-thédrale à un cimetière !). Si le Grand Menhir mesurait 23 mètres, c’est peut-être tout simple-ment parce qu’il y avait une raison à cela, et pourquoi ne serait-elle pas astronomique ? Un homme qu’on ne peut pas suspecter de com-plaisance est bien Jean-Pierre Mohen, conser-vateur au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye. Dans un article récent de La Recherche (décembre 1984), où il prouve que plus on remonte dans le temps, plus les dolmens étaient grands et moins ils ont servi de sépultures — ce qui est une petite révolution dans le domaine de l’archéologie ! —, il relate également les découvertes de L’Helgouach et Le Roux mais n’en conclut pas moins ceci : « Il semble bien que leur caractéristique primor-diale soit, du moins pour un certain nombre

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d’entre elles (les pierres dressées ou menhirs), leur parfaite intégration à la topographie du paysage pour permettre, grâce à certains points de repères naturels (rocher, profils de collines, etc.) ou artificiels (autre pierre dressée), des visées célestes. Une pierre dressée qui nous paraît aujourd’hui isolée est difficilement inter-prétable, mais elle peut avoir été intégrée dans un large paysage. C’est le cas, selon A. et A.S. Thom, du Grand Menhir Brisé de Locmariaquer (Morbihan), qui aurait servi de point de mire pour les visées réalisées autour de la baie de Quiberon et en particulier à partir de certains alignements de Carnac ». Allons, Messieurs les archéologues, encore un petit effort... Mais puisque nous sommes en si bonne compa-gnie, restons-y pour conclure sur l’ensemble des menhirs réutilisés à Locmariaquer, et lais-sons encore la parole à J.-P. Mohen : « J. L’Helgouach a bien posé la question de savoir pourquoi ces grandes pierres dressées avaient été volontairement cassées à l’aide de coins pour obtenir de grands fragments réutilisés dans des chambres sépulcrales. La question est, pour l’instant, plus importante que la réponse. La chambre funéraire peut être couverte à l’aide de menhirs brisés, mais l’opposition apparente des deux architectures réunies dans cette sépulture n’empêche pas d’autres points communs, quel-ques thèmes iconographiques et des orienta-tions choisies en fonction des mouvements du Soleil et de la Lune. N’y a-t-il pas derrière ces architectures une même idéologie religieuse générale ? » « Religieux » vient du latin religare, « relier ». En l’occurrence, pour nos lointains ancêtres, il s’agissait avant tout de relier le ciel à la terre, l’homme au cosmos. Ce qui fut fait.

IVAN VERHEYDEN

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ● Ouvrages anciens. C.P. de Robien : « Histoire ancienne et naturelle de

la province de Bretagne : description historique, topographique et naturelle de l’ancienne Armori-que ». MS n° 2436, Vol. 1., Bibliothèque munici-pale de Rennes, J.-Y. Veillard éd., Mayence 1756, et Joseph Floch impr.-éditeur 1974.

de Fréminville : « Antiquités de Bretagne, monu-ments du Morbihan ». Brest 1834.

Lefebvre et R. Galles : « Mane-er-Hroëck - Dolmen découvert sous un tumulus à Locmariaquer ». Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan, 1863.

Philippe Salmon : « Les monuments mégalithiques acquis par l’Etat, 1 : le Grand Menhir de Locma-riaquer (Morbihan) ». L’Homme, journal illustré des sciences anthropologiques, 2.7 (10 avril 1885), pp. 193-200.

Zacharie Le Rouzic : « Tumulus à dolmen de Er-Grah et le Grand Menhir Brisé ». Bull. Soc. Pol. Morb. 46 (1908), pp. 57-65. — « Locmariaquer. La Table des Marchands, ses signes sculptés et ceux de la pierre gravée du dolmen de Mané-er-H’roëk » (avec Ch. Keller). Ets A. Barbier, Nancy 1910. — « Les monuments mégalithiques de Car-nac et de Locmariaquer - Leur destination - Leur âge ». Impr. Lafolye et de Lamarzelle, Vannes 5e édition (s.d.).

● Articles dont référence. Jean L’Helgouach : « Les idoles qu’on abat... (ou les

vicissitudes des grandes stèles de Locmaria-quer) ». Archéologie Armoricaine, Société Poly-mathique du Morbihan, Tome 110, juillet 1983, Vannes, pp. 57-68.

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Je tiens à remercier Lucien Gérardin pour les docu-ments qu’il m’a procurés (et même si nous ne parta-geons pas toujours les mêmes vues).

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ARCHEOASTRONOMIE

DEUX SVASTIKAS, UN MÊME MESSAGE Pierre Carnac

S’il est quelque chose qui, dans le domaine des représentations préhistoriques, tient du « local » — selon le généralement acquis et, hélas, sau-vegardé à tout prix —, ce sont les figurations rupestres symboliques, peintures, dessins ou gravures, mises en image depuis le paléolithi-que supérieur jusqu’à la fin de l’Age du Fer. On reconnaît, certes, des aires régionales de présence d’un même motif complexe, mais une prudence dépassant les limites de la logique empêche, en général, d’admettre tout phéno-mène de diffusion intéressant des espaces géo-graphiques effectivement différents. Même la présence répétée d’un même et unique motif est expliquée le plus souvent autrement dès qu’on ne peut conclure, sans soulever des suspicions raisonnables, à une création par invention intel-lectuelle parallèle, au nom du principe que des mentalités similaires manifestées dans des conditions de vie analogues sont responsables des expressions culturelles similaires. Cette démarche psychanalytique « à rebours », plus propre à satisfaire le désir de « pondre » des explications intellectuelles et qui ne réclame point des actions de défense intellectuelle, est largement en place pour expliquer la présence, çà et là dans le monde, des représentations sym-boliques complexes similaires ; elle a aussi l’a-vantage de museler toute interrogation pouvant déboucher sur l’existence présumée de quel-ques courants de migrations encore inconnus ou négligés par manque d’information, sinon aussi — avouons-le — par fait d’ignorance.

Cupules et anneaux, quel langage ? Les réflexions qui précèdent nous ont été impo-sées par quelques aspects particuliers de ces encombrantes et toujours mal aimées cupules qui décorent, on ne sait trop pourquoi, les pa-rois de certains rochers ou pierres des ensem-bles mégalithiques, et aussi par les détails d’une figuration certainement sortie du commun et évoquant les traits d’un svastika... Les cupules d’abord. De petites échancrures, des encoches, plus ou moins hémisphériques, distribuées d’une manière absolument irrégulière, et que l’imagination de tout un chacun est tentée de relier à sa guise en d’inexplicables dessins ou assemblages. Parfois, comme pour compliquer à dessein les choses, les cupules sont entourées par des incisions circulaires, des anneaux. Le motif, connu et rencontré aussi sur certaines poteries du néolithique, fut présenté au monde savant, pour la première fois déjà en 1785, par l’étude d’un érudit anglais, Montgomery, qui retraça un décor à cupules et anneaux figuré sur le couvercle d’un ciste découvert quelques an-nées auparavant à Coilsfield dans l’Ayrshire ; le dessin comportait une cupule centrale entourée de six anneaux concentriques. Par la suite, vers 1820, on parla de vieilles incisions cupellifor-mes pratiquées sur des rochers à Old Bewick dans le Northumberland, région riche en vesti-ges préhistoriques. Ce ne fut qu’en 1825 que C.W. Greenwell, qui s’était déjà fait un renom de fouilleur de tumuli, examinant les rochers de Routhing Linn dans la même région, ouvrit le débat scientifique sur la signification éventuelle des signes en question. Parmi les incisions ren-contrées sur les rochers, Greenwell avait surpris des groupements d’anneaux bouclant des tracés

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« Si plus d’un événement insolite arrive, il devrait y avoir un lien »

Sherlock Holmes au Dr Watson.

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circulaires et évoquant — semblait-il — des triangles grossiers ou même des rectangles, dont certains trajets idéaux suggéraient des plans d’anciennes enceintes fortifiées sembla-bles à ceux des forteresses de terre déjà signa-lées, et vraisemblablement édifiées à l’époque du Fer. Une telle ressemblance fournit à Green-well les bases, bien aléatoires, sur lesquelles il fonda sa propre théorie des cupules et des cupu-les à anneaux, dont les figurations « accomplies » devaient signifier — pensait-il — des plans de fortifications primitives, d’habi-tats collectifs ou même de lieux bien détermi-nés... Mais Greenwell n’était ni le premier ni le seul à se poser des questions. Bien avant lui, des érudits du lieu s’étaient déjà interrogés sur le nombre et la disposition des cupules simples ou à anneaux dans leurs assemblages, et avaient avancé des hypothèses dont certaines étaient tout aussi folles que les futures spéculations sur le même thème de quelques auteurs-maîtres de la littérature moderne de l’insolite lesquels, critiques des signes gravés à bon escient par Merlin l’Enchanteur et ses acolytes, démons ou farfadets, y virent des « blessures » des rochers, faites au laser par de mystérieux engins extra-terrestres pour marquer des repères de passage (?). Ce fut le mérite de l’Abbé Breuil d’avoir essayé de systématiser un début de typologie formelle des incisions préhistoriques anglaises, dans les années ’30 de notre siècle ; il y voyait une ex-pression graphique ayant une relation certaine avec les signes et les figurations des tombes mégalithiques de toute une aire géographique allant de l’Irlande jusqu’à Malte à travers les îles Britanniques, la France, l’Espagne et l’Ita-lie. Mais de là à voir dans toutes les incisions sur rochers la même chose que dans les figura-tions tombales, il y avait une distance qui, somme toute, ne devait pas être franchie. Les similitudes — il y a des cupules et des anneaux sur certaines pierres « cachées » du plafond du couloir intérieur du tumulus de New Grange (les incisions sont pratiquées sur le « dos » des éléments de construction, donc « invisibles » directement) — ont permis, tout au moins, d’at-tribuer à ces cupules-là un âge correspondant pour le moins à celui du célèbre monument mé-galithique irlandais (3300 ans avant notre ère). Même si elle était dépourvue de possibilités de généralisation (les cupules et les anneaux de Kerry et de Cork sont bien différentes comme style de celles de Knowth ou de New Grange), et même si l’ancienneté de certains de ces si-gnes fut repoussée encore un peu plus loin dans le passé par l’estimation de l’âge des figura-

tions gravées sur une pierre exhumée du tumu-lus long de Dalladies (Kincardineshire) et re-montant au tout début du quatrième millénaire avant notre ère, l’hypothèse de l’Abbé Breuil, qui avait vu trop souvent dans ces incisions des stylisations évoquant des détails de la personne humaine, « inscrites » à des fins de commémo-ration, sinon aussi des figurations féminines propres à certaines pierres tombales, eut le mé-rite de mettre en cause la géographie. Elle ou-vrit un débat possible sur certains espaces de diffusion de ces incisions... L’énorme aire géo-graphique riche en rochers ou fiches de pierre ou en éléments de monuments mégalithiques marqués de la sorte semblait lui donner raison. Cela ne fit cependant pas avancer l’explication du sens même des incisions. Il était certaine-ment toujours possible de penser que des grou-pes humains, même situés à des centaines et des milliers de kilomètres les uns des autres et sans aucune relation réciproque, aient pu pratiquer des graphies symboliques similaires au nom de quelque profond sentiment religieux propre à tout esprit humain, ou de mystiques rituelles analogues et archétypales... Ceci fit assurément oublier les idées déjà avan-cées par quelques celtomanes anglo-irlandais, avant 1860, selon lesquels il devait s’agir, sur-tout si l’on tenait compte de certains assembla-ges de cupules, de cupules à anneaux ou de fi-gurations à rainures interstitielles, de très an-ciennes... cartes géographiques, incisées, çà et là, par des voyageurs commerciaux du temps des mégalithes, des chefs d’expéditions guerriè-res de l’époque ou, plus tard, par des patrouilles de légionnaires romains en mission de surveil-lance, sinon même d’ouvrages... topographi-ques réalisés par quelques géomètres avant la lettre des tribus préhistoriques des îles Britanni-ques.... Trop, c’était trop ! George Tate pulvéri-sa ces « fantaisies » dans un ouvrage devenu célèbre, publié en 1865, et où il supposait qu’à part quelques exceptions — que nous avons déjà évoquées — les incisions cupulaires et annullaires devaient avoir moins d’ancienneté que les tombes mégalithiques d’Ecosse, d’Ir-lande et d’Angleterre. Tate avait raison. Deux générations d’érudits curieux partis sur ses tra-ces ont soutenu des arguments qui confirment son idée, mais, à cette occasion, on se rendit compte que l’absence de cupules et d’anneaux sur les pierres d’Avebury ou de Stonehenge et de presque tous les monuments mégalithiques et rochers gravés situés dans la partie orientale de l’Angleterre, leur ôtait la fonction entrevue de porteurs de messages d’ordre religieux. Il fallait donc trouver autre chose...

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Vues d’en haut : les étoiles. Un détail, déjà souligné, de bon nombre de ces figurations, revint alors à l’esprit des cher-cheurs : l’extension et le « faciès » cartographi-que des dessins-gravures étalés presque à lon-gueur de vue sur des surfaces planes et plus ou moins horizontales de nombreux rochers du Northumberland. Des incisions qui invitaient en quelque sorte à une vue plongeante-balayante des ensembles. Des cartes ? Peut-être dans cer-tains cas, mais lesquelles ? Parmi les premiers, Nathan Heywood, qui avait étudié les Panora-ma Stones d’Ilkley, avait pensé (au XIXe siècle) aux étoiles et même aux planètes... L.M. Mann le suivit, sans plus de succès, au début de notre siècle. Plus heureuse, l’entreprise systématique de G.F. Browne, savant universitaire et auteur d’une magnifique étude sur les antiquités de l’Aberdeenshire, aborda de façon convaincante la « lecture » des incisions des surfaces rocheu-ses horizontales et des fiches de pierre des cer-cles mégalithiques de toute une région. Il y trouva des cartes... « en direct », et même des cartes « renversées » mais des cartes... du ciel. En direct : les incisions qui, prenant départ de la pierre dite de Suhoney (environ 5,60 m de longueur) marquaient, dans des rapports de dis-tances et de relations correctes, les positions célestes des deux Ourses et des grandes étoiles de la constellation d’Hercule et de la Couronne Boréale : une véritable page d’atlas céleste qui, une fois gravée sur le rocher, n’attendait plus vraisemblablement que l’heure diurne d’une leçon publique d’astronomie... Mais il y a plus. Ainsi — et sur cela, nous de-vons insister de façon particulière — le cercle de pierres de Rothiemay comporte une pierre sur laquelle, parmi les 107 cupules bien inci-sées, huit sont entourées d’anneaux nettement tracés. Or, si on inverse le dessin et si on place l’Etoile Polaire dans une certaine des huit cupu-les aux anneaux, on obtient une mise en bonne place des principales étoiles et constellations du ciel nocturne. La disposition « renversée » des encoches hémisphériques fait de la surface ro-cheuse de Rothiemay une première planche typographique avant la lettre, car si l’historien tout court ne s’y intéresse guère, si le préhisto-rien ne lui accorde pas trop d’importance, pour tout historien des sciences et des techniques, la pierre à 107 cupules de Rothiemey est un mo-nument du savoir primitif. Il est évident qu’en remplissant les encoches du rocher de certaine « encre » de l’époque (mélange de pigments colorants à effet indélébile, connus et utilisés partout dans le monde préhistorique concerné par les gravures et les dessins rupestres peints

depuis au moins quatorze mille ans), et en y apposant des peaux d’animaux sèches ou tan-nées (articles produits couramment par les tech-niques de l’habillement de l’époque), on obte-nait, par impression, une « carte du ciel », mobile, pliante et transportable... Un véritable article d’exportation, capable de permettre par la suite des reproductions par... impression ! Sans soutenir — loin de là — que n’importe quel ensemble cupulaire se prête à ce jeu de vérité, nous ne pouvons manquer de nous inter-roger sur les nombreuses pierres similaires qui, çà et là, doivent attendre encore une lecture « au miroir » de leurs inscriptions... Deux svastikas, le même message. En attendant, examinons un autre cas limite, celui d’une bien curieuse — encore faut-il en être fortement convaincu — coïncidence. Cette fois-ci la similitude (car l’analogie est poussée jusqu’au seuil de la reproduction) se manifeste à environ 1400 km de distance à vol d’oiseau, reliant entre eux deux symboles gravés, l’un sur une pierre anglaise située à Woodhouse Crag dans le Wiltshire, l’autre sur un rocher italien de Val Camonica dans les Alpes. La gravure anglaise, relativement assez peu connue, figure sur la pierre dite « du svastika », de Woodhouse Crag, précisément à cause du dessin qu’elle porte : un svastika aux parois doubles, marqué de points-cupules à l’intérieur et à l’extérieur. Située non loin de la vallée accidentée d’un petit affluent de la Wharfe, orientée et figurée

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La pierre du svastika à Woodhouse Crag dans le Wiltshire (Angleterre).

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en rotation dextrogyre, marquée par cinq cupu-les intérieures disposées en « cinq de domino » et quatre cupules extérieures constituant un car-ré idéal, l’image de Woodhouse Crag, propre à être inscrite dans un carré aux côtés de 52 centi-mètres, retrouve localement plusieurs variantes, sinon simplement des ébauches. Attribuée par erreur, au début, à l’époque du Fer, elle appar-tient à un âge bien plus reculé et qui dépasse probablement le Bronze local. Faut-il encore préciser que la pierre du svastika se trouve dans une zone exceptionnellement riche en rochers à cupules et anneaux, dont certains décorés d’en-sembles de signes absolument remarquables comme la très proche Pierre du Panorama, de nombreuses pierres à signes « cométiformes » ou en spirales régulières, ou les pierres dites de l’Arbre de Vie, de la Tête de Mort et du Trian-gle (noms inspirés par de vagues ressemblances formelles, dont certains très récents). La majo-

rité de ces pierres à cupules et anneaux de la région se trouve à proximité de la petite ville d’Ilkley. Val Camonica, vallée glaciaire ouverte au nord de Brescia et comprise entre les rives septen-trionales du lac d’Iseo et le col de Tonale, abonde en incisions rupestres. On en a recensé plus de 130.000 et on ne cesse d’en découvrir d’autres chaque année. L’art local, dit « camunien », minutieusement étudié, offre l’illustration effective — c’est le moins que l’on puisse dire — de la vie des populations locales dont elle a étroitement suivi l’évolution, de l’état de clan à celui de nation constituée et enfin de province romaine. Le tableau qui suit et que nous avons élaboré d’après les aperçus historiques publiés par le Centre Camunien d’Etudes Préhistoriques (C.C.S.P., 25044, Capo di Ponte, Brescia), en présente les étapes.

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Age et chronologie historique

Formes d’organisation sociale

Activités économiques Périodes artistiques

Fin du paléolithique (9000-5500 avant notre ère)

Groupes humains - Clans

Cueillette - Chasse Débuts sub-naturalistes

Néolithique ancien(5500-4000 avant notre ère)

Clans Chasse et débuts d’agriculture

Art schématique (I)

Néolithique moyen(4000-3000)

Tribus Chasse - Elevage - Agriculture

Art symbolique et schématique

(II)

Néolithique tardif, Chalcolithique (3000-2000)

Société tribale autoritaire

Chasse - Elevage - Agriculture - Commerce

Art monumental (compositions)

(IIIA)

Age du Bronze(2000-1200)

Société tribale guerrière autoritaire

Chasse - Elevage - Commerce - Agriculture

Compositions descriptives

(III B-C-D)

Bronze final et débuts de l’Age du Fer (1200-850)

Début des structures féodales

Chasse - Agriculture - Elevage - Commerce - Métallurgie

Apparition des scènes mythologiques

(III et IV A et B)

Age du Fer 850-débuts de notre ère)

Formation nationale locale

Occupations antérieures, religion constituée, magie

Scènes de la vie courante

(IV C, D, E et F)

Occupation romaine(après l’an 16 de notre ère)

Province romaine Elevage - Agriculture. Organisation provinciale

Imitations de sources étrangères. Art post-camunien.

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Le tableau synoptique suivant, que nous repro-duisons d’après une étude de présentation de l’art rupestre de Val Camonica élaborée par le même Centre Camunien d’Etudes Préhistori-ques, et reprise ultérieurement par diverses pu-blications spécialisées (Archéologia, Courrier du CNRS et autres), donne les figurations typi-ques de l’évolution de l’art camunien.

L’examen attentif du tableau, dont on ne saurait contester la valeur statistique et d’information, laisse voir, pour la période IV, période de l’Age du Fer local, le... svastika de Woodhouse Crag (ou du moins une représentation absolument similaire) ! Nous n’allons pas nous embourber dans un détail de chronologie : environ 5000 ans d’ancienneté pour le « motif » anglais et un peu moins de 3000 ans pour sa « réplique » italienne qui se retrouve, ainsi que ses variantes locales, dans un contexte estimé avoir été réali-sé entre les années 1150 et 850 avant notre ère ; de même, n’allons-nous pas invoquer un trans-port de modèle qui, même s’il pouvait être dé-montré, serait forcément fortuit, vu la tendance

générale des migrations connues intéressant dans le laps de temps considéré les deux régions en question. Ce qui nous importe, c’est la signification du sujet, du symbole exprimé par la représentation commune et qui, pour nous, n’est pas un symbole abstrait. Un recours attentif à la carte du ciel boréal peut nous le démontrer.

Commençons par placer au centre du système du svastika l’Etoile Polaire ; un petit jeu de ro-tation suffit pour que des astres d’importance se mettent à leur tour en place, dès que la géomé-trie du dessin acquiert les dimensions nécessai-res à une bonne rentrée dans les rapports pro-portionnels réels des emplacements des dix as-tres mis de la sorte en cause et... en juste posi-tion. La Polaire au milieu... Sur le svastika tour-nant dans le sens du temps s’installent (voir au verso) : Altaïr, en haut à gauche ; Hamal, en haut à droite ; Arcturus prend place en bas à gauche et Pollux à droite. Quatre constellations marquent de la sorte les « pattes » du svastika : l’Aigle, le Bélier, le Bouvier et les Gémeaux.

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Quant aux quatre astres qui, en-dehors du svas-tika, semblent fixer ses branches, il s’agit, en ordre de rotation, de Cassiopée (en haut), Ca-pella (à droite). Mizar de la Grande Ourse (en bas) et la brillante Véga de la Lyre (à gauche). Dans la prolongation du dessin qui l’enferme comme dans une sorte de coupe ou de faucille — sur la droite de la figuration —, une cupule isolée semble bien représenter la très brillante Bételgeuse de la constellation d’Orion. Sortie de l’observation attentive du ciel noc-turne, la figure garde tout son intérêt si on y pense aussi dans la vision de la magie des for-mes et des nombres déjà en place dès le début

du néolithique européen. Voilà des interpréta-tions très risquées, dira-t-on. D’abord, on sait bien que la numérologie sacrée des Anciens est une véritable collection de « blagues », et par la suite, on doit savoir tout aussi bien qu’avec les nombres et leurs jeux réciproques, bien définis à présent mais tellement surprenants pour les Anciens, on peut montrer et démontrer le tout et son contraire ! Soit ! Nous et aujourd’hui. Mais les Anciens, eux, professaient une véritable religion de la forme et du nombre, exprimée le plus souvent par la magie et la sorcellerie dans des analogies et des incidences auxquelles ils croyaient. Les sciences historiques qui s’occu-pent de la préhistoire gagneraient sans doute

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Lecture astronomique du svastika de Woodhouse Crag. 1) Petite Ourse et Etoile Polaire (EP) — 2) Constellation de l’Aigle - Altaïr (al) — 3) Constellation du Bélier - Hamal (h) — 4) Constellation des Gémeaux - Pollux (p) — 5) Constellation du Bouvier - Arctu-rus (ar) — 6) Constellation d’Orion - Bételgeuse (b). Etoiles-clous : Cassiopée - (cp), Capella - (ca), Mizar - (m), Véga - (v).

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beaucoup à une approche un peu plus serrée de l’anthropologie culturelle et de l’ethnographie, sinon aussi d’une étude plus critique, dans le bon sens du mot, de l’histoire des religions. Souvenons-nous des découvertes des tombes de la Ferrassie du début du siècle, des suppositions déjà mieux reçues d’Alexander Marshack quant aux ébauches de calendriers lunaires du paléoli-thique supérieur, des récentes découvertes fai-tes par les Russes, à Malaïa Siya en Sibérie (1), et même des dernières approches enfin plus positives des archéologues européens quant au problème des systèmes de numération ébauchés dès le paléolithique supérieur... Qu’on le veuille ou non, tôt ou tard, il faudra y voir les racines paléo-historiques de la numérologie sacrée que nous a léguée l’Antiquité classique. Alors, devant les deux figures donnant la même image, parlons aussi nombres. On retrouve ai-sément, dans le jeu des cupules-points, le 4, le 5 et le 9, pour ne plus parler du total 10. La sym-bolique archiconnue du 4, « nombre du monde » exprimé par les quatre piliers de la voûte céleste et les quatre parties du monde de la Chine ancienne à l’Amérique précolom-bienne (Incas surtout), en passant par le monde méditerranéen, l’Europe barbare, le Proche-Orient, l’Afrique noire ou chez les aborigènes d’Australie, constitue une des assises fonda-mentales de la numérologie sacrée. La présence du quatre dans la symbolique des monuments mégalithiques est, elle aussi, bien affirmée... Dans toutes les traditions numérales du monde, le nombre 5 est le nombre-clef du « centre » (et par extension celui de Dieu, ou du dieu, et en l’occurrence de l’homme) ; cinq est aussi le nombre-symbole de l’étoile, dont il se partage la figuration avec le six (étoile ou sceau de Sa-lomon à six branches et étoile compagnonique à cinq branches ; les deux formes de l’étoile sont présentes dans l’iconographie des anciens peu-ples du Proche-Orient, de l’Inde, de la Chine, etc.). D’ailleurs, s’il y a deux endroits où le cinq mystique excella en tant que symbole du centre, c’est justement en Angleterre et en Lombardie, deux régions sensibles aux plus anciennes doctrines du « centre du pays » (le medionemeton celtique britanno-irlandais et le medio-lanum, Milan, ville sise au milieu des terres lombardes, aux sources locales préromai-nes)... Le nombre 9, déjà présent dans les trois

séries de trois tertres symétriques du site mous-térien de la Ferrassie, témoigne d’ailleurs, tant à Woodhouse Crag que dans les dessins de Val Camonica, non seulement pour les 4 et 5 qu’il renferme, mais aussi à travers la croix presque parfaite réalisée par le croisement des deux ran-gées de cupules. Une croix symbole du lieu, de l’endroit, de la rencontre, du carrefour, mais aussi de la position triplement successive de l’homme, entre le levant et le ponant, le septen-trion et le midi, le Ciel et la Terre. Cela pour ne plus évoquer le caractère funéraire du neuf, grand « nombre de l’homme » dans tant de tra-ditions éparses à travers le monde... Quant au 10, ne fut-il pas l’aboutissement de la symboli-que du corps humain dans les premiers balbu-tiements numéraux des primitifs, d’où sa pré-sence précoce dans tant de civilisations-mères et dans toute architecture sacrée ?

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(1) Voir KADATH nos 37 (« L’homme préhistorique de Marshack : un génie en devenir ») et 41 (« Cosmogonies préhistoriques en Sibérie »).

La symbolique sacrée des nombres 4, 5 et 10, reflétée dans le canevas des deux svastikas.

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Neuf, comme les neuf cupules de ladite figura-tion... Et parce que le cinq qui tourne — de l’image de Woodhouse Crag à celle de Val Ca-monica — est, comme fixé, par les quatre étoi-les-clous d’entre les bras de la figure, rappe-lons-nous aussi le procédé primitif, préhistori-que, classique, de produire le feu. Une croix en lattes de bois mou, dans le centre de laquelle on frotte une tige verticale de bois dur, jusqu’au moment où la forte chaleur produite par le frot-tement enflamme l’amas de feuilles mortes et de branchage sec disposé autour. Mais pour que le système fonctionne et que la croix de bois demeure en place, elle était fixée au préalable par les quatre clous, petits pieux plantés dans le sol entre les bras de la croix. Le vétuste disposi-tif d’allumage était appelé par les anciens hin-dous pramantha... Mais non, mais non, Promé-thée est un nom « bien grec » et n’a rien à voir — pensez-vous — avec tout cela ! Alors, le svastika de Woodhouse Crag et son simili-homologue de Val Camonica, situés ap-paremment — n’est-ce pas ? — à quelque 1400 km et environ 1900 années de distance dans l’espace et dans le temps, que représentent-ils sinon ce que les vieilles traditions de l’antique île de Bretagne avaient affirmé et annoncé de-puis des dizaines de siècles ? Car, peut-on lire dans les Annales Galloises, mieux connues sous le nom de « Triades des Terres insulaires de Bretagne », dans le pays on trouve çà et là « les pierres de Gwidden-Ganhebon sur lesquelles sont inscrites et peuvent être déchiffrés tous les Arts et les Sciences du Monde... » Et peut-être que même la « Grande Pierre à énigmes », sous laquelle les siens inhumèrent jadis Gwydon-ap Don, le « liseur d’étoiles », ne fut qu’une autre pierre à cupules et anneaux...

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Géométrie des rapports formels entre cercle et carré dans la construction de l’image tournante du svastika de Woodhouse Crag.

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GEOGRAPHIE SACREE

LA TRILOGIE DE REBECQ : LE CALENDRIER LUNI-SOLAIRE DE SAINTES Nous avons décrit dans nos précédents articles le calendrier solaire de Rebecq et le calendrier lunaire de Saintes, tous deux dessinés sur le sol de ces villages brabançons par l’implantation de monuments religieux ou de moulins à vent (voir KADATH nos 56 et 58). L’existence de carrières de porphyre dans la région et les dédi-caces des églises nous avaient amené, pour ex-pliquer ces implantations, à émettre l’hypothèse qu’aux premiers temps de l’évangélisation, des pierres anciennes, certainement objets de culte, avaient été remplacées, à l’endroit même où elles étaient érigées, par des édifices chrétiens, ou encore par des tours comme c’est le cas lors-qu’il s’agit de moulins. Cette hypothèse est maintenant confirmée par la découverte, dans le site de Saintes, d’un calendrier luni-solaire : il est inséré dans la décoration du char que l’on sort chaque année en procession équestre, le dimanche de la Trinité. C’est précisément l’existence de ce calendrier qui a fait que les emplacements des pierres marquant les solsti-ces, les équinoxes, les fêtes saisonnières et même la déclinaison maximale de la lune, ont été précieusement conservés en y érigeant des églises, des chapelles et des moulins ; pour les gens de l’Antiquité, mais aussi pour les Méro-vingiens et les gens du Moyen Age, c’était la seule façon, faute de moyens rapides de com-munication, de connaître la marche du temps, tellement nécessaire dans les sociétés agricoles. Si l’on ajoute à cela qu’à partir du Concile de Nicée, tenu en l’an 325 de notre ère, le calen-drier était devenu « affaire d’Eglise », il n’est pas étonnant que des alignements de monu-ments religieux aient été conservés pour per-mettre de le contrôler, et que ce soit par le tru-chement d’un char religieux qu’il soit parvenu jusqu’à nous. L’ensemble Saintes-Quenast-Rebecq-Wisbecq-Bierghes a constitué jadis un observatoire, peut-être le plus vieux du pays, qui a permis l’élaboration d’un calendrier luni-solaire pratiquement parfait.

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Pose de la châsse de sainte Renelde sur le char, et l’accueil de celui-ci par le clergé de Quenast.

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Petit historique des calendriers. C’est au soleil que l’on doit le jour et la nuit et, à plus longue échéance, les saisons et l’année solaire ; mais c’est à la lune que l’on doit les mois sensiblement égaux, dans les anciens ca-lendriers, à une lunaison (1), et aussi les semai-nes pratiquement égales à une phase visible de la lune. C’est pourquoi, dès la plus haute anti-quité, on tenta d’accorder le calendrier aux mouvements apparents des deux astres... La lune tourne autour de la terre en 29,53 jours*. L’année fut donc à l’origine composée, en ob-servant les lunaisons, alternativement de mois de 29 et 30 jours ; douze mois faisaient ainsi 354 jours. Le calendrier, s’il était facile à suivre dans le ciel, n’allait pas sans inconvénients du fait qu’il ne tenait pas compte des saisons. Au moment où l’homme, de nomade qu’il était devint sédentaire pour s’adonner à l’agriculture, il s’avéra indispensable d’harmoniser le calen-drier lunaire avec la course annuelle apparente du soleil. La terre tourne autour du soleil en 365,242 jours*, mais les Anciens croyaient, suivant ce qu’ils voyaient, que c’était le soleil qui tournait autour de la terre. Par rapport à l’année solaire, le calendrier lunaire présentait chaque année un déficit de 11,24 jours. Outre les ennuis résultant de la confusion des saisons, le décalage avait encore pour effet de reculer la date des fêtes, bien souvent sacrées en ces temps lointains. La mobilité de la fête de Pâ-ques découle de l’observance par les juifs, au temps du Christ, d’un calendrier uniquement lunaire. Le rattrapage des calendriers se fit par intercalations de périodes déterminées dans le calendrier lunaire : les calendriers luni-solaires étaient nés. En Chine, les intercalations apparaissent dès le XXIIe siècle avant notre ère, au cours d’un cy-cle de 19 ans, qu’un astronome du nom de Houa-Hiu-Kiu (2) aurait observé. En Inde, en – 1122, on intercalait deux lunaisons, soit 59 jours tous les cinq ans, mais à cette date les Chinois avaient un calendrier moins imparfait (1)... En Grèce, un astronome du nom de Mé-ton, qui vécut au Ve siècle avant J.C., remarqua que 19 ans, soit 6940 jours, correspondaient à 235 lunaisons**, peut-être avait-il eu vent des observations faites antérieurement en Chine ; peut-être aussi l’avait-il appris des Egyptiens

ou encore... des Celtes. Quoi qu’il en soit, ce cycle est maintenant connu sous l’appellation de « cycle de Méton ». Les intercalations qu’il proposa étaient de sept mois à répartir au cours des 19 ans. Les années intercalaires étaient les 3e, 6e, 8e, 11e, 14e, 17e et 19e. Si ces mois étaient alternativement de vingt-neuf et trente jours, la valeur de l’année était de 365 jours. Un premier cycle de Méton aurait commencé au moment de la première nouvelle lune suivant le solstice d’été, le soir du quinze juillet de l’an 432 avant notre ère. Avant Méton, les Grecs comptaient par douze mois de trente jours, et observaient le solstice d’été ; quand ils trou-vaient que ce solstice d’été s’était suffisamment déplacé, ils ajoutaient un treizième mois à l’an-née courante pour rétablir l’accord par une in-tercalation empirique (3)... Les Egyptiens vin-rent très tôt au calendrier solaire. Leurs prêtres, suivant Strabon, faisaient remonter toute science jusqu’à Hermès ; toute connaissance lui était attribuée quand elle était trop ancienne pour qu’on en connût l’auteur. Il en fut ainsi de l’année de 365 1/4 jours (4). L’astronome grec Eudoxe (IVe siècle) a connu la période qua-driennale — trois années de 365 jours + une année de 366 jours —, dont le renouvellement coïncidait avec le lever de la canicule (Sirius) en juillet.

A Rome, Jules César, conseillé par Sosigène, un astronome d’Alexandrie qui vécut au Ier siè-cle avant J.-C., remplaça en – 44 le calendrier existant par un calendrier solaire, comportant trois années successives de 365 jours et une quatrième de 366 jours dite bissextile. Ce ca-lendrier prit le nom de « calendrier julien ». Cette réforme venait mettre un terme à l’état de désordre incroyable dans lequel était tombé le calendrier romain : Numa (715-672 avant J.-C.), deuxième roi légendaire de Rome, l’a-vait basé sur la lune. Les astronomes romains, peu habiles et ignorants, ne surent pendant plu-sieurs siècles que tâtonner pour passer à la pé-riode solaire. D’abord, on avait distingué dans l’année quatre parties : Martius, le printemps, quand l’armée reprenait la campagne ; Aprilis, l’été qui fait tout sortir ; Majus, le plus grand, le plus fort, l’automne quand tout mûrit ; Junius, l’hiver qui ramène le rajeunissement. Plus tard, on fit des mois de trente-six jours en ajoutant aux précédents Quintilis, Sextilis, September, October, November, December, désignés par leur rang dans la série. Les jours complémentai-res formaient Februaris (2). On retrouve ces appellations dans notre calendrier actuel, et c’est le souvenir de cette époque qui fait que notre neuvième mois est septembre (le

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(*) Aujourd’hui, exactement : 29,530589 jours pour la lune et 365,24219376 jours pour le soleil. (**) Suivant Strabon : dix-neuf années=6940 jours ; aujourd’hui, dix-neuf années=6939,60 jours ; deux cent trente-cinq lunaisons=6939,55 jours.

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septième), notre dixième octobre (le huitième), notre onzième novembre (le neuvième) et notre douzième décembre (le dixième). Quant à Quintilis et Sextilis, ils furent remplacés, en l’honneur de Jules César et d’Auguste, par juil-let et août. César ayant été assassiné peu de temps après sa réforme, ce fut Auguste qui pro-pagea le calendrier julien dans l’Empire. Il ne fut toutefois réellement accepté que lorsque l’Eglise l’adopta. A partir de ce moment, le calendrier devint affaire d’Eglise, et c’est le Pape Grégoire XIII qui le fit modifier en 1582, en l’amputant d’un jour tous les quatre siècles. Ce calendrier est connu sous le nom de « calendrier grégorien » ; c’est lui que nous utilisons encore aujourd’hui. Ce fut à la suite d’un édit de Philippe II, roi d’Espagne et souverain des Pays-Bas, promul-gué en 1575, que la date du renouvellement de l’année fut fixée au premier janvier, à partir de l’an 1576 (6). Jusqu’au milieu du XVIe siècle, le début de l’année intervenait le 25 mars (1), date supposée de l’équinoxe de printemps. Le calendrier grégorien est maintenant admis par la plupart des nations. Il existe cependant des exceptions. C’est ainsi que les Israélites utili-sent encore un calendrier luni-solaire pour fixer leurs fêtes religieuses. Quant aux musulmans, ils sont restés fidèles à un calendrier strictement lunaire, en désaccord presque permanent avec la position des astres. Enfin les hindous, bien qu’ayant adopté le calendrier grégorien, com-mencent l’année le premier juillet (2). Pour en revenir à nos régions, signalons que le dernier en date des calendriers druidiques est le calendrier dit de Coligny, en raison du lieu de sa découverte en 1897. Bien qu’endommagé, ce qui en subsiste est suffisant pour en comprendre l’essentiel. L’année était de 354 jours. Elle commençait à l’équinoxe de printemps (probablement le 25 mars) ; par intercalation de deux mois de trente jours, alternativement tous les deux ans et demi, le lustre de cinq ans por-tait l’année moyenne de 354 à 366 jours. La rédaction de ce calendrier date du IIIe siècle de notre ère. Du moins était-ce la version d’André Savoret (5), mais elle est controversée ! J. Mo-nard donne les détails suivants : le changement de date avait lieu au crépuscule, le début du mois à la pleine lune, et le Nouvel-An interve-nait à la pleine lune suivant l’équinoxe d’au-tomne. Le lustre comprenait 62 mois lunaires, dont deux intercalaires en première et trente-deuxième positions. Le cycle était de trente ans, soit cinq lustres à 62 lunaisons et un à 61 par omission d’un intercalaire. Il aurait été élaboré au Ier siècle avant notre ère (10).

Le char et le calendrier luni-solaire de Saintes. La première mention de la procession de Sain-tes, dans laquelle le char tient la place prépon-dérante, apparaît en 1720 aux livres de prônes conservés à la cure. Cependant, suivant G.P. Speekaert, auteur d’un remarquable ouvrage sur Saintes (7), son origine serait antérieure à cette date. Il en va probablement de même pour le char, dont la date de construction est inconnue. Les seuls renseignements que l’on possède sont relatifs à la châsse de sainte Renelde qu’il transporte. L’élévation de terre de la sainte, morte en 680, aurait été effectuée en 866 par Jean, évêque de Cambrai. Ensuite, Gérard, évê-que du même diocèse de 1076 à 1095, garantit les reliques de son sceau. Mais c’est en 1170 que Jean, évêque de Lobbes, les enferma dans une châsse, qui fut remplacée en 1621, à l’ini-tiative de l’archevêque de Cambrai, François Van der Burg, par une nouvelle châsse en ar-gent massif. C’est elle que nous voyons encore aujourd’hui. On peut donc supposer que le char a été construit à cette occasion ou, s’il existait déjà (ce qui est probable), aménagé et peut-être repeint. La peinture polychrome qui le recouvre et sa suspension par courroies de cuir, très com-mune aux XVIe et XVIIe siècles, corroborent cette hypothèse. Sur la partie inférieure du char, on compte douze disques jaunes qui, à l’évidence, repré-sentent douze mois lunaires ; s’il s’agissait du soleil, les disques, suivant l’image tradition-nelle, seraient entourés de rayons. Sur les six couronnes, peintes au même niveau, on distin-gue également douze disques jaunes, et sur les deux couronnes peintes immédiatement au-dessus, deux fois deux groupes de trois disques, soit en tout quatre groupes qui peuvent symbo-liser la division de l’année en quatre saisons ou en quatre trimestres. Le char porte aussi huit angelots, dont trois sur chacune des faces laté-rales et un sur chacune des faces frontales. En-tre la ligne des angelots et l’invocation de sainte Renelde, Vierge, Martyre, Patronne « de Saintes p.p. n », court une ceinture de couleur rouge, de 7 cm de largeur, sur laquelle on a peint en brun une suite de motifs géométriques ouverts comme dessiné ici faaaa. Sur chacune des parties frontales, ce motif est représenté trois fois en groupes de cinq dont le dernier est fermé fourt, et une fois en groupe de quatre dont le dernier est également fermé. Sur chacun des côtés latéraux, le motif est représenté sept fois en groupes de cinq dont le dernier est fer-mé et une fois en groupe de trois dont le dernier est fermé (figure 1 au verso).

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Ce motif est un dérivé du svastika, emblème du soleil et du mouvement. A ce titre, il peut donc être interprété comme le symbole de l’année. Le svastika est connu, depuis la préhistoire, pratiquement dans le monde entier (8). La plu-part des peuples en firent un objet d’ornement et notamment les Grecs qui, au Ve siècle avant notre ère, l’utilisèrent fréquemment comme motif principal de décoration de leurs vases. Il figure également au pavement de la cathédrale d’Amiens et, jusqu’à la fin du XVe siècle, on le vit sur les ornements ecclésiastiques. Il est donc naturel de le retrouver peint sur un char reli-gieux datant approximativement de cette épo-que. A ceci il convient d’ajouter que trois, qua-tre et cinq, les durées des périodes, comme on le verra plus loin, forment non seulement une triade mais aussi un triangle de Pythagore (32 + 42 = 52) lequel, suivant la légende, était le fils d’Apollon, lui-même représentant le soleil. Dès lors que chacun des motifs est le symbole d’une année, on peut compter 19 ans, trois pé-riodes de cinq ans suivies d’une période de qua-

tre ans, sur chacune des parties frontales du char, et 38 ans, divisés en sept périodes de cinq ans et une période de trois ans, sur chacune des parties latérales : ce qui correspond, respective-ment, à un cycle de Méton et à un double cycle du même nom. Les motifs ouverts représentent les années de 354 jours, et les motifs fermés les années intercalaires. Nous connaissons, grâce à cette ceinture, la périodicité des intercalaires mais pas leur va-leur. A cet égard, une première indication nous est donnée par un autre motif de décoration, les lunes peintes, en principe pour les enjoliver, autour des panneaux portant l’invocation : « sainte Renelde - Vierge - Martyre - Patronne de Saintes - p.p.n » (fig. 2). Ces lunes sont sym-bolisées par deux croissants situés de part et d’autre d’un disque d’or. Autour de « sainte Renelde » et « Patronne », figurant respective-ment à l’arrière et à l’avant du char, elles sont chaque fois au nombre de 45, soit en tout de 90. Autour de « Vierge de Saintes » et « p.p.n », figurant sur les côtés latéraux, elles sont chaque fois au nombre de 48, soit en tout de 144. Au-tour de « Martyre », figurant sur le côté droit du char, elles sont au nombre de 46, constituant ainsi une exception délibérément voulue, pour arriver à un total de 280. Or, si l’on divise 280 par 5, on obtient 56 qui est le nombre de jours à

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Figure 1. Au-dessus des angelots, une ceinture rouge arborant des motifs géométriques dérivés du svastika.

Figure 2. Les lunes peintes autour du panneau, et au sommet, des lunes peintes sur la partie du char destinée à supporter la châsse.

Motifs dérivés du svastika sur un vase grec du Ve siècle avant J.-C.

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intercaler à la fin de chaque période de cinq années représentées, rappelons-le, par quatre motifs ouverts suivis d’un motif fermé... En ce qui concerne les périodes de quatre et trois an-nées, c’est encore plus simple. En effet, les lu-nes peintes en ceinture sur la partie supérieure du char se dénombrent comme suit : 11 lunes sur chacune des faces avant et arrière, et 35 lunes sur chacune des faces latérales. Après quatre années, on intercalera 35 plus 11, soit 46 jours et après trois années, 35 jours. Le calendrier inscrit sur le char, en partant de « sainte Renelde », se lira donc comme suit : 3 périodes de 5 ans avec intercalations en fin de périodes de 56 jours. 1 période de 4 ans avec intercalation en fin de période de 46 jours. 7 périodes de 5 ans avec intercalations en fin de périodes de 56 jours. 1 période de 3 ans avec intercalation en fin de période de 35 jours. 3 périodes de 5 ans avec intercalations en fin de périodes de 56 jours. 1 période de 4 ans avec intercalation en fin de période de 46 jours. 7 périodes de 5 ans avec intercalations en fin de périodes de 56 jours. 1 période de 3 ans avec intercalation en fin de période de 35 jours. Analyse du cycle.

1) Durée et concordance avec le calendrier solaire.

Le nombre de motifs géométriques peints sur la ceinture rouge du char est de 114. Comme des périodes identiques de 57 ans se présentent deux fois, on serait tenté de croire qu’il s’agit de deux cycles distincts. Cependant, le fait que les motifs géométriques de la ceinture rouge enjambent les angles du char nous incite à écar-ter cette hypothèse. Le tout se présente comme s’il n’y avait ni commencement ni fin et comme si le cycle, absolument parfait dans l’esprit de ses auteurs, pouvait se reproduire indéfiniment. Dans ce cas, l’année tropique vaudrait 365,24561 jours et la révolution synodique de la lune 29,530496 jours, valeurs pas tellement éloignées, surtout pour la lune, des données modernes de 365,24219376 jours et 29,530589 jours. De telles différences de l’ordre de cinq minutes par année solaire n’étaient pas sensi-bles au cours d’une vie humaine, ce qui confirme que, pour ses auteurs, le cycle était parfait.

2) Commencement. Suivant la légende, sainte Renelde aurait été martyrisée le 16 juillet 680, et aurait reçu une sépulture décente vingt-huit jours plus tard, le 13 août (9). On peut douter, sans mettre en cause l’existence de la sainte, de l’exactitude de l’année du martyre ; mais ce qui ne fait aucun doute, c’est que le laps de temps de vingt-huit jours qui s’écoule entre le 16 juillet et le 13 août correspond exactement à une lunaison telle que la voyaient dans le ciel les Anciens. En effet, entre le soir où un mince croissant de lune apparaît et le soir où le dernier croissant dispa-raît, il s’écoule exactement vingt-huit jours. Nous en déduisons que le 16 juillet était un jour de nouvelle lune survenant directement après le solstice d’été (21 juin), et que le premier cycle du calendrier luni-solaire de Saintes a commen-cé à cette date, ou plutôt au soir du 15 juillet. Cet événement est rappelé chaque année par la fête votive de sainte Renelde fixée au 16 juillet. 3) Epoque. La parenté du calendrier de Saintes avec le ca-lendrier de Méton commencé en Grèce en l’an 432 avant notre ère (3) est évidente : — le cycle débute dans les deux cas au soir du 15 juillet. — le motif géométrique représentant les années sur le char était très en vogue pour la décoration des vases dans la Grèce du Ve siècle avant J.-C. — les pythagoriciens (VIe siècle avant notre ère) paraissent avoir influencé les auteurs du calendrier dans le choix de la durée des pério-des trois, quatre et cinq, constituant un triangle rectangle parfait. — en 279 avant J.-C., les Celtes ont pris Del-phes et ont ainsi pu avoir connaissance du cycle de Méton. Il existe donc une probabilité pour qu’ils soient les auteurs du calendrier. Cependant, si l’on admet qu’il a débuté à la nouvelle lune visible au soir d’un 15 juillet — comme semble l’indiquer la date de la fête vo-tive de sainte Renelde —, une année où l’orbite de la lune se situait à son point extrême au-dessus de l’écliptique — comme paraît le rap-peler l’alignement lunaire : église de Wisbecq - église de Saintes —, le premier jour du premier cycle aurait été le 16 juillet 1158 avant notre ère***.

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(***) Cette date nous a été précisée par M. De-noyelle, astronome à l’Observatoire Royal de Belgi-que, assisté par M. De Kersgieter qui a effectué les calculs sur ordinateur suivant un programme imagi-né par M. J. Meeus (de Erps-Kwerps), informati-cien. Nous les remercions très vivement pour leur précieuse collaboration.

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Origine et évolution de la procession. La procession de Saintes sort aujourd’hui, cha-que année, le dimanche de la Trinité. La date de cette fête dépend directement de la date de la fête de Pâques, elle-même déterminée par la pleine lune suivant l’équinoxe de printemps (du moins en principe, car en réalité cette date ré-sulte d’un calcul compliqué appelé « comput ecclésiastique »). Cette sortie de la procession ne correspond pas avec la date présumée du début du cycle, le 16 juillet, bien que ce soit, ce jour-là, la fête votive de sainte Renelde. Si la date de la sortie varie, le nombre de jours qui la sépare de Pâques reste fixe. C’est 56 jours, l’in-tercalation à effectuer tous les cinq ans, suivant le calendrier inscrit sur le char. Si l’on retran-che 56 jours du 15 juillet (apparition au soir de ce jour du croissant de lune annonçant le 16), on aboutit au 20 mai. La procession a donc pu, à l’origine, sortir tous les cinq ans, le 20 mai pour annoncer l’intercalation ; à cheval, bien sûr, comme le voulait la tradition chez les des-cendants des cavaliers des steppes qu’étaient les Celtes. En 325, au Concile de Nicée, l’Eglise fixa la règle pour la détermination de la date de Pâques et adopta le calendrier julien. L’année commença alors, dans bien des pays, à la date supposée de l’équinoxe vernal, le 25 mars. Or, le 25 mars intervient précisément 56 jours avant le 20 mai, si bien que la procession continua à sortir à cette date, cette fois non plus pour annoncer une intercalation, mais pour sui-vre un usage consacré. Et quand, en l’honneur du Christ, Pâques fut choisie comme date du commencement de l’année, la date de sortie de la procession devint mobile... Une autre hypo-thèse quant à l’origine de la procession peut être avancée. Telle que nous la voyons aujourd-’hui, le jour de la Trinité, elle a pu commencer en 1170 lorsque Jean, évêque de Lobbes, enfer-ma les reliques dans une châsse. L’abbaye de Lobbes avait une dette de reconnaissance en-vers Renelde qui lui avait fait don de ses biens. Avant cette date, elle a pu sortir le premier jour de l’an pour signifier au peuple qu’une nouvelle année commençait. La date de la procession dépend toujours de la lune, puisqu’elle inter-vient 56 jours après Pâques, son déroulement aussi. Il y a quelques lustres, après que les cavaliers participants eussent entendu la messe, au cours de laquelle trois salves de trois coups de fusil étaient tirées à la consécration, la procession sortait du sanctuaire à l’aube et marchait face au soleil levant. Ce n’est plus le cas aujourd-’hui, pour diverses raisons d’ordre pratique : disponibilité des chevaux, heure d’été, etc...

Mais comme alors, elle tourne toujours à l’in-verse de la rotation de la Terre. Elle parcourt d’abord 7 km (une phase de lune vaut 7 jours) avant une courte halte au bois du Chenois — au nom combien évocateur —, où l’on peut suppo-ser que se déroulaient, aux temps lointains de la préhistoire, des cérémonies religieuses, rempla-cées aujourd’hui par une messe dite dans l’église de Quenast. Elle reprend ensuite sa marche jusqu’à un point extrême d’éloignement balisé par une chapelle datant de 1750, située sur le territoire de Petit-Enghien. Depuis son départ, elle a alors parcouru 14,5 km ce qui, si cela signifie 14 1/2 jours, correspond à la pleine lune. Continuant sa marche, elle atteint après 4,5 km un carrefour à Bierghes. Cet itinéraire n’est plus l’original, celui-ci ayant été englouti dans les carrières. Ce carrefour, où les partici-pants se restaurent, n’est éloigné du bois du Strihoux que de quelques centaines de mètres. Il est donc pratiquement sûr que là aussi de-vaient, jadis, se dérouler des cérémonies reli-gieuses. Après cette halte, par la rue d’Anne-croix, au nom également évocateur, la proces-sion reprend sa marche pendant 7 km, pour re-gagner le sanctuaire. Avant la dislocation, les cavaliers en font trois fois le tour. A propos de la rue d’Annecroix, nous signalons qu’on peut y voir, dans une chapelle installée dans une ancienne tour aménagée à cet effet, un croissant de lune découpé dans une tôle de fer. La droite qui joint cette chapelle au clocher de Saintes est un axe équinoxial, qui a peut-être servi jadis pour la détermination de la date de la fête de Pâques. Une trilogie. Nous voici arrivés au terme de notre trilogie. Ce fut un long décryptage car, si les Celtes et les autochtones qui les ont précédés n’écri-vaient pas, ils utilisaient des idéogrammes très ingénieux. Il a fallu tout d’abord rechercher la signification des alignements de Rebecq, et ensuite, faire ressortir les éléments contenus dans l’extraordinaire triangle constitué par le moulin Derbaix, la ferme de la Grande Haie et l’église de Rebecq (KADATH nos 56 et 59). Il a fallu ensuite, pour expliquer par les mégalithes l’implantation des différents monuments, avoir recours aux dédicaces des églises, très éloquen-tes si l’on sait que saint Martin, patron de Que-nast et de Bierghes, pays des carrières de por-phyre, fut précisément un grand destructeur de mégalithes et que saint Géry, patron de Rebecq, le fut également. Il a fallu enfin décoder le calendrier luni-solaire inscrit sur le char de Saintes.

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Les civilisations qui se sont succédé sur les si-tes de Saintes et de Rebecq émergent mainte-nant lentement des profondeurs du passé. Tout d’abord, il a existé à Rebecq et à Saintes, comme dans beaucoup de pays d’Europe, une civilisation de Mégalithiques, qui ont planté des pierres pour l’observation du soleil et de la lune. Ces pierres ont permis la mesure du temps, et par là, l’agriculture. Les Celtes, qui arrivèrent ensuite sur les lieux, conservèrent soigneusement cet observatoire. Plus tard vint la christianisation, qui respecta localement les valeurs et les traditions des Celtes et des Méga-lithiques, tout en les gardant secrètes. La pé-riode cruciale pour le calendrier se situa sous le dur règne de Philippe II, roi d’Espagne et des Pays-Bas. Après la publication de l’édit de 1575, instituant le calendrier julien et fixant le début de l’année au 1er janvier, il était clair que le calendrier luni-solaire ancestral devait non seulement tomber en désuétude, mais être dé-truit. C’est probablement alors que des hommes courageux, risquant le bûcher, le firent peindre sur le char de sainte Renelde. La ruse réussit et le calendrier, pendant plusieurs siècles, a circu-lé au vu de tout le monde sans éveiller le moin-dre soupçon. Rebecq et Saintes n’ont pas été que des obser-vatoires. Elles ont également été des lieux cultuels : la procession de Saintes, populaire entre toutes car elle appartient au peuple, aucun grand ne l’ayant jamais régentée, en fait foi. Ses cavaliers sont les descendants des cavaliers venus jadis des steppes de l’Asie Centrale. Puisse-t-elle longtemps encore parcourir nos chemins de campagne, emmenant les reliques de sainte Renelde, à travers laquelle transparaît la douce figure de la Dame Eternelle, consola-trice des affligés. Et c’est très bien ainsi.

EMILE JAUMOTTE

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La Vierge placée sur un croissant de lune, dans une chapelle de la rue d’Annecroix, sur le trajet de la procession « luni-solaire » de Saintes.

(1) J. Denoyelle : « Les 400 ans de la Réforme Gré-gorienne ». Ciel et Terre, Vol. 98, pp. 271-282, 1982.

(2) Francœur: « Théorie du calendrier et collection de tous les calendriers des années passées et fu-tures ». Paris, Boret 1842.

(3) Ideler : « Mémoire sur le cycle de Méton ». Lu le 19 octobre 1815 à l’Académie Royale de Prusse.

(4) Letrone : « Nouvelles recherches sur le calen-drier égyptien, son histoire et origine ». Paris, Imprimerie Impériale 1865.

(5) André Savoret : « Visage du druidisme - Histoire et Tradition ». Dervy-Livres, Paris 1977.

(6) Paul Heupgen : « Histoire Populaire de notre Calendrier. Région de Mons (Hainaut) ». Impri-merie du Journal « La Province », Mons 1920.

(7) G.P. Speeckaert : « Saintes en Brabant. Ses origi-nes et son histoire (680-1914) ». Saintes, 1950.

(8) Wilson : « The Svastika ». Report of US National Museum, 1894.

(9) Englebert : « Card. Arch. de Malines ». Par mandement de son Eminence M. Dhanis, prosecrétaire. Malines, le 8 novembre 1851.

(10) J. Monard : « Le Calendrier gaulois de Coli-gny ». Le Triscèle n° 14, janvier 1986.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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PALEOENERGIE

LE MYSTÈRE DES ALIGNEMENTS TELLURIQUES Depuis que des articles paraissent dans KADATH à propos de la Géographie Sacrée, une distinction assez nette a été tracée entre la tradition « astronomique et géométrique » et la tradition dite « tellurique ». Les écrits spéciali-sés au sujet de l’une de ces disciplines se sou-cient en général très peu de l’autre, et vice-versa. A la longue cela devient gênant, dans la mesure où les deux traditions se prévalent des mêmes monuments préhistoriques pour asseoir leurs origines lointaines. La localisation d’un mégalithe, d’un tumulus, peut-elle avoir été le fait, à la fois, de deux approches très différen-tes ? En fait, cette dichotomie heurte surtout notre appréciation logique des choses : l’on a du mal à imaginer qu’un site « sacré » puisse à la fois se conformer à la nécessité de lignes de visées astronomiques vers l’horizon et à la po-tentialisation de nœuds telluriques particuliers situés dans le sous-sol. D’une façon plus prag-matique, l’on peut être plus conciliant. En effet, dans la conception animiste de nos ancêtres, la lune, le soleil, les sources, les arbres, les monta-gnes ainsi que les courants telluriques, auraient très bien pu se trouver sur un même pied d’éga-lité. L’homme préhistorique, tout comme l’abo-rigène actuel, devait percevoir les émanations telluriques sans même l’aide d’une baguette, et ces courants étaient sans doute interprétés comme l’expression de la vitalité de la Terre-Mère. Leur appartenance au panthéon animiste était d’autant plus admissible, que les préhisto-riques avaient très certainement remarqué, avant nos sourciers et baguettisants actuels, que les courants telluriques variaient en amplitude et en direction en fonction de la course du soleil et des phases de la lune (d’où, peut-être, l’ori-gine du concept de la Déesse Terre-Lune, d’ail-leurs). Le prêtre-astronome et le sourcier-sorcier pouvaient donc très bien n’être qu’un seul et même personnage. D’autre part, dans un

pareil contexte, l’on peut très bien admettre que les deux disciplines pouvaient, sans être utili-sées concomitamment, servir d’une manière complémentaire ou séquentielle. Ainsi, l’on peut concevoir qu’il était loisible d’adjoindre à un site choisi pour sa puissance tellurique, des marqueurs à l’horizon pour en compléter la mission astronomique. L’on peut aussi imagi-ner (et le soupçonner très fort comme je l’ai fait, sans hélas pouvoir le prouver), que certains marqueurs intermédiaires, apparemment sans utilité et se trouvant sur une ligne de visée as-tronomique, indiquent le croisement de cette ligne avec des courants telluriques. Ce serait, par exemple, le cas de l’église de Mousty en Brabant, bâtie à flanc de coteau sur une ligne de visée astronomique, au niveau de l’émergence de la nappe phréatique locale. Ce petit préam-bule, d’ordre assez spéculatif convenons-en, pour indiquer que la coexistence des deux disci-plines est parfaitement possible et plausible. Toutefois, comme son nom l’indique, cet article se propose d’aller au-delà de cette cohabitation, et de vous faire part des présomptions en faveur d’une véritable fusion entre les deux traditions, au point que l’on pourra peut-être prouver un jour qu’elles n’en font qu’une seule. De quelques déviations. Avant d’entrer dans le vif du sujet, délassons-nous un peu dans le folklore qui a présidé à l’étude de cette éventuelle fusion. Pour une fois, il ne s’agit pas du folklore de nos contrées, mais bien du folklore agitant périodiquement le milieu qui exploite actuellement l’idée de Géo-graphie Sacrée en Angleterre, et dans le creuset duquel la fusion pourrait s’accomplir. Evidem-ment, il s’agit des ley hunters, gravitant autour de la revue The Ley Hunter, tenue par Paul Screeton depuis les années ’60, ensuite par Paul Devereux depuis 1977. Pour les lecteurs de

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KADATH qui n’ont pas eu l’occasion de lire le premier article consacré à la genèse de la Géo-graphie Sacrée en Angleterre (n° 41), je vou-drais évoquer, tant par nostalgie que par recon-naissance, la figure de ce délicieux gentleman anglais, Alfred Watkins, qui dans les années 1920 a, lors d’une promenade équestre, brus-quement pris conscience des alignements de sites sacrés dans le paysage romantique et val-lonné de son Herefordshire natal. Certes, l’hy-pothèse de base qu’il a formulée — que ces alignements étaient le reliquat d’anciens che-mins préhistoriques —, était-elle en grande par-tie fausse. Certes, ses investigations sur le ter-rain sont-elles truffées d’inexactitudes, tout comme son assez vaste érudition. Mais il n’en reste pas moins que Watkins, même s’il l’a mal interprété, a su reconnaître un usage authenti-que, plongeant ses racines dans les cultes ani-mistes luni-solaires du monde entier, et notam-ment dans la science astronomique des Mégali-thiques telle que redécouverte et analysée par la discipline de l’archéoastronomie. La prédilec-tion obstinée de Watkins pour le « Old Straight Track » (l’ancienne voie droite) est curieuse, dans la mesure où il connaissait l’archéoastro-nomie débutante de Lockyer et de Boyle So-merville. De nombreux alignements couvrant les cartes de ses ouvrages ont des orientations lunaires remarquables, sans qu’apparemment l’auteur s’en soit aperçu. Mais il se pourrait que Watkins n’ait pas voulu s’en apercevoir, car l’on pense maintenant que son entêtement était en fait l’expression d’une crainte bien-pensante que ses découvertes puissent être exploitées dans un sens mystique, religieux, réminiscence du paganisme. Cette parenthèse d’apparence anodine pour dis-culper ce père de la Géographie Sacrée de tou-tes les extravagances ésotériques que les ley hunters d’après-guerre, sous la guidance de Paul Screeton, sont venus greffer sur sa décou-verte initiale. Extravagances tant chauvinistes que nationalistes ou ésotériques. Comme J. Heinsch, géographe sacré de l’Allemagne d’a-vant-guerre, proclamait dans les années ’30 ses « Heilige Linien », Screeton et sa suite exal-taient dans les années ’60 « Proud Albion criss-crossed by mystical lines of power » (la Fière Albion quadrillée par de mystiques lignes de puissance). Ce fut dans ce milieu chauffé à blanc par son mysticisme nationaliste, qu’en 1970 tomba le premier livre largement diffusé au sujet de la tradition tellurique : « The Pattern of the Past » de Guy Underwood (Abacus éd.). Ce fut l’explosion : sans la moindre réserve, sans la moindre hésitation, les ley hunters se

sont approprié des courants telluriques pour les associer aux leys et redéfinir ceux-ci comme étant l’expression en surface de courants d’énergie souterraine. Tout cela ne faisait bien entendu qu’accentuer le caractère légendaire, mystique, sacré et superbement insulaire de la Fière Albion. Je me souviens qu’à cette époque, je faisais paraître de modestes contributions dans The Ley Hunter : le résultat de mes pro-pres recherches, la bibliographie des frères Brou ou de Jean Richer, les travaux d’Yves Rocard sur l’origine électromagnétique du tel-lurisme, les recherches allemandes et suisses sur la géobiologie, etc... (voir « Fong Shui » in KADATH n° 52). Je fis remarquer (dans un article paru dans le Ley Hunter n° 64) qu’il y avait une incompatibilité totale entre les lignes droites des visées astronomiques et les tracés sinueux des courants telluriques. Mais rien n’y fit : un ley était et continuait d’être l’expression d’une mystérieuse force souterraine, il était dégradant de penser que cette énergie mystique pouvait être l’expression d’une variation infini-tésimale du champ magnétique local. D’autre part, et entre parenthèses, l’idée qu’une Géo-graphie Sacrée pouvait exister on the continent ne fit pas bonne impression. Pour autant que je sache, les bibliographies publiées ou distribuées dans les réunions des ley hunters en Angleterre (les « Moot ») au sujet des publications en lan-gues française et allemande, ne sont toujours pas mentionnées dans le texte et les bibliogra-phies des très nombreux livres écrits par les ténors de la Géographie Sacrée anglaise. Clôturons cependant ce passage folklorique en disant que, si le creuset avait explosé à la face des alchimistes amateurs, d’autres alchimistes, plus patients, plus sérieux, poursuivaient des démarches plus discrètes et sans doute plus ré-vélatrices. En effet, l’excitation mystique finit par s’apaiser et l’on passa à l’extrême opposé. Au cours des expériences du Dragon Project, une certaine rupture avec les radiesthésistes s’amorça et, sous l’influence de Don Robbins, seuls le compteur Geiger et le détecteur d’ultra-sons furent encore admis comme moyens d’in-vestigation. Ce faisant, le nucleus des ley hun-ters partait très scientifiquement vers de nou-veaux horizons, que Robert Dehon a décrits par ailleurs et auxquels nous renvoyons le lecteur, vu leur complexité (KADATH n° 51). Malheu-reusement, nos Anglais abandonnaient en cours de route tout le réseau de connexions, d’analo-gies, voire même de liens scientifiques objec-tifs, entre le légendaire des sites sacrés, le fol-klore, les études des pratiques shamaniques, l’immense savoir empirique des radiesthésistes

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et sourciers, la géobiologie, l’électromagné-tisme terrestre, tout ce réseau qui devrait en principe finir par fournir la clef de l’énigme tellurique. Nous disons « en principe », car tout au long de ses ramifications, ce réseau reste en relation avec les pouvoirs réels et (soi-disant) occultes de l’homme. La nouvelle voie de re-cherche des ley hunters, basée sur la radioacti-vité et les ultrasons, ne participe pratiquement pas à cette liaison privilégiée, mais il n’est pas exclu que, par une certaine ironie des recher-ches multidisciplinaires, elle finisse par mieux aboutir. L’apport de Tom Graves. Cette concession honnête étant faite, revenons sans fausse honte à nos radiesthésistes et pen-dulisants. Je ne sais si parmi les radiesthésistes anglais concernés par le ley hunting, il y en a eu qui accréditèrent l’idée qu’un ley pouvait être l’expression d’un tracé rectiligne souterrain. Toujours est-il que l’idée qu’un ley pouvait être autre chose qu’un concept abstrait pratiqué par des prêtres-astronomes devait, une fois lancée, poursuivre son chemin dans l’imagination fer-tile de certains pendulisants. Comme l’exis-tence d’un courant tellurique souterrain rectili-gne fut finalement jugée inacceptable, l’on s’in-téressa à ce qui se passait au-dessus du sol et, eurêka, l’on découvrit au pendule des émana-tions sensibles rectilignes à l’emplacement de leys bien identifiés. D’une façon très appropriée mais peu imaginative, ces courants furent nom-més overgrounds. Tom Graves, radiesthésiste connu de ce côté de la Manche par la traduction en français de son ouvrage de base (« Le pen-dule, technique et applications »), s’appropria cette constatation et, recherches à l’appui, en fit le thème d’un ouvrage subséquent publié chez Turnstone, « Needles of Stone ». C’est un très bon ouvrage qui, malgré son manque fréquent d’objectivité scientifique, malgré des extrapola-tions extravagantes, constitue une compilation condensée presque exhaustive du réseau d’in-terconnexions telluriques connues à ce jour et que j’évoquais il y a un instant. C’est un must pour celui qui lit l’anglais. De manière assez plausible, Graves reprend l’idée, déjà connue, des courants en spirale que l’on découvre dans les pierres levées, les menhirs (et qui justifient peut-être leur appellation de pierres tournantes). A noter, pour l’incrédule, que ces courants sont faciles à vérifier pour quiconque s’intéresse au pendule, même à titre de jeu d’enfant, où l’on apprend simplement à identifier des matières, retrouver des objets perdus, etc... Une expé-rience anodine faite au menhir de Velaine, en bord de Sambre, le confirme. Dans la main

droite de ma fille Anne, douze ans, tout à fait innocente de mes lectures et intérêts, le pendule change l’orientation de son oscillation au fur et à mesure qu’elle déplace sa main gauche de bas en haut sur le flanc de la pierre. L’expérience se renouvelle avec les mêmes résultats à d’autres moments et avec d’autres personnes. Lorsque plusieurs individus touchent la pierre simulta-nément, le mouvement du pendule s’amplifie et avoisine l’horizontale... A partir de cette pre-mière constatation, Graves poursuit en identi-fiant, sur la plupart des menhirs examinés, des plages superposées (sept en général), qui vi-brent à des taux différents. (Les plages se re-

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Interprétation, par deux sourciers différents, des courants overgrounds associés au cercle mégali-thique des Rollright Stones dans l’Oxfordshire (GB). Au-dessus, celle de Charles Brooker dans le Journal of the British Society of Dowsers (n ° 200, juin 1983), et en dessous, celle de Tom Graves dans « Dowsing, techniques and applica-tions » (Turnstone Books, Londres 1976).

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connaissent également sur les confreforts de très anciennes églises). Enfin, l’on discerne au pendule une interaction à distance entre ces pierres, interaction provenant surtout, comme on pouvait s’y attendre, des plages vibratoires supérieures. L’overground se trouve à quelques pieds de hauteur et s’étale, selon les circonstan-ces, sur deux à six pieds de largeur. D’autre part, il y aurait, par les pierres et les édifices, connexion entre le réseau supérieur et le réseau tellurique classique souterrain qui aboutit à ces mêmes monuments.

Tout ceci est plus ou moins corroboré ou ampli-fié par d’autres radiesthésistes anglais publiant dans diverses petites revues spécialisées. Mal-gré cela, il paraît évident que cette découverte dans son ensemble est terriblement sujette à caution, pour diverses raisons. La première, qui m’avait parue la plus évidente à l’époque, est que la trouvaille venait à point nommé combler un vide dans les aspirations mystico-telluriques des ley hunters des années ’70. Après la mise en évidence des mystérieux courants d’Under-wood, l’alignement anodin en surface perdait de son attrait et il fallait que, lui aussi, vibre d’une énergie secrète ! Et ce qu’il fallait... fut. Ensuite, par l’absence de toute allusion à d’an-ciennes publications au sujet des overgrounds, les radiesthésistes anglais confirmaient ce qui peut s’inférer d’une lecture assez diverse de la littérature radiesthésiste générale, à savoir qu’auparavant, jamais un pendulisant ou un sourcier n’avait fait mention de ces over-grounds. Seul le Fong Shui chinois mentionne un rayon dangereux, la « Flèche secrète », mais

il serait provoqué par les crêtes trop rectilignes des bâtiments, ce qui est tout différent. Enfin, last but not least, une objection très importante formulée par Paul Devereux lui-même au Moot de Lewis en 1983 : les pendulisants détectent peut-être par autosuggestion la ligne droite abs-traite tracée sur la carte pour indiquer la pré-sence du ley qu’ils prospectent. Pour ceux qui connaissent un peu la matière radiesthésique, cette supposition est tout ce qu’il y a de plus plausible. De même qu’un bon radiesthésiste peut faire des recherches sur carte ou sur cro-quis représentant un site réel, de même il peut, sur le site, retrouver des indications portées sur le croquis pour autant, bien entendu, qu’il se « branche » mentalement sur le document en question. Mais précisément, c’est souvent là que le bât blesse, car la plupart des erreurs en radiesthésie proviennent justement d’un mau-vais branchement ou d’un branchement invo-lontaire, le cas typique étant celui de l’opéra-teur qui ne fait pas suffisamment le « vide men-tal » et qui, inconsciemment, est encore guidé par ses préconceptions, ses espoirs, sa mémoire.

30 Exemples de bandes d’énergie produisant des overgrounds (extraits de « Needles of Stone ») : a) mégalithe christianisé près de Postbrigde, Devon ; b) pierre n ° 3 à Rollright, Oxfordshire ; c) contrefort du nord-est de l’église de Knowlton.

Courants telluriques se croisant sous le chœur de la cathédrale de Chartres (extrait de « Je vais construire » n ° 90, avril 1986).

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Cependant, après décantation, il apparaît que les deux premières objections ne sont pas les plus déterminantes. Après tout, la confrontation des idées d’Underwood et de Watkins a provo-qué de nouvelles questions, de nouvelles re-cherches, et les radiesthésistes d’antan n’en faisaient peut-être tout simplement pas men-tion, faute d’intérêt pratique et peut-être aussi parce que le sujet était tabou. A l’appui de cette dernière idée, la constatation extrêmement curieuse faite dans un livre de Dion Fortune, occultiste anglais, « Psychic Self-Defense », qui écrivait en 1930 — donc bien avant tout le tohu-bohu tellurique — que dans le cas de mai-sons hantées ou de poltergeist, il fallait vérifier si l’habitation n’était pas située sur une ligne droite reliant deux anciens sites sacrés ! Dans le même contexte, citons tout le folklore celtique des fairy path décrit par Evans Wentz, qui re-late à de nombreuses reprises, les malheurs qui ont frappé les mortels qui, par inadvertance, avaient construit une maison ou une étable sur un fairy path, un « chemin des fées »... D’autre part, l’on ne pourrait, sous prétexte qu’elle date sans doute de l’aube de l’humanité, accuser la radiesthésie d’avoir découvert tout ce qui est à découvrir et d’être devenue une discipline qui stagne. Bien au contraire, elle évolue sans cesse, affine ses méthodes, invente des procé-dés plus sophistiqués comme la radionique, se voit confier, par des sociétés non inhibées par le réductionnisme scientifique, la prospection minière à grande échelle, la surveillance des conduites souterraines, etc... Il apparaît donc que seule la dernière objection est vraiment de taille, car c’est une précaution que pourrait for-muler tout bon radiesthésiste de métier. De Lethbridge à Fidler. Chose étonnante, c’est au lendemain même du jour où Devereux m’exprima très lucidement cet avis, que j’acquis, tout fraîchement impri-mé, le livre qui renverse élégamment, honnête-ment, disons même massivement, la présomp-tion très négative qui pesait sur cette nouvelle recherche. « Ley lines, their nature and proper-ties » de J. Havelock Fidler, cet ouvrage me tenta, portant sur sa jaquette une photographie de soleil couchant par-delà un paysage lacustre avec, à l’avant-plan, la silhouette d’une pierre levée. Je m’attendais à une dissertation d’ordre astronomique mais, avec ce génie très particu-lier des Anglo-saxons qui consiste à traiter les sujets les plus ardus comme des romans de dé-tectives, Fidler m’entraînait dans l’aventure passionnante de sa découverte de la radiesthé-sie, peu de temps après sa mise à la retraite. L’aventure n’était certes guère banale. En effet,

Fidler était chercheur en agronomie, diplômé de Cambridge, rompu par une longue carrière aux techniques de l’analyse statistique, soit en pre-mière présomption un réductionniste scientifi-que de première grandeur, mais heureusement l’esprit très ouvert et intéressé par les phénomè-nes paranormaux. Ensuite, Fidler s’initiait à la radiesthésie sous la guidance d’un auteur égale-ment peu banal : T.C. Lethbridge. Enfin, le retraité avait acquis comme lieu d’élection de son repos bien mérité et de son nouveau violon d’Ingres, une ancienne cure presbytérienne sur la côte nord-ouest de l’Ecosse, complète avec église désaffectée, divers mégalithes, vue sur le couchant, ainsi qu’une quantité astronomique de cailloux de toutes tailles répandus sur le site dénudé de sa propriété. Fidler eut dès lors l’oc-casion de vérifier sur-le-champ les nombreuses expériences que Lethbrigde fit sur des cailloux. A propos de Lethbridge, nous sommes, comme pour Graves, devant une somme qu’il est vain de vouloir condenser ou synthétiser. Une somme de longues et patientes recherches d’un archéologue radiesthésiste anglais, vénérable et honoré pour sa candeur, son honnêteté et sa détermination, tel un bull-dog britannique, à vouloir saisir la vérité. Heureusement, cette somme, sous une forme pas trop résumée, est à la disposition du public francophone dans le best-seller bien connu, « Mystères » de Colin Wilson (Ed. Albin Michel). De toutes façons, je ne puis en dire que ce qui est strictement néces-saire à la compréhension du travail de Fidler. Bien avant que Don Robbins ait été parmi les premiers, sinon le premier scientifique, à expli-citer la nature très particulière du quartz qui, outre sa propriété bien connue de pouvoir trans-former l’énergie, peut également la conserver et stocker de l’information, T.C. Lethbridge ex-plorait déjà, bien avant la guerre, les implica-tions pratiques de cette découverte. En exami-nant au pendule long des centaines de cailloux ayant dû servir, sur un fortin néolithique, aux exercices de tir à la fronde de la jeunesse de l’époque, il conclut que le caillou avait la pro-priété d’enregistrer le sexe du combattant ainsi que son émotion d’agressivité. Chose extraordi-naire, que seul un Anglais est capable de faire, il alla avec sa femme sur la plage proche du Devon quérir, au moyen de pinces à salade en bois pour ne pas les contaminer, des centaines de cailloux roulés, afin de reproduire ses expé-riences et leur donner une valeur statistique. Pour que la pierre, ou le quartz dont elle est faite, voulût bien enregistrer l’information, il fallait l’activer, c’est-à-dire soit la frapper avec une masse, soit la lancer contre un mur.

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Isolé du contexte de l’ensemble des recherches de Lethbridge, cela paraît un peu extravagant. Rassurons-nous cependant, car ces travaux du pendule long sont, sous bien des aspects, des prolongements élégants et bien structurés d’une technique radiesthésique courante qui a connu, en France notamment, des développements pa-rallèles tout à fait inconnus de notre Anglais. Deuxième assurance, Fidler, avec sa réserve inépuisable d’heures de retraite ainsi que de cailloux, reproduisit pour s’en convaincre, les expériences de Lethbridge, et il aboutit par ses séries statistiques aux mêmes résultats : les cail-loux enregistrent bien le sexe et la colère. Paral-lèlement aux vérifications qu’il opérait sur les travaux de son tuteur, Fidler s’initiait toujours, grâce à une bibliothécaire amie, aux idées de Watkins et d’Underwood. Comme l’on s’en doute, la lecture de Watkins le passionna, et il se mit en quête d’investiguer les alignements des nombreux mégalithes qui peuplaient sa ré-gion, les bords du Loch Shieldaig.

Peu friand du travail sur carte, et soucieux de vérifier l’idée déjà rampante que les mégalithes se parlaient entre eux à distance, notre « J.H. » britannique se mit à déceler les alignements en tournant autour des pierres, le pendule à la main. Pendant près de deux ans, au cours d’in-nombrables randonnées, il fit un inventaire très complet de ceux-ci, en reconnaissant que cer-tains d’entre eux avaient bien une signification astronomique. « Mais, se dit-il, il n’y a pas de fin à prospecter d’innombrables leys et cela ne m’avance guère à cerner la véritable nature de ce phénomène ». D’autre part, il se rendit compte, après avoir manipulé des pierres « chargées » à la Lethbridge dans son jardin, que celles-ci « se parlaient » entre elles, et qu’il avait donc inintentionnellement créé son propre ley. Quelque peu abasourdi, Fidler décida d’in-vestiguer à fond cet échange d’information ou d’énergie. En chercheur scientifique chevronné, il prit quelques sérieuses précautions. La première, à vrai dire, ne lui était pas propre mais est inhérente à l’utilisation du pendule long. Pour l’expliquer, il nous faut quelque peu disserter au sujet des hypothèses, déjà partielle-ment vérifiées, émises sur les mécanismes qui président au fonctionnement de la baguette et du pendule. Il est pratiquement démontré que, sur le terrain, le sourcier fait usage de senseurs physiologiques situés au niveau de la tête d’une part et au niveau des reins d’autre part, sensi-bles notamment à d’infimes variations du champ électromagnétique local. Par contre, la « divination » à distance se fait très probable-ment grâce aux facultés extra-sensorielles. D’excellents sourciers, comme le Belge P. Mar-graff, utilisent, selon leurs propres dires, leurs capacités sensorielles à 99 % et leur capacité psi pour 1 %. Ceux-ci, évidemment, ne travail-lent par sur carte. D’autres investiguent aussi bien sur carte que sur le terrain, et l’on ne sait pas, au stade actuel, dans quelles proportions ils utilisent leurs capacités psi ou leurs senseurs électromagnétiques lorsqu’ils investiguent sur le terrain. Quant au pendule ou à la baguette, ils ne font qu’augmenter des informations reçues et retransmises dans l’organisme par l’incons-cient... Une distinction du même genre peut être tracée entre l’utilisation du pendule court (corde fixe de 10 à 30 cm), et le pendule long (corde variable de 10 cm à 1 m). Le pendule court tourne ou oscille en réponse à des ques-tions mentales, et est donc un instrument plutôt approprié aux facultés psi. Le pendule long, utilisé presque exclusivement au-dessus d’ob-jets à examiner, ne se met à tourner que lorsque la longueur de la corde correspond à la

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Alignements de leys entre mégalithes de la région du Loch Schieldaig (extrait de « Ley Lines »).

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« fréquence » de l’objet prospecté. Chaque ra-diesthésiste a sa liste des fréquences, notam-ment pour tous les corps simples. Quelquefois ces listes correspondent, et ce fut le cas pour celles de Lethbridge et de Fidler, puisque celui-ci adopta celle de son tuteur sans devoir la mo-difier. L’on se trouve donc ici devant un phéno-mène où l’objet étudié et le pendule se mettent « en phase » grâce aux senseurs physiologiques du radiesthésiste. Les erreurs dues aux aléas du monde psi, à l’interférence d’un mauvais bran-chement de l’inconscient, sont donc quasi ex-clues et, de l’avis général, le pendule long est un instrument parfaitement fiable. Première précaution donc. Celle-ci s’estompe, hélas, lorsqu’on se retrouve sur le terrain com-bien abstrait de la charge « mâle » ou « femelle » que l’opérateur imprègne à la pierre lorsqu’il la frappe ou qu’il la jette contre un mur. Ce phénomène, allié à celui de la « mémoire des murs », est peut-être purement mental, mais même à ce titre, il est à présent admis par la pensée scientifique d’avant-garde. Cependant, il n’est pas exclu que cette notion de « positif » ou de « négatif », de yang et de yin qui pénètre toute la structure de la matière, puisse être physiquement imprégnée dans le lattis de la structure cristalline du quartz. Il suf-fit, pour s’en convaincre, d’en faire soi-même l’expérience : la fréquence mâle est de 60 cm, la fréquence femelle de 72,5 cm. Mais, pour ceux qui n’ont pas de cailloux vierges à leur disposition, la lecture d’un Lethbridge ou d’un Fidler devrait suffire : les innombrables séries statistiques que mari et femme ont menées pen-dant des années dans un climat de parfaite hon-nêteté intellectuelle. D’ailleurs, à la longue, cette distinction de base ne les intéressait plus, tellement elle était devenue banale : c’était leur attention vers des phénomènes plus subtils qui dominait toute leur volonté et toute leur éner-gie... Deuxième précaution (ou plutôt série de précautions) : Fidler remarqua très vite que les pierres n’étaient pas toutes chargées de la même force car, une fois mis en phase, le pen-dule gravitait autour de la pierre à une distance variable, un cercle de plus grand diamètre indi-quant bien entendu une pierre plus chargée. Il inventa donc un « gyromètre », appareil simple projetant, grâce à une lampe, l’ombre de la masse du pendule sur une règle graduée. En-suite, il impartit sa charge « mâle » d’une ma-nière tout aussi objective en laissant tomber des pierres de poids variables à partir de hauteurs différentes. Puis il soumit les résultats de ses séries statistiques à l’analyse de covariance pour tenter d’arriver à la définition d’une unité de charge.

Pendant qu’il travaillait à ces séries, il se rendit compte que d’un moment à l’autre, pendant une journée ou une période plus longue, la charge décelée dans une même pierre variait dans le temps. Soumettant également ce phénomène à une série statistique, il observa que, soit la charge dans la pierre, soit son potentiel psychi-que, variait en fonction de la course du soleil et des phases de la lune, l’intensité maximale du phénomène se situant à la pleine lune (curieuse coïncidence, n’est-ce pas ?). Il prit donc la pré-caution, avant chaque série de mesures, de véri-fier son potentiel psychique tel que défini par Lethbridge (ainsi que d’autres sourciers), en comptant le nombre de tours qu’effectuait son pendule réglé sur 22,5 cm, après avoir été lan-cé. Il dénomma cette lecture le facteur psi (Ψ) et, en l’incorporant dans ses analyses, arriva à définir une unité de charge, le « pétron », résul-tat d’une formule mathématique simple, incor-porant la lecture du gyromètre (swing), la lon-gueur (c’est-à-dire la fréquence) de la corde (rate), et le facteur psi (Ψ). Ensuite, constatant que l’énergie nécessaire à charger une pierre variait d’une manière linéaire en fonction du poids de celle-ci, il formula l’unité de mesure de la charge totale de la pierre : le « lithon », résultat de la multiplication de la charge expri-mée en pétrons et du poids exprimé en kilo-grammes.

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Le gyromètre de J. Havelock Fidler

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Sur le terrain. Ainsi armé, Fidler s’attaqua à l’analyse du champ d’interaction entre pierres, d’abord entre les pierres soigneusement rangées, étiquetées et disposées à l’intérieur de son église, ensuite entre mégalithes. Tout d’abord, il mesura la charge totale de deux pierres se jouxtant et trouva que cette somme était égale à la moyenne arithmétique des deux charges indivi-duelles, pondérées par le poids de chaque pierre. Ensuite, il espaça les pierres et constata que la charge sur le ley de connexion diminuait d’une manière linéaire avec la distance. Cette loi est donc différente de celle de l’attraction gravifique ou magnétique, ces actions dimi-nuant à l’inverse du carré de la distance. Partant sur le terrain, Fidler s’assura d’abord que la charge dans les mégalithes se trouvait bien dans les limites de la charge que l’homme néolithi-que aurait pu leur impartir en les taillant ou en les dégageant de leur substrat rocheux. Dans ce contexte éminemment plausible, les mesures prises « en campagne » sur de très grosses pier-res se conformèrent aux formules trouvées dans l’église à partir de petites pierres. Mais le cher-cheur alla plus loin : il étudia également la charge de plusieurs pierres alignées, de pierres légèrement décalées par rapport à l’axe, l’effet sur la charge d’un ley produit par un ou plu-sieurs leys recoupant celui-ci sur une pierre pluridirectionnelle. Hélas, il dut finalement abandonner, car les variations de charge dans les pierres et dans les leys devenaient de plus en plus difficiles à analyser au fur et à mesure qu’il passait de situations simples à des contex-tes plus compliqués.

En parfait honnête homme et très conscient du danger d’autosuggestion tel que formulé par Paul Devereux, J.H. Fidler raisonna longue-ment sur la validité de ses recherches. Son inconscient aurait-il pu tout inventer d’avance et abreuver à la petite cuillère, semaine après semaine, son intelligence consciente, pendant que celle-ci procédait à des dizaines de milliers de mesures échelonnées sur plusieurs années ? Aussi voulut-il en avoir le cœur net, et son passé de chercheur en agronomie lui suggéra une solution toute objective : l’influence des charges dans les pierres et dans les leys sur la vie végétale, soit en l’occurrence, sur la germi-nation des graines de moutarde. Ici, fi de toute autosuggestion, l’improbable, après d’innom-brables vérifications et contre-vérifications se produisit : la charge dans les pierres ou dans les leys provoquait, par rapport à des échantillons témoins, de notables diminutions dans le poids des graines germées : jusqu’à 30 % ! Le cycle était donc bouclé, Fidler avait établi de très fortes présomptions en faveur de l’existence d’overgrounds dont, en toute première approximation, l’influence serait néfaste, donc conforme aux données très éparses de l’oc-cultisme et du folklore celtique. Mais la confor-mité s’étend plus loin : Fidler, suivant en cela L e t h b r i d g e , c o n f i r m e l ’ e x i s t e n c e d’« interrupteurs » : des substances qui inter-rompent un ley, notamment le fer et le sel ma-rin. Or, ces substances se présentent précisé-ment à l’avant-plan dans les superstitions de l’homme primitif, le fer étant au début éminem-ment tabou et le seul considéré, de tous temps d’ailleurs, comme un élément purificateur (et pas seulement conservateur). D’autres inter-rupteurs sont les éclats de certains types de quartz comme l’améthyste, trouvés en quantité autour de certains sites mégalithiques… Enfin, encore un dernier rapprochement avant de clôturer cet aperçu d’analogies et de corres-pondances : l’ancienne cérémonie pratiquée encore de nos jours en Angleterre le jour des Rogations : the beating of the bounds, « la frappe des bornes », où tout le village, pasteur en tête, fait la pérégrination des limites de la commune en s’arrêtant à chaque borne pour la battre avec des bâtons. Dans le contexte que nous venons de lire, quel meilleur moyen de rendre ineffaçable la présence d’une borne et de consolider l’enceinte « sacrée » d’une communauté ? Discipline d’autant plus vraisemblable qu’un de ses aspects est confirmé par Tom Graves : lorsqu’un mégalithe a été déplacé de sa position originale et qu’il ne s’en trouve pas éloigné (1 km), il « parle » encore à celle-ci.

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Analyse de covariance montrant la diminution linéaire de la charge produite dans un ley (en abscisse et exprimée en pétrons), par l’écartement progressif des pierres (en ordonnée et exprimée en pieds). (Extrait de « Ley Lines »).

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De propos délibéré ? Il est temps à présent de clore cette assez lon-gue dissertation technique. Si je l’ai donnée, c’est évidemment pour tenir informé le lecteur de KADATH intéressé par les développements de la Géographie Sacrée, mais également pour montrer à quel point l’opiniâtreté et la patience d’un seul homme (aidé de son épouse) a pu enrayer le discrédit et l’ennui dans lequel la recherche radiesthésique des lieux sacrés sem-blait s’enliser en Angleterre. Le plus fort du jeu est que Paul Devereux lui-même a préfacé le livre de Fidler ! Sans doute est-ce son engoue-ment récent pour les ultra-sons et la radioactivi-té qui l’empêche de dire franchement à quel point l’ouvrage préfacé renverse la présomption négative d’autosuggestion, présomption qu’il continue cependant à proclamer comme si de rien n’était. Qu’en conclure ? La tradition astro-nomique et la tradition tellurique de la Géogra-phie Sacrée ne seraient-elles que les deux facet-tes perceptibles d’une antique discipline magi-co-sacrée de manipulation des énergies subtiles venant du cosmos et de la terre ? L’examen des cartes de Fidler démontre que nombre de ses alignements n’ont pas de signification astrono-mique luni-solaire ou même stellaire. Plusieurs alignements visent pratiquement le nord géo-graphique vrai, ce qui exclut la visée d’une étoile « horaire ». Est-ce une raison pour rejeter le fait que les lignes de visées astronomiques remarquables, et plus particulièrement les sols-ticiales (dans l’axe desquelles le soleil se lève et se couche plusieurs jours de suite), auraient pu être, à ces moments, particulièrement acti-vées par des pratiques shamaniques appro-priées, comme la percussion ou le feu rituel ? Or, Fidler découvre que, précisément, deux facteurs autres que la percussion fixent une charge mâle et/ou femelle dans une pierre : l’ai-mant permanent et... le feu ! Le feu des solsti-ces ainsi que d’autres fêtes anciennes est donc peut-être bien plus qu’une alliance symbolique du feu de la terre et du feu céleste, mais une pratique consistant à fixer à un moment privilé-gié l’anima populi dans la pierre, l’âme de ce peuple qui danse autour de la pierre et qui saute par-dessus le feu. L’extraordinaire multiplicité, tout en cohérence, des croyances primitives centrées autour des pierres, du caillou au méga-lithe, ne contredit guère cette idée assez extra-vagante. Une autre hypothèse, sans doute un peu moins hardie, est que les néolithiques-mégalithiques ne tentaient pas de créer des overgrounds, mais qu’au moins ils étaient deve-nus conscients de l’effet produit par l’érection de pierres façonnées à la percussion. Dès lors, des usages secondaires se sont peut-être profi-

lés : pérégrinations initiatrices, dispositifs de guidage, de communication (plus ou moins prouvés par la radiesthésie d’ailleurs) ou de défense occulte. Dans l’état actuel de nos connaissances, ces diverses hypothèses ne constituent certes que des avenues de recherche. Le lien entre le cos-mos, le tellurique et l’homme de la nature (qu’il soit le préhistorique ou l’aborigène actuel), est-il simplement celui d’un émerveillement ani-miste devant les forces, évidentes et moins évi-dentes, de son environnement ? Ou bien cet homme était-il doté du savoir et de la volonté de manipuler, non seulement les forces éviden-tes comme l’eau et le feu, mais également les moins évidentes, comme les courants subtils que nous venons d’évoquer tout au long de cet article ? La tradition nous indique dans quel but il souhaitait les manipuler : dans un but bénéfi-que, soit à la fertilité et la santé, soit à la prati-que shamanique (dont, à son tour, l’un des prin-cipaux buts était également la survivance de l’espèce ou de la tribu). Or, l’appréciation tout à fait scientifique des liens entre le tellurisme et la santé commence à se faire jour, grâce à des institutions de recherches dotées d’instruments adéquats (comme le scintillométre, par exem-ple). Il est rassurant d’apprendre que des géants de l’industrie pharmaceutique comme Hoff-man-Laroche utilisent des sourciers-directeurs (ou des directeurs-sourciers) pour localiser avec succès les sources d’eau lors de l’implantation de leurs nouvelles usines de par le monde. Le travail du sourcier est corroboré par l’instru-mentation adéquate, le tout étant publié dans les revues éditées par la firme. Ces mêmes instituts étudient l’influence des courants telluriques néfastes sur les cas de cancer, et dans certains milieux médicaux particulièrement avertis en Allemagne Fédérale, l’on n’hésite pas à penser que jusqu’à 95 % de ces cas peuvent être liés, à des degrés variables, à l’influence tellurique. L’on peut donc espérer que si les biologistes commencent à collaborer scientifiquement avec les telluristes, les parapsychologues en feront de même. En réalité, certains d’entre eux ont déjà fait d’intéressantes tentatives mais, à ma connaissance, non encore couronnées de résul-tats tangibles. Espérons qu’ils aboutissent et que KADATH aura l’occasion de vous tenir « au courant ». C’est le cas de le dire !

EUGÈNE ZIMMER

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« A Glozel, tu ne fouilleras point ! », titrait le dernier billet que consacra notre revue à la fameuse controverse ouverte depuis 1924. C’était dans le n ° 50, au printemps de 1983, où il fut question, en substance, des difficultés ren-contrées par l’Association pour la Sauvegarde et la Protection des Collections de Glozel (ASPCG) à obtenir le feu vert pour entrepren-dre une nouvelle campagne de fouilles au Champ des Morts. Le sol étant la propriété des Fradin, mais le sous-sol celle de l’Etat — selon la loi française —, la reprise de travaux ar-chéologiques ne peut se faire sans une autori-sation officielle émanant des hautes instances. Comme elle n’arrivait pas, malgré plusieurs demandes en bonne et due forme introduites par l’ASPCG, l’hebdomadaire le Figaro-Magazine dans son n ° 187 (15-21 janvier 1983) s’en prit à M. Jack Lang, alors ministre de la Culture. « Monsieur le Ministre, vous ne pouvez pas étouffer Glozel » écrivait le signa-taire de l’article, Patrice de Plunkett. Qu’ad-vint-il dans le petit monde glozélien depuis cette date ? Hommages. Avant d’y venir, il nous faut saluer la mémoire de trois personnalités disparues. Madame Morlet, l’épouse de feu le Docteur Antonin Morlet, décédée en janvier 1984 ; Antonin Besson, décédé en février 1985 à l’âge de quatre-vingt-dix ans, président fondateur de l’ASPCG et défenseur en 1930 d’Emile Fradin, auquel il fit rendre justice alors qu’il était pro-cureur de la République à Cusset. Antonin Bes-son avait gravi tous les échelons de la magis-trature jusqu’au plus haut, celui de Procureur Général près la Cour de Cassation et de la Haute Cour de Justice ; Henri François enfin, décédé en juillet 1985. Sa contribution à la reconnaissance de l’ancienne-té des objets de Glozel et, partant de là, à la réhabilitation de l’intégrité de la famille Fra-din, fut immense. C’est sous sa direction, rap-pelons-le, qu’eurent lieu au Commissariat à l’Energie Atomique du Centre de Fontenay-aux-Roses, des datations par thermolumines-cence de différents vestiges, conjointement avec les laboratoires du Research Establishment Risø, au Danemark, et du National Museum of

Antiquities of Scotland, à Edimbourg. Enthou-siasmé par notre action en faveur de Glozel, le Dr Henri François nous avait fait l’honneur de sa collaboration en rédigeant pour notre pre-mier livre un texte relatif à ses travaux de data-tions (1). Un « spécial Glozel ». L’année 1983 vit la parution d’une publication annoncée de longue date, dans la série « les dossiers » de la revue Histoire et Archéologie : le n° 74 de juin juillet, superbement illustré, consacre toutes ses pages à « Glozel, l’affaire Dreyfus de l’archéologie » (2). Le magazine comporte une quinzaine d’articles de différents auteurs et spécialistes scientifiques, dont par exemple Antonin Besson et Henri François, mais aussi Danièle Lemercier, du Centre d’Etu-des Nucléaires de Grenoble, qui fit avec son équipe de la prospection magnétique au Champ des Morts en 1974 et ’75, révélant des anoma-lies dans le terrain, où il sera intéressant de sonder un jour ; Henri Delporte, conservateur du Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye ; ou encore Jean-Pierre Adam, directeur du Bureau d’Architecture An-tique de Paris/CNRS ; etc. Félicitons Andrée Faton, rédactrice en chef de cette publication (et par ailleurs membre de l’ASPCG) pour avoir mené à bien ce projet qui contribue da-vantage encore à faire connaître Glozel à un vaste public. Sans vouloir jouer les esprits cha-grins — car ce numéro est un événement heu-reux pour Emile Fradin —, signalons que nous avons pris acte des commentaires de Jean-Pierre Adam qui, acculé par les résultats des analyses d’Henri François et de ses confrères, a été contraint d’admettre leurs explications et de revoir (partiellement) son jugement. N’en concluez cependant pas pour autant que d’anti-glozélien convaincu qu’il était lors de la paru-tion de son livre « L’archéologie devant l’im-posture », l’homme ait changé de camp (3) ! Pour preuve, sa récente déclaration faite à l’une des émissions « Le Boulevard de l’Etrange » consacrées précisément à Glozel et présentées par Jean-Yves Casgha sur les anten-nes de France-Inter, en soirée du 22 mai 1986 : « (...) Les tablettes de Glozel ont entre 20, 25 et 30 centimètres, ça veut dire qu’elles étaient

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Et Glozel ? Petite histoire et actualité

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inutilisables au départ ; il n’existe aucun mo-dèle de tablette à écriture de cette dimension dans aucune civilisation de la planète. Donc, a priori, ces tablettes sont des faux par destina-tion et par usage avant même de savoir quelle est leur date » (!!!) En clair donc : tout ce qui s’écarte de notre connaissance du passé... ne peut être que fumisterie ! Je vous laisse méditer cette consternante interprétation réduction-niste... A Glozel même. Un inventaire des objets conservés à Glozel a été dressé par MM. L. Tixier et C. et P. Dau-gas. Ils ont ainsi répertorié et numéroté 2036 pièces. A la fin de l’année ’83, le musée d’E-mile Fradin accueillit la collection personnelle du Dr Morlet ainsi que ses archives, don de sa fille Madame Pascal-Morlet à l’ASPCG. Un total de 269 pièces mobilières fut dénombré au printemps ’84. En outre, dans le but d’établir l’inventaire exhaustif, une circulaire fut adres-sée à divers musées où l’on sait que des objets glozéliens avaient été prêtés jadis. L’ASPCG a également prié les particuliers pouvant en déte-nir de se faire connaître. Ses responsables pen-sent que le nombre total des vestiges exhumés à Glozel oscillerait entre 2500 et 2800. Et les nouvelles fouilles ? Disons-le d’emblée : à Glozel même, rien de bien neuf ! Pourtant, et sans nul doute pour qu’on ne puisse l’accuser d’être d’une entière mauvaise foi, le ministère concerné (et sur l’insistance de Jean-Michel Belorgey, député de l’Allier) permit la reprise de fouilles-test dans les environs de Glozel. On creusa donc... mais pas là où tout le monde l’escomptait ! En juillet ’83, tout d’abord, grâce à un subside ministériel de 20.000 FF, une équipe sous la direction de M. Jean-Loup Flouest s’installa sur le site dit « Chez Guer-rier » à quelque 600 mètres du Champ des Morts, de l’autre côté du ruisseau du Vareille. En guise de prélude, Danièle Lemercier y fit des relevés d’anomalies magnétiques, comme au Champ des Morts précédemment, au début du mois de juin. Méfiance... ou prudence tout élémentaire, toujours est-il que le Conseil Su-périeur de la recherche archéologique avait désigné une commission scientifique chargée de superviser l’opération des fouilles. Elle com-portait MM. Demoule (spécialiste du néolithi-que), Joffroy (conservateur au Musée des Anti-quités Nationales de Saint-Germain-en-Laye... et anti-glozélien notoire, précise Andrée Fa-ton !), Poursat (directeur des Antiquités Histo-

riques d’Auvergne) et son assistant Daugas, Chapelet (École Pratique des Hautes Etudes), ainsi que des physiciens de Clermont-Ferrand, MM. Fain et Miailles, et un géologue de Bor-deaux, M. Raynal. Rappelons qu’en 1928, on découvrit « Chez Guerrier » une trentaine de galets gravés de figures animales et de signes alphabétiformes. Les emplacements exacts où se firent ces trouvailles ont parfaitement été localisés par Flouest, mais des travaux agrico-les intensifs en ont, depuis, complètement bou-leversé la stratigraphie. « (...) Aucune structure d’habitat glozélien en place n’a pu être locali-sés, mais les déchets retrouvés et d’autres indi-ces ont fourni la preuve d’une occupation hu-maine diffuse dans l’antiquité (plaquette trian-gulaire de schiste, petite hache en pierre gris-vert, lame de silex gris-clair, débris de poterie). La fouille a permis la découverte d’un remar-quable système de cultures en terrasses creu-sées dans le granite, qu’il n’a pas encore été possible de dater. C’est peut-être au cours de ces travaux que des structures glozéliennes fu-rent détruites et des objets ramenés en surface. Ils jonchaient probablement le sol depuis long-temps quand ils furent remarqués en 1927/1928, suite à la curiosité déclenchée par

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Un des galets découverts en 1928 « Chez Guerrier », acquis à l’époque par le Doyen Depéret et déposé à la Faculté de Géologie de Lyon.

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les trouvailles de Glozel », écrivit J.-L. Flouest (4)... La « fouille » en resta donc là, sur ces constatations. En effet, même si le terrain rece-lait du matériel glozélien, celui-ci ne serait d’aucune utilité pour les spécialistes qui veu-lent trouver des vestiges stratigraphiables. Le 18 mars 1984 ensuite, une nouvelle autori-sation fut accordée, toujours dans la perspec-tive d’exploiter des sites éponymes, et permit des investigations dans les souterrains de Puyravel et du Cluzel, proches de Glozel. Flouest et une vingtaine de jeunes archéolo-gues amateurs remirent au jour le chantier de Puyravel au printemps et y poursuivirent les travaux en juillet, puis rouvrirent le site du Clu-zel. Souvenons-nous que ces deux souterrains annulaires avaient livré, jadis, du mobilier glo-zélien bien caractéristique. Hélas, cette fois les chercheurs ne furent guère récompensés — doit-on s’en étonner, en des lieux déjà visités ?! — et il ne fut exhumé que quelques échantillons de charbon de bois qui seront ana-lysés ultérieurement, et des débris divers. Voilà donc pour la reprise des fouilles à Glozel... Lors de mon dernier passage à Glozel, Emile Fradin me dit que Henri François, peu avant sa disparition, avait effectué des tests de datation par thermoluminescence sur quelques objets provenant de la collection personnelle du Dr Morlet. A son grand étonnement, ceux-ci accu-sèrent une ancienneté plus grande que les céra-miques datées par la même méthode en 1974, par son équipe ainsi que par ses collègues da-nois et écossais ! Cette différence pourrait peut-être s’expliquer par le fait que les pièces du Dr Morlet, conservées dans un coffre-fort durant plusieurs décennies, demeurèrent ainsi à l’abri de toute exposition à la lumière, contrairement aux objets gardés dans les vitri-

nes du musée de Glozel depuis plus de cin-quante ans. Ceci n’était, répétons-le avec insis-tance, qu’une hypothèse que Henri François voulait confirmer ou infirmer, mais en tout cas, vérifier. Hélas, il n’est plus là pour le faire... Souhaitons que ses efforts ne resteront pas vains. De même, à moins de ne pas vouloir en savoir véritablement plus et peut-être de mettre tout le monde enfin d’accord, seules des inves-tigations menées au Champ des Morts et dans ses environs immédiats, feront progresser l’af-faire de Glozel. Mais est-ce bien là une volonté unanime ?... Dans l’attente, signalons encore qu’un large public a pu découvrir, ou revoir, les grands moments de Glozel grâce à l’émission de télévi-sion « Contre-enquête » sur TF1, qui diffusa en janvier ’85 le film qui lui est consacré. La se-conde chaîne française, Antenne 2, ainsi que FR3 Rhône-Alpes-Auvergne, avaient également projeté de réaliser un reportage à Glozel dans le courant de cette année. Enfin, le sympathique petit musée de Glozel, à Ferrières-sur-Sichon, a fait peau neuve depuis janvier 1986, et son infatigable guide et gardien, Emile Fradin, at-tend votre visite.

PATRICK FERRYN

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Christian PONSONNARD Président des Amis de la Montagne Bourbonnaise

« GLOZEL, PAR LE PETIT BOUT DE LA LORGNETTE »

« Nous avons voulu regarder Glozel avec un œil nouveau, curieux et amusé à la fois. Nous avons recherché tout ce que Glozel avait pu faire dire, écrire, dessiner, etc... dans les domaines les plus variés et insolites quelques fois avec talent, souvent avec méchanceté et mauvais goût. (...) Tout ceci, la fa-mille Fradin l’a vécu, subi et supporté depuis 60 ans (...) Nous présentons ici un dossier sur Glozel contenant une série de documents originaux témoignant du talent, de l’éclectisme et de l’imagination de leurs auteurs. » Introuvable en librairie : 176 pages de documents et d’illustrations inédits, et une importante bibliographie.

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(à l’ordre de « Kadath »)

Sources. (1) « La thermoluminescence et Glozel », in « Chroniques des civilisations disparues », pages 293 à 298, R. Laffont éd., Paris 1976. (2) Edité par Archéologia S.A., 25 rue Berbisey, F-21000 Lyon. Ce numéro est encore disponible au siège de cette société ainsi qu’au musée de Glozel. (3) R. Laffont éd., Paris 1975. (4) Extrait du compte-rendu des fouilles au hameau « Chez Guerrier », été 1983, in « Les nouvelles de Glozel », bulletin de l’ASPCG n° 6, janvier 1984.

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CIVILISATIONS EFFONDREES

LA FILIÈRE ÉGYPTIENNE AUX SOURCES DE L’ATLANTIDE DE PLATON Il y a quelques années, je préparais une docu-mentation pour une nouvelle de style fantasti-que au sujet de l’Atlantide. J’avais lu que Pla-ton tirait son mythe de l’Atlantide du récit de son élève Critias, lequel à son tour avait décou-vert l’histoire dans un manuscrit inédit de son ancêtre Solon, le grand légiste et fondateur de la constitution athénienne. Critias rapportait que la légende avait été ramenée en Grèce après la visite de Solon en Egypte du Nord, et parti-culièrement à Saïs dans le delta du Nil. Cela se passait entre 593 et 583 avant J.-C. Je me fis la réflexion que s’il y avait quelque nouvelle re-cherche à faire sur la fabuleuse cité disparue, on devait d’abord en chercher les preuves sur la terre ferme, en Egypte ! Si l’on pouvait locali-ser les ruines de Saïs et celles des autres villes visitées par Solon, on pourrait chercher des pa-pyrus originaux ou des inscriptions murales racontant cette histoire. Ce serait certes plus facile de monter une expédition archéologique classique sur les terres bien connues de l’E-gypte, que d’envoyer un navire croiser çà et là sur le vaste et violent Atlantique ! Je commen-çais cependant à m’intéresser plus étroitement aux mythes égyptiens tels ceux du Livre des Morts, dans l’optique d’y trouver des traces de l’Atlantide. Amenti et autres pays de la mort. Les Egyptiens croyaient que leurs morts al-laient en Amenti, le « Pays de l’Ouest » Si l’on s’en réfère à E.A. Wallis Budge dans son livre « Les dieux des Egyptiens ». Budge disait que Amenti, qu’il appelle Amentat, était un lieu appelé « le lieu caché » ; c’était le pays d’un dieu appelé An-Her d’Abydos, qui fut remplacé plus tard par Osiris ; cela remontait déjà à la Ve

ou VIe dynastie. Budge ajoutait que l’idée était de comparer la vie de l’homme au cours de la journée, de telle manière que le coucher du so-leil était comme la mort d’une vie humaine dont l’âme plongeait dans la nuit du trépas ; ce n’était donc pas une conception géographique. Cependant, des auteurs postérieurs avancèrent qu’Amenti aurait pu être un lieu réel, en faisant remarquer que cela avait influencé les mythes grecs. Un bon exemple en est l’Elysion ou Ely-sée, ce « Champ des Bienheureux » situé dans le lointain océan occidental. Selon Martin P. Nilsson, Elysion est un concept pré-grec dérivé finalement des voyageurs crétois, avec une pos-sible influence de l’Egypte. Mais l’Elysée peut être mis à son tour en relation avec le pays de la mort égyptien, qui était une partie de Amenti, une région appelée en fait Sekhet-Aaru, « le Champ des Roseaux » pour utiliser la traduc-tion de Budge, et qui était appelé parfois Aalu, ainsi que le notait Lewis Spence dans son « Atlantide Retrouvée ». Des écrivains tels que Ignatius Donnelly et Le-wis Spence identifièrent Amenti et Sekhet-Aaru à l’Atlantide. Pourquoi ? C’était une île dans l’ouest, mais la description des anciens textes égyptiens est semblable à celle de l’Atlantide de Platon. Voici un extrait du livre de Budge « Le Ciel et l’Enfer égyptiens », qui touche le pays de la mort : « Dans diverses traditions de l’ancienne Egypte, Skhet-Aaru était censée avoir eu sept, dix ou vingt-et-une sections. » Cela peut paraître une coïncidence, mais l’Atlantide était divisée en dix royaumes, si l’on en croit la traduction de Donnelly. Mais une description plus détaillée attira mon atten-tion dans l’article de W.J. Perry parue dans la

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revue Folk-Lore. Perry disait que le nom du ciel en égyptien était Tuat. C’était une longue vallée étroite avec une rivière ; Perry racontait qu’au début, Tuat était située au nord de l’Egypte, mais ajoutait plus loin qu’une autre conception de Tuat en faisait simplement une version cé-leste idéalisée de la vallée du Nil, une espèce d’image en miroir ; Perry ne faisait pas de réfé-rence spécifique à l’Atlantide, mais sa descrip-tion de Sekhet-Hetep, le « Champ de Paix », est remarquablement semblable à celle que donne Platon de la cité d’Atlantis et de ses environs. Sekhet-Hetep était en fait un autre nom de Sek-het-Aaru, ou une de ses parties. Le « Champ de Paix » avait une forme rectangulaire et était traversé par des canaux dont le dernier était alimenté par un courant circulaire. Perry ajou-tait que les pharaons morts s’en allaient en un mystérieux endroit au milieu du « Champ des Offrandes », où se trouvaient d’ailleurs des ré-gions annexes, l’une pour la naissance du dieu de la région, l’autre pour la grande assemblée des dieux. Dans l’histoire de Platon, telle que résumée par Donnelly, on peut lire au sujet de la grande île et de sa capitale, qu’il y avait en son centre des canaux circulaires, et qu’en leur milieu se trouvaient la cité sacrée intérieure et la colline des temples et, en particulier, celui de Poséidon et celui de Cleito, sa reine. Nous de-vons aussi noter que la capitale de l’Atlantide était située dans une plaine rectangulaire cou-pée par un énorme canal d’où partaient des ra-mifications. L’Atlantide avait dix villes gouver-nées par les descendants des fils de Poséidon. J’ai mentionné plus haut la division en dix de Skhet-Aaru, et je voudrais ajouter ici que Budge écrivait dans son ouvrage « Les dieux des Égyptiens » qu’il y avait un ancien texte appelé « Livre de ce qui est dans le monde sou-terrain », qui décrivait les régions de la nuit (elles étaient douze, une pour chaque heure), où existaient des villes mythiques situées dans l’ouest lointain et qui pouvaient être atteintes par bateau. Les textes mythologiques d’Edfou. Maintenant, venons-en à l’élément qui, pour moi, est le plus étonnant dans cette chaîne de coïncidences. Dans la bibliothèque de l’Univer-sité de New York, j’ai découvert un livre intitu-lé « L’Origine Mythique du Temple Egyptien » de E.A.E. Reymond ; il élucide certains anciens textes mythiques inscrits sur les murs des tem-ples de la ville d’Edfou en Haute-Egypte. Ces textes comprennent : « Les Textes des Bâtis-seurs », « Le Livre Sacré de l’Age Primordial des Dieux », « Spécification des Tertres Sa-crés » et « La Venue de Râ dans son domicile

de Ms-nht, parmi beaucoup d’autres. La théorie de Reymond était que ces mythes servaient fon-damentalement un double but. L’un était de rendre compte de la naissance des dieux et de la création du monde, le second objectif de ces mythes étant d’expliquer comment le temple était né et comment il était organisé au début de ces civilisations. D’après Reymond, il y avait là un texte s’occupant d’une déité portant le nom de « Dieu sanctifié », et qui était venue à la vie dès la « Première Manifestation ». Le texte dé-crit la création comme se passant dans une île mythique au nom étrange de « Ile du Piétine-ment » ou iw titi en ancien égyptien. Il y a aussi deux îles annexes appelées « Ile de Com-bat » (iw’he) et « Ile de la Paix » (iw htp). D’un intérêt égal, un mythe grec peu connu est prati-quement identique à l’égyptien. L’écrivain Théopompe de Chios (320 avant J.-C.) écrivit un essai sur les Méropides, lequel est cité dans le « Varia Historia » de l’historien romain Aelius (200 après J.-C.). Nous y trouvons réfé-rence à un continent dans le milieu de l’océan Atlantique qui possédait deux grandes îles : Machimos (le guerrier) et Eusebius (le pacifi-que) ! D’autres mythes de la création à Edfou ra-contaient la naissance du Grand Tertre Primor-dial (h’y wr), un pays pay, domaine sacré des dieux. Reymond précise qu’un pays pay est un pays ihw qui est sous l’eau ! Le nouveau do-maine était appelé Ile des Bienheureux. Peut-être est-ce une coïncidence que les Grecs croient aussi à une Ile des Bienheureux située dans le lointain océan Atlantique ? Reymond cite encore la création d’autres pays pay et en dénombre huit : l’Ile de la Furie, le Château de Chasse, Har-maa, Nebwet, le Château du Mys-tère, la Maison du Combat, Tanen-hotep et le Trône des Deux Dieux. On se rappellera les dix pays qui divisaient l’Atlantide de Poséidon pour ses fils ; deux autres pays pay sont encore mentionnés : Djeba et Wetjeset-neter, ce qui porte à dix le nombre de ces pays, comme ceux de l’Atlantide. Une autre coïncidence est qu’à l’instar du récit de l’édification de la cité d’Atlantis, qui mentionne le creusement de chenaux et de canaux, les mythes égyptiens d’Edfou parlent du creusement de canaux dans l’Ile Primordiale ! Notez aussi que Reymond écrivait qu’un encerclement (sh’bt) par un che-nal contenant de l’eau magique permettait de se défendre contre un démon-serpent ennemi ; Atlantis, dans le récit de Platon, possédait des cercles de chenaux autour de la cité intérieure. Il y a d’autres descriptions de pays pay, et elles correspondent encore mieux aux dix royaumes ;

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ce sont : Le Tertre de l’Unité Rayonnante, l’Ile de Râ, le dd-Pilier de la Terre, la Grande Col-line, l’Arbre d’Huile, Celui-qui-est-riche-en-Râ, Mesen, Celui-qui-rend-les-lieux-prospères, Behdet et le Domaine des Fantômes. Il y a encore une autre coïncidence qui apparaît à la comparaison des textes d’Edfou de Re-ymond et le récit de Platon. Il disait que l’A-tlantide avait sombré lorsque Zeus et les autres dieux avaient été dégoûtés de la déchéance qu’avaient produite l’immoralité et les blasphè-mes des Atlantes. Qui plus est, leur orgueil avait convaincu leur souverain de la possibilité de conquérir le monde entier. Ils partirent donc en guerre, avec le résultat que seuls les vaillants Athéniens purent les arrêter et finalement les défaire. Les Atlantes furent ainsi rejetés dans leur contrée et les Athéniens s’installèrent en Atlantide pour l’occuper. A ce moment, les dieux laissèrent éclater leur courroux sur ce continent, qui sombra en un jour et une nuit d’horreur. Les textes d’Edfou racontent presque la même histoire. Un « Seigneur du Tout » pri-mordial régnait sur le trône sacré posé sur un pilier de roseaux, lorsque l’Ile de l’Oeuf, l’Ile du Combat et l’Ile de la Paix furent envahies par un ennemi et succombèrent ; la consé-quence en fut que les domaines primitifs furent détruits, et qu’un mystérieux objet appelé « Oeil du Son » tomba sur terre. Reymond dit que cela provoqua l’immersion de la région entière, qui devint ainsi la tombe de ces pre-miers habitants semblables aux dieux. Il n’y eut alors plus que des roseaux visibles à la surface de l’eau. Il y a donc là, de nouveau, d’étranges parallèles avec les épopées grecques. Reymond admettait qu’elle ne savait pas ce que l’« Oeil Sonore » pouvait être, excepté que ce n’était ni astral ni solaire. Cela pouvait-il être une météorite ou un astéroïde ? Les chercheurs modernes comme Otto Muck et Eggerton Sykes ont soutenu pa-reille théorie et cet « Oeil Sonore » peut ap-puyer leur idée d’une météorite géante ayant occasionné la destruction de l’Atlantide. De nouveau, la référence aux roseaux, seuls visi-bles après la destruction de l’Ile de l’Oeuf, nous rappelle la description que Platon donne de l’océan Atlantique après l’holocauste atlan-téen : il était boueux, peu profond et rempli de roseaux qui emprisonnaient les navires, de telle sorte que l’on ne pouvait naviguer au travers de la mer comme cela se faisait auparavant. Et, de fait, des savants modernes tel Lewis Spence, ont relié la « Mer des Herbes » de la description de Platon à la Mer des Sargasses. Cette histoire

de roseaux seuls visibles après l’engloutisse-ment de l’Ile de l’Oeuf est donc encore un autre maillon possible dans une chaîne de surprenan-tes coïncidences. Bien sûr, Reymond écrivait que les roseaux étaient la résidence de l’âme de la déité morte, mais ensuite elle ajoutait qu’ils poussaient sur les côtes de l’Ile Sacrée, et qu’il y avait un mot dans les inscriptions, iht, qui signifiait « relique » eu égard au fait que seuls les roseaux étaient restés après l’engloutisse-ment.

Donc, il m’apparaît que les textes d’Edfou sont sérieusement parallèles à l’histoire de l’Atlan-tide de Platon, et qu’ils peuvent avoir constitué la source précise du conte originel que Solon a transmis à ses héritiers et de là, à Critias. Après une étude détaillée du livre de Reymond, je n’ai pas pu trouver la moindre allusion directe à l’Atlantide ou à Platon ; peut-être suis-je le pre-mier à faire un tel rapprochement entre ces deux épopées. Platon lui-même racontait que le conte avait été traduit de l’égyptien par Solon, et que les Egyptiens eux-mêmes l’avaient tra-duit du langage primitif des Atlantes. Crantor, le premier commentateur de Platon, rapportait que l’histoire de l’Atlantide dans sa version égyptienne, était montrée aux touristes grecs de son temps par les prêtres égyptiens, et que la légende était inscrite sur les murs des temples comme pour la série des mythes d’Edfou !

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Carte conjecturale de l’Atlantide dans la mer des Sargasses, selon Lewis Spence.

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Le courroux des dieux. Mais il y a encore d’autres mythes égyptiens qui sont étonnamment semblables à celui de Platon. Le premier est celui de la destruction de l’humanité par Râ. Dans cette histoire, Râ était le roi d’Héliopolis, la cité sacrée d’Egypte. Après un long règne, quoique encore jeune, Râ entendit beaucoup d’hommes blasphémant contre lui et qui ne suivaient pas ses préceptes. Il convoqua alors une assemblée des dieux, qui chargea la déesse Hathor de détruire les blas-phémateurs. Râ fut cependant pris de remords, et il se proposa d’arrêter Hathor en préparant une boisson magique faite d’eau sacrée et de sang humain. Elle était si abondante qu’elle remplissait 700 jarres. Elle fut déversée pendant la nuit et recouvrit les champs environnants. Le jour suivant, Hathor vint et fut intoxiquée par la boisson, de telle sorte que la déesse en oublia sa tâche et s’en alla. Après un autre jour et une autre nuit, les hommes qui étaient restés soumis à Râ firent une alliance avec lui pour châtier les blasphémateurs, et les exterminèrent dans ce que l’on peut considérer comme l’ancêtre de la croisade. Le mythe de la destruction de l’huma-nité par Râ a donc d’intéressants parallèles avec l’Atlantide. Edouard Naville, l’un des premiers égyptolo-gues français, disait qu’il datait des XIXe et XXe dynasties de sorte qu’il précède Platon de plusieurs centaines d’années. Il disait plus pré-cisément que, dans ces mythes, Râ est décrit avec une chevelure bleue (selon Naville, le bleu est équivalent au noir en art égyptien), des os d’argent et la chair d’or. Les murs d’Atlantis étaient faits de pierres blanches, noires et rou-ges : une coïncidence possible encore. Il y a aussi le rapprochement avec les champs inon-dés en une nuit, le concile des dieux et la grande guerre cataclysmique. Un second mythe repris de Naville est tiré du Livre des Morts, un texte d’Héraclopolis. En-core une fois, nous avons un dieu vengeur — dans ce cas : Toum —, qui annonce sa résolu-tion de détruire le monde à cause de la méchan-ceté des hommes. Toum déclare que le monde sera inondé et couvert par les eaux comme cela était au commencement. Seuls Toum et Osiris survivront, et Toum devient un serpent invisible tandis que Osiris devient le roi des ténèbres. Le fils d’Osiris, Horus, héritera du trône de l’Ile des Flammes que son père avait gouverné. Ici, il y a des parallèles avec Edfou : nous y retrou-vons l’Ile des deux Flammes, le déluge qui sub-merge l’Ile de l’Oeuf et les dieux dirigeant le domaine sacré comme s’ils étaient rois.

Un troisième mythe qui ressemble à l’Atlantide de Platon, se retrouve dans l’Encyclopédie Pear des mythes et légendes. A l’époque primitive, le dieu Shou construisit le palais de Het-Nebes à l’est, entre les quatre piliers du ciel. Bien sûr, ce palais est à l’est tandis que l’Atlantide est à l’ouest, mais le reste du conte correspond pres-que exactement à celui de Platon. Par exemple, Shou organise l’irrigation et construit les tem-ples. Ensuite, les fils d’Apep (un serpent démo-niaque) qui venaient du désert, envahissent le pays mais sont défaits par les dieux. Plus tard au cours de son règne, Shou devient malade et aveugle et est remplacé par son fils Geb ; en-suite survient une tempête et une obscurité de neuf jours mais quand l’holocauste est terminé, Geb reconstruit les cités et les temples détruits. Vous avez dit « Atlantide » ? Reste un dernier problème dans ce jeu de coïn-cidences. D’abord, quel était le nom égyptien de l’Atlantide ? Platon disait qu’il ne fallait pas trouver étrange que des noms grecs apparais-sent dans un récit qui décrivait des peuples et des endroits vieux de 9000 ans. Cela était dû à la traduction de Solon au départ de l’égyptien, qui lui-même traduisait l’ancien atlantéen. Le-wis Spence écrivait que le nom « Atlantide » signifiait « Ile d’Atlas » ou plus simplement « Atlas ». Il rapportait aussi le mot Atlas à la racine TAL du mot sanskrit signifiant « pilier ». De ceci, pouvons-nous tirer le nom égyptien de l’Atlantide et par là identifier la légende précise utilisée par les Grecs pour décrire cette civilisa-tion disparue ? Les textes d’Edfou mentionnent quelques noms d’îles supposées mythiques dont j’ai cité quelques-unes. Celle qui est dite avoir été submergée par un désastre cosmique, la chute de l’énigmatique « Oeil du Son », est l’Ile de l’Oeuf, iw swht en égyptien ancien. Une autre coïncidence est la présence, dans le Livre des Morts, d’une obscure référence à une localité apparemment mythique nommée An-tes. Ceci résonne presque exactement comme Atlantis. Chez les écrivains tels que Donnelly, Spence, DeCamp ou Sykes, je n’ai pas trouvé de références à An-tes, de sorte que je crois être le premier à relier ces noms. An-tes signifie, écrivait Budge, « une région inconnue », où une tour de lumière était adorée et où le dieu An était vénéré. Je crois pouvoir mettre en évi-dence une étonnante coïncidence relative au An-tes mythique. Dans son livre « Les Pierres d’Atlantis », le Docteur David Zink se réfère à des expéditions archéologiques menées par lui-même et par d’autres sur l’énigmatique série de plates-formes de pierres qui constituent la vaste

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fondation de 600 mètres de long d’une cons-truction immergée située sous 4 m 50 d’eau au large de Bimini dans les Bahamas, à moins que ce ne soit d’une formation rocheuse naturelle qui se présenterait comme des pavements de style incaïque ou pré-incaïque. La controverse porte sur le fait de savoir s’il s’agit d’une cons-truction de 12.000 ans d’âge ou d’une forma-tion naturelle qui s’est simplement craquelée. Je renvoie le lecteur à l’ouvrage du Dr Zink pour plus de détails sur le site et sur d’autres élé-ments, tel celui d’un bloc de pierre qui montre une rainure de toute évidence gravée à la main sur son bord (Voir aussi KADATH n° 44, NDLR). Le point principal est que le Dr Zink fait référence dans son quinzième chapitre, à de vieilles photos d’une curieuse structure de pierre près du site des plates-formes. Ces vieil-les photos avaient été prises en 1957 par un certain William Bell de Caroline du Nord, qui était allé nager avec quelques amis au sud de Bimini, par 12 mètres de profondeur. Ils arrivè-rent au-dessus d’une colonne, de 10 cm de dia-mètre à son sommet et de 20 à 25 cm à sa base. Bell gratta des dépôts de sédiments marins et trouva une substance grise ; ensuite, il creusa sous la boue de la base et trouva qu’une pro-éminence en forme d’engrenage surmontait la base de la colonne : elle avait 60 cm de diamè-tre ; il creusa 90 cm plus profondément et trou-va une seconde structure dentelée. Vingt dalles de granit furent trouvées dans la boue des envi-rons, et il y en avait beaucoup plus aux alen-tours. Leurs mesures furent estimées de 30 à 45 cm sur 60 à 90 cm et 2,5 à 4,5 mètres. Bell pho-tographia ensuite l’étrange groupe de pierres. A son étonnement, il découvrit que les photogra-phies montraient des éclats de lumière surmon-tant la mystérieuse colonne. Le Docteur Zink rencontra Bell et eut des copies des photogra-phies, analysées par des savants spécialisés dans la physique des rayonnements au Labora-toire National Brookhaven et à l’Agence Natio-nale Océanique et Atmosphérique du gouverne-ment américain. Ils arrivèrent à la supposition que les rayons ultraviolets ionisés avaient aug-menté l’énergie de l’eau, de telle manière que la lumière était devenue visible photographique-ment sans filtres spéciaux. Bell ajoutait que, quelques mois après la découverte de la co-lonne il avait souffert de saignements de nez demeurés inexpliqués. Voilà donc une autre fascinante affaire. An-tes signifie « localité inconnue où était adorée une tour de lumière » et dans un archipel en relation avec l’Atlantide, d’aucuns ont trouvé et photo-graphié une énigmatique colonne lumines-

cente ! J’ajouterai que, il y a 12.000 ans, l’ar-chipel de Bimini faisait partie d’un vaste conti-nent plus grand que la Floride ; ses terres furent submergées, lors de la dernière fonte des gla-ces, par la montée du niveau des océans qui s’ensuivit. Malheureusement, lorsque des expé-ditions ultérieures essayèrent de retrouver la colonne, des courants l’avaient enterrée dans la vase et elle est à ce jour perdue. D’autres indices encore. Encore une autre coïncidence. Il existe une lé-gende médiévale à propos de l’île d’Antillia, l’île des Sept Cités. Spence parmi d’autres, rap-proche Antillia de l’Atlantide. Sur des cartes du XVe siècle, Antillia est dessinée comme une île rectangulaire entourée d’autres plus petites, et d’une allure extraordinairement semblable à celle de l’Ile des Saints, la Sekhet-Hetep de la mythologie égyptienne. Budge montre une carte de Sekhet-Hetep tirée du papyrus Ani, où la plus basse d’un groupe de quatre îles pré-sente des baies et est de forme rectangulaire. Actuellement, Antillia est supposé être un nom dérivé du latin ante insula (« l’île opposée »), mais je me demande s’il n’a pas pu y avoir là une relation avec la légende égyptienne ; c’est un sujet de recherche future. Une autre coïncidence dans cette longue série concerne une récente découverte archéologique due au hasard. C’est le New York Times qui raconte l’histoire. Vladimir Marakuyev, un océanologue soviétique, naviguait sur le bateau de recherche Moskowsky Universitet dans le courant de 1977. Dans le voisinage d’un volcan sous-marin, le mont Ampère, situé à quelque 400 km au sud-ouest de Lisbonne, une caméra sous-marine fut employée au cours d’une re-cherche de routine. Un groupe de photogra-phies, apparemment inattendues, furent prises alors mais ne furent développées et étudiées que deux ans plus tard, sans doute à cause d’un surcroît de travail. Ce qui apparaissait être un mur et un escalier de pierre fut localisé à une profondeur de 60 mètres. En fait, il y avait huit pierres dont quatre étaient carrées et quatre ron-des. Elles étaient longues d’un mètre environ. Une autre photographie montrait trois pierres régulièrement espacées qui semblaient former une partie d’escalier. Un savant soviétique ré-puté, le Dr Aksyonov, directeur de l’Institut d’océanographie de l’Académie des Sciences d’URSS, prétendit que les photographies n’a-vaient pas été prises sérieusement et s’en mo-qua. D’autres savants, non identifiés par le Times, soutinrent au contraire que les structures étaient bien le fait de la main de l’homme et

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constituaient de parfaits exemples d’une ancienne maçonnerie. Savoir si oui ou non cette unique et fascinante découverte archéologique jettera une lumière nouvelle sur l’Atlantide est du domaine du futur. Mais un autre ancien mur de pierre a été retrouvé sous l’eau, et cela peut constituer un autre maillon de la chaîne qui va d’Atlantide en Egypte. Charles Berlitz a écrit dans son livre « Mystères des mondes oubliés » qu’en 1958, sur le côté méditerranéen du détroit de Gibraltar, le plongeur français Marc Valen-tine trouva un mur de pierre au large de la côte marocaine. Il mesurait au moins 12 kilomètres de long, constitué de blocs équarris placés les uns à côté des autres ! Malheureusement, au-cune source n’est donnée. Je n’ai pas pu trouver d’autres références sur ce site. Le maillon final dans cette longue chaîne re-liant l’Atlantide à l’Egypte a été rapporté en juillet 1979 dans le magazine Fate. Ceux qui doutent que l’Atlantide et ses colonies aient pu exister en 10.000 avant J.-C. arguent du fait qu’il n’y avait aucune ferme, aucune cité ni aucune civilisation technologique à cette épo-que. La culture agraire est un des éléments de civilisation et maintenant, Fred Wendorf, un archéologue de l’Université Méthodiste du Sud, a trouvé des traces de plusieurs communautés agraires dans la vallée du Nil, datant d’environ 17.000 à 10.000 ans avant J.-C. ! Ces commu-nautés, d’une vingtaine de personnes environ par implantation, étaient situées sur la rive ouest du Nil. L’apparition et la disparition de cette culture est encore un mystère, comme le reste d’ailleurs son rapport avec l’émergence de la civilisation pharaonique en Egypte. Mais là est notre premier début de confirmation des vieilles légendes et des manuscrits occultes par-lant d’une civilisation ayant vécu des milliers d’années avant la venue des premiers pharaons (1). Pour conclure, j’aurai donc montré que quel-ques mythes égyptiens d’Edfou, et en particu-lier ceux de la création, ainsi que certaines dé-couvertes archéologiques, peuvent servir à pré-ciser l’origine exacte du récit épique de Platon. Je pense que cette fabuleuse saga remonte loin avant Platon et que des découvertes archéologi-ques nouvelles viendront confirmer la véracité de cette histoire. Seul le temps permettra de dévoiler complètement ce qui reste le plus étrange mystère de l’histoire ancienne.

JON D. SINGER (© Pursuit, printemps 1980.

Traduit de l’américain par Jean-Claude Mahieu)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES L. Sprague DeCamp : « Lost Continents ».

Ballantine Books, New York 1975. E.A. Wallis Budge : traduction et édition de « The

Book of the Dead and The Papyrus of Ani ». Rééd. Dover, New York 1967. — « The Gods of the Egyptians ». Ibidem, 1969. — « The Egyptian Heaven and Hell ». La Salle (Illinois), Open Court Publ. Company, 1974.

Martin P. Nilsson : « The Minoan-Mycenaean Religion and its Survival in Greek Religion ». Biblo & Tannen, N.Y. 1971.

Lewis Spence : « Atlantis Discovered ». Causeway Books, N.Y. 1974. — « The History of Atlantis ». University Books ed., N.Y. 1968.

Ignatius Donnelly : « Atlantis : the Antediluvian World ». Harper & Brothers, 1949.

W.J. Perry : « The Isles of the Blest ». Folk-Lore, Vol. XXXII, 1921, pp. 154-5.

E.A.E. Reymond : « The Mythical Origin of the Egyptian Temple ». Barnes & Noble Inc., N.Y. 1969.

Otto Muck : « The Secret of Atlantis ». Times Books, N.Y. 1978. Traduction française : « L’Atlantide, légendes et réalité ». Pion, Paris 1982.

Egerton Sykes : « The Bermuda Mystery ». Atlantis, Vol. 28 n° 3, June 1975, Markham House Press, Brighton.

Edouard Naville : « The Old Egyptian Faith », translated by Colin Cambell. G.P. Putnam’s Sons, N.Y. 1909.

Sheila Savill : « The ancient Near and Middle East ». Pelham Books, London 1976.

David D. Zink: « The Stones of Atlantis ». Prentice-Hall, Englewood Cliffs (New Jersey) 1978.

Michael Craton : « History of the Bahamas ». Collins, London 1962.

Craig R. Whitney : « Soviet Scientist says Ocean site may be Atlantis ». New York Times, may 21, 1979.

Charles Berlitz : « Mysteries from Forgotten Worlds ». Dell, N.Y. 1972.

Fred Wendorf et al. : « Use of Barley in the Egyptian Late Paleolithic ». Science, september 28, 1979, pp. 1341-7.

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(1) Wallis Budge a aussi écrit « Egyptian Ideas of the Future Life » (Keagan Paul, Trench, Trüben & Co Ltd, Londres 1900). Page 176 se trouve une des-cription de Sekhet Aaru (« Champ des Roseaux ») ; on y trouve des fermes, des chenaux, des canaux, ainsi qu’une ville nommée Qenqenqtet Nebt. Budge la situe près du Nil, mais il se posait la question de savoir si c’était un lieu mythique. Cette description me rappelle aussi l’Atlantide. Elle est du Papyrus de Nebseni et date de la XVIIIe dynastie, approximati-vement de l’époque de Toutankhamon.

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REACTIVATION

ARCHEOLOGIQUE

ESSAI DE DÉCHIFFREMENT DU DISQUE DE PHAISTOS

Depuis sa découverte en 1908 par Luigi Pernier dans les ruines du palais de Phaistos, dans le sud de la Crète, le disque de Phaistos n’a pas encore été déchiffré malgré de multiples tentati-ves (1). N’est-il pas vain, d’ailleurs, de s’atta-quer à son déchiffrement, étant donné que le texte est trop court et est rédigé dans une écri-ture qui ne semble apparentée à aucune autre ? Il s’agit en effet de ce que B. Hrozný (1947) appelait « une équation à deux inconnues — langue inconnue, écriture inconnue — en l’ab-sence de toute inscription bilingue ou trilin-gue ». Et il ajoutait : « En pareil cas, estime le Professeur Friedrich..., seul le dilettante ou un esprit chimérique est capable de tenter l’es-sai... ». De même que, en son temps, on avait accusé Ventris (auquel je ne veux pas me com-parer) d’avoir voulu mettre exprès du grec dans le linéaire B, on pourra me reprocher d’avoir voulu faire du sumérien à tout prix. Or, j’aurais préféré trouver un texte en étéo-crétois, en my-cénien, en philistin ou dans une langue asiani-que quelconque ! Mais je n’y trouve « que » du sumérien tardif, dans une écriture faussement archaïque. Lorsque j’ai commencé, vers 1955, à

m’intéresser au disque, j’ai essayé d’appliquer les méthodes de Ventris, en supposant qu’il s’agissait d’une écriture syllabique : je ne suis arrivé à aucun résultat, ce qui ne prouve rien, mais il faut bien dire que jusqu’ici, les autres chercheurs qui ont suivi cette voie n’ont pas trouvé grand-chose non plus. J’ai donc laissé cette histoire de disque au fond d’un tiroir pour ne l’exhumer, à l’occasion d’un « rangement », qu’en 1977. C’est alors que l’idée m’est venue qu’il devait plutôt s’agir d’une écriture de type suméro-akkadien. Evidemment, cette écriture a servi à noter de nombreuses langues (sumérien d’abord, puis akkadien, élamite, éblaïte, hittite, etc.). Il m’a semblé que le sumérien « collait » mieux, mais je me trompe peut-être. Il faudra attendre de trouver, peut-être, un autre texte écrit dans l’écriture de Phaistos, ou encore un texte babylonien du même genre... La meilleure description, à mon sens, qui ait été faite du disque de Phaistos, est celle de Glotz (1923) : « Nous avons un exemple éclatant d’autonomie absolue : il nous est fourni par un disque en terre cuite trouvé à Phaistos. D’où venait-il ? Comment est-il parvenu en Crète ? On ne sait ; mais il est certain qu’il n’a rien de crétois. L’argile n’en est pas indigène. Les ca-ractères hiéroglyphiques qui en couvrent les deux faces, s’enroulent en spirale de la périphé-rie au centre, se suivent de droite à gauche et

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Suite à l’article de Jacques Bury dans KADATH n° 57 : « Le disque de Phaëstos, entre Crète et Sicile », nous avons rencontré M. Sigurd Amundsen, auteur de la tentative de déchiffrement que nous publions ici. Celle-ci était encore inédite au moment de la publication de notre article : nous pensons donc contribuer ainsi à la diffu-sion de recherches, isolées certes, mais élaborées avec toute la rigueur scientifique requise. Le spécialiste y trouvera donc toutes les données voulues (le lecteur peu versé en linguistique pourra aisément les survoler afin de conserver une vue d’ensemble de la démarche et des conclusions).

1) Voir quelques essais dans Chadwick (1976). Certains ont même nié qu’il s’agisse d’une écriture : on a parlé de description astronomique, de notation musicale, etc. Le livre de Chadwick a été traduit.

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présentent les figures d’êtres animés face au lecteur. Ils ont été imprimés au moyen de poin-çons : le scribe avait une série de types mobiles, un pour chaque signe, et son travail tenait plutôt de la typographie que de l’écriture. Au reste, ce disque date d’une époque où Phaistos, comme le reste de l’île, avait déjà renoncé aux hiéro-glyphes, et précisément, il a été découvert en compagnie de poteries M.M.III et de tablettes à écriture linéaire de la classe A. Sur les 45 si-gnes représentés, quelques-uns seulement, de ceux qui n’admettent pas de grandes diffé-rences, comme la fleur, l’arbre ou le poisson, ressemblent aux anciens hiéroglyphes des Cré-tois. Les autres n’ont rien de minoen, ni dans le type des personnages, ni dans la forme des ob-jets : des hommes en tunique courte, de grosses femmes en double jupe, des enfants en chemise, des maisons semblables aux pagodes lyciennes. Tous ces hiéroglyphes sont fortement spéciali-sés, bien plus que ne l’ont jamais été ceux de Crète : les hommes, par exemple, ont des parti-cularités ethniques, la joue tatouée, le chapeau à plumes raides. L’évolution s’est faite ici dans le sens figuratif : les idéogrammes se sont préci-sés, au lieu de se schématiser ; quoique souvent groupés dans un ‘dissématisme’ quasi-syllabique, ils ne sont pas assez mêlés d’élé-ments phonétiques pour tourner en écriture vraiment linéaire. Certains groupes manifestent encore la prédominance de l’image sur le son,

comme la succession de la tête de guerrier, du bouclier et du captif aux mains liées dans le dos. Un tiers des signes paraît ainsi avoir une valeur idéographique. Aussi la simple vue de pareils hiéroglyphes, auxquels s’ajoutent les menottes, l’arc et la flèche, le navire, l’oiseau de proie, suggère-t-elle l’idée d’une expédition entreprise par l’un de ces ‘peuples de la mer’ que mentionnent les documents égyptiens. Peut-être lisait-on sur le disque quelque récit d’aventures. Dès lors, la voie des hypothèses est ouverte. Chacune des deux faces est divisée en sections, qui se terminent quelquefois par un signe de ponctuation : sur l’une, 122 signes sont répartis en 31 sections et 10 groupes ; sur l’au-tre, 119 signes forment 30 sections et 9 grou-pes. Si l’on admet que, sur la première face, le premier groupe remplissant la première section est un exorde, les deux faces portent également 9 groupes en 30 sections. On obtient ainsi un schéma d’une symétrie remarquable, que régit le nombre 3 : on peut donc croire à une compo-sition métrique et, comme le même groupe de signes reparaît trois fois sur une face, à un chant comportant un refrain. N’est-on pas en présence d’un hymne triomphal ? Nous l’avions dit, sur la voie des hypothèses on peut aller loin. Tenons-nous en à ce fait certain : les Cré-tois du XVIIe siècle étaient en relations avec un peuple qui possédait un système d’hiéroglyphes national et autochtone. »

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Le disque de Phaistos au Musée de Héraklion (XVIIe siècle avant notre ère).

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Quel type d’écriture ? La première question à poser, avant toute tenta-tive de déchiffrement, est celle du type d’écri-ture : alphabet, syllabaire ou idéographie ? Chadwick (1976) estime que : « It has also been demonstrated that the total number of signs in the script is greater than the 45 actually used » (ce qui est plausible), et que « statistical techniques indicate around 55 as a probable size for the signary... » (tant que l’on ne sait pas de quelle langue il s’agit, cela devient moins plausible), et enfin que « even higher figures are not excluded » (ce qui est l’évidence même !). Ergo, conclut Chadwick, « the infe-rence that this too is a simple syllabic script is confirmed » (2). Cela ne confirme rien, car si le nombre de signes d’une écriture quelconque devient trop grand, il y a de fortes chances pour qu’il ne s’agisse plus d’un syllabaire. En effet, si l’on essaie, comme on l’a fait, de déchiffrer le disque comme s’il s’agissait d’un syllabaire, on trouve — en supposant que les divisions du texte représentent des mots — une bonne dou-zaine de mots différents qui commencent par la même syllabe, le caractère n° 2, la tête à plumet (voir le numéro des caractères dans le coin infé-rieur gauche des cases de la figure page 49). A moins que le disque ne soit un dictionnaire, cela paraît peu probable. On voit ce que cela peut donner, par exemple, dans une traduction comme celle de Davis (1967), qui suppose un texte en hittite : « Sealings, stamps, I impres-sed, sealings, stamps, my sealings, impressions, I impressed, sealings, I stamped, I sealed, I sea-led... » etc. Ces mêmes considérations s’appli-quent évidemment au cas d’un alphabet. Il ne peut pas s’agir non plus d’une écriture du type chinois, où chaque signe correspond à un mot : avec 45 signes de ce genre seulement, il aurait été presque impossible d’écrire un texte de la longueur de celui de Phaistos. En effet, si l’on prend par exemple les trois premières li-gnes du roman « Minuit » de Mao Dun, on compte déjà 72 caractères différents, de sorte qu’il aurait fallu que le scribe fasse graver plus de 100 poinçons, même si l’on tient compte du fait que le texte présente des répétitions. La seule langue moderne que l’on pourrait ainsi écrire au moyen d’une quarantaine de caractè-res, serait le japonais, que l’on peut écrire uni-quement par syllabes, mais auxquelles on ajoute toujours un certain nombre de caractères chinois (deux ou trois mille). Cela nous ramène à la solution évoquée ci-dessus par Glotz, à savoir qu’il pourrait s’agir d’un mélange d’idéogrammes et de signes syllabiques, comme en japonais moderne. Or, à l’époque du

disque, la grande écriture logosyllabique répan-due dans tout le Moyen-Orient était l’écriture suméro-akkadienne dite cunéiforme. Il ne faut pas oublier non plus la technique utili-sée par l’auteur du disque : il a imprimé chaque signe dans l’argile au moyen d’un poinçon ; on peut donc supposer que son système d’écriture ne nécessitait pas un nombre trop important de caractères et, par conséquent, de poinçons, dont le maniement aurait été trop difficile (3). Etant donné que son écriture n’est apparemment pas un alphabet ni un syllabaire, seule l’écriture de type suméro-akkadien lui permettait d’impri-mer sans avoir à utiliser de trop nombreux poinçons. En effet, en cunéiforme, chaque signe peut être utilisé pour ce qu’il représente, ou représentait à l’origine, mais aussi pour noter un grand nombre de syllabes distinctes, puisque cette écriture est essentiellement polyphonique. De sorte qu’avant de graver un nouveau poin-çon, il pouvait examiner ceux qu’il avait déjà, pour savoir si l’un d’entre eux ne permettait pas déjà de noter la syllabe recherchée. On se trouve en effet dans l’étape qui a précédé l’écri-ture syllabique : chaque signe peut représenter une syllabe, mais l’idée n’est pas encore venue de spécialiser les signes en ne leur en attribuant qu’une seule. La syllabe ba, par exemple, peut s’écrire au moyen de 12 signes différents, mais si l’un d’entre eux (ŠL5) (4) n’a pas d’autre lecture, celui qui est noté bá (ŠL259) peut aussi se lire pa, had, hat, šàg, etc., ainsi qu’idéogra-phiquement, ugula, gidri, etc. Du cunéiforme pseudo-archaïque ? A première vue, les signes de Phaistos ne res-semblent pas aux caractères cunéiformes, même dans leurs formes les plus archaïques qui étaient déjà très schématisées. Or, comme le fait remarquer Glotz ci-dessus, « l’évolution

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(2) « Il a également été démontré que le nombre total de signes du graphisme est plus grand que les 45 effectivement utilisés » (...) « des techniques statistiques indiquent que 55 est un chiffre probable pour le nombre de signes » (...) « même des chiffres plus grands ne sont pas à exclure » (...) « il se confirme qu’on peut en inférer que ceci est également une simple écriture syllabique ». (NDLR). (3) Pour l’emploi de blocs d’impression sur argile, voir Schroeder (1922). (4) Numéro du signe cunéiforme dans Deimel (1928-1933). Les accents et les indices servent uniquement à distinguer les homophones ; ils n’ont aucune valeur phonétique.

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s’est faite ici dans le sens figuratif : les idéo-grammes se sont précisés, au lieu de se schéma-tiser ». Mais on sait qu’à toutes les époques, les scribes mésopotamiens ont eu un goût très mar-qué pour l’archaïsme (5) et, quand ils ne connaissaient plus la forme première d’un si-gne, ils l’inventaient tout bonnement en se gui-dant sur l’un de ses sens. On en trouve un bon exemple dans les tablettes de Nimroud et de Koujoundjik publiées par Houghton (1878) : les scribes d’Assurbanipal, faute de modèles ar-chaïques, ont reconstitué des caractères, par exemple, les divers sens de gir (ŠL444) : « entraves », « partie du foie », « grand vase », etc. (figure ci-dessous).

On peut donc penser que l’auteur du disque de Phaistos, pour donner plus de relief à son sys-tème d’écriture au moyen de poinçons, a voulu lui donner l’autorité d’une orthographe « étymologique » antique. D’ailleurs, s’il avait choisi de mouler les caractères simplifiés de son époque (ce qui se faisait déjà sur les bri-ques), on n’aurait pas manqué de lui faire ob-server qu’il est beaucoup plus commode et ra-pide de les écrire au stylet que d’avoir à mani-puler de multiples poinçons.

Plusieurs signes de Phaistos (figure page ci-contre) évoquent les signes sumériens archaï-ques. Par exemple, le n° 2, tête coiffée d’un plumet, ressemble fortement au signe LU + GAL (homme + grand) = « roi ». La chevelure de la femme (n° 6) fait penser au signe archaï-que représentant la déesse Inanna ou Ištar. La tête chauve du n° 3 ressemble aux têtes sumé-riennes des statues. Le double vase (n° 14) est aussi sumérien, ainsi que le bateau de roseaux (n° 25) et, peut-être, la maison de roseaux (n° 24). Par contre, les autres signes n’ont parti-culièrement rien de sumérien : on les retrouve dans n’importe quelle écriture pictographique. Ma comparaison pourrait s’arrêter là si certains groupes de signes (figure p. 50) n’étaient pas beaucoup plus révélateurs. On remarquera tout d’abord que les nos 31 et 26, oiseau et corne, sont toujours ensemble et apparaissent cinq fois sur la face A. Le n° 31 est toujours suivi du n° 26 qui, lui-même, n’en est séparé que dans la case B11. Or, à ma connaissance, ce curieux assemblage oiseau + corne ne se rencontre que dans l’écriture sumérienne (ŠL78a), où il cons-titue le signe composé u5 qui signifie « chevaucher ». J’avais d’abord pris les signes nos 26 et 36 de la case B11 pour deux signes isolés, mais les mots si-pa ne semblaient pas convenir ici. Par ailleurs, le n° 36 se trouve trois fois après le n° 29 : en supposant que ce n° 36 soit ŠL295, PA, on s’aperçoit que les nos 29+36 sont peut-être à lire ensemble comme ŠL74 (294) màš et que le scribe, par erreur, a divisé ŠL115 sag, « tête », en ses deux élé-ments du cunéiforme tardif (SI + PA). Cette « erreur » du scribe a au moins le mérite de nous indiquer que le n° 29 doit se lire ŠL74 bar, maš. Le n° 45 qui, dans la plupart des écritures de ce genre, représente l’eau, est toujours suivi du n° 7, qui doit donc être un œil vu de profil, et non un casque, ni un sein, comme on l’a cru. On a ainsi ŠL579 (382) ír, « pleurer », « lamentation », etc. On voit alors que les nos 7 + 18 composent ŠL450 pà(d), « réciter »,

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Comme le montre cet extrait de tablettes du palais sud-est de Nimroud et de Koujoundjik (d’après Houghton), les scribes assyriens avaient encore conscience de l’origine picto-graphique des signes cunéiformes. Toutefois, n’ayant pas de modèles archaïques sous les yeux, ils ne pouvaient qu’en imaginer la forme et les reconstituer. Nous avons ainsi, à gauche, ŠLI31 az, « ours » et ŠL444, gir, « pied », « os », « entraves », « grand vase », « partie du foie », et úg, « lion » ; à droite, ŠL444.

(5) Autran (1925) indiquait (p. 46), à propos des caractères élamites : « Le plus remarquable de ses caractères est la liberté dont use le susien à l’égard de l’image babylonienne. Cette liberté qui, fréquem-ment, s’accompagne d’un archaïsme et d’une préci-sion plus accusés, paraîtrait indiquer des écriveurs ayant gardé le souvenir précis de l’image hiérogly-phique intégrale. »

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« nommer », « jurer », etc. Le n° 7 est suivi en B10 du n° 24, « maison », ce qui donne ŠL449 (145) u6, et conduit à penser que le n° 40 qui suit serait à lire nir, donnant u6-nir, « ziggurat ». Le n° 7, « œil », est suivi trois fois du n° 8 : il s’agit sans doute du caractère com-posé ŠL455 ù, de sorte que le n° 8, tout seul, doit représenter ŠL536 túg, « vêtement », « étoffe », et šè, « vers » (direction) (il y a sou-vent eu confusion entre ŠL536 et ŠL537). J’ai supposé que le n° 40, venant juste après u6 (en B10), signifiait nir, « élevé ». Il devient alors difficile de comprendre ce que nir repré-sente après le n° 4, « prisonnier », en A5. D’un autre côté, la séquence 27-27-35 qui apparaît après le n° 2 lugal, « roi », plusieurs fois, en A29 par exemple, rappelle la phrase courante lugal... kur-kur-ra, « roi... de tous les pays ». Si c’est bien le cas, pourquoi utiliser un dessin qui évoque ŠL7 kuš, « peau », au lieu de ŠL366 kur, « montagne », « pays ». Mais on sait (voir par exemple Jestin (1954) p. 61) que le š sumé-rien n’est pas une fricative, mais une liquide ressemblant au ř tchèque de Dvořak, par exem-ple (6). Cela signifierait que pour l’auteur du disque, kuš = kur, c’est-à-dire [kuř], et que ne sachant pas représenter « pays », il a choisi l’homophone kuš. La même confusion a dû se présenter pour nir et pour ŠL211 gìš, uš, nitağ, « mâle » : le dessin représentant en fait des tes-ticules. Etant donné que le poisson représente ŠL589 ğa, la lecture lá-nitağ-ğa, « prisonniers mâles », semble s’imposer en A5. La lecture kur nous donne évidemment celle du n° 35 : ra. Signe par signe. Examinons maintenant chaque signe dans l’or-dre numérique. N° 1 : homme marchant ou courant ; en fait, comme ce signe semble être complément pho-nétique en A15 (umbin-na) et en B12 (An-na), il représente simplement l’un des sens de ŠL70 na, « homme » (alors que le sens archaïque de ce signe semble être « pierre », « stèle »). N° 2 : comme nous l’avons vu = ŠL151 lugal, « roi ». N° 3 : tête d’homme marquée de deux points sur la joue ; étant donné que « tête » est repré-senté en B11 par SI + PA, doit correspondre à

ŠL15 ka, « bouche » et dug4, « parler », « dire », etc. Les deux points indiquent donc la bouche. N° 4 : manifestement ŠL481 lá, « prisonnier ». N° 5 : enfant, ŠL144 ; étant sans doute le verbe de la phrase, est à transcrire tur, « rapetisser », « réduire ». N° 6 : étant suivi de -ra ou de -ru, semble de-voir être lu Ištar plutôt qu’Innana. N° 7 : œil = ŠL449 igi, ši, si17 (en Al1) et pro-bablement lam5, en B1 (ce qui évitait à l’auteur de graver un poinçon spécial pour lam). Entre en combinaison avec le n° 24 pour donner ŠL449(145) u6, avec le n° 18 pour donner ŠL450 pà(d), avec le n° 8 pour, donner ŠL455 ù, avec le n° 45 pour donner ŠL579 (382) ír et avec le n° 15 pour donner ŠL44 (aga2, + igi), silig, Asar. N° 8 : ressemble à une main ou à un gant, mais est en fait, comme le montre sa combinaison avec le n° 7 (ù) , ŠL536 túg , « vêtement » (« toison » dans bar-túg-gi en B19), šè, « vers » (direction). N° 9 : représente une houe (il existe un signe similaire en égyptien) ; = probablement ŠL298 al, préfixe verbal du sumérien tardif en B17. N° 10 : venant en A14 et en A20 après lugal kur Má- (le bateau, ŠL122, n’a que la lecture má), est certainement à lire ŠL143 gan (Mágan) et ğé, qui donne les optatifs en A28 et A31. N° 11 : arc ; doit être ŠL439 ban, « arc ». N° 12 : on ne voit pas très bien ce que ce signe peut représenter : un bouclier, une aire à grains, une meule, un pain, un disque d’argile ? Etant donné qu’il apparaît après des mots comme nir, ír et bur, on pourrait penser à -re ou -ri, puis-qu’on a déjà -ra et -ru, mais il semble que -e donne de meilleurs résultats : on a ainsi lugal-e, u5-e, etc. Toutefois, ŠL308 e ayant pour pre-miers sens « terrain entouré d’une digue », ou « fossé d’irrigation », le signe aurait dû être carré et non rond. Les autres sens de e n’évo-quent pas non plus d’objet typiquement rond. N° 13 : qualifié de gourdin par divers auteurs, mais pourrait aussi bien être un épi ; entre plu-sieurs solutions, j’ai choisi le roseau, ŠL85 gi, qui donne un complément phonétique satisfai-sant dans bar-túg-gi, « toison », en B19. N° 14 : double vase (selon Deimel) caractéristi-que de ŠL359 Uri, le pays d’Akkad. N° 15 : hache ; pourrait représenter ŠL347 aga ou ŠL595 aga2, mais semble entrer en composi-tion avec le n° 7 pour former ŠL44 silig, Asar. (Deimel exclut que ŠL44 soit un composé uru + igi, et penche plutôt pour ğišgar ou pisan. Mais je pense que les formes archaïques de ce signe sont très proches de aga2) (7 au verso).

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(6) Il faut remarquer que les deux signes bar et maš, qui étaient distincts à l’origine, se sont confondus sous le même signe ŠL74, ce qui indiquerait qu’ils avaient peut-être une prononciation très proche : [mbař] ?

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N° 16 : poignard ; dans ses deux apparitions (B6 et B14), est précédé de bur, « vase », et suivi de šub ; il s’agirait donc de ŠL126 tag, « offrande », premier élément de tag... šub, « verser une offrande ». N° 17 : semble être une anse ou une oreille ; ŠL383 ğeštu, « oreille », « entendement ». N° 18 : boomerang ; ŠL68 ru, šub. N° 19 : ŠL12 tar, « route », « couper », « décider ». N° 20 : vase ; les stries font penser qu’il s’agit de la forme « gunû » ŠL349 bur. N° 21 : on ne voit pas ce que ce signe repré-sente, mais étant donné sa position en A17 et A29, paraît être ŠL313 gé, notant le génitif + e. N° 22 : semble être ŠL554 mí, « femme » ; cf. la forme archaïque de ŠL555, « matrice », « giron ». Sa présence devant màš-ù en B21 et B26 fait penser qu’il s’agit en fait de maš-ú, « chevreau », et que l’on a ici mí-máš-ù, « chevrette ». Entre en composition avec le n° 25 (má) en B4 pour former ŠL564 sigil, « pur » (confusion fréquente entre má et si). N° 23 : ŠL342 ma (représente un poids ?). N° 24 : maison, ŠL324 é. Entre en combinaison avec les nos, 20 et 35 en B13 pour former ŠL259 éburra, « maison des libations », avec le n° 33 en B5 pour former ŠL200 Nanše, et avec le n° 29 en B13 pour former ŠL40 ukkin, « assemblée » (ces juxtapositions de signes per-mettaient au scribe d’éviter de graver des carac-tères supplémentaires). En B25, semble être le complément phonétique ba, valeur qui semble attestée par Ea, tablette III, ligne 241 (MSL XIV, page 313). N° 25 : ŠL122 má, « bateau ». N° 26 : ŠL112 si, « corne » ; n’apparaît qu’en composition. N° 27 : comme nous l’avons vu, représente à la

fois ŠL7 kuš, « peau » (utilisé au lieu de ğiš « bois », en B12 devant má, peut-être pour indi-quer un bateau en cuir) et ŠL366 kur, « pays », et gìn, « pur ». N° 28 : ŠL92b umbin, « sabot », mais aussi « roue », « chariot ». N° 29 : sa présence en B18 devant le n° 36, qui semble être ŠL295 (pa) en raison de sa compo-sition avec le n° 26 en B11 (SI + PA = sağ), indiquerait qu’il s’agit de ŠL74 bar, maš. (Le signe représenterait donc une tête d’ovin). Pour les raisons indiquées ci-dessus sous le n° 22, màš semble être une erreur pour ŠL76 máš, « chevreau ». Cette répétition de màš-ù plu-sieurs fois sur la face B semble faire écho à celle de lugal-e u5 sur la face A. N° 30 : bélier, ŠL537 lu, ce qui donne en B27 al-lu, « cuit », en parlant de briques (sig4-allu). N° 31 : oiseau volant ; n’est utilisé que pour former ŠL78a u5, « chevaucher ». N° 32 : oiseau sur ses pattes = ŠL79 nam, nom-breux sens, sert à former des mots abstraits. En A12, semble avoir le sens de ŠL79(13) « sich erheben » ; en A23, nam-ru serait peut-être ŠL79(48b) u-ru-uk. N° 33 : poisson = ŠL589 ğa. Complément pho-nétique en A5, marque de l’optatif en A18 et partie d’un signe composé en B5. En B7, repré-sente peut-être ŠL N766 giš-ğa, « bois de la délivrance », nam-giš-ğa en B16 étant peut-être synonyme de nam-búr-bi, « rite de déli-vrance ». N° 34 : mouche = ŠL433 nim, Elam. Pour nim qualifiant des ovins, les auteurs traduisent di-versement : udu-nim, « mouton élamite » ou « des hautes terres » (Lambert 1968), sila4 nim, « agneau de printemps » (Labat), sila4-nitağ-s i la4-nim , « agneau (mâle) déjà grand » (Rosengarten (1960). N° 35 : ŠL328 ra. Le signe semble reconstitué d’après les formes tardives, étant donné qu’à l’origine, ŠL328 se composait de UDU + SI. N° 36 : ŠL295 (pa) ; comme expliqué plus haut, ne sert que comme élément pour sağ et màš. N° 37 : ŠL312 kalam(a), « pays », Sumer. Cette interprétation du signe (une sorte de chardon) est tardive, étant donné que le signe archaïque se composait de é + nun. N° 38 : étoile = ŠL13 an, « ciel », « dieu », dieu An, et comme suffixe, am6. N° 39 : en raison de sa présence devant « arc », en A13, représente sans doute ŠL296 ğiš, « bois ». N° 40 : comme expliqué plus haut, représente à la fois ŠL211 ğìš et ŠL325 nir = [niř] ? N° 41 : os ; ŠL444 ğìr (voir la figure plus haut). N° 42 : semble représenter la voûte céleste,

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(7) Autran (1925) note : « L’on ne saurait, par suite, être très surpris de retrouver en Sumer, tout comme en Arménie, dans l’Urartu, chez les Cosséens, en Canaan, voire en Méditerranée préclassique, peut-être dans l’atr-ium romain, ce vieux nom sacré du feu, élément prêté par le ciel à la terre, sous la forme bien connue (ŠL44), soit Asar, ou mieux dAsar, avec le déterminatif divin (ŠL13). Le signe en ques-tion sert, on le notera, à désigner à la fois le dieu de la tempête et le dieu du feu. » (...) « Fait remarqua-ble, le survivant persan moderne de l’atar-š avesti-que : taš a, dans le Shahnameh, le sens de « hache ». La conscience populaire restait donc imprégnée de la vieille conception du monde, suivant laquelle la « hache fulgurante » était le véhicule des énergies célestes auxquelles la terre et les hommes devaient la fécondité, la vie, la richesse. » (pp. 126 et 127).

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ŠL427. En B9, semble devoir être lu síl ; síl-má, « ombre du bateau », « protecteur du ba-teau ». N° 43 : semble être ŠL5 ba, complément pho-nétique. N° 44 : tête d’âne = ŠL425 kiš. N° 45 : eau ; ŠL579 a, ne se trouve que devant le n° 7 pour former le mot ír. Retour d’expédition guerrière ? Comme indiqué plus haut, le disque est daté du minoen moyen III, c’est-à-dire d’une période correspondant à peu près à celle de Hammura-pi, ou légèrement postérieure. A cette époque, le sumérien était devenu une langue livresque et liturgique, que l’on peut comparer à notre latin

du Moyen Age. L’auteur du disque, qui devait donc être un akkadophone, semble avoir hésité sur la prononciation (par exemple entre r et š : kur / kuš, nir / ğiš) et sur le texte qui, comme le montre Duhoux (1977), a été corrigé en plu-sieurs endroits. Etant donné qu’il s’agit de su-mérien tardif, et que j’ai certainement commis des erreurs de transcription (ou que je me suis complètement trompé), le texte n’est pas facile à traduire. Dans la face A (qui n’est pas forcé-ment la première), il semble qu’un roi, fait pri-sonnier, est délivré grâce à Ištar et reconquiert Akkad et Sumer après avoir abattu le roi de Magan. Dans la face B, un roi fait diverses liba-tions et offrandes (de délivrance ?) en présence de représentants d’autres pays.

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FACE A : lugal-e gi-na šub / é-nir-e / bar Ír / maš-maš-nim / O roi, dépose des offrandes régulières : dans la chapelle, du côté d’Ir, des che-vreaux élamites. lugal-e lá-nitağ-ğa / kur Ír-e / kur Kiš-šè / Kiš-šè / O roi, les prisonniers (mâles), dans le pays d’Ir vers le pays de Kiš (kur Ír-e : cf. kur Ír-ra en B2 ; je ne vois pas de quel pays (éventuellement) il s’agit ; peut aussi se lire er, šeš, isiš ou eseš). lugal-e Ištar-ru (?) / u5 ra / lugal-e ğir tar-ra / O roi, (par ?) Ištar, ayant été transportés, ô roi, ayant tranché (tes ?) liens (un signe gratté, illisible, après Ištar-ru : toutefois,

cette lacune aurait peut-être pu contenir les signes ğeštu-tar (ou équivalents) de A24. u5-ra : ra est peut-être le suffixe emphatique mentionné par Jestin (1954) p. 169). na-ğir uš-si17 / lugal-e nam-ma-am6 / ğiš-ban / non entravé, lève-toi ; ô roi, t’étant dres-sé, (de ton) arc lugal kur Má-gan ma-šub / umbin-na / lugal-e u5 / le roi du pays de Magan tu as abattu. En char, ô roi, chevauche. lugal-e kur-kur-ra kalama-gé / ğa-ma / lugal-e u5 / O roi, de tous les pays et de Sumer, sois nommé ; ô roi chevauche. (ğa-ma = ğa-mu-a)

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Le texte du disque de Phaistos transcrit en cunéiforme « normal ».

1-4 5-7 8-10

11-13 14-16 17-19

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lugal kur Má-gan ma-šub / umbin-na / lugal-e u5 / Le roi du pays de Magan tu as abattu. En char, ô roi, chevauche. lugal-e kur Uri nam-ru kur / Ištar-ru ğeštu-tar / u5-e / O roi, le pays d’Akkad et (Uruk ?) conquiers : par Ištar tu es écouté, che-vauche. (nam-ru : ŠL79(48b) signale la lecture u-ru-uk ; ğeštu-tar : tar est peut-être à lire sila : cfr. ğeštug-sir4-sila3 cité par Jestin (1965) p. 45. Ces deux signes (ğeštu-tar) auraient peut-être pu tenir dans la lacune mentionnée ci-dessus en A8) lugal-e gi-na / ma-tar-ra / ğé-dug4- am6 / O roi, légitime, tu as tranché, qu’on le proclame ! lugal-e kur-kur-ra kalama-gé / gi-na / ğé dug4-am6 / O roi, de tous les pays et de Sumer, (tu es) légitime, qu’on le proclame !

FACE B : lugal-e mí-nita-lam5 / kur Ír-ra / lugal kalama ma-tur / O roi, époux du pays d’Ir, le roi de Sumer tu as réduit. sigil gìn / Nanše bur-e / tag ma-šub-ba / Pur, lavé, à Nanše, une libation, en of-frande, tu as versé. gi-na giš-ğa / Asar gi-na šub / mí kalama síl-má / Des offrandes régulières, le bois de la délivrance, à Asar, comme offrande ré-gulière, ayant déposé, la princesse de Sumer, protectrice du bateau, u6-nir-ra / lugal sağ-uš / kuš-má An-na / dans la ziggurat, (et) le roi, soutien du bateau d’An, ukkin é-bur-ra / tag Uri šub / bar Ğa-na / (ainsi que) l’assemblée dans la maison des libations, l’offrande d’Akkad ont déposé. Le pays de Hana, Ištar-ra nam-giš-ga / lugal al-gìn-na / màš-ù / à Ištar, le rite de délivrance ; le roi, puri-fié, un chevreau bar-túg-gi / bar Ír / mí-màš-ù / à toison ; le pays d’Ir une chevrette ; kur Elam-ma má / pà-ra / igi Ír / le pays d’Elam, un bateau, ont consacré. Du côté d’Ir igi ma-šub-bax / mí-màš-ù / al-lu ğiš- šub igi /

ayant regardé, une chevrette devant (l’autel de briques cuites ?) ; (al-lu ğiš-šub n’est pas clair : peut-être faut-il sous-entendre sig4 ; cf. sig4-allu, « brique cuite », ğiš-šub étant pour ğiš-(ù)-sub, « moule à briques ». L’ensemble signifie peut-être « briques cuites mou-lées », et fait peut-être allusion à l’autel de briques). lugal Ištar-ra ma-igi / bar Elam-ma má / ír / le roi vers Ištar a regardé ; le pays d’Elam un bateau, lamentation.

SIGURD AMUNDSEN (Bruxelles 1983)

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THEOARCHEOLOGIE

LE SACRÉ CHEZ LES HELLÈNES

Comme les langues sémitiques, les langues in-do-européennes connaissent deux, et parfois plusieurs termes pour exprimer la notion de sacré, sans qu’il y ait correspondance exacte d’une langue à l’autre. En grec, cette notion peut s’exprimer par (au moins) trois termes différents : hieros, hagios et hagnos. Hieros, qui signifie aussi « chargé de puissance », « robuste » (comme le sémitique kabir), est souvent — mais pas toujours ! — le sacré vu par son côté positif : la lumière, l’ombre, la terre, la pluie, l’olivier, l’aire à blé, le foyer domestique, la sagesse peuvent être hieros, peuvent être remplis de sacralité. Hagios (le latin sanctus) ne se dit guère des dieux ni des hommes, mais des lieux saints. (Exception : hoï hagioï, « les Saints »). Hagnos, par contre, se dit aussi bien d’un temple que d’un homme ou d’un dieu. Il peut avoir aussi une valeur néga-tive — comme hagios d’ailleurs — et signifier un interdit. Selon Festugière, ce terme a d’a-bord qualifié un lieu où s’est produit un phéno-mène surnaturel qui a rempli les témoins de terreur sacrée. Sa racine évoque le feu, et donc aussi la pureté. Artémis est hagnê, pure, chaste. Mais d’une pureté, d’une chasteté redoutable, active. Comme le feu... A part ces trois termes « classiques », le grec en connaît d’autres plus difficiles à cerner et à tra-duire. Ainsi semnos, que l’helléniste Jeanmaire (« Dionysos ») définit comme suit : « Epithète que l’on traduit généralement par ‘auguste’ et que nous avons cherché à rendre par ‘terrible’ mais qui, dans le vocabulaire religieux des an-ciens Grecs, exprime tout ce que le surnaturel a, à la fois, d’imposant et d’inquiétant »... Et deinos, « un mot singulièrement difficile à tra-

duire, une notion difficile à saisir dans ses as-pects étrangement divers »,-écrit R. Otto dans son célèbre petit livre « Le Sacré » (éd. Pavot). Et il ajoute : « Dans son sens fondamental, il signifie ce qu’il y a d’épouvantable, de sinistre dans le numineux. » (1). Ou bien sebastos qui, appliqué à un empereur signifie « auguste », « glorieux », mais dont la signification pre-mière est « inspirant de la crainte religieuse », « vénérable », et dérive de sebas, « crainte reli-gieuse, vénération », mot très proche du sémiti-que sbh qui exprime une notion semblable. Thambos. L’essence du sacré chez les Hellènes ne diffé-rait guère de ce qu’elle était chez les autres peu-ples de l’Antiquité : une manifestation surnatu-relle dépassant l’entendement humain, un phé-nomène redoutable inspirant terreur et respect et dont la réalité profonde et irréductible n’avait rien à voir avec le bien et le mal, ou plutôt, en-globait et dépassait ces deux notions. Le sacré était une expérience incompréhensible, illogi-que, qui mettait à contribution tout le système nerveux du témoin. L’homme confronté au sa-cré restait interdit et bouche bée, les cheveux hérissés sur la tête. Il était saisi d’une stupeur, d’un étonnement qui le paralysait, lui donnait la chair de poule et froid dans le dos. Etat que les Grecs exprimaient par le mot thambos (2). Nous sommes là bien loin du sacré édulcoré tel que le conçoit la religiosité contemporaine.

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« Les dieux dans leur éclat sont terribles à voir. »

(Iliade XX, 131)

(1) L’adjectif « numineux » a été inventé par R. Otto (« Le Sacré », p. 21) à partir de la notion de numen. (2) D’après R. Otto, la racine grecque thamb se retrouve dans le mot hébreu tâmah, « s’étonner ».

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La religion antique est née de la manifestation du sacré. Elle fut, avant tout, un savoir, une expérience physique et psychique, une réalité inexplicable, certes, mais concrète. La diffé-rence entre le sacré et le profane n’était pas celle qui sépare un monde spirituel et abstrait d’un monde matériel et palpable, mais celle qui sépare deux niveaux du réel : l’un suprahumain, l’autre simple illusion à la portée des hommes. Les Grecs ont la réputation d’être un peuple irréligieux. Quelle que soit la valeur de ce juge-ment, la question n’est pas là. Les peuples de l’Antiquité n’étaient pas « religieux » dans le sens actuel du mot. La religion n’était pas une croyance mais, comme son nom l’indique, un lien : le lien entre le monde profane et ce que pour les humains était le surnaturel. L’impara-ble, le génial slogan : « je crois parce que c’est absurde », n’avait pas encore été concocté et d’ailleurs on n’en avait pas l’emploi. L’homme antique — le Grec y compris — ne croyait pas, il savait. Car il avait vu, il avait éprouvé dans sa chair. Certes, ce qu’il avait vu (ou cru voir), ce qu’il avait éprouvé, il l’a interprété à sa ma-nière. Ce n’est que son interprétation des faits qui est subjective et sujette à caution, non pas les faits eux-mêmes. Car les faits eux-mêmes — phénomènes lumineux, apparitions, dispari-tions, signes dans le ciel —, sans préjuger de leur véritable nature, ont bel et bien été vus, ont bel et bien eu lieu. Et ces phénomènes sont les principaux responsables de l’éclosion du senti-ment religieux, de la conscience du témoin d’être environné de forces surnaturelles (daimonion) dépassant son entendement et ses capacités. La foi ne naquit que plus tard, lors-que les témoins oculaires eurent disparu, lors-que les signes dans le ciel commencèrent à se faire rares. La génération qui n’avait pas vu avait le choix entre croire et ne pas croire. Mais pour celle qui avait vu (hoï eidotes), la question ne se posait pas : elle faisait partie de « ceux qui savent » (hoï sophoi). C’est dans ce sens qu’il faut interpréter les paroles que Moïse pro-nonça devant le peuple d’Israël pour l’exhorter à ne pas oublier la théophanie de Yahvé, qu’il avait vue, de ses propres yeux vue, lors de son séjour au pied du mont Sinaï: « Seulement, prends garde à toi et veille attentivement sur ton âme, tous les jours de ta vie, de peur que tu oublies les choses que tes yeux ont vues, et qu’elles ne sortent de ton cœur ; enseigne-les à tes enfants et aux enfants de tes en-fants. » (Deutéronome IV, 9). Des enfants qui n’auront plus guère le privilège de voir et de savoir, mais juste celui de croire leurs ancêtres sur parole.

L’éclair sur l’Harma. C’est dans un ordre d’idées très semblable et qui, en plus, a l’avantage de montrer ce qui ar-rive lorsque les signes dans le ciel cessent de se manifester, qu’il faut classer le phénomène lu-mineux appelé par les Grecs « éclair sur l’Har-ma ». Une des fêtes célébrées à Delphes était la Pythaïde, fête qui avait la particularité de ne pas avoir de date fixe ; elle avait lieu lors de l’appa-rition d’un signe dans le ciel, en l’occurrence un éclair qui brillait au-dessus d’un rocher ap-pelé Harma. Durant trois fois trois jours, au cours de trois mois consécutifs, des pèlerins, rassemblés sur l’Acropole près de l’autel de Zeus Astrapaïos (« lanceur d’éclairs »), guet-taient l’apparition de l’éclair en question. Mais, avec le temps, le présage se fit rare. A tel point qu’il permit aux Grecs de forger l’expression « quand il y aura un éclair sur l’Harma », et qui signifiait à peu près « quand les poules auront des dents » (voir à cet effet C. Roux : « Delphes, son oracle et ses dieux », les Belles Lettres, 1976.) Du point de vue linguistique, « l’éclair sur l’Harma » nous fait comprendre le mécanisme du curieux phénomène qui veut que, parfois, dans les langues anciennes, un seul et même mot a deux significations diamé-tralement opposées. Quant à son essence en tant que phénomène lumineux, « l’éclair sur l’Harma » fait penser à une certaine luminosité observée autour des pyramides : P. Brunton, dans « L’Egypte se-crète » (p. 77, note 1) raconte que deux égypto-logues, le Docteur Abbate Pacha, vice-président de l’Institut égyptien, et William Groff, mem-bre du même Institut, ayant passé une nuit dans le désert, près des pyramides, virent autour de ces dernières des phénomènes lumineux. W. Groff en fit le rapport officiel suivant : « Vers huit heures du soir, je remarquai une lumière qui apparut et se mit à tourner autour de la troisième pyramide, presque jusqu’à la pointe. Elle avait l’aspect d’une flamme mince. Elle décrivit trois cercles autour de la pyramide et disparut ensuite. J’ai observé attentivement cette pyramide durant une grande partie de la nuit. Il était environ onze heures lorsque je constatai la réapparition de la même flamme, mais cette fois elle revêtait une coloration bleuâtre. Elle montait lentement, presque en ligne droite ; elle atteignit une certaine éléva-tion au-dessus du sommet de la pyramide avant de disparaître. »... « En se livrant à des recher-ches parmi les Bédouins, écrit Brunton, M. Groff apprit que cette mystérieuse clarté avait été vue plus ou moins fréquemment autrefois. Les traditions qui mentionnent son existence

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remontent à plusieurs siècles. Les Arabes l’at-tribuent à des esprits, gardiens des pyramides. Mais M. Groff s’efforça d’en découvrir une explication naturelle : il n’y réussit pas. » La lumière, panacée divine. Comme les dieux mésopotamiens, ceux de la Grèce étaient, eux aussi, lumineux et il émanait d’eux une irradiation dangereuse pour les hu-mains. Plus ils étaient lumineux et plus ils étaient puissants et redoutables. Le plus lumi-neux, donc le plus puissant, était évidemment Zeus qu’entourait une gloire aveuglante de lu-mière, de foudres et d’éclairs. Aucun mortel ne pouvait le regarder sans y laisser sa vie. L’im-prudente fille de Cadmos, Sémélé, en fit la triste expérience : courtisée par Zeus, et sur les instances perfides de Héra qui la jalousait, elle exprima le souhait de le recevoir environné de sa gloire. Elle succomba foudroyée, en accou-chant, avant terme, de Dionysos. Sachant ma-nier la lumière, les dieux grecs étaient passés maîtres dans l’art de produire ce qu’aujourd’hui on appellerait des hologrammes, mais qui jadis étaient des simulacres (eidôlon). Ils savaient aussi utiliser les qualités négatives de la lu-mière, c’est-à-dire se rendre invisibles. Pour se cacher à la vue des hommes, ils s’enveloppaient d’un nuage qui rappelle le puluhtu mésopota-mien (3). Le nuage de camouflage pouvait ser-vir aussi à protéger un être humain : ainsi Apol-lon préserve-t-il le cadavre de Hector des rayons destructeurs du soleil en le recouvrant d’un nuage. Le rayonnement émanant des dieux avait aussi des effets psychiques. Dans l’Iliade, il charge les combattants d’une énergie sacrée (menos), qui décuple leurs forces et les rend redoutables sur le champ de bataille. Le menos n’était pas la force physique proprement dite, mais un état d’esprit de surexcitation, un trop-plein de « fureur sacrée », de sacralité agissante. Ses symptômes étaient une espèce de picotement dans les jambes et les bras — assez semblables, peut-être, à ce qu’on appelle médicalement des « impatiences ». Dans les temps archaïques de la Grèce, les rois étaient censés posséder un menos spécial, le hieron menos comparable au shalummatu mésopotamien... Le conditionne-ment du psychisme humain par la divinité pou-vait se manifester aussi par l’inoculation dans le cerveau humain d’une espèce de folie tempo-raire, une obnubilation des facultés de cons-cience, l’atê. C’était l’atê qui faisait agir in-considérément, qui faisait prendre à la légère des décisions regrettées par la suite, s’accom-plir l’irréparable dans un instant de démence

momentanée. L’homme agissant sous l’emprise de l’atê avait l’impression de ne plus être lui-même, d’entrer pour un instant dans la peau d’un personnage qui lui était étranger, de se dépersonnaliser. (cfr. Dodds : « L’Irrationnel et les Grecs »). Du privilège d’être foudroyé. L’arme la plus redoutable de l’arsenal sacré était la foudre de Zeus. Le fils de Kronos se la fit fabriquer par les Cyclopes, et l’utilisa avec succès dans la lutte contre les Titans. Pour un mortel, être foudroyé par Zeus n’avait rien d’in-fâmant. Bien au contraire, c’était un honneur insigne ! Si en plus, le corps du foudroyé dispa-raissait, l’honneur était encore plus grand car c’était signe qu’il avait été enlevé au ciel. Le cadavre du foudroyé ne pourrissait pas, et ni les chiens ni les oiseaux n’osaient l’approcher. Une fois le foudroyé enterré, sa tombe était séparée par une clôture et on lui prodiguait les honneurs réservés aux héros. L’homme le plus aidé des dieux, le plus saint, avait été Lycurgue : Zeus lui accorda le suprême privilège de bien vouloir foudroyer sa tombe... L’endroit où tombait la foudre était considéré comme terre sacrée et frappée d’interdit. Un tel endroit était appelé abaton, et son périmètre se présentait comme un enclos (sekos) entouré d’une barrière. La franchir était un acte redoutable : le transgres-seur se chargeait, au contact de la puissance divine, d’un influx sacré si puissant qu’il deve-nait un mort en sursis. Il se dépouillait de son ombre et mourait au cours de l’année — si tou-tefois ses concitoyens ne le lapidaient pas avant ! Si la transgression avait été involon-taire, le coupable avait la possibilité de s’exiler en Béotie, en un lieu que Zeus désignait par des signes dans le ciel. Mais en aucun cas, il ne devait entrer en contact avec ses anciens congé-nères, qui redoutaient l’influx sacré qui émanait de lui et était susceptible de les contaminer... Un autre endroit chargé de sacralité redoutable était l’adyton, correspondant au penetrale ro-main et au « saint des saints » des tabernacles israélites (4). L’interdiction d’y entrer était plus ou moins totale : dans certains temples, elle concernait uniquement ceux qui n’avaient pas

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(3) Voir KADATH n° 55, « La ‘gloire’ de Sumer et d’Akkad. » (4) Le saint des saints, l’adyton grec, se dit en hé-breu debir, terme dérivé du radical dbr qui exprime la notion de « parler ». Le debir serait donc — mais ce n’est là qu’une déduction non-orthodoxe qui n’engage que l’auteur de ces lignes — un « parloir ».

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accompli les purifications nécessaires (katharsis), dans d’autres tout le monde excepté les prêtres qui les desservaient. Dans certains cas, même ces derniers étaient exclus (5). Une odeur de soufre... Un autre redoutable foudroyeur était Apollon, qu’on représentait souvent le front ceint d’une couronne de pointes terrifiantes qui évoquent le rashubattu des dieux mésopotamiens ou bien l’uraeus de la couronne des pharaons, et qui pouvaient envoyer des rayons mortels dans tou-tes les directions. Mais son arme la plus specta-culaire, la plus fabuleuse, était sa « flèche » : de la taille d’une fusée, elle était gardée dans le saint des saints du grand temple rond de la ville principale des Hyperboréens. Apollon s’en était servi pour massacrer les Cyclopes, indirecte-ment responsables de la mort de son fils Asclé-pios : n’avaient-ils pas forgé la foudre avec laquelle Zeus avait tué ce dernier ? Le prophète et missionnaire hyperboréen d’Apollon, le lé-gendaire Abaris, était censé parcourir la terre tout entière « à cheval » sur cette flèche. Pour ce faire, il n’avait même pas besoin de provi-sions : la flèche lui procurait toute la nourriture nécessaire. Ce qui rend cette curieuse légende encore plus intéressante, c’est l’étymologie du nom Abaris proposée par le sémitisant Astour dans « Hellenosemitica » : abaris dériverait de l’hébreu ‘abar’, « voler », « s’élever dans l’air ». Mais on voit mal pourquoi l’Hyperbo-réen Abaris porterait un nom hébreu. La « verge des Elohim » des Hébreux, la ba-guette magique des contes de fées, ont leur pen-dant dans le rhabdos grec, lui aussi arme de lumière. La sorcière — c’est-à-dire la déesse déchue — Circé touche ses victimes avec son rhabdos pour les métamorphoser en cochons. Médée était souvent représentée, elle aussi, un rhabdos à la main. Ulysse retrouve sa jeunesse grâce à Athéna qui le touche de son rhabdos (Odyssée XVI, 172) ; Hermès l’utilise pour tromper nos sens (Iliade XXIV, 343 - Odyssée V, 47). Le sceptre (skêptron) était la baguette magique des rois. Celui d’Agamemnon recevait un culte en tant que divinité, à Chacronéa : Pau-sanias (9, XI/6) raconte qu’on lui offrait jour-

nellement des sacrifices et qu’un prêtre (remplacé annuellement) était préposé à son culte. Fabriqué primitivement par Héphaïstos pour Zeus, ce dernier le donna à Hermès qui l’offrit à Pelos. Ensuite, il devint successive-ment la propriété d’Atrée, de Thyeste, et finale-ment d’Agamemnon... Ces armes sacrées, mais tout spécialement la foudre, passaient pour dé-gager une odeur de soufre. « Le mot par lequel les Grecs désignent le soufre — theïon — écrit l’helléniste H. Jeanmaire, est aussi le mot qui exprime le divin dans ce que son essence a de plus général ». Il est intéressant de comparer la signification de cette odeur de soufre chez les Grecs et dans le monde chrétien. Et aussi — trêve d’hypocrisie — dans les témoignages de ceux qui prétendent avoir vu atterrir des OVNI. Des armes venues du fond des âges. L’arme de gloire la plus originale de l’arsenal sacré des dieux grecs était, sans conteste, l’é-gide (aigis), l’indestructible égide qui résistait même aux coups de foudre et qui servait aussi bien pour l’offensive que pour la défensive.

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(5) L’entrée du temple de Poséidon à Mantinée et celui des Cabires à Thèbes était absolument interdite : quiconque y pénétrait devait mourir. A Athènes, le temple de Dionysos ne s’ouvrait qu’une fois par an.

La déesse Athéna portant l’égide autour du cou (Musée d’Athènes).

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Pourtant elle n’était, en apparence, qu’une pièce d’étoffe (d’étoffe métallique, il est vrai) et non pas un bouclier, comme on le croit habi-tuellement et comme elle le devint par la suite dans les arts plastiques. C’est Héphaïstos, le maître-artisan des dieux de l’Olympe, qui l’a-vait confectionnée dans ses forges souterraines. L’étymologie du mot est incertaine et contestée. La plus acceptable paraît être non pas aix (« chèvre, peau de chèvre, tempête »), mais le verbe aissô, « agiter, secouer » (6). Si Zeus, Apollon, Héra connaissaient cette arme et s’en servirent, c’est Athéna qui fit sa réputation. L’égide a, à l’origine, l’apparence d’un man-teau qui couvre la poitrine, les épaules, et tombe derrière le dos jusqu’à mi-jambe. Elle a des franges en forme de petits serpents d’airain. Au milieu de l’égide est fixée une tête de Mé-duse faisant office de gorgoneïon et pétrifiant ceux qui la regardent. Vu son ancienneté, cette arme sacrée paraît provenir d’un monde « pré-grec » duquel nous ne savons pas grand-chose. Une autre arme légendaire d’origine divine — probablement une sorte de catapulte ou bien de canon mobile — connue sinon utilisée par les Grecs, était le géant de bronze Talos qui arpen-tait sans cesse les rivages de la Crète en en fai-sant le tour trois fois par jour. Minos lui avait confié la mission de défendre le sol crétois contre tout essai d’invasion par la mer. Dès que Talos détectait un navire suspect approchant des rivages de la Crète, il lançait sur lui des rochers. Les Argonautes, sur le chemin du re-tour, voulurent faire escale en Crète mais Talos les en empêcha. Ce fut finalement Médée qui eut raison de lui : par ses enchantements, elle lui fit avoir des visions trompeuses (c’est-à-dire qu’elle réussit à dérégler son mécanisme), au point qu’il devint furieux (s’emballa) et se dé-chira la veine de la cheville contre un rocher... cessant ainsi de fonctionner. Les Grecs préten-daient que Talos avait été forgé par Héphaïstos. Mais la tradition crétoise assure que Héphaïstos était le fils de Talos. Le père de ce dernier, tou-jours selon cette tradition, serait Crès, le héros éponyme des Crétois qui régna sur la première population de l’île, les Etéocrétois, c’est-à-dire « les véritables Crétois ». En d’autres mots, la tradition crétoise, plus ancienne que la grecque, réfute la prétention de cette dernière de faire de Talos une invention des dieux grecs et en re-vendique la paternité pour les anciens dieux de la Crète.

Les présages du « tout autre ». Selon R. Otto, le thateron, le « tout autre », est « ce qui nous est étranger et nous déconcerte, ce qui est absolument en dehors du domaine des choses habituelles, comprises, bien connues et partant ‘familières’, c’est ce qui s’oppose à cet ordre de choses et, par là même, nous rem-plit de cet étonnement qui paralyse » (« Le Sa-cré », p. 46). Chez les Grecs comme chez les Hébreux, ce « tout autre » se manifestait par des « signes dans le ciel ». Dans les langues modernes, le mot « signe » paraît tout à fait anodin et banalisé. Il n’en était pas de même en grec ancien ni en hébreu, où il était chargé d’une sémantique complexe et redoutable, d’autant plus intéressante, d’autant plus lourde de sens, qu’il n’y a pour ce concept aucune pa-renté linguistique possible entre ces deux lan-gues (grec : teras, hébreu : ot) mais rien qu’une parenté de pensée. Le grec teras ne signifie pas seulement « signe » mais aussi « signe merveil-leux », « apparition merveilleuse », « monstre » ; l’hébreu ot signifie, lui aussi, « signe » mais aussi « merveille », « miracle ». Selon le linguiste Osthoff, que mentionne L. Gernet dans « Anthropologie de la Grèce antique » (éd. Maspero 1968), teras dérive, en dernière instance, de la racine indo-européenne qwer, laquelle exprime l’idée de « faire » mais spécialement au sens magique. Et L. Gernet conclut (p. 132) : « Il y a en somme, dans cet ensemble, une pensée latente, mais expresse, mais centrale, d’efficacité surnaturelle rappor-tée à un signe, l’idée d’une force religieuse qui peut se concentrer dans la chose spécialement désignée par le mot teras »... Un autre mot très proche de teras est pelôr, qui signifie « prodige », « monstre ». Ce mot est indéclina-ble, ce qui le rend suspect d’être « pré-grec ». D’autre part, l’hébreu connaît le mot ‘pelé’, qui paraît très proche de pelôr tant par le sens que par la forme. Et la question se pose, de plus en plus insistante, de plus en plus obsédante : le grec et l’hébreu ont-ils puisé à une même source culturelle plus ancienne, source dont nous ne savons pratiquement rien ? Les indices, les soupçons — sinon les preuves formelles — s’accumulent.

HILAIRE HEIM

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(6) Dans la guerre des Olympiens contre les Titans, Athéna renverse le géant Encelade en agitant devant lui l’égide.

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Lorsque vous parlez de Carnac à un Anglais, il en oublie Stonehenge. Fascination ! Quand, en 1982, je présentais en Cambridgeshire la conférence tirée de notre livre, des dizaines de personnes m’ont deman-dé si celui-ci allait être traduit en anglais. Invaria-blement, je répondais « peut-être ». Cela reste d’ac-tualité. Car, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, l’information est maigre pour les amateurs anglo-saxons de mégalithes bretons... dans leur lan-gue, je précise ! Aussi faut-il saluer la publication du livre d’Aubrey Burl : le fossé linguistique est comblé. Enfin, « ils » pourront découvrir la plus grande concentration de mégalithes de toute l’Eu-rope... Ce très beau volume « hard-cover », fort bien édité et agrémenté de très bonnes photos en noir et blanc, couvre les cinq départements de la Bretagne. La région de Carnac est, bien entendu, le point fort que tout le monde attend. Près de quatre cents sites judicieusement choisis sont présentés. Un magnifi-que voyage dans le temps. Mais... car il y a un « mais » ! Burl est égal à lui-même ; je veux dire qu’il ne tient absolument pas à perturber le petit monde de l’archéologie officielle et chloroformée. Je crois que c’est dommage, ou bien est-il tellement difficile de se débarrasser des œillères ? Un regard à la « select bibliography » est révélateur. Même Fernand Niel est absent et, évidemment, un livre a échappé au crible : celui de Pierre Méreaux et KADATH. Que le lecteur de ces lignes se rassure, je ne fais pas de publicité pour notre travail, je rap-pelle seulement les efforts de notre équipe pour of-frir une information complète, et faisant fi des contraintes habituelles. Nous avions réuni, là, une bibliographie sensationnelle. Ainsi que des idées ! Est-il temps de vous rappeler, ami lecteur, que nous sommes amateurs ? Est-il opportun de se souvenir que Burl est un professionnel ? Et qu’un « pro » émet, par essence, un avis justifié ? Ceci n’est pas aussi sûr... Ainsi, pas un mot des travaux de Méreaux sur les anomalies de gravité et leurs relations avec le ma-gnétisme terrestre et l’énergie solaire, par rapport aux champs de menhirs. Un contenu par trop nocif pour les bibliothèques officielles ? Certes, Burl a le droit de choisir ses amis. Mais ce nouveau gourou du mégalithisme se doit aussi d’être plus prudent dans ses assertions. Voici quelques exemples d’erreurs. — Le Grand Menhir brisé : pourquoi ne pas relater également les rapports indiquant que le monolithe ait pu avoir été vu dressé ? De même, le poids de la

pierre est bien proche de 347 tonnes ; pourquoi dé-précier l’ouvrage ? (Burl cite un poids de 256 ton-nes !). — Mané-Rutual : les dimensions de la table de cette galerie mégalithique sont correctes, toutefois le poids de celle-ci atteint bien 75 tonnes ; il l’a sous-estimé... cette dalle fut d’ailleurs posée sur des mon-tants d’une hauteur de deux mètres. — Les Pierres-Plates : absolument rien sur les im-plications astronomiques et pythagoriciennes de cette galerie coudée. De plus, en disant que la cons-truction est flanquée d’un menhir « indicateur », Burl se trompe. Nous avons publié la preuve que cette pierre était en fait la première table, celle de l’entrée, grâce à une photo datant de 1920. — Le tumulus Saint-Michel : c’est de la désinforma-tion que de prétendre que la construction date de ± 3800 avant J.-C. Burl semble oublier que des vesti-ges trouvés dans un des coffres souterrains ont été analysés en 1961 par la méthode du carbone-14 dans les laboratoires de Saclay et de Gyf-sur-Yvette, par Messieurs Delibrias, Labeyrie et Perquis. Les datations sont les suivantes : 6650 et 7030 avant J.-C., soit après recalibration, 8000 avant notre ère... ce qui signifie que le tumulus était déjà là et bien là. J’espère qu’un jour Burl aura les tripes de vérifier ces faits. Des faits qui sont autrement plus puissants que des lord-maires ! L’archéologie exige une autre formulation. L’archéologie et son descendant direct — l’Homme — méritent pleinement sa continuelle remise en question. Quand bien même Burl a ses lectures favorites, ses copains, ses directeurs de conscience, et qu’il est décidé à rester au garde-à-vous devant cette mafia. J’ajouterai ceci : Aubrey, old chap, il y a place pour une véritable synergie ! Le problème est que vous êtes prisonnier de ces cir-constances dont vous êtes le premier défenseur. Je suis navré, mais vous avez laissé échapper l’oppor-tunité d’écrire un excellent livre. « Ce qui étonne le plus chez les novateurs de la veille, disait Paul Valéry, c’est toujours la timidité ».

ROBERT DEHON Cote : 2 K

( = bon, à condition d’en lire d’autres)

POST-

SCRIPTUM MEGALITHIC BRITTANY (Thames and Hudson, London 1985) Aubrey BURL PIERRE MEREAUX et KADATH : « Carnac, une porte vers l’inconnu » (Robert Laffont, 1981)

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Après Breuil et surtout Peyrony, après Salomon Reinach et Glozel, et si l’on excepte l’historien Au-tran et le linguiste Karst, sur lesquels on prit soin d’établir un silence prudent bien que non dépourvu d’inquiétude, après cinquante ans d’une torpeur consacrée, soigneusement transmise, voici qu’enfin nous parvient un ouvrage novateur et courageux. Mademoiselle Ercole nous enseigne l’immense ri-chesse de l’art paléolithique de la Corse, de l’Auri-gnacien au Magdalénien. Préhistorienne et sculp-teur sur pierre, elle est particulièrement douée pour distinguer, sur un site archéologique, l’objet travail-lé par la nature de celui façonné par l’homme. D’a-bondantes illustrations, éclairant un texte attrayant et concis, nous montrent la variété des images sym-boliques dont l’auteur dresse le répertoire. Des visa-ges humains, expertement caricaturés, animent des têtes arrêtées au menton, qui sont peut-être les plus anciens prototypes du décor en masque emprunté par le Proche-Orient sur la céramique, et par l’art roman sur les parois des églises. La tête et le pied apparaissent fréquemment : la première éveillant l’idée de sommet, de principe ou de centre, évoque l’essence du monde ; le second correspond au do-maine de la substance. On remarque une profusion de figures féminines, matérialisant la Femme divine, la Déesse-Mère, matrice universelle : les unes de type sinueux, joliment galbées ; d’autres reprodui-sant le profil claviforme inscrit sur la muraille des grottes ; certaines en forme de cœur, ce schéma fé-minin désignant le pôle de la manifestation, le prin-cipe créateur. Il y a l’effigie en virgule et celle, très significative de la femme enceinte. Enfin de nom-breuses images de la déesse, notamment les plus schématiques et les plus abstraites, portent le sceau de leur identité, la boutonnière ou le sillon vaginal. Et, soit dit en passant, pour les préhistoriens qui ont encore des doutes sur les connaissances anatomi-ques de la préhistoire, il existe une pièce d’un intérêt considérable, représentant au fond de la cavité vagi-nale largement ouverte la demi-sphère du clitoris. On observe encore le thème du poisson, relatif à l’origine de la vie sortant de l’océan des eaux cos-miques, celui de l’association des deux sexes, illus-tration de la dualité créatrice qui préside à la ge-nèse de l’univers. L’auteur destine un chapitre à l’examen de l’outillage de ces hommes paléolithi-ques corses qui tenaient de leur groupe racial une forte intelligence, une imagination inventive, une habileté manuelle étonnante : les burins, les pointes, les accessoires de taille et de percussion, construits dans le granit et le quartz, souvent symbolisés — rite qui accordait la technique de la main à l’harmonie sacrée du cosmos — témoignent dans leur facture du souci d’art qui embellissait le geste quotidien ou l’objet familier. Ces outils ressemblent aux instru-ments glozéliens, forgés en silex et en quartz, dont la

dureté évaluée au degré 8 dans l’échelle de Mohs, est supérieure à celle de l’acier, qui ne dépasse pas le degré 5 sur la même échelle. Cette maîtrise de la stéréotomie — la main étant inséparable de l’intelli-gence — s’associe d’ailleurs parfaitement avec les notions d’un ordre supérieur qu’impliquent certai-nes pièces géométriques, la pyramide à base trian-gulaire et à base carrée. Le ternaire se réfère à l’es-sence du monde, le quaternaire à la substance ou manifestation, les deux pyramides indiquant de sur-croît le rapport entre le principe et la manifestation. Des indices parmi bien d’autres de la clairvoyance du symbole à l’époque magdalénienne. L’auteur se préoccupe constamment de souligner les similitudes du symbolisme sculptural de la Corse avec celui des autres provinces de l’aire d’expan-sion hamitique, en Europe, au Proche-Orient, en Afrique du Nord. La sculpture aurignacienne de Cro-Magnon, fortement intellectualisée, nous conserve en Corse un luxe prodigieux de pierres transfigurées par la quête de l’esprit humain. Nous avons là, devant les yeux, dans ce monothéisme de la Femme divine et malgré quelques adaptations loca-les purement formelles, un langage œcuménique exprimant l’invariable et suprême interrogation de l’homme. Celle qui ne recevra jamais de réponse. Nous avons une théologie fondamentale et sans dogme, qui sacralise toute existence en la reliant à sa source invisible. Nous avons une métaphysique intégrée au mouvement de la vie, par la puissance évocatrice du symbole et par le culte des images. Nous avons ici l’homme de tous les temps. Par les conclusions qu’elle dégage, Rosé Ercole recoupe les vues magistrales de notre grand linguiste Joseph Karst : celles d’une vaste communauté ethnique et culturelle, s’étendant de l’Inde à l’Atlantique, de l’Islande et de la Scandinavie à l’Afrique du Nord et à l’Éthiopie, avec un prolongement jusqu’en Améri-que Centrale. Et dans cette communauté, sans la-quelle on ne saurait expliquer postérieurement la renaissance sumérienne, la Corse — alors non sépa-rée de la Sardaigne —, détenait une place éminente. Du Haut-Asco, du mont Ceggu, des environs de Corte à Rocca Poletra et à Chiterbio, en passant par Torracone et les alentours de Sartène, nous avons accompagné Rosé Ercole sur les sites paléolithiques étudiés dans son livre. Nous avons vu à Ajaccio son admirable collection de pierres sculptées. Elle en a recueilli plusieurs milliers. Préparé par un ouvrage d’égal mérite (« Un peuple de sculpteurs », 1977), « Le premier langage de l’homme » confère à Rosé Ercole une autorité légitime et actuellement inégalée dans le domaine de l’art paléolithique de la Corse. Cette femme de science est aussi une artiste consom-mée. Commandée par la ferveur et le désintéresse-ment, élevée au rang d’une vocation quasi religieuse et d’un style de vie, sa recherche auréole son exis-tence. Outre l’ampleur des horizons qu’il déploie, l’ouvrage s’illumine d’un rayonnement de chaleur et de beauté qui sourd de cette exemplaire intimité de l’artiste et de la préhistorienne avec la pierre huma-nisée.

Robert Dézélus, historien

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LE PREMIER LANGAGE DE L’HOMME RÉVÉLÉ PAR LA CORSE (chez l’auteur, Ajaccio 1985) Rosé ERCOLE KADATH n° 53 : « Paléolithique corse et pre-mier langage de l’homme ».

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Source des illustrations : Ed. Hayez, p. 2 — Zacharie Le Rouzic, p. 3 — d’aprés Lefebvre et Galles - © Jean L’Helgouach, p. 4-5 — © Roger-Viollet, p. 6 — © Charles-Tanguy Le Roux, p. 6 — © La Recher-che, d’aprés Le Roux, p. 7 — © KADATH-J. Gossart, p. 8 — Frans Haezaert, p. 9 — Newton Compton éd., p. 13 — Centre Camunien d’Etudes Préhistoriques, p. 15 — © Pierre Carnac, p. 16-17-18 — © Emile Jaumotte, p. 19-22-26 — University Prints, Boston, p. 22 — Journal of the British Society of Dowsers, p. 29 — © Tom Graves, p. 29-30 — © Ed. Pierre Van Sint-Jan, p. 30 — © J. Havelock Fidler, p. 32-33-34 — Musée de Glozel, p. 37 — © Causeway Books, p. 41 — © Ed. Hannibal, p. 46 — d’aprés Houghton, p. 48 — © Sigurd Amundsen, p. 49-50-53-54 — Boissonnas, p. 59.

AUDIOVISUEL KADATH ● Séries de 12 diapositives sur Glozel ou Stonehenge, réalisées sur place pour KADATH. Sous

pochette plastique, avec caches en carton et notice explicative. La série 385 FB. ● Cassette « Débat sur l’Atlantide », enregistrement 2 x 90 minutes réalisé le 28 novembre 1981.

Avec la participation de Pierre Carnac, Jacques d’Arés, Jacques Victoor, et animé par Jacques Gossart. 395 FB.

● Cassette « Glozel, une autre préhistoire », enregistrement 2 x 90 minutes de la conférence de Jacques Gossart, ce qui compléte une documentation unique apportée par le livre, les diapositives et le numéro spécial. 395 FB.

Nous avons le plaisir d’annoncer la parution de l’important ouvrage (en langue espagnole) sur l’Améri-que précolombienne du Professeur Manuel Ballesteros-Gaibrois, directeur du Departamento de Antro-pologia y Etnologia de America à l’Université de Madrid, et membre du comité d’honneur de KADATH :

CULTURA Y RELIGION DE LA AMERICA PREHISPANICA avec la collaboration du Dr Andrés Ciudad, du Dr José Luis de Rojas, du Prof. Germán Vásquez Cha-morro et du Dr Conceptión Bravo Guerreira. Ce livre prend place dans la série SEMINA VERBI, Serie monográfica sobre las religiones no cristianas. Table des matières Primera parte: AMERICA INDIGENA Y SU ESTUDIO

Capitulo I - El conocimiento de América. Capitulo II - Características generales de las culturas amerindias. Capitulo III - Fuentes, bibliografías, las ciencias americanistas.

Segunda parte: BREVE HISTORIA DE LA AMERICA PREHISPANICA Capitulo IV - Breve historia de Mesoamérica indígena. Capitulo V - Breve historia de los pueblos del área andina.

Tercera parte: CULTURA Y RELIGION Sección I: Mesoamérica

Capitulo VI - Las más antiguas culturas mejicanas. Capitulo VII - El mundo maya (I) Capitulo VIII - El mundo maya (II): religión y arte. Capitulo IX - El mundo azteca (1): sociedad, economía, la ciudad. Capitulo X - El mundo azteca (II): religión, sacerdocio, ritual, sacrificios.

Sección II: El mundo andino Capitulo XI - La unificación andina de los incas.

Bibliografia. 345 pages; abondante et précieuse bibliographie. L’ouvrage peut s’obtenir à l’adresse suivante :

LA EDITORIAL CATOLICA S.A. Biblioteca de autores cristianos, Mateo Inurria, 15 - Apartado 466 — 28036 - MADRID.

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SERVICE LIBRAIRIE Nous proposons à nos lecteurs des livres spécialement sélectionnés, dont nous pouvons garantir la référence. Certains au-teurs sont devenus membres du comité d’honneur de KADATH, parce qu’ils partagent notre état d’esprit qui est celui de la rigueur dans le non conformisme, ainsi qu’un refus de tout réductionnisme. Les livres peuvent être obtenus exclusivement auprès de « KADATH », en versant la somme indiquée, les frais d’envoi étant compris. Pour l’étranger, même somme en francs belges, mais uniquement par mandat postal international ou par virement au compte de chèques postaux de « KADATH ». Outremer uniquement : on peut effectuer un transfert bancaire, à condition d’ajouter un forfait de 200 FB pour frais de banque (ne pas envoyer de chèques !). ● Juan G. Atienza : Les survivants de l’Atlantide. Grottes préhistoriques, mythologies européennes, récits de déluges,

mégalithisme ibérique... un survol très vaste des traces d’une Science Totale et des survivances d’un Age d’Or perdu. Un ouvrage peu orthodoxe mais riche en théories originales. 495 FB.

● Willy et Marcel Brou : Nos pierres et leurs légendes. Un précieux volume sur les mégalithes, leurs appellations et les toponymes mégalithiques de nos provinces belges, du Grand-Duché de Luxembourg, de l’Eifel allemand, ainsi que du nord de la France. 395 FB.

● Jacques de Mahieu : Les Templiers en Amérique. D’où venait la monnaie d’argent dont l’Ordre inonda l’Europe pour financer la construction des cathédrales ? A quoi lui servait le port militaire de La Rochelle qui ne conduisait nulle part ? Où disparurent ses archives, et où se réfugia sa flotte de l’Atlantique? Une réponse qui tient en un seul mot : Amérique. 425 F. — L’imposture de Christophe Colomb. Une analyse rigoureusement scientifique de toutes les cartes établies bien avant Christophe Colomb, et qui permirent au célèbre Gênois de « découvrir » l’Amérique (16 pages d’illustrations hors-texte). 485 FB.

● Rosé Ercole : Le premier langage de l’Homme. Cette toute première humanité, révélée par la Corse, a exprimé ses concepts en symboles taillés allant de l’abstraction à l’origine jusqu’au réalisme de la fin du paléolithique supérieur. Et ce langage lithique, premier média de l’humanité, a été le même sur la surface entière de ce vaste territoire qui va de la Méditerranée à la mer du Nord (175 photos et 750 dessins). 1080 FB.

● Emile Fradin : Glozel et ma vie. On a beaucoup écrit sur Glozel, mais on n’avait jamais entendu Emile Fradin lui-même. Les choses racontées simplement, telles qu’elles se sont passées, et la lutte d’un homme pour faire reconnaître son innocence et triompher la vérité. 430 FB.

● Lucien Gérardin : Le mystère des nombres. Des entailles sur os et des calculateurs en menhirs jusqu’à la Kabbale, des tablettes mathématiques de Suse jusqu’à l’harmonie des Sphères, du calcul binaire des pyramides jusqu’à la géo-métrie philosophale, des édifices sacrés au Nombre d’Or, et des calculs de hasard aux nombres magiques de la physi-que nucléaire... toute la vivante actualité de la Connaissance la plus traditionnelle. 725 FB.

● Eugène Goblet : La migration des symboles. Le globe ailé et le svastika, le caducée et le serpent, la mythologie de l’arbre sacré... des symboles communs à différentes sociétés, et le sens de leur migration. Fac-similé de l’ouvrage de 1891, par un professeur d’histoire des religions à l’Université de Bruxelles. 915 FB.

● Eric Guerrier : Le premier testament des dieux. Essai de théoarchéologie biblique sur la Genèse, les Anges, le Dé-luge, l’Eden, la tour de Babel. Le résultat de plus de dix ans de recherches de références incontestables, dans la lignée de Jean Sendy. 445 FB. — Les dieux et l’Histoire sainte. Tome II : Abraham et les souvenirs patriarcaux, Moïse derrière l’imposture, les survivances prophétiques. 445 FB. — De Bethléem à la fin des temps. Tome III : Jésus-Christ, les « culs-de-sac », les apparitions mariales, eschatologie ou logique des finalités. 535 FB.

● Renée-Paule Guillot : Le chamanisme, ancêtre du druidisme. Le chamanisme authentique est une tradition magico-religieuse qui rayonna jadis sur le nord de l’Europe. Au travers des chants, légendes et poèmes de l’Islande, de l’Ar-morique, de l’Irlande, dans les Eddas germano-scandinaves et le Kalevala finnois, on retrouve les chamans, techni-ciens du sacré, dont le message s’est prolongé dans le druidisme et la culture grecque. 625 FB.

● Charles Hapgood : Les cartes des anciens rois des mers. Le livre fondamental sur les cartes de Pirî Raïs et d’autres, démontrant l’existence d’une civilisation avancée à l’époque glaciaire, et préfacé par Rémy Chauvin. 110 illustrations. 815 FB.

● Jacques Huynen : L’énigme des Vierges Noires. Ouvre des grands ordres monastiques, elles sont en rapport étroit avec les pèlerins de Compostelle, mais au-delà, elles sont aussi proches parentes de la mystérieuse Isis, de la Déesse-Terre des druides et de la grande Diane d’Ephèse. 635 FB.

● Christophe Levalois : La Terre de Lumière. Selon la plupart des traditions, à l’Age d’Or correspond une terre mer-veilleuse à l’extrême nord du monde : Hyperborée, Thulé, Ile Blanche, etc. L’auteur étudie les caractéristiques arcti-ques de certains textes sacrés et de nombreux mythes, puis aborde le symbolisme du pôle : la royauté traditionnelle, la cité sacrée, le solstice d’hiver, la nuit polaire, début et fin d’un cycle. 480 FB.

● Pierre Montet : Vies des pharaons illustres. Hatshepsout, Akhenaton, Toutankhamon et Ramsès II, mais aussi les exploits et les œuvres de pharaons moins connus mais aussi dignes d’intérêt. 910 FB.

● Otto Muck : L’Atlantide, légendes et réalités. Relisant Platon à la lumière des sciences modernes, l’auteur reconsti-tue la catastrophe d’il y a 12.000 ans, depuis l’engloutissement de l’île jusqu’à l’agonie des mammouths sibériens. A l’heure actuelle, une des hypothèses les mieux étayées scientifiquement. 585 FB.

● Plutarque : Isis et Osiris. Pour Plutarque, les mythes religieux cachaient des vérités profondes. Tous les faits qu’il relate trouvent dans des documents authentiquement égyptiens leur confirmation. Un riche trésor de renseignements qu’on n’a pas encore épuisé, sur un mythe fondamental de l’Egypte. 615 FB.

● Maria Reiche : Mystery on the desert. Le seul ouvrage de la grande spécialiste de Nazca, texte en anglais, allemand et espagnol (92 pages, 35 photos dont 10 en couleurs). 420 FB.

● Jean Richer : Géographie sacrée du monde grec. A partir de l’étude des orientations « anormales » des temples d’Apollon et de l’examen des plus anciennes monnaies grecques, l’auteur a pu reconstituer trois roues zodiacales centrées sur Delphes, Délos et Sardes. Réédition de l’ouvrage de 1967, enrichi de 40 pages de compléments qui n’ont fait que confirmer la découverte. 1055 FB.

● Simone Waisbard : Machu-Picchu, cité perdue des Incas. La véritable histoire de ce gratte-ciel de l’ancien Pérou, qui vit la fin du monde inca. Mais aussi un guide détaillé du site, de ses énigmes archéologiques confrontées aux points de vue des américanistes. 630 FB.