kadath chroniques des civilisations disparues - 003

37

Upload: lionel-elyansun

Post on 28-Dec-2015

57 views

Category:

Documents


18 download

TRANSCRIPT

Page 1: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003
Page 2: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

1

COMITE DE REDACTION : ivan verheyden, rédacteur en chef jean-claude berck, robert dehon, jacques dieu, guy druart, patrick ferryn, jacques gossart, jacques victoor AVEC LA COLLABORATION DE : willy brou, paul de saint-hilaire, professeur marcel holmet, pierre méreaux-tanguy, albert van hoorenbeeck, albert weysen MAQUETTE DE GERARD DEUQUET

Au sommaire — notre cahier hénoch

— heureux qui comme hénoch, Ivan Verheyden . . . . . . . . . . — la chute des anges et l’enlèvement d’hénoch, ill. Gérard Deuquet . . . .

— les templiers, chevaliers d’apocalypse, Paul de Saint-Hilaire . . . . . . — retour à virginal-samme . . . . . . . . . . . . . . . . . . — notre dossier égypte

— une égypte, deux chronologies, Jean-Claude Berck . . . . . . . . — tableau chronologique des rois d’égypte . . . . . . . . . . . .

— james churchward et le continent de mu, Jacques Dieu . . . . . . . .

3

10 15 19

23 28 33

Page 3: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

2

A la recherche

De kadath

Ami lecteur, pardonnez-nous... certains articles que nous vous proposons cette fois sont plus longs que dans les numéros précédents, et peut-être plus ardus à lire. Mais c’est que le sujet abordé nécessitait une documentation exhaustive. Ainsi, le Livre d’Hénoch ne peut être compris que si l’on tient compte de l’ensemble des renseignements que nous avons réunis pour vous. Ainsi, l’importan-ce d’une chronologie égyptienne longue ne se conçoit que grâce au travail approfondi qui a permis à l’un de nous de vous présenter un tableau valable. Il nous permettra, par la suite, d’aborder les grandes énigmes égyptiennes avec le regard clair et informé que cela exige. Dans nos prochains numéros, nous reviendrons à la moyenne des articles précédents... à moins que vous ne préfériez le contraire I Car le lecteur reste le meilleur juge. Et grâce à la confiance de nos abonnés — que nous tenons à remercier ici — nous avons pu, sans augmentation de prix, ajouter quatre pages à votre numéro de KADATH. Enfin, nous sommes d’ores et déjà à même de vous promettre, pour la rentrée d’octobre, une surpri-se en ce qui concerne nos collaborateurs. La réponse enthousiaste de quelqu’un dont nombre d’en-tre vous attendaient la réaction avec impatience. Mais nous ne pouvons en dire davantage pour le moment : sachez seulement que vos réactions à nos éditoriaux prouvent à coup sûr que cette colla-boration sera la bienvenue auprès de vous. KADATH.

Page 4: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

ENTRE LES LIGNES

On peut aborder les anciens textes sacrés de plu-sieurs manières : soit n’en recueillir que le messa-ge religieux, soit les considérer sous leur angle historique ou encore comme une émanation de l’inconscient collectif de l’humanité. Disons tout de suite que nous écarterons le premier aspect, non de notre estime, mais du moins de nos préoccupa-tions. Car leur message spirituel est évident, et chacun peut en retrouver l’impact au cœur même de notre civilisation, à travers le christianisme, le bouddhisme, l’hindouisme. Une telle attitude doit avoir comme corollaire qu’on ne pourra nous re-procher d’attaquer l’une quelconque de ces reli-gions. Si des rectifications historiques s’imposent, c’est parce que l’archéologie est en pleine muta-tion, et que nous n’avons pas le droit de rester à la traîne. Ceci étant posé, choisissons le livre que, en Occi-dent, nous croyons connaître le mieux : la Bible. Et plus précisément, la période de la Genèse com-prise entre la Création et le Déluge. Période qui compte à peine cinquante versets et qui, à l’analy-se, se révèle bien plus riche qu’on ne croit en ren-seignements sur les origines de la civilisation. Ces documents ont été transmis avec une méticulosité telle que leur exposé se présente comme une suite d’énoncés archaïques et sclérosés. II man-que, en fait, le mode d’emploi. Du moins si l’on s’en tient à la Bible seule. Car d’autres écrits peu-vent apporter la clé de l’énigme. Peu de compilateurs se sont attaqués au Livre d’Hénoch, à l’exception de Robert Charroux (1) : « Il nous faut revenir aux écrits anciens pour trou-ver de nouveaux détails révélateurs qui, à foison, existent dans un apocryphe très antérieur à la Bible : « Le Livre d’Enoch ». Enoch est un per-

sonnage mystérieux que la tradition d’Israël, s’est approprié, mais en fait, son existence est très an-térieure à la civilisation hébraïque ». Or, c’est à la fois vrai et faux. Peter Kolosimo, compère transal-pin de Charroux, le lui fait remarquer (2) : « Les informations fournies par Charroux sur le très dis-cuté Livre d’Enoch (texte apocryphe écrit non pas dans des temps très reculés mais après Jésus-Christ) sont absolument imaginaires ». Seulement, cela aussi n’est que partiellement vrai. Voilà déjà deux auteurs qu’on a tendance à mettre dans le même sac, renvoyés dos à dos. S’ils ont la préten-tion de faire du travail sérieux, ils auraient intérêt à accorder leurs violons. « Du calme et de l’ortho-graphe », Messieurs... C’est pourquoi KADATH a voulu ouvrir pour ses lecteurs le dossier Hénoch. Le décor du récit. Les quatre premiers chapitres de la Genèse par-lent respectivement de la Création, du Jardin d’Eden, de la Chute et enfin de Caïn et Abel. Au chapitre cinq débute la généalogie des patriarches antédiluviens, parmi lesquels se situe Hénoch. Le déluge de Noé est annoncé au chapitre six et dé-crit dans les septième et huitième. Malheureuse-ment, pour les repères chronologiques, il faudra aller chercher plus loin encore dans le récit. Ce qui va nous obliger à procéder ensuite à reculons. Après le déluge, huit générations vont mener à Abraham, que nous retrouvons dans la ville d’Ur,

3

HEUREUX QUI COMME HENOCH...

Et tous ceux qui détiennent injustement les mystères merveilleux n’existeront plus.

« Livre des Mystères », grotte IV de Qumrân.

(1) « Le livre des secrets trahis », Laffont 1965, p. 121-122.

(2) « Archéologie spatiale », Albin Michel 1969, p. 30-31.

Page 5: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

4

en Chaldée. Déjà parmi ses ancêtres, on cite les fondateurs de villes babyloniennes et assyrien-nes : ces centres avaient nom Akkad, Ninive, Ba-bylone, les grandes cités de la Mésopotamie. en-tre Tigre et Euphrate (l’Irak actuel). Or donc, Ur constitue, avec Eridu, Uruk, Kish et Obeid, le noyau de la civilisation originelle de Sumer, qui s’était développée sur les rives du Golfe Persique, du temps où le fond de celui-ci s’étendait à 150 km plus au nord qu’actuellement (entre 4000 et 3000 avant J.-C.). Par la suite vont surgir les gran-des cités de Babylone sur l’Euphrate, Assur et Ninive sur le Tigre. Une fois seulement, Abraham est confronté avec des monarques contemporains, et on a voulu assi-miler un certain « Amraphel » de la Genèse, au grand Hammurabi, législateur de Babylone vers — 1700. Mais cette théorie ne trouve plus que peu de partisans. De sorte qu’on se contente de situer Abraham au second millénaire avant notre ère, lorsque Ur était déjà réduite à une petite cité. Ce n’est pas chercher midi à quatorze heures que de s’attarder auprès de ce patriarche. Car son intérêt est double : outre sa signification en vue d’une chronologie historique, nous découvrons en même temps l’importance de l’apport babylonien au texte biblique. Déjà, l’épopée de Gilgamesh peut être mise en parallèle avec le déluge biblique, mais si, de plus, il s’avère qu’Abraham est originaire d’Ur, les choses prennent une teinte différente. Pour-tant, il serait dangereux d’aller trop loin. Analogie ne signifie pas copie conforme. Dans le cas des textes en question, les spécialistes penchent plu-tôt pour une tradition primitive commune, qui au-rait fourni un courant sumérien et un autre israéli-te. De sorte que nous nous rapprochons déjà d’un événement antérieur. Ce fameux déluge, nous y reviendrons une autre fois, car il fait partie d’un patrimoine commun à l’humanité tout entière, puisqu’on le retrouve sur les cinq continents. Ce déluge-là, il appartient, croyons-nous, aux glaciologues de le situer, et provisoirement on avance le chiffre de 10.000 ans avant J.-C. Mais cela n’exclut pas qu’une inonda-tion plus récente et plus localisée ait pu être inclu-se dans la relation de cette catastrophe d’une tout autre ampleur. Et, de fait, les fouilles en Mésopo-tamie nous rapportent le déluge d’Ur, qu’on situe aux alentours de 4000 ans av. J.-C. Admettons — mais rien ne le prouve ! — que les épopées de Noé et de Gilgamesh ne remontent pas plus loin, les patriarches antédiluviens vont malgré tout nous reporter déjà en pleine « protohistoire ». On nomme ainsi l’époque antérieure à l’histoire, c’est-à-dire aux villes et à l’écriture. Seulement, étant donné que l’archéologie exhume régulièrement de nouvelles cités qu’on croyait légendaires (3), il y a belle lurette que l’histoire ne commence plus à

Sumer ! Admettons donc plutôt que la protohistoi-re correspond à des faits dont on ne trouve plus trace que dans les traditions. Approximation vala-ble, croyons-nous.

Les patriarches d’avant le déluge. Les documents sumériens étalent le règne des dix rois antédiluviens sur 432.000 ans ! La Genèse, elle aussi, en reconnaît dix, qui vivaient en moyen-ne 900 ans chacun, sauf Hénoch, septième pa-triarche depuis Adam, et qui, à l’âge de 365 ans, « fut pris par Elohim ». Ici encore, il faut s’attarder quelque peu sur la généalogie, si l’on veut com-prendre l’importance du document que nous vous proposons. Dans les poèmes sumériens, les ré-dacteurs ont procédé le plus souvent en attribuant au héros à glorifier une série d’aventures, traitées

Figurine provenant des fouilles d’Eridu. C’est du côté de Sumer, semble-t-il, qu’il faut re-chercher des analogies avec l’épopée d’Hénoch.

(3) La dernière en date étant Dilmoun, dans l’île de Bahrein (Golfe Persique), qui servait de lien entre Sumer et la vallée de l’Indus.

Page 6: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

chacune séparément, sans réunion en un tout. Les Sémites, au contraire, ont eu le souci d’une composition générale ; elle est, d’ailleurs, souvent mal venue et des traces de juxtaposition de récits divers y demeurent apparentes (4). Si on analyse la Genèse, on constate en effet, la méticulosité avec laquelle son auteur a compilé les traditions dont il disposait, quitte à les retranscrire côte à côte, avec leurs contradictions, plutôt que d’y changer un iota. Ce qui démontre à quel point elles paraissent reposer sur quelque chose de bien précis, qu’il s’agissait de transmettre coûte que coûte aux générations suivantes, même si on n’en comprenait plus certains détails. A nous donc, avec nos connaissances actuelles, de dé-mêler l’écheveau. C’est ainsi que l’on trouve, dans les chapitres 4 et 5 de la Genèse, deux généalogies successives, joignant Adam à Noé, l’une dérivant de Caïn, l’au-tre de Seth. Les voici :

On voit tout de suite que ces deux généalogies, tout en présentant des contradictions, sont com-plémentaires. Car il est difficile, après ce qui a été dit, de confondre erreur et manque d’information.

La première liste est plus sommaire et il y a inver-sion de noms (Irad-Mehuyael et Malaléel-Yéred). Le vocable ENOK ne se retrouve qu’une fois dans la première liste : son auteur a-t-il cru qu’il s’agis-sait du même personnage ? Comment savoir ? Il est en tout cas exclu qu’il y ait eu interpolation ultérieure, le passage en question se situant avant la fameuse consigne de Moïse, selon laquelle Yahvé lui-même avait fermement interdit de chan-ger ne fût-ce qu’une lettre au Pentateuque. Et une interpolation chrétienne est tout autant exclue, pour des raisons qu’on pourra déduire de la suite. En fait, il s’agit bien de deux patriarches différents. Au premier, Enosh, est attribué le nom d’une ville construite en son honneur. Les données sont mal-heureusement trop minimes pour que les archéo-logues aient jamais pu la situer. Le second est celui qui nous intéresse, et il est loin d’être fictif ! Dans la dynastie des rois sumériens, on le retrou-ve aussi à la septième place. Il s’agit d’Enmedu-ranki, ce qui signifie « le seigneur des décrets du ciel et de la terre », c’est-à-dire l’inventeur de l’as-trologie ; or, la troisième partie du Livre d’Hénoch est entièrement consacrée au « changement des luminaires du ciel ». La Genèse ne fournit pas tous ces renseignements. II est dit simplement que « Hénoch vécut soixante-cinq ans et il engen-dra Mathusalem. Après qu’il eut engendré Mathu-salem, Hénoch marcha en compagnie de l’Elohim trois cents ans. Il engendra des fils et des filles. Le total des jours d’Hénoch fut de 365 ans. Puis Hé-noch marcha en compagnie de l’Elohim et il ne fut plus. Car l’Elohim l’avait pris. » (Gen. 5, 21-24, réf. 1). Pourquoi un personnage aussi important ne mérite-t-il pas plus d’attention dans la Genèse ? Parce que son épopée était connue et que les Hébreux ne pouvaient pas savoir que la transcrip-tion de celle-ci allait, plus tard, être classée com-me apocryphe et retirée de la circulation ! Quand on vous traite d’apocryphe... Le mot « apocryphe », en grec, signifie « caché, secret, soustrait au regard ». On suspectait les Juifs d’avoir, à côté de leur Bible, des textes se-crets, se rapportant à la religion, mais, selon l’Eglise, non inspirés par Dieu. Parmi ceux-ci, le plus célèbre était précisément le Livre d’Hénoch. En fait, dans les premiers siècles, ces ouvrages jouissaient auprès des Pères de l’Eglise, d’une grande notoriété. Les gens se souciaient fort peu de ce qu’ils soient attribués faussement ou qu’ils contiennent des erreurs. Jusqu’au jour où Saint Augustin y mit un terme. Et le Concile de Braga, en 563, entérina la décision, en proscrivant tous les livres apocryphes, dont la lecture publique serait désormais interdite dans les églises. L’écri-vain catholique Daniel-Rops lui-même admet qu’on ignore au juste pourquoi ces œuvres subi-rent un tel sort. (réf. 6).

5

(4) G. Conteneau, « Le déluge babylonien », Payot 1952.

ABEL ( ) CAIN

ENOSH

IRAD

MEHUYAEL

MATHUSAEL

LAMECH

SETH (912)

ENOSH (905)

CAINAN (910)

MALALEEL (895)

YERED (962)

HENOCH (365)

MATHUSALEM (969)

LAMECH (777)

NOE (950)

ADAM (930 ans) et EVE

. . . .

Page 7: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

6

Or, entretemps, le Livre d’Hénoch avait déjà été incorporé dans la Bible éthiopienne. C’est dire assez que l’ouvrage est authentique. A l’origine composé en une langue sémitique (l’hébreu ou l’araméen), il fut traduit en latin et en grec, puis de là en éthiopien, au IVe siècle. Des citations de la version grecque se retrouvent chez Georges le Syncelle, au IXe siècle ; et des allusions y sont faites dans le Livre des Jubilés, l’Epitre de Jude, ainsi que chez Origène et Eusèbe de Césarée. Pourtant, la version intégrale nous manqua jus-qu’en 1838, date à laquelle fut publiée à Oxford la traduction éthiopienne, qu’on avait retrouvée en Abyssinie. Et puis, en 1947, on put constater que le judaïsme essénien avait été beaucoup plus souple que l’Eglise actuelle. Car, dans le désert de Juda, un jeune garçon, parti à la recherche d’une chèvre égarée, venait de faire une découverte extraordinaire... L’authentification à Qumrân. Dans les falaises non loin des ruines de Khirbet Qumrân, à l’extrémité septentrionale de la Mer Morte, il y a des grottes. Dans ces grottes, le jeu-ne pasteur découvrit des jarres, contenant des manuscrits enroulés. S’il n’y avait pas eu ces der-niers, on aurait probablement à nouveau parlé d’hommes des cavernes... Les Manuscrits de la Mer Morte comportent des documents relatifs à la secte juive des Esséniens (Manuel de Discipline, Commentaires d’Habacuc, La Guerre des Fils de Lumière et des Fils des Ténèbres), qui ont fait couler beaucoup d’encre, d’aucuns voulant assimi-ler le personnage du Christ au Maître de Justice dont parlent les textes de Qumrân. Ce problème sort du cadre de notre article. Ce qui nous intéres-se, ce sont certaines copies de l’Ancien Testa-ment, qui font partie de la récolte. Il s’avère, en effet, qu’outre les Livres d’Isaïe et de David, celui d’Hénoch fut également un des grands classiques de la secte essénienne. Une dizaine de manus-crits hénochiens se trouvent représentés dans la grotte dite IV... authentification rêvée s’il en fut. Car on considère actuellement que tous les Ma-nuscrits de la Mer Morte ont été composés entre — 300 et l’an 70 de notre ère, date à laquelle ils furent probablement déposés dans les grottes. Le Livre d’Hénoch n’est donc nullement un faux. Et même si l’Eglise persiste à le considérer comme apocryphe, c’est-à-dire non inspiré par Dieu, il n’en demeure pas moins qu’il apporte de précieux éclaircissements historiques au Livre de la Genè-se. L’ouvrage est centré sur un noyau primitif de tradi-tions probablement présumériennes. Mais l’auteur qui l’a rédigé définitivement a pu être situé dans le temps, grâce à la chronologie des semaines et des années, et aux symboles historiques qu’on retrouve en filigrane. II a vécu au second siècle avant le Christ, soit vers — 165, sous Antiochus Epiphane, soit vers — 110, sous Jean Hyrcan,

deux souverains qui, déjà, œuvraient à une hellé-nisation d’Israël. On cite parfois deux livres d’Hé-noch. Le second, « Hénoch slave », est aussi dit « Livre des secrets d’Hénoch », d’après la premiè-re phrase du texte. Celui-ci est de facture plus récente, probablement rédigé en grec par un Juif du premier siècle de notre ère. Nous n’en possé-dons que des traductions en vieux slave, relatant le voyage du patriarche. Dans le Livre d’Hénoch, on distingue cinq parties, plus une sixième qui, déjà, relève du noyau primi-tif, puisqu’il s’agit de la transcription d’un extrait du Livre de Noé (autre apocryphe de la Genèse, re-pris à Qumrân). La troisième partie est le « livre du changement des luminaires du ciel », dont il a été question plus haut, en fait un traité d’astrologie chaldéenne, décrivant les mouvements des vents et des astres. Mais la partie qui nous intéresse surtout est la première, développée par ailleurs dans l’ « Hénoch slave ». II y est question de la chute des anges du ciel, et de l’enlèvement d’Hé-noch sur ordre de Yahvé. Les avatars des « anges ». Revenons à la Genèse. Nous avons dit que le cinquième chapitre fournissait une généalogie antédiluvienne menant à Noé, et qu’Hénoch était le septième patriarche depuis Adam. Au chapitre 6 va se situer l’annonce du déluge. Seulement, toute l’époque protohistorique qui précède cet événe-ment considérable est résumée dans la Genèse en huit versets. II est bon de les transcrire ici, car c’est au cœur même de cette relation que se situe l’odyssée d’Hénoch. 1. « Quand les hommes commencèrent à se mul-

tiplier à la surface du sol, et que des filles leur naquirent,

2. il advint que les fils d’Elohim s’aperçurent que les filles des hommes étaient belles. Ils prirent donc pour eux des femmes parmi toutes celles qu’ils avaient élues.

3. Alors Yahvé dit : « Mon esprit ne restera pas toujours dans l’homme, car il est encore chair. Ses jours seront de cent vingt ans. »

4. En ces jours-là, il y avait des géants sur la terre et même après cela : quand les fils d’Elo-him venaient vers les filles des hommes et qu’elles enfantaient d’eux, c’étaient les héros qui furent jadis des hommes de renom.

5. Yahvé vit que la malice de l’homme sur la terre était grande et que tout l’objet des pensées de son cœur n’était toujours que le mal.

6. Yahvé se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’irrita en son cœur.

7. Yahvé dit: « Je supprimerai de la surface du sol les hommes que j’ai créés, depuis les hom-mes jusqu’aux bestiaux, jusqu’aux reptiles et jusqu’aux oiseaux des cieux, car je me repens de les avoir faits. »

Page 8: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

8. Mais Noé trouva grâce devant Yahvé. » (Gen. 6, 1-8. Réf. 1).

Par l’intermédiaire de qui ? D’Hénoch ! Ce n’est pas écrit dans la Genèse. Simplement: « Elohim l’avait pris ». Mais c’est ce voyage qu’Hénoch raconte lui-même dans son livre. Les fils d’Elohim sont les anges, du grec angelos = messager. Ce sont des « créatures célestes, qui louent et ser-vent Dieu, et sont envoyés sur terre pour trans-mettre les messages divins et pour protéger et sauver les croyants. On les subdivise en groupes: archanges, puissances, séraphins et chéru-bins » (réf. 5). Remarquons en passant que la nature des anges ne fait l’objet d’aucun dogme. Le protestantisme les a mis à l’arrière-plan, allant même parfois jusqu’à nier leur existence. La théo-logie catholique romaine, par contre, leur a donné une place importante... mais encombrante aussi. Voir les discussions byzantines sur le « sexe des anges » ! Où ça ne va plus du tout... Car nous voici arrivés au nœud du problème: c’est ici que l’exégèse traditionnelle, refusant de pren-dre en considération le Livre d’Hénoch et ses re-tombées dans les Manuscrits de la Mer Morte, se perd dans ses contradictions. Pourquoi ? Au IVe siècle, voulant à tout prix spiritualiser les anges, les Pères de l’Eglise se sont mis d’accord pour considérer que la mention de fils d’Elohim concerne la lignée pieuse et bonne de Seth (5), tandis que les filles des hommes seraient les des-cendants de Caïn. Les bons et les mauvais, quoi... On peut se demander pourquoi cette lignée pieuse et bonne doit être à l’origine d’une race de géants. Et que font ces « pieux fils d’Elohim » ? Des textes de Qumran, il ressort que ce sont eux qui perverti-rent le monde, en enseignant aux hommes les arts et les sciences. A telle enseigne que Yahvé, cour-roucé, fait enlever Hénoch pour lui annoncer qu’un déluge va punir ses descendants. De fait, ces fils d’Elohim sont des êtres de chair et de sang, dé-nommés « vigilants » ou « veilleurs » dans les textes de Qumrân. Mieux, ce sont des « fils des cieux » ou des « étrangers ». Et un spécialiste, H. Lignée, précise : « Etranger ne désigne pas sim-plement un autre que le mari légitime. Son emploi en parallélisme avec vigilants et fils des cieux indi-que qu’il est synonyme de ces deux termes. Il désigne donc un être étranger à ce monde ». (réf. 10). Et même le Cardinal Daniélou, interrogé sur la question de savoir si la théologie admettait l’existence, en dehors de l’humanité, d’êtres pen-

7

Manuscrits de la Mer Morte. Découverts en mars 1947, dans le désert de Juda„ non loin des ruines de Khirbet Qumrân. A 2,5 km au nord de la Mer Morte, et à 12 km au sud de Jéricho. Plus de 400 manuscrits, qui furent étudiés surtout par Millar Burrows, Dupont-Sommer, John Allegro, Jean Carmignac et J.T. Milik. Ils sont en-treposés au Musée archéologique Rockefeller de Jérusalem. Et voici que la politique a ses raisons que la science est forcée de connaître. Ce musée se trouvait dans le secteur jordanien de la ville... du moins jusqu’à la guerre des six jours en juin 1967. Depuis, le secteur est contrôlé par les forces israéliennes, et la publication des manuscrits a été interrompue. Le litige ? Les savants et experts bibliques refusaient de publier leurs travaux sous les auspices de l’Etat hébreu. Il a fallu cinq ans de discussions pour arriver, en janvier dernier, à un compromis : on s’est mis d’accord pour ne pas mentionner le nom d’Israël sur les pages de garde des volumes qui vont être publiés dans la série « Découvertes dans le désert de Juda ». Les tex-tes qui seront confiés à la Oxford University Press concernent les fouilles dans la grotte IV, dont la publication du Livre d’Hénoch, grâce aux travaux du Dr. J.T. Milik.

Néphilim Géants, qui tombent du ciel. Font partie des héros ou gibborîm. (réf. 1). Il s’agirait de Titans et Cyclo-pes orientaux, nés de l’union des mortelles et des êtres célestes. Donc, une race insolente de sur-hommes ou de préhominiens. (réf. 2). Dans la mythologie grecque, ils correspondent à Hercule, fils de Zeus et d’une terrienne, Alcmène ; le Mino-taure, fils de Pasiphaé et d’un taureau venu de la mer ; Castor et Pollux, nés de Léda et d’un cygne, etc.

Elohim Pluriel de El ou Eloah, mot par lequel des tribus sémites désignaient toute puissance invisible, tout esprit, tout dieu en qui elles croyaient. Elohim est censé représenter ces innombrables êtres mysté-rieux. (réf. 7). Les Bibles traditionnelles traduisent cela par Dieu. Sauf Edouard Dhorme, qui laisse le mot Elohim. Car c’est bien d’un pluriel qu’il s’agit dans le texte original hébreu. Elohim étant un dieu, ses fils issus uniquement de lui, devaient être aus-si des dieux, et les enfants qu’ils eurent avec des femmes — ces géants et héros — devaient être des demi-dieux. (réf. 7).

(5) Il est à noter que dans les textes des pyrami-des, l’Egypte prédynastique est également dite « royaume de Seth ».

Page 9: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

8

sants, devait répondre : « Aucun doute. L’ensei-gnement constant des deux Testaments et de la Tradition de l’Eglise affirme cette existence : c’est le cas des anges, que l’on oublie trop sou-vent. » (6). Et c’est un premier point à noter. Le second point concerne Hénoch lui-même. « Elohim l’avait pris » est expliqué traditionnelle-ment comme une première allusion à la survie de l’âme. Or, Hénoch est le seul, avec Elie, à subir ce sort. De plus, dans le texte qumrânien dénommé « Rouleau de Lamech », on voit Mathusalem se rendre auprès de son père Hénoch, « aux confins de la terre, car il avait appris que j’étais là ». Hé-noch n’est donc pas mort, mais réside quelque part. L’analyse des textes précise que c’est au nord-ouest. Disons que « au ciel » peut être aussi bien le sommet d’une montagne (dans ce cas, le récit relève de l’alpinisme), ou bien encore les airs (à ce moment-là, c’est de l’aéronautique), ou en-core l’espace noir au-dessus de l’atmosphère (et c’est de l’astronautique). Gardons-nous d’aller plus loin pour le moment. D’autres preuves ? Voici donc des extraits du Livre d’Hénoch. Résu-mons-nous. Hénoch est le septième patriarche depuis Adam. En fait, il ressemble trop au septiè-me héros antédiluvien de la mythologie sumérien-ne pour qu’il s’agisse d’une coïncidence. Enmedu-ranki, roi légendaire de Babylone, reçut la sagesse de son dieu Baal-Marduk, vécut, comme Hénoch, une année solaire (365 ans), et fut de ce fait considéré comme un héros protégé du Dieu Soleil. Cette assimilation nous rapproche étrangement du Golfe Persique, d’où a surgi Oannès, le dieu-poisson venu initier les hommes aux arts et aux sciences. Or donc, Hénoch vivait pieusement, tandis que les « anges » initiaient les hommes aux mystères funestes. Et Yahvé le fit enlever pour lui annoncer le déluge. Derrière ce mythe se cache une réalité historique; derrière l’épisode des anges égale-ment. Nous en voyons une autre preuve dans l’inquiétude de Lamech au sujet de la naissance de Noé. Lorsqu’il vit son fils, il s’enfuit auprès de Mathusalem, pour lui faire part de sa conviction qu’il s’agissait d’un enfant des « anges du ciel ». Cette hantise des maris trompés devait être une menace sérieuse en ces temps-là, pour qu’on la relate en long et en large dans un texte aussi im-portant. Une anecdote analogue et apparemment aussi anodine est l’ivresse du brave Noé, décrite dans la Genèse : pourtant, l’épisode est des plus importants, puisqu’il s’agit de la découverte de la vigne ! Enfin, cet étrange « Ecrit de Damas », récit hébreu d’origine inconnue, mais dont on a retrouvé des traces dans les textes de Qumrân :

« Ils tombèrent, les veilleurs du ciel, (...) parce qu’ils n’avaient pas gardé les commandements de Dieu ; Et leurs fils, dont la hauteur égalait l’élévation des cèdres, et dont les corps étaient comme des mon-tagnes, ils tombèrent. Toute chair qui se trouvait sur la terre sèche, expi-ra et ils furent comme s’ils n’avaient pas été, parce qu’ils avaient fait leur propre volonté ». Et les extraterrestres ?... Le lieu du séjour d’Hénoch reste, bien sûr, avec la nature des anges, le grand mystère de ces passa-ges. II en va du Livre d’Hénoch comme de toutes les traditions. Si vous êtes convaincu d’une inter-vention extraterrestre, votre conviction sortira ren-forcée de la lecture de ce texte (7). Si, par contre, vous croyez qu’il s’agit d’une colonie hyperboréen-ne, vous serez tout autant convaincu. Cela tient à la nature même de l’élément. A notre avis, il s’agit là de preuves indirectes. Si elles étaient corrobo-rées par des pièces à conviction trouvées lors des fouilles, la situation serait tout autre. Or, précisé-ment, à Bagdad et à Ninive traînent des « objets du culte », qui pourraient se rapporter aux tradi-tions relatives à l’initiation d’Oannès dans le Golfe Persique. Nous y reviendrons une autre fois. Tou-jours est-il qu’une chose demeure certaine : en ces tempes lointains de la protohistoire, il s’est passé quelque chose dans la région du « croissant fertile ». Et ce quelque chose a fait démarrer la civilisation. Cela valait la peine de s’y arrêter. II est admis, même par les exégètes, que la direc-tion qu’a prise Hénoch correspond à l’Hyperborée. Encore un sujet qui mériterait une étude plus ap-profondie mais qui, en réalité, peut recouvrir une notion assez vaste. C’est en ce pays qu’Hénoch, en compagnie des anges, se retrouvera devant le « Trône de Dieu ». Les partisans de la thèse extraterrestre y voient un vaisseau spatial. Le tex-te en soi n’est pas suffisamment explicite pour qu’on puisse l’affirmer. Néanmoins, dans sa des-c r i p t i o n , H é n o c h m e n t i o n n e d e s « roues » (ophanim) auprès des chérubins et des séraphins. De sorte qu’il semble dépeindre l’inté-rieur du « Char de Dieu », celui-là même que dé-crit Ezéchiel avec un luxe de détails. Et il précise même (chap. LXI), au sujet des anges : « de lon-gues cordes leur furent données, et ils prirent des ailes et s’envolèrent ».

(6) Interview accordée au Figaro du 29 décembre 1960, et citée par Paul Misraki dans « Des Signes dans le ciel », Ed. Labergerie, 1968.

(7) Mais vous n’aurez pas encore résolu pour autant le problème génétique posé par l’union éventuelle des extraterrestres avec les êtres humains !...

Page 10: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

C’est dans ce sens général que l’a vu Gérard Deu-quet pour son illustration. Les descriptions d’Hé-noch sont souvent imprécises. Le pauvre homme ne réalisant pas ce qui lui arrivait, il pouvait diffici-lement en être autrement. Aussi, Gérard Deuquet a-t-il dû interpréter certains passages, ajouter des détails afin de ne pas laisser le dessin inachevé. II s’agit donc là, au pur sens du terme, d’une « vision d’artiste ». Mais les tableaux de la Renais-sance, représentant les « fils d’Elohim » comme des angelots joufflus, sont aussi des visions d’ar-tistes. A tout prendre, nous préférons être contem-porains. IVAN VERHEYDEN

9

« L’échelle de Jacob » : une « vision d’artiste » qui n’est pas la nôtre.

REFERENCES. (1) Edouard Dhorme. « La Bible », Ed. de la

Pléiade, 1956. (2) Jean Chevalier. « La sainte Bible, première

édition œcuménique », Ed. Planète, 1965. (3) « La Bible de Jérusalem », Ed. Denoël,

1973. (4) F. Vigouroux. « La Sainte Bible polyglotte »,

Paris 1907. (5) Id. « Dictionnaire de la Bible», Paris1895. (6) Joseph Bonsirven « La Bible apocryphe en

marge de l’Ancien Testament », Arthème Fayard 1953. Préface de Daniel-Rops.

(7) Ernest Paumen. « La Bible éclaircie et ses apocryphes », Louis Musin, 1972.

(8) Millar Burrows. « Les Manuscrits de la Mer Morte », Robert Laffont, 1957, rééd. 1970.

(9) A. Dupont-Sommer. « Les écrits esséniens découverts près de la Mer Morte », Payot, 1960.

(10) H. Lignée. « Les textes de Qumrân », Letou-zey et Ané, 1963.

Les extraits du Livre d’Hénoch que nous reprodui-sons sont repris du livre de François Martin, « Le Livre d’Hénoch traduit sur le texte éthiopien », Letouzey et Ané, Paris 1906. Les extraits de l’ « Hénoch slave » proviennent de la référence (6).

Page 11: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

10

VI. Or, lorsque les enfants des hommes se furent multipliés, il leur naquit en ces jours des filles bel-les et jolies ; et les anges, fils des cieux, les virent, et ils les désirèrent, et ils se dirent entre eux : « Allons, choisissons-nous des femmes parmi les enfants des hommes et engendrons-nous des enfants ». Alors, Sémyaza leur chef, leur dit: « Je crains bien que vous ne puissiez accomplir votre dessein, et que je supporte seul la peine de votre crime ». Mais tous lui répondirent: « Faisons tous un serment, et promettons-nous tous les uns aux autres avec anathème de ne pas changer de des-sein ». Et ils lui répondirent « Nous le jurons ! Et nous nous lions tous par de mutuelles exécra-tions ; nous ne changerons rien à notre dessein, nous exécuterons ce que nous avons résolu. » En effet, les veilleurs jurèrent et se lièrent entre eux par de mutuelles exécrations. Ils étaient deux cents, qui descendirent dans les jours de lared sur la cime du mont Hermon, et ils l’appelèrent le mont Hermon, parce que c’est sur lui qu’ils avaient juré et s’étaient engagés les uns envers les autres avec anathème. VII. Les chefs et tous les autres avec eux prirent des femmes, chacun en choisit une, et ils com-mencèrent à aller vers elles et à avoir commerce avec elles, et ils leur enseignèrent les charmes et les incantations, et ils leur apprirent l’art de couper les racines et la science des arbres. Et ces fem-mes conçurent et elles enfantèrent des géants. Et ils commencèrent à pécher contre les oiseaux et contre les bêtes, les reptiles et les poissons, puis ils se dévorèrent la chair entre eux ; et ils en bu-rent le sang. Alors la terre accusa les violents.

LE PASSE PRESENT

LA CHUTE DES ANGES ET L’ENLEVEMENT D’HENOCH Récit antédiluvien raconté par son héros Illustration originale de Gérard Deuquet

VIII. Et Azazel apprit aux hommes à fabriquer les épées et les glaives, le bouclier et la cuirasse de la poitrine, et il leur montra les métaux et l’art de les travailler, et les bracelets et les parures, et l’art de peindre le tour des yeux à l’antimoine, et d’em-bellir les paupières, et les pierres les plus belles et les plus précieuses et toutes les teintures de cou-leur, et la révolution du monde. L’impiété fut gran-de et générale ; ils forniquèrent, et ils errèrent, et toutes leurs voies furent corrompues. Ils ensei-gnèrent encore les enchantements et les signes, la signification de l’aspect des étoiles et les mou-vements de la lune. Et dans leur anéantissement, les hommes crièrent et leur clameur monta au ciel. IX-X. (Les bons anges : Michaël, Uriel, Raphaël, Gabriel, regardant du haut du ciel, prient les saints du ciel d’intervenir auprès de Dieu). Le Seigneur dit à Raphaël : « Enchaîne Azazel, pieds et mains, jette-le dans les ténèbres ; et ouvre le désert qui est en Dudaël, et jette-le là. Jette sur lui des pier-res raboteuses et tranchantes, couvre-le de ténè-bres, et qu’il y reste éternellement ; couvre aussi sa face pour qu’il ne voie pas la lumière. Et au grand jour du jugement, qu’il soit jeté dans le bra-sier. Puis guéris la terre que les anges ont cor-rompue ; et annonce la guérison de la terre, afin qu’ils guérissent leur plaie et que les enfants des hommes ne soient pas perdus par tout le mystère que les veilleurs ont appris et enseigné à leurs enfants. Toute la terre a été corrompue par la science d’Azazel : impute-lui donc tout péché... »

Page 12: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

XII. Avant ces événements, Hénoch avait été ca-ché ; et il n’est aucun des enfants des hommes sachant ce qu’il était devenu. Or, il se trouvait avec les veilleurs et avec les anges. Or moi, Hé-noch, j’étais occupé à bénir le Seigneur, le roi du monde, et voici que les veilleurs m’appelèrent, moi, Hénoch le scribe, et me dirent : « Hénoch, scribe de justice, va : fais savoir aux veilleurs du ciel, qui ont abandonné le ciel très haut, le lieu saint, éternel, et se sont souillés avec des fem-mes : il n’y aura pour eux ni paix, ni rémission du péché. » Hénoch reprend les anges, qui lui demandent d’in-tercéder pour eux. Le scribe rédige leur supplique. Mais il voit en songe les châtiments qui leur sont réservés, et doit leur annoncer que leur demande ne sera pas exaucée.

(Voici maintenant, extraite du Livre des Secrets d’Hénoch, la description de son enlèvement, après quoi nous reviendrons au Livre d’Hénoch lorsqu’il arrive au Trône de Dieu.) Alors m’apparurent deux hommes très grands, comme je n’en ai jamais vus sur terre. Leurs faces brillaient comme le soleil, leurs yeux étaient com-me des torches ardentes, de leur bouche sortait du feu ; leur vêtement était de plumes d’apparen-

ce variée, leurs pieds de pourpre, leur aile plus brillante qu’or, leurs bras plus blancs que neige. Ils se tenaient au chevet de mon lit et m’appelaient par mon nom. Ils me dirent : « Courage, Hénoch, en vérité ne crains pas : le Seigneur éternel nous a envoyés vers toi. Et voici qu’aujourd’hui tu viens avec nous dans le ciel. Donne tes instructions à tes fils pour ton absence (Il leur donne la consigne de ne pas le chercher avant que le Seigneur ne le ramène). Alors, les anges m’appelèrent, me pri-rent sur leurs ailes et m’enlevèrent au premier ciel. Ils me placèrent sur les nuages ; je vis l’air, l’éther encore plus haut. Et ils me mirent dans le premier ciel et ils me montrèrent une très grande mer, plus grande que la mer de la terre. (...) Ces hommes me saisirent et me conduisirent au deuxième ciel. Ils me montrèrent et je vis une obscurité plus gran-de que l’obscurité de la terre. Et je vis là les anges déchus enchaînés, gardés, pendus. (...) Troisième ciel : le paradis. Quatrième ciel : allées et venues du soleil et de la lune ; quatre myriades d’anges chacun à six ailes, conduisant les étoiles. (...) Ils me prirent sur leurs ailes au cinquième ciel. Là, je vis des troupes nombreuses et innombrables, ap-pelées veilleurs (Gregoroi). Ils ressemblent à des hommes, plus grands que les plus grands géants, visage sombre, bouche muette. Ce sont les Gre-goroi qui sont tombés, rejetés par le Seigneur, avec leur prince Satanael, 200 myriades, et ceux qui les suivirent, qui sont liés au deuxième ciel, dans la grande ténèbre. Venus sur terre au mont Hermon, ils souillèrent la terre par leurs actions avec les femmes. Les géants sont les démons nés d’eux. (...) Sixième ciel : phases et cours des étoi-les e t l e bon o rd re du monde réglés par les archanges. (...) Septième ciel : Trô-ne de Dieu. (Les événements sont présentés comme des vi-sions : aussi les retrouve-t-on à plusieurs reprises, mais rehaussés d’autres détails. Nous reprodui-sons ici trois passages dispersés dans le livre, mais qui, apparemment, concernent le même évé-nement.) LXX. Ensuite il advint que son nom fut élevé de son vivant auprès de ce Fils de l’homme et auprès du Seigneur des Esprits, loin de ceux qui habitent sur l’aride. Il fut élevé sur le char des vents et son nom disparut d’au milieu d’eux. Depuis ce jour, je ne fus plus compté parmi eux et Dieu me fit rési-der entre les deux vents, entre Nord et Occident, là où les anges prirent des cordeaux afin de mesu-rer pour moi le lieu des élus et des justes. Là, je vis les premiers pères et les saints qui, depuis toute l’éternité, habitent dans ce lieu. LXXXVII. Je levai les yeux de nouveau vers le ciel, et je vis en vision, et voici : du ciel sortirent comme

11

Page 13: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

des hommes blancs. Quatre sortirent de ce lieu, et trois étaient avec eux. Ces trois qui sortirent les derniers me saisirent par la main ; ils m’enlevèrent des générations de la terre, ils m’élevèrent vers un lieu haut et me montrèrent une tour élevée au-dessus de la terre : toutes les collines lui étaient inférieures. Et l’on me dit : réside ici jusqu’à ce que tu voies ce qu’il adviendra. XIV. Or la vision m’apparut ainsi : voici que des nuages m’appelèrent dans la vision, et une nuée m’appela ; et le cours des étoiles et les éclairs me firent hater et me désirèrent ; et les vents, dans la vision, me firent voler ; ils m’emportèrent en haut et me firent entrer dans les cieux. J’entrai jusqu’à ce que je fusse arrivé près d’un mur construit en pierres de grêle, des langues de feu l’entouraient, et elles commencèrent à m’effrayer. J’entrai dans les langues de feu et j’approchai d’une grande maison, bâtie en pierres de grêle ; les murs de cette maison étaient comme une mosaïque en pierres de grêle, et son sol était de grêle. Son toit était comme le chemin des étoiles et comme des éclairs ; au milieu se tenaient des chérubins de feu, et son ciel était d’eau. Un feu ardent entourait les murs, et sa porte (de la maison) flambait dans le feu. J’entrai dans cette maison ; elle était brû-lante comme du feu et froide comme de la neige ; et il n’y avait dans cette maison aucun des agré-ments de la vie ; la crainte m’accabla et le trem-blement me saisit. Emu et tremblant, je tombai sur ma face et je vis une vision. Et voici : c’était une autre maison, plus grande que la première, dont toutes les portes étaient ouvertes devant moi ; elle était bâtie en langues de feu, et en tout si excel-lente, en magnificence, en splendeur et en gran-deur que je ne puis vous le dire à cause de sa magnificence et de sa grandeur. Son sol était de feu ; des éclairs et le cours des étoiles formaient sa partie supérieure, et son toit, lui aussi, était de feu ardent. Et je regardai, et je vis d ns cette mai-son un trône élevé dont l’aspect était celui du cris-tal, et dont le pourtour était comme le soleil bril-lant, et la voix des chérubins (se faisait entendre). De sous le trône sortaient des fleuves de feu ar-dent, et je ne pouvais pas les regarder. La grande gloire siégeait sur ce trône, et son vêtement était plus brillant que le soleil et plus blanc que toute neige. Et moi, jusqu’à ce moment, j’étais sur ma face voilée, tremblant, et le Seigneur, de sa propre bouche, m’appela et me dit : Viens ici, Hénoch, et écoute ma parole sainte. Et s’étant approché de moi, l’un des saints m’éveilla, me fit lever et appro-cher de la porte ; et moi je regardais, la tête baissée. XV. II m’adressa la parole et me dit ; et j’entendis sa voix : Ne crains point, Hénoch, homme juste, scribe de justice ; dis : C’est à vous (veilleurs) qu’il convient d’intercéder pour les hommes et non pas

aux hommes pour vous. Pourquoi avez-vous abandonné le ciel très haut et saint, qui est éter-nel, ... avez-vous agi comme des enfants de la terre ? Vous donc, saints, spirituels, vivant d’une éternelle vie, vous vous êtes souillés dans le sang des fem-mes et vous avez engendré avec le sang de la chair ; selon le sang des hommes vous avez dési-ré, et vous avez fait chair et sang comme font ceux qui meurent et qui périssent. C’est pourquoi je leur ai donné des femmes pour qu’ils les fécondent, et qu’ils en aient des enfants, qu’ainsi toute œuvre ne cesse pas sur la terre. Quant à vous, vous fûtes d’abord spirituels, vivant d’une vie éternelle, immortelle, pour toutes les généra-tions du monde. C’est pourquoi je ne vous ai pas attribué de femmes, car le séjour des spirituels du ciel est dans le ciel. Et maintenant les géants qui sont nés des esprits et de la chair seront appelés, sur la terre, esprits mauvais, et sur la terre sera leur séjour. Des es-prits mauvais sont sortis de leur chair, parce qu’ils ont été faits par les hommes et des saints veilleurs vient leur origine et leur premier fondement. Ils seront des esprits mauvais sur la terre, et ils se-ront appelés esprits mauvais... Les esprits des géants, des nephilim, qui oppriment, détruisent, font irruption, combattent, brisent sur la terre et y font le deuil, ne mangent aucune nourriture et n’ont point soif, et sont inconnaissables, ces es-prits s’élèveront contre les enfants des hommes et contre les femmes, car ils sont sortis d’eux. XVI. Et maintenant aux veilleurs qui t’ont envoyé, dis : Vous étiez tout à l’heure dans le ciel : mais tous les secrets ne vous avaient pas encore été révélés ; vous n’avez connu qu’un mystère futile ; dans l’endurcissement de votre cœur vous l’avez communiqué aux femmes, et, par ce mystère, les femmes et les hommes ont multiplié le mal sur la terre. Dis-leur donc : « II n’y a pas pour vous de paix. » XVII. Puis on m’emporta en un lieu dont les habi-tants sont comme un feu ardent, et ils apparais-sent, quand ils veulent, comme des hommes. Et on me conduisit au séjour de la tempête, et sur une montagne dont le plus haut sommet touchait au ciel. Je vis les demeures des luminaires et du tonnerre, aux extrémités, dans l’abîme où sont l’arc de feu, les flèches et leur carquois, le glaive de feu et tous les éclairs. Puis on m’emmena jus-qu’aux eaux de vie, et jusqu’au feu du couchant ; c’est lui qui saisit tous les couchers du soleil. Et j’arrivai jusqu’à un fleuve de feu, dont le feu coule comme de l’eau et se déverse dans la grande mer

12

Page 14: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003
Page 15: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

qui est du côté du couchant. Et je vis les grands fleuves, et j’atteignis une grande obscurité, et je parvins là où aucun être de chair ne marche ; je vis les montagnes des ténèbres de l’hiver et l’en-droit où se déversent les eaux de tout l’abîme. Et je vis l’embouchure de tous les fleuves de la terre et l’embouchure de l’abîme. XVIII. Je vis les réservoirs de tous les vents, et je vis que par eux Dieu a orné toute la création ; et je vis les fondements de la terre. Je vis encore la pierre angulaire de la terre, et je vis les quatre vents qui soutiennent la terre et le firmament du ciel. Je vis comment les vents étendent (comme un voile) le haut du ciel, et comment ils se tiennent entre le ciel et la terre ; ils sont les colonnes du ciel. Je vis les vents qui font tourner le ciel, qui font coucher le disque du soleil et toutes les étoi-les. Je vis les vents qui, sur la terre, portent parmi les nues ; je vis les voies des anges, je vis, aux confins de la terre, le firmament en haut. Je m’avançai et je vis un lieu brûlant nuit et jour. Il y avait là sept montagnes de pierres précieuses, trois du côté de l’orient et trois du côté sud. Celle du milieu allait jusqu’au ciel, tel le trône de Dieu, un trône d’albâtre dont le sommet était de saphir. Et je vis un feu ardent, et, derrière ces montagnes, je vis là un lieu, au-delà de la grande terre, où se rejoignent les cieux. Puis je vis un gouffre profond, près des colonnes de feu du ciel, et je vis entre elles des colonnes de feu qui descendaient et dont la hauteur et la profondeur étaient incommensura-bles. Au delà de ce gouffre, je vis un lieu sur le-quel ne s’étendait pas le firmament des cieux, sous lequel il n’y avait point le fondement de la terre ; sur lui il n’y avait ni eau ni oiseaux, mais ce lieu était désert et terrible. Là je vis sept étoiles, semblables à de grandes montagnes, qui brû-laient, et comme j’interrogeais à leur sujet, l’ange me dit : Ce lieu est la fin du ciel et de la terre ; c’est la prison des étoiles et des puissances du ciel. Les étoiles qui roulent sur le feu sont celles qui ont transgressé le commandement du Sei-gneur dès leur lever, car elles ne sont pas venues en leur temps. Et il s’est irrité contre elles, et il les a enchaînées jusqu’au temps de la consommation de leur péché, dans l’année du mystère. Et moi, Hénoch, moi seul, j’ai vu la vision, la fin de tout ; et aucun homme ne verra comme j’ai vu. (Enfin, voici, extrait de la sixième partie du Livre d’Hénoch, un fragment d’un autre apocryphe, le Livre de Noé, mais dont la relation est placée sur les lèvres du premier.) « Et après un temps, mon fils Mathusalem prit pour son fils Lamech une femme, et elle conçut de

lui et elle enfanta un fils. Et sa chair était blanche comme la neige et rouge comme la fleur de la rose ; et les poils de sa tête et sa chevelure étaient blancs comme de la laine ; et ses yeux étaient beaux, et lorsqu’il ouvrit les yeux, il éclaira toute la maison comme le soleil, et toute la maison fut très brillante. Et alors il se leva des mains de la sage-femme, il ouvrit la bouche et il parla au Sei-gneur de justice. Et son père Lamech fut pris de frayeur devant lui, et il s’enfuit et il se rendit au-près de son père Mathusalem. Et il lui dit : « Moi, j’ai mis au monde un enfant différent (des autres) ; il n’est pas comme les hommes, mais il ressemble à un enfant des anges du ciel ; sa nature est tout autre et il n’est pas comme nous ; ses yeux sont comme les rayons du soleil, sa face est splendide. Et il me semble qu’il n’est pas de moi mais qu’il est des anges, et je crains qu’il ne s’accomplisse un prodige en ses jours sur la terre. Et maintenant je te supplie, ô mon père, et je te demande de te rendre auprès d’Hénoch, notre père, et d’appren-dre de lui la vérité, car son séjour est avec les anges. » « Or, lorsque Mathusalem eut entendu la parole de son fils, il vint vers moi aux confins de la terre, car il avait appris que j’étais là, et il cria et j’enten-dis sa voix et j’allai à lui, et je lui dis : « Me voici, ô mon fils, pourquoi es-tu venu vers moi ?» (Il lui fait part de ses inquiétudes). Alors je lui répondis, moi Hénoch, et je lui dis : « Le Seigneur accomplira de nouvelles choses sur la terre : j’ai déjà vu cela en vision et je t’ai fait connaître qu’au temps de lared, mon père, il en est qui ont transgressé du haut du ciel la parole du Seigneur. Et voici qu’ils ont com-mis le péché et transgressé la loi : ils se sont unis à des femmes, avec elles ils ont commis le péché et ils en ont épousé et ils ont eu des enfants. C’est pourquoi il y aura une grande ruine sur toute la terre : il y aura une eau diluvienne et une grande ruine pendant une année. Mais cet enfant qui vous est né restera sur la terre, et ses trois enfants se-ront sauvés avec lui lorsque mourront tous les hommes qui sont sur la terre ; il sera sauvé, lui et ses enfants. Ils (les mauvais anges) engendrent des géants sur la terre, non de l’esprit mais de la chair ; aussi, il y aura un grand châtiment sur la terre, et la terre sera purifiée de toute corruption. Et après cela viendra une justice plus grande que celle qui s’est accomplie d’abord sur la terre, car je sais les mystères des saints, car le Seigneur me (les) a montrés et me (les) a fait connaître et sur les tablettes du ciel je (les) ai lus. Et maintenant, ô mon fils, va, annonce à ton fils Lamech que cet enfant qui lui est né est vraiment son propre fils et (que) ce n’est pas un mensonge. » « Et lorsque Mathusalem eut entendu la parole de son père Hénoch, car il lui avait montré toute chose en se-cret, il revint et il (la) lui fit connaître (à Lamech), et il donna à cet enfant le nom de Noé, car lui devait consoler la terre de toute ruine. »

14

Page 16: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

LA Belgique MYSTERIEUSE

Au matin du vendredi 13 octobre 1307, Philippe le Bel, qui attendait, avec l’anxiété qu’on devine, les résultats du coup de filet qu’il avait ordonné sur les maisons du Temple, était loin de se douter qu’il serait plus connu dans l’histoire par cet audacieux coup de main que pour tous les autres actes plus ou moins glorieux de son règne. En effet, ce qu’il croyait être une action locale, car en définitive le domaine royal était relativement exigu, et les quel-ques centaines de commanderies françaises moins du dixième des possessions de l’Ordre, allait se révéler être la fin brutale et inconcevable

d’un des ordres de chevalerie les plus puissants du monde occidental. Ainsi, deux siècles plus tard, avec une poignée d’hommes, Pizarre allait, tout aussi inexplicablement, anéantir l’orgueilleux em-pire inca ! L’opération avait été mise au point un mois aupa-ravant, avec un soin tout particulier. Jusqu’au der-nier moment, les prévôts et leurs gens d’armes avaient ignoré la teneur des ordres qu’ils avaient à décacheter à l’aube du jour fatidique. Et les Tem-pliers, surpris, n’eurent pas le temps d’opposer la moindre résistance. Il faut dire que, contrairement à l’opinion qu’on se fait généralement d’une com-manderie, celles-ci étaient éminemment vulnéra-bles. Loin d’être une forteresse, la maison du Temple est plutôt une sorte de grosse exploitation rurale, bâtie sur un plan carré, sans étage, domi-née par une chapelle et où l’essentiel des bâti-ments sont une écurie et une bergerie. Cette disposition tient à la mission même des Templiers, chargés de la surveillance et de la pro-tection des routes de pèlerinage vers Jérusalem. Il leur faut être prêts à sauter à cheval pour interve-nir là où leur présence est requise. En outre, on les habituait ainsi à la vie de camp qu’ils auraient à mener en Palestine, avec toutes ses servitudes. Ici comme là-bas, ils devraient vivre de leurs pro-pres ressources : les troupeaux de moutons assu-reraient leur subsistance et procureraient la laine

LES TEMPLIERS, CHEVALIERS D’APOCALYPSE

15

Paul de Saint-Hilaire, membre de l’institut Européen de Symbolique et d’Histoire

Diplômé en art, histoire et archéologie, Saint-Hilaire est l’auteur de nombreux ouvrages sur la symbolique. Bientôt paraîtra de lui, aux éditions Rossel, à Bruxelles, « La Belgique mystérieuse », résultat d’une som-me de recherches personnelles sur ce qu’étaient, dans la réalité, les Templiers. En exclusivité pour KA-DATH, il vous présente ici un extrait de ce livre, qui est une introduction documentée sur l’importance de cet Ordre dans notre pays.

Page 17: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

16

Tour de l’ancienne Commanderie d’Argimont.

de leurs manteaux. Mais on venait de perdre la Palestine et beaucoup se demandaient si tous ces exercices étaient encore bien nécessaires ! Si l’on visite ces commanderies, — il en subsiste près d’une vingtaine sur les quarante que comp-taient nos régions — on constate par ailleurs qu’elles sont établies à l’écart de toute aggloméra-tion, dans une quasi-solitude. Cette situation, qui dut faciliter la tâche des prévôts du roi en 1307, nous laisse cependant perplexes sur la réputation de banquiers qu’on a si souvent faite aux Tem-pliers. On conçoit difficilement une agence bancai-re érigée dans de telles conditions, en rase cam-pagne ! D’ailleurs, les opérations commerciales qu’on leur attribue ne dépassent pas celles que doit accomplir une société de quarante mille sol-dats pour son entretien et son équipement. Il est, dès ce moment, permis de se demander, si riches-se des Templiers il y avait, — et cela au moins paraît bien établi — quelles en étaient la nature et la provenance.

Quoi qu’il en soit, Philippe le Bel, si tel avait été son but que d’accaparer l’or des Templiers, sem-ble l’avoir manqué. Et l’on comprend qu’il n’ait pas revendiqué avec plus d’insistance les biens im-meubles du Temple. En 1312, par la bulle « Ad Providam Christi Vicarii » ces installations passè-rent aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui, aussi étrange que cela paraisse, ne mirent pas tout l’enthousiasme qu’on aurait cru à accep-ter l’héritage. Certaines commanderies furent abandonnées et tombèrent en désuétude, la plu-part furent converties en exploitations agricoles ! L’or en tout cas, la richesse et le faste n’apparais-sent en aucune manière dans le procès que les autorités civiles et ecclésiastiques font à l’Ordre. Curieusement, on ne parle que des déviations dont ces chevaliers se seraient rendus coupables dans le domaine de la doctrine et de la morale. On ne peut récuser à cet égard la totalité des aveux, même si certains ont été obtenus par la torture, ni imaginer que l’impressionnant réquisitoire n’ait été bâti que sur du vent. Mais quelles sont au juste ces accusations d’idolâtrie et d’où proviennent les rites « sataniques » qu’on leur impute ?

Page 18: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

Assez paradoxalement, c’est peut-être dans nos régions, où les Templiers étaient extrêmement puissants — ils eurent par exemple un certain temps la garde du comté de Namur — qu’on pour-rait trouver réponse à ces problèmes. D’ailleurs, les chevaliers français qui s’étaient associés pour fonder l’Ordre en 1118, étaient tous gens du Nord, Flandre et Champagne. Et c’est parce que leurs domaines s’étendaient jusque dans nos provinces que Baudouin II de Jérusalem, fils du comte de Rethel en Ardennes, les installa d’emblée dans le fameux temple de Salomon. Car entre ce lieu sa-cré et leurs biens de famille, qu’ils s’empressèrent de léguer à l’Ordre, il y avait la route, la vieille rou-te romaine qui s’étirait jusque Rome ou Byzance. Et c’est elle qui, comme par hasard, devient aussi-tôt l ’objet de leur très particulière mission...

On leur offrait solennellement le point d’arrivée : ils possédaient déjà l’aire de départ. A eux de faire le reste. Et bien vite, ils s’aperçurent qu’il ne s’agis-sait pas là d’une besogne ordinaire. Elle allait leur valoir d’étranges et passionnantes découvertes. La route qu’on leur confiait n’avait guère changé d’aspect depuis les Romains, sinon qu’à l’étape, les temples d’autrefois étaient devenus églises. Et les dieux Gémeaux qui protégeaient alors les voyageurs et les courriers, n’ayant pas encore mis bas l’uniforme des légions, se cachaient bien mal sous les traits de saints jumeaux, tels Gervais et

Protais, Côme et Damien... Parfois, ils s’entou-raient de plus de mystère, empruntant le masque du double Saint Jean, Evangéliste et Baptiste, respectivement fêtés par de grands feux aux sols-tices d’hiver et d’été. Et quand on grattait un peu le vernis, voilà tout le substrat celte qui revenait en surface... Les Templiers découvrirent cela et bien d’autres choses. Chacune des étapes romaines devint une maison du Temple. Ils prirent pour sceau les Gé-meaux sur une même monture. C’était relever un héritage, mais aussi prendre une option dangereu-se. Elle allait les entraîner loin au-delà de ce qu’ils avaient imaginé, sans doute aussi les mener au bûcher ! Pourtant, quand le dernier Grand-Maître périra dans les flammes de l’Ile-aux-Juifs, des dizaines de cathédrales, des centaines d’abbayes, des milliers d’églises jalonneront la route. Et c’est par millions que des hommes quitteront tout et prendront la bure et le bâton pour y partir tenter, d’étape en étape, une certaine quête de Dieu. La mission du Temple était accomplie. Mais à quel prix ? Cependant, dans nos régions, et bien que d’autres souverains aient suivi avec plus ou moins d’effica-cité l’exemple du roi de France, les Templiers ne furent pas inquiétés. Bien plus, ils échappaient de droit aux poursuites qu’on aurait pu diriger contre eux. Le 22 novembre 1309, par exemple, deux ans après l’arrestation générale, les commissaires pontificaux chargés d’instruire l’affaire apprennent que le prévôt du Châtelet vient de procéder à l’in-carcération de sept suspects qui déambulaient en civil dans les rues de Paris et ont avoué appartenir à l’Ordre proscrit. Ils les font aussitôt comparaître. Deux des prisonniers déclarent qu’ils viennent effectivement d’une commanderie en Hainaut et qu’ils ont été dépêchés à Paris par leurs Frères, pour observer ce qui s’y passe à propos de l’Ordre et le venir rapporter. On pourrait croire que cet aveu allait conduire en droite ligne les deux Tem-pliers fugitifs en prison. Au contraire, et aussi in-croyable que cela paraisse, les commissaires du Pape les font relâcher sur le champ, invitant mê-me expressément le prévôt à ne plus entraver la marche de l’enquête par... des arrestations abusives ! Que devinrent ces chevaliers de Hainaut, de Na-mur ou de Liège qui détenaient, selon toute vrai-semblance, la clé des mystères templiers ? Beau-coup rejoignirent, selon leurs affinités, les rangs d’autres hospitaliers. Certains d’entre eux cepen-dant se prévalent toujours dans les actes, de nom-breuses années après la condamnation, de la qualité de Frère de la Milice du Temple. Ceci est particulièrement significatif et ne fait qu’ajouter au mystère qui entoure la disparition de l’Ordre. Un mystère que nous tenterons de pénétrer par la suite, au cours d’autres articles.

17

Page 19: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

18

HISTORIQUE ANTICONFORMISTE DE L’ORDRE DU TEMPLE

R. D.

Antécédents : le monachisme en Occident. La vie monastique va être révélée par les voya-geurs orientaux et les pèlerins, exemple : Saint Athanase, évêque d’Alexandrie, venu à Rome en 340 de notre ère. La christianisation de l’Irlande au début du Ve siè-cle, développement du monachisme original mêlant la vie séculière et régulière ainsi que la tradition ancestrale, exemple : Saint Colomba l’Ancien qui fonde un monastère important dans Ile d’Iona (Ecosse).

L’amorce. En 529, au Mont Cassin (Italie), Benoît de Nursie s’installe pour pratiquer une vie monastique inté-grale riche d’expérience et de connaissance des grands textes. Il élabore une Règle se référant souvent à des traditions anciennes orientales et animées d’un esprit neuf soulignant la modération et l’autorité dans son organisation. La Règle béné-dictine présente donc des caractéristiques de sou-plesse et de faculté d’adaptation. Le pontificat de Grégoire le Grand (590-604) em-porte la décision de l’évolution du monachisme et fait connaître à l’Occident, par ses Dialogues, la Règle bénédictine et, de fait, celle-ci triomphe bien-tôt partout en Gaule au cours du VIIe siècle. Le monachisme étant favorable aux desseins politi-ques des premiers Carolingiens, ceux-ci appuyent les Anglo-Saxons qui se lancent dans l’évangélisa-tion de la Germanie. Benoît d’Aniane, soutenu par Louis le Pieux, réfor-me, aux Assemblées d’Aix-la-Chapelle de 816 et 817, la Règle de Saint Benoît. Vers 819, Louis le Pieux, déjà, laisse une certaine liberté de mouve-ment aux possessions religieuses.

Le coup d’envoi. La place et l’importance du monachisme dans l’Eglise et la Chrétienté au Xe siècle, la définition de son idéal par la Règle bénédictine, font apparaître la notion « d’Ordre », il en est terminé de l’isole-ment nécessaire et suffisant de « l’ermitage ». n 910, le Duc d’Aquitaine Guillaume le Pieux donne ordre au moine Bernon de fonder un couvent, Clu-ny. C’est la réforme efficace de la Règle, essentiel-lement réactionnaire, qui se traduit par une réelle expansion géographique, par l’indépendance et le rattachement unique à la Papauté de cette organi-sation monastique. Cluny est alors propriété inalié-nable des Saints Pierre et Paul. A partir de 998, même la juridiction épiscopale est contournée. L’Ordre clunysien est donc dynamique et structuré dans un environnement économique et politique qui ne l’est pas, ce qui signifiera l’enrichis-sement progressif tant matériel que culturel de l’Ordre de Cluny. Cela entraîne une nouvelle réac-tion au XIe siècle : celle de Saint Bernard qui atta-que durement la prospérité néfaste de Cluny. Saint Bernard rétablit encore une fois la Règle bénédicti-ne dans toute sa pureté. La réforme de Grégoire VII met également en évi-dence, dans le foisonnement des Ordres du XIe siècle, la nécessité de sortir le clergé de son apa-thie « bourgeoise ». Ainsi, Saint Bernard, promo-

teur de génie, ordonne à Robert de Molesme de fonder Cîteaux. En 1112, Cluny est en crise et donne l’impulsion de Cîteaux où s’installe Saint Bernard (ex-clunysien). Quelques années après, douze monastères sont établis. Et nous sommes à l’époque de l’appel d’Ur-bain II pour la première croisade. Dès lors, Cîteaux, grâce â Saint Bernard, ne fera que se renforcer par d’autres maisons. En 1099, Jérusa-lem est investie par les Croisés avec à leur tête Godefroid de Bouillon. Après sa mort et durant le règne de Baudouin II roi de Jérusalem, Cîteaux manipule Hugues de Payns, qui fonde l’Ordre du Temple. Cela se passe 25 ans après la 1re croisa-de, soit en 1118.

L’Ordre. L’Ordre prend ses quartiers dans le Temple de Jérusalem. Sa tâche : la défense des pèlerins sur la route du pèlerinage de la Croix. Devant l’efficaci-té de la police militaire de l’Ordre, Baudouin II, entre autres, appuie l’acceptation de la Règle du Temple au Concile de Troyes, en 1128. 1130 : pour promouvoir l’Ordre, Saint Bernard écrit « De laude novae lilitae ad Militis Templi », sorte d’envolée propagandiste. 1139 : l’Ordre échappe aux obligations ecclésiasti-ques locales sous le règne du pape Innocent II, il devient de ce fait de plus en plus autonome. Le blanc manteau à la croix de vermeil devient, en 1148, l’uniforme de rigueur du Templier. De 1150 à 1291, année qui verra la perte de la Terre Sainte par les Croisés, l’Ordre du Temple prendra les proportions d’une institution, d’un Etat parallèle et européen. L’Ordre du Temple est décapité, en France, par Philippe le Bel le vendredi 13 octobre 1307. Ail-leurs, il se reconvertira ou s’intégrera dans d’autres Ordres, tels l’Ordre de Malte, de Jérusalem ou encore, dans nos contrées, de Saint Antoine en Barbefosse.

Page 20: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

Lors de sa visite en Belgique, pour les débuts de KADATH, le Professeur Marcel Homet de l’Ecole d’Anthropologie de Paris, a exprimé le désir de visiter le site de Virginal. L’archéologue y a fait un certain nombre d’observations, qu’il nous résume dans la lettre qui suit. L’étude esquissée par Robert Dehon permet, par son aspect à la fois simple et technique, d’ « ouvrir une porte » à ceux que passionne cet art de l’ar-chéologie, difficile au premier chef, du fait que le savant honnête ne peut prétendre, en général, à des connaissances définitives. Mes amis de KADATH m’ont présenté, sur le terrain, la table des sorcières. Dès mon arrivée, j’ai pu toutefois noter une série de faits extrêmement intéressants. D’abord, la table est placée sur un socle dont la

largeur est approximativement équivalente à son propre diamètre ; ceci étant, ledit socle parait donc avoir été artificiellement coupé pour lui donner la dimension convenable. De ce fait, on se trouve en présence d’un dolmen parfait, casez rare avec sa forme ronde, mais dolmen quand même. En outre, le petit ruisseau tortueux passe au pied du dol-men, ce qui suggère immédiatement l’idée de cé-rémonies propitiatoires où l’eau, dans ces anciens cultes, est toujours représentée. Enfin, à quelque dix mètres de là, sur le versant de la colline domi-nant le dolmen, est une grotte qui fut incontesta-blement taillée par des mains humaines, en ce qu’elle présente deux voûtes aux arcs sensible-ment parallèles, l’un extérieur, l’autre intérieur. Quant au sol de la grotte, il fut parfaitement aplani, et prolongé dans le coin gauche par une sorte de

19

Retour à Virginal-Samme Dans le numéro 1 de KADATH, nous présentions une première étude sur un site mégalithique méconnu de notre pays, en l’occurrence « la pierre-qui-tourne » de Virginal-Samme. Soucieux d’être complet et objectif, nous avions promis de tenir le lecteur au courant des investigations réalisées depuis cette parution. Voici donc les premiers résultats.

Page 21: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

petit souterrain qui n’a pas encore été étudié, mais devant sans doute servir de dépôt pour les objets cultuels. Ceci étant, on le voit, le site est complet : sur la pente de la colline une grotte sacramentelle où le prêtre (druide ou pré-druide) officiait ; au-dessous, le dolmen, où on effectuait les sacrifi-ces ; enfin, l’eau, en quelque sorte lustrale — condition obligatoire de toute cérémonie. Pour achever, je dirai encore un mot. Dans son étude, Robert Dehon rappelle que sur la pente — juste au-dessus de la grotte d’ailleurs — une chapelle chrétienne avait été bâtie pour exorciser l’endroit. Voilà une preuve évidente de l’ancienne existence d’un ensemble — païen au regard du christianis-me —, mais qui, dans l’esprit des peuples de l’é-poque, était consacré à Dieu, quel que fût son nom ou sa représentation, mais qui était, et est resté quand même le « Dieu ».

Nous avons fait procéder à une analyse de quel-ques échantillons rocheux prélevés à Virginal. La recherche a été effectuée dans les laboratoires du Professeur Jedwab de l’Université Libre de Bruxel-les. En voici le protocole. Le procédé classique consiste à découper une fine lamelle, d’une épaisseur de quelques microns, et d’en faire une analyse microscopique. Celle-ci a révélé pour la pierre une biréfringence correspon-dant aux roches basaltiques. L’observation de petits grains blancs, typiques du basalte, confirme-rait ce résultat. La composition chimique des ro-ches basaltiques est parfaitement connue. Celles-ci sont essentiellement composées d’oxyde de silicium et d’aluminium, à concurrence de 80 % ; on y rencontre également des traces d’oxyde de magnésium, de calcium et de sodium. Par consé-quent, il ne s’y trouve aucun élément ayant un caractère ferromagnétique. La pierre présentait, par ailleurs, un aspect poreux : on doit s’attendre donc à ce qu’elle soit d’origine volcanique. Ce résultat peut paraître paradoxal, compte tenu du fait que l’échantillon a été prélevé dans les envi-rons de Bruxelles. Or, plusieurs experts de la géo-logie de la région bruxelloise affirment qu’il est impossible de trouver des roches de cette nature dans notre région, les premières roches basalti-ques ne pouvant se rencontrer qu’à plus de 300 km de là. Les dimensions de la pierre d’où l’échantillon fut prélevé posent donc immédiate-ment le problème quant aux raisons et aux moyens de transport grâce auxquels la pierre a été amenée jusque là.

Forte de ces éléments, l’équipe d’investigation de KADATH a passé au peigne fin le « Bois des Ro-ques », et certains détails aperçus lors des pre-miers relevés ont été étudiés plus à fond. Robert Dehon, qui a dirigé les fouilles, en dresse ici l’in-ventaire et apporte les conclusions. Ainsi, nous fermerons donc provisoirement le dossier de Virgi-nal, et pour le cinquième numéro de KADATH, nous nous proposons d’étudier le « losange méga-lithique de Braine-l’Alleud ». A environ dix mètres sur le dénivellement, au sud de la table, se situe une excavation. Cette petite grotte épouse la forme d’un quart de sphère et s’ouvre donc plein nord. Il semble bien que la main de l’homme ait travaillé la pierre, car la voûte présente un aspect trop régulier pour ne pas être artificielle. Ensuite, au sud-ouest, nous repérons une masse rocheuse sur la déclivité, cette masse ayant la particularité d’être fendue, et le clivage, par lequel un adulte peut regarder, désigne le solstice d’été. Si nous traçons une ligne imaginaire de l’observateur vers l’azimuth du solstice d’été, nous nous apercevons que cette droite passe par le clivage de la masse rocheuse, et survole la ta-ble des sorcières. En ce sens, on peut concevoir que cet énorme rocher fendu et le mégalithe for-ment un appareil de visée à l’instar d’une carabine (œilleton - guidon). De même, la perpendiculaire élevée sur le plan de l’ouverture de l’excavation (direction plein nord) passe également sur la table. Ce qui est très important, car l’on peut ainsi définir l’emplacement exact de la table, mais encore dé-terminer que c’était bien l’endroit où le mégalithe devait s’ériger. Expliquons-nous et pour ce faire, avançons de quelques millénaires dans le futur, pour rejoindre les dépositaires conscients de la science des étoi-les » : au Moyen-Age, certains de ces initiés re-présentaient les « cadres » de l’Ordre du Temple. Nous ne nous attarderons pas sur l’utilisation des constellations pour déterminer les lieux optima des constructions templières, nous passerons immé-diatement à ce que d’aucuns nomment le culte solaire. Celui-ci tient compte des solstices, équi-noxes, etc., en tant que positions remarquables du soleil. Ainsi, ce qui importe dans l’orientation d’une chapelle de l’Ordre, ce sont les rayons que darde-ra le soleil à son lever au solstice d’été de la Saint-Jean. Si dans un premier temps, on érige une chapelle convenablement orientée à un endroit dûment choisi, et que dans un deuxième temps, on décide d’en mettre une seconde en chantier à proximité, il saute aux yeux que la première cha-pelle masquera les rayons du soleil destinés à la deuxième ! Dès lors, on évite le problème en dé-plaçant légèrement la deuxième chapelle de ma-nière à ce que les rayons de l’astre atteignent

20

* *

*

* *

*

Page 22: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

simultanément les deux chapelles. Cela est véri-fiable à la Commanderie de Villers-le-Temple. Nous avons donc ici un fait acquis. Or, par report sur carte de haute définition, nous nous aperce-vons que la table des sorcières de Virginal-Samme — qui en axe absolu désigne la Pierre-qui-tourne de Braine-l’Alleud — est décalée de quatre degrés par rapport à l’axe idéal. Il ne s’agit pas là d’une erreur. Le site du Bois des Roques, de par son relief et sa configuration, nécessite ce déplacement parce que c’est la seule méthode efficace pour recevoir les rayons du soleil simulta-nément à Braine-l’Alleud et à Virginal-Samme. Pourquoi la table des sorcières se trouve-t-elle près d’un ruisseau, près d’une grotte et d’un amas rocheux clivé ? Il semble bien que ce soit ce der-nier qui ait emporté la décision : il désigne par hasard le solstice d’été et, joint à la table, il sert de viseur astrologique, sans doute sa fonction ésoté-rique. Tandis que l’environnement de la table pré-sentait l’aspect exotérique, réservé au profane. Le ruisseau : ablutions lustrales ; la grotte : lieu de recueillement. II vous est possible de vérifier une telle argumentation à Mousny-lez-Ortho (au confluent des deux Ourthes), où un amas de rochers est disposé de manière à présenter une « fente » orientée sur le solstice d’hiver. Corollairement, nous pouvons affirmer sans crainte qu’une pierre-qui-tourne ne pivote pas. Euphémisme adroit, car c’est le soleil qui décrit une courbe autour du mégalithe. D’autre part, les tests minéralogiques concernant certaines pro-priétés physiques sont irrévocablement négatifs. Toutefois, — et c’est un rebondissement —, ces vérifications prouvent que la Table, taillée dans une roche basaltique, ne provient d’aucun site géologique sis dans un rayon de 300 kilomètres autour du Bois des Roques. La table des sorciè-res de Virginal-Samme a été façonnée ailleurs (peut-être dans le Massif Central) et transportée là. C’est sans doute la meilleure preuve de l’habi-leté de ces Grands Anciens, constructeurs de mégalithes, et aussi un argument de plus pour que de tels sites primhistoriques soient l’objet d’une protection stricte.

Au moment de mettre sous presse, nous pouvons annoncer à nos amis lecteurs, désireux de visiter les lieux, que le Syndicat d’Initiative local semble désormais désireux de protéger le site de Virginal. Les machines à laver et autres détritus auxquels nous avions fait allusion, et qui jalonnaient le ruis-seau, ont disparu. De plus, la localité de Virginal-Samme a été, avec sa tour du moyen-âge, inté-grée dans un circuit touristique dit du « Roman Païs ». Ce parcours Nivelles - Villers-la-Ville - Wa-terloo - Tubize - Ronquières a été présenté à la presse en mai dernier, par la Fédération Touristi-que du Brabant, ainsi que l’Association des Syndi-cats d’Initiative de la Région de Nivelles. Nous nous en félicitons, et nous nous permettons aussi de rappeler aux responsables de ces organismes que, dans le fond du Bois des Roques, au bord d’un ruisseau tortueux, se dresse une mystérieuse « pierre-qui-tourne »...

21

Page 23: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

22

Spécialisée dans :

Envois en province.

Plus de mille titres disponibles.

Catalogue sur demande à :

Librairie générale

104, rue de l’Enseignement

1000 Bruxelles

Tél. (02) 17.98.32.

les spiritualités orientales les mouvements traditionnels l’ésotérisme et l’occultisme les énigmes de l’archéologie le symbolisme et l’alchimie...

Page 24: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

Jusqu’au début du XIXe siècle, nous, Occidentaux, ne connaissions du pays d’Osiris que ce que les historiens grecs nous en avaient dit. Je laisse de côté les ouvrages qui n’évoquent qu’incidemment l’histoire de l’Egypte ancienne, comme la Bible, rarement explicite, qui renferme cependant d’utiles allusions à certains événements. L’historien grec Hérodote (Ve s. av. J.-C.), grand voyageur, nous donne une esquisse de l’histoire égyptienne qui est un mélange de fiction et de réalité. Un siècle avant notre ère, Diodore de Sicile, s’inspirant de l’œuvre d’Hécatée d’Abdère, contemporain de Ptolémée Ier, et Strabon, tous deux écrivant en grec, nous donnent des études égyptiennes inté-ressantes, mais plus géographiques qu’histori-ques. Par contre, le Canon d’Eratosthène, qui vécut sous les premiers Ptolémées, nous fournit une liste valable de 38 rois qui nous est connue par des fragments d’Apollodore le Grammairien, lequel en avait ajouté 53 assez douteux, recueillis par Georges le Syncelle (VIIIe s. ap. J.-C.). Un prêtre égyptien — Manéthon (IIIe s. av. J.-C.) — écrit en grec une véritable histoire de l’Egypte. Celle-ci est malheureusement perdue. Toutefois, certains chroniqueurs arabes et juifs, comme l’his-torien Josèphe (Ier s. ap. J.-C.) dans son « Contra Apionem », en ont sauvé une partie. Des apologé-tistes chrétiens de l’Antiquité (Jules l’Africain et Eusèbe — IIIe s. de notre ère) en avaient égale-ment reproduit quelques passages qui parvinrent jusqu’à nous grâce une fois de plus à Georges le Syncelle ; si bien que nous possédons une sorte de schéma historique. Manéthon, dans ses « Aegyptiaca » avait établi la liste des rois qui régnèrent successivement sur le

pays. Il les avait répartis en 31 dynasties depuis Ménès jusqu’à Ptolémée II Philadelphe sous le-quel il vivait. Comme il indique les noms égyptiens sous une forme grecque, il n’est point toujours aisé de les confronter avec les anciennes inscrip-tions. Les historiens modernes ont encore aggravé la confusion en employant tantôt les formes grec-ques, tantôt celles des écrits égyptiens, sans ou-blier l’adoption de systèmes orthographiques diffé-rents. L’apport principal de Manéthon, c’est la dé-coupe de l’histoire de l’Egypte ancienne en dynas-ties. Encore ne faut-il pas prendre celles-ci dans l’acceptation moderne d’un groupe généalogique homogène. Un changement de dynastie signifie qu’un désordre important s’est opéré dans la continuité d’une période historique d’un point de vue politique, social ou religieux. Une telle division risque d’être quelque peu arbitraire. Ainsi, par exemple, le passage de la XVIIe à la XVIIIe dynas-tie s’effectue sans heurt notable, alors qu’au cours de la même période, la révolution d’Akhnaton semblait mieux justifier le commencement d’une nouvelle dynastie. C’est pour pallier ce genre d’in-convénient et traduire plus clairement la structure de l’histoire de l’Egypte que les égyptologues contemporains ont superposé, à la répartition en dynasties, une division en grandes périodes histo-riques. Tous ces renseignements d’origines diverses et de valeur inégale, ne représentaient que peu de choses. Mais, en 1822, « La Pierre de Roset-te » (1) est décodée et Jean-François Champollion trouve la clé de l’énigme égyptienne. Le déchiffre-ment du système hiéroglyphique bouleversera la question.

23

ARCHEOLOGIE PARALLELE

UNE EGYPTE, DEUX CHRONOLOGIE Où en est notre vision de l’Egypte ancienne, que vaut-elle ? A quand remontent exactement les débuts de l’histoire et de la civilisation pharaonique ? A cette interrogation première, il est répondu sans ambiguité : les zones d’ombre sont encore fort étendues et multiples en raison des lacunes de notre documentation littéraire et archéologique.

Page 25: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

Grâce au génie inventif de ce jeune chercheur et au travail assidu de ses successeurs, les docu-ments égyptiens eux-mêmes — sources directes — sont rendus intelligibles. On put, dès lors, ana-lyser et compléter les sources classiques. La voie était ouverte et ainsi naissait une science nouvel-le : l’égyptologie. L’œuvre de Champollion fut bril-lamment poursuivie par Brugsch, Mariette et Mas-péro, pour ne citer que les plus célèbres. La connaissance de la langue égyptienne a fait, de nos jours, des progrès considérables grâce aux travaux de savants qui, depuis les premières re-cherches de Erman jusqu’aux récentes découver-tes de Vergote (2), précisèrent les principes gram-maticaux de celle-ci et en établirent les principaux fondements. Depuis que les hiéroglyphes aux arabesques élégantes ont dévoilé leur mystère, nos sources ont décuplé. De plus, ne perdons pas de vue que l’on découvre encore toujours en terre pharaonique, surtout dans le Delta jadis un peu oublié. Les matériaux historiques proviennent des textes sur papyrus, des inscriptions relevées sur les monuments et les murs des temples et des tombeaux. Il s’agit principalement de récits biogra-phiques, d’exploits guerriers, de textes littéraires et de prières rituelles. Pour écrire l’histoire détaillée des pharaons (à l’origine, ce « Per-aâ » signifiait grande propriété et par extension grand propriétaire de terres), il faut assembler et placer d’innombrables faits iso-lés, les ajuster les uns aux autres et finalement essayer de brosser un tableau complet. Plusieurs anciennes listes de rois nous sont parvenues. Elles avaient été, pour la plupart, dressées au Nouvel Empire, sur l’ordre de maîtres qui voulaient ainsi honorer leurs prédécesseurs et bien marquer l’ancienneté de la monarchie égyptienne. D’un point de vue purement chronologique, ces docu-ments épigraphiques sont importants. Le célèbre « Papyrus de Turin », s’il ne nous donne pas le poker, nous fournit en tout cas la grande suite qui s’étend depuis les dynasties divines jusqu’à la domination hyksôs (3). « La Pierre de Palerme », fragment principal d’une tablette de la Ve dynastie, nous livre une sorte d’abrégé des annales mem-phites des cinq premières dynasties. Elle conserve également le nom de nombreux rois ayant régné avant Ménès. II fallait donc que les rédacteurs aient eu à leur disposition des listes royales an-ciennes datant d’une époque où, la pierre n’étant pas employée, on les avait écrites sur des maté-riaux plus périssables, rouleaux de cuir ou papy-rus. D’ailleurs, dans la crypte du temple d’Hathor à Denderah, il est fait allusion à un rituel écrit, anté-rieur aux dynasties historiques. La liste de « La Chambre des Ancêtres » du temple de Karnak, actuellement conservée au Musée du Louvre, nous rapporte les noms de 61 rois antérieurs à la XVIIIe dynastie. « Les Deux Tables d’Abydos »

des temples de Sethi Ier (dite « Grande Liste d’Abydos ») et de Ramsès II (dite « Petite Liste d’Abydos ») de la XIX e dynastie contiennent les cartouches de 76 pharaons qui régnèrent sur le Sud. « La Table de Saqqarah » trouvée dans la tombe du prêtre Tounroi, contemporain de Ram-sès II, renferme 58 noms de pharaons ayant régné dans le Nord. Toutes ces listes sont malheureusement fort in-complètes et ne nous aident que partiellement à dénouer le problème. En combinant les dates ob-tenues par l’astronomie, dont il sera question plus loin, et celles fournies par les listes royales, les généalogies, les synchronismes avec les autres civilisations proche-orientales, on est arrivé à jugu-ler le flot des données. Deux thèses s’affrontent : la chronologie longue, défendue par une minorité ignorée de la science officielle et la chronologie courte, admise désormais par la plupart des savants.

24

(1) « La Pierre de Rosette » fut trouvée à Rosette (Rachid) dans le Delta par le capitaine Bou-chard en août 1799 pendant l’expédition d’Egypte. Cette stèle fragmentaire de basalte noir fut déposée dans le Musée de l’Institut Egyptien fondé par Bonaparte au Caire. Après la capitulation de Menou, le général Hutchinson en fit une prise de guerre (1801) et la transféra à Londres où elle est conser-vée au British Museum depuis 1802. C’est, principalement, grâce à cette inscription gra-vée en grec, mais aussi en deux écritures égyptiennes (l’hiéroglyphique et la démotique) qu’en septembre 1822, Jean-François Cham-pollion parvint à déchiffrer le système hiéro-glyphique. La pierre cite un décret promulgué par les prêtres de Memphis en 196 av. J.-C., en l’honneur du neuvième anniversaire du couronnement de Ptolémée V Epiphane.

(2) Professeur à l’Université Catholique de Lou-vain, J. Vergote s’est penché sur le problème de la prononciation de la langue égyptienne. Comme on n’écrivait pas les voyelles, les phrases que l’on lit sont imprononçables. Son étude est basée sur les évolutions linguisti-ques et plus spécialement sur celle du copte qui, lui, possède des voyelles.

(3) Hyksôs : déformation du mot composé égyp-tien « Heka-khasout » qui signifie « Chef des Pays Etrangers ». Ces étrangers n’apparte-naient pas tous à la même race, cependant les Sémites devaient être les plus nombreux. L’invasion hyksôs se rattache à un vaste mouvement de migration dans toute l’Asie. Elle est liée à l’invasion aryenne du second millénaire dans le Proche-Orient. Les Hyksôs pénétrèrent en Egypte vers — 1730 (XVIe dynastie). Ils régnèrent environ un siècle et demi sur le Delta.

Page 26: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

Les spécialistes de la chronologie courte (Jacques Vandier. Etienne Drioton, Arthur Weigall...) font commencer l’histoire de l’Egypte 3.300 ans avant l’ère chrétienne. Mais, cette date approximative marque seulement, nous disent-ils, un certain dé-but, non pas celui de l’écriture, mais celui des pre-miers monuments écrits que nous connaissons. En fait, la civilisation nilotique est antérieure à cette date, et ce n’est pas parce que nous n’avons pas retrouvé de documents écrits antérieurs que nous pouvons dire que l’Egypte n’était pas civili-sée avant cette date. Les siècles importants se sont probablement écoulés entre le cinquième millénaire et l’an 2780. En effet, les éléments reli-gieux, linguistiques et institutionnels sont déjà établis. Les recherches de ces dernières années ont fait apparaître que la préhistoire africaine de-

vait être assez semblable à ce qui s’était passé chez nous en Europe. Toutefois, la chronologie pour cette période reste fondée jusqu’à présent sur les changements de formes du matériel lithi-que. Elle est donc assez relative pour les temps très anciens. On n’a pas encore trouvé de squelet-tes humains antérieurs à l’époque néolithique. La chronologie de l’énéolithique, elle, est renforcée et précisée par l’étude de la céramique, apparue déjà au néolithique. Des observations et des ana-lyses ont été faites dans des tombes énéolithiques intactes. Le site de Badari en Haute-Egypte dans la région d’Assiout en est l’exemple le plus mar-quant. Nous allons maintenant remonter le temps à la recherche des origines. En fait, dès le paléolithi-

25

L’empire thébain est à son apogée sous Thoutmosis III (XVIIe dynastie - Nouvel Empire). L’Egypte s’étend dans le nord jusqu’à Karkémish et dans le sud jusqu’à Napata. Elle tient également sous vassalité le Mitanni, Chypre et une partie du Soudan actuel. Elle s’impose dans les mers méridionales (Pays de Pount-Somalis).

Page 27: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

que ancien (âge de la pierre taillée), la vallée du Nil a été habitée par l’homme, mais il est encore impossible de savoir à quelle race appartenaient ses premiers habitants. Il est peu vraisemblable qu’elle se soit perpétuée au début du néolithique parmi les populations qui occupèrent ces régions. Un dessèchement du climat en Afrique y conduira nombre de tribus errantes. C’est sans doute de cette époque que date son véritable peuplement. La langue égyptienne est une question délicate à résoudre. En cette matière, les théories trop étroi-tement formulées risquent de s’avérer inexactes. Dès le milieu du siècle dernier, les savants avaient tenté de la rapprocher, soit de la famille sémitique, soit de la famille chamitique. On désigne sous le nom de « langues chamitiques » les langues des populations du nord-est de l’Afrique que la légen-de prétendait issues de Cham, fils de Noé. Erman fit paraître en 1895 une grammaire dans laquelle il releva les concordances égyptiennes et sémiti-ques. Pendant plus d’un quart de siècle, la majori-té des égyptologues, avec à leur tête Albright, admirent que la langue égyptienne avait une origine purement sémitique. Les conclusions de Erman, lui-même, étaient cependant plus nuan-cées. En 1920, les partisans de l’origine africaine contre-attaquèrent en adoptant la méthode de leurs adversaires. Ils relevèrent les concordances de l’égyptien et des langues africaines hamitiques, c’est-à-dire apparentées aux populations de l’Afri-que du Nord et de l’Est tels que !es Bedjas et les Berbères auxquels s’apparentent les Touaregs et les Kabyles actuels. La parenté entre la langue égyptienne et ces dialectes se révéla également assez frappante. Finalement, si on veut hasarder une hypothèse, il semble plus vraisemblable de supposer que l’égyptien est une langue africaine en partie modifiée par l’apport d’éléments sémiti-ques. Cette population ne peut être considérée comme une race pure. Elle est néanmoins essen-tiellement africaine et blanche. En plus de l’in-fluence sémitique, il nous faut signaler, afin d’être complet, la contribution nubienne — éléments négroïdes — à l’expansion du monde égyptien. Toujours est-il qu’au début de l’époque néolithique (âge de la pierre polie), vers — 10.000, le mince ruban de la civilisation nilotique est en place. L’Egypte cultivable, la superficie de la Belgique, s’étire le long du fleuve de vie sur deux fois la lon-gueur de la France. Les hommes se sédentarisent et cultivent la terre noire, que le Nil, support de cette civilisation au cœur du désert, a engendrée. Vers — 4.000, commence l’époque énéolithique (âge de l’emploi simultané de la pierre et du cuivre dans l’outillage). Des villages plus importants prennent forme, serrés entre la rive fertile du fleu-ve et l’ocre immensité du désert. On y pratique l’agriculture, le tissage et la fabrication d’objets de métal et de poterie. A l’époque historique ont été compilées des traditions sur ce qui était arrivé en

Egypte avant l’unification du pays. Ces traditions écrites, « Textes des Pyramides » (4), gravées sur les parois intérieures des monuments de Saqqa-rah, font allusion à des événements qui se sont passés au début de l’énéolithique. Ces hiérogly-phes nous apprennent qu’avant la fusion du Nord et du Sud, la Haute-Egypte était patronnée par le dieu Seth tandis qu’il y avait dans le Delta deux groupements opposés de nomes (provinces). Osi-ris — dieu du Nord — les aurait unifiés. Le roi, étant l’incarnation d’Horus, fils d’Osiris, aurait atta-qué et conquis le royaume méridional de Seth. Une monarchie unifiée, ayant pour centre On (Héliopolis), serait ainsi instaurée sur toute l’Egypte, mais elle se serait très vite scindée en deux : un roi, portant la couronne blanche, régnait en Haute-Egypte à Nekhen (Hiérakonpolis) sur la rive gauche du Nil en face de Nekheb (El-Kab), ville de la déesse-vautour Nekhbet, et un autre, coiffé de la couronne rouge, régnait en Basse-Egypte à Pé près de Boute, ville de la déesse-uraeus Ouadjet. L’époque préthinite chevauche la fin de la période énéolithique et le début de la période historique. Elle est le lien qui unit l’époque prédynastique à l’histoire égyptienne proprement dite. Une rivalité apparaît entre les deux royaumes en présence. Deux tentatives d’unification, l’une venant du Nord, l’autre du Sud, échouent. Mais bientôt, un roi du Sud, Scorpion, conquiert le Nord et com-mence à organiser le pays. Son successeur, Nar-mer, parachève œuvre et assied définitivement son autorité sur le Nord. Fondateur de la Ier dynas-tie thinite, il est le véritable unificateur de l’Egypte. La célèbre palette du Musée du Caire, trouvée à Hiérakonpolis, nous le montre, combattant encore les Egyptiens du Nord, mais portant alternative-ment les couronnes de Haute et de Basse-Egypte. Or, selon la tradition, Ménès serait l’unificateur de l’Egypte et le fondateur de la Ier dynastie. Les Grecs en font une sorte de démiurge, porteur d’u-ne nouvelle manière de vivre. Qu’en est-il ? Son nom nous est transmis par « La Grande Liste royale d’Abydos » et par « Le Papyrus de Turin ». Il était originaire de This (ou Thinis), dont la locali-

26

(4) On donne ce nom au recueil des textes gra-vés sur les chambres de cinq pyramides de Saqqarah ; la plus ancienne et la plus intéres-sante est celle de Ounas, dernier pharaon de la Ve dynastie ; les autres sont celles de rois de la VIe dynastie : Téti, Merirê Pêpi Ier, Meri-rê Antiemsaf et Neferkarê Pépi II. Découverts en 1881, ces textes ont été publiés l’année suivante par Maspéro.

Page 28: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

sation exacte n’est d’ailleurs pas encore acquise, mais qui se trouvait dans le voisinage de l’actuelle Balyana, non loin d’Abydos en Haute-Egypte. Ce nom — Ménès — ne recouvre-t-il pas plusieurs souverains, devenant en quelque sorte une figure mythique, symbole d’union nationale ? On s’est demandé aussi si Ménès n’était pas tout simple-ment un des noms de Narmer ou même son suc-cesseur l’Horus Ahâ, le combattant. Actuellement, la thèse de l’Horus Narmer ne faisant qu’un avec Ménès, est admise par tous les spécialistes. Entre la préhistoire et la conquête romaine, on divise généralement l’histoire de l’Egypte ancienne en 10 grandes périodes historiques. 1. L’époque préthinite et thinite, que je viens

d’évoquer avec ses origines historiques et les Ire et IIe dynasties.

2. L’Ancien Empire qui va de la IIIe à la VIe dy-nastie.

27 Découverte par Quibell en 1897, cette palette, haute de 63 cm, est en schiste vert. Nar (poisson) - mer (ciseau) est inscrit dans le serekht, en haut de la palette, entre deux têtes hathoriques. Sur une face, on voit le roi, portant la couronne blanche (« hedjet ») du Sud, brandir une massue au-dessus d’un captif, tandis que le faucon Horus lui livre les habitants du Delta. Le geste de Narmer a un caractère plus rituel que physique. Le fait qu’il soit déchaussé (derrière lui, un officier de cour porte ses sandales), indique que le pharaon se tient en un lieu sacré. On retrouve le même rite dans l’Ancien Testament (Exode, III, 5), lorsque Yahvé ordonne à Moïse d’ôter ses sandales avant qu’Il n’apparaisse dans le Buisson Ardent. Sur l’autre face de la palette, on voit la marche triomphale du pharaon, portant la couronne rouge (« deshret ») du Nord. Au centre, deux panthères, éléments décoratifs, encerclent le creux qui servait à loger des onguents. Lorsque les deux parties du pays eurent été réunies, le roi porta à la fois les deux couronnes. L’ensemble tut dénommé « skhemty » (les deux puissances), que les Grecs transformèrent en « pschent ».

Au verso : tableau comparé des chronologies courte (en caractères romains) et longue (en italique). Pour l’établissement de ce tableau, je me suis inspiré, en partie, de la « Liste des Rois d’Egypte » de Jacques Vandier, et de différentes données fournies par Arthur Weigall — tous deux maîtres à penser de la chronolo-gie égyptienne officielle. En ce qui concerne la chrono-logie longue, je me suis basé sur les récents travaux d’André Pochan, également orfèvre en cette matière très controversée. A partir de la XXe Dynastie, les différences entre les deux chronologies deviennent minimes, et elles coïnci-dent pratiquement. Aussi n’a-t-on plus reproduit que les datations officiellement reconnues. Enfin, l’astérisque qui accompagne parfois un nom signifie que l’identité exacte des rois en question ainsi que leur nombre sont encore incertains. Malgré des noms différents, dont je n’ai transcrit que les plus connus et les formes orthographiques les plus répan-dues, il s’agit, pour les pharaons mis en parallèle, des mêmes personnages.

Page 29: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

28

(3378-3160)

(3160-1595)

Nefer i rkarê Kakaï

Shepseskarê Neferefrê Niouserrê-Ini Menkaouhor-

Akaouhor Dedkarê- Isési Ounas (2423-2400/2300) Téti Ousirkarê Merirê-Pépi I Meri rê-Ant iemsaf Neferkarê-Pépi I I

Nephercherês Sis irês Cherês Rathurês Mencherês Tancherês Onnus VIe DYNASTIE Othoês Phius Menthusuphis Phiôps

4533-4513

4513-4506 4506-4486 4486-4442 4442-4403

4403-4359 4359-4326

(4326-4136)

4326-4296

4296-4243 4243-4236 4236-4136

3. Première Période Intermédiaire

(2400/2300-2065) Neferkarê-Pépi I I Mérenrê I I Nitocr is

FIN VIe DYNASTIE Menthesuphis Nitocris

(4136-3378)

4136-4135 4135-4123

VIIe DYNASTIE (fictive) VIIIe DYNASTIE (mal connue)

IXe DYNASTIE

Khét i I Rois inconnus

2222-2180Achtoês 2180-2130

3977-3935 3935-3568

Xe et XIe DYNASTIES (parallèles) (3568-3378) Xe Dyn. Hérakléopolitaine - XIe Dyn. Thébaine

Neferkarê Khét i I I I Mér ikarê

2130-2120 2120-2070 2070-2065

Antef I Antef I I

Antef I I I

4. Moyen-Empire (2065-1785/1580)

Mentouhotep I à III :

FIN XIe DYNASTIE 2065-2000

3378-3336

(2000-1785) XIIe DYNASTIE (3336-3160)

Amenemhat I Sésostr is I Amenemhat I I Sésostr is I I Sésostr is I I I Amenemhat I I I Amenemhat IV Sébekneferourê

5. Deuxième Période Intermédiaire (1785/1580)

Khoutaoui Amenemhat Sébekhotep I Séankhtaoui Sékhemkarê Khoutaoui Penten Amenemhat Senbouf Améni Antef Amenemhat Kaï Amenemhat

(1785-1680) XIIIe et XIVe DYNASTIES (3160-2523)

1. Epoque Préthinite et Thinite.

(3300-2780) Roi Scorpion

(5650-5065) Ier DYNASTIE

Narmer Aha Djer Ouadj i Den-Oudimou Adj ib Sémerkhet Ka

Ménès Athôthis Kenkenês Uenephês Usaphaïdos Miebidos Semempsès Bienechês

5619-5557 5557-5511

5511-5480 5480-5457 5457-5437 5437-5411 5411-5393 5393-5367

Hotepsékhemoui Nebrê Nineter

(Nétér imou) Ouneg Senedj

Péribsen Khasékhem Khasékhemoui

(Kheneri)

Kaïechôs Binôthris Tlas Sethenês Chairês Nephercherês Sesôchris Chenerês

5367-5329 5329-5290 5290-5243

5243-5226 5226-5185 5185-5168 5168-5143 5143-5095 5095-5065

2. Ancien Empire (2780-2400/2300) (5065-4136)

Snéfrou Chéops

(Khoufou) Didoufri Chéphren

(Khafra) Snerou (Sherou) Mykérinos

(Menkaourê) Shepseskaf Iemhotep

Sôris Suphis I Suphis II Mencherês Ratoïsês Bicheris Sebercherês Themptis

4851-4829 4829-4766

4766-4700

4700-4637

4637-4612 4612-4590 4590-4583 4583-4574

IIe DYNASTIE

(2778-2723) IIIe DYNASTIE (5065-4851)

Nétér ierkhet- Dieser

Sekhemkhet Sanakht (Nebka) Khaba Néferka Hou (Houni)

Necherophês Tosorthrôs Tyréis Mesôchris Söyphis Tosertasis Achês Sephuris Kepherês

5065-5037

5037-5008 5008-5001 5001-4984 4984-4968 4968-4949 4949-4907 4907-4877 4877-4851

(2723-2563) IVe DYNASTIE (4851-4574)

(2563-2423) Ve DYNASTIE (4574-4326)

Ouserkaf Sahourê

Usercheris Sephrês

4574-4546 4546-4533

2000-1970Amménémês 1970-1936Sesonchosis 1938-1904Ammanemês 1906-1888Sesôst r is 1887-1850Lacharês 1850-1800Amerês 1800-1792Amménémês 1792-1785Scemiophrês

3336-3320 3320-3274 3274-3236 3236-3188 3188-3180 3180-3172 3172-3164 3164-3160

Boêthos

4123-3977

Page 30: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

Khoutaouirê Ougaf Seneferibrê Sésostris, puis 27 rois dont le dernier est Néhési. L'ordre des rois des XIII° et XIV' dynasties est très incertain, et leurs règnes souvent parallèles. (± 1730-1580) XVe et XVIe DYNASTIES (2523-1854) Chian, Apopi I et II , Aasehrê, Aakenenrê-Apopi III . ( ± 1680-1580) (Hyksôs) (1854-1595)

XVIIe DYNASTIE

15 rois. La dynastie se termine par les règnes de Sékenenrê Taâ et de Kamès.

6. Nouvel Empire (1580-1085)

(1595-1085)

29

XVIIIe DYNASTIE

Ahmosis Ampelopsis I Thoutmosis I Thoutmosis I l Hatshepsout Thoutmosis III

(Thoutmès) Aménophis II Thoutmosis IV Aménophis III Aménophis IV

(Akhnaton) Sémenkhkarê

(Smenkhkérê) Toutankhamon Aï (Eje) Horemhe

1580-1558 1557-1530 1530-1520 1520-1505 1505-1484 1504-1450 1450-1425 1425-1408 1408-1372 1372-1354 1354 1354-1345 1345-1341 1341-1314

Amôs Chebrôs Amenôphtis Amensis Misaphris Misphrag Mouthôsis Tuthmôsis* Amenôphis* Orus* Acherrês* Rathôs* Chebrês* Acherrês* Armesis

1595-1570 1570-1557 1557-1533 1533-1511 1511-1498

1498-1472 1472-1463 1463-1432 1432-1395 1395-1363

1363-1357

1357-1345 1345-1333 1333-1328

XIXe DYNASTIE

Ramsès I 1314-1312 Ramessês Amenôptah*

1328-1327 1327-1308

XIXe DYNASTIE

Séthi I Ramsès II Mineptah

(Merenptah) Amenmès Taousert Mineptah-

Siptah Séthi II Ramsès-

Siptah Larsou

1312-1298 1301-1235

1235-1219 1219-1210

1210-1200

Sethôs Rapsacês Ammenephtês Ammenemnês Thuoris

1308-1287 1287-1221 1221-1211

1211-1206 1206-1199

XXe DYNASTIE

Sethnakht Ramsès III Ramsès IV à XI

1200-1198 1198-1166 1166-1085

7. Troisième Période Intermédiare et Epoque Koushite

XXIe DYNASTIE (1085-950)

Smendès Hérithor Psousennès I

1085-1054

Sheshonq I Osorkon I Takélot I

950-929 929-893 893-870

XXIIe DYNASTIE (950-730)

Pinedjem Amenophtès Siamon Psousennès II

1054-1009 1009-1000

1000-984 984-950

Osorkon II Sheshonq II Takélot Il Sheshonq III Pami Sheshonq V

870-847 847

847-823 823-772 772-767 767-730

XXIIIe DYNASTIE (817-730)

XXIVe DYNASTIE (730-715)

Pédoubast Sheshonq IV Osorkon III

817?-763 763-757 757-748

Tefnakht Bocchoris

730-720 720-715

Takélot I II Amonroud Osorkon IV

748-730

Piankhi Shabaka Shabataka Taharqa Tanoutamon

751-716 716-701 701-689 689-663 663-656

8. Epoque Saïte XXVIe DYNASTIE (663-525)

Psammétique I Nékao Psammétique II Apriès Amasis Psammétique III

663-609 609-594 594-588 588-568 568-526 526-525

9. Domination Perse et Diverses Dynasties Indigènes

XXVIIe DYNASTIE (Ire Domination Perse)

(525-404) XXVIIIe DYNASTIE

(Amyrtée) (404-398)

Cambyse Darius I Xerxès Artaxerxès Darius II

525-522 522-485 485-464 464-424 424-404

Néphéritès I Achoris Psammouthis Néphéritès II

398-392 392-380 380-379 379-378

XXXe DYNASTIE (378-341)

Nectanébo I Téos Nectanébo II

378-360 361-359 359-341

Deuxième Domination Perse (341-333)

Artaxerxès III Ochos Arsès Darius III Codoman

341-338 338-335 335-333

Epoque Grecque (332-323)

Alexandre le Grand Phil ippe Arrhidée et Alexandre Aegus

332-323 323

10. Epoque Plolémaïque XXXIe DYNASTIE (323-30)

Ptolémée I Sôter Ptolémée II Philadelphe Ptolémée III Evergète Ptolémée IV Philopator Ptolémée V Epiphane Ptolémée VI Eupator Ptolémée VII Philométor Ptolémée VIII Néos Philopator Ptolémée IX Evergète Physkon Ptolémée X Sôter Lathyre Ptolémée XI Alexandre Ptolémée XII Alexandre Ptolémée XIII Néos Dionysos-Aulète Ptolémée XV Cléopâtre VII

323-283 283-246 246-222 222-205 205-181

181 181-146

146 146-117 117-106

106-87 87-80 80-51 47-44 44-30

XXVe DYNASTIE (Koushite) (751-663)

XXIXe DYNASTIE (398-378)

Page 31: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

3. La Première Période Intermédiaire : de la VIIe à la XIe dynastie.

4. Le Moyen Empire : les XIe et XIIe dynasties. 5. La Deuxième Période Intermédiaire : de la

XIIIe à la XVIIe dynastie. 6. Le Nouvel Empire : les XVIIIe, XIXe et XXe

dynasties. 7. La Troisième Période Intermédiaire et l’Epo-

que Ethiopienne (5) : de la XXIe à la XXVe dynastie.

8. L’Epoque Saïte : la XXVIe dynastie. 9. La Domination Perse et Diverses Dynasties

Indigènes : de la fin de la XXVIe dynastie à la conquête d’Alexandre le Grand.

10. L’Epoque Ptolémaïque : des Ptolémées à la conquête romaine.

Les Egyptiens ne situaient pas les dates de leur histoire dans une ère continue mais par rapport au règne du souverain du moment. De plus, le pha-raon ne datait pas les années de son règne à par-tir de son couronnement, mais généralement avec le jour du Nouvel-An selon le calendrier, soit le premier jour du premier mois de la première sai-son. Le monarque avait aussi pris l’habitude, du-rant les dernières années de sa vie, d’associer au trône son « fils ». Ce phénomène de corégence compliquera encore la tâche des historiens. Le nombre d’années d’un règne variera selon que l’on considère que ces années de corégence sont déjà les premières du futur pharaon ou les derniè-res du roi élu. Si une comparaison, par exemple dans le cadre de la XVIIIe dynastie, porte sur cha-que règne, la différence chronologie courte - chro-nologie longue est parfois grande ; par contre, si elle englobe un ensemble comme les six premiers souverains, l’écart est minime : trois ans dans ce cas-ci. De nombreux règnes ne sont pas connus avec précision ; des périodes d’instabilité d’une durée indéterminée ont en outre séparé certains d’entre eux. Toutes les dynasties n’ont pas une égale importance. Certaines sont partiellement voire entièrement parallèles: les Xe et XIe ; XIIIe et XIVe ; XXIIIe, XXIVe et XXVe. La VIIe est même fictive. Les unes ne comptent que quelques sou-verains : la XXVIIIe n’en a qu’un ; la XXIVe deux. Par contre, la fameuse XVIIIe dynastie en com-prend quatorze, dont Toutankhamon ; à elle seule, elle mérite un article entier. La simple addition des durées des règnes connus ne peut donc suffire ; elle risque même de nous donner de fausses indications. Mais, fort heureu-sement, à côté du comput royal, les Egyptiens, pour la division du temps en saisons, mois, jours, ont utilisé une année solaire. En effet, il est certain que de très bonne heure, ils substituèrent un ca-lendrier civil à l’habitude primitive de compter le temps en se fondant sur l’observation des révolu-tions synodiques de la lune. Leur année était com-posée de 365 jours, divisée en 12 mois de 30 jours chacun, auxquels on ajoutait à la fin de l’an-

née cinq jours supplémentaires ou épagomènes. Les mois (6) étaient groupés en tétraménies, qui formaient trois saisons : l’inondation (akhet), la germination (pert), et la chaleur (shemou). C’est sur cette base que sont fondés les calculs de la chronologie égyptienne. Dans un pays où tout dépend du Nil, ses habitants la faisaient commen-cer avec le premier jour de l’inondation. Ce calen-drier tropique ou saisonnier, dont la valeur de l’an-née variait, était lié intimement aux crues du Nil et était d’un usage généralisé. Les jours additionnels de ce calendrier, dit également « Des Ancêtres ou des Deux Tiers », étaient fixés d’après les pleines lunes tombant dans les jours épagomènes et com-plétés plus tard de un jour à chaque période d’Apis (25 ans) et du Phénix (509 ans). Les Egyptiens avaient reconnu assez rapidement qu’il y avait concernant la durée du temps deux problèmes distincts : celui de sa mesure intrinsè-que et celui de sa concordance avec les saisons. D’où une seconde espèce de calendrier, différente de l’aspect saisonnier, à savoir les deux calen-driers mobiles chronologiques. En effet, deux ca-lendriers, car l’Egypte avant Ménès était formée de deux Etats distincts, la Haute et la Basse-Egypte, dont les jours de l’an étaient respective-ment le 1er thot et le 1er mésori. Bientôt, ils obser-vèrent que le début de la crue du Nil était marqué aussi par un phénomène astronomique. L’étoile Sothis, notre Sirius, après une période d’invisibili-té, qui était due à sa conjonction avec le soleil, apparaissait ce jour-là à l’horizon, à l’instant même où perçait le premier rayon solaire. Et ainsi, dès l’aube, dans le ciel oriental, l’étoile d’Isis brillait à nouveau de tous ses feux. Ces deux phénomè-nes, en réalité indépendants, mais qu’ils avaient pris l’habitude de lier par un rapport de cause à effet — le lever héliaque de Sothis et le commen-cement de la crue du Nil — marquèrent le premier de l’An Egyptien. Toutefois, cette date, invariable pour un lieu donné, variait cependant suivant la latitude du lieu d’observation.

30

(5) II ne s’agit pas de l’Ethiopie actuelle. Les Grecs appelaient erronément « Ethiopiens » ceux que les Egyptiens appelaient « gens du pays de Koush », c’est-à-dire le sud de la Nubie, l’actuel Soudan. Il s’agit donc d’une époque nubienne ou koushite et non éthio-pienne ou abyssinienne.

(6) Les noms des mois étaient : Thot, Paophi, Athyr, Choiak pour la première saison ; Tybi, Méchir, Phaménoth, Pharmouthé pour la deuxième Pachons, Payni, Epiphi et Mésori pour la troisième.

Page 32: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

A titre d’indication, cette date correspondait ap-proximativement au 20 juillet julien (7) pour Thè-bes (1er thot) et au 25 juillet julien (1er mésori) pour Tanis. Or, si ce lever s’effectuait le 1er thot ou le 1er mésori pendant quatre ans, la cinquième an-née, le phénomène s’observait avec un jour de retard, c’est-à-dire le 2 thot ou le 2 mésori. Il y avait donc un décalage calendérique d’un jour tous les quatre ans. Les cycles du Soleil et de Sirius sont de 365 jours un quart. Pour que le le-ver héliaque de Sirius se reproduise exactement aux jours de l’an respectifs (1er thot, 1er mésori), il fallait un laps de temps de quatre fois 365, c’est-à-dire une période sothiaque : 1.460 ans. Comme il y avait un calendrier mobile distinct pour la Haute et la Basse-Egypte, il y eut deux lignées de pério-des sothiaques parallèles dont les points de départ sont décalés de 145 ans. Le jour de l’An se déplaçait dans les saisons au cours des âges. Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, le décalage entre l’année astronomique exacte et l’année adoptée par les Egyptiens deve-nait plus important. Les saisons en arrivèrent à être entièrement décalées, et l’été du calendrier officiel tomba en plein hiver réel. Les scribes, dis-ciples de Thot-dieu d’Hermopolis, observèrent ce phénomène et des textes notifiant ces différences nous sont parvenus. Les astronomes modernes ont essayé d’établir un tableau de concordance entre les différentes dates relatives de l’année civile égyptienne et les levers héliaques de Sothis afin de connaître les dates absolues correspon-dantes. La coïncidence s’était produite trois fois dans les cinq millénaires précédant le Christ : en 1325-1322 ; 2785-2782 et 4245-4242. Le lever héliaque de Sothis se produisait à Memphis le même jour pendant quatre ans, puisque le calen-drier civil n’était en retard que d’un quart de jour par an sur le calendrier solaire ; si donc un papy-rus nous apprend que ce lever stellaire eut lieu en l’année x de tel ou tel pharaon, cette année x ne pourra être calculée qu’approximativement, mais

l’erreur ne pourra excéder quatre ans. Grâce à ces dates doubles, on sait : 1. que le règne de Sésos-tris III (XIIe dyn.) englobe les années 1882-1879 ; 2. que l’année 9 d’Aménophis Ier (XVIIIe dyn.) est tombée entre les années 1550 et 1547 ; 3. que le règne de Thoutmosis III (XVIIIe dyn.) englobe les années 1474-1471. Le commencement de la XIIe dynastie doit donc se situer vers l’an 2000 et celui de la XVIIIe dynastie vers l’an 1580.

« Le scribe accroupi ». Saqqarah (vers 2450 av. J.-C. - Ve dynastie). Calcaire, hauteur 53 cm. Mu-sée du Louvre. Le nom du personnage (dans la tombe duquel la statue fut découverte à Saqqarah) est inconnu. Il ne s’agit pas d’un petit secrétaire prêt à écrire sous la dictée. La figure représente un haut fonc-tionnaire, un « maître des lettres sacrées et secrè-tes ». La facture ferme et précise souligne la digni-té de sa charge (qui, à l’origine, semble-t-il, était réservée aux fils de pharaons). Ce n’est qu’au Nouvel Empire que la carrière de scribe fut ouver-te à tout Egyptien. Devenus fonctionnaires, c’est à eux que nous devons les textes littéraires qui nous sont parvenus. De la main gauche, il tient un rouleau de papyrus à demi-déroulé ; de la droite, il serre le calame. La vie intense de l’être est dans les yeux, faits de quartz blanc opaque, de cristal de roche, sertis de cuivre pour imiter les paupières.

31

(7) Jules César réforma le calendrier romain de Numa (année de 360 jours divisée en 12 mois) pour le mettre en concordance avec le cours du soleil, et il s’appela dès lors le calen-drier julien. Un jour complémentaire fut inter-calé tous les quatre ans ; mais l’année était alors trop forte et amenait une erreur de sept jours au bout de neuf cents ans, de sorte qu’en 1582, l’équinoxe de printemps avait rétrogradé de dix jours. Le pape Grégoire XIII ordonna que le 5 octobre de cette année s’ap-pellerait le 15 octobre et supprima les bissex-tiles séculaires, excepté une sur quatre. Ce calendrier grégorien, le nôtre, entraîne encore une erreur d’un jour sur quatre mille ans.

Page 33: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

Ces affirmations devenues axiomes officiels ne sont pas retenues par les tenants de la chronolo-gie longue. Ils prétendent, eux, que les dates dou-bles des XIIe et XVIIIe dynasties n’appartiennent pas à la même période sothiaque. D’après leur théorie, la XIIe dynastie aurait quasi commencé 1500 ans plus tôt, soit pour certains vers 3336 et pour d’autres même vers 3579 ; et cela, d’autant plus que l’époque antérieure à la XIIe dynastie ne nous a livré jusqu’à présent aucune date absolue. Au sujet de la fixation dans le temps du calendrier égyptien, nous savons avec certitude que le lever héliaque de Sothis a coïncidé avec le premier jour du calendrier officiel, en 139 ap. J.-C. — l’an 2 d’Antonin en Haute-Egypte, et en 284 ap. J.-C. — l’an 1 de Dioclétien en Basse-Egypte. Aussi, la plupart des égyptologues sont d’avis que la date retenue ne peut aller au-delà de 2781-2780. Ils excluent toute création calendérique néolithique. Certains, cependant, admettent la date de 4242-4241 av. J.-C. en pleine période prédynastique. Ils se basent notamment sur des allusions à l’année solaire inscrites sur les parois des pyramides de Saqqarah que j’ai évoquées plus haut. Ces textes ne nous sont connus que par ces versions-là de l’Ancien Empire et nous ne pouvons dès lors affir-mer avec certitude que le monde décrit est bien celui de périodes sothiaques antérieures. Les dé-fenseurs de la chronologie longue estiment que les différents calendriers sont pré-dynastiques et qu’ils ont été simultanément en usage dans la vallée du Nil. Il faut remonter de plusieurs millénai-res dans le temps, car pour eux, forcément, 4242-4241, c’est la VIe dynastie. Le roi demi-dieu Thot, qui donna d’ailleurs son nom au premier mois du calendrier thébain, est le point de départ. Ils le situent, d’après Eusèbe, en — 15.558. En se basant sur ces mêmes calendriers et en s’appuyant sur ces mêmes listes royales qui nous donnent des séries de noms de rois, dont nous ne savons certes que peu de choses mais dont les règnes sont peut-être plus longs qu’on ne le pense communément, André Pochan, pionnier de la chronologie longue, établit sa liste des pharaons de Ménès à Dioclétien. Si les époques de déca-dences — périodes intermédiaires — sont obscu-res, elles peuvent aussi être longues. Elles ne doivent en tout cas pas être nécessairement cour-tes ! Les découvertes futures, dit-il, me donneront raison. Il situe l’unificateur du pays, Ménès, en l’an 5619 av. J.-C. Boêthos inaugure la IIe dynastie en 5367. Nechérophès la IIIe en 5065 et Soris la IVe en 4851. Suphis 1er, vingt-huitième pharaon, plus connu sous le nom de Chéops ou Khoufou, règne entre 4829 et 4766, ce qui situe la célèbre pyrami-de aux environs de 4820. Pour l’égyptologie offi-cielle, l’Ancien Empire se situe entre 2780 et 2400/2300. C’est pendant cette période extrême-ment féconde que s’élèvent les principales pyrami-des et que prend corps le majestueux plateau de

Gizeh (Giza), dont la mystérieuse grandeur nous atteint encore aujourd’hui au plus profond de notre être. L’énigmatique sphinx, de son œil impassible défiant le temps, envoûtera encore longtemps plus d’un voyageur épris de liberté. Je pourrais poursuivre l’énumération et nous cons-taterions que le désaccord entre les deux tendan-ces est complet jusqu’au Nouvel Empire. Alors seulement, avec la XVIIIe dynastie, les partisans des deux chronologies semblent se rapprocher mais les datations ne se fondent toujours pas. L’écart varie, parfois cinquante ans, souvent dix, pour à peu près n’importe quel règne. Toutefois, une différence d’une à cinq années est également courante chez les tenants de la chronologie cour-te, c’est-à-dire au fond chez la plupart de nos égyptologues. Si je me suis attardé quelque peu, en citant de nombreuses datations, je pense, tout de même, qu’une civilisation aussi attachante, quatre fois voire six fois millénaire et établie dans le seul Proche-Orient, justifiait bien cet arrêt. Quand on songe que 2000 ans seulement sépa-rent Cléopâtre, la septième du nom, de notre civili-sation judéo-chrétienne finissante ! S’il n’est pas interdit de faire des hypothèses, il est toutefois indispensable d’éviter toute affirmation qui risquerait d’être démentie par des faits nou-veaux, qui ne sauraient tarder. Au cours de sa longue histoire, les habitants de « Kémi » ont tout tenté pour s’évader de l’inévitable condition hu-maine. Hantés par la mort, les enfants d’Isis ne nous ont pas encore livré tous leurs secrets.

JEAN-CLAUDE BERCK.

32

BIBLIOGRAPHIE F. Daumas, « La Civilisation de l’Egypte pharaoni-

que » (Arthaud, 1965). E. Drioton et J. Vandier, « Les Peuples de l’Orient

méditerranéen » II. l’Egypte, 4e éd. (Presses Universitaires de France, 1962).

A. Erman et H. Ranke, « La Civilisation Egyptien-ne ». Traduit de l’allemand (Payot, 1952).

D. Meeks, « L’Egypte » (Hachette, 1971). J. Pirenne, « Histoire de la Civilisation de l’Egypte

Ancienne » (Neuchâtel, 1961-1963). A. Pochan, « Les Calendriers des Anciens Egyp-

tiens » (Montesson, Ed. de Maât, 1963). « L’Enigme de la Grande Pyramide » (Laffont, 1971).

J. Vercoutter, « L’Egypte Ancienne » (Presses Universitaires de France, 1968).

A. Weigall, « Histoire de l’Egypte Ancienne ». Traduit de l’anglais (Payot, 1968).

J. Wilson, « L’Egypte, vie et mort d’une civilisa-tion ». Traduit de l’anglais (Arthaud, 1961).

Page 34: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

CIVILISATIONS EFFONDREES

Etudier Mu, c’est, avant tout, se rappeler que l’idée d’un continent englouti dans les eaux du Pacifique fut vulgarisée par James Churchward. Trente-sept ans après sa mort, ses livres sont toujours des best-sellers. Un éditeur anglais (Neville Spearman) distribue les ouvrages en édi-tion de luxe, tandis qu’à New York, Paperback Library le publie en édition de poche. La série jouit d’une certaine célébrité en Amérique et en Angle-terre. En langue française, il faut attendre 1969 avant que le premier ouvrage « The Lost Conti-nent of Mu » soit traduit par Marie-France Watkins pour les éditions J’ai Lu. Depuis, deux autres livres ont été traduits (en 1970 et 1972). Depuis quelques années, les écrivains de langue françai-se traitant le sujet des continents disparus, men-tionnent de plus en plus le nom de James Chur-chward, ainsi que ses trois ouvrages traduits. Au-cun ne mentionne l’œuvre complète qui en com-prend cinq : « The Lost Continent of Mu » (1926), « The Children of Mu » (1931), « The Sacred Symbols of Mu » (1933), « The Cosmic Forces of Mu » (1934) et « The Second Book of the Cosmic Forces of Mu » (1935). Qui est James Churchward? En réalité, nous savons très peu de choses sur sa vie, à l’exception de ce qu’il veut bien nous en dire lui-même dans ses livres. Nous savons qu’il mou-rut à l’âge de quatre-vingt-six ans, en 1936. Il se-rait donc né en 1850. La plupart des auteurs qui le citent, écrivent couramment qu’en 1868, il était officier et séjournait aux Indes. En fait, cette date n’est pas mentionnée par Churchward ; elle est donnée par son éditeur : « In 1868, Colonel Chur-chward first went to India as a young man ». Le professeur L.C. Vincent indique qu’il était officier de l’Armée des Indes et qu’il « fit carrière dans les Services de Renseignements rattachés à l’Intelli-gence Service anglais ». Martin Gardner dans « Les Magiciens démasqués précise qu’il était officier des Lanciers du Bengale. Enfin, il semble que Churchward ait terminé sa carrière militaire

avec le grade de colonel. Mais l’écrivain américain L. Sprague de Camp met en doute son titre d’offi-cier. II écrit notamment : « ... plus tard, James Churchward se donna le titre de colonel ». Lors d’une conférence qu’il donna le 20 avril 1931 devant les membres de l’American Society for Psychical Research de New York, Churchward donnera quelques détails sur la période qu’il pas-sa en compagnie d’un grand prêtre aux Indes. Ce dernier, dit-il, était, voici un demi-siècle, âgé de plus de 70 ans. Si l’on fait le décompte, nous obtenons l’année 1881. Cette date est celle où Churchward quitta le grand prêtre. Sa rencontre remontait à sept ans, donc à 1874. L’officier avait alors 24 ans. Ce qui

JAMES CHURCHWARD ET LE CONTINENT DE MU

33

Page 35: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

nous semble beaucoup plus valable que la date généralement admise. Effectivement, en 1868, James Churchward n’au-rait eu que 18 ans. De plus, nous savons qu’il ras-sembla toutes ses notes en 1920 à l’âge de soixante-dix ans. Dans son premier volume, paru en 1926, il nous raconte : « pour savoir comment le récit originel de la création a été connu, il faut remonter dans le temps, à plus de cinquante ans » (1). Les premières pages furent vraisembla-blement écrites vers 1924-1925. Remonter cin-quante ans en arrière, nous donne également l’année 1874. Terminons enfin cette mise au point en signalant qu’en 1883, il participe à une expédition dans le Tibet occidental, et qu’un peu plus tard, il fut mem-bre d’une autre expédition en Mongolie et en Sibé-rie. Après avoir servi trente ans dans l’Armée des Indes, il prend sa retraite, mais il continue à par-courir le continent asiatique, l’Amérique Centrale et le Pacifique. Il terminera son long périple à Mount Vernont près de New York. Premières découvertes. Churchward écrit: « Il y avait famine en Inde. J’y étais alors pour contribuer aux secours, associant mes efforts avec ceux du grand prêtre d’un temple scolaire. J’appris bientôt qu’il s’intéressait beau-coup à l’archéologie et aux anciens écrits, et qu’il était plus savant dans ce domaine qu’aucun autre homme vivant. Quand il vit un jour que j’essayais de déchiffrer un curieux bas-relief, il s’intéressa à moi, et ce fut une des plus sincères amitiés que j’ai eu le bonheur de connaître. Il me montra com-ment résoudre le mystère de ce bas-relief et pro-posa de me donner des leçons qui me permet-traient de m’attaquer à un travail plus ardu ». Pour des raisons qui ne seront, sans doute, jamais expliquées, ce grand prêtre lui enseignera donc une partie de son savoir. Il est utile de rappeler que les Anglais n’étaient pas toujours accueillis favorablement. La dernière grande révolte remon-tait à 1857 et les Indiens n’étaient pas encore tout à fait calmés. Churchward pourtant sera adopté par le prêtre. Celui-ci lui apprendra la langue origi-nelle de l’humanité, langue comprise seulement par deux autres initiés, des cousins du nouvel ami de Churchward. Ces trois prêtres étaient les seuls dépositaires du savoir de la Communauté des Frères Sacrés ou Naacals, venus jadis de la mère-patrie pour enseigner les écritures. Ce fut pour le jeune Anglais une première période de deux ans. Puis, « un jour, raconte-t-il, étant d’humeur bavarde, le grand prêtre me dit qu’il y avait de très anciennes tablettes dans les archives secrètes du temple ». Selon lui, ces tablettes au-raient été écrites par les Naacals, soit en Birma-nie, soit dans la mère-patrie appelée Mu. Six longs

mois furent nécessaires pour décider le prêtre à les lui montrer. Le jour tant attendu arriva et Chur-chward put d’abord en examiner deux. L’écriture était la même que celle étudiée deux ans plus tôt sur les bas-reliefs. Le prêtre, convaincu du sérieux de son élève, lui permit d’étudier toutes les tablet-tes secrètes. « Les inscriptions racontaient en détail la création de la terre et de l’homme, et l’en-droit où il apparut pour la première fois : Mu ». Mu, c’était un continent immense situé en plein Océan Pacifique, et englouti à la suite de terribles trem-blements de terre, il y a 12.000 ans. Dès lors, Churchward essaya de rechercher partout dans le monde les preuves de cette existence. Il y consa-crera toute sa vie. Un nom pour un continent disparu. Dans une étude précédente (2), nous avons dé-montré combien le mythe d’un continent austral, situé dans le Pacifique, était ancien et ancré dans les esprits aux XVe et XVIe siècles. En ce qui concerne l’origine du mot Mu, il semble que ce ne soit pas Churchward qui l’ait inventé. En 1864, l’abbé Charles-Etienne Brasseur (on ajoute parfois « de Bourbourg ») découvre à la bibliothèque de l’Académie Historique de Madrid une copie abré-gée de la « Relación de las Cosas de Yucatán ». Cet ouvrage fut écrit au XVIe siècle par l’évêque espagnol Diego de Landa. Quelques pages sont consacrées à l’écriture des Mayas. II y consigne vingt-sept symboles. On a cru longtemps qu’il s’a-gissait d’un alphabet. Brasseur, lui, en était convaincu. (3) Il se mit alors à traduire le document maya appelé Codex Troano. La traduction semblait facile et le texte donnait la description d’une grande catastro-phe, jusqu’au moment où deux signes n’offraient qu’une ressemblance relative avec ceux de de Landa. Cette ressemblance fut tout de même adoptée par Brasseur : les lettres étaient M et U. L’abbé en conclut que la terre disparue lors de la catastrophe s’appelait Mu ! Quelques années plus tard, Auguste le Plongeon (1826-1908) donne au public une nouvelle traduction du Codex Troano. Il y mentionne également Mu et signale que cette terre s’engloutit avec ses 64 millions d’habi-tants (4). Encore des tablettes. Dans la préface à son premier livre : « The Lost Continent of Mu », James Churchward nous dit : « Toutes les affirmations scientifiques de ce livre sont fondées sur la traduction de deux séries de tablettes anciennes. Il y a les tablettes d’origine naacal découvertes par moi il y a de nombreuses années aux Indes, et une importante collection de tablettes en pierre, plus de 2.500, découvertes récemment au Mexique par William Niven. Ces deux séries de tablettes ont la même origine. Car chaque série est composée d’extraits des Ecritu-res Inspirées et Sacrées de Mu ».

34

Page 36: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

35

On reprochera souvent à Churchward de ne ja-mais mentionner ses sources. En ce qui concerne les tablettes de Niven, il en va autrement. C’est au début du siècle que Niven, un minéralogiste amé-ricain, fit une découverte spectaculaire dans la vallée de Mexico. Plus de deux mille six cents tablettes gravées en pierre, qui furent datées à plus de 12.000 ans. « En 1924, écrit Niven, le doc-teur Morley, de l’Institut Carnegie, déclara que les symboles étranges figurant sur les tablettes ne ressemblaient à rien de ce qu’on avait vu à ce jour à Mexico ou ailleurs ».

Churchward rencontra Niven. Il déclara ensuite qu’il pouvait déchiffrer toutes les tablettes décou-vertes au Mexique grâce à la ressemblance des signes avec ceux des tablettes indiennes. Chur-chward put ainsi reconstituer l’histoire et la géo-graphie de Mu. Les études concernant les traduc-tions des tablettes mexicaines se trouvent dans ses deux premiers ouvrages. Ouvrages de base. Toute personne désireuse d’étudier l’Atlantide se verra dans l’obligation de lire deux ouvrages de Platon : le Timée et le Critias. Les trois mille ou-vrages concernant l’Atlantide se réfèrent au philo-sophe grec. Il en va de même avec Mu et Chur-chward. Ses cinq livres ne doivent pas être consi-dérés comme évangile, mais comme une œuvre

de base pour toute étude muenne. Depuis quel-ques années, de nombreux chercheurs se sont penchés sur les écrits de Churchward. Nous cite-rons Louis-Claude Vincent et Reesdon Hurdlop. Le premier a été professeur à l’Ecole d’Anthropo-logie de Paris. Suite à plusieurs voyages au Moyen-Orient et en Amérique, il s’est trouvé en présence de nombreux documents et preuves de l’existence de Mu dans le Pacifique. II a lu et relu les ouvrages de Churchward et comme bon nom-bre de savants avant lui, il s’est heurté à certaines affirmations en ce qui concerne les tablettes. Voici d’ailleurs ce qu’il en dit : « Si Churchward a bien fourni certaines reproductions de tablettes à hiéro-glyphes, avec leur traduction, que l’on a le droit de discuter, voire de contester, — comme pour tous les hiéroglyphes —, il n’en reste pas moins que Churchward ne nous donne « aucune indication », ni « référence » de « lieu » sur les temples d’où il a pu extraire et se faire traduire les dites tablettes (de Mu, des Naacals, ou de Burma). Semblable attitude n’est pas scientifique et elle autorise tou-tes les négations, tous les rejets. Bien qu’il soit désormais à la mode de créer des atmosphères de « secrets » aux alentours des activités atomi-ques ou astronautiques, nous ne retiendrons donc que bien faiblement, en raison de leur origine « secrète », les prétentions de Churchward, tirées des tablettes en question. Plus tard, à la suite d’un voyage au Tibet, Churchward prenait la copie d’u-ne carte de l’ancien continent de Mu, d’après un document remontant à 20.000 ans selon les esti-mations des prêtres tibétains. Bien entendu, ce document fut, parce que des preuves indiscuta-bles manquaient, déclaré apocryphe ». En 1959, le professeur R. Hurdlop travaillait sur l’ancien site de Niven. Il y découvrit soixante-neuf rouleaux de papyrus intacts. En 1964, ceux-ci étaient partiellement déchiffrés et confirmaient l’existence dans le Pacifique d’un continent appelé Muror (Mror). Une première datation indiquait de 20.000 à 25.000 ans avant J.-C. (5). Une carte de Muror fut également trouvée. Elle représente un continent moins important que celui dessiné par Churchward, ainsi que quatre grandes îles. Nous voyons donc que le sujet peut être étudié de façon sérieuse et que des preuves récemment trouvées viennent renforcer les premières recherches de Churchward. Ce qu’on lui reproche. Critiquer Churchward et ses théories sur Mu est chose facile. Mais que lui reproche-t-on ? Comme déjà signalé, c’est principalement l’absence de référence pour les tablettes indiennes. Un point important : il n’est pas le seul à agir de la sorte, et actuellement encore, la littérature concernant l’ar-chéologie parallèle (et même l’archéologie officiel-le) foisonne de phrases telles que: « certains sa-vants admettent, affirment... » (qui ?), « on a trou-vé récemment... » (où, quand ?), etc.

Page 37: Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 003

Une étude plus approfondie de la carrière militaire de Churchward pourrait nous en apprendre davan-tage. Les archives de l’armée anglaise aux Indes existent : les nominations au grade d’officier peu-vent être retrouvées, ses mutations au sein de l’armée, ses déplacements, l’aide apportée lors des famines aux Indes, etc. On (Charroux, tome 5, p. 182) lui reproche de situer Tiahuanaco au Pérou... Rappelons que la frontière entre le Pérou et la Bolivie passe par le lac Titicaca et le site de la Porte du Soleil se trou-ve à moins de trente-cinq kilomètres de la frontière péruvienne. A la fin du XIXe siècle, il y eut de nom-breux troubles en Bolivie, et les frontières ont été quelque peu bouleversées. Tiahuanaco est ainsi le seul site (pré)incaïque à ne pas se trouver au Pérou actuel. De très nombreuses critiques pourraient encore être « critiquées », mais elles seront expliquées lorsque nous étudierons plus en détail les argu-ments en faveur de Mu. Car le professeur L.C. Vincent, en plus de ses recherches personnelles, complète et approfondit la théorie de James Chur-chward. Nous citerons un extrait des commentai-res de Jean Phaure concernant les ouvrages du professeur français : « Autant le pionnier du « continent perdu » nous avait laissé sceptique, autant l’éloquente démonstration du Professeur Vincent nous amène à envisager l’existence de Mu avec presque autant de crédibilité que celle de l’Atlantide » (6). JACQUES DIEU.

36

(1) Editions J’AI LU, n° A 223, p. 10 ; Neville Spearman, tome 1, p. 17.

(2) Voir KADATH n° 1, p. 28-31.

(3) Notons que l’écriture maya n’a toujours pas été déchiffrée. Il ne reste que trois livres manuscrits répartis entre Dresde, Madrid et Paris. Ces livres sont les seuls à donner de longs textes. Sur base des vingt-sept si-gnes, il y eut de nombreux essais de tra-ductions. Des chercheurs soviétiques utili-sèrent même des ordinateurs, mais en vain !

(4) Dans son livre « A la poursuite des dieux solaires », le professeur Marcel Homet fait allusion (p. 356) aux textes de le Plongeon. La traduction de ce dernier semble être confirmée par des équivalents arabes.

(5) Peu de documents ont paru sur ces décou-vertes. C’est principalement la presse amé-ricaine qui s’en fit l’écho. Nous espérons donner prochainement aux lecteurs de KADATH de plus amples renseignements.

(6) Revue « Atlantis », n° 270.

BIBLIOGRAPHIE Le lecteur trouvera dans les référen-ces suivantes, de nombreux passages — souvent les mêmes — concernant J. Churchward.

Jean-Michel Angebert : « Le Livre de la Tradition » - Laffont 1971.

Robert Charroux : « Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans » - Ed. Laffont 1963.

Martin Gardner : « Les Magiciens démas-qués » - Presses de la Cité 1966.

Serge Hutin : « Les Civilisations Incon-nues » - Fayard 1961 et Marabout n° 413. « Hommes et Civilisations fantasti-ques » - J’ai Lu 1971.

Peter Kolosimo : «Terre Enigmatique » - Albin Michel 1970.

Ray Stevens : « A la recherche du Monde perdu » - Ed. André Bonne 1954.

M.C. Touchard L’Archéologie mystérieu-se» - Bibliothèque de l’Irrationnel - Ed. Denoël 1972.

G.H. Williamson : « Les Gîtes secrets du Lion » - J’ai Lu 1972.

Pour notre étude, nous nous sommes basés sur les ouvrages suivants :

Ceux de James Churchward : « The lost continent of Mu », Neville

Spearman (London) et Paperback Library (New York), 1972.

Traduction française: « Mu, le conti-nent perdu » (J’ai Lu, n° 223).

« The children of Mu » (NS. 1965 et PL. 1969).

« L’Univers secret de Mu » (J’ai Lu n° 241).

« The sacred symbols of Mu » (NS. 1971 et PL. 1968).

« Le monde occulte de Mu » (J’ai Lu n° 291).

« The cosmic forces of Mu » (NS. et PL. 1970).

« The second book of the cosmic forces of Mu » (NS 1970 et PL 1968).

Louis-Claude Vincent : « Le Paradis per-du de Mu » (tomes 1 et 2) - Editions « La Source d’or » - Marsat 1969 et 1971.

Daniel Cohen : « Mysterious Places» - Tower Book, New York 1969.

L. Sprague de Camp : « Lost Conti-nents » - The Gnome Press, New York 1954.

H.S. Santesson : « Understanding Mu » - Paperback Library, New York 1970.

Tony Earl : « Mu revealed » - Paperback Library, New York 1970.