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John Stuart Mill DE LA LIBERTE Chapitre 1 : Introduction Sujet de cet essai : La liberté sociale/civile, c'est-à-dire la nature et les limites du pouvoir que la société peut légitimement exercer sur l'individu. Cette question divise depuis toujours l'humanité, mais vu le niveau de progrès atteint aujourd'hui par les peuples les plus civilisés, elle se présente sous des formes nouvelle et nécessite un traitement différent et plus fondamental. La lutte entre liberté et autorité était autrefois une dispute qui opposait le souverain à ses sujets ou a certaines classes de ses sujets. Par liberté on voulait dire protection contre la tyrannie des souverains. Gouvernants et gouvernés tenaient donc des positions antagonistes. Le pouvoir était aux mains d'un individu/tribu/caste qui avient acquis leur autorité par héritage/conquête. Personne n'osait ni ne semblait vouloir contester leur suprématie : Le pouvoir des gouvernants était ressenti comme nécessaire, mais très dangereux. En effet, le roi aussi pouvait s'en prendre aux sujets et les gens vivaient dans cette crainte. Le but des patriotes était donc d'imposer des limites au pouvoir du gouvernant : C'est cette limitation qu'ils appelaient liberté. Il y avait 2 façons de limiter le pouvoir : 1) Obtenir la reconnaissance de certaines immunités (ex : droits politiques) que le gouvernant ne pouvait pas transgresser sans manquer à son devoir et déclencher une rébellion générale. 2) Etablir des freins constitutionnels, comme le consentement de la communauté qui devenait la condition nécessaire de certains actes du gouvernement. Tant que l'humanité se contenta de combattre un ennemi par l'autre, et de se laisser diriger par un maître à condition d'être garantie contre sa tyrannie, elle n'aspira à rien de plus. Vint le temps où les hommes cessèrent de considérer qu'une loi naturelle donnait à leurs gouvernants un pouvoir indépendant : Il fallait que les magistrats de l'Etat fussent pour eux des délégués révocables à leur gré. C'était pout eux la seule façon de se prémunir totalement contre les abus de pouvoir du gouvernement. Pendant qu'on luttait pour placer le pouvoir des gouvernants sous la tutelle des gouvernés, certains commencèrent à penser qu'on avait attaché trop d'importance à la limitation du pouvoir. Ce qu'on voulait maintenant, c'est que les dirigeants soient identifiés au peuple : que leurs intérêts et leur volonté deviennent les intérêts et la volonté de la nation. Si les gouvernants étaient bien responsables devant la nation (révocables par elle), elle pourrait leur confier un pouvoir dont elle dicterait elle-même l'usage. Cette manière de penser était répandue dans la dernière génération du libéralisme européen et semble prédominer encore dans sa section continentale. Avec le temps, une république démocratique vint occuper une grande partie de la surface de la terre: Dès lors, le gouvernement électif et responsable devint l'objet de ces observations/critiques adressées à tout grand fait existant : Les gens du peuple qui exercent le pouvoir ne sont pas toujours les mêmes que ceux sur qui il s'exerce : l'autonomie politique n'est pas le gouvernement de chacun par soi-même, mais celui de chacun par tous les autres. La volonté du peuple signifie en pratique la volonté du plus grand nombre/de la partie la plus active du peuple. Il est donc possible que les gens du peuple soient tentés d'opprimer une partie des leurs. Il demeure donc essentiel de limiter le pouvoir du gouvernement sur les individus, même lorsque les détenteurs du pouvoir sont régulièrement responsables devant la communauté. Les gens réfléchis se sont rendu compte que, quand la société devient le tyran (que la masse

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John Stuart Mill DE LA LIBERTE Chapitre 1 : Introduction Sujet de cet essai : La liberté sociale/civile, c'est-à-dire la nature et les limites du pouvoir que la société peut légitimement exercer sur l'individu. Cette question divise depuis toujours l'humanité, mais vu le niveau de progrès atteint aujourd'hui par les peuples les plus civilisés, elle se présente sous des formes nouvelle et nécessite un traitement différent et plus fondamental. La lutte entre liberté et autorité était autrefois une dispute qui opposait le souverain à ses sujets ou a certaines classes de ses sujets. Par liberté on voulait dire protection contre la tyrannie des souverains. Gouvernants et gouvernés tenaient donc des positions antagonistes. Le pouvoir était aux mains d'un individu/tribu/caste qui avient acquis leur autorité par héritage/conquête. Personne n'osait ni ne semblait vouloir contester leur suprématie : Le pouvoir des gouvernants était ressenti comme nécessaire, mais très dangereux. En effet, le roi aussi pouvait s'en prendre aux sujets et les gens vivaient dans cette crainte. Le but des patriotes était donc d'imposer des limites au pouvoir du gouvernant : C'est cette limitation qu'ils appelaient liberté. Il y avait 2 façons de limiter le pouvoir :

1) Obtenir la reconnaissance de certaines immunités (ex : droits politiques) que le gouvernant ne pouvait pas transgresser sans manquer à son devoir et déclencher une rébellion générale.

2) Etablir des freins constitutionnels, comme le consentement de la communauté qui devenait la condition nécessaire de certains actes du gouvernement.

Tant que l'humanité se contenta de combattre un ennemi par l'autre, et de se laisser diriger par un maître à condition d'être garantie contre sa tyrannie, elle n'aspira à rien de plus. Vint le temps où les hommes cessèrent de considérer qu'une loi naturelle donnait à leurs gouvernants un pouvoir indépendant : Il fallait que les magistrats de l'Etat fussent pour eux des délégués révocables à leur gré. C'était pout eux la seule façon de se prémunir totalement contre les abus de pouvoir du gouvernement. Pendant qu'on luttait pour placer le pouvoir des gouvernants sous la tutelle des gouvernés, certains commencèrent à penser qu'on avait attaché trop d'importance à la limitation du pouvoir. Ce qu'on voulait maintenant, c'est que les dirigeants soient identifiés au peuple : que leurs intérêts et leur volonté deviennent les intérêts et la volonté de la nation. Si les gouvernants étaient bien responsables devant la nation (révocables par elle), elle pourrait leur confier un pouvoir dont elle dicterait elle-même l'usage. Cette manière de penser était répandue dans la dernière génération du libéralisme européen et semble prédominer encore dans sa section continentale. Avec le temps, une république démocratique vint occuper une grande partie de la surface de la terre: Dès lors, le gouvernement électif et responsable devint l'objet de ces observations/critiques adressées à tout grand fait existant : − Les gens du peuple qui exercent le pouvoir ne sont pas toujours les mêmes que ceux sur qui il

s'exerce : l'autonomie politique n'est pas le gouvernement de chacun par soi-même, mais celui de chacun par tous les autres.

− La volonté du peuple signifie en pratique la volonté du plus grand nombre/de la partie la plus active du peuple.

− Il est donc possible que les gens du peuple soient tentés d'opprimer une partie des leurs. Il demeure donc essentiel de limiter le pouvoir du gouvernement sur les individus, même lorsque les détenteurs du pouvoir sont régulièrement responsables devant la communauté. Les gens réfléchis se sont rendu compte que, quand la société devient le tyran (que la masse

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opprime l'individu), ses moyens de tyranniser ne se limitent pas aux actes qu'elle impose à ses fonctionnaires politiques. Si la société prend de mauvaises décisions (qu'elle s'intègre dans des affaires qui ne sont pas de son ressort) elle pratique une tyrannie sociale d'une nouvelle ampleur. Se protéger contre la tyrannie du magistrat n'est donc pas suffisant : − Il faut aussi se protéger contre la tyrannie de l'opinion et du sentiment dominants, contre la

tendance de la société à imposer ses propres idées et pratiques comme règles de conduite à ceux qui pensent différemment.

− Il faut de plus se protéger contre la tendance de la société à entraver le développement de toute individualité qui ne serait pas en harmonie avec ses moeurs et à façonner tous les caractères sur un modèle préétabli.

Il faut donc trouver le juste milieu entre indépendance individuelle et contrôle social. Tout ce qui donne sa valeur à notre existence se base sur les restrictions posées aux actions d'autrui. Il faut donc imposer certaines règles de conduite, d'abord par la loi, puis par l'opinion (pour les questions qui ne sont pas du ressort de la loi). Les règles des différents pays sont si évidentes pour leurs habitants qu'elles leur semblent naturelles. Cette illusion universelle est un exemple de l'influence magique de l'habitude. La coutume est une arme d'autant plus efficace que personne n'éprouve en général le besoin de la remettre en question. En pratique, le principe qui détermine l'opinion des gens sur la conduite à adopter vient de l'idée qu'il y a en chacun la même volonté de se comporter en modèle pour son voisin et de se conformer au modèle que représentent ses amis. − En fait, quand on fait un choix, on est souvent plus motivés par l'inclination du plus grand

nombre. Pour un homme ordinaire, le fait que son inclination soit régie par celle du plus grand nombre est tout à fait satisfaisant, mais est de plus le critère qui détermine ses notions de goût/moralité/etc... Les opinions des hommes sont donc le produit de causes multiples, comme la raison, les préjugés ou les penchants anti-sociaux. Partout où il existe une classe dominante, la moralité du pays émane dans une large mesure des intérêts et du sentiment de supériorité de cette classe. Par contre, quand une classe autrefois dominante perd son influence, la morale qui prévaut porte souvent l'empreinte d'une aversion de toute supériorité.

− L'autre grand principe (imposé par la loi/opinion) qui détermine les règles de conduite en matière de tolérance/intolérance est la servilité de l'humanité envers les préférences et aversions supposées de ses dieux. Cette servilité provoque de vrais sentiments de repulsions

Ce furent donc les préférences et aversions de la société (de sa classe dominante) qui, par la sanction de la loi et de l'opinion, déterminèrent les règles à observer par tous. Les avants-gardes intellectuelles réfléchirent sur la nature des préférences et aversions de la société, sans se demander s'il était bon que les individus les considèrent comme des lois. Seule la question religieuse devint l'objet d'un débat entretenu avec cohérence par l'ensemble de la société. C'est donc presque uniquement sur ce terrain que les droits de l'individu contre la société ont été établis et que la prétention de la société à exercer son autorité sur les dissidents fut contestée. Les grands écrivains ont défini la liberté de conscience comme un droit inaliénable : Il était inconcevable pour eux qu'un être humain doive rendre compte aux autres de sa croyance religieuse. Malgré ça, la liberté religieuse n'a été mise en application presque nulle part. Dans l'esprit de la plupart des croyants, la tolérance est un devoir qui n'est admis qu'avec des réserves tacites. En fait, partout où le sentiment de la majorité est encore authentique et intense, ses prétentions à se faire obéir n'ont pas diminué. La majorité n'a pas encore compris que le pouvoir du gouvernement est son propre pouvoir. Lorsqu'elle y parviendra, la liberté individuelle sera sûrement exposée à l'invasion du gouvernement. Pour l'instant, il y a beaucoup de sentiments prêts à se soulever contre toute tentative de la loi pour contrôler les individus dans des domaines qui jusque là ne le regardaient pas, mais cela sans s'interroger sur ce qui fait partie ou pas de la sphère légitime du contrôle officiel. Aucun principe

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reconnu ne détermine dans la pratique les cas où l'intervention de l'Etat est justifiée ou non, on décide selon ses préférences personnelles. L'objet de cet essai est de poser un principe simple pour régler les rapports de la société et de l'individu dans tout ce qui est contrainte/contrôle (que les moyens employés soient la force physique (sanctions pénales) ou la contrainte morale (opinion publique)) : Les hommes ne sont autorisés, individuellement/collectivement, à entraver la liberté d'action de quiconque que pour assurer leur propre protection. On ne peut pas contraindre un homme à quelque chose parce que ce serait mieux pour lui. C'est peut-être une bonne raison pour lui faire des remontrances, mais pas pour le contraindre. En effet, la contrainte ne se justifie que lorsque la conduite dont on désire détourner cet homme risque de nuire à quelqu'un d'autre. L'individu est souverain sur son corps et son esprit. Bien sûr, cette doctrine ne s'applique qu'aux personnes dans la maturité de leurs facultés : Ceux qui dépendent encore des soins d'autrui doivent donc être protégés contre leurs propres actions comme contre les risques extérieurs. Le despotisme est un mode de gouvernement légitime quand on a affaire à des barbares, tant que le but vise à leur avancement et que les moyens se justifient par la réalisation de ce but. Avant le stade où l'humanité devient capable de s'améliorer par la libre discussion entre individus égaux, il n'existe pour les hommes que l'obéissance aveugle à un souverain. Avant ce stade, la liberté comme principe ne peut donc pas s'appliquer. Dès que l'humanité devient capable de se guider sur la voie du progrès grâce à la conviction/persuasion, la contrainte ne peut plus être admise comme un moyen de guider les hommes vers leur propre bien : Elle se justifie uniquement quand il s'agit de la sécurité des autres. Pour Mill, l'utilité (se fonder sur les intérêts permanents de l'homme en tant qu'être susceptible de progrès) est le critère absolu dans toutes les question éthiques. Ces intérêts autorisent la sujétion de la spontanéité individuelle à un contrôle extérieur uniquement pour les actions de chacun qui touche l'intérêt d'autrui. Il y a également beaucoup d'actes positifs pour le bien des autres qu'un homme peut être légitimement contraint d'accomplir (ex : témoigner au tribunal). En effet, un homme peut être rendu responsable devant la société s'il a manqué d'accomplir de tels actes lorsque c'étaut son devoir. --> Une personne peut nuire aux autres non seulement par ses actions, mais aussi par son inaction. Dans les 2 cas, il est responsable envers eux du dommage causé. Lorsque certaines raisons empêchent de sanctionner la responsabilité, la conscience de l'agent lui-même devrait prendre la place du juge absent pour protéger les intérêts d'autrui qui ne jouissent d'aucune protection extérieure. La région propre de la liberté humaine comprend d'abord le domaine intime de la conscience, qui nécessite la liberté de conscience au sens plus large. La liberté d'exprimer et de publier des opinions peut sembler soumise à un principe différent, mais comme elle est est presque aussi essentielle que la liberté de penser, elle repose largement sur les mêmes raisons. Ces 2 libertés sont quasi indissociables. C'est un principe qui requiert la liberté des goûts et des occupations, la liberté d'agir à notre guise et risquer toutes les conséquences qui en résulteront, et cela sans que nos semblables nous en empêchent tant que nous ne leur nuisons pas. C'est de cette liberté propre à chaque individu que résulte la liberté d'association entre individus (liberté de s'unir dans n'importe quel but tant qu'il est inoffensif pour autrui). Une société n'est pas libre si elle ne respecte pas globalement ces libertés. La seule liberté digne de ce nom est de travailler à notre propre avancement, aussi longtemps qu'on en cherche pas à priver les autres du leur. L'humanité gagnera plus à laisser chaque homme vivre comme il l'entend qu'à le contraindre de vivre comme le veulent les autres.

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La société s'est autant appliquée à forcer ses membres à se conformer à ses notions de perfection personnelle qu'à ses notions de perfection sociale. Les anciennes républiques s'arrogeaient le droit de soumettre tous les aspects de la vie privée aux règles de l'autorité publique, soi-disant parce que l'Etat prenait grand intérêt à la discipline physique et morale des citoyens. Dans le monde moderne, la dimension des communautés politiques, et surtout la séparation des autorités spirituelles et temporelles empêcha une telle interférence de la loi dans les détails de la vie privée. En même temps, c'est avec plus de rigueur qu'on a utilisé les armes de la répression contre toute divergence par rapport à la morale régnante dans la vie privée. M.Comte : Son système social vise à établir un despotisme de la société sur l'individu qui dépasse tout ce qui a été imaginé par les adeptes de cette discipline parmi les philosophes antiques. Il y a dans le monde une forte et croissante tendance à étendre le pouvoir de la société sur l'individu, autant par la force de l'opinion que par celle de la législation. Tous les changements qui surviennent ont généralement pour effet de renforcer la société au détriment de l'individu. Les libertés de penser, parler, écrire constituent la morale politique de presque tous les pays qui professent la tolérance religieuse et les libres institutions. Leurs fondements (philosophiques et pratiques) deviennent plus applicables quand ils sont morcelés. Chapitre 2 : De la liberté de pensée et de discussion On peut supposer qu'aujourd'hui, il est inutile de défendre l'idée selon laquelle un législatif/exécutif dont les intérêts ne seraient pas identifiés à ceux du peuple n'est pas autorisé à lui prescrire des opinions ni à déterminer pour lui les doctrine et arguments à entendre. Supposons donc que le gouvernement et le peuple ne fasse qu'un et que ce premier ne songe jamais à exercer aucun pouvoir de coercition, sauf s'il le fait en accord avec la voix du peuple. Pour Mill, le peuple n'a pas le droit d'exercer une telle coercition (par lui-même ou par l'intermédiaire du gouvernement) car ce pouvoir est illégitime : Un tel pouvoir est aussi nuisible lorsqu'il s'exerce en accord avec l'opinion publique qu'en opposition avec elle. Ce qu'il y a de néfaste à imposer le silence à l'expression d'une opinion, c'est que c'est comme voler l'humanité : − Si l'opinion est juste, on prive les hommes de l'occasion d'échanger l'erreur pour la vérité. − Si elle est fausse, ils perdent un bénéfice presque aussi important : Une perception plus claire et

une impression plus vive de la vérité que produit sa confrontation avec l'erreur. Il est possible que l'opinion qu'on cherche à supprimer soit vraie, même si ceux qui veulent la supprimer en contestent la vérité. Mais il n'est pas en leur pouvoir de trancher la question pour l'humanité entière: Refuser d'entendre une opinion parce qu'ils sont sûrs de sa fausseté, c'est présumer que leur certitude est la certitude absolue. Tout le monde se sait faillible, mais peu de personnes jugent essentiel de se prémunir contre cette faillibilité : − Les princes absolus éprouvent généralement une entière confiance en leurs propres opinions sur

quasi tous les sujets. − Les hommes bien placés qui voient parfois leurs opinions disputées (qui ont l'habitude d'être

corrigés quand ils ont tort) n'accordent cette confiance illimitée qu'aux opinions qu'ils partagent avec leur entourage.

L'individu délégue à son monde la responsabilité d'avoir raison face aux mondes dissidents des autres hommes, et il ne s'inquiète pas du fait que le hasard ait décidé lequel de ces nombreux mondes serait l'objet de sa confiance. Les époque sont aussi faillibles que les personnes, car chaque époque a professé des opinions que les époques suivantes ont estimées fausses et absurdes. D'ailleurs, il est certain que beaucoup

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d'opinions aujourd'hui répandues seront rejetées par les époques futures. Interdire la propagation de l'erreur n'est pas plus une garantie d'infaillibilité que n'importe quel acte accompli par l'autorité publique selon son propre jugement et sous sa propre responsabilité, mais le jugement est donné aux hommes pour qu'ils s'en servent : Si on ne devait jamais agir selon nos opinions par peur qu'elles ne soient fausses, ce serait négliger à la fois tous nos intérêts et nos devoirs. C'est le devoir du gouvernement et des personnes de se former les opinions les plus justes possibles, sans jamais les imposer aux autres à moins d'être à 100% sûr d'avoir raison. Il n'existe pas de certitude absolue, mais il y'en a assez pour les besoins de la vie : Nous pouvons et devons présumer que notre opinion est juste, assez pour diriger notre conduite. Il y a une grande différence entre : − présumer vraie une opinion qui a survécu à toutes les réfutations. − présumer vraie une opinion pour ne pas en permettre la réfutation. La liberté de contredire/réfuter notre opinion est la condition qui nous permet de présumer sa vérité en vue d'agir. Pour toute question délicate, 1 personne sur 100 pourra trancher : Et encore, la capacité de cette unique personne n'est que relative. L'individu est capable de corriger ses erreurs par la discussion et l'expérience : La discussion est essentielle pour savoir comment interpréter l'expérience. En effet, rares sont les faits qui parlent d'eux-même. Donc toute la force et la valeur de l'esprit humain n'est vraiment fiable que si tous les moyens pour le rectifier sont à portée de main. Si le jugement d'un homme est digne de confiance, c'est qu'il est resté ouvert aux critiques sur ses opinions et sa conduite. C'est qu'il a senti que la seule manière pour un homme d'accéder à la connaissance exhaustive d'un sujet est d'écouter ce qu'en disent des personnes d'opinions variées. La nature de l'intelligence humaine est telle qu'elle ne peut acquérir la sagesse autrement. Il est normal d'imposer au public (mélange hétéroclite d'une minorité de sages et d'une majorité de sots) de se soumettre à ce que les hommes les plus sages estiments nécessaire pour garantir leur jugement. Les croyances pour lesquelles nous avons le plus de garantie n'ont comme sauvegarde qu'une invitation constante au monde entier de les prouver non fondées. Si le défi n'est pas relevé, rien n'aura été négligé pour donner à la vérité une chance de nous atteindre. Les lices restant ouvertes, on peut espérer que s'il y a une meilleure vérité, elle sera découverte quand l'esprit humain sera capable de la recevoir. Les hommes s'imaginent s'attribuer l'infaillibilité en reconnaissant la nécessité de la libre discussion sur tous les sujets ouvert au doute. Mais ils pensent aussi que certaines doctrines/principes particuliers devraient échapper à la remise en question sous prétexte que leur certitude est prouvée, bref qu'ils sont sûrs de leur certitude. A notre époque, où les gens se sentent sûr presque autant de la vérité de leurs opinions que de leur nécessité, les droits d'une opinion à rester protégée contre l'attaque publique se fondent plus sur son importance pour la société que sur sa vérité : On prétend que certaines croyances sont si indispensables au bien-être qu'il est du devoir des gouvernement de les défendre. On dit aussi souvent que seuls les méchants voudraient affaiblir ces croyances salutaires, et c'est donc pour ça que ce n'est pas grave de l'interdire. En fait, l'utilité même d'une opinion est une affaire d'opinion. Il faudra un garant infaillible des opinions pour décider qu'une opinion est nuisible ou fausse. La vérité d'une opinion fait partie de son utilité.Dans l'opinion des hommes, aucune croyance contraire à la vérité ne peut être vraiment utile. Illustration du mal qu'il y a à refuser d'écouter des opinions parce qu'on les a condamnées d'avance dans notre propre jugement :

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Ex de doctrine qu'on refuse de remettre en question : La croyance en Dieu et en une vie future. Le fait de se sentir sûr d'une doctrine n'est pas être infaillible (infaillible : vouloir décider cette question pour les autres sans leur permettre d'entendre ce qu'on peut dire de l'autre côté). Mill dénonce autant cette prétention quand on l'avance en faveur de ses convictions les plus solennelles. Exemple de Socrate : On a l'image de l'homme le plus vertueux de son temps, le chef et modèle de tous ces grands maîtres de vertu qui vinrent après lui (Platon, Aristote). Socrate fut mis à mort par ses concitoyens après une condamnation juridique pour impiété (pour avoir nié les dieux) et immoralité (pour avoir été, par ses doctrines et son enseignement, le « corrupteur de la jeunesse »). Exemple de Marc Aurèle : Marc Aurèle, maître absolu du monde civilisé, se conduisit toute sa vie avec la plus pure justice et conserva un coeur tendre. Le peu de fautes qu'on lui attribue viennent justement de son indulgence. Et pourtant, malgré ces qualités humaines, ce fut lui qui persécuta le christiannisme : Doué d'une intelligence ouverte et libre, idéal chrétien dans son caractère, il n'a pas su voir que le christiannisme était un bien et non un mal pour le monde. En tant que souverain, il pensa que c'etait son devoir de ne pas laisser la société se dissoudre et il ne vit pas comment on pourrait reformer des liens après avoir cassé les anciens pour la ressouder. Le christiannisme visait justement ouvertement à défaire ces liens. C'est la raison pour laquelle il fut conduit par un sens profond du devoir à autoriser la persécution du christiannisme. Tout chrétien est persuadé que l'athéisme mène à la dissolution de la société, comme Marc Aurèle l'était à propos du christiannisme. Selon une théorie qui soutient qu'il est légitime de persécuter la vérité sous prétexte que la persécution ne peut pas lui faire de tort : − Révéler au monde, lui montrer son erreur sur quelque point vital, de ses intérêts spirituels et

temporels, c'est le service le plus important qu'un homme puisse rendre à ses semblables. − Mais récompenser les auteurs de ces bienfaits par le martyr et par le traitement réservé aux

criminels n'est pas une erreur dont l'humanité doit se repentir, mais le cour normal et légitime des choses.

− Bref, l'auteur d'une vérité nouvelle devrait se présenter la corde au cou qu'on serrait si l'assemblée publique, après avoir entendu ses raisons, n'adoptaient pas immédiatement sa proposition.

Ceux qui défendent cette théorie attachent peu de prix aux bienfaits. L'histoire regorge d'exemples de vérités étouffées par la persécution : Les opinions religieuses : La persécution a marché partout, sauf là où les hérétiques formaient un parti trop puissant pour être efficacement persécutés : Le christiannisme ne s'imposa que parce que les persécutions restèrent sporadiques, de courte durée et séparées par de longues intervalles de propagande quasi libre. Le plus souvent, une application suffisante de peines légales/sociales réussit à arrêter la propagation de la vérité et de l'erreur. L'avantage de la vérité, c'est que quand une opinion est vraie, on a beau essayer de l'étouffer, elle finit toujours par réapparaître dans l'histoire pour s'implanter définitivement à une époque. Aujourd'hui, on ne met plus à mort ceux qui introduisent des opinions nouvelles, même si le délit d'opinion (être condamné pour une opinion) existe encore. Le présupposé à l'origine de cette loi, concernant le christiannisme, est que le serment d'une personne qui ne croit pas en une vie future est sans valeur. En fait, cette règle se détruit elle-même en se coupant de ce qui la fonde : sous prétexte que les athées sont des menteurs, elle incite tous les athées à mentir et ne rejette que ceux qui bravent la honte de confesser publiquement une opinion détestée plutôt que de soutenir un mensonge. Si celui

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qui ne croit pas en une vie future est obligatoirement un menteur, seule la peur de l'enfer empêche ceux qui y croient de mentir. C'est bien les opinions que cultivent les hommes et les sentiments qu'ils nourissent à l'égard de ceux qui s'y opposent qui empêche l'Angleterre de devenir un lieu de liberté pour l'esprit. Le principal méfait des sanctions légales est de renforcer le stigmate social, stigmate très virrulent en Angleterre. Pour tout le monde (sauf pour ceux que leur fortune rend indépendants de la bonne volonté des autre) l'opinion est aussi efficace que la loi : Ceux qui sont riches et n'attendent rien de personne n'ont rien à craindre en avouant franchement n'importe quelle opinion (sauf le mépris et la calomnie). Même si on n'est pas aussi cruels qu'autrefois avec ceux qui ne pensent pas comme nous, on fait peut-être toujours autant de mal. Notre intolérance, purement sociale, ne tue personne, mais elle incite les hommes à déguiser leurs opinions et à ne rien entreprendre pour les diffuser. Cet état de chose maintient toutes les opinions dominantes dans un calme apparent : ça maintient la paix dans le monde intellectuel et ça laisse les choses suivre leur cour habituel. Le prix de cette pacification intellectuelle est le sacrifice de toute le courage moral de l'esprit humain : Un tel système ne produit plus ces caractères francs et hardis, ces intelligences logiques et cohérentes qui existait autrefois dans le monde de la pensée. Le genre d'homme que produit un tel système sont : − soit de purs esclaves du lieu commun, − soit des opportunistes de la vérité dont les arguments s'adaptent en fonction de leur auditoire. Ce n'est pas l'esprit hérétique qui souffre le plus de la mise au ban de toutes les recherches dont les conclusions ne seraient pas conformes à l'orthodoxie. Ceux à qui cela nuit le plus sont les bien-pensants, dont tout le développement intellectuel est entravé et dont la raison est soumise à la crainte de l'hérésie : Il y a parfois des hommes droits, à l'esprit subtil, qui passent leur vie à ruser avec une intelligence qu'ils ne peuvent pas réduire au silence, épuisant ainsi leurs ressources d'ingéniosité à essayer de réconcilier les exigences de leur conscience et de leur raison avec l'orthodoxie. Il est impossible d'être un grand penseur sans reconnaître que son 1er devoir est de suivre son intelligence, quelle que soit la conclusion à laquelle elle peut mener. Cependant, la liberté de penser n'est pas exclusivement nécessaire aux grands penseurs. Elle est aussi essentielle à l'homme commun pour lui permettre d'atteindre la stature intellectuelle dont il est capable : Il y a eu de grands penseurs individuels dans une athmosphère général d'esclavage intellectuel. Mais il n'y a jamais eu dans une telle athmosphère de peuple intellectuellement actif. Exemple : L'Europe L'Europe a connu des période d'émulation intellectuelle : La 1ère après la Réforme, la 2ème lors du mouvement spéculatif du 18ème, et la 3ème pendant la fermentation intellectuelle de l'Allemagne. Ces 3 périodes développent des opinions différentes, mais elles se ressemblent, parce que tout le temps de leur durée, le joug de l'autorité fut brisé : Un ancien despotisme intellectuel fut détrôné, sans qu'aucun autre ne le remplace. Admettons que les opinions reçues soient vraies et examinons ce que vaut la manière dont on peut les soutenir là où leur vérité n'est pas librement débattue. En effet, si vraie que soit cette opinion, on la considérera comme un dogme mort et pas une vérité vivante si on ne la remet pas en question. Il y a certaines personne qui estiment suffisant que quelqu'un adhère aveuglément à une opinion qu'ils croient vraie sans même connaître ses fondements. Mais il est rarement possible d'exclure totalement la discussion et dès qu'elle reprend, les croyances infondées cèdent facilement. Admettons que l'opinion vraie resre présente dans l'esprit à l'état de préjugé : Ce n'est pas encore connaître la vérité. Cette conception de la vérité n'est qu'une superstition de plus qui s'accroche par hasard aux mots qu'énoncent une vérité. La priorité de l'entretien de l'intelligence, c'est de prendre conscience des fondements de nos opinions personnelles : On devrait être capable de défendre ses idées contre les objections

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ordinaires. Les vérités mathématiques : Tous les arguments sont du même bord, il n'y a pas d'objections. Mais sur tous les sujets où la différence d'opinion est possible, la vérité dépend d'un équilibre entre 2 groupes d'arguments contradictoires. Quand il s'agit de sujets très compliqués (morale, relations sociales, etc...), les ¾ des arguments pour chaque opinion contestée consistent à dissiper les aspects favorables de l'opinion opposée. Celui qui ne connaît que ses propres arguments connaît mal sa cause. S'il ne connaît même pas les raisons du parti adverse, rien ne le pousse à préférer une opinion à une autre. Mais il ne suffit pas non plus d'entendre les arguments des adversaires tels que les exposent ses propres maîtres. Il faut les entendre de la bouche même de ceux qui y croient, sous leur forme la plus persuasive. Sinon on ne possède jamais cette partie de vérité qui est seule capable et de supprimer la difficulté. Seuls ceux qui ont également et impartialement fréquenté les 2 parties et qui ont fait attention à envisager leurs raisons respectives sous la forme la plus convaincante, connaissent ce pan de la vérité qui décide du jugement d'un esprit parfaitement éclairé. S'il n'y a pas d'adversaires pour toutes les vérités importantes, il faut en imaginer et leur fournir les arguments les plus forts. Pour un ennemi de la discussion, il n'est pas nécessaire pour l'humanité toute entière de connaître et comprendre tout ce qui peut être avance pour/contre ses opinions par des philosophes. Toujours pour cet ennemi, il suffit qu'il y ait toujours quelqu'un capable d'y répondre, afin qu'aucun sophisme propre à tromper les personnes sans instruction ne reste pas sans réfutation et que les esprits simples, une fois qu'on leur a inculqué les principes évidents de certaines vérités, puissent s'en remettre à l'autorité pour le reste. Cependant, même cette doctrine reconnaît que l'humanité devrait avoir l'assurance que toutes les objections ont reçu une réponse satisfaisante. Exemple : Le catholicisme L'Eglise catholique sépare nettement : − ceux qui ont le droit de se convaincre des doctrines − ceux qui doivent les accepter sans exmen En fait, elle ne permet à aucun des 2 groupes de choisir ce qu'ils veulent ou non accepter. Mais pour le clergé, il est méritoire de se familiariser avec les arguments des adversaires pour y répondre. Cette discipline juge positif que les professers connaissent la cause adverse, mais trouve les moyens appropriés de la refuser aux autres, accordant ainsi à l'élite une plus grande liberté d'esprit qu'à la masse. A l'opposé, les protestant (en théorie) soutiennent que la responsabilité de choisir sa religion incombe à chacun et qu'on ne peut pas s'en décharger sur ses maîtres. Dans l'état actuel du monde, il est pratiquement impossible que les ouvrages lus par les gens instruits restent hors de portée des incultes. Si l'absence de discussion ne faisait que laisser les hommes dans l'ignorance des principes des opinions vraies, on pourrait croire que c'est juste un préjudice intellectuel et pas un préjudice moral. Mais l'absence de discussion fait oublier non seulement les principes, mais aussi le sens même de l'opinion : Au lieu d'une conception forte, il ne reste plus que quelques phrases apprises par coeur : l'essence la plus subtile est perdue. Les doctrines morales/croyances religieuses sont pleines de sens/vitalité pour leurs initiateurs et leur 1ers disciples. Leur sens reste aussi fort tant qu'on lutte pour donner à la doctrine/croyance un ascendant sur toutes les autres : − Soit elle s'impose et devient l'opinion générale − Soit son progrès s'arrête et elle cesse de s'étendre Quand un des ces résultats devient manifeste, la controverse sur le sujet faiblit et s'éteint peu à peu. Au lieu de se tenir comme au début (toujours sur le qui-vive, pour se défendre contre le monde ou

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pour le conquérir), les détenteurs de la doctrine tombent dans l'inertie, n'écoutent plus arguments opposés aux leurs et arrêtent d'ennuyer leurs adversaires avec leurs arguments. C'est à ce moment là qu'on date usuellement le déclin de la vitalité d'une doctrine. Une fois la croyance devenue héréditaire (c'est-à-dire admise passivement et plus activement), on tend à tout oublier de cette croyance pour ne plus retenir que les formules. Alors apparaissent ces cas où la croyance semble demeurer hors de l'esprit. Les doctrines susceptibles en elles-mêmes de produire la plus profonde impression sur l'esprit peuvent donc y résider à l'état de croyances mortes. Exemple : Le christiannisme Tout ceux qui se prétendent chrétiens tiennent les maximes contenues dans le Nouveau Testament pour sacrées et les acceptent comme lois. Pourtant, moins d'1 chrétien sur 1000 guide sa conduite individuelle d'après ces lois. Le modèle auquel on se réfère est la coutume de son pays/classe/secte religieuse. Le chrétien croit donc qu'il existe : − d'un côté : une collection de maximes éthiques que la sagesse infaillible à ses yeux lui a

transmise comme règle de conduite. − De l'autre : un ensemble de jugement/pratiques habituels qui s'accordent assez bien avec

certaines de ces maximes, moins bien avec d'autres ou qui s'opposent carrément à certaines. Ces 2 aspects constituent un compromis entre la foi chrétienne et les intérêts de la vie matérielle. Ils ne mentent pas en disant croire à ces choses, mais ils y croient comme les gens croient ce qu'ils ont toujours entendu louer, mais jamais discuter. Il faudrait leur rappeler que ces maximes exigent un tas de choses qu'ils n'ont jamais l'intention de faire, mais si quelqu'un le faisait, il serait simplement classé parmi ces personnes impopulaires qui affectent d'être meilleures que les autres. Par habitude, ils en respectent les formules, mais les mots sont dépourvus de sens et ne suscite aucun sentiment qui force l'esprit à les assimilier et à les rendre conformes à la formule. C'était sûrement différent chez les 1ers chrétiens, sinon jamais le christiannisme ne serait passé de l'état de secte obscure d'Hébreux méprisés, à la religion officielle de l'Empire romain. Les paroles du Christ coexistent passivement dans leurs esprits, ne produisant que l'audition machinale de paroles si douces. Beaucoup de raisons pourraient expliquer pourquoi les doctrines servant d'attribut distinctif à une secte conservent mieux leur vitalité que les doctrines commnes à toutes les sectes reconnues. Par exemple parce que ceux qui les enseignent prennent plus de soin à maintenir vivante leur signification, mais surtout parce que ces doctrines sont plus remises en question et doivent plus souvent se défendre contre des adversaires déclarés. Toutes les littératures abondent en observations générales sur la vie et sur façon de se comporter, observations que chacun connaît et écoute docilement, que chacun reçoit docilement comme des truismes et dont pourtant on n'apprend le vrai sens que quand l'expérience les transforme en réalité : Il y a beaucoup de vérités dont on ne peut pas comprendre tout le sens tant qu'on ne les a pas vécues personnellement. Mais on aurait mieux compris la signification de ces vérités si on avait entendu des gens discuter le pour et le contre. La tendance fatale de l'espèce humaine à laisser de côté une chose dès qu'il n'y a plus de raisons d'en douter est la cause de 50% de ses erreurs. Plus l'humanité progressera, plus le nombres des doctrines qui ne sont plus l'objet de discussion ira croissant. L'abandon progressif des différents points d'une controverse sérieuse est un des aléas nécessaire de la consolidation de l'opinion. Cette consolidation est salutaire dans le cas d'une opinion juste, mais nuisible et dangereuse quand l'opinion est fausse. Les maîtres de l'humanité devraient chercher un moyen de mettre les difficultés de la question en évidence dans l'esprit de l'élève, comme un fougueux adversaire qui s'acharne à la convertir. Mais au lieu de chercher ce moyen, ils perdent ceux qu'ils avaient autrefois.

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Exemple : la dialectique socratique C'était essentiellement une discussion négative des grandes questions de la philosophie et de la vie visant à convaincre quiconque s'était contenté d'adopter les lieux communs de l'opinion reçue, qu'il ne comprenait pas le sujet. En prenant conscience de son ignorance, la personne était en mesure de se constituer une croyance stable, reposant sur une perception claire des sens et de l'évidence des doctrines. Exemple : Les disputes scolastiques Au Moyen-Âge, les disputes scolastiques servaient à vérifier que l'élève comprenait sa propre opinion et l'opinion opposée, et qu'il pouvait aussi bien défendre les principes de l'une que réfuter ceux de l'autre. Ces joutes avaient pourtant un gros défaut : Elles tiraient leurs prémisses non pas de la raison mais de l'autorité. Les modes d'éducation actuels n'ont rien pour prétendre remplacer ces 2 exemples. Aujourd'hui, on déprécie la logique négative, en disant qu'elle révèle les faiblesses théoriques et les erreurs pratiques sans établir de vérités positives. En fait, comme c'est un moyen d'acquérir une connaissance digne de ce nom, cette technique a beaucoup de valeur. Tant que les hommes n'y seront pas à nouveau systématiquement entraînés, il y aura peut de grands penseur, et le niveau moyen d'intelligence restera bas. Si des personnes veulent contester une opinion reçue (si la loi/opinion publique le permet) il faut les remercier et ouvrir nos esprits à leurs paroles. 1 des principales causes qui rendent la diversité d'opinions avantageuse : Il arrive souvent que les doctrines en conflit, au lieu d'être vraie pour l'une et fausse pour l'autre, se départagent la vérité. L'opinion non conforme est donc nécessaire pour fournir le reste de la vérité dont la doctrine reçue n'incarne qu'une partie. − Les opinions populaires sont souvent vraies, mais elles ne sont que rarement toute la vérité, elles

n'en sont qu'une partie. − Les opinions hérétique sont en général des vérités exclues/négligées qui cherchent :

* Soit à se réconcilier avec la vérité que contient l'opinion commune * Soit à affronter cette dernière comme ennemie et à s'affirmer comme l'entière vérité.

En général, une partie de la vérité sombre et l'autre monte à la surface. Le progrès, c'est surtout un nouveau fragment de vérité plus nécessaire, plus adapté au besoin du moment que celui qu'il supplante. La partialité des opinions dominantes est telle que même quand elle se fonde sur la vérité, toute opinion qui renferme une once de la portion de vérité oubliée par l'opinion commune, devrait être considérée comme précieuse (malgér sa somme d'erreur et de confusion). Ex : Rousseau Au 18ème siècle, les paradoxes de Rousseau produisirent un choc salutaire quand il explosèrent au milieu de cette société de gens instruits et d'incultes sous leur coupe. Rousseau rendit le service de disloquer la masse de l'opinion partiale et de forcer ses éléments à se reconstituer sous une meilleure forme et avec des ingrédients supplémentaires. Il y avait dans la doctrine de Rousseau beaucoup de ces vérités qui manquaient à l'opinion populaire. En politique, un parti d'ordre/stabilité et un parti de progrès/réforme sont les 2 éléments nécessaires d'une vie politique florissante, jusqu'à que l'un élargisse tellement son horizon intellectuel qu'il devienne à la fois un parti de l'ordre et de progrès (jugeant ce qu'il faut conserver/éliminer). Si on ne peut pas, avec une égale liberté, soutenir et défendre avec énergie toutes les grandes questions de la vie pratique, il n'y a aucune raison que les 2 éléments obtiennent leur dû : Il est inévitble que l'un des plateaux ne monte au détriment de l'autre. Dans les grandes questions pratiques de la vie, la vérité est affaire de conciliation et de combinaisons des extrêmes : très peu d'esprits sont assez vastes et impartiaux pour réaliser cet accomodement.

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Si une opinion a d'avantage de droit que l'autre à être tolérée et soutenue, c'est celle qui, à un certain moment et dans un lieu donné, se trouve minoritaire. Mill dit être conscient qu'en Angleterre, il n'y a aucune intolérance en matière de différences d'opinions sur la plupart des sujets. --> Universalité du fait que dans l'état actuel de l'esprit humain, seule la diversité donne une chance à toutes les facette de la vérité. Objection : Certains des principes généralement admis sont plus que des demi-vérités. Par exemple, la morale chrétienne contient toute la vérité sur ce sujet et si quelqu'un enseigne une morale différente, il est dans l'erreur. Réponse de Mill : Si morale chrétienne signifie la morale du Nouveau Testament, c'est étonnant que quelqu'un qui tire son savoir du livre lui-même puisse supposer que cette morale ait été présentée comme une doctrine morale complète : − L'Evangile se réfère toujours à une morale préexistante (Grecs et Romains) et limite ses

préceptes aux points particuliers sur lesquels cette morale devrait être corrigée. − Elle s'exprime toujours en termes généraux. − Ces textes possèdent plus l'onction de la poésie que la précision de la législation. Ce qu'on appelle la morale chrétienne n'est pas l'oeuvre du Christ ou des apôtres, elle est d'une origine plus tardive : Elle a été élaborée graduellement par l'Eglise chrétienne des 5 premiers siècles. De plus, sur beaucoup de points, elle est incomplète et partiale. Cependant, si des idées qu'elle ne sanctionne pas n'avaient pas contribué à la formation du mode de vie et du caractère européens, les affaires humaines seraient actuellement pires qu'elles ne le sont. La morale chrétiene est en grande partie une protestation contre le paganisme : son idéal est plus négatif que positif, plus passif qu'actif. C'est l'abstinance du mal plus que la quête énergique du bien. Le « tu ne dois pas » prédomine sur le « tu dois ». La morale chrétienne tient l'espoir du ciel et la crainte de l'enfer pour les motifs convenus et appropriés d'une vie vertueuse. Elle fait tout ce qu'elle peut pour imprimer sur la morale humaine un caractère égoïste, déconnectant le sens du devoir présent en chaque homme des intérêts de ses semblables. C'est essentiellement une doctrine d'obéissance passive : elle inculque la soumission à toutes les autorités établies. Le devoir du citoyen est à peine mentionné dans la morale chrétienne. Le peu de reconnaissance que reçoit l'idée d'obligation envers le public dans la morale moderne ne nous vient même pas des chrétiens, mais des Grecs et des Romains. Mill ne prétend pas que ces défauts sont inhérents à la morale chrétienne, ou que tout ce qui lui manque pour devenir une doctrine morale complète ne peut pas se concilier avec elle. Pour lui, les paroles du Christ sont devenues tout ce qu'elles ont voulu être, mais elles ne sont inconciliables avec rien de ce qu'exige une morale complète et on peut y faire entrer tout ce qu'il y a d'excellent en morale. Mill explique que cette opinion n'entre pas en contradiction avec le fait de croire que les paroles du Christ ne contiennent et ne voulaient contenir qu'une partie de la vérité. Selon lui, dans ses instructions, le fondateur du christiannisme a volontairement négligé beaucoup d'éléments essentiels de haute morale, et l'Eglise chrétienne a complètement rejetés dans le système moral qu'elle a érigé sur la base de cet enseignement. C'est donc une erreur de vouloir à tout prix trouver dans la doctrine chrétienne cette règle complète de conduite que son auteur n'entendait pas détailler toute entière. Mill affirme que la doctrine chrétienne est en train de causer beaucoup de tort dans la pratique, en diminuant la valeur de l'éducation et de l'instruction morales. En essayant de former les esprits et les sentiments sur un modèle exclusivement religieux (en évacuant ces normes séculières qui coexistaient jusque là avec la morale chrétienne et la complétaient) il en résulte un type de caractère

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bas, servile, qui se soumet à ce qu'il prend pour la Volonté suprême mais qui ne peut pas s'élever à la conception de la Bonté suprême. Il faut donc que des morales qui ne sont pas uniquement issue de sources chrétiennes coexistent parallélement à la morale chrétienne pour produire la régénération morale de l'humanité. En effet, dans un état imparfait de l'esprit humain, les intérêts de la vérité exigent la diversité d'opinions. Il faut s'élever contre la prétention d'une partie de la vérité d'être la vérité tout entière : Si un mouvement de réaction devait rendre ces rebelles injustes à leur tour, cette partialité serait déplorable au même titre que l'autre, mais devrait quand même être tolérée. Si les chrétiens voulaient apprendre aux infidèles à être justes envers le christiannisme, il leur faudrait être justes envers leurs propres croyances. En effet, c'est mal servir la vérité que de passer sous silence qu'une grande part des enseignements moraux les plus nobles sont l'oeuvre d'hommes qui : − ne connaissaient pas la foi chrétienne − la rejetaient en toute connaissance de cause Mill ne prétend pas qu'énoncer toutes les opinions possibles mettrait fin au sectarisme religieux et philosophique. Il reconnaît que la plus libre discussion ne peut pas empêcher le sectarisme en matière d'opinions et que souvent, c'est elle qui l'accroît : En effet, on repousse la vérité avec encore plus de violence quand on ne l'avait pas aperçue jusque là et qu'elle est proclamée par des adversaires. En fait, ce n'est pas sur le partisan passionné, mais sur le spectateur désinteressé que cette confrontation d'opinions produit un effet salutaire. Il y a toujours un espoir tant que les hommes sont contraints d'écouter les 2 côtés. La vérité ne peut éclater au grand jour que si chacune de ses facettes (incarnant une partie de la vérité) trouve des avocats et les moyens de se faire entendre. Résumé : En quoi la liberté de pensée et d'expression est-elle nécessaire pour le bien-être intellectuel de l'humanité ? Nous avons passé en revue 4 raisons :

1) Une opinion qu'on réduit au silence peut très bien être vraie : le nier c'est affirmer qu'on est infaillible.

2) Même si l'opinion réduite au silence est fausse, elle peut contenir une part de vérité. Ce n'est qu'en confrontant des opinions adverses qu'on a une chance de découvrir le reste de la vérité.

3) Si l'opinion reçue est vraie, et qu'en plus elle est toute la vérité, on la professera comme une sorte de préjugé, sans comprendre ses principes rationnels, sauf si elle peut ête discutée loyalement.

4) Le sens de la doctrine sera en danger d'être perdu/affaibli/privé de son effet vital sur le caractère et la conduite : le dogme deviendra une simple profession formelle, encombrant le terrain et empêchant la naissance de toute conviction authentiques fondées sur la raison ou l'expérience.

Certains disent qu'on peut permettre d'exprimer librement une opinion, pourvu qu'on le fasse avec mesure et qu'on en dépasse pas les bornes de la discussion loyale. Mais en fait, il est impossible de fixer avec certitudes ces fameuses bornes, si le critère est le degré d'offense éprouvé. Les gens pourraient accuser de manquer de modération tout adversaire qui les mettrait dans l'embarras. Il est vrai que la manière de défendre une opinion peut nécessiter une censure sévère et légitime. Mais la plupart des offenses de ce style sont le plus souvent impossibles à prouver. La plus grave de ces offenses est le sophisme : La suppression de certains faits/arguments, la déformation des éléments du cas en question ou la dénaturation de l'opinion adverse. Mais cela se fait tout le temps, en toute bonne foi, par des personnes. Concernant le manque de retenue dans une discussion (sarcasmes, attaques personnelles, etc...), il serait logique de le dénoncer des 2 côtés : Mais l'emploi de telles armes est restreint au profit de

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l'opinion dominante. Le tort que peuvent causer ces procédés ne sont jamais plus grands que quand on les emploie contre les plus faibles. La pire offense du genre qu'on puisse commettre dans une polémique est de stigmatiser comme des gens dangereux/immoraux ses adversaires. Ceux qui professent des opinions impopulaires sont très exposés à de telles calomnies, car ils sont généralement en petit nombre et sans influence. Paradoxalement, cette arme est refusée à ceux qui attaquent l'opinion dominante, ils courraient un danger personnel en s'en servant et ne feraient qu'exposer leur propre cause. Les opinions contraires à celles qui dominent ne se font entendre qu'en modérant leur langage et en prenant soin à éviter toute offense inutile. Dans l'intérêt de la jutsice et de la vérité, il est plus important de freiner l'usage du langage injurieux dans le cas de l'opinion dominante que dans celui d'une opinion minoritaire : Il est plus important de décourager les attaques injurieuses contre l'incroyances que contre la religion. L'honneur revient à un homme, quelle que soit son opinion, s'il est assez calme et honnête pour voir ce que sont ses adversaires et leurs opinions. Voilà la vraie moralité de la discussion publique. Si cette dernière est souvent violée, il y a quand même de nombreux polémistes qui en étudient précisément les raisons, et encore plus qui s'efforcent de la respecter. Chapitre 3 : De l'individualité comme l'un des éléments du bien-être Est-ce que ce ne sont pas les mêmes raisons qui exigent que les hommes soient libres d'agir selon leurs opinions (libres de les appliquer à leur vie sans que leurs semblables les en empêchent physiquement/moralement) tant que leur liberté ne s'exerce qu'à leurs seuls risques et périls ? Cette dernière condition est essentielle. Même les opinions perdent leur immunité quand, dans certaines circonstances, leur expression devient une instigation manifeste à quelque méfait. Les actes de toute nature qui sans cause justifiable nuisent à autrui peuvent être contrôlés par la réprobation et si nécessaire par une intervention active des gens. La liberté de l'individu ne doit pas nuire aux autres. S'il se contente de suivre son inclination dans ce qui ne concerne que lui, il devrait pouvoir mettre son opinion en pratique à ses propres dépends, pour les mêmes raisons qui montrent que l'opinion doit être libre. Comme pour les opinions, tant que l'humanité est imparfaite, il est utile qu'il y ait différentes façons de vivre. Bref, il faut que l'individualité puisse s'affirmer dans tout ce qui ne touche pas directement les autres. L'individualité est l'ingrédient le plus essentiel du progrès individuel/social. Si on considérait le libre développement de l'individualité comme un des principes fondamentaux du bien-être, si on ne le voyait pas comme un accessoire coordonné à tout ce qui concerne la culture, l'éducation, la civilisation, mais comme un élément nécessaire de toutes ces choses, il n'y aurait pas de danger que la liberté soit sous-estimée, et pas de difficulté à tracer la frontière entre elle et le contrôle social. La majorité satisfaite des coutumes habituelles de l'humanité ne voit pas pourquoi les coutumes ne satisferaient pas tout le monde. La spontanéité n'entre pas dans l'idéal de la plupart des réformateurs moraux et sociaux : On la considère comme un obstacle gênant à l'acceptation générale de ce qu'ils jugent être le mieux pour l'humanité. Personne n'estime que la perfection en matière de conduite humaine consiste à se copier les uns les autres. Personne n'estime que le jugement/caractère particulier d'un homme ne doit compter en rien dans sa manière de vivre. Mais il serait absurde de prétendre que les hommes doivent vivre comme si jamais encore l'expérience n'avait montré que certaines façons de vivre étaient préférables à d'autres. Le privilège

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d'un être humain dans la maturité de ses facultés est de se servir de l'expérience et de l'interpréter à sa façon : C'est à lui de découvrir ce qui, dans l'expérience transmise, est applicable à sa situation. Mais il se peut : − Que l'expérience des autres soit trop étroite, ou que l'individu l'ait mal interprétée. − Que l'interprétation soit juste sans convenir à un individu particulier. − Même si les coutumes sont bonnes en soi et adaptées à l'individu, il se peut que se conformer à

la coutume ne développe en l'individu aucune des qualités qui sont l'attribut distinctif d'un être humain.

Celui qui n'agit qu'en fonction de la coutume ne fait pas de choix, il n'apprend pas à discerner ce qui vaut mieux. La forme intellectuelle et la force morale, à l'image de la force physique, ne s'améliorent qu'avec l'exercice. Si une personne adopte une opinion sans être vraiment convaicue par ses principes, sa raison n'en sortira pas renforcée, mais affaiblie. Si cette personne agit selon des motifs qui ne sont pas conformes à ses opinions et à son caractère, ceux-ci tomberont dans l'inertie au lieu d'être stimulés. En revanche, celui qui choisit lui-même sa façon de vivre utilise toutes ses facultés : − l'observation pour voir − le raisonnement/jugement pour prévoir − l'activité pour recueillir les matériaux en vue d'une décision − le discernement pour décider − quand il a décidé, la fermeté/maîtrise de soi pour s'en tenir à cette décision Ce qui importe vraiment, ce n'est pas seulement ce que font les hommes, mais le genre d'homme qu'ils sont en le faisant. La nature humaine n'est pas une machine qui se construit d'après un modèle et qui se programme pour faire exactement le travail qu'on lui donne. C'est un arbre qui doit croître et se développer de tous les côtés, selon la tendance des forces intérieures qui en font un être vivant. Il est admis que notre intelligence doit nous appartenir, jusqu'à un certain point. Mais on ne l'admet pas pour nos désirs et impulsions. Et pourtant désirs et impulsions font partie de la perfection de l'être humain. De fortes impulsions ne sont dangereuse que quand elles sont mal équilibrées : quand un ensemble de buts/inclinations s'est beaucoup développé au détriment d'autres avec qui il aurait dû coexister. Fortes impulsions = énergie. L'énergie a beau pouvoir être employée à de mauvaises fins, on tire toujours plus d'avantages d'une nature énergique que d'une nature apathique. Être sensible à ses impulsions peut tout aussi bien engendrer l'amour le plus passionné de la vertu que la maîtrise de soi la plus sévère. C'est en cultivant ces 2 tendances que la société fait son devoir et protège ses intérêts. Celui qui n'a pas de désirs/impulsions personnels n'a pas plus de caractère qu'une machine à vapeur. Penser qu'il ne faut pas encourager le développement de l'individualité en matière de désirs/impulsions, c'est dire que la société n'a pas besoin de natures fortes. Dans les sociétés naissantes, ces énergies étaient sans doute trop développées, et la société n'avait pas le pouvoir de les contrôler. Il fallait alors amener les hommes puissant de corps/esprit à obéir à des règles qui visaient à contrôler leur impulsions. Pour vaincre cette difficulté, la loi et la discipline proclamèrent leur pouvoir sur l'homme en entier, revendiquant le droit de contrôler également son caractère. Aujourd'hui, alors que la société a largement raison de l'individu, le danger qui guette la nature humaine n'est plus l'excès, mais la déficience des impulsions/inclinations. A notre époque, de la classe la plus haute à la plus basse, tout le monde vit sous le regard d'une censure hostile et redoutée. L'esprit lui-même plie sous le joug, et même dans le domaine dans le domaine du plaisir/loisirs, la 1ère pensée des individus va à la conformité : Ils aiment en masse, ils évitent toute singularité du goût, tout excentricité de conduite. Leurs capacités humaines sont inertes : Ils n'ont en général ni opinions, ni sentiment qui soient vraiment les leurs.

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La théorie calviniste Le plus grand pêché de l'homme, c'est d'avoir une volonté propre. Tout le bien dont l'humanité est capable tient dans l'obéissance. La nature humaine étant corrompue, il n'y a de rachant que pour ceux qui ont tué en eux la nature humaine.

Même des personnes qui ne se prétendent pas calviniste professe cette théorie sous une autre forme. L'adoucissement de cette théorie, c'est donner une interprétation moins ascétique de la volonté supposée de Dieu, en affirmant qu'il veut que les hommes satisfassent certaines de leurs inclinations, mais pas à leur manière, par l'obéissance. On tend maintenant vers cette théorie étroite de la vie. Si ça fait partie de la religion de croire que l'homme a été créé par un Être bon, il est plus logique de croire que cet Être a donné à l'homme ses facultés pour qu'il les développe, et non pour qu'elles soient réduites à néant. Ex : Il existe un modèle d'excellence humaine très différents du calvinisme, à savoir que l'humanité n'a pas reçu sa nature juste pour en faire l'abnégation. Comme l'oeuvre qui prend le caractère de son auteur, la vie humaine devient riche, apte à nourrir plus abondamment les nobles pensées. A mesure que se développe son indvidualité, chacun acquiert plus de valeur à ses propres yeux. L'individu atteint une plus grande plénitude dans son existence : Quand il y a plus vie dans les unités, il y'en a également plus dans la masse qu'elles composent. Les moyens de développement que l'individu perd par l'interdiction de satisfaire des penchants nuisibles aux autres s'obtiennent surtout au détriment d'autrui. Être ainsi contraint par le seul déplaisir des autres à ne pas commettre d'actions susceptibles de leur nuire ne développe rien de bon, à part une force de caractère qui peut se manifester par la résistance à la contrainte. Pour donner une chance équitable à la nature de chacun, il faut que différentes personnes puissent avoir différent genres de vie. Tout ce qui opprime l'individualité est un despotisme. Seul l'entretien de l'individualité peut produire des êtres humaines bien développés. Ces êtres humains développés peuvent être utiles aux non-développés : − Il est possible qu'ils apprennent quelque chose des hommes qui goûtent cette liberté (vérités

nouvelles) − Ces hommes développés peuvent leur apprendre de nouvelles pratiques et donner l'exemple

d'une conduite éclairée. Mais rare sont ceux dont les expériences seraient un progrès pour ceux qui les adopteraient. Ces rares personne sont le sel de la terre, ce sont elles qui introduisent les bonnes choses jusque là inconnues, ce sont elles qui gardent en vie les bonnes choses qui existent déja. Il y a dans les croyances/pratiques les meilleures, une trop grande tendance à dégénérer en action mécanique. Les hommes de génies seront toujours une minorité : Pour qu'il y en ait, il faut entretenir le terreau dans lequel ils croissent. Le génie ne peut respirer librement que dans une athmosphère de liberté. Si en revanche les hommes de génies sont doués d'une grande force de caractère et brisent leurs chaînes, il deviennent une cible pour la société qui les montre du doigt parce qu'elle n'a pas réussi à les réduire au lieu commun. Bien que le génie soit pour les hommes un objet d'admiration, ils pensent au fond d'eux qu'on peut s'en passer : Les esprits peu originaux ne ressentent pas le besoin de l'originalité. En fait, malgré les hommages que les hommes rendents à la supériorité d'esprit, la tendance générale dans le monde est d'accorder la place dominante à la médiocrité. Les individus sont perdus dans la foule. Le seul pouvoir digne de ce nom est celui des masses et celui des gouvernants, car il se font les organes des tendances des masses. Ceux dont les opinions passent pour l'opinion publique diffèrent selon les pays, mais toujours ils forment une masse de médiocrité collective. L'initiation aux choses sages/nobles doit venir des individus, et d'abord d'un individu isolé. Tout ce

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à quoi un génie peut prétendre, c'est la liberté de montrer la voie. Le pouvoir de forcer les autres à l'emprunter est contraire à la liberté et au développement du reste de la population, mais il est aussi corrupteur pour l'homme de génie lui-même. Aujourd'hui, l'exemple de non-conformité est un vrai service, car la tyrannie de l'opinion est telle qu'elle fait de l'excentricité une honte. En réalité, l'excentricité va toujours de pair avec la force de caractère, et le niveau d'excentricité d'une société se mesure en général à son niveau de vigueur intellectuelle et de courage moral. Les génies ne sont pas les seuls à pouvoir faire ce qu'ils veulent. Il n'y a aucune raison pour que tout l'existence humaine doive se construire sur un modèle unique. Il faut avoir une dose suffisante de sens commun et d'expérience pour tracer le plan de sa vie le meilleur (le meilleur parce qu'il est personnel). Les êtres humains ne sont pas des moutons. C'est par exemple parce que les hommes ont des goûts différents qu'il ne faut pas tenter de les fabriquer tous sur le même modèle. Il y a autant d'individus que d'itinéraires intellectuels : Le même mode de vie est pour l'un une stimulation salutaire qui entretient mieux ses facultés d'action, tandis que pour l'autre il est un fardeau gênant qui détruit la vie intérieure. Personne ne nie la diversité des goûts. Et pourtant les hommes peuvent être accusés de faire ce que personne ne fait ou de ne pas faire ce que tout le monde fait, et peuvent être pour cela aussi dénigré que s'ils avaient commis un délit moral grave. En moyenne, les hommes ne sont pas que modérés dans leur intelligence, mais aussi dans leurs inclinations : Ils n'ont pas de goûts/désirs assez vifs qui les incitent à faire quelque chose d'extraordinaire. De nos jours, un mouvement en faveur du progrès moral s'est amorcé. Ces tendances rendent le public plus disposé qu'avant à prescrire des règles de conduite générales et à s'efforcer de ramener tout le monde à la norme reçue. Cette norme (expresse/tacite) est de ne rien désirer vivement. Au lieu de grandes énergies guidées par une raison vigoureuse et de forts sentiments, elle produit de faibles sentiments et énergies, qui peuvent se conformer à la règle sans grands efforts de la part de la volonté/raison. Aujourd'hui, en Angleterre, cette énergie ne s'exprime plus que dans les affaires. La grandeur de l'Angleterre est toute collective : petits individuellement, nous ne semblons capables de quelque chose de grand que en nous associant. Pourtant, ce sont des hommes d'une autre trempe qui ont fait de l'Angleterre ce qu'elle est, et des hommes d'une autre trempe seront nécessaires pour empêcher son déclin. Le despotisme de la coutume est partout l'obstacle qui défie le progrès humain. L'esprit de progrès n'est pas toujours un esprit de liberté, car il peut vouloir imposer le progrès à un peuple réticent. D'ailleurs, l'esprit de liberté, quand il fait face à de telles résistances, peut s'allier temporairement aux adversaires du progrès. Mais la seule source intarrisable d'amélioration du progrès est la liberté, car grâce à elle, il peut y avoir autant de foyers de progrès que d'individus. La plupart des pays n'ont pas d'histoire, parce que le despotisme de la coutume y est total : exemple : l'Orient : En Orient, la coutume est souveraine, arbitre de toutes choses. Ces nations avaient sûrement autrefois de l'originalité. Maintenant elles sont asservies à des tribus, dont leurs ancêtre erraient dans la forêt tandis que les leurs avaient de beaux palais. Il semble que le peuple peut progresser pendant un certain temps, puis s'arrêter (il s'arrête quand il perd l'individualité). C'est un despotisme qui interdit la singularité, mais qui n'exclut pas le changement : Nous sommes tous progressistes comme nous sommes tous versatiles. Ce n'est pas au progrès que nous nous opposons, mais à l'individualité. Exemple : la Chine : C'est une nation ingénieuse, douée de beaucoup de sagesse. Ses coutumes sont remarquables par

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l'excellence de leur méthode pour imprimer au maximum leurs meilleurs préceptes dans tous les esprits. Ceux qui avaient créé cette méthode avaient découvert le secret du progrès humain. Et pourtant, les chinois se sont immobilisés. S'ils s'améliorent un jour, ce sera grâce à des étrangers. Ils ont réussi à uniformiser un peuple en faisant adopter par tous les mêmes maximes/règles pour les mêmes pensées/conduites. Si l'individualité n'est pas capable de s'affirmer contre ce joug, l'Europe tendra vers une autre Chine. Mais pourquoi la famille des nations européennes continue-t-elle de progresser ? --> Grâce à leur remarquable diversité de caractère et de culture : C'est à cette pluralité que l'Europe doit son développement varié. Malheureusement, elle commence déja à perdre cet avantage : Elle avance vers l'idéal chinois de l'uniformisation des personnes. Par le passé, différents rangs sociaux/voisinnages/métiers vivaient dans des mondes différents. Maintenant, ils vivent dans le même monde. L'assimilation continue : Tous les changements politiques la favorisent en tendant vers l'élévation des classes inférieures et l'abaissement des classes supérieurs : − L'éducation réunit les hommes sous des influences communes. − Le progrès des moyens de communication mettent en contact personnel les habitants de régions

éloignées. − Le développement du commerce et des manufactures diffuse plus largement les avantages du

confort : Le désir de s'élever n'appartient plus seulement à une classe, mais à toutes. − L'établissement complet de l'ascendant de l'opinion publique dans l'Etat est le moyen

d'uniformisation le plus efficace.

La réunion de toutes ces causes forme une si grande masse d'influences hostiles à l'Individualité, qu'on ne voit pas comment elle va conserver son terrain. Le temps est venu de revendiquer les droits de l'individualité, car l'uniformisation n'est pas terminée. Si on attent pour y résister que la vie soit presque réduite à un type uniforme, tout ce qui s'écartera de ce type sera jugé comme immoral, voire contre-nature/monstrueux. Chapitre 4 : Des limites de l'autorité de la société sur l'individu La partie de la vie qui concerne d'abord l'individu devrait appartenir à l'individualité. Celle qui concerne d'abord la société doit appartenir à la société. Même si la société n'est pas fondée sur un contrat, tous ceux qui reçoivent protection de la société lui sont redevables de ce bienfait. Le fait même de vivre en société impose à chacun une certaine ligne de conduite, qui consiste : − A ne pas nuire à certains des intérêts d'autrui, qui doivent être considérés comme des droits. − A assumer sa propre part de travail et sacrifices nécessaires pour défendre la société contre les

préjudices. Les actes d'un individu peuvent nuire aux autres/ne pas tenir compte de leur bien-être, sans violer aucun de leurs droits constitués. Dès que la conduite d'une personne devient préjudiciable aux intérêts des autres, la société a le droit de la juger. Si la conduite d'une personne n'affecte que ses propres intérêts, ou ceux de ceux qui le veulent bien, elle devrait avoir la liberté d'entreprendre n'importe quelle action et d'en subir les conséquences. Sans sous-estimer les vertus privées, elles viennent après les vertus sociales. C'est le rôle de l'éducation de les cultiver toutes les 2. Les hommes doivent s'aider les uns les autres à distinguer le meilleur du pire, et s'encourager à préférer l'un et à éviter l'autre. Mais personne n'a le droit de dire à un homme d'âge mûr que dans son intérêt, il ne doit pas faire de sa vie ce qu'il a décidé. L'intervention de la société pour diriger le jugement/les desseins d'un homme, dans ce qui ne

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regarde que lui, se fonde toujours sur des présomptions générales, qui peuvent être fausses. Même si elles étaient justes, elle risqueraient d'être mal appliquées par des personnes ne s'attachant pas aux circonstances particulières. C'est pour cette raison que cette partie des affaires humaines est le champ d'action privilégié de l'individualité. L'individu peut se tromper malgré des conseils/avertissement, mais c'est mieux que de laisser les autres le contraindre à faire ce qu'ils estiment être le mieux. Mill ne veut pas dire que les sentiments pour quelqu'un ne doivent pas être affectés par ses qualités/défauts individuels. Il vaudrait mieux en fait que la politesse permette qu'une personne puisse dire franchement à son voisin qu'il était en faute sans passer pour grossière. Les individus ont aussi le droit d'agir de différentes manières, selon l'opinion défavorable de quelqu'un d'autre, et cela sans perdre leur individualité. Quelqu'un peut donc recevoir de grandes punitions de la part des autres pour des fautes qui ne concernent que lui, mais il ne subit ses sanctions que dans la emsure où elles sont les conséquences naturelle de ses défauts eux-même. --> Les inconvénients strictement liés au jugement défavorable d'autrui sont les seuls qu'une personne devrait subir pour les aspects de sa conduite et de son caractère qui ne concernent que son propre bien. En revanche, les actes nuisibles (et surtout les dispositions immorales qui y conduisent) aux autres demandent un traitement différent : Empiéter sur les droits d'autrui c'est encourir à juste titre la réprobation morale et les santions morales. La disposition aux vices moraux (ex : cruauté, méchanceté, envie, etc...) témoigne d'une moralité défaillante et odieuse, contrairement au défauts personnels (paragraphe ci-dessus) qui ne sont pas de l'immoralité/méchanceté. Ces vices ne deviennent des sujets de réprobation morale que lorsqu'ils entrainent le mépris des devoirs envers les autres. A l'inverse, les devoirs envers soi-même (respect de soi, développement personnel) ne sont pas une obligation sociale. Nous avons le droit de nous tenir à distance d'une personne/chose qui nous déplaît, mais nous ne devons pas lui rendre la vie difficile pour autant. Si cette personne gâche sa vie, il ne faut pas désirer la gâcher plus encore. Il faut au contraire essayer d'alléger la punition en lui montrant comment éviter/guérir les maux auxquels sa conduite l'expose. Le pire qu'on puisse faire : Abandonner cette personne à elle-même en refusant de lui montrer de l'intérêt. C'est complétement différent quand cette personne enfreint les règles de protection de ses semblables. Dans ce cas, les conséquences de ses actes ne retombent pas sur elle, mais sur d'autres : la société (en tant que protectrice de ses membres) doit user de représailles contre la personne. Beaucoup ne veulent pas admettre la distinction entre la partie de la vie qui ne concerne que l'individu et celle qui concerne les autres. Il disent : − Il est vrai que si un homme se nuit durablement, le dommage se répercute au moins sur ses

proches, voire un cercle plus large. − Si une personne ne nuit pas directement aux autres par ses vices, elle est un mauvais exemple et

il faudrait l'obliger à se contrôler par égard pour ceux que la connaissance de sa conduite pourrait corrompre.

Ils disent simplement souhaiter éviter que les générations ne se précipitent les unes après les autres dans ces mêmes abîmes qui ont été fatals à leurs prédecesseurs. Réponse de Mill : Il est vrai que le tort qu'une personne se fait peut affecter les sentiments/intérêts de ses proches, et à un moindre degré, la société entière. Une personne qui n'accorde pas la considération due aux intérêts/sentiment des autres, sans y être contraint par un devoir plus impérieux, mérite la réprobation morale pour ce manquement, mais pas pour la cause de ce dernier, ni pour les erreurs privée dont cette faute peut être la conséquence

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éloignée. --> Partout où il y a dommage défini, pour un individu/la société, le cas sort du domaine de la liberté pour tomber sous le coup de la morale/loi. La société a eu tout pouvoir sur les individus pendant la 1ère partie de leur vie : Elle a eu la période de l'enfance/minorité pour essayer de les rendre capables de se conduire raisonnablement. La génération présente est parfaitement capable de rendre la génération montante aussi bonne qu'elle-même. Si la société laisse beaucoup de ses membres dans un état d'enfance prolongé, c'est la société seule qui est à blâmer pour les conséquences. La société est aidée dans ce rôle par : − L'éducation − L'ascendant de l'opinion reçue sur les esprits les moins autonomes pour juger − les sanctions naturelles qui tombent de toutes façons sur ceux qui s'exposent au mépris de leur

entourage. La société n'a donc pas à réclamer en plus le pouvoir de légiférer/punir dans le domaine des intérêts personnels des invididus (dans ce domaine, la décision doit appartenir à ceux qui en subissent les conséquences). Il est vrai que le mauvais exemple peut avoir un effet négatif. Dans le cas où la conduite ne fait de tort qu'à l'agent lui-même, ce dernier, en montrant l'inconduite au grand jour, montre aussi les conséquences pénibles qui en résultent. De plus, lorsque le public intervient, il le fait souvent à tort et à travers. L'opinion de la majorité, imposée comme loi à la minorité, a autant de chances d'être fausse que vraie : L'opinion publique ne représente que l'opinion de certaines personnes sur ce qui est bon/mauvais pour d'autres. Beaucoup de gens voient comme un préjudice personnel les conduites qu'ils n'aiment pas. Mais il n'y a aucune commune mesue entre le sentiment d'un homme sur sa propre opinion et celui d'un autre qui s'offusque que les autres ne la détiennent pas. Mais le goût d'une personne est son affaire, tout comme son opinion. Lorsque le public se mêle de la conduite personnelle, il ne pense qu'à l'énormité que représente pour lui le fait d'agir différemment de lui. Mill n'écrit pas un essai sur les aberrations du sentiment moral actuel, mais des exemples sont nécessaires pour montrer que le principe qu'il défend a une grande importance pratique. Il y a beaucoup d'exemples qui montrent que la volonté d'étendre les limites de la police morale jusqu'à qu'elle empiète sur la liberté est un des penchants humains les plus universels.

Exemple 1 : L'antipathie que les gens ressentent envers les personnes d'opinions religieuses différentes, qui ne pratiquent pas leurs observances religieuses. Mais tout est relatif : La pratique chrétienne qui attise le plus la haine des musulmans est de les voir manger du porc. C'est une offense à leur religion, mais ce n'est pas ce qui explique le degré/la forme de leur répugnance. Leur aversion pour la chaire de la « bête impure » ressemble à une antipathie instinctive que l'idée d'impureté (une fois qu'elle a imprégné les sentiments) semble toujous inspirer la répulsion. On ne pourrait pas censurer cette interdiction comme une persécution religieuse, car aucune religion ne se fait un devoir de manger du porc. Le seul motif de condamnation possible serait que le public n'a pas à se mêler des goûts personnels/intérêts privés du public. Il n'y a pas d'arguments plus puissants pour interdire une « immoralité personnelle » que supprimer ces pratiques telles qu'elles apparaissent aux xeux de ceux qui les jugent impies.

Exemple 2 : Partout où les puritains sont devenus assez puissants, ils ont essayé avec beaucoup de succès de réprimer les amusements publics.

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Il y a toujours en Angleterre, beaucoup d'individus dont les notions de morale/religion condamnent ces divertissement. Comme ces invididus appartiennent surtout à la classe moyenne, il est possible que cette opinion jouisse un jour d'une majorité au parlement.

Exemple 3 : Voilà une situation qui risque plus de se réaliser : Il y a une forte tendance dans le monde à se diriger vers une constitution démocratique de la société. On dit qu'aux USA (où cette tendance s'est manifestée le plus complètement), le sentiment de la majorité agit comme une loi somptuaire plutôt efficace. L'état de chose évoqué par ces affirmations est possible, mais en plus, il est le résultat probable de l'union du sentiment démocratique et de la notion que le public a un droit de veto sur la manière dont les gens dépensent leurs revenus. Si le public a la moindre juridiction sur les affaires privées, pourquoi faudrait-il blâmer le public particulier d'un individu de prétendre à la même autorité sur sa conduite individuelle que celle que l'opinion publique impose aux gens. De grossière usurpations sont perpétrées aujourd'hui dans le domaine de la liberté privée. D'autres encore plus grandes, avec l'aide de ces opinions qui revendiquent le droit illimité du public : − D'interdire par la loi tout ce qu'il juge mauvais. − D'interdire un certain nombre de choses qu'ils jugent innocentes.

Exemple 4 : Théorie des droits sociaux : Tout individu a un droit social absolu d'exiger que tout autre individu agisse comme il le devrait. Celui qui manque à son devoir viole mon droit social et m'autorise à demander à la législation réparation de ce grief. Cette théorie n'a pas de violation de la liberté qu'elle ne puisse pas justifier (danger). Elle ne reconnaît aucun droit à une liberté quelconque (à part celle de nourrir des opinions secrètes sans jamais les révéler). Cette doctrine accorde à tous les hommes un droit acquis mutuel sur la perfection morale/intellectuelle/physique de l'autre, que chaque plaignant peut définir selon ses critères.

Exemple 5 : Empiétement illégitime sur la liberté légitime de l'individu : La législation du Sabbat : la coutume de s'abstenir des occupations ordinaires un jour par semaine est très salutaire, bien que ce soit un devoir religieux pour les juifs. Comme cette coutume ne peut pas être observée sans le consentement général des classes ouvrières, il est juste d'admettre que la loi garantisse à chacun l'observation générale de la coutume, en suspendant un jour les principales opérations de l'industrie. En revanche, cette justification (fondée sur l'intérêt direct qu'ont les autres à ce que chacun observe cet usage) ne s'applique pas à ces occupations privées auxquelles une personne juge bon de consacrer ses loisirs. Elle ne s'applique pas non plus aux restrictions légales visant les divertissements. Personne n'est obligé de continuer à travailler s'il préfère le loisir au gain. La seule raison pour justifier éa restriction des amusements du dimanche, c'est dire qu'ils sont répréhensibles du point de vue religieux. --> Motif de législation contre lequel on ne peut pas protester trop énergiquement. L'idée qu'il est du devoir d'un homme de veiller à ce qu'un autre soit religieux est la cause de toutes les persécutions religieuses jamais perpétrées. C'est une détermination à ne pas tolérer que les autres fasses ce que leur permet leur religion, et cela parce que ce n'est pas permis par la religion du persécuteur. Exemple : Le mormonisme : Cette religion, comme beaucoup d'autres, a ses martyrs : son prophète et fondateur a été mis à mort à cause de sa doctrine par la populace. Beaucoup déclarent qu'il serait juste d'envoyer une expédition contre les Mormons et de les contraindre par la force à se conformer aux opinions des

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autres. L'article de la doctrine mormonne qui inspire le plus d'antipathie est l'autorisation de la polygamie. Elle semble provoquer une animosité implacable quand elle est pratiquée par des gens qui parlent anglais et qui se disent chrétiens. On apprend aux femmes que le mariage est la seule chose nécessaire pour elle, elles préfèrent donc épouser un homme qui a d'autres femmes que ne pas se marier. Pour Mill, l'institution mormonne constitue une infraction directe au principe de liberté, rivant les chaîne d'une moitié de la communauté et dispensant l'autre moitié de toute réciprocité d'obligation envers la 1ère. Mais pour lui, quand les mormons ont quitté leur pays, où leur doctrine était inacceptable, pour s'établir dans un coin perdu de la terre qu'ils ont été les 1ers à rendre habitable, il ne voit pas au nom de quel principe à part la tyrannie on peut les empêcher d'y vivre comme ils veulent, tant qu'ils n'agressent pas les autres nations. Aucune communauté n'a le droit d'en forcer une autre à être civilisée. Tant que les victimes de la mauvaise loi ne demandent pas l'aide des autres communauté, il est inacceptable que des personnes sans rapport avec elles puissent intervenir et exiger la cessation d'un état de choses qui semble satisfaire toutes les parties intéressées, cela sous prétexte que c'est un scandale pour des gens qui vivent à des milliers de km. Chapitre 5 : Applications Les principes affirmés dans ce bouquin doivent être admis comme base en vue d'une discussion des détails, avant qu'une application systématique puisse être tentée avec des chances de succès dans les différents champs de la politique et de la morale. Ce sont, plus que des applications, des échantillons d'applications susceptibles d'éclairer d'avantage le sens et les limites des 2 maximes qui constituent la doctrine de cet essai :

1) L'individu n'est pas resonsable de ses actions envers la société, dans la mesure où elles n'affectent pas les intérêts des autres. Les autres peuvent avoir recours aux conseils, à la persuasion et la mise à l'écart : c'est la seule façon pour la société d'exprimer légitimement sa désapprobation de la conduite d'un individu.

2) Pour les actions qui portent préjudice aux intérêts d'autrui, l'individu est responsable et peut être spumis aux punitions sociale et légale.

Il ne faut pas croire qu'un risque de dommage aux intérêts des autres peut toujours justifier l'intervention de la société : Souvent, un individu, en poursuivant un but légitime, cause forcément et donc légitimement de la peine/pertes aux autres. Ces oppositions d'intérêts entre individus proviennent souvent de mauvaises institutions, mais elles sont inévitables tant que ces institutions perdurent. On admet qu'il vaut mieux dans l'intérêt général de l'humanité que les hommes poursuivent leur but sans s'arrêter à ce style de conséquences. Exemple : Le marché un acte social, une activité qui affecte les intérêts d'autrui et de la société. Sa conduite tombe en principe sous la juridiction de la société. Ce n'est qu'aujourd'hui (après une longue lutte) qu'on reconnaît que le seul moyen de garantir en même temps des prix bas et des produits de qualité, est de laisser les producteurs/vendeurs libres, sans autre contrôle que l'égale liberté pour les acheteurs de se fournir ailleurs : Doctrine du libre échange. Les restrictions imposées au commerce/production commerciale sont des contrainte, mais ces contraintes affectent seulement cet aspect de la conduite humaine que la société a le droit de contraindre. Cependant, les interventions, dont le but est de rendre certains produits difficiles/impossibles à obtenir, sont contestables, pas seulement parce qu'elles empiètent sur la

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liberté du producteur/vendeur, mais surtout parce qu'elles empiètent sur la liberté de l'acheteur. C'est une des fonctions incontestables du gouvernement que de prendre des précautions contre le crime avant qu'il ne soit commis, au même titre que de le découvrir et de le punir après coup. Malheureusement, il est plus facile d'abuser de la fonction préventive du gouvernement au détriment de la liberté que d'abuser de sa fonction punitive. Si une autorité publique/personne privée voit quelqu'un se préparer à commettre un crime, elle peut intervenir pour l'empêcher. Il faut quand même faire attention : Si quelqu'un achète du poison, on peut penser que c'est à de mauvaise fin, mais il peut aussi en avoir besoin à des fins innoffensives et utiles. De plus, c'est le rôle de l'autorité publique que de prévenir les accidents. Quand il n'y pas de certitude, mais juste un risque de danger, seule la personne elle-même peut juger de la valeur du motif qui la pousse à courir ce risque. Dans ce cas, selon Mill, il faurait juste l'avertir du danger et ne pas l'empêcher de s'y exposer. Exemple : On pourrait, sans violer la liberté, imposer une précaution comme étiqueter la drogue pour en spécifier l'aspect dangereux. L'acheteur pourrait désirer ignorer les qualités toxiues du produit qu'il achète. Le seul moyen de prévenir les empoisonnements (sans violer la liberté de ceux qui ont besoin de substances toxiques dans d'autres but) est de fournir une preuve préalable. Autre moyen qui ne viole pas la liberté : Exiger du vendeur qu'il inscrive dans un registre la date exacte, le nom et l'adresse de l'acheteur, la qualité et la quantité précises vendues, et l'usage prévu. Ces 2 exemples de règlements ne constituent généralement aucun obstacle matériel à l'obtention d'un article, mais un obstacle important à en faire un usage illicite sans être découvert. Le droit de la société d'opposer aux crimes qui la visent des mesures préventives suggère les limites évidentes de cette idée que la mauvaise conduite privée n'offre pas matière à prévention/punition. Exemple : S'ennivrer pour une personne que l'ivresse pousse à nuire aux autres est un crime envers autrui. Il y a beaucoup d'actes directement dommageables à leurs auteurs qui ne devraient pas être interdits par la loi, mais qui, commis en public, deviennent une violation des bonnes moeurs sociales et tombent ainsi dans la caétgorie des offenses envers autrui et peuvent être justemement interdit (ex : atteinte à la décence). Le cas d'une personne qui en incite une autre à accomplir un acte n'est pas strictement un cas de conduite personnelle. On peut appliquer à ce cas les raisons sur lesquelles se fonde le principe de la liberté individuelle : Si on permet aux gens, dans ce qui ne concerne qu'eux-même, d'agir comme ils le souhaitent à leurs risques et périls, c'est qu'il doivent aussi pouvoir être libres de se consulter l'un l'autre sur ce qu'il faut faire. La question devient douteuse quand l'instigateur tire un profit personnel de son conseil, quand il en fait métier pour s'enrichir. --> Existence d'une classe de personne dont l'intérêt est contraire à ce qui est considéré comme le bien public, et dont le mode de vie est basé sur l'opposition au bien. Exemple : Les jeux doivent être tolérés, mais est-on pour autant libre d'être tenancier d'une maison de jeu ? Il y a des arguments des 2 côtés : − Point de vue de la tolérance : Il ne peut pas être criminel de choisir pour métier (pour en vivre et

s'enrichir) une activité qui serait admissible autrement. Cet acte devrait être soit toujours admis, soit toujours interdit, pour être cohérent.

− Point de vue opposé : Même si le public/l'Etat ne peut pas décider de manière autoritaire (pour punir/réprimer) que telle conduite personnelle est bonne/mauvaise, ils ont le droit de supposer que, s'ils jugent mauvais certains actes, ça ne peut pas faire de mal de s'efforcer d'éliminer l'influence de sollicitations qui ne sont pas désintéressées. Rien ne sera perdu si on fait en sorte que les gens fassent spontanément leurs choix (avec sagesse ou sottise), mais à l'abri des artifices de ceux qui stimulent leurs inclinations par intérêt personnel. L'interdiction n'est jamais efficace, les maisons de jeu réussissent toujours à se maintenir sous

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d'autres prétextes : On peut les contraindre à entourer leurs affaires d'une certain degré de secret, pour que personne ne les connaisse.

Mill ne décide pas si ces arguments suffisent à jusitifer l'anomalie morale consistant à punir le complice quand l'instigateur reste libre. Pour lui, de tels motifs devraient encore moins entrer en ligne de compte dans les transactions commerciales courantes. On peut se demander si l'Etat, tout en tolérant une conduite qu'il juge contraire aux intérêts les plus précieux de l'argent, ne devrait pas quand même la décourager indirectement. Non : Tout augmentation du prix est une interdiction pour ceux qui ne peuvent plus payer, et pour ceux qui ont les moyens, c'est une façon de pénaliser leur volonté de satisfaire un goût particulier. Le choix de leurs plaisirs ne doit dépendre que de leur jugement. Cependant, la taxation dans ce but est inévitable : l'Etat ne peut pas éviter de pénaliser l'usage de certains articles de consommation par des taxes qui sont parfois prohibitives. Il est donc du devoir de l'Etat de considérer, avant d'imposer des taxes, quelles sont les denrées dont les consommateurs peuvent le plus se passer, et de choisir celles qui peuvent devenir nuisible au-delà d'une petite quantité. La question de savoir s'il faut faire de la vente de ces denrées potentiellement nuisibles un privilège plus ou moins exclusif, doit être résolue selon les motifs auxquels est subordonnée la restriction : − Il est donc opportun de limiter le droit de vente de ces marchandises à des personnes dont la

respectabilité est garantie. − Il faut aussi réglementer les heures d'ouverture/fermeture en fonction des exigences de la

surveillance publique. − Il faut retirer la licence au tenancier si des troubles se produisent plusieurs fois. Mill ne voit pas d'autres restrictions justifiables en dehors de celles-ci. Exemple : La limitation du nombre de brasseries/débits de boisson est un inconvénient pour tout le monde. Cette mesure ne peut convenir qu'à un état de société dans lequel les classes ouvrières sont traîtées ouvertement comme des enfants, et ce n'est pas ainsi que ces classes sont gouvernées dans un pays libre. C'est seulement parce que les institutions de ce pays (non libre) forment un tissu de contradictions qu'on voit mettre en pratique des mesures propres au systèmes despotique ou paternaliste. A l'inverse, la liberté générale de nos institutions ne permet pas d'exercer le contrôle nécessaire pour imposer la contrainte comme système motal. Nous avons vu que la liberté de l'individu dans les choses qui ne concernent que lui implique une liberté correspondante pour un groupe d'individus de régler par consentement mutuel des choses qui les concernent et ne regardent personne d'autre. Il est souvent nécessaire, même dans les choses qui ne concernent qu'elles, que ces personnes prennents des engagements mutuels. Il convient en général que ces engagements soient tenus. Pourtant, non seulement les gens ne sont pas tenus de respecter des engagements qui violent les droits d'un tiers, mais on estime quelquefois qu'il suffit qu'un engagement leur soit dommageable à eux-même pour les en dégager. Exemple : L'esclavage volontaire : La raison de ne pas intervenir dans les actes volontaires d'une personne, c'est le respect pour sa liberté. Mais en se vendant comme esclave, l'individu abdique sa liberté. Il détruit donc le but même qui justifie la permission de disposer de lui même : Il n'est plus libre. Le principe de liberté ne peut pas exiger qu'il soit libre de n'être pas libre. Les nécessités de la vie imposent constamment aux individus des limites, car nous devons toujours non pas renoncer à notre liberté, mais accepter de la limiter de telle ou telle manière. Il n'y a aucun contrat à part l'engagement financier, dont on peut oser dire qu'on ne devrait jamais être libre de s'en retracter.

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Wilhelm von Humboldt : Le mariage, dont la particularité est de manquer son but dès lors que les sentiments des 2 parties ne s'accordent pas avec celui-ci, devrait pouvoir être dissout par la simple volonté déclarée d'une des parties. Quand quelqu'un, sur une promesse ou par sa conduite, en a encouragé une autre à compter qu'elle agira d'une certaine façon, celui-ci s'est créé envers l'autre une nouvelle série d'obligatios morales, lesquelles peuvent éventuellement être annulées, mais pas ignorées. De plus, si la relation entre les 2 parties contractantes a été suivie de conséquences pour d'autres, les 2 parties se sont créé des obligations envers ceux-ci. Ces obligations ne vont pas jusqu'à exiger l'accomplissement du contrat au prix du bonheur de la partie réticente : Même si ces obligations ne doivent faire aucune différence dans la liberté légale qu'ont les partie de se défaire de l'engagement, elles font nécessairement une différense en ce qui concerne la liberté morale. Si l'individu n'accorde pas la considérations voulues à ces circonstances avant d'agir, il est moralement responsable du tort causé. La liberté est souvent accordée là où elle devrait être refusée, et refusée là où elle devrait être accordée. Une personne doit être libre de mener ses propres affaires comme elle veut, mais elle ne devrait pas être libre de faire ce qu'elle veut quand elle agit pour un autre, sous prétexte que les affaires de ce dernier sont aussi les siennes : Tout en respectant la liberté de chacun dans ce qui le concerne en 1er lieu, l'Etat est obligé de surveiller attentivement la façon dont l'individu use du pouvoir qu'on luit donne sur d'autres. C'est dans le cas des enfants que le mauvais usage de l'idée de liberté empêche vraiement l'Etat de remplir ses devoirs : Exemple : l'éducation : L'un des devoirs les plus sacrés des parents, c'est de donner à l'être humain qu'ils ont mis au monde une éducation qui lui permettra de bien tenir son rôle dans la vie, envers les autres et envers lui-même. Pourtant, personne en Angleterre n'accepterait qu'on oblige les parents à accomplir ce devoir. On les laisse libre de refuser/accepter cette éducation offerte gratuitement. Si on admettait un jour le devoir d'imposer l'éducation universelle, il n'y aurait plus de difficultés quant à ce que l'Etat doit enseigner et de quelle façon. On perd du temps/de l'énergie à se battre autour de l'éducation, au lieu de s'y consacrer : Le gouvernement pourrait laisser aux parents le soin de faire éduqer leurs enfants où/comment ils le veulent (en fonction de leurs besoins), et se contenter de payer une partie des frais de scolarité des enfants les plus pauvres. Les objections opposées (avec raison) sur l'éducation publique ne portent pas sur le fait que l'Etat impose l'éducation, mais sur le fait qu'il se charge de la diriger. Il faudrait une diversité de l'éducation, alors qu'une éducation générale dispensée par l'Etat ne peut être qu'un dispositif visant à fabriquer des gens sur le même modèle : Une éducation instituée et contrôlée par l'Etat ne devrait être qu'une expérience parmi d'autres. Si le pays dispose d'assez de personnes qualitifées pour enseigner sous les auspices du gouvernement, ces mêmes personnes pourrait tout aussi bien enseigner dans un système privé. Le seul moyen de faire respecter la loi serait d'impose des examens publics à tous les enfants dès le plus jeune âge. L'examen pourrait avoir lieu 1 fois par an, sur un éventail de matière, pour rendre obligatoire l'acquisition et la mémorisation d'un minimum de connaissances générales. Pour éviter que l'Etat n'exerce trop d'influence sur l'opinion, la connaissance exigée pour passer un examen devrait se limiter aux faits et à la science positive : Les examens sur la religion/politique ne porteraient pas sur la vérité/fausseté des opinions, mais sur le fait que telle opinion est défendue par tels arguments. Toutes les tentatives de l'Etat pour fausser les conclusions de ses citoyens sur les questions controversées sont mauvaises. Mais l'Etat peut proposer de garantir/certifier qu'une personne possède le savoir requis pour tirer elle-même des conclusions dignes d'intérêt. Pour Mill, les examens concernant les domaines supérieurs de la connaissance devraient être

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facultatifs : Ce serait accorder un pouvoir trop dangereux aux gouvernements que de leur permettre d'exclure qui ils veulent de certains métiers, sous prétexte d'un manque de qualifications. Les grades/certificats publics de connaissances scientifiques/professionnelle devraient être accordés à tous ceux qui se présentent à l'examen et le réussissent. Ce n'est pas que dans le domaine de l'éducation que les idées de liberté mal utilisées occultent les obligations morales des parents et l'imposition d'obligations légales quand on aurait toujours les meilleures raisons de le faire. Le fait même de donner naissance à une être humain est l'une des actions qui entraîne le plus de responsabilités dans la vie. Prendre cette responsabilité est un crime envers l'être à qui on la donne s'il n'a pas les chances ordinaires de mener une vie désirable : Ces lois qui, dans beaucoup de pays du Continent, interdisent le mariage aux couples qui ne peuvent pas prouver qu'ils ont les moyens de nourrir une famille, n'outrepassent pas le pouvoir légitime de l'Etat et ne violent pas la liberté. C'est grâce à de telles lois que l'Etat peut prévenir un acte funeste qu'il faut soumettre à la réprobation sociale, même si on juge inopportun de le doubler d'une punition légale. Les limites de l'intervention du gouvernement : Il y a des cas où la question ne porte plus sur la restriction des actions des individus, mais sur leur encouragement : Le gouvernement devrait-il faire/donner les moyens de faire quelque chose pour le bien des individus, au lieu de les laisser s'en occuper individuellement/en s'associant ? Les objections contre l'intervention du gouvernement, quand elle n'implique pas une violation de la liberté, peuvent être de 3 sortes (3 raisons de restreindre l'intervention du gouvernement) :

1) Quand la chose à faire est suscpetible d'être mieux faite par les individus que par le gouvernement.

2) Dans beaucoup de cas, il est quand même souhaitable que ce soit les individus qui les fassent au lieu du gouvernement, pour contribuer à leur éducation intellectuelle, fortifier leurs facultés actives, exercer leur jugement et donc pour les familiariser avec les sujets dont on les laisse ainsi s'occuper. Ce ne sont pas là des questions de liberté, mais des questions de développement. Ces choses tirent l'homme du cercle étroit de l'égoïsme personnel/familial pour le familiariser avec les intérêts communs et la direction des affaires communes. Sans ces habitudes/facultés, une constitution libre ne peut ni fonctionner ni se perpétuer, comme le montre la nature transitoire de la liberté politique dans les pays où elle ne se fonde pas sur une base assez solide de liberté locales. --> avantages qui sont inhérents au développement individuel et à la diversité des façons d'agir. Les opérations du gouvernement tendent à être partout les mêmes. Mais les individus et associations volontaires produisent une immense variété de tentatives/expériences. L'Etat peut faire office de dépositaire/diffuseur actif des expériences résultant de nombreux essais : Il doit permettre à tout expérimentateur de bénéficier des expériences d'autrui, au lieu de ne tolérer que les siennes.

3) L'élargissement sans nécessité du pouvoir du gouvernement cause un mal extrême : Toute fonction ajoutée à celle qu'exerce déja le gouvernement diffuse plus largement son influence sur les espoirs/craintes, et transforme plus les éléments actifs/ambitieux du public en parasites/comploteurs. Le mal serait encore plus grand que la machine administrative serait construite plus efficacement, et qu'on aurait recours aux procédés les plus habiles pour se procurer les mains/cerveaux les plus qualifiés pour la faire fonctionner. En Angleterre, on a proposé de sélectionner tous les membres de l'administration gouvernementale sur concours. Les adversaires ont dit que l'emploi de fonctionnaire permanent de l'Etat n'offre pa de perspective de recevoir une rémunération suffisante et de jouer un rôle assez important pour attirer les meilleurs talents. Cette objection est curieuse : Ce qui est avancé comme une objection est en fait la soupape de sécurité du système en question : Si toutes les affaires de la société qui nécessitent une organisation concertée

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étaient entre les mains de l'Etat, si toutes les fonctions gouvernementales étaient universellement remplies par les hommes les plus capables, toute la culture/intelligence pratiques du pays seraient concentrées en une bureaucratie nombreuse, dont le reste de la communauté attendrait tout. Etre admis dans les rangs de cette bureaucratie et en gravir les échelons seraient les seuls objets d'ambition. Sous ce régime :

* Le public extérieur est mal qualifié par manque d'expérience pratique pour contrôler et critiquer le système bureaucratique. * Aucune réforme contraire aux intérêts de la bureaucratie ne peut être adoptée.

Dans des pays d'une civilisation plus avancée, les gens, habitués à attendre que l'Etat fasse tout pour eux, tiennent naturellement l'Etat pour responsable de tout ce qui leur arrive de fâcheux, et quand ces maux excèdent leur patience, ils se soulèvent contre le gouvernement. Après, quelqu'un d'autre, avec/sans autorité légitime de la nation, saute sur le trône et reprend tout comme avant. A l'inverse, un peuple habitués à mener ses propres affaires offre un autre spectacle : − En France, une grande partie des gens ont fait leur service militaire, et il y a donc dans toutes les

insurrections populaires quelques personnes capables de prendre le commandement et d'improviser un plan d'action potable.

− Si on les laisse sans gouvernement, n'importe que groupe d'américains est capable d'en improviser un.

Voilà comment devrait être un peuple libre : Il ne se laisse jamais asservive par aucun homme/groupe d'hommes car il est capable de s'emparer des rênes de l'administration centrale. Là où la bureaucratie fait tout, rien de ce à quoi elle est hostile ne peut être fait : Plus l'organisation est parfaite en elle-même, mieux elle réussit à éduquer dans son sens les gens les plus brillants de toute classe, et donc plus l'asservissement de tous (même les membres de la bureaucratie car les gouvernants sont autant les esclaves de leur organisation/discipline que les gouvernés par rapport aux gouvernants) est complet. L'absorption de toutes les grandes intelligences du pays par la classe gouvernementale est fatale tôt ou tard à l'activité/progrès intellectuel de cette classe elle-même. Le corps des fonctionnaires est tenté de sombrer dans la routine. Le seul moyen de maintenir les intelligences de ce corps à bon niveau est de rester ouvert à la critique indépendante et formée elle aussi de grandes intelligences : Il faut donc pouvoir former de telles compétences en dehors du gouvernement et leur fournir les occasions/l'expérience nécessaires pour concevoir un jugement correct dans les affaire pratiques. --> Il ne faut pas que le corps absorbe les emplois qui forment/cultivent les facultés requises pour gouverner les hommes. Il faut donc garantir au maximum les avantages de la centralisation politique/intellectuelle sans pour autant détourner dans les voies officielles une trop grande proportion de l'activité générale (c'est une des questions les plus difficile de l'art de gouverner). Les considérations les plus variées doivent être prises en compte. Idéal à ne pas perdre de vue : La plus grande dissémination de pouvoir conciliable avec l'efficacité ; mais la plus grande centralisation possible de l'information et sa diffusion la plus grande à partir du centre. Il y aurait donc un partage soigneux entre les fonctionnaires de chaque localité, des affaires qu'on n'aurait pas avantage à laisser aux mains des personnes directement interessées. Il y aurait dans chaque département des affaires locales une superintendance : L'organe de cette superintendance concentrerait toute la varitété d'informations/expériences provenant de la direction de cette branche des affaire publiques dans toutes les localités, et aussi tout ce qu'on fait d'analogue dans les autres pays. Cet organe central aurait le droit de savoir tout ce qui se fait, sa mission serait de rendre disponibles ailleurs les connaissances acquises à tel endroit. En revanche, son pouvoir réel comme institution permanente devrait être limité à obliger les fonctionnaire à se conformer aux lois établies pour les diriger. Pour tout ce qui n'est pas prévu dans les règles générales, ces fonctionnaires devraient être laissés libres d'exercer leur propre jugement et d'en répondre devant leur mandants. Ils seraient responsables devant la loi, et les règles elles-même

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seraient édictées par le législatif. En cas de mauvaise application, l'autorité en appellerait soit au tribunal, soit aux électeurs pour renvoyer les fonctionnaires qui n'auraient pas appliqué cette loi selon son esprit. Bien que les pouvoirs de coercition administrative et de législation subordonnée que possède le Bureau de la loi des pauvres soient justifiables là où il y va d'intérêts nationaux de 1ère importance, ils seraient déplacés pour la surveillance d'intérêts locaux. Un organe central d'information/instruction pour toutes les localités serait précieux dans tous les départements de l'administration. Le mal commence quand, au lieu de stimuler l'activité et la force des individus/associations, le gouvernement substitue sa propre activité à la leur. La valeur d'un Etat, c'est la valeur des individus qui le composent. Un Etat qui rapetisse les hommes pour en faire des instruments dociles entre ses mains (même pour des bienfaits) s'apercevra qu'avec de petits hommes, rien de grand ne peut s'accomplir.