j.g. v. herder, les francs-maçons & autres textes

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Les Francs-Maçons et autres textes Johann Gottfried von Herder Idées

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Grammata, Tours, 2010, ISBN : 9782918863014, 10 €. Pour le commander : http://ta-grammata.blogspot.com

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Page 1: J.G. v. Herder, Les Francs-Maçons & autres textes

Les Francs-Maçons

et autres textes

Johann Gottfried von Herder

Idées

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Page 4: J.G. v. Herder, Les Francs-Maçons & autres textes

Johann Gottfried von HERDER (1744-1803)par John Sartain

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Les Francs-Maçons & autres textes

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Du même auteur dans la même collection :

Questions de Benjamin Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

Page 7: J.G. v. Herder, Les Francs-Maçons & autres textes

Johann Gottfried von HERDER

Les Francs-Maçons

Dialogue sur une société visible invisible

Poèmes maçonniques

Édition établie et traduitede l'allemand par Lionel Duvoy

GRAMMATAIdées2010

Page 8: J.G. v. Herder, Les Francs-Maçons & autres textes

© Editions Grammata, 2010.

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Herder Franc-Maçon*

Comme il y a lieu de supposer que la vie et les actes de Herder sont connus de tous, nous nous bornerons à indiquer ici quelle fut son attitude à l'égard de la société. Herder fut reçu maçon durant son séjour à Riga, dans la loge de la Stricte Observance "Á l'Épée" (1765-1766)1. Il y remplit pendant quelques temps les fonctions de secrétaire, et, en 1767, il prononça l'oraison funèbre du vénérable défunt, le frère Hands-

* Extrait du tome II de l'Histoire de la Franc-Maçonnerie depuis l'origine jusqu'à nos jours (1862) par Joseph Gabriel Findel (trad. de l'allemand par E. Tandel, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1866, pp. 192 et suiv.)

1 Herder fut initié au mois de mai 1766 dans une loge (Zum Shwerdt) fondée en 1750, qui n'eut pas toujours ce titre distinctif. Un an plus tôt, elle venait en effet d'aban-donner son nom originaire (Zum Nordstern, Á l'Etoile du Nord) pour adopter celui sous lequel elle travaille encore aujourd'hui, depuis sa réactivation en 2002. (Ndt)

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wig1. De retour en Allemagne, il ne prit pas, il est vrai, à Weimar2, une part immédiate à la vie de la loge, mais son ami Bode3 le tenait au courant de tout ce qui s'y passait ; il exprima aussi au Fr. Schröder4 de Hambourg, qui avait

1 Kloss, Bibliographie, n°1311.2 Herder s'y affilia à la loge Anna Amalia zu den Drei Rosen

(fondée en 1764), que fréquentèrent Bode, Wieland, et Goethe. (Ndt)

3 Johann Joachim Christoph Bode (1730-1793) était édi-teur. En 1766, il devint l'un des principaux dirigeants de la Stricte Observance en Allemagne. Recruté en 1782, lors du Convent de Wilhelmsbad, par Knigge, l'un des chefs de l'Ordre des Illuminés de Bavière, il forma assez vite autour de lui un noyau d’adeptes qui visèrent, par la suite, à réformer l'illuminisme quand Knigge démission-na et que Weishaupt, le fondateur de l’Ordre, fut con-traint de prendre la fuite. Le 1er juillet 1783, sous le nom de « Damasus Pontifex », Herder fut nommé doyen de la loge illuministe de Weimar, laquelle était présidée par Bode lui-même ; quelques quatre mois après, Goethe y fut également admis. (Ndt)

4 Friedrich Ludwig Schröder (1744-1816), acteur et dra-maturge, dirigea le théâtre municipal de Hambourg. Il fut Grand Maître de la Grande Loge de Hambourg. Il créa également un rite templier qui porte son nom et qui fut adopté, en 1811, par la Grande Loge Provinciale de Hambourg. (Ndt)

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soumis à son examen un projet du rituel des trois grades, sa complète adhésion1. Mais c'est dans son excellent traité sur la franc-maçon-nerie, l'Adrastée (1801), et dans le Mercure allemand (Doute historique relativement au livre Accusations, etc., Kloss, n°3234), qu'éclata de la manière la plus évidente l'intérêt qu'il por-tait à la société, et que, du reste, sa vie tout entière et tous ses écrits ne font que confir-mer2. Son ouvrage intitulé Lettres pour le pro-grès de l'humanité (1793-1794) révèle le but de tous ses efforts, de tous ses travaux, but qui doit être aussi celui de tout véritable maçon. Le perfectionnement de l'humanité, dont il était l'apôtre inspiré, lui apparaissait comme l'at-tribut le plus sublime de notre espèce ; se dé-vouer à son semblable, de quelque manière ou en quelque lieu qu'il soit opprimé, que son indigence soit physique ou morale, c'était là, selon lui, le christianisme, et c'était l'esprit de sa doctrine et le mobile de sa vie.

1 Voir Latomia XI, p.57.2 "Le frère Frédéric Voigts, à Hanovre, a eu le soin de s'infor-

mer des noms des auteurs de plusieurs chants et de les désigner. (...) Le Fr. J.G. de Herder [aurait écrit] 'Plus rapide que les vents et les flots'." Cf. J.G. Findel, op. cit., p. 185. (Ndt)

HERDER, FRANC-MAÇON 9

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Celui qui considère comme science la question du genre humain, Participe à l'action de la divinité et du destin.

Telle était sa conviction intime. Cette grande pensée, que le genre humain est par lui-même susceptible d'un perfectionnement infini, et la foi dans l'avenir qu'il fallait lui préparer, ani-maient tous ses efforts et étaient empreintes dans chacun de ses écrits. "Ce n'est qu'un édifi-ce unique," disait-il en vrai maçon "qu'il s'agit de construire, le plus simple et le plus grand : il s'étend à tous les siècles et à toutes les nations ; - si l'humanité est en travail et en progrès conti-nuels physiquement, il en est de même au point de vue de la morale et de la politique."

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Les Francs-Maçons

Fama Fraternitatis

Le Sceau de Salomon

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ADRASTEA, l'insaisissable nymphe grecque qui, avec le concours de sa sœur Ida, sauva Zeus de Chronos, est le nom choisi par Herder pour titre de ses six revues contenant des écrits consacrés au dix-huitième siècle. Parus en 1801, les textes sur la franc-maçonnerie rassemblés dans la présente édition sont tirés du premier volume réédité six ans après la mort de Herder (Johann Gottfried von Herder's sämtliche Werke, Zur Philosophie und Geschichte, Bd. 10, Tübingen, 1809, J.G. Gotta'schen Buchhand-lung).

Le Traducteur.

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Durant les vingt dernières années du siècle passé s'est répandue tout doucement et silen-cieusement en Europe une société venue d'An-gleterre, qui se baptisa elle-même Société des Francs-Maçons ; peu aprèsa fut publié, signé par des hommes encore vivants, un livre de Consti-tutions lui étant destiné, qui fait remonter son histoire aux Grands Maîtres Salomon*1 et Nim-rod2, voire jusqu’à la Création du monde. On s'en étonna et on en rit ; Swift3 railla leurs signes divulgués. Certains méditèrent sur le secret de l'association et cherchèrent la Lumière ; d'autres soupçonnèrent qu'il y eût derrière tout cela quelque malignité. Pendant ce temps-là, la fraternité progressait tranquillement ; en Al-lemagne, en Hollande, en France, en Espagne, en Italie, dans les Royaumes du Nord - où n'était-elle pas ? -, les loges (nom par lequel ils

a Le Livre des Constitutions des Francs-Maçons d'Anderson. La première édition, pour ce que j'en sais, date de 1738.

* Les notes du traducteur commencent page 101.

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désignent leurs assemblées) naissaient ; les francs-maçons faisaient sensation, étaient remar-qués et, de-ci de là, suivis. Bien qu'ils aient maintes fois expliqué publiquement que leurs liens n'ont rien à voir avec la religion ou la politique, que tout discours ou débat sur ce genre d’affaires va à l’encontre, au sein de l'association, des lois de leurs constitutions, et même si les usages et symboles parfois divulgués semblent n'avoir aucun rapport avec ces ques-tions, la suspicion n’en demeura pas moins vive chez les fanatiques de l'État et de la religion, si bien qu'à la fin du siècle dernier, on voulut, de façon extrêmement ridicule, leur imputer l'ori-gine de la révolution française. Contre cela, l'asso-ciation se prémunit, avant comme après ces évé-nements, moins en protestant et en disputant, qu'en gardant une conscience tranquille. Depuis combien de temps cette société existait, voilà qui sembla être une question oiseuse.

Á la place, le monde se demanda : "Qu'a accompli cette association ? Á quelle fin existe-t-elle ? Quel but poursuit-elle ? De quels moyens use-t-elle ? Son symbole du Temple de Salomon est si beau ; les symboles des outils destinés à sa construction, le fil à plomb,

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l'équerre, le compas, etc. semblent parfaitement convenir à l'affaire ; l'image de leur fraternisa-tion : "rectangle solidement clos, qui s’étend d'est en ouest, du nord au sud, de la terre au ciel, de la surface du globe jusqu'à son centre" est si grandiose, la répartition des travaux, "du matin au soir, avec ordre et sérénité, assiduité et salai-re", les colonnes courage et force promettent tant, que l'on désire savoir ce qui existe derrière semblables symboles, à quoi cette fraternité virile a œuvré depuis lors et ce qu'elle a érigé. Lessing lui attribue un dessein si grand et si subtil... a

Les dialogues qui suivent, et qui semblent n'avoir aucun droit à revendiquer sur la grâce de ceux de Lessing, sont parvenus à l'éditeur de l'Adrastea4, et puisqu'il ne sait pas quelle répon-se donner aux questions qui viennent d’être posées, c'est par une autre interrogation qu’il y répondra.

J.G. von HERDER

a Ernst et Falk, Causeries pour Francs-Maçons.

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Fama fraternitatis.a

ou Sur le but de la franc-maçonnerietelle qu'elle apparaît au-dehors

Faust. Horst. Linda.1

Faust - Quand on ne sait plus de quoi parler, on aborde le thème de la franc-maçonnerie ou des esprits ; alors Horst, parlons-en ! Les francs-maçons se hâtent vers leurs loges. Ils fêtent aujourd'hui leur Saint Jean2.

Linda - Eh bien, au revoir les amis ! Mon sexe ne partage pas ce mystère.

Horst - Nous deux non plus, Linda. Tu peux

a La première Fama fraternitatis, vraisemblablement fondée par Johann Valentin Andrea, apparut au cours de l'année 1616 ; elle concernait une tout autre société, celle des Roses-Croix.

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bien entendu rester et écouter, comme si tu assistais au récit d'un conte.

Faust - Tu peux même participer et dire ce que tu penses de ce conte. J'ai beaucoup lu sur la défense de l'association, mais, pour au-tant, cela ne m'a pas entièrement satisfait. Voyez le Livre des Constitutions, qui a eu le toupet de faire remonter l'histoire de cette fraternité ou ordre, comme ils se nomment eux-mêmes, jusqu'au grand maître Nimrod et aux piliers de Seth3. Qui peut le tolérer ?

Horst - Il s'agit de l'histoire de l'architecture, Faust, et particulièrement de celle des Anglais, telle que Jacob Anderson4 a pu l'écrire ; rien de plus. Horace Walpole5 l'aurait assurément écrite différemment.

Faust - Christopher Wren6 également ; mais, précisément : amalgamer deux choses si différen-tes, comme si elles ne faisaient qu’un, voilà une tromperie trop flagrante ! Seuls de vulgaires maçons plaisantent ainsi avec le public - j’en-tends par là : l'assemblée des gens raisonnables.

Horst - Le livre a été écrit en Angleterre, pour défendre une corporation, qui sait dans quelles conditions politiques. Faust - Et les loges allemandes l'adoptent ?

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Elles persistent à se reconnaître dans ce quipro-quo ?

Horst - Peut-être parce qu'il renferme des traits de leur véritable histoire, qui a partie liée à celle des étrangers. Je ne saurais juger aussi sévèrement de choses si incertaines.

Faust - Et personne ne fait de différence entre ces traits ? Entre la vérité et le mensonge, le paraître et l'être ? Cette société prête le flanc au déshonneur en s'exposant aux yeux du monde comme quelque chose de bête ou qui mystifie son monde ! Qui ne nourrit volontiers ce soup-çon ? Et s'il fallait qu'il le fasse en son temps, quel honnête homme ne chercherait la première et meilleure occasion de dissiper la fausse lumi-ère et, ne serait-ce que par suspicion, à se libérer d'une erreur masquée ? Tu sais bien, Horst, par des débats menés publiquement, quelles miséra-bles hypothèses ce masque a occasionnées, et de quels mauvais écrits le monde a été envahi à cause de ce fourvoiement. On s'est raccroché aux mystères égyptiens, grecs, voire hébraïques, persiques et indiens, aux druides eux-mêmes, et l'on en a fait la franc-maçonnerie, de même que l'on n'a pas encore osé assimiler les bons maçons aux Esséniens, Gnostiques, Manichéens, Pélagiens,

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et Jésuites. Le monde est plein de ces torsions d'époques antiques et passées. Qui en porte la responsabilité, sinon la Société elle-même avec son histoire mystérieuse ? Horst - Qui lit ce genre d'écrits ?

Faust - Quantité de gens. Considère qu'il existe un millier de membres dans l'association qui lisent, qui veulent être instruits de son origi-ne et qui n'ont certainement pas assez de sens critique pour examiner l'esprit des âges passés et lointains. Imagine qu'il existe des frères confé-renciers auxquels est octroyé le droit de statuer sur ce qui devra être dit au sujet de ce que reflètent les mystères et les symboles. Songe que de fausses histoires de cette nature ne sont pas seulement sous presse, ne font pas que tourner dans l'ombre, comme de grandes révélations et explications tenues, de façon insensée, en haute estime, insultant ainsi l'association et corrompant l'histoire réelle.

Horst - Qui peut aller contre tous ces men-songes ?

Faust - Contre tous, personne. Néanmoins, chaque membre de la société, sachant ce qui il y a de meilleur, peut le faire contre celui dans lequel il s'est égaré. Personne ne doit vouloir ap-

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partenir à une fraternité qui s'enferme derriè-re un tel écran de contre vérités, et qui s'est même fait remarquer grâce à lui, comme avec ses plaques d'anniversaire et ses écus ancestraux. Horst - Ne chercha-t-on pas, par ce moyen, à dissimuler sa véritable origine ? Faust - La dissimulation et la tromperie sont-elles la même chose ? On ne dit que ce que ce que l'on trouve bon de dire ; mais, on ne dit rien qui ne soit faux. Qui a le pouvoir et le droit de prendre la place de ses ancêtres ? Cette histoire toute bourgeoise, et même toute histoire en général, provient d'époques barba-res ; qui sait, qui est en droit de pouvoir en lieu et place des temps perdus ? Nous nous réjouissons qu'ils soient engloutis, cela nous ferait honneur de contribuer à cette ruine et de devenir les meilleurs. Que les francs-maçons aient en effet d'abord été, comme dit l'adage, de véritables maçons, en quoi cela peut-il leur nuire ?

Linda - Á l'inverse, cela devrait donner naissance à une histoire intéressante de savoir comment, à travers tous les pays, ils ont pris leur essor, de façon éminente, en sociétés éten-dues. Je serais curieuse de lire une telle histoire et, pour le moins, d'observer de l'exté-

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rieur cette forteresse du secret, dont je ne peux pénétrer le sein. Je préfèrerais cela au nombreux châteaux mystérieux de nos romans modernes. Faust - Lessing, dans sa dédicace de Ernst et Falk, dit : "J'ai moi aussi été jusqu'à la source dela Vérité et j'y ai puisé. (...) Le peuple se languitdepuis longtemps et meurt de soif." Horst - J'aimerais qu'il se trouve un frère pour rendre ce service.

Faust - Un homme d'honneur, un frère hon-nête et, qui plus est, connaisseur critique de l'histoire, que l'égarement du grand nombre et le rideau d'illusions et de mystifications jeté sur sa société font souffrir. Lessing et d'autres se tiennent là, font des conjectures sur la massonie7, et la confrérie de garder le silence. Serait-ce que des hommes comme Lessing ne méritent au-cune réponse ou correction ? D'autant que, comme je le crois, le secret de l'association est connu depuis longtemps et que son histoire n'est qu'un secret de famille.

Linda - Leur secret serait connu depuis longtemps ? Tu me vois attentive, Faust.

Horst – Moi, pas moins. Faust – Comme dit Lessing, c'est un secret qui

ne se laisse pas exprimer, et qui ne le veut pas non plus, mais dont l'association témoigne.

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Horst - Ou bien tu es toi-même franc-maçon, ou bien... tu détiens comme un pan du manteau de ton ancêtre8. Faust - Vous aurez raison tous les deux si vous prêtez attention à ce que tout le monde sait et à ce que vous voyez et entendez. Les francs-maçons ne disent-ils pas eux-mêmes qu'ils n'ont que faire de politique et de religion ? Eh bien ! Que reste-t-il à cette société des buts spirituels dont on doit pourtant toujours la croire capa-ble, dès lors qu'il lui faut ne pas simplement se réunir pour des ripailles et des enfantillages ?

Linda - La réponse ne serait pas difficile : des rapports et des devoirs purement humains. Aus-sitôt qu'ils verseraient dans la religion ou la politique, ils appartiendraient à l'Église ou à l'État et ne rempliraient plus leurs devoirs de francs-maçons.

Faust – Linda, si j'étais maçon, je te passerais les gants. Une fois les rapports religieux et civils ou étatiques réglés, que reste-t-il aux hommes qui pensent et agissent, à une société de bâtis-seurs, que la Construction de l’Homme ? Quel grand œuvre, quelle entreprise ! Toutes les fins civiles restreignent l'horizon, comme Lessing l'a éminemment montré ; en s'y soustrayant com-

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plètement, on se retrouve dans un champ vaste et dégagé. Voilà peut-être la raison pour laquelle ils se nomment eux-mêmes francs-maçons9. Linda - Quelle belle entreprise ! Tous les souhaits de l'humanité peuvent, doivent se tour-ner vers cet institut invisible ; il pense à elle, il en a souci, il prête main forte là où il peut aider et personne ne lui en sait gré. Comme perçant le ciel, la main auxiliaire s'est approchée et retirée derrière les nuages avant même qu'on ne l'ait vue. Je me souviens d'un roman dans lequel apparaissait ainsi un moine secourable ; il était presque omniprésent, pour chaque difficulté, il examinait la situation, défaisant le nœud du problème, puis il disparaissait. Plus le nœud se resserrait, plus mon cœur palpitait en l'appelant de mes vœux : "Ah, que le moine se hâte ! Où peut-il être à cette heure ? Pourquoi n'est-il pas déjà là ?" Dans les petits embarras de mon existence, j'ai souhaité avoir ce moine parmi mes connaissances ; et le fait d'y penser m'armait de détermination et m'aidait. Il est doux d'imagi-ner une société secrète d'hommes discutant du bien de l'humanité, œuvrant en silence, et dont l'œuvre doit en quelque sorte aussi être un mystère auquel ils travaillent comme à un plan infini.

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Faust - Tu vois, Linda, pourquoi ton sexe a le devoir et la nécessité d'être exclu de cette association qui discute et s'entraide. D'abord parce que vous n'avez pas besoin d'une telle séparation entre les obligations humaines et celles qui sont proprement civiles, ecclésiasti-ques et étatiques. Les hommes appartiennent à l'État ; ils sont tellement ligotés à leur métier, à leur situation, à leur devoir de citoyen et à leur mode de vie, par des liens et des préventions dans lesquelles leur vue et leur cœur sont enser-rés, qu'une petite libération de ces bandages, un élargissement de l'horizon au-delà de l'étroite sphère de leur profession sont indispensables, grâce auxquels la guérison et le bienfait advien-nent. "Hommes ! (pourraient-ils se chanter ou se dire l'un à l'autre) Ici nous sommes libérés des chaînes du quotidien." Ils cherchent par conséquent un paradis que ton sexe possède perpétuellement et qu'il ne doit jamais perdre, Linda, que toute la noblesse de ton sexe préserve comme un bijou. Dans la société civile, vous n'êtes, heureuses femmes, rien du tout ; vous avez toujours besoin d'un tuteur. En matière d'humanité, la nature vous a confié ses plus aimables germes, ses plus beaux trésors ; vous

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La suite est disponiblesur notre site :

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Cet ouvrage, deuxième titre de la collection Idées des éditions Grammata, a été achevé d'imprimer au mois de janvier 2010 sur les presses de Copy Média (Mérignac). Printed in France.

ISBN : 978-2-918863-01-4

Dépôt légal : janvier 2010