j.g. von herder, questions de b. franklin relatives à l'établissement d'une société de...

19
Questions de Benjamin Franklin relatives à l’établissement d’une société de l’humanité Johann Gottfried von Herder Idées

Upload: duvoy-lionel

Post on 09-Mar-2016

220 views

Category:

Documents


3 download

DESCRIPTION

Grammata, Tours, 2010, ISBN : 978-2-918863-00-7, 8 €. Commander en ligne sur http://ta-grammata.blogspot.com

TRANSCRIPT

Page 1: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

Questions de Benjamin Franklin

relatives à l’établissement d’une société de l’humanité

Johann Gottfried von Herder

Idées

Page 2: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité
Page 3: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité
Page 4: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité
Page 5: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

Questions de Benjamin Franklinrelatives à l'établissement d'une

société de l'humanité

Page 6: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

Du même auteur dans la même collection :

Les Francs-Maçons & autres textes

Page 7: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

Johann Gottfried von HERDER

Questions de Benjamin Franklinrelatives à l'établissement d'une

société de l'humanité

Sur le mot et le concept d'humanité

Édition établie et traduitede l'allemand par Lionel Duvoy

GRAMMATA

Idées2010

Page 8: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

© Editions Grammata, 2010.

Page 9: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

1*1

C'est avec joie et contentement, Monsieur Fr., que votre proposition d'établir une corres-pondance au sujet des progrès ou régressions de l'humanité aux époques antiques et modernes, mais surtout à celles qui nous sont les plus proches, a été admise et accueillie par l'ensemble de nos amis2. "Je suis un homme, dit D., et rien de ce qui est humain ne m'est étranger3." Avec chaque année de la vie, une part conséquente du clin-quant par lequel l'imagination nous ornait de jeunesse, tant dans nos actions que dans les sciences, les divertissements et les arts, tombe en ruine. Malheur à celui qui s'est offert des plumes contrefaites et de fausses pierres précieu-ses ; heureux, trois fois heureux celui pour qui la vérité seule est une parure, et dont le cœur renferme la source d'un sentiment communica-tif. Il se sent réconforté quand d'autres, simples

* Les notes du traducteur commencent page 35.

Page 10: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

hommes du dehors, gémissent autour de lui et sont dans le besoin ; dans le bien général, dans le progrès de l'humanité, il se trouve renforcé, sa poitrine est plus large, son existence, plus vaste et plus libre.

Son existence est plus vaste et plus libre, est intervenu L., car en se sentant élevé au-dessus du cours furtif et quotidien des choses, il respire un élément plus pur : il a oublié la basse affliction qui, ici et là, enserra son cœur, quand il croyait le cours du temps suspendu et qu'il se sentait comme embourbé dans un marais dor-mant. Le courant de la temporalité ne reste jamais calme ; tantôt il ruisselle doucement, tantôt il rugit avec violence ; mais partout souf-fle sur lui l'haleine de la vie...

Transportés dans la sphère des idées ou actions d'autres plus grands hommes, dit B., nous participons de leur esprit : nous pensons avec eux, même si nous ne pouvons œuvrer à leurs côtés, et nous nous réjouissons de leur existence. Plus pures sont les pensées, plus elles s'accordent entre elles ; la véritable Église invisi-ble est une, à travers toutes les époques et toutes les nations.

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN8

Page 11: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

Et c'est purifiés que nous voulons y entrer, mes amis, ajouta A., d'un cœur entier et les mains pures. Nul esprit de parti ne doit embru-mer nos yeux ; nulle flatterie ne doit déshonorer notre visage. Entre nous, comme disait l'apôtre, ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme ; nous ne faisons qu'un et qu'une4. Puisque c'est à nous-mêmes que nous écrivons, non pas au monde, nous avancerons, toute vaine nostalgie étant superflue ; pourquoi devrions-nous faire semblant ? Il ne vaudrait pas la peine de tremper la plume dans l'encrier ; il nous suffirait simplement de lire. -

"Lire !" répéta l'ensemble du chœur, mais il ignorait un détail, à savoir que quelqu'un d'ici, en ces lieux, avait lu ; tous étaient d'accord pour dire que la lecture est un remède pour l'âme, pour peu qu'elle soit ramenée à soi, par une analyse qui décortique et se répète souvent, comme si, par vœu ou en raison d'une comparution devant la Justice sacrée, elle se rendait à elle-même des comptes, en toute honnêteté, sur ce qu'elle a entendu, lu et vu.

Ces comptes, nous voulons nous les rendre les uns aux autres, continuai-je ; et ainsi fut scellé un lien d'humanité, peut-être plus authen-

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN 9

Page 12: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

tique et plus serein qu'aucun autre. A présent, mon ami, commencez ; nos amis, vous le savez, sont dispersés ; tous sont prêts, ils attendent votre signala.

2

Je tiens enfin entre mes mains la biographie d'un des hommes de notre siècle que je préfère, Benjamin Franklin, rédigée par lui-même, pour son fils ; malheureusement, il ne s'agit que d'une traduction française5, que d'une petite partie de ses mémoires, portant sur ses jeunes années précédant celles où il entra dans sa carrière politiqueb. S'il fallait que la politique des Anglais soit riche au point d'étouffer le reste

a Les noms des amis de cette correspondance n'ont pas été mis dans cette lettre : car, quels caractères saurions nous montrer que cette correspondance n'expose elle-même ?

b Ils sont aujourd'hui également traduits en allemand : Benjamin Franklin Jugendjahre, übersetzt von Bürger, Berl. 1792 [Les années de jeunesse de B. Franklin traduites par Bürger (Ndt)]

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN10

Page 13: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

et la totalité de ce qui persiste dans les langues primitives, vous déploreriez avec moi l'esprit déclinant des nations, mais laisseriez tout de même circuler ce livre parmi nous.

Vous savez en quel degré d’estime j'ai tou-jours tenu Franklin, à quel point j'apprécie sa saine intelligence, son esprit clair et beau, sa méthode socratique et, par-dessus tout, son sens de l'humanité, que dénotent même ses plus petits essais. Comme il sait, avec si peu de concepts clairs, remettre à leur place les matières les plus embrouillées ! Comme il sait en tout se tenir aux lois simples et éternelles de la nature, à des règles pratiques infaillibles, par besoin et intérêt pour l'humanité ! Quand on le lit, on se dit souvent : "Ne savais-je pas aussi cela ? Mais je ne voyais pas si clairement, et il s'en faut peu que cela devienne chez moi des maximes simples pour la vie." En cela, ses habits sont si légers et naturels, sa finesse d'esprit et sa gaité, si plai-santes, son cœur, si impartial et joyeux, que je pourrais le nommer l'écrivain populaire le plus noble, si je ne croyais pas le déshonorer en usant de ce qualificatif mal approprié. Entre nous, il n'y aura pas place pour le manque de respect ! Veuille Dieu que nous comptions dans toute

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN 11

Page 14: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

l'Europe, un peuple qui le lirait, qui entérinerait ses principes et agirait, vivrait en vue de son propre perfectionnement ; à quoi atteindrions-nous alors !

Les principes de Franklin vont bientôt par-tout instaurer la saine raison, la réflexion, le calcul, l'équité universelle et l'ordonnancement mutuel dans les plus petites et les plus grandes affaires humaines, bannir de notre esprit l'into-lérance, la vulgarité, la lourdeur, le rendre attentif à sa tâche, le mettre en situation de progresser doucement, de ne pas s'épuiser, le rendre assidu, circonspect et actif, en ce qu'il montre que chacun de ces exercices trouve sa récompense en lui-même, que toute négligence à leur égard, en général ou dans le détail, se pénalise lui-même. Il prend en charge les pau-vres, mais pas autrement qu'en leur ouvrant la voie de l'application sous la domination de la raison. A maintes reprises, il a prouvé qu'il voyait clairement et distinctement l'avenir, comment, à ses yeux, les affaires les plus embrouillées de la passion se résolvent en résul-tats simples.

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN12

Page 15: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

En entendant un tel homme parler de lui-même, raconter à son fils, au soir de sa vie, qui il est et comment il l'est devenu... qui ne sera agréablement instruit ?!

Alors prêtez l'oreille au bon vieillard, et vous trouverez dans sa biographie un contre-exemple absolu aux Confessions de Rousseau : de la même manière que celles-ci guidaient presque toujours follement l'imagination, celle-là n'abandonne jamais son bon sens, son zèle infatigable, son obligeance, son activité inventive, je pourrais même dire : sa grande stratégie et son panache. Accompagnez-le depuis l'échoppe de chande-liers jusqu'à l'atelier du coutelier, puis à l'impri-merie, de Boston à New-York, à Philadelphie, à Londres, etc. et voyez comment il est partout chez lui et sait trouver et se gagner des amis, jeter partout son regard dans le vaste univers et témoigner d'un esprit ambitieux dans chacune de ses relations. Comment, ici, la liste de connaissances et de compagnons qu'il construit se délitant, comment, là, tombant en ruine, il l'anticipe souvent et en use à son avantage : voilà qui est extrêmement riche d'enseigne-ment. Je ne connais quasiment aucun livre pour les jeunes gens, qui saurait si parfaitement être,

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN 13

Page 16: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

une école d'assiduité, de sagacité et de modestie égale à celle-là. Et avec quelle sérénité il raconte ! Heureux qui peut se retourner sur son existence, à la manière de Franklin, dont la Fortune a auréolé si glorieusement les efforts. Mon héros n'est pas celui qui inventa la théorie des courants électriques et l'harmonica6 (bien que ce soit un seul et même esprit qui œuvra à ces brillantes découvertes), mais celui qui était disposé à tout ce qui est utile et vrai, l'esprit travaillant avec la plus grande facilité, l'éducateur de l'humanité, le grand organisateur de la société humaine... qu'il soit notre modèle. Il faut qu'il le soit pour nous, même hors du contexte historique et national qui, certes, lui fut extrêmement favorable : car l'esprit de Fran-klin trouvait partout son chemin, même là où nous vivons.

Á cette fin, vous remarquerez notamment comment, au cours de son existence, et malgré sa pauvreté et la tournure mécanique de son métier7, il se forgea par lui-même une culture littéraire, comment il forma son style et fit à cet effet usage de tous les moyens mis à sa disposi-tion, en particulier l'imprimerie. Voyez com-ment il découvrit, dans cette activité, les procé-

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN14

Page 17: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

dés les plus populaires pour répandre ses idées dans le peuple et s'instruire par la voix des nations - journaux, almanachs8, affiches, formes des plus communes et des plus agréables. Enfin, voyez comment, au cours de ses jeunes années, il n'aima rien tant que s'enrichir au contact des sociétés savantes, dont les membres s'exerçaient les uns les autres. C'est pourquoi j'aimerais que tout adolescent de bonne constitution ait entre les mains ces années de jeunesse de Franklin. L'infortuné qui ne se confie pas y découvrira que jamais il ne sera abandonné de Dieu, grâce à l'organe immense et multiple de ce dernier : l'Humanité. Il sera ramené à ce que le jeune et noble Persée identifiait comme but de toutes les sagesses humaines :

Quid sumus ; et quidnam victuri iguimur ; ordoQuis datus ; aut metae quam mollis flexus et unde ;Quis modus argento ; quid fas optare ; quid asper ;Utile nummus habe ; patriae carisque propinquisQuantum elargiri decear ; quem te Deus esseJussit et humana que parre, locatur es in re, Disce -9

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN 15

Page 18: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

Je vous enverrai prochainement le plan de Franklin pour l'une des sociétés qu'il fonda par le passé ; faites remarquer à nos amis, en externe ou en interne, en quoi il nous rend service : ainsi la Philadelphie, pour laquelle cette société fut créée, pourra s'étendre partout.

QUESTIONS DE BENJAMIN FRANKLIN16

Une réunion du Junto

Page 19: J.G. von Herder, Questions de B. Franklin relatives à l'établissement d'une société de l'humanité

Cet ouvrage, premier titre de la collection Idées des éditions Grammata, a été achevé d'imprimer au mois de janvier 2010 sur les presses de Copy Média (Mérignac). Printed in France.

ISBN : 978-2-918863-00-7

Dépôt légal : janvier 2010