jean pépin. l'hermeneutique ancien

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Poétique 23 (Paris, 1975): . 291-300 Jean Pépin L'herméneutique ancienne Les mots et les idées Les pages que l'on va lire se proposent d'examiner, dans la grécité classique et tardive, le sens du verbe herméneuein et des substantifs ou adjectifs de la même famille, tels que herméneia, herméneus, herméneutès, herméneutikos (d'où « her-méutique »), etc. 1 . Sans doute estàl d'une bonne méthode, pour cette enquête, s'abstraire autant que possible des amplifications dont l'herméneutique a bénéficié depuis qu'elle vint se greffer sur la méthode phénoménologique 2 ou sur l'investigation analytique 3 . Sa traduction latine par interpretatio a joué un mauvais tour à l'herméneia. Car le substantif interpretatio, passé à peu près tel quel dans les langues euro- péennes modernes, a un préfixe très visible qui lui confère, avant toute spécifica- tion, le sens de base d' « entremise »; et cette acception prégnante s'est reportée sur herméneia, dont l'étymologie inconnue n'offrait aucune protection. Le résultat de cette contamination est que le mot grec en est venu à signifier « interprétation », et que l'herméneutique reçoit couramment aujourd'hui pour synonyme l'exégèse *. Or le sens originel de herméneuein et des mots apparentés, en tout cas leur sens

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Page 1: Jean Pépin. L'hermeneutique ancien

Poétique 23 (Paris,

1975): . 291-300

Jean Pépin

L'herméneutique ancienneLes mots et les idées

Les pages que l'on va lire se proposent d'examiner, dans la grécité classique et tardive, le sens du verbe herméneuein et des substantifs ou adjectifs de la même famille, tels que herméneia, herméneus, herméneutès, herméneutikos (d'où « her-méutique »), etc.1. Sans doute estàl d'une bonne méthode, pour cette enquête, s'abstraire autant que possible des amplifications dont l'herméneutique a bénéficié depuis qu'elle vint se greffer sur la méthode phénoménologique 2 ou sur l'investigation analytique 3.

Sa traduction latine par interpretatio a joué un mauvais tour à l'herméneia.Car le substantif interpretatio, passé à peu près tel quel dans les langues euro-

péennes modernes, a un préfixe très visible qui lui confère, avant toute spécifica-tion, le sens de base d' « entremise »; et cette acception prégnante s'est reportée

sur herméneia, dont l'étymologie inconnue n'offrait aucune protection. Le résultatde cette contamination est que le mot grec en est venu à signifier « interprétation »,et que l'herméneutique reçoit couramment aujourd'hui pour synonyme l'exégèse *.Or le sens originel de herméneuein et des mots apparentés, en tout cas leur sensprincipal, n'est pas celui-là; il n'est pas loin d'en être le contraire, si l'on accorde

que l'exégèse est un mouvement d'entrée dans l'intention d'un texte ou d'un mes-sage.

Car l'herméneia désigne le plus souvent l'acte d'exprimer, dont le caractèred'extraversion est, on va le voir, fortement souligné. Le plus connu des traités

anciens Péri herméneias est, à juste titre, celui d'Aristote; il trouve place dans lacollection logique dite Organon; mais la frontière entre dialectique et rhétorique

est indécise dans l'Antiquité, et le traité d'Aristote devait engendrer une postéritérhétorique 6. Ce philosophe ne définit pas expressément sa notion de l'herméneia,

1. Dont on verra à l'occasion les équivalents latins. On devine que la plus grande partie du matériel mis en œuvre ici provient des dictionnaires et index : Liddell-Scott-Jones, Lampe, Ast (Platon), Bonitz (Aristote), Leisegang (Philon), etc., sans oublier J. Behm, art. herméneuo, etc., dans Theohgisches Wôrterbuch zum Neuen Testament, t. U, Stuttgart, 1935, p. 659-662; pour interpretari et les mots de même famille, le Thésaurus Linguae Latinae. 2. Cf. P. Ricœur, « Existence et herméneutique », dans le Conflit des interprétations, Paris, Seuil, 1969, p. 7-9. 3. Cf. ibid., p. 124 sq.

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4. Cf. ibid., p. 7 : «... le problème herméneutique s'est d'abord posé dans les limites de l'exégèse [...] Si l'exégèse a suscité un problème herméneutique... »

5. Voir F. Solmsen, « Demetrios Péri herméneias und sein peripatetisches Quellenmaterial », dans Hermes, 66 (1931), p. 241-267, repris dans R. Stark, édit., Rhetorika, Hildesheim, 1968. p. 285-311.

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mais il la donne plusieurs fois à entendre : c'est la formule dont on use dans une définition, et qui, à ce titre, doit être le plus claire possible9; on pourrait traduire « discours » au sens rhétorique (où l'on parle des « parties du discours »); certains sophismes, dit en effet Aristote, relèvent de la forme du discours, ainsi quand de qui n'est pas identique s'exprime (herméneuetai) de façon identique; et, dans le courant de l'exemple qui suit, apparaît pour le verbe hermèneuein un synonyme qui est « signifier en parlant » (tei lexei sémainein) 7. Autre synonyme concourant, cette fois pour herméneia : c'est le « langage articulé » (dialektos), qui a en com-mun avec le sens du goût le fait que la nature se sert de la langue en vue de l'un comme de l'autre (mais le goût, nécessaire à la vie, est plus répandu dans le règne animal, et l'élocution [herméneia], ordonnée au bien-être, plus restreinte8).

Discours, parole, élocution, autant de mots qui suggèrent qu'il n'y a d'hermé-neia qu'humaine. Nullement; chez certains animaux aussi, la nature utilise lalangue à la fois pour la perception des saveurs et pour l'herméneia9; c'est le casdes oiseaux, qui usent de cet organe en vue de lherméneia mutuelle10. La fonctionainsi désignée déborde donc l'élocution humaine, qui, sous le nom de lexisn'en constitue qu'une espèce, celle qui opère par le moyen des mots 11. Un termerecouvre ces différents emplois, c'est celui de « langage »; comme le dit à peu presun éditeur classique de l'Organon, Yherméneia d'Aristote est une sémiologie,destinée à communiquer à l'extérieur les états d'âme12; à quoi l'on ajoutera queles exemples rencontrés incitent à restreindre ce langage au domaine sonore etvocal, à l'exclusion du geste et de l'écriture.

Un autre auteur digne d'être interrogé sur le même sujet est, à l'aube de l'ère chrétienne, Philon d'Alexandrie; car il s'agit, pourrait-on dire, d'un exégète professionnel, chez qui l'emploi d'herméneia au sens d'« interprétation », s'il était usuel, ne manquerait pas de portée. Mais il ne l'est pas. Philon utilise abon-damment le mot en contexte anthropologique, plus exactement dans une anthro pologie allégorique. Dieu, dit-il, a confié en dépôt aux hommes trois facultés, qui sont l'âme (ou l'intellect), la sensation et le langage (logos), et dont les actes sont respectivement les pensées, les images et les herméneiai13. Il y a en vérité deux logoi frères, mieux deux espèces du logos, l'une mentale, l'autre proférée, et c'est ce logos-ci qui est dit Vherméneus de celui-là 14; l'originalité de Philon est de mêler à ces considérations anthropologiques deux couples de frères de l'Écriture : Abel, le penseur irréprochable, succombe devant Caïn, le technicien de la parole; Moïse, l'intellect tout entier à la contemplation, s'adjoint Aaron qui figure le langage,

6. Aristote, Top., VI 1, 139 b 12-14.7. Réfut. sophistiques, 4,166 b l0-16; de ce texte et du suivant, on rapprochera les Définitions

pseudo-platoniciennes, 414 d, où l'adjectif herméneutikos apparaît deux fois (dont une comme épithète de « signe ») avec le sens de « indicateur », suivi ou non d'un complément.

8. De l'âme, H 8,420 b 17-20.9. Parua natur., De la respir., 11, 476 a 18-19.10. Des parties des anim., II 17, 660 a 35-36.11. Poétique, 6, 1450 b 14-15.12. Th. Waitz, Aristotelis Organon, t.1, Lipsiae, 1844, p. 323 : « sensu proprio hè herméneia

complectitur signa externa per quaecunque exprimuntur et cum aliis communicantur quae animum afficiunt. »

13. Philon, Quis rer. diuin. hères sit, 22, 108; cf. De cherub., 32, 113.14. De migrât. Abrah., 13, 71-73 ; sur le langage comme herméneus des délibérations de la pen-

sée sa sœur, cf. encore Quod deterius, 12,40.

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en sorte que la collaboration de ces deux derniers personnages signifie que, « ne pouvant communiquer ses richesses intérieures, l'intellect emploie le langage, son tout proche, comme un porte-parole (herménei) pour manifester ses conte-

Si l'on doutait encore que Yherméneia décrite dans ces textes fût une démarche expressive tournée vers l'extérieur, une activité de communication principalement orale, voici, tirés encore de Philon, d'autres traits sans équivoque. l'herméneia se constitue par le moyen d'un instrument naturel qui est la voix16; quand la langue

paralysée se refuse à l'herméneia, rien ne sert d'avoir eu des ancêtres méga-lophones17; le langage exprime (herméneuei) par le moyen de la langue et des

autres organes vocaux les pensées dont l'intellect est gros et, telle une sage-femme, il les amène à la lumière18. La discipline intéressée n'est autre que la rhétorique :

c'est elle qui exerce la parole en vue de l'herméneia 19, c'est elle qui enseigne à adapter à chaque sujet l'herméneia qui convient 20. Aussi apprend-on sans surprise

que l'herméneia, affaire de mots, est dévaluée par rapport aux réalités, qu'elle parente à une ombre et à une copie là où les objets exprimés seraient les corps

archétypes n.Il est notable que le même sens continue de prévaloir dans des cas où le contexte

pourtant l'exégèse, par exemple dans le traité De la vie contemplative,lorsque Philon décrit la communauté des Thérapeutes se livrant à la lecture

allégorique de la Bible : ils croient, dit-il, que les éléments de Yherméneia littéralesont les symboles d'une réalité cachée qui se révèle à mots couverts; il note plusloin que l'auteur du commentaire oral de l'Écriture doit prendre son temps, sansquoi l'intellect des auditeurs ne pourrait suivre son herméneia 22. Il ne serait pas

impossible de traduire dans les deux cas par « exégèse »; mais il est plus probableque Philon a en vue 1' « expression » littérale et l'« élocution » du commenta-

teurSans doute les termes de la famille de hermèneuein sont-ils, dans les textes que vient de parcourir chez Philon autant que chez Aristote, couramment tra-duits par « interpréter », « interprète », « interprétation »; et cela est admissible dans la mesure où ces derniers mots, par exemple dans le domaine musical ou théâtral, peuvent désigner l'action d'extérioriser par un moyen verbal ou sonore des contenus mentaux par eux-mêmes muets. Mais il est clair que, dans les deux series de textes cités, les mots hermèneuein, etc. s'entendent tous de l'expression et du langage, et jamais de l'« interprétation » prise au sens d'exégèse. Ainsi s'expliqueraient d'apparentes anomalies, par exemple que le mythe, que l'on est

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habitué à regarder comme l'objet de l'interprétation (au sens d'exégèse), en soit dit l'agent (au sens où l'interprétation est expression); témoin cette phrase d'un

15. De migrât. Abrah., 14, 78, et plus largement 13, 74-15, 84 (noter en 15, 84 deux mots de la famille hermèneuein pour qualifier la fonction d'Aaron, « bouche » et « prophète » de Moïse); Philon a consacré au meurtre d'Abel et au châtiment de Caïn tout un traité intitulé « Que géné-ralement le pire attaque le meilleur » (Quod deterius). 16. Quod deterius, 19, 68. 17. De uirtut., 36, 193. 18. Quod deterius, 34,127. 19. De congressu erud. gratia, 14,17. 20. De cherub., 30,105.

21. De migrât. Abrah., 2,12.22. De uita contempl., 3, 28 (avec la note très éclairante de Colson) et 10, 76.

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(Aquila) distinct des soixante-dix vieillards, et en la circonstance mieux avisé qu'eux.

Des observations du même ordre seraient valables dans la langue latine. Au cours des siècles, le sens de « traducteur » pour interpres devient tellement domi-nant que le mot cesse parfois de désigner l'exégète. On observe ce glissement à l'epoque carolingienne chez un théologien d'origine irlandaise; Jean Scot a. tra-duit en latin l'ensemble des traités du pseudo-Denys l'Aréopagite, puis il a com-menté l'un d'eux, la Hiérarchie céleste; or on a pu remarquer3l que, le plus sou. vent, il se présente comme expositor quand il évoque son œuvre de commentateur, tandis qu'il se dit interpres quand il pense à son travail de traduction proprement

dite

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294 Jean Pepinplatonicien du IIe siècle de notre ère : « dans les questions dont la faiblesse humaine, ne se rend pas clairement compte, le mythe est un interprète (herméneus) plus convenable 23. »De ce que herméneuein n'a pas toujours le sens de « faire l'exégèse », il ne s'ensuit pas, bien entendu, qu'il ne l'ait jamais; même si toute statistique compara-tive est impossible, les exemples de cet emploi abondent, et il suffira d'en citer un tout petit nombre parmi les plus nets. Grégoire de Nysse observe qu'après avoirtenu à ses disciples un propos obscur, Jésus « explique (herméneuei) ses propresparoles 24 ». Évoquant des écrits d'auteurs inconnus, l'historien Eusèbe de Césa-rée note que du moins ceux-ci étaient « orthodoxes et ecclésiastiques, comme ledémontre l'interprétation (herméneia) que chacun donne de la divine Écriture

25». La même acception n'est guère moins courante en latin; c'est ainsi que Sénèqueoppose parmi les philosophes, sous les noms d'auctores et d'interprètes, les tem-péraments créateurs et les « éternels commentateurs, qui s'abritent à l'ombre d'unautre 26 ».

Quantité de textes attesteraient donc l'emploi de herméneia pour désigner

l'exégèse biblique-, généralement, le mot se dit indifféremment de toute espèce d'exégèse; mais il arrive qu'il indique précisément l'allégorie, à l'exclusion des autres variétés d'interprétation. Les dictionnaires fournissent à cet égard un exemple lointain, mais incontestable, emprunté aux Trophées de Damas, texte de polémique antijuive daté du vu6 siècle; car ce dialogue met en scène un moine chrétien qui demande à son adversaire juif s'il reçoit l'Écriture « selon la lettre» (kata to gramma) ou s'il l'entend « au sens spirituel et selon l'interprétation » (kata anagoghen kai herméneian) ; et quand le Juif a répondu qu'il n'admet pas l'« interprétation », le moine lui oppose de nombreux passages de l'Ancien Testament inintelligibles selon là lettre 27.Il n'y a pas loin de herméneuein — « expliquer » à un autre sens, également très commun, du même verbe, qui est « traduire » d'une langue dans une autre. Le mot apparaît sans cesse dans cette acception, notamment pour désigner la traduction de la Bible hébraïque en grec par les soins des Septante; une page de Clément d'Alexandrie s'emploie à rappeler l'événement, et les mots de la famille herméneuein ne s'y rencontrent pas moins de six fois28. Mais ces mots ne sont naturellement pas réservés exclusivement à la prouesse des Septante; Justin nomme herméneia une autre traduction lue par des Juifs hellénisés, sur un point justement où elle se sépare de la Septante 29; et Basile nommera herméneutès un traducteur23. Maxime de Tyr, Philosophoumena, IV 5, éd. Hobein, p. 45,12-14. On rapprochera le fait que les mythes, tenus généralement pour objets d'exégèse, soient appelés parfois « exégètes » (exéghétai) de l'essence des dieux; ainsi Proclus, Commentaires sur la République de Platon, éd.Kroll,I,p.85,26-86,5.24. Commentaire sur le Cantique des cantiques, prooem., éd. Langerbeck, p. 9, 5 (il s'agit de Jean 4, 32).

25. Histoire ecclés., V 27.26. Lettre à Lucilius 33, 8.27. Les Trophées de Damas, éd. Bardy en Patrologia orientalis, t. XV, 2, p. 223.28. Stramate I 22, 148-149.

29. Dialogue avec Tryphon, 12A, 4..

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On pourrait donc regarder herméneuein — « traduire » comme un cas particulier de herméneuein — « expliquer », la traduction étant l'amorce nécessaire, et parfois suffisante, de l'explication lorsquele texte est rédigé dans un idiome inconnu du lecteur. En revanche, la dualité n'est pas douteuse entre l'hermèneia comme langage et l'herméneia comme exégèse : elle est, on l'a vu, celle d'une action ad extra (Philon, après les stoïciens, disait de façon caractéristique logos « profeté ») et d'un mouvement d'intériorisation (on entre dans l'intelligence d'un texte, on en pénètre le sens). Pourtant, les contaminations ne manquent pas d'une acception a l'autre; c'est ainsi que l'exégèse, après que l'exégète l'a opérée pour son propre compte dans l'intimité du texte, bifurque vers le langage quand il s'agit de la rendre publique; inversement, par exemple lorsque le locuteur n'agit pas en son propre nom, mais se fait porte-parole, son langage s'assortit plus ou moins d'une exegèse des intentions qu'il exprime. De là vient que, dans beaucoup de cas, l'on hésite entre les deux sens, pourtant nettement contrastés en eux-mêmes. Les professionnels de la mantique, les preposés aux oracles sont dits herméneutai des dieux auprès des hommes 32 , de même que les augures et les haruspices passent à Rome

pour deorum interprètes 33 . Veut-on dire qu'ils sont les exégètes des signes tenus pour divins (assimilables à un texte obscur), ou bien les porte-parole des dieux (lesquels ordinairement ne s'expri-ment pas eux-mêmes en langage humain)? Probablement l'un et l'autre; la balance pencherait vers la première hypothèse dans le cas de la formule latine rappelée à l'instant, puisque Cicéron poursuit en disant que les signes de 1'avenir sont toujours véridiques, sauf à être maltraités par l'interprétation humaine; à l'inverse, Platon ou l'un de ses proches estimait que la mantique et l'herméneu-tique (herméneutikè) « savent seulement ce qui est dit, mais ignorent si cela est vrai 34 »; cette compétence exclusive pour la littéralité du message, cette indiffé-rence à sa valeur de vérité font penser à la fidélité machinale du porte-parole plus qu'aux tourments de l'exégète.

30. Homélies sur l'Hexaém., I 6, PG 29, 17 A. 31. R. Roques, « Traduction ou interprétation? Brèves remarques sur Jean Scot traqucteurde Denys », dans The Mind Of Eriugena, éd. by J. J. O'Meara et L. Bieler, Dublin, 1973. p. 59-61.

32. Platon, Politique, 290 c.33. Cicéron, De natura deorum, II 4,12.34. Epinomis, 975 c.

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II n'est pas exclu qu'un même auteur, en deux pages voisines, passe sans encombre d'un sens à l'autre. Ce doit être le cas de Platon au début de son dia logue sur l'inspiration poétique intitulé Ion. Le rhapsode, est-il dit d'emblée doit être l'herméneus de la pensée du poète auprès des auditeurs 35 ; on hésite à trancher entre le porte-parole et l'exégète, mais on incline vers celui-ci quand on lit peu après qu'il revient au rhapsode, non seulement de déclamer Homère, mais de « parler sur Homère ». En revanche, on s'en écarte tout à fait dans la suite, quand on apprend que les vrais poèmes sont œuvre divine et non humaine, pour la rai son que le poète est possédé par un dieu qui fait exprès de choisir le rimeur le plus médiocre comme instrument du chant le plus sublime ; autant dire que la divinité use de hérauts, non d'analystes; c'est en ce sens qu'il faut prendre la for mule, répétée deux fois presque identiquement, selon laquelle les poètes sont auprès de nous, par grâce divine, les herménès des dieux 36 . Puis Platon revient aux rhapsodes pour les faire entrer dans un type de raisonnement par redoublé ment qu'il affectionne : ayant à herméneuein les œuvres des poètes, ils sont de ce fait des herménès d'herménès 37 , ce que les lignes précédentes engagent à traduire des « porte-parole de porte-parole » ; aussi bien l'emploi du rhapsode tel qu'il se trouve décrit alors est-il celui du récitant et de l'acteur, bref de l'« interprète» au sens esthétique du mot; mais voici que ne tarde pas à revenir la mention de l'autre moitié du métier, qui est de « parler sur Homère 38 », et par où le rhapsôde s'apparente au commentateur. Les deux sens principaux du verbe herméneuein on le voit, s'entrelacent non sans subtilité avec les deux fonctions du rhapsode; sans que l'on sache toujours bien dans quel registre on se trouve.

Il est intéressant d'éprouver, d'illustrer et de compléter les analyses qui précèdent en examinant les personnages et entités qui assument le plus souvent laqualité d'herméneus et en portent le nom.

Les philologues d'aujourd'hui sont sceptiques sur la possibilité d'une relations étymologique entre le verbe herméneuein et le nom du dieu Hermès 39, mais toute l'Antiquité a cru à l'existence d'une relation de ce genre. Les attestations de cet état d'esprit sont trop nombreuses 40 pour que l'on puisse analyser ici le contenu de chacune d'elles; on doit renoncer également à tracer le stemma selon lequel certaines d'entre elles proviennent de certaines autres, et se borner à observer que toutes doivent dépendre d'une façon ou d'une autre du témoignage de Platon, de

35. Ion, 530 c.36. Ibid., 534 e-535 a.37. Ibid., 535 a.

■,-,38. Ibid., 536 cd.39. P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, t. 1 p. 374

a, cite sans sympathie la thèse de Bosshardt, selon qui Hermès serait 1' « intermédiaire entre les dieux et les hommes, l'interprète ».

40. Voici la liste (approximativement chronologique) des principales d'entre elles : Platon, Cratyle, 407 e-408 b; Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, 116,2; Philon, Legatio ad Gaium, 13, 99; Aristide, Apologie, 10, éd. Hennecke, p. 23, 11; Justin, I" Apologie, 21, 2; Heraclite;, Allégories homériques, 28,2-3; Hippolyte, Elenchos, V 7,29, éd. Wendland, p. 85,19-20 (descrip tion des thèses d'une secte gnostique, les Naassènes); Porphyre, De imaginibus, fgt 8 Bidez, p. 17, 15-16; Macrobe, Commentaire sur le Songe de Scipion, 112, 14 (qui dépend sans doute de Porphyre et peut-être de Numénius); Augustin, Cité de Dieu, VII14 (probablement d'après Varron).

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beaucoup le plus ancien; néanmoins, comme ces différents textes se recouvrent en partie il est relativement facile de faire la somme des données qu'ils pro-

curent.Plussieurs d'entre eux restent dans le vague pour le sens des mots de la famillehermeneuein; tel l'historien Diodore de Sicile disant qu'Hermès a enseigné aux

Grecs qui concerne l'herméneia, ou l'apologiste chrétien Aristide quand ilfait du dieu un simple hermèneutès de discours (?). En dépit de son obscurité, ce

dernier texte a l'intérêt de mettre Hermès en rapport avec la notion de logos;car c'est le cas de plusieurs autres, dans lesquels ce mot reçoit d'ailleurs, de touteevidence, des sens différents. Quand Platon rattache au pouvoir du logos le carac-tere qui fait d'Hermès un herméneus, et quand il met ainsi sur pied la justificationetymologique, sans doute a-t-il en vue le langage en général; herméneus signifierait

alors < locuteur », ou mieux « porte-parole », comme le confirme le couplementavec anghelos, « messager ». D'autres préciseront davantage, et entendront le

langage humain; ainsi fait Macrobe à propos, non pas exactement du dieu Hermès,mais de la planète qui porte son nom, Mercure : l'âme qui descend s'incarner

traverse les sphères planétaires, et reçoit de chacune d'elles une qualité; à cellede Mercure, elle doit l'aptitude à « exposer et exprimer (interpretandi) ses pensées,

fonction que l'on appelle Vherméneutikon ». Augustin également bornera aulangage humain les suggestions étymologiques du nom d'Hermès-Mercure, dansune phrase qui mérite d'être citée en ce qu'elle renoue par-dessus les siècles avec

les ussges d'Aristote : « Mercure est en grec Hermès parce que le langage (sermo)-- ou l'élocution (interpretatio) qui relève assurément du langage — se dit en

grec herméneia. » Dans d'autres témoignages, le langage des hommes fait place à celui des dieux, Hermes doit son nom à ce qu'il désigne le langage qui herméneuei, ou encore l'hermèneia verbale, en d'autres termes la fonction expressive; cela dit, le commen-tateur Heraclite (comme faisait déjà le Cratyle selon certains manuscrits) associe Hermés à Iris pour voir en eux les messagers les dieux. Hermès ainsi appelé parce qu'il est l'herméneus et l'annonciateur des choses divines, c'est ce que l'on trouvait aussi chez Philon, qui par là joint à la connotation du mot l'idée d'une revelation du divin; dans un sens voisin, la phrase, d'ailleurs peu claire, de l'apo-logiste chrétien Justin semble donner Hermès pour le logos qui prête sa voix (herméneutikos) à son père Zeus et fait connaître toutes choses. Une particularité de ce dernier texte pourrait être que le dieu, qui, ailleurs, ne dépassait guère la realite d'une abstraction personnifiée, reçoit maintenant la consistance d'un principe, voire d'une hypostase; l'évolution se fait plus sensible dans la doxogra-phie d'Hippolyte sur la secte gnostique des Naassènes et dans le fragment de Porphyre; à ceci près que le premier traite du dieu Hermès, et le second de la planète Mercure, les deux textes s'entendent à faire du personnage le logos, démiurge universel et révélateur (herméneus, hermêneutikos) de toutes choses. Tous ces témoignages sur Hermès sont, on le voit, loin d'être limpides; mais aucun d'eux apparemment n'applique le verbe herméneuein à l'activité de l'exégète ; haussant le mot au niveau de panthéon classique, ils en infléchissent le sens usuel de «communiquer » en direction d'une spécification proche de l'idée de « révélation ».

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Quelques lignes avant d'en venir à Hermès fils de Zeus, logos et instructeur universel, Justin avait nommé le Verbe chrétien, premier-né de Dieu et notre didascale4I. On se gardera de forcer le rapprochement; mais il ne peut être fortuuit il rappelle que « herméneus du Père » est, dans la théologie trinitaire ancienne, un titre usuel du Verbe 42. La formule doit être issue de l'enseignement d'Origène puisqu'on la rencontre chez son disciple Denys d'Alexandrie, selon qui « le Père qui est l'Intellect souverain et universel, a primordialement le Fils pour son Verbe son révélateur (herméneus) et son messager 43 ». Un autre origénien, Eusèbe de Césarée, retiendra le mot dans le même emploi, disant par exemple que le Père murmure à l'oreille des hommes par le moyen de son Fils unique comme par un herméneus 44, ou encore qu'il a infligé la mort à Vherméneus de sa divinité 45 dans un emploi voisin, attesté encore par le même auteur, ce n'est plus le Verbe qui est dit le révélateur du Père, c'est lui dont on rapporte qu'il s'est mêlé à la vie des hommes par l'instrument de son corps mortel, comme le Grand Roi le, fait par le truchement de son héraut (herméneus) 46.

Les auteurs de textes sacrés sont eux-mêmes appelés hérauts de la divinité, On a rencontré plus haut une page de Clément d'Alexandrie où abondent les mots de la famille herméneuein pour désigner les Septante et leur version de la Bible; or voici que, tout de suite après, il est rappelé que Moise fut l'herméneus des lois sacrées 47; Clément ne peut vouloir dire qu'il les traduisit, mais sans doute: qu'il les rédigea en porte-parole de Dieu et sous sa dictée. Le même Clément applique ailleurs 48 le même substantif à saint Paul regardé comme écrivain sacré : il est Vherméneus de la voix divine; lherméneus de la piété divine, dira de lui un autre Alexandrin, Athanase 49. Autant de textes où le mot signifie clairement que les auteurs de l'Écriture parlent et écrivent à la place de Dieu.

Il ne sont d'ailleurs pas sans avoir eux-mêmes, parfois, leurs porte-parole, Un personnage du début du IIe siècle, proche des Apôtres, du nom de Papias, assure que l'évangéliste Marc n'avait pas connu Jésus; mais il écrivit sans omission ni erreur toutes les données fournies oralement par Pierre, aux pas de qui il s'était attaché, et qui n'eut pas lui-même le loisir de faire un recueil des logia du Seigneur; en considération de quoi Papias appelle Marc Vherméneutès de Pierre 50. Et c'est sans doute dans le même sens que Clément d'Alexandrie signale un autre her-

41. 1re Apologie, 21, 1; Justin réitère le rapprochement en 22, 2, appelant Hermès le logos annonciateur venu de Dieu, sur quoi cf. J. Barbel, Christos Angeles. Die Anschauung von Christus als Bote und Engel in der gelehrten und volkstümlichen Literatur des christlichen Altertums, collec-tion « Theophaneia », 3, Bonn, 1941, p. 8,61.

42. Cf. M. Harl, Origine et la fonction révélatrice du Verbe incarné, collect. « Patristica Sorbo-nensia », 2, Paris, 1958, p. 77, n. 22.

43. Cité par Athanase, De sententia Dionysii, 23, 4, éd. Opitz, p. 64, 1-2; le même Athanase prend à son compte l'essentiel de la formule (le Verbe « révélateur et messager ») dans son Oratio contra Gentes 45, 4-5, éd. Thomson, p. 122.

44. Eusèbe, De eccles. theologia, II 22, éd. Klostermann, p. 132,12-13.45. Théophanie, fgt 3, éd. Gressmann, p. 7 *, 9-10.46. Ibid., p. 6 «, 3-4.47. Stromate 122,150,4.48. Protreptique, IX 87, 4.49. Oratio contra Gentes, 19,11, p. 52.50. Cité par Eusèbe, Histoire ecclés., III 39, 15; peu après (§ 16), Papias emploie le verbe

herméneuein, mais c'est avec le sens, tout différent, de « traduire ». Ce texte est commenté par H. Marti, Übersetzer der Augustin-Zeit, Interpretation von Selbstzeugnissen, col. « Studia et testim. antiqua », XIV, Miinchen, 1974, p. 127-129.

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meneus de Pierre, que le gnostique Basilide se flattait d'avoir eu pour maître 51. porte-parole d'un auteur canonique qui, à ce titre, mérite le nom de porte-parole de Dieu, Marc se trouve en quelque sorte dans la situation d'être herméneus d'herméneus; il y aurait là une réduplication non sans analogie avec celle que Platon, on s'en souvient, constituait à l'aide du poète et du rhapsode.

La tradition philosophique platonicienne connaît enfin d'autres herméneis, qui sont des entités occupant, dans la hiérarchie universelle, un rang intermédiaire. C'est ainsi que l'âme, troisième hypostase selon Plotin, se trouve à mi-distance de l'intelligible et du sensible, bien placée pour assurer une communication de l'un l'autre; telle est la fonction que le philosophe nomme « herméneutique » : par sa médiation, l'âme met le sensible en liaison avec l'intelligible, elle est une sorte d'interprète (herméneutikè) des messages de l'intelligible au sensible et du sensible à l'intelligible 52 . » Ces lignes de Plotin, comparées à tous les textes rappe-lés ci-dessus, présentent une nouveauté considérable, en ce que l'action d'hermé-neuein ne se développe plus maintenant à sens unique, mais alternativement dans deux sens opposés; la situation médiane de Vherméneus est devenue essentielle, et doit apparaître dans la traduction du mot : médiateur, intermédiaire, inter-prête si l'on veut, sous réserve d'accentuer dans ce vocable l'idée d'entremise aux dépens de celle d'interprétation. Le platonisme n'avait d'ailleurs pas attendu la troisième hypostase de Plotin pour mettre au jour cette notion d'herméneia à double entrée. Dans une page celèbre du Banquet où il s'occupe de donner un statut à l'Amour, Platon en vient à définir une nature nouvelle, celle du démon : intermédiaire entre le dieu et le mortel, elle remplit l'intervalle, elle est le lien qui retient ensemble le Tout; d'autre part, elle permet aux dieux de communiquer avec les hommes par toutes sortes de rites divinatoires et magiques, elle fait monter vers les uns sollicitations et sacrifices, elle fait descendre vers les autres ordres et faveurs. Bref, un double transit, ascendant et descendant, sur lequel la nature démonique a pouvoir; or, c'est pour traduire cet échange et ce relais que Platon emploie le verbe hermé-neuein : ainsi le démon « fait connaître (herméneuon) et transmet aux dieux ce qui vient des hommes et aux hommes ce qui vient des dieux 53 ».

Cette analyse offre un exemple de l'importance prise par la démonologie chez Platon; mais les démons continuent d'occuper le devant de la scène autour de lui et bientôt après lui, dans l'ancienne Académie; ils ont toujours pour habitat un entre-deux, pour fonction principale la médiation et la double transmission de l'information, et c'est à ce propos que surviennent encore les mots de la famille herméneuein. C'est le cas dans l'Epînomis, dont l'authenticité platonicienne n'est pas assurée : entre les démons de l'éther et les habitants terrestres, y lit-on, se tiennent les démons aériens qui assurent la communication (herméneia) et méri-tent d'être honorés pour leur entremise favorable 54; car ils font connaître (her-

51. Strotnate VU, 17, 106, 4.52. Ennéade IV, 3 [27] 11,18-20; Plotin parle en réalité du soleil de là-haut, du soleil d'ici-bas, et

de l'âme de celui-ci.53. Banquet, 202 e, et plus largement 202 d-203 a.54. Epinomis, 984 e.

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méneuesthai) à leurs congénères et aux dieux supérieurs ce qu'il en est de tous leshommes et de toutes choses, favorisés qu'ils sont par leur situation médiane entreciel et terre, et par la légèreté de leur mouvement dans l'une ou l'autre direc-tion55 .

Si l'Epinomis accorde aux démons la fonction de l'herméneia, l'accent y est mis à peu près exclusivement sur l'aspect ascendant de la communication. Mais l'équilibre entre la montée et la descente de l'information, respecté dans le Banquet redevient la règle dans un état ultérieur de la démonologie platonicienne. Car celle-ci s'étale dans la synthèse scolaire que tente, au IIe siècle de notre ère, l'écri-vain de langue latine Apulée : les démons acheminent d'ici-bas prières et demandes de là-haut dons et secours, en sorte qu'ils sont, pour les dieux et les hommes, des intermédiaires (interprètes) porteurs de salut56; ministres des dieux, gardiens des hommes et leurs interprètes (interprètes) s'ils attendent des dieux quelque faveur, voilà les démons 57. L'intérêt de ces pages d'Apulée est en outre de faire voir comment le latin tardif a rendu le grec herménès; on rencontre d'ailleurs de ce mot d'autres traductions latines encore sous la plume d'Augustin, qui a pris la démonologie païenne pour cible et Apulée pour son meilleur représentant; car c'est précisément contre la prétendue médiation des démons qu'Augustin s'emporte; il refuse qu'ils tiennent le milieu entre les dieux et les hommes, tam-quant internuntios et interprètes 58, et encore qu'ils soient interprètes et intercessores inter deos et hommes 59 .

On aura remarqué que ces textes latins, pour rendre le grec herménès appliqué aux démons, choisissent plusieurs mots, qui tous comportent le préfixe inter-(

Cette traduction, dans le cas particulier considéré, doit être liée au fait que l'her-méneia accomplie par les démons, à la différence de tous les autres cas répertoriés, ci-dessus, est un Janus à double face, inséparable de l'idée de médiation; celle-ci s'imposant au détriment des autres composantes sémantiques, on s'explique que Vherméneia en soit venue à être rendue par des mots qui évoquent, avant tout autre sens, celui d'une interposition. Est-ce à dire que, pour faire droit à sa traduction par interpretatio dont on a signalé plus haut les méfaits, la notion même l'hermé-neia soit devenue différente de ce qu'elle était, par exemple, chez Aristote? C'est peu probable; l'activité d'« interprètes » que l'on a vu attribuer aux démons se laisse ramener pour l'essentiel à un langage, dont l'orientation dans deux direc-tions opposées n'altère pas la nature; or tel était en gros le sens aristotélicien; rien en cela n'évoque, même de loin, l'« interprétation », l'« herméneutique » au sens actuel, c'est-à-dire l'exégèse, qui n'est décidément que l'une des possibilités sémantiques de l'herméneia, non pas sans doute la plus importante, ni probablement la plus originelle. Le lecteur aura compris que ce rappel (car tout cela est fort connu) constitue la thèse des pages qu'il vient de parcourir.

Centre National de la Recherche Scientifique, Paris.

55. Epinomis, 985 ab.56. Du dieu de Socrate, 6,133.57. De Platon et de sa doctrine, 112,206.58. Cité de Dieu, VIII 22.59. Ibid., VIII 24.