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Janvier 1943 1 – La guerre en Méditerranée La Wehrmacht a encore des dents 1 er janvier Requiescat in pace pour un guerrier Alger, 03h45 – Une nouvelle crise cardiaque emporte le général Delestraint. Sa mort est largement due à l’accumulation de l’épuisement et de la tension après les deux années et demie d’un travail acharné à reconstituer l’Arme Blindée de la France, dont il a pu personnellement voir les premiers fruits lors de la campagne de Sicile. Il sera nommé à titre posthume Compagnon de la Libération. La campagne d’Italie Front italien La 14 e DI Française laisse ses positions à la 46 e DI britannique et vient renforcer le flanc est de la 3 e DB. Le corps d’armée franco-américain commandé par le général Jean de Lattre comprend donc la 1 ère Brigade Blindée belge (sur la côte), le groupe de combat réuni autour de la 102 e Division motorisée italienne Trento, la 34 e DI-US, la 3 e DB française et la 14 e DI française, appuyés par les 17 e et 36 e Régiments d’Artillerie US et la 12 e Brigade d’Artillerie de Corps d’Armée française. Ce corps d’armée doit lancer une offensive le long de la côte, et la journée se passe en préparations destinées à débusquer et détruire les 88 mm allemands. À cet effet, des attaques localisées menées par des éléments blindés sont lancées sur toute la largeur du front, sous le couvert de l’artillerie qui cherche à engager les canons allemands dès que ces derniers se démasquent. L’artillerie de campagne allemande subit de lourdes pertes, elle est assez rapidement muselée. L’aviation tactique intervient également pour préparer le terrain, ce qui provoque des combats violents avec des éléments du X e FK, qui, à peine reconstitué, a dû supporter tout le poids des combats aériens depuis huit jours et où les I/JG77 et II/JG77 ont dû être amalgamés. On ne note qu’une attaque de Jabos, menée par des appareils de la II/JG2 et qui se solde par trois appareils abattus par la DCA alliée. Le X e CA britannique (Ritchie), qui occupe maintenant la position centrale, passe la journée à se réorganiser avant d’affronter la Das Reich et la brigade motorisée GrossDeutschland, renforcées par les hommes de la 162. ID. Quant au V e CA (Allfrey), ses unités d’avant-garde engagent les 52. et 112. ID allemandes, renforcées dans la journée par deux bataillons indépendants de Panzers, détachés des écoles qui se trouvent dans le sud de l’Autriche. Reggio de Calabre (résidence du Roi et du gouvernement Badoglio) – Les informations transmises par le duc d’Acquarone sont reçues plutôt fraîchement par l’entourage du Roi. Il faut plus de trois heures au maréchal Badoglio et au général Ambrosio, accouru de Rome, pour expliquer à Sa Majesté que ces nouvelles ne sont pas aussi désastreuses qu’il semblerait et que les Alliés laissent une porte ouverte à l’Italie pour s’intégrer progressivement dans leur coalition. Le général Ambrosio en profite pour réclamer que le plus possible de forces italiennes puissent reprendre le combat au plus vite, puisque de leur comportement au combat dépendra le statut de l’Italie. Le point le plus critiqué par l’entourage du souverain est la clause de dé-fascisation des administrations, qui est vue comme une attaque masquée contre la monarchie. Quant aux militaires, ce sont plutôt les conditions du rééquipement italien qui les font grincer des dents. Il est cependant convenu que le général Ambrosio et un collaborateur du ministre des Finances se rendront à Alger dès le lendemain pour négocier le rachat du matériel italien capturé (ils ignorent que le matériel saisi en Afrique a en grande partie été expédié aux

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Janvier 19431 – La guerre en MéditerranéeLa Wehrmacht a encore des dents

1 er janvier Requiescat in pace pour un guerrierAlger, 03h45 – Une nouvelle crise cardiaque emporte le général Delestraint. Sa mort estlargement due à l’accumulation de l’épuisement et de la tension après les deux années etdemie d’un travail acharné à reconstituer l’Arme Blindée de la France, dont il a pupersonnellement voir les premiers fruits lors de la campagne de Sicile. Il sera nommé à titreposthume Compagnon de la Libération.

La campagne d’ItalieFront italien – La 14e DI Française laisse ses positions à la 46e DI britannique et vientrenforcer le flanc est de la 3e DB. Le corps d’armée franco-américain commandé par legénéral Jean de Lattre comprend donc la 1ère Brigade Blindée belge (sur la côte), le groupe decombat réuni autour de la 102e Division motorisée italienne Trento, la 34e DI-US, la 3e DBfrançaise et la 14e DI française, appuyés par les 17e et 36e Régiments d’Artillerie US et la 12e

Brigade d’Artillerie de Corps d’Armée française. Ce corps d’armée doit lancer une offensivele long de la côte, et la journée se passe en préparations destinées à débusquer et détruire les88 mm allemands. À cet effet, des attaques localisées menées par des éléments blindés sontlancées sur toute la largeur du front, sous le couvert de l’artillerie qui cherche à engager lescanons allemands dès que ces derniers se démasquent. L’artillerie de campagne allemandesubit de lourdes pertes, elle est assez rapidement muselée. L’aviation tactique intervient également pour préparer le terrain, ce qui provoque des combatsviolents avec des éléments du Xe FK, qui, à peine reconstitué, a dû supporter tout le poids descombats aériens depuis huit jours et où les I/JG77 et II/JG77 ont dû être amalgamés. On nenote qu’une attaque de Jabos, menée par des appareils de la II/JG2 et qui se solde par troisappareils abattus par la DCA alliée.Le Xe CA britannique (Ritchie), qui occupe maintenant la position centrale, passe la journée àse réorganiser avant d’affronter la Das Reich et la brigade motorisée GrossDeutschland,renforcées par les hommes de la 162. ID. Quant au Ve CA (Allfrey), ses unités d’avant-gardeengagent les 52. et 112. ID allemandes, renforcées dans la journée par deux bataillonsindépendants de Panzers, détachés des écoles qui se trouvent dans le sud de l’Autriche.

Reggio de Calabre (résidence du Roi et du gouvernement Badoglio) – Les informationstransmises par le duc d’Acquarone sont reçues plutôt fraîchement par l’entourage du Roi. Ilfaut plus de trois heures au maréchal Badoglio et au général Ambrosio, accouru de Rome,pour expliquer à Sa Majesté que ces nouvelles ne sont pas aussi désastreuses qu’il sembleraitet que les Alliés laissent une porte ouverte à l’Italie pour s’intégrer progressivement dans leurcoalition. Le général Ambrosio en profite pour réclamer que le plus possible de forcesitaliennes puissent reprendre le combat au plus vite, puisque de leur comportement au combatdépendra le statut de l’Italie.Le point le plus critiqué par l’entourage du souverain est la clause de dé-fascisation desadministrations, qui est vue comme une attaque masquée contre la monarchie. Quant auxmilitaires, ce sont plutôt les conditions du rééquipement italien qui les font grincer des dents.Il est cependant convenu que le général Ambrosio et un collaborateur du ministre desFinances se rendront à Alger dès le lendemain pour négocier le rachat du matériel italiencapturé (ils ignorent que le matériel saisi en Afrique a en grande partie été expédié aux

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Chinois) et l’achat des chars que les Français semblent disposés à céder, car le rééquipementdes troupes italiennes est une nécessité urgente. Le Roi et ses ministres font alors le point sur la situation des troupes italiennes dans lesBalkans. Le sort le plus tragique semble avoir été réservé au XVIIe Corps d’Armée : lesofficiers de la 131e Division cuirassée Centauro et de la 14e DI Isonzo ont été massacrés. Unetentative de résistance du 7e Régiment de Cavalerie Lanciere di Milano a abouti au massacrede la totalité des officiers et de la plupart des hommes. Les hommes de la 1 ère Division RapideEugenio di Savoia ont eux aussi tenté de résister et beaucoup d’entre eux ont été exécutés ; enrevanche, une partie de l’encadrement s’est ralliée aux Allemands. Les nouvelles sontmeilleures à l’ouest du Péloponnèse : la 4e DI Alpine Cuneense et la 53e DI de MontagneArezzo ont réussi à faire leur jonction avec les troupes alliées et peuvent être considérées ensécurité, même si les pertes en équipement ont été importantes. En revanche, la moitiéseulement de la 18e DI Messina (qui se trouvait en retrait du front) a pu se sauver, le reste aété capturé. Le repli des troupes allemandes du Péloponnèse est, semble-t-il, en cours.Certaines des divisions d’occupation de la Yougoslavie et la plupart des troupes stationnéesen Albanie semblent être en mesure de résister aux Allemands. D’autres se sont ralliées aunouveau gouvernement national-fasciste. Les autres ont été désarmées sans trop de mal parleurs anciens alliés. La plus grande confusion règne encore en bien des points.Le Conseil des ministres envisage alors quel soutien aérien peut être accordé, avec l’accorddes Alliés, aux troupes qui résistent aux Allemands. Dans ce but, les éléments de la RegiaAeronautica qui ont pu échapper à la destruction ou à la capture sont en voie de concentrationsur les aéroports de Cosenza, Monserrato et Tarente. L’ordre est donné d’effacer toutes lesmarques fascistes des appareils, qui devront désormais adopter les couleurs nationales et laCroix de Savoie.Enfin, pour soutenir les troupes d’Albanie, le Conseil décide de demander aux Alliésd’autoriser certains des navires de la Regia Marina à reprendre les opérations en Adriatique.………Alors que le Conseil s’achève, une bonne nouvelle vient mettre un peu de baume au cœur desparticipants (ou au moins de certains d’entre eux) : la princesse Marie-José et ses trois enfantssont arrivés à Reggio.

La libération de la CorseCorse – Des avions de transports français font la navette entre Alger et Ajaccio pour conduireen Corse des hommes et du matériel (dont un radar). On comptera ainsi 67 rotations de DC-3,5 de C-60 (Lodestar), 4 de DC-2 et 14 de LeO-451. Pendant que ces renforts arrivent, les Mustang II du groupe II/7 se desserrent sur Calvi-SainteCatherine, et les avions du I/7 montent des vols de reconnaissance armée sur la côte toscane.Les B-25 de la 31e EB montent des missions de surveillance sur l’île d’Elbe. Dans l’après-midi enfin, ce sont 5 Hudson III de l’escadrille E5 qui se posent à leur tour à Ajaccio pourorganiser des vols de patrouille anti-sous-marine sur le trajet Alger-Ajaccio.

La campagne des BalkansDalmatie – La plupart des trois mille déportés juifs de l’île de Rab, libérés quelques joursplus tôt par les Partisans titistes, ont pu être évacués vers le continent à bord de barques depêche et de petits caboteurs réquisitionnés, ébauche d’une marine des Partisans. Tropaffaiblis, 204 déportés resteront sur place. Aucun ne survivra.Parmi ceux qui ont pu rejoindre le continent, trois cents, les moins épuisés, ont rejoint lesrangs des Partisans, mais que faire des autres ? L’officier de liaison français, le capitaineMalec (dans le civil, le Père Natlacen) envoie à Alger un message demandant des moyens

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exceptionnels pour les mettre hors de portée des Allemands et de leurs auxiliaires oustachis,tout aussi partisans de la « solution finale du problème juif ».

Paramythia (Epire) – Le général Umberto Ricagno, chef de la 3e Division Alpine Julia, estfurieux. Il a quitté précipitamment sa garnison d’Igoumenitsa pour se porter au secours desChams (Albanais d’Epire) prétendument menacés de massacre par les Grecs, et il se rendcompte que cette menace a été inventée de toutes pièces par deux chefs de milice locale, lesfrères Nuri et Mazar Dino, désireux d’obtenir des armes et du ravitaillement. « Je devraisvous faire fusiller, mais les Grecs s’en chargeront ! » lance-t-il aux deux frères. Pour ne rienarranger, la neige se met à tomber et son unique poste de radio est en panne : il n’arrive àjoindre ni Igoumenitsa, ni l’état-major du XXVIe Corps d’Armée à Ioaninna.

Salonique – Le général d’aviation Löhr, commandant en chef du secteur Sud-est, prépare sareconquête des Balkans. Sur sa carte s’étalent de vastes territoires insoumis : en Bosnie, auMonténégro, en Grèce centrale… Le plus gênant est l’Albanie avec Tirana : après la perte deRome, il n’est pas acceptable qu’une autre capitale européenne, même d’un petit pays obscur,échappe à la domination du Reich. La 173. Jäger-Division du lieutenant-général Heinrich vonBehr est à Graz (Autriche), prête à partir pour l’Albanie dès que possible. Le 329e Rgtd’Infanterie, formé de transfuges musulmans de l’armée soviétique, la rejoindra dès qu’il auraenlevé le château de Trujak, en Slovénie 1. Pour transporter ces deux unités, Behr hésiteencore entre la voie terrestre, pleine de dangers, et la voie maritime, qui ne vaut pas mieux.

La campagne de GrèceOpération TentSamothrace – L’aimable major-général Frederick Browning, qui avait commandé les troupesaéroportées britanniques en Sicile, a été victime de son succès : le général Clark l’a appeléauprès de lui comme chef d’état-major des forces aéroportées alliées. C’est donc le petit et secbrigadier George “Hoppy” Hopkinson qui est chargé de commander le saut sur Samothrace.“Hoppy” passe, à tort ou à raison, pour un des officiers les plus impatients et les plusdésagréables de l’armée de Sa Majesté. Il est secondé par le jeune brigadier à titre temporaireErnest Edward Down, chef de la 2e Parachute Brigade, que sa calvitie précoce et sa minefunèbre ont fait surnommer “Dracula”. Leur médiocre sociabilité complique sérieusementleurs rapports avec leurs homologues français et grecs. Cependant, Down est très populaireauprès de ses hommes, ce qui n’est pas vraiment le cas de Hopkinson.Sous leurs ordres, tout d’abord, la 2e Parachute Brigade. Sa composition est très britannique :un bataillon anglais du Wessex, un écossais et un gallois. Hopkinson, tirant les leçons desexpériences de Sicile et de Tarente, estime que des parachutistes ne peuvent tenir le terrainque peu de temps sans un renfort d’artillerie et de logistique : ce sera le 1st Airlanding Rgt,Royal Artillery. Les “Diables Rouges” au béret amarante vont devoir se coordonner avecdeux autres unités : d’une part, le 2e Bataillon des Royal Irish Fusiliers, qui jouera le rôle dedeuxième vague, d’autre part les commandos du Special Boat Service, au particularisme trèsdéveloppé et qui font semblant d’ignorer qu’ils sont désormais rattachés au Special AirService (SAS). Cerise sur le gâteau, les Grecs du Bataillon Sacré, aussi fameux pour leurindiscipline que pour leur bravoure, seront de la partie.………Concernant les unités de l’Axe présentes dans l’île, “Hoppy” ne dispose que d’informationsincomplètes. Il sait que la garnison de l’île est normalement assurée par un bataillon italien, le

1 Le 329e RI dépendait à l’origine de la 162. Infanterie-Division, reconstituée après Smolensk, mais les deuxrégiments d’infanterie “allemands” de cette division, plus avancés dans leur entraînement, ont été envoyés enurgence contrôler le secteur de Pescara, en Italie centrale.

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II/4e RI de la 29e Division d’Infanterie Piemonte 2. Ce bataillon semble s’être rallié à la causede la monarchie italienne. La citadelle de Kamariotissa, l’agglomération principale, est tenuepar les Allemands du XII. Festungs-Infanterie-Bataillon 999 : un bataillon d’infanterie deforteresse que le numéro 999 signale comme une unité disciplinaire formée de repris dejustice. Rien d’insurmontable en apparence. Cependant, Hopkinson n’a pas assez tenu comptedes avertissements du SBS, signalant l’arrivée, depuis très peu de temps, de nouveauxéléments allemands.Certes, après le changement de camp des Italiens, le XII. Festungs aurait pu s’accommoderd’un statu quo avec le II/4e RI, voire être replié sur le continent, Samothrace, trop éloignée etdifficile à ravitailler, apparaissant comme une position sacrifiée. Mais le Führer ne l’a pasentendu ainsi : depuis Limnos, il est très sensible à la défense des îles grecques et croit queleur possession est nécessaire au maintien de la neutralité turque. Le général Löhr a donc dûprélever sur les maigres réserves du Groupe d’Armées Sud-Est une force chargée d’en assurerle contrôle contre vents et marées : la SturmBrigade NordÄgäis, commandée par le généralWilhelm-Friedrich Müller et composée d’un bataillon de la 22. ID Luftland [aéroportée] etquelques pièces de DCA. Elle a débarqué sur l’île dans la nuit du 30 au 31 décembre.Dès le 31 décembre à l’aube, les Allemands ont occupé le port, désarmé une partie desItaliens et fusillé pour l’exemple les officiers sur lesquels ils ont pu mettre la main. Les reprisde justice du XII. Bataillon 999 ont aussitôt entrepris de rançonner les habitants. Le reste destroupes italiennes s’est replié vers Chora, le chef-lieu, dans l’intérieur, et vers la confortablestation thermale de Loutra. L’ouest de l’île sert de refuge précaire aux civils de Kamariotissa,tandis que l’est, montagneux et difficile d’accès, semble vivre hors du temps sous la cime dumont Fengari.Müller a décidé de lancer dès le 1er janvier un coup de main sur Chora. Il n’a pas encore reçules renforts qui lui ont été promis – quelques éléments de la 113. ID. doivent arriver dans lespremières nuits de janvier – mais il sait qu’il n’a que peu de temps avant la grande tempêtequi vient d’Europe du Nord et que les services météo de la Wehrmacht ont signalée. Maiscette tempête devrait décourager toute tentative franco-britannique dans son secteur.………L’attaque britannique, à l’aube du 1er janvier, commence par une catastrophe : le vieuxcroiseur HMS Penelope, qui devait déposer près de Kamariotissa le 6e Bataillon gallois de la2e Parachute Brigade, saute à quelques secondes d’écart sur deux mines posées vingt-quatreheures plus tôt par les petits bâtiments qui avaient amené la Sturmbrigade. Le Penelopesombre en trois minutes. Le bataillon perd 58 morts et 150 blessés (plus 48 morts dansl’équipage), sans parler d’une grande partie de son matériel. Il est totalement désorganisé. Les forces parachutées, dispersées par un vent violent et un terrain accidenté et morcelé, nepeuvent apporter qu’une faible contribution à l’attaque principale. Seul le Bataillon Sacréatteint son objectif, la station thermale de Loutra, où il désarme un petit détachement italien.Le bain chaud de Loutra restera un des rares bons souvenirs d’une campagne plutôt ingrate !Autre succès : au sud de l’île, les SBS débarquent sans aucune résistance dans le petit port deLakkoma. Enfin, dans l’après-midi, le capitaine Lord Jellicoe négocie sans grande difficulté leralliement de la garnison italienne de Chora.Mal commencée, la journée finit mal : le général Hopkinson, alors qu’il supervise l’attaque deKamariotissa abrité derrière un muret, est touché à la tête par un tireur d’élite de la22. Luftland. “Dracula” Down prend le commandement d’une opération mal engagée.

2 La 29e Division d’Infanterie Piemonte (général Adolfo Naldi) est stationnée de Katerini à Salonique, où setrouve son Q.G. Elle comprend les 3e, 4e et 303e RI Piemonte, la 166e Légion CCNN d’assaut Peloro (à deuxbataillons) et le 24e RAD Peloritani (groupe I avec 12 obusiers de 100/17, II avec 12 canons de 75/27 et III avec12 obusiers de 75/13). Le 4e RI assure la garnison des îles de Thasos (I et III/4e RI) et de Samothrace (II/4e RI).

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A l’assaut !Sparte – Au QG allié, l’opération Tent a des conséquences presque aussi violentes que latempête qui se prépare. Giraud ne décolère pas : « Si Rommel devait lancer une offensivecontre nous, je pense que je serais mis au courant plus vite que je ne l’ai été de cetteopération des Anglais ! La seule excuse de Cunningham est que la décision a été prisedirectement à Londres et, à coup sûr, pour dissimuler l’importance du succès de Ciseaux ! »Avant qu’il n’invoque les mânes du capitaine Marchand et de Fachoda, Dentz lui faitremarquer que, dans le fond, il faut se réjouir que les Britanniques sortent de l’immobilismequ’ils observent dans le Péloponnèse depuis Noël. Mais Giraud prend le mors aux dents :« Eh bien nous allons voir ! Dès demain, j’ordonne à toutes les forces sous moncommandement, c’est à dire à l’Armée d’Orient et aussi à la 8e Armée, de passer à l’offensivesur tout le front ! »Malgré les réticences de Dentz, voire les appels discrets à Londres et à Alger, où l’on nesouhaite pas paraître s’opposer à une offensive de libération d’un pays allié, les ordres partent,non seulement pour les QG d’armée, mais pour toutes les unités jusqu’au niveau de labrigade ! Bien entendu, ces ordres manquent de précision, mais ils sont clairs : profiter duretournement italien pour avancer sur tout le front.Dans les airs, la RAF s’est réveillée depuis le lancement de “Tent” et les forces aériennesalliées se heurtent à la chasse allemande, qui couvre les bâtiments de toutes tailles quitransfèrent prisonniers italiens, matériel, ravitaillement et personnels des unités allemandes duPéloponnèse vers la Grèce centrale, à l’est comme à l’ouest de Corinthe.

2 janvierLa campagne d’ItalieFront italien – Le corps d’armée franco-américain (et italien) lance l’offensive prévue laveille. La 34th DI-US avance jusqu’à l’entrée sud de Civitavecchia, mais les Allemandstiennent toujours la ville ; les Américains s’emparent cependant des collines qui entourent lapetite ville d’Allumiere, au nord-est. La Trento s’avance autour du lac de Vico sans réussircependant à déboucher sur Viterbo et Vetralla. Les Français progressent dans la plaine jusqu’àla coupure au sud d’Orte et dans les collines au sud de Narni jusqu’à Strocone, mais la 14e DIn’arrive pas à déboucher au-delà de la ligne Contigliano, Rieti, Cantalice.Pendant ce temps, la réorganisation continue. La 1st Armored Division américaine et labrigade Tancrémont se retirent du front pour se réorganiser. Les Américains passent enposition arrière vers Anguillara Sabazia pour recompléter leur matériel et leurs effectifs aprèsles combats de fin décembre, où ils ont subi de lourdes pertes et pris quelques duresleçons. Les Belges vont occuper un secteur entre l’aile gauche de la 3e DB française et lesformations italiennes vers Soriano Nel Cimino et Vasanello.

La campagne de Grèce et des BalkansOpération TentSamothrace – Les forces britanniques se regroupent et se réorganisent. Kamariotissa esttoujours aux mains des Allemands, mais une attaque est prévue pour le lendemain, encollaboration avec les Italiens, qui se montrent très désireux de venger leurs morts du 31décembre.Pendant ce temps, la 127e Parachute Field Ambulance du Lt-col. Parkinson est débordée parles jambes cassées de la veille et les blessures par balles. Heureusement, une infirmerie derenfort commence à fonctionner à Loutra dès ce jour ; le personnel militaire britannique etitalien et les civils grecs y travailleront durant toute la campagne dans une harmonieexceptionnelle.

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A l’assaut !Péloponnèse – Sur tout le front français, c’est-à-dire dans l’ouest de la presqu’île, les unitésse sont mises à avancer, prudemment mais de bon gré. A l’est du front, la majeure partie desforces de la 8e Armée sont encore en train de « s’organiser pour préparer la progression »,mais en Argolide, les Grecs se sont lancés à l’attaque avec ardeur ! Hélas, c’est sans doute làque la résistance allemande est la plus ferme.Cependant, en général, la défense ennemie est sporadique et les mines font plus de victimesque les tirs. Côté français notamment, les soldats qui avancent voient beaucoup plus d’Italiensque d’Allemands, mais ce sont des centaines d’hommes qui avancent à découvert, brandissantdes drapeaux blancs et des pavillons vert-blanc-rouge aux armes de la maison de Savoie.Mettre un peu d’ordre dans cette foule, désarmer ces hommes en douceur, leur trouver àmanger, les envoyer rejoindre les unités qui se sont rendues depuis le 25 décembre etorganiser le transfert de tout ce monde vers l’Italie est pour les services alliés une épreuved’autant plus difficile qu’elle est inattendue ! L’activité aérienne est toujours soutenue au-dessus des golfes de Patras, de Corinthe et deSaronique, dont les eaux sont sillonnées dans la journée par de nombreux petits bateaux – lesunités de plus grande taille sont tenues à l’abri et ne sortent que la nuit.

Trahisons et contre-trahisonsIgoumenitsa – Le 98e Régiment de la 1. Gebirgs-Division atteint la Mer Ionienne. En sixjours de marche forcée par la route côtière depuis qu’il a traversé le golfe de Patras, il a connuplusieurs accrochages avec les maquisards grecs pro-Anglais (du moins sont-ils armés etfinancés par Sa Majesté) de l’EDES. Mais dans la région, le général Mario Gamaleri, fascistefidèle et chef du XXVIe CA italien, chargé de contrôler le secteur, a décidé de se rallier à laRépublique Sociale proclamée par Mussolini en Italie du Nord, avec le général MarioGuassardo et sa 37e DI de Montagne Modena. A Igoumenitsa, les choses auraient pu maltourner pour les Allemands, car le général Ricagno, chef de la 3e Division Alpine Julia,n’avait aucune intention de se rallier au Reich. Mais en son absence, le lieutenant-colonelMolinari n’a pas voulu courir le risque d’une bataille. Il a permis aux hommes qui lesouhaitaient de rejoindre Ricagno dans les hautes terres, et il s’est rendu aux Allemands avecle reste de son unité. Satisfait, le Generalleutnant Walter Stettner von Grabenhofen, quicommande la 1. GD, a décidé d’accorder à ses hommes quelques jours de repos avant leprochain mouvement : la reconquête du sud de l’Albanie.Dans l’après-midi, Stettner reçoit la visite d’un groupe d’officiers italiens, fascistesconvaincus, de la 36e Légion de Chemises Noires d’Assaut Cristoforo Colombo (de la 37e

DIM), qui le persuadent de modifier ses plans. Selon leurs renseignements (incertains), lagarnison italienne de Corfou, grossie par des troupes venues d’Albanie, serait prête à se rallierà la RSI. En gage de bonne foi, ces lointains épigones de Christophe Colomb présententplusieurs petites embarcations, caboteurs ou barques de pêche plus ou moins aménagés, aveclesquelles ils se disent prêts à franchir le détroit. Une fois sur l’île, avec un minimum desoutien armé, ils se font forts de rallier la garnison à leur cause.Stettner écoute favorablement leur offre. Contrairement à la plupart des généraux allemands,il est loin de mépriser les Italiens : il a gardé en mémoire leurs combats communs dans lePéloponnèse. La météo annonce du gros temps pour le lendemain, mais, dès que possible, ilenverra sur l’île un détachement de Chemises Noires renforcé par un nombre égal deChasseurs de montagne allemands.

Forteresse assiégéeDurazzo/Durrës (Albanie) – Le général Gotthard Frantz est officiellement nommé

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commandant de la Festung Durazzo, la forteresse de Durrës, fonction qu’il occupe en faitdepuis le 25 décembre. Frantz, grâce au butin récolté à Tirana, arrive à échanger duravitaillement en relative abondance. Cependant, dans son QG, Hitler, informé de ce quiressemble à un encerclement, ordonne au Reichsmarschall Göring d’organiser un pont aérienvers Durrës, ou plutôt vers le petit secteur au sud de la ville tenu par les Allemands etquelques unités italiennes fidèles à l’Axe.Comme Frantz appartient à la Luftwaffe et que Göring ne veut pas porter seul le chapeau encas de défaite, il obtient que l’attaché naval allemand à Tirana, le capitaine de frégate Asmus,soit nommé chef de la Défense maritime de l’Albanie. Sa flotte se réduit à trois barques !

RenouvellementLimnos – La Flottille 8F doit quitter la Mer Egée. Elle va rejoindre Mers-el-Kébir, où ellecédera ses hydravions Northrop N-3PB en échange de vieux SBD-3 Dauntless. Elle pourraainsi se réhabituer aux avions “à roulettes” avant de recevoir sa nouvelle monture, le TBFAvenger, en mai.Quant à ses appareils, dûment révisés, ils partiront pour l’Océan Indien, aux Andaman. Là, ilsseront bien utiles à la Flottille 10F, dont les hydravions torpilleurs souffrent des rigueurs duclimat équatorial.

3 janvierLa campagne d’ItalieFront italien – Les Alliés poursuivent leur réorganisation, interrompant leurs actionsoffensives. La 34th DI-US et la 102e Division Motorisée Trento, renforcée par le 34e RgtBlindé Centauro II et par les unités de corps d’armée du XXIe CA, vont décaler et étirer leurdispositif au sud de Civitavecchia jusqu’au mont Cimino, immédiatement à gauche de laBrigade Tancrémont. Les derniers éléments en ligne de la 132e Division Blindée Ariete et dela 2e Division Rapide Emanuele Filiberto Testa di Ferro sont retirés du front pour permettrede recompléter ces divisions avec une partie des unités de la 10e DI semi-motorisée Piave.Sur le front anglais, les premiers éléments de la 1st Canadian Infantry Division montent enligne, mais la situation s’est également stabilisée.Les Allemands en profitent pour réorganiser eux aussi leurs forces en un vaste jeu de chaisesmusicales. Dans la plaine au nord de Pescara, l’arrivée des premiers éléments de la 10.Panzerdivision permet de retirer la 112. ID, qui va remplacer la 162. ID sur le front central, àdroite de la Grossdeutschland. La 162. ID, elle, va se positionner face aux Italiens, au sud deViterbe. La SS Hohenstaufen reste pour le moment à proximité de la ligne de front, mais elledoit aller se redéployer dans quelques jours en réserve d’armée près de Pérouse.

La campagne de GrèceOpération TentSamothrace – Alors que toutes les églises de l’île sonnent les cloches du dimanche et de lalibération, la tempête prévue noie sous la neige l’île des Cabires. Les Italiens, à qui personnen’avait songé à communiquer les prévisions météo et qui s’étaient mis en marche de Choravers Kamariotissa, font précipitamment demi-tour.La tempête va durer trois jours. Sans empêcher des combats sporadiques, elle va retarderl’arrivée des renforts et laisser aux deux camps le temps de se retrancher.

A l’assaut !Péloponnèse – Comme dans toute la Grèce, le temps se gâte. Il ne neige pas, mais il pleut àtorrents. L’aviation des deux camps est clouée au sol et les bateaux allemands en profitent

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pour accélérer le transfert des troupes et du matériel des 15. et 21. Panzer Divisions, des 1., 3.et 4. Gebirgs-Divisions et de ce qui reste de la 22. Luftland-Division.Sur le front, ou ce qui en tient lieu, la pluie ne fait que ralentir encore les mouvements et ce nesont pas les combats qui marquent la journée. Dans l’après-midi, des habitants guidentl’avant-garde française vers une trouvaille macabre : un charnier de plus de deux mille corps –soldats italiens et civils grecs, hommes, femmes et enfants. Les malheureux ont été massacrésà Kalavryta le 26 décembre par les hommes de la 4. Gebirgs-Division, sur l’ordre du généralKarl von Le Suire.

4 janvierLa campagne d’ItalieL’honneur des BorgheseLa Spezia – Au siège du commandement de la Xa Mas, le drapeau tricolore flotte toujours,mais en son centre, à la place de l’écusson royal de Savoie, il n’y a plus qu’un trou béant. LeCC Borghese a reçu la visite d’un officier de la Kriegsmarine ; ensemble, ils rédigent,paraphent et publient le texte suivant :« La Spezia, le 4 janvier 1943

1. La Decima Flottiglia MAS est une unité appartenant à la marine militaire italienne,avec une autonomie complète dans la logistique, l’organisation, la justice, ladiscipline et l’administration.

2. Elle est alliée aux forces armées allemandes avec parité de droits et de devoirs.3. Elle bat pavillon de guerre italien.4. Le droit d’utiliser toutes les sortes d’armes est reconnu à tous ceux qui en font partie.5. La Xa MAS est autorisée à récupérer et à armer, avec équipages et pavillon italiens,

les unités italiennes qui se trouvent dans les ports italiens. Leur emploi opérationneldépend du commandement de la marine allemande.

6. Le commandant Borghese en est le chef reconnu, avec les droits et les devoirsinhérents à sa charge.

(signé)Capitaine de corvette Junio Valerio Borghese, lieutenant de vaisseau Max Berninghaus »Entre la fidélité à ses supérieurs et la fidélité à ce que lui dictait sa conception de l’honneur,Borghese a choisi. Aujourd’hui, il franchit le Rubicon… Alea jacta est !

La campagne de GrèceA l’assaut !Péloponnèse – La pluie persiste sur toute la presqu’île. Néanmoins, les Alliés continuentd’avancer. A l’est, les Grecs, ayant nettoyé l’Argolide (d’où tous les défenseurs allemands ontété évacués vers Le Pirée), tentent de déboucher vers Corinthe. A l’ouest, les Français de la 3 e

BMLE, poussés par leur chef, le général Le Couteulx de Caumont, percent vers Patras sur laroute côtière.

Kriegsmarine en Mer EgéeEkali (Attique) – Les carrières de marbre du mont Pentélique, au nord-est d’Athènes, ontfourni les pierres du Parthénon et de bien d’autres monuments. La relative fraîcheur de ceshauteurs boisées en a fait une résidence appréciée de la bourgeoisie athénienne. Aujourd’hui,elles servent d’abri à l’état-major des forces occupantes. Le vice-amiral Erich Förste, quiexerce la fonction délicate d’Admiral Ägäis, amiral de la mer Egée, fait le compte desquelques moyens dont il dispose.

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Avant la défection italienne, il lui fallait se contenter de quelques petites unités prises auxYougoslaves et aux Grecs, dont l’entretien mécanique demande des trésors d’habileté, d’unesérie de petits transports tels que des ferries Siebel, plus ou moins bien adaptés à leursmissions, et de caïques locaux armés en mouilleurs de mines et transports de troupes. Depuisla fin de l’année 1942, il peut fièrement y ajouter une douzaine de navires italiens saisis auPirée.Son navire amiral sera bientôt le destroyer Freccia – un bâtiment moderne qui est devenu leZI-5 Pfeil. S’y ajoutent les dragueurs de mines RD-35 et 38, les vedettes rapides MAS-530,533, 571 et 574 et les vedettes ASM/dragage Lombardi, Manca, Marcomeni, Nioi et Satta.Tous ces navires seront remis en service par la Kriegsmarine, mais dragueurs et vedettes(rapides ou ASM) se contenteront d’un matricule.Ah, il y a aussi les mini-sous-marins CB-1, 6, 10 et 12, saisis à Salonique. Förste songe queles Italiens ont parfois des idées bizarres, on croirait des engins japonais ! Bien sûr, seshommes tenteront de remettre en service ces bizarres submersibles, mais il est pessimiste – iln’a aucune envie de perdre du monde, pour un bénéfice douteux, en s’escrimant à utiliser cesengins. Tout au plus envisage-t-il d’autoriser des Italiens ralliés à Mussolini à se faire tueravec, le cas échéant !Quoi qu’il en soit, depuis la trahison italienne et sans aucune aide, ses minuscules forces ontréussi à permettre la prise de contrôle de Salamine et de l’Eubée et le débarquement d’uncorps de troupes à Samothrace. Surtout, l’évacuation du Péloponnèse de la presque totalité duPanzer Gruppe Griechenland 3 sera chose faite dans quelques jours – un réel exploit, comptetenu de l’écrasante supériorité navale des Franco-Britanniques.Mais il sera difficile de lancer de nouvelles opérations.A l’ouest, les puissantes batteries d’Antirion empêchent les flottes ennemies d’entrer dans legolfe de Corinthe, mais les quelques bateaux qui y restent sont pratiquement bloqués : depuisla prise de Zanthe par les Français, toute sortie en mer est extrêmement périlleuse. Tant pis –ce sera aux navires basés en Adriatique de venir gêner l’ennemi, notamment en allant, parexemple, semer des mines vers les îles Ioniennes.Au sud, la prise d’Andros par les Français – encore eux ! – a rendu encore plus compliquée ladéfense de l’Attique. Seules les batteries du mont Laurion empêchent les flottes ennemiesd’entrer dans la rade du Pirée. La reconquête de l’Eubée fait heureusement obstacle à undébarquement ennemi en Grèce centrale, mais Volos, le meilleur port de Thessalie, esttoujours tenu par des Italiens à la loyauté plus que douteuse.En attendant que la Heer prenne le contrôle du port par voie de terre, le vice-amiral a l’ordred’empêcher ces traîtres de s’enfuir par mer pour rejoindre le félon Badoglio. Avec quelsmoyens ? Förste a été capitaine de sous-marin pendant l’Autre Guerre et il sait qu’un petitnavire résolu peut infliger de sérieux dégâts à une puissance navale trop sûre d’elle. C’estdans le labyrinthe d’îles et de détroits qui s’étend devant Volos qu’il va faire patrouiller lesvedettes rapides prises aux Italiens, sitôt qu’il les aura réarmées (cela ne devrait plusdemander que quelques jours, les équipages venus d’Allemagne s’entraînent déjà). Ces MASsont du très bon matériel, aussi étonnant que cela puisse paraître ! Si les Franco-Britanniquesenvoient des transports à Volos, ils ne reviendront pas tous à bon port.Enfin, au nord-est, la SturmBrigade NordÄgäis a réussi son débarquement à Samothrace, maiselle y est pratiquement prise au piège. Comme à Limnos, un an plus tôt. Le mauvais tempsdonne un prétexte honorable pour ne plus lui envoyer de renforts, mais Förste sait que, detoute façon, ils seraient coulés avant d’atteindre l’île. Mieux vaut préserver la 11e Flottille de

3 Composé du Panzer Korps Leonidas [Lt-général Ludwig Crüwell – 15. et 21. Panzer-Divisions] et duSkandenberg Korps [Lt-général Dietl – 1., 3. et 4. Gebirgs-Divisions].

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Défense côtière du capitaine Von Richthofen 4 pour la défense de la côte nord, deThessalonique à la frontière turque.

5 janvierLa campagne d’ItalieFront italien – Les Anglais remanient eux aussi leur dispositif. Pendant que la 1st ArmyTank Brigade reprend sa place en réserve au sud-est de l’Aquila, la 1st South AfricanDivision, qui est en train de se déployer, et la 5th Indian Division échangent leurs places etleurs rattachements. En effet, l’état-major du général Alexander a jugé que les appuisdivisionnaires de la 5th Indian, mais surtout les rustiques Gurkhas seraient beaucoup plusadaptés aux compartiments montagneux du centre du pays, confiés au Xe Corps. Les Indiensvont faire face à la 6. Gebirgs-Division, une unité de type montagne, qui tient les cols du GranSasso, de Malecoste et de Campo Imperatore.

La campagne des BalkansMassacres en Yougoslavie Slavonie (est de la Croatie) – Le basculement italien a obligé les Allemands à annuler le planWeiss (Blanc) qui prévoyait l’anéantissement des Partisans yougoslaves pendant l’hiver. Enliaison avec les Croates d’Ante Pavelic, ils se contentent d’une série d’opérations limitéescontre plusieurs petits maquis, dangereux par leur proximité de Belgrade et des voies decommunication allemandes.La première de ces opérations, dite Ferdinand, commence aujourd’hui et durera trois jours (du5 au 7 janvier). Elle sera suivie par Winter I (du 6 au 8 janvier) et Arnim (du 20 janvier au 3février). Sous les coups, les maquisards se dispersent, tandis que la population serbe de larégion subit les exactions des Oustachis croates. La campagne de GrèceA l’assaut !Péloponnèse – Les Français pénètrent dans Patras sans trop de mal. En effet, la garnison seréduit à un bataillon de forteresse, le III. Festungs-Infanterie-Bataillon 999. Comme tous les“999”, celui-ci est en grande partie composé de repris de justice. Les Français ramasseront uncertain nombre de ses hommes dans les sous-sols des tavernes – n’ayant pas mesuré la forcede l’ouzo local, ils sont complètement ivres et la plupart réagiront à peine quand on leurreprendra le butin de leurs pillages.

Iles Ioniennes – Le temps s’étant quelque peu amélioré sur la mer Ionienne, les Françaisdébarquent sans opposition à Céphalonie un corps expéditionnaire improvisé composé deséléments de la 13e DBLE conservés en réserve sur l’ordre de Dentz lors de l’opérationCiseaux et de quelques fusiliers marins. C’est le colonel-prince Amilakhvari, revenud’Andros, qui commande l’opération.Dès son arrivée à Argostoli, principal port et capitale de l’île, Amilakhvari reçoit un appel àl’aide du général Luigi Mazzini, chef de la 33e DI de Montagne Acqui. A son QG, Mazzinis’avoue débordé par l’afflux de militaires italiens et de civils grecs qui franchissent le détroitsur toutes les embarcations possibles. Il lui faut de toute urgence du ravitaillement et desmoyens de transport pour conduire tout ce monde en Italie – et pour y rapatrier ses hommesdès que possible. De plus, Mazzini demande à avoir un bref entretien en particulier avecAmilakhvari. Il lui explique alors qu’il faudrait envoyer des hommes pour désarmer le 19e

Bataillon de Chemises Noires, dont l’allégeance politique reste incertaine. Le commandant4 Un parent des aviateurs fameux.

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Robert Détroyat, des Fusiliers marins, est envoyé remplir cette mission délicate ; lesChemises Noires se rendront sans trop de difficultés.Tandis que Détroyat part remplir sa mission, Mazzini continue à s’entretenir avecAmilakhvari et s’efforce de présenter sous un jour favorable l’occupation par ses troupes desîles Ioniennes. Comptant sur les sentiments philosémites supposés des Français, l’Italien metainsi en valeur la façon dont il a protégé la communauté juive de l’archipel : « de vraisItaliens, d’ailleurs, qui parlent le meilleur dialecte vénitien ! ».Au grand désarroi de Mazzini, Amilakhvari répond avec violence à ce plaidoyer pro domo, letraitant de menteur et d’hypocrite (parmi d’autres qualificatifs plus énergiques). Puis, sortantde sa poche une feuille de papier, le colonel s’exclame : « Voici comment vos compatriotesont traité les Juifs de la région ! Les Rouges n’ont pas fait pire en Géorgie ! ». Il s’agit d’unenote du Deuxième Bureau qu’il vient de recevoir et qui reprend le récit du capitaine Malec surla situation tragique des Juifs de Rab : « Il y a à présent par votre faute sur la côte dalmate2 500 malheureux, hommes, femmes et enfants, tous hors d’état de fuir ceux qui veulent lesanéantir ! ».Mazzini est atterré. Vieux militaire à la veille de la retraite, formé bien avant le déferlementde propagande antisémite orchestré par le Parti fasciste, il a réellement de bons rapports avecla communauté juive locale et, dit-on, n’est pas totalement insensible au charme d’unecertaine veuve juive de Corfou. Devant la réaction d’Amilakhvari, il réalise que le traitementcriminel de la question juive par le régime fasciste, même en grande partie à la remorque desNazis, pourrait coûter cher à son pays dans les négociations avec les Alliés. « Colonel, dit-il,nous avons ici des bateaux qui étaient destinés à évacuer nos soldats coincés en Albanie.Mais je vois que les malheureux dont vous m’apprenez le sort, seuls et désarmés face auxreprésailles des Allemands et des Croates, en ont encore plus besoin que nos hommes. Si vouspouvez nous fournir du carburant, je mets ces embarcations, pour insuffisantes qu’ellessoient, à votre disposition. »Amilakhvari se calme et réfléchit. Ce ne sont pas les quelques petits bateaux de Céphaloniequi vont pouvoir faire traverser l’Adriatique à 2 500 personnes. Mais leur aide pourrait êtreprécieuse. Il décide alors de court-circuiter sa hiérarchie (de toute façon, il a bien compris queles jours de Giraud à la tête de l’Armée d’Orient étaient comptés) pour informer directementAlger et réclamer d’urgence assez de bateaux pour évacuer les 2 500 « Juifs de Rab ».Son message arrive dans une capitale de la France Combattante en pleine ébullition. Legouvernement, ébranlé par l’attentat des Douanes contre Paul Reynaud, a bien d’autres sujetsde préoccupation. Cependant, il se trouve que les co-présidents du Conseil par intérim, LéonBlum et Georges Mandel, sont, à titre personnel, très touchés par ce problème… Maisjustement parce qu’ils sont d’origine juive, ils ont scrupule à mobiliser des bâtiments françaispour sauver « les Juifs de Rab » – quels jeux de mots nauséabonds se permettraient certainsElus de la République… Par bonheur, il y a une solution.………Dans l’après-midi, un nouveau saut de puce permet aux Français de prendre possessiond’Ithaque. L’île d’Ulysse, toute proche de Céphalonie, est contrôlée par des éléments de ladivision Acqui qui, sur l’ordre de Mazzini, se rallient sans protester aux Alliés.………En fin de journée, quatre vedettes rapides italiennes se présentent devant le port. Ce sont lesMAS-431, 432, 433 et 437, dont les commandants demandent… « si les Américains sont enfinarrivés ». Apprenant qu’il va leur falloir se contenter de Français, ils sont visiblement déçus,mais rejoignent cependant la petite flottille de Céphalonie, constituée jusqu’alors des MAS-564 et 566, du patrouilleur Rovigno et de la vedette ASM/dragage Spanedda.Renseignements pris, les quatre vedettes viennent de Cattaro (Kotor), qu’elles ont décidé dequitter deux jours plus tôt parce que la situation dans le grand port semblait « incontrôlable ».

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Elles ont tenté de relâcher à Corfou, mais l’accès du port était interdit sur l’ordre du colonelLusignani, chef de la garnison de l’île.Le général Mazzini apprendra dans la nuit le fin mot de l’histoire. Ce même jour à l’aube, undétachement de Gebirgs-Jägers allemands et de Chemises Noires du XXVIe CA a tenté deprendre pied sur l’île pour la ramener dans le camp de l’Axe… Le commando aurait puréussir si le port de Kerkyra n’avait été confié à la garde, non d’éléments du 18e RI, maisd’une compagnie de Carabiniers royaux, très chatouilleux sur le plan du respect dû au Roid’Italie et peu désireux d’obéir à des Allemands, et moins encore à des envoyés de laRépublique Sociale Italienne ! Après un combat bref mais sanglant, les survivants ducommando ont été faits prisonniers. Le colonel Lusignani, alerté, a fait interdire l’entrée duport à quiconque, en attendant les ordres (et les secours) que le général Mazzini n’allait pasmanquer de lui envoyer sous peu.

6 janvierLa campagne d’ItalieActivités aériennesFront italien – Les états-majors des deux camps savent pertinemment depuis quelques jours,grâce aux reconnaissances aériennes, que l’adversaire est en train de se réorganiser. Lesphotos sans équivoque montrent des routes encombrées de véhicules de toutes sortes.Jusqu’alors, le mauvais temps qui s’est installé peu après le Jour de l’An, s’il a permis lesreconnaissances, a gêné les réactions des forces aériennes, mais aujourd’hui, le ciel se dégageun peu et la Luftwaffe comme les Alliés lancent de nombreux raids sur les arrières del’ennemi, visant surtout des objectifs d’opportunité.Les résultats sont mitigés pour les deux camps, mais les états-majors n’en tirent pas moins desenseignements importants. Les Allemands notent ainsi que la densité du feu de la DCA alliéea considérablement augmenté depuis les derniers combats importants en Grèce. Entrechasseurs, les Mustang II/P-51B font à peu prés jeu égal avec les Bf 109G, encore peunombreux, mais prennent le meilleur sur les Fw 190A et les Bf 109F, qui dominent cependantles Spifire V, dont les pilotes réclament à cor et à cris des Spit du dernier modèle. Quant auxP-38, tout dépend des conditions de leur engagement. L’exploit du jour est d’ailleurs à mettreau crédit du F/O Frank Hurlbut, du 96th FS, sur P-38, qui devient un as en abattant deuxFw 190. Concernant les avions d’appui au sol, le Mustang FGA se montre supérieur au P-39.

La campagne de GrèceA l’assaut !Péloponnèse – Les Français percent enfin les dernières défenses allemandes et parviennent àCorinthe. Les armateurs grecs, toujours influents, ont négocié le départ des Allemands : lesinstallations du port, méthodiquement sabotées, seront longtemps inutilisables, mais le restede la ville a peu souffert. Cependant, si la quasi totalité du Péloponnèse est à présent entre lesmains des Alliés, très peu de soldats allemands se sont laissé prendre au piège.

Iles Ioniennes – Harcelé par des appels répétés d’Amilakhvari, Dentz libère tout de qui luireste de réserves pour une opération de prise de contrôle éclair de l’archipel. Accueillis avecsoulagement par les hommes de la 33e DI de Montagne Acqui, des éléments de la 13e DBLE etd’autres unités françaises se déploient en toute hâte sur Corfou, puis sur Paxos et Leucade.Partout, les Italiens, sitôt qu’ils constatent qu’ils ne seront pas laissés seuls face à la vindictetudesque, s’appliquent avec ardeur à mettre les îles en état de défense contre leurs alliésd’avant la Noël de Sang, dont les échos sont parvenus jusqu’en Mer Ionienne. C’est

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notamment le cas du colonel Luigi Lusignani et de ses hommes du 18e RI, à Corfou, oùAmilakhvari a envoyé l’inévitable commandant Détroyat.En pratique, la Division Acqui, avec quelques contingents de la 13e DBLE, continuera àassurer la garde des îles de Céphalonie à Corfou jusqu’à ce que des troupes grecques soientdisponibles pour prendre sa place.

Soldats italiens perdus dans les BalkansReggio de Calabre – Il se confirme que les unités fidèles au Roi en Albanie, en Dalmatie etdans les îles Ioniennes sont isolées et menacées : il faut rapidement les évacuer pour lessauver, c’est autant une affaire d’honneur et de solidarité nationale (ni Victor-Emmanuel ni legouvernement ne peuvent abandonner leurs compatriotes à la capture ou à la mort) que dehaute politique : comment rebâtir l’armée italienne cobelligérante aux côtés des Alliés sansces milliers de soldats et officiers expérimentés ?Mais les Alliés ne semblent pas pressés d’engager leurs troupes et navires dans les opérationsd’évacuation, et ont refusé jusqu’ici d’autoriser les Italiens à lancer eux-mêmes les actionsnécessaires. Après plusieurs jours d’intenses tractations, ils viennent seulement de consentir àdes clauses dérogatoires à la convention d’armistice, à caractère exceptionnel et limité dans letemps, pour autoriser les marins italiens à tenter de sauver leurs camarades. Aussitôt, l’amiralDe Courten, ministre de la Marine, donne des ordres pour que les destroyers anciens Palestroet San Martino et tous les navires civils disponibles dans le sud-est de l’Italie, escortés par lescorvettes Artemide, Cicogna et Gabbiano, entament les opérations d’évacuation. Les cinqnavires militaires en question sont mouillés à Naples – De Courten espérait obtenir leconcours des destroyers anciens Antonio Mosto, Audace, Enrico Cosenz, Francesco Stocco,Fratelli Cairoli et Giuseppe Sirtori, mais ceux-ci sont “assignés à résidence” à Bizerte, et lesFrançais se font tirer l’oreille pour les libérer. Il en est de même des DE de classe CicloneArdente, Fortunale, Impavido, Impetuoso et Uragano (et du Ciclone, endommagé) ainsi quedes corvettes Antilope et Gazzella. Cependant, De Courten espère bien que l’activité des sixpremiers navires convaincra Alger de “libérer” les autres. Quoi qu’il en soit, il décide deplacer le groupe d’escorteurs modernes (destroyers d’escorte et corvettes) sous lecommandement du CF Alessandro Mazzetti di Pietralata (ce brillant officier sera plus tard unhistorien de renom).Par ailleurs, les nageurs de combats de la Decima MAS qui ont décidé de suivre le Roi serontà la pointe des actions organisées en Mer Ionienne et en Adriatique. En effet, avec lesvedettes rapides basées à Tarente et les MAS-431, 432, 433, 437, 564 et 566, disponibles àCéphalonie (donc officiellement ralliées depuis la veille), ils assureront les reconnaissances etliaisons nécessaires.

7 janvierLa campagne d’ItalieUne rancune à apaiserRome – C’est dans les locaux de l’ambassade de France (débarrassés à la hâte de toute tracedes envoyés de Laval qui l’occupaient une quinzaine de jours plus tôt…) qu’une délégationitalienne est venue plaider la cause du Regio Esercito. Les Italiens ont en effet bien comprisque les Français étaient les plus réticents des Alliés à leur fournir l’occasion de racheter par lacobelligérance leur engagement au côté de l’Allemagne nazie de juin 1940 à décembre 1942.C’est donc la sœur latine qu’il faut convaincre !Aussi les délégués commencent-ils par rappeler que la 132e Division Blindée Ariete et la 2e

Division Rapide Emanuele Filiberto Testa di Ferro ont déjà payé le prix du sang, qu’ellessont d’ailleurs très éprouvées et qu’elles ont dû être retirées du front pour être reconstituées au

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dépens de la 10e DI semi-motorisée Piave. Puis, ils soulignent qu’elles ont été remplacées surle front par la 102e Division Motorisée Trento et le Raggrupamento Zingales 5. Mais cesunités devront elles aussi être réorganisées après avoir démontré leur fiabilité et leurcombativité.Les difficultés apparaissent quand il est question de faire monter au front, lors du repli de laTrento et du Groupement Zingales, la 20e DI Friuli et la 44e DI Cremona (VIIe Corps, généralGiovanni Magli). En effet, si ces unités sont bien entraînées et fidèles au Roi, elles sont àl’heure qu’il est en Corse. Les moyens navals italiens manquent : beaucoup sont restés àGênes ou dans d’autres ports capturés par les Allemands, d’autres s’efforcent de rapatrier àtravers l’Adriatique les troupes se trouvant en Yougoslavie, en Albanie ou en Grèce, d’autresenfin doivent être consacrés, à la demande des Américains, au transfert sur le continent destroupes de Sardaigne. En bref, la flotte française pourrait-elle donner un coup de main pourrapatrier le VIIe Corps ?« Et puis quoi encore, s’écrie un officier français, vous voulez peut-être qu’on vous remboursevos notes d’hôtel sur la Côte d’Azur et vos pertes au Casino de Monte-Carlo ! »Après quelques échanges de paroles acrimonieuses, les officiers américains présents commemodérateurs parviennent à tempérer les débats. La Friuli et la Cremona seront en partietransportées par des navires français. En échange, une des deux divisions du XIIIe Corps dugénéral Antonio Basso (basé en Sardaigne), soit la 47e DI Bari, soit la 1ère DI de MontagneSuperga, sera mise à la disposition du commandement français pour « une opérationspéciale » (il s’agit de la prise de contrôle de l’île d’Elbe). Si les Allemands se montrent partrop virulents à cette occasion, ce sont les hommes de cette division qui en subiront lesconséquences ! En attendant, une seule des deux divisions du XIIIe Corps sera donc transféréesur le continent, ce qui allège la charge qui pèse sur les transports navals italiens. Les Italiensregrettent que le XIIIe Corps soit ainsi désorganisé et proposent l’utilisation pour cette« opération spéciale » de la division parachutiste Folgore, qui n’a ni avions, ni parachutes, nientraînement au saut, mais reste une troupe d’élite. Cependant, les Français refusent,craignant que cette formation ne soit politiquement trop marquée par le fascisme.Les Italiens s’enhardissent alors jusqu’à exposer un plan de création prochaine de nouveauxcorps d’armée, mais cette fois ce sont les Américains qui interviennent pour calmer leurardeur. La 53e DI de Montagne Arezzo et la 4e DI Alpine Cuneense ne pourront être d’embléeconsidérées comme opérationnelles, même lorsqu’elles auront été ramenées du Péloponnèse.Elles ont notamment perdu leurs armes lourdes. « Il y a pire, s’exclament les Français. Cesunités ont combattu les Alliés durant près de deux ans [avec compétence, mais les Français nele mentionnent pas] et leur fidélité au gouvernement Badoglio ne paraît pas assurée ! »« Nous y avons pensé, rétorquent les Italiens. Les éléments de la 18e DI Messina qui ontéchappé à la capture (à l’inverse, hélas, du gros de leur unité) vont être transférés dans cesdeux divisions. Après leur retour en Italie, nous enverrons les hommes d’unités massacréespar les Allemands que nous aurons pu récupérer pour raconter l’histoire de cette trahison.Nous ne doutons pas de l’effet salutaire de ces actions d’information. »Tout en faisant la moue, les Français acceptent de voir ce que cela donne…Pour l’instant, la division Folgore est laissée de côté (les Italiens traduisent « est mise enréserve d’armée »). Enfin, le général désigné d’armée Carlo Vecchiarelli (Commandement dedéfense territoriale de Rome) a l’autorisation de poursuivre le recrutement d’engagésvolontaires pour former à terme, autour des troupes de son commandement, une ou deuxdivisions dites “Giustizia e Libertà”.

La campagne de Grèce

5 34e Rgt Blindé Centauro II (ex-Littorio II), 9e Rgt de Bersaglieri, 16e Groupe d’Artillerie, 10e Bn du Génie,31e Bn du Génie d’Assaut.

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Opération TentSamothrace – Depuis la veille, la neige a fait place à un redoux temporaire sur le nord del’Egée – mais du coup, les Britanniques doivent abandonner leurs positions avancées, que lafonte de la neige transforme en bourbier. De plus, après les jambes cassées du premier jour,les médecins doivent faire face à une épidémie de pied de tranchée.Dans l’après-midi, un petit convoi britannique vient relever la 2e Parachute Brigade et les SASet SBS. A leur place se déploient des éléments de la 6e Division d’Infanterie australienne.A son départ, le convoi évacue aussi les Italiens ralliés : pendant la tempête, ils ont eu plus deblessés dans des bagarres avec les Grecs et les Britanniques que face aux Allemands.

Il n’est pas permis à tout le monde de… dépasser CorinthePéloponnèse – Les Alliés ont à présent reconquis tout le Péloponnèse, mais ils manquent à lafois d’hommes et de moyens pour tenter de passer en Grèce centrale. De leur côté, lesAllemands se retranchent à toute vitesse sur les rives nord des golfes de Patras, de Corinthe etSaronique. Les personnels des deux divisions blindées du Panzer Korps Leonidas ayant étérepliés pour réarmement et réorganisation, les unités concernées sont essentiellement celles duSkandenberg Korps (les 1., 3. et 4. Gebirgs-Divisions). Elles sont éperonnées par un Dietl trèsactif, qui veut montrer qu’il pourrait remplacer Rommel, si ce dernier était appelé ailleurs…Quelques reconnaissances ayant montré la vanité d’une tentative de traversée, les Alliéspréfèrent assurer leur contrôle des îles Ioniennes et de la plupart des îles de la Mer Egée. Etpuis, les rives de l’Adriatique semblent pouvoir réserver de bonnes surprises !

Les Quarante Jours de TrikalaTrikala – L’ouest de la Thessalie semble provisoirement oublié par les Allemands, qui ontd’autres soucis plus urgents. A Trikala, Henri Van Effenterre, conseiller français de l’AAA(“Combat-Renouveau-Indépendance”), principal mouvement de résistance de la région, peutconfier d’épais rapports et de nombreux documents destinés au professeur Picard au Lysanderqui va discrètement rallier Kalamata 6.« Notre accord de co-belligérance avec le général Soldarelli et la 6e Division d’InfanterieCuneo tient toujours, malgré d’inévitables frictions. Son 8e Régiment d’Infanterie a un bonmoral. Son 7e Régiment d’Infanterie est en voie de reconstitution. Fin décembre, il nous estarrivé de Karditsa, où il tenait garnison, dans un état désastreux et avec un moral très bas. Lesmaquisards grecs de l’ELAS, qui tiennent cette partie de la Thessalie, l’avaient désarmé etdépouillé de son matériel de façon expéditive et beaucoup de ses hommes avaient dû marcherjusqu’à Trikala en chaussures de gymnastique, les Elassis les ayant dépouillés de leurschaussures de marche. Seuls les Italiens acceptant de joindre les rangs de l’ELAS ont échappéà cette humiliation, de sorte que le régiment nous est arrivé dépouillé de ses éléments les pluscombatifs.Aujourd’hui, nos avant-postes nous ont annoncé que le général Licurgo Zannini s’était décidéà nous rejoindre avec ce qui restait de la division Brennero, c’est-à-dire le 232e RI Avellino etune partie de son artillerie. A vrai dire, ses unités ont déjà perdu une bonne moitié dedéserteurs, qui sont partis pour Volos. La première rencontre entre nos chefs militaires a été plutôt orageuse. Zannini est convaincuqu’il pourra rallier ses régiments perdus et jouer un rôle de premier plan dès que les Alliésauront débarqué à Volos. Du fait de son ancienneté et de son grade supérieur 7, il prétend

6 L’éminent archéologue Charles Picard, chef de la cellule Grèce du 2e Bureau, a lui-même recruté Henri VanEffenterre, également archéologue. Le général Giraud, peu porté sur les intellectuels, ne semble pas avoir portébeaucoup d’attention aux rapports de Picard ; les relations avec le successeur de Giraud, Dentz, ne seront guèremeilleures.7 Zannini est tenente generale (général de corps d’armée), alors que son cadet Soldarelli est maggior generale(dans l’usage italien, général de division).

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donner des ordres à Soldarelli, lequel refuse d’y obéir en mettant en avant sa qualité de« commandant des forces cobelligérantes dans cette partie de la Thessalie ». Le colonelSarafis, en tant que chef de l’AAA, a tranché la dispute en rappelant qu’ils étaient sur le solgrec et que son accord de commandement avait été conclu avec le seul Soldarelli ; il ne sesentait point obligé de le partager avec un autre général italien. Sans vouloir me mêlerd’affaires très au-dessus de mon grade et de ma compétence, le Regio Esercito nous rendraitun signalé service en rappelant en Italie le plus gradé des deux généraux.Du reste, c’est bien Sarafis qui s’est imposé comme le patron du secteur, bien qu’il soit d’ungrade inférieur aux deux autres. Ses “Trialphates” (triple A) ont obtenu le partage desentrepôts italiens qui, dans ce pays pauvre, font figure de caverne d’Ali Baba. La disciplineest assez relâchée et les uniformes très hétéroclites, les hommes portant des effets grecs,italiens ou civils selon l’humeur et l’occasion. Les Trialphates se reconnaissent à leur brassardbleu marqué d’un A rouge 8 et les soldats de la Cuneo à leur brassard violet 9, tandis que ceuxde la Brennero n’ont pas choisi leurs couleurs. Les communistes de l’ELAS, qui viennent envisiteurs, arborent bien entendu des brassards rouges.Les échanges avec Karditsa sont devenus plus réguliers, mais la situation est singulièrementcomplexe. La partie de la division Brennero qui n’a pas voulu suivre le général Zannini tienttoujours un quartier au sud de la ville, dans le secteur de la gare. D’après nos informations,ces hommes détestent à peu près également les Rouges de l’ELAS et le général Zannini : ilssont prêts à se donner aux Allemands ou au diable pour ne pas tomber aux mains des uns oude l’autre. Les combattants l’ELAS entrent le moins possible dans Karditsa pour ne pasdonner de prétexte aux représailles allemandes, mais leur appareil politique y règne sanspartage. En effet, cette ville ouvrière, centre de l’industrie du tabac, était déjà avant la guerreun bastion du Parti communiste. Le secrétaire général du Parti, Georgios Siantos, est natif deKarditsa et le caractère communiste du secteur est beaucoup plus marqué que dans les autresrégions tenues par des maquis “elassis” que nous avons pu découvrir. Les femmes yparticipent aux réunions et une grande inscription sur la mairie, surmontée de la faucille et dumarteau, proclame que « la femme doit être l’égale de l’homme ». Par ailleurs, les stocks detabac de Karditsa constituent une précieuse monnaie d’échange en cette époque de pénurie.L’autre jour, les “andartes” (maquisards) ont arrêté un sergent italien qui se rendait à Karditsaavec une valise pleine de journaux fascistes. Après enquête, il ne s’agissait pas de propagandemais simplement de commerce : l’ELAS est à court de papier à cigarette 10.Notre priorité est l’établissement de lignes de défense contre la probable offensive allemande.A Trikala, le colonel Sarafis a renoncé à fortifier la ville elle-même et à y déployer des unitésen armes, là aussi pour éviter des représailles sur la population civile. La route de Kalambaka,au nord-ouest, conduit vers la Macédoine et l’Epire ; elle est montagneuse et relativementfacile à défendre : les Trialphates ont déjà repoussé une tentative d’incursion allemande le 27décembre. La route de Larissa, à l’est, paraît beaucoup plus vulnérable. Elle traverse unerégion relativement plate (dans la mesure où une région de Grèce peut être plate) etpermettrait le passage des blindés, comme cela a été constaté en 1941. Cependant, il noussemble peu probable que les Allemands utilisent leurs précieux panzers contre un objectifpériphérique comme Trikala. Nous avons échelonné plusieurs lignes de défense le long de larivière Neochôritis, affluent de rive gauche du Pinios (voir carte en annexe). Les unitésitaliennes les plus sûres, notamment le 27e Régiment d’artillerie Legnano, et quelques unitésgrecques y sont affectées par roulement. La rive droite du Pinios devrait être défendue en

8 Ces couleurs seront reprises en 1963 par l’équipe de football de Trikala.9 Couleur des pattes de collet de la division.10 Sur l’administration locale à Trikala et Karditsa pendant cette période, voir Bruno de Wever (dir.), LocalGovernment in Occupied Europe (1939-1944), Academia Press, 2006, p. 216-217.

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commun par nos forces et celles de l’ELAS ; la direction elassi y est favorable dans leprincipe, mais réclame en échange des livraisons de matériel, ce qui me paraît raisonnable.En cas d’attaque allemande limitée, nous serions en mesure de tenir pendant au moins unesemaine et sans doute plusieurs. Un ravitaillement par avion, surtout en munitions et enmatériel médical, serait hautement souhaitable. En cas d’attaque massive, le colonel Sarafisprévoit une dispersion dans les montagnes ; des réserves de vivres et de matériel sont en coursde constitution.Selon nos renseignements, les Allemands sont en train de constituer des réserves à Larissa etde remettre en état la base aérienne endommagée par les bombardements de décembre. Nousignorons si leur objectif à court terme est Trikala, Karditsa ou Volos. »(Rapport du commandant Henri Van Effenterre au 2e Bureau français, service Grèce, 7 janvier1943)

Volos (Thessalie) – Principal port de la région malgré les destructions causées par lescombats du printemps 1941, Volos fait figure de porte de sortie pour les Italiens, tousdésireux d’évacuer au plus vite le pays… mais beaucoup le voient aussi comme une possibleporte d’entrée pour les Alliés : l’Armée d’Orient ? La 8e Armée ? Les paris sont ouverts entreceux qui écoutent (en se cachant de moins en moins) les émissions en italien de la BBC ou deRadio-Alger.Le colonel Cesare Corvino, qui commande la garnison par intérim n’exerce qu’une autorité defaçade. Les soldats italiens entassés dans la ville n’ont pas grand-chose à faire, à part trafiquerau marché noir, fumer leurs dernières cigarettes Milit 11 ou boire un ersatz de café à based’astragale (une plante courante dans la région), en gémissant : « Le Duce nous a envoyéconquérir l’Ethiopie et nous n’avons même plus un café convenable ! 12 » Les disputes sontfréquentes et les injures volent bas entre Italiens du Nord et du Sud : les premiers traitent lesseconds de « culs-terreux, pouilleux, Abyssins » et les seconds répliquent par des « cornards,culs jaunes ». Le retour du beau temps, après plusieurs jours de tempête, fait espérer la venuede navires alliés – les plus optimistes parlent même de bâtiments de la Regia Marina. Dans la matinée, un petit avion survole la ville. Mais c’est un Fieseler Storch allemand.

Soldats italiens perdus à SplitSplit (Spalato), Dalmatie – Depuis dix jours, la tension est à son comble dans la capitaledalmate. Les partisans ont pris le contrôle de la ville et du port dès le 26 décembre, enconcluant un accord avec les soldats italiens de la 15e DI Bergamo, qui ont regagné leursquartiers, imités dès le 30 décembre par ceux de la 12e DI Sassari. Le commandement italiena multiplié les appels à Rome réclamant une évacuation navale, tandis que les rumeursinquiétantes se succédaient. D’une part, les Partisans envisageraient de rompre leursengagements, car des officiers italiens et des civils yougoslaves compromis dans des« opérations de maintien de l’ordre et de lutte contre la guérilla » – opérations de répressionsauvage, disent les Partisans – se sont réfugiés dans les casernes italiennes. D’autre part, lesforces allemandes et croates seraient en train d’organiser une offensive contre Split et la côtedalmate. Dans ce climat, beaucoup redoutent (et d’autres espèrent) qu’un incident mette le feuaux poudres. Aussi les demandes d’évacuation du général Alfonso Cigala Fulgosi,commandant la place de Spalato, deviennent-elles de plus en plus angoissées et insistantes…En pleine nuit, Cigala Fulgosi est réveillé par son ordonnance : enfin des nouvelles de Rome !Un nageur de combat vient d’arriver pour renouer en toute discrétion le contact avec lagarnison italienne : il annonce que, dès le lendemain, une flottille d’évacuation entrera dans leport si le général pense qu’elle peut le faire sans danger.

11 Marque courante en Italie à l’époque.12 La 36e DI Forli avait participé à la conquête de l’Ethiopie en 1935-1936.

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Une fois les informations les plus urgentes échangées et les mots de code transmis par radiopour signaler que la voie est libre et que les navires sont espérés avec impatience, le nageur decombat peut raconter son parcours.Réfugié à Tarente avec les membres de la Decima Mas restés fidèles au Roi, il piaffaitd’impatience depuis dix jours, désireux d’agir pour aider ses compatriotes. Le 6 janvier àmidi, l’autorisation d’intervenir est tombée. Sans plus attendre, ses coéquipiers et lui ont misen œuvre les actions étudiées et préparées les jours précédents. A bord de la vedette MAS-563,lui et un autre nageur ont d’abord gagné Bari, où ils se sont arrêtés pour refaire le plein decarburant – un exploit en soi dans ce port contrôlé par les Britanniques : l’officier de liaisonde la Royal Navy, d’abord vu par l’équipage comme un intrus voire un espion, y a gagné letitre de membre d’honneur de la Regia Marina ! Puis, ils ont traversé l’Adriatique jusqu’aularge de Split. Les deux nageurs se sont mis à l’eau en pleine mer et ont pénétré à la nage dansle port dont ils ont pu reconnaître l’état et les défenses ; tandis que l’un d’eux repartait vers laMAS-563 communiquer ces informations, l’autre abordait pour tenter de gagner les casernesitaliennes…

SauvetageNaples – Un officier français (l’attaché naval de Léon Blum) vient discrètement expliquer àl’amiral De Courten que son gouvernement, jusque-là plutôt réticent à autoriser le réarmementde bâtiments de guerre italiens, se montre disposé à assouplir sa position si la Regia Marinaaccepte de convoyer les « Juifs de Rab » de la côte dalmate jusqu’à la rive ouest del’Adriatique. En pratique, les destroyers anciens Antonio Mosto, Audace, Enrico Cosenz,Francesco Stocco, Fratelli Cairoli et Giuseppe Sirtori, ainsi que les DE Ardente, Fortunale,Impavido, Impetuoso et Uragano et les corvettes Antilope et Gazzella seront libres de quitterBizerte à condition que ce convoyage soit leur première mission. Le vieux destroyer GiuseppeMissori et le DE Ciclone, tous deux endommagés, pourront même, si la mission en questionse passe bien, quitter Bizerte pour aller à Naples se faire remettre en état. De Courten acceptesans hésiter un instant !

8 janvierLa campagne d’ItalieRedéploiementsFront italien – Cela fait maintenant une semaine que le grand chassé-croisé a commencé côtéallié et les QG de corps d’armée commencent à y retrouver leurs petits. Suffisamment en toutcas pour permettre d’entamer le retrait d’unités qui ont été engagées au feu dès la Noël etméritent bien un peu de repos. La 82nd Airborne et la 1ère Brigade Parachutiste françaisecommencent à quitter le front pour Rome, avant de rejoindre l’Afrique du Nord. Dans lemême temps, le 2e RSA se redéploie en arrière de la 3e DB vers Passo Corese pourrecompléter son matériel et ses effectifs.Ces remaniements s’accompagnent d’un changement de l’organisation du commandementfranco-américain. Les grandes unités sont réparties en deux corps : le IIe Corps US (major-général Ernest J. Dawley), qui inclut les troupes italiennes, et le IVe Corps français (généralde CA Louis Kœltz), qui comprend la Brigade belge Tancrémont. L’ensemble est coiffé par la5e Armée américaine (lieutenant-général Jacob L. Devers). Le général Jean de Lattre deTassigny, dont la quatrième étoile est confirmée, est rappelé à Alger – d’autrescommandements l’attendent.

La campagne de Grèce et des BalkansUn peu d’ordre

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Péloponnèse – Sans se presser, les Anglais arrivent à Corinthe, d’où les Français se retirentde bonne grâce. En effet, la ville est dans la zone de la 8e Armée britannique (et grecque etaustralo-néozélandaise…). La 2e Armée française (et polonaise et yougoslave…) s’est vuconfier la moitié ouest de la presqu’île.

Soldats italiens perdus à SplitSplit (Spalato), Dalmatie – Très tôt dans la matinée, le général Cigala Fulgosi a repriscontact avec Ivo Lola Ribar, le chef des Partisans, pour le prévenir que ses troupes évacuaientenfin. Les discussions ont été longues et difficiles, mais les deux hommes sont arrivés à unaccord : les Italiens laisseront dans leurs casernements tout leur armement collectif intact,avant de gagner le port en fin de matinée ; ils bénéficieront en échange d’un sauf-conduit poureux et « les personnes qui souhaiteront les accompagner ». En tout, près de dix mille hommes(et quelques femmes), mélange désordonné de soldats encore dotés de leur armementindividuel, de soldats sans armes et de civils, attendent avec angoisse dans le froid et sous lapluie, tandis que passent les heures.Vers 15h00, enfin, trois gros cargos et le vieux destroyer San Martino entrent dans le port,accostent et commencent à embarquer les Italiens. A 18h00, tout est terminé et les naviresquittent le port abrité de Split pour rejoindre le large, où patrouillent les corvettes Cicogna etProcelaria. Bien vite, la houle forcit et la plupart des passagers commencent à souffrir d’unabominable mal de mer, mais ce n’est rien à côté de la crainte d’une attaque aérienne ounavale allemande. Par bonheur, la nuit se passe sans mauvaise rencontre et les naviresatteignent Bari le lendemain sans encombre.

Tir amiVlorë (Albanie) – Après l’affaire de Céphalonie et de Corfou, le commandant Détroyat a étéchargé d’examiner la situation dans le port de Vlorë, vers lequel de nombreuses troupesitaliennes convergent en désordre dans l’espoir d’embarquer vers l’Italie. Il s’agitprincipalement des hommes de la 49e DI Parma (général de brigade Luigi Podio) et de la 151e

DI Territoriale Perugia (général de brigade Antonio Luridiana). Cette dernière a abandonnéson cantonnement de Tepelenë pour rejoindre Vlorë, mais l’épaisseur de la neige a rendu letrajet si difficile qu’une bonne partie du matériel lourd a dû être abandonné en route.La situation dans toute l’Albanie est des plus confuses : Italiens pro- et antifascistes, milicesalbanaises et gangs d’allégeances diverses. Pour y voir clair, la MAS-564 a donc déposé surces rivages incertains Détroyat et un petit groupe d’hommes « débrouillards » (selon sapropre expression), bien armés et bien pourvus en moyens de liaison radio.Dans la soirée, alors qu’il tente de s’interposer dans une altercation entre Italiens et Albanais,Détroyat est tué d’une rafale de mitraillette. Les Italiens n’ont pas de mitraillettes et les Stenemployées par les Français sont connues pour partir un peu trop facilement. L’enquête menéeaprès la guerre établira que Détroyat, selon toute vraisemblance, a été tué accidentellementpar un de ses propres hommes – triste fin pour un officier qui, avant les campagnes de Grèce,s’était illustré dans les combats de Sardaigne.

9 janvierLa campagne d’ItalieUn nouveau défi pour AlexanderChieti – A la sortie sud de cette petite ville des Abruzzes, une villa isolée abrite le nouveauquartier-général de la 1ère Armée britannique. Dans une grande pièce du rez-de-chaussée, legénéral Sir Harold Alexander, nouveau commandant en chef de la 1ère Armée, est plongé dansla lecture de nombreux rapports.

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Nommé officiellement deux jours plus tôt, arrivé la veille à son poste, il est déjà confronté àplusieurs choix difficiles. Son armée n’est pas encore complètement déployée : si les unitésles plus en pointe sont au contact des Allemands, à moins de 30 km au nord, avec des réservesde munitions et de carburant bien entamées par les premiers heurts, de nombreuses unités etles services sont encore éparpillés entre le front et la base arrière de Sicile (sur les routes deCalabre ou via le port de Tarente). Pourtant, certains de ses subordonnés, et en premier lieu lemajor-général Ritchie, commandant le Xe corps, le pressent de passer à l’attaque sansattendre : les rapports de reconnaissance montrent que les Allemands profitent de chaque jouret même de chaque heure pour fortifier leur ligne de défense, qui deviendra bientôtinexpugnable… mais comment donner un ordre d’attaque aussi risqué dans une situationlogistique si fragile, alors qu’il vient d’arriver et ne maîtrise pas complètement la situation ?Bien sûr, Alexander sait qu’il n’aura pas à supporter longtemps les insistants conseils de sonsubordonné : il a reçu le matin même l’information que Ritchie, appelé à d’autres fonctions enGrande-Bretagne, serait remplacé dans les prochaines semaines par le lieutenant-généralMiles Dempsey. Il y gagnera en sérénité, mais il devra alors se passer du commandant decorps d’armée le plus expérimenté de l’armée britannique…Dans le même temps, Alexander doit étudier l’évolution des zones de responsabilité de sonarmée par rapport à l’armée franco-américaine à sa gauche. Avec l’arrivée progressive du Ve

Corps, la 1ère Armée dispose d’un nombre plus important de grandes unités que sa voisine etpeut prendre à son compte plus de kilomètres de front… mais Alexander préfèreraitévidemment conserver des divisions en réserve pour permettre la rotation des unités sur lefront et disposer, le jour venu, de davantage de troupes sur ses axes d’attaque.Enfin, Alexander sait qu’il devra marcher sur des œufs dans la mise en œuvre de sa stratégie,pris entre, d’une part, les attentes de ses troupes, qui rejoignent les ordres de Londres : saisirtoutes les opportunités pouvant se présenter, et, d’autre part, les ordres du commandementinterallié en Italie, qui voit ce front comme « non stratégique », c’est-à-dire secondaire,destiné seulement à fixer des divisions ennemies.Bref, ce nouveau commandement ne sera pas une sinécure !Avec un petit sourire, Alexander s’extrait un instant de ses dossiers et repense àl’enchaînement d’événements qui l’ont conduit dans ce bureau.Trois mois plus tôt, adjoint du général Frère, commandant le groupe d’armées interallié lorsde l’opération Torche et vainqueur en Sicile, il pouvait espérer prendre un commandement depremier plan. Les décisions prises à la fin de l’année lors de la conférence gouvernementaleinteralliée d’Alger réservaient à un général britannique un poste prestigieux, celui decommandant des forces alliées en Grèce et dans les Balkans : Alexander espérait l’obtenir,mais sa fierté l’avait conduit à attendre que ses mérites soient reconnus et qu’on lui propose leposte, au lieu de faire acte de candidature. Très vite, il avait constaté que d’autres n’avaientpas la même pudeur – enfin, un autre : ses amis à Londres l’avaient alerté sur la très activecampagne d’autopromotion lancée par Montgomery auprès de l’état-major impérial commedu Cabinet de Guerre. Il fallait s’y attendre : Monty avait obtenu ce qu’il voulait.Alexander aurait pu ressentir de l’amertume ou de la jalousie, mais son sens du devoir et duservice – for King and Country – l’avait emporté. Fort heureusement, la proposition deprendre la suite de Montgomery à la tête de la 1ère Armée était arrivée peu de temps plus tard(tous ces événements s’étaient déroulés en moins d’une semaine) et la perspective d’uncommandement opérationnel de premier plan l’avait consolé. Après avoir été un adjointchargé de faciliter la communication et d’arrondir les angles, bref, de faire de la diplomatie etde la politique, le voici enfin commandant en chef – General Officer Commanding – d’unedes plus formidables armées britanniques !Au moins, se dit-il, il fera là un travail de soldat et non de diplomate. Finalement, il laissevolontiers à Monty les joies du commandement d’une coalition. Son chemin vers la gloire

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passera par l’Italie ! Celui de Wellington était bien passé par l’Espagne. A lui désormais des’inventer un destin : Field-Marshal Alexander, vicomte de… de Florence, oui, ça sonneraitbien… Mais assez rêvé, il reste beaucoup de travail avant d’y être.

La campagne de Grèce et des BalkansSoldats italiens perdus à Kotor (Cattaro)Mer Adriatique, au large du Monténégro – Un petit groupe de transports italiens se prépareà entrer dans le golfe de Kotor. La nuit précédente, les MAS-431 et 432, qui connaissent bienles lieux pour y avoir été basées, sont entrées dans la baie pour y déposer quatre nageurs decombats : un binôme a discrètement abordé avant d’escalader les hauteurs qui surplombent lepassage le plus étroit de la baie, l’autre a nagé jusqu’au petit port de Kotor, dans le fond de labaie. La première équipe, après une journée d’observation, a indiqué que la zone semblaitvide de tout élément hostile ; la seconde a établi le contact avec les forces italiennes sur place,et confirmé que plusieurs milliers de soldats du XIVe CA, commandé par le général d’arméePirzio Biroli, s’étaient regroupés là, dans l’attente anxieuse d’une évacuation rapide. Il s’agitd’éléments de la 6e Division Alpine Alpi Graie (général Mario Girotti), de la 155e DITerritoriale Emilia (général Giuseppe Romano) et de l’échelon arrière de la 154e DITerritoriale Murge (général de division Paride Negri).En fin de journée, profitant des dernières heures de visibilité diurne, cargos et chalutiersitaliens entrent dans la baie, dans le sillage de la MAS-437 et du vieux destroyer Palestro. LesMAS-431 et 432 servent de serre-file, tandis que les corvettes Artemide et Gabbiano restent enpleine mer, pour couvrir la sortie de la flottille. Les navires italiens doivent parcourir environ20 nautiques d’une route dangereuse, avec plusieurs passages très étroits, pour parvenir aufond d’une baie fermée : la tension est extrême, mais le trajet jusqu’à Kotor se déroule sansincidents et l’embarquement commence en début de soirée. Il y a trop de soldats pour lescapacités de la petite escadre, mais les marins sont prêts à prendre tous les risques pour lessauver et refusent d’abandonner certains de leurs compatriotes dans l’attente d’unhypothétique second voyage de secours. Quand les navires repartent, des soldats s’entassentsur chaque centimètre carré de cabine, de pont et même à fond de cale. Pourtant, le 120e RgtEmilia a dû être laissé en arrière-garde… Les marins se promettent de revenir le chercher danstrois ou quatre jours.La nuit est encore bien noire quand les navires appareillent : à bord du Palestro, le CF CarloFecia di Cossato préfère prendre le risque d’une navigation nocturne dans des eaux resserréeset inconnues plutôt que d’attendre le jour et le risque d’être repéré et attaqué par des avionsallemands. Tout se passe bien lorsqu’à la sortie de la baie, le cargo Elsi est secoué par uneexplosion sous-marine. S’ensuit un quart d’heure de combats confus et violents.Les coupables sont deux vedettes rapides qui ont échappé à la surveillance des corvettes pourposer les mines dont vient d’être victime le cargo. Ces vedettes sont les MS-42 et 43, saisiesmoins de quinze jours plus tôt à Trieste et aussitôt remises en service par des équipagesallemands, aidés de quelques marins fidèles à Mussolini. Tapies le long de la côte, ellesprofitent de la confusion pour tenter de torpiller les navires italiens, mais les marins allemandsmaîtrisent mal leurs nouvelles montures et les torpilles se perdent en mer ou sur les rochers.Les deux vedettes s’enfuient, poursuivies par les tirs de toute la flottille. Malheureusement, sil’attaque n’a pas fait d’autres dégâts directs, les tirs de défense des Italiens ont atteint unchalutier, tuant sur le pont une dizaine de soldats.Pendant ce temps, le cargo Elsi a très vite pris de la bande. La voie d’eau est importante etincontrôlable. D’autres bâtiments viennent à ses côtés pour embarquer le maximumd’hommes, mais ils sont déjà pleins et tous les passagers ne peuvent être transférés. Parbonheur, le cargo finit par couler en eau peu profonde, ce qui limite le nombre de noyés : laplupart des naufragés peuvent atteindre le rivage, ils rejoindront le 120e RI ou prendront le

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maquis.Les autres navires italiens réussissent à regagner Bari et Brindisi sans incident.

Rester ou partir ?Vlorë (Albanie) – Le capitaine de corvette Jean des Moutis hérite de la mission de Détroyat.Il penche pour demander l’évacuation rapide des Italiens, mais à cause de la confusion et desrumeurs de trahison nées de la mort de Détroyat, puis du retour du mauvais temps, celle-ci nepourra être organisée avant l’arrivée de la flottille italienne mobilisée par De Courten. Deplus, les états-majors alliés hésitent encore : ne vaudrait-il pas mieux conserver la tête de pontde Vlorë en vue des prochaines opérations dans les Balkans ?

10 janvierLa campagne d’ItalieLes Canadiens sont làFront italien – La 1ère DI canadienne est maintenant à peu près en place, à gauche de la 6e DIbritannique. Son chef, à la demande du général Ritchie, décide de tenter un coup de sondedans le dispositif allemand. La manœuvre est simple : le 48e Highlander (1ère Brigade)attaquera avec le soutien des chars du 11e Ontario de part et d’autre de San Pellegrino.L’attaque se fera en tenaille par Mirabello et Passo Cordone. Des reconnaissances ont permisd’avoir une carte assez détaillée du dispositif antichar de l’ennemi.Certes, les premiers ordres du nouveau GOC (Alexander) demandent de s’abstenird’opérations offensives importantes. Mais si Ritchie a compris qu’il ne pouvait pas lancer uneattaque générale de son corps d’armée, il veut garder l’initiative en autorisant une attaquelocale, dans les limites de ce que lui permet la logistique à ce moment.

La campagne d’ItalieDu Nord au MidiBerlin – A la suite du retournement italien, l’état-major de la LuftFlotte 5 est transféré deNorvège dans le Midi de la France pour coordonner l’action de la Luftwaffe en MéditerranéeOccidentale. La LF.5 comprend maintenant le Xe FliegerKorps (Italie) et le FliegerFührerMittelmeer (sud de la France).

La campagne des BalkansMassacres en Yougoslavie Sandjak – Dans cette région aux confins de la Serbie et du Monténégro, Pavle Djurišic, cheflocal des Tchetniks, a entrepris d’élargir son domaine. Hier allié circonstanciel des Italiens, ila tenté, avec leur aide, de détruire les Partisans de Tito au passage de la Neretva en novembre.Fin décembre, il a profité de la dislocation des forces italiennes pour prélever son butin enarmement et en provisions.A présent, il veut élargir son fief montagnard en éliminant son autre adversaire local : lamilice musulmane du Sandjak. Cette unité créée en 1941 par le prédicateur Osman Rastoder,d’abord sous la tutelle de l’État Indépendant de Croatie, puis de l’Italie fasciste, cherchemaintenant la protection du Reich allemand. Les Tchetniks, dans une campagne brève etsanglante, vont tuer 400 miliciens musulmans et un millier de femmes et d’enfants. Et ce n’estqu’un début.

Opération Mer Rouge

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Côte dalmate – Alors que le soleil se couche sur l’Adriatique, c’est toute une flotte, oupresque, qui se présente devant le petit port de Senj, mouillage en eau (relativement) profondeoù les déportés juifs de Rab ont été rassemblés quelques jours plus tôt.D’abord, ce sont les Rovigno et Spanedda, venus de Céphalonie, qui ont été chargés de baliserun chenal sûr à travers des champs de mines qu’ils connaissent bien. Ils sont suivis par sixvieux destroyers et sept escorteurs modernes, tous italiens ! Même s’ils arborent aussi lepavillon de la Croix-Rouge, à la stupéfaction des malheureux qui redoutent une nouvellepersécution.Quand enfin les déportés ont compris que leurs tourmenteurs de la veille viennent à leursecours, tous se précipitent dans le plus grand désordre dans toutes les chaloupes disponiblespour embarquer sur les navires de la flottille. Après plusieurs heures d’activité frénétique quele capitaine Malec s’efforce désespérément d’organiser un peu, les quinze bâtiments et leurs2 500 passagers mettent le cap sur Bari, où ils parviendront sans incident. Ils seront ensuitelibres de participer à d’autres missions, en Adriatique surtout (voir appendice 1). Les marins italiens, émus par l’état des malheureux qu’ils ont sauvés, baptiseront cettemission « opération Mer Rouge ».En dehors de quelques-uns qui émigreront vers Israël, presque tous les « Juifs de Rab »demanderont après la guerre la naturalisation italienne. Ils l’obtiendront, leurs représentantsayant fait valoir que l’Italie ne pouvait espérer de meilleurs citoyens que des hommes et desfemmes qui lui seraient à jamais reconnaissants de les avoir sauvés. Il est vrai que le fait quel’opération “Mer Rouge” ait été le résultat d’un marchandage politico-militaire ne devait êtreconnu du public que bien des années plus tard…

La campagne de GrèceVictoires d’aujourd’hui et lendemains qui déchantentSparte – En fin de journée, le général d’armée Antoine Besson, chef d’état-major de l’Arméefrançaise, revient au QG de l’Armée d’Orient après une journée passée à rendre visite auxtroupes en train de libérer le Péloponnèse. Arrivé le matin même à Kalamata en avion, il s’esttout d’abord rendu à Patras puis sur la route de Corinthe, félicitant les chefs et les troupes,distribuant Croix de Guerre et Légions d’Honneur aux vainqueurs de cette courte campagne(la plupart méritaient ces décorations depuis longtemps – la presqu’île n’a pas vu de grandebataille depuis le changement de camp de l’Italie). Tout au long de son périple, il a été escortépar un Giraud ravi de cette marque d’attention et inconscient d’agacer de plus en plus sonsupérieur.Besson a reçu il y a quelques jours la confirmation de son passage en seconde section à la findu mois et de son remplacement par le général Olry. Il s’attendait à cette nouvelle, mais cettedernière corvée grecque n’était pas prévue et il peste in petto contre les Politiques qui la luiont imposée… Et la partie difficile de son voyage va maintenant commencer, alors que laporte se referme sur la salle où sont réunis les principaux officiers de l’état-major de l’Arméed’Orient.« Messieurs, bravo encore une fois pour cette rapide reconquête du Péloponnèse, commenceBesson. Malgré la surprise, malgré des conditions météorologiques et un terrain trèsdifficiles, vous et vos hommes avez su réagir efficacement pour libérer une grande partie duterritoire grec, berceau de notre civilisation. Une fois de plus, le drapeau français s’estcouvert de gloire et le gouvernement m’a demandé de vous faire part de sa satisfaction. Deson lit d’hôpital, le président du Conseil lui-même me l’a exprimée.Il reste certes encore beaucoup à faire pour libérer toute la Grèce, aider la Yougoslavie àconnaitre la même joie, et porter la guerre dans les pays des Balkans qui ont choisi le campde nos ennemis… Mais ces opérations devront attendre le printemps. D’ici là, nous devronsnous y préparer.

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Bien entendu, cette future offensive se fera en lien étroit avec les autres opérations prévues enMéditerranée. Afin de les coordonner, la conférence gouvernementale interalliée tenue le 31décembre à Alger a pris plusieurs décisions capitales.D’abord, un commandement suprême interallié pour la Méditerranée a été créé, afin decordonner tous nos efforts en Grèce, en Italie… et, hum, ailleurs ! En reconnaissance de laqualité de nos forces et de leurs nombreux succès, c’est un général français qui a été appelé àcette haute fonction : Aubert Frère. Sous ses ordres, le commandant des forces terrestresalliées en Italie sera un général américain. Le 15e Groupe d’Armées allié, constitué d’unitésfrançaises et américaines, se prépare en Afrique du Nord, sous commandement français, envue d’une grande offensive l’été prochain, quelque part au nord de la Méditerranée. Dans cecontexte, le commandement des forces terrestres alliées en Méditerranée Orientale, laissévacant depuis le départ du général Frère pour préparer l’opération Torche, n’a plusd’intérêt ; il est supprimé et remplacé par le 18e Groupe d’Armées, qui regroupera la8e Armée britannique et la 2e Armée française, puisque c’est ainsi que sera désormais appeléeofficiellement l’Armée d’Orient. »Les visages de ses auditeurs se sont crispés. Ils savent ce qu’un changement de dénominationpeut recouvrir. Surtout, Giraud commence à rougir ; il n’a jamais caché qu’il espéraitsuccéder à Frère au poste de commandant allié en Méditerranée Orientale. « Ne leur laissonspas le temps de réagir, se dit Besson, autant lâcher toutes les mauvaises nouvelles d’uncoup ! »Il toussote et reprend : « Le commandement de ce 18e Groupe d’Armées sera britannique, cequi s’imposait pour maintenir un équilibre raisonnable des responsabilités entre grandsalliés, et pour tenir compte de l’importance des forces mises en ligne dans la région par lesdifférents pays. »– Mais enfin, vous n’allez pas nous mettre sous les ordres de Cunningham ! explose Giraud.– N’ayez crainte Giraud, répond Besson, personne n’a imaginé une telle inconvenance. Lechef du 18e GA sera Montgomery.Dentz sursaute : Giraud sous les ordres d’un général qui n’était que divisionnaire en 1939,quand le premier commandait déjà une armée ! Besson pense-t-il vraiment que c’est moinsinconvenant ou veut-il provoquer Giraud ?– Mon général, c’est une infamie ! clame Giraud. On a retiré tous ses moyens à l’Arméed’Orient, division après division ! Pendant des mois, on nous a empêchés d’agir, etmaintenant on nous subordonne aux Anglais ! Quelle honte pour nos couleurs, quelle perte deprestige pour la France ! Comment voulez-vous que nous jouions le moindre rôle dans lasuite des opérations sur ce théâtre ? – Le gouvernement compte sur la 2e Armée pour prendre toute sa part lors des prochainscombats en Grèce et dans les Balkans. Vous recevrez prochainement de nombreux renforts :d’abord, dès cet hiver, la 2e Division d’Infanterie yougoslave et un régiment d’artillerie deréserve générale. Au printemps, les recrues polonaises venues d’URSS, qui sont très motivées,nous permettront de mettre sur pied une nouvelle division de montagne, ce qui donnera ainsiun corps d’armée polonais…– Un corps polonais et un corps yougoslave ! s’étrangle Giraud. En somme, une arméefrançaise sans division française !– Dès le printemps, les grands froids passés, une division africaine vous sera envoyée si lesplans d’opération le nécessitent, aussi vite que les moyens de transport disponibles lepermettront, poursuit Besson sans se démonter. La 2e Armée française [il insiste sur ce mot]comptera ainsi six divisions : deux polonaises, deux yougoslaves et deux françaises, troisbrigades blindées et l’équivalent de deux brigades de montagne. Bref, assez d’unités pourmener à bien le plan le plus ambitieux. Au reste, Messieurs, c’est désormais votre mission :

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établir et proposer au général Frère puis à l’état-major interallié un plan d’opération pourl’été 1943.– Mais ce sera le plan de Montgomery, un plan anglais, quel rôle pourrons-nous y jouer ?gémit Giraud.– Giraud, mon vieux, ressaisissez-vous ! lance Besson, glacial. Il se radoucit et reprend :« Nous comptons sur vous tous pour travailler en bonne intelligence avec nos alliés, maisaussi pour faire preuve d’imagination en proposant un plan audacieux permettant le succèsrapide des forces alliées tout en donnant un rôle important à nos couleurs. Gardez tous entête que vous combattez ici aujourd’hui mais que vous pourrez combattre ailleurs demain. »« Giraud, poursuit-il en regardant ce dernier dans les yeux, vos talents sont reconnus etappréciés ; vous serez sans doute encore utile demain, peut-être ailleurs, justement… Negâchez pas tout… »Besson marque un temps, puis : « Allons, puisqu’il n’y a pas d’autres questions, il est tempsd’aller dîner, je pense… » Giraud se lève d’un coup, immense, et sort sans un mot, la minesombre.« Ils sont sonnés, mais ils ont compris et ils joueront le jeu » pense Besson tandis que lesofficiers quittent un à un la pièce.– Mon général ?Dentz, qui fermait la marche, se retourne pour s’adresser à Besson : « Si j’ai bien compris, legénéral Giraud sera prochainement appelé à d’autres fonctions… Sait-on déjà qui leremplacera ?« Nous y voilà, se dit Besson, une offre de service en bonne et due forme… Après tout, il n’y arien là d’étonnant. »– Rien n’est décidé, Dentz. Il nous faudra quelqu’un d’expérimenté, connaissant bien leterrain et apte à travailler en bonne intelligence avec les Anglais – et surtout avecMontgomery. J’ai proposé des noms, j’attends la validation du ministère.

Cavalcades au pays des CentauresThessalie – A quelques jours de quitter son poste, le général allemand Hans Juppe, à la têtede la 104. Infanterie Division, a repris pratiquement sans coup férir la ville de Larissa. La plusgrande partie de la garnison italienne est partie pour Volos, d’où elle espère bien rembarquerpour l’Italie. Seul le 6e Régiment de cavalerie Lancieri di Aosta (colonel Giuseppe Berti) estdécidé à continuer la lutte sur le sol grec. Ayant combattu les Allemands à Larissa le 25décembre, cette unité sait qu’elle n’a pas de quartier à attendre en cas de capture. Le colonelBerti est parti vers Karditsa, où des éléments de la 11e DI Brennero font toujours face auxmaquisards communistes de l’ELAS. Berti espère convaincre les hommes de la Brennero,pour partie des Italiens germanophones du Haut-Adige, de rejoindre le camp allié.Les kapetanos Vassilis Samariniotis 13, chef de l’ELAS pour le sud-ouest de la Thessalie, etAris Velouchiotis, qui commande en Eurytanie, un peu plus au sud, ouvrent des pourparlersavec Berti et acceptent un cessez-le-feu.………Ce même jour, l’ELAS diffuse dans toute la Grèce une proclamation ordonnant de traiter lessoldats italiens désarmés à égalité avec les combattants grecs, notamment pour ce qui est duravitaillement.

13 De son vrai nom Andreas Tzimas.