jamais il n’a ÉtÉ aussi dangereux d’aimer mortelles...

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JAMAISILN’AÉTÉAUSSIDANGEREUXD’AIMERLeNightWorldneselimitepasàunendroitprécis.Il nous entoure. Aux yeux des humains, les créatures du Night World sont belles,

mortellesetirrésistibles.Unamiprochepourraitenfairepartie–lapersonnequevousaimezaussi.LesloisduNightWorldsonttrèsclaires:sousaucunprétextesonexistencenedoitêtre

révéléeàquiquecesoitd’extérieur.Etsesmembresnedoiventpastomberamoureuxd’unindividudelaracehumaine.Souspeinedeconséquencesterrifiantes.

Voicilerécitdecequiarriveàceuxquienfreignentceslois.

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—Rowan,KestreletJade,déclaraMary-Lynnettealorsqu’elleetMarkpassaientdevantl’ancienne

fermevictorienne.—Hein?—Rowan,KestreletJade...cesontlesfillesquiviennentd’emménagerici.Lesbraschargésd’unechaisedejardin,Mary-Lynnetteindiqualafermed’unsignedetête.—LesniècesdeMmeBurdock, tune te rappellespas ? Je t’avaisdit qu’elles venaient

s’installerchezelle,—Si,vaguement,réponditMarkenréajustantsursonépaulelepoidsdutélescopequ’il

transportaittandisqu’ilsgrimpaientlacollinebuissonneuse.Il s’exprimait sèchement, ce qui, selon Mary-Lynnette, trahissait un manque de

confiance.—Dejolisnoms...dit-elle.Et,d’aprèscequeprétendMmeBurdock,cesontdegentilles

filles,aussi.—Cettevieilleestfolle.—Non,elleestjusteunpeuexcentrique.Ellem’adithierquesesniècessonttoutestrès

jolies. Je sais bienque cen’est pas très objectif,mais elle a vraiment insisté : chacune estsplendideetasonproprestyle.

AlorsellesdevraientallerenCalifornie,marmonnaMarkd’unevoixpresque inaudible.EllesdevraientposerpourVogue....Oùest-cequejemetsça?

Ilsvenaientd’atteindrelehautdelacolline.—Ici,réponditMary-Lynnetteaprèsavoirposélachaise.Dupied,ellerepoussaunpeudeterreafinquesontélescopereposebienàplatsurlesol,

puisellelâchasuruntontranquille:—Tusais,jecroisqu’ondevraitallerlesvoirdemain,pourseprésenter–unefaçonde

lesaccueillir,tuvois...—Mais,tuvasarrêter?C’estàmoid’organisermavie,non?Sijeveuxrencontrerune

fille,jesauraicommentfaire.Jen’aipasbesoinqu’onm’aide.—D’accord,d’accord,tun’asbesoindepersonne.Faisattentionavecceviseur...— Et puis, qu’est-ce qu’on va leur dire ? continua-t-il, indifférent à samise en garde.

« Bienvenue à Briar Creek, où il ne se passe jamais rien ; où il y a plus de coyotes qued’habitants;où,sionveutvraiments’éclater,onpeutallerenvillevoirlescoursesdesouris,lesamedisoir,auGoldCreekBar...»

—O.K.,O.K.,soupira-t-elle.Elleconsidérason jeunefrère,dont levisagese teintaitd’ocresous lesderniersrayons

du soleil.À le voir à cet instant, jamais onn’aurait pu imaginerqu’il avait étémalade. Sescheveux étaient aussi noirs et luisants que ceux de sa sœur, ses yeux aussi bleus, clairs etintenses.Et,commeelle,ilavaitleteinthâléetlumineux.

Pourtant, dans son enfance, samaigreur faisait peine à voir, et le seul fait de respirer

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exigeaitdeluiuneffortsurhumain.Sonasthmeétaitsiférocequ’ilavaitpassélaplusgrandepartiedesadeuxièmeannéesousunetenteàoxygène,luttantpourresterenvie.

Mary-Lynnette, de dix-huit mois son aînée, se demandait tous les jours quand ilreviendraitàlamaison.

Le fait d’être seul sous cette tente où sa propre mère ne pouvait le toucher l’avaitradicalementchangé,etcefutungarçontimideetapeuréquiensortit,quirestaensuiteenpermanence pendu aux basques de sa mère. Et, durant des années, il fut incapable depratiquerunsportcommelesautresgarçonsdesonâge.Toutcelaétaitdupassé,biensûr–Markallaitentreraulycéecetteannée–,maisilrestaitnéanmoinscraintif.Et,lorsqu’ilétaitsurladéfensive,ilmontraitlescrocs.

Mary-Lynnette espérait que l’une des ces trois filles sympathiserait avec lui, qu’elle ledistrairait unpeu, lui donnerait confiance. Peut-être elle-mêmepourrait-elle organiser unerencontre...

—Aquoitupenses?luidemanda-t-ild’unairsoupçonneux.—Oh...aupanoramaauquelonvaavoirdroitcesoir.Août,c’est lemeilleurmoispour

observer les étoiles ; l’air est tellement chaud et calme.Hé, regarde, voilà la première ; tupeuxfaireunvœu.

Cherchant à lui ôter ses soupçons, elle lui indiqua un point brillant au sud, juste au-dessusdel’horizon.

Distrait,Marklevalesyeux,commeellel’espérait,etregardaàsontour.Elleconsidérasanuquebruneetmurmurapourelle-même:jefaispourtoilevœuque

tuvivesunebelleaventure.Pourmoiaussi... songea-t-elle.Mais,àquoibon?Iln’yapersonne, ici,avecquivivre

unehistoired’amour.Aucundesgarçonsdel’école–saufpeut-êtreJeremyLovett–necomprenaitpourquoi

elles’intéressaitàl’astronomienicequereprésentaientpourellelesétoiles.Leplussouvent,elles’enmoquait,maisparfois,elleressentaitcommeunevaguedouleuràlapoitrine.

Le désir... de partager.Oui, si elle devait faire un vœu, ce serait pour cela ; pour avoirquelqu’unavecquipartagerlanuit.

Mais,quelleimportance?Celaneluiapportaitrienderessassercesidées.Etpuis,mêmesi elle ne jugeait pas utile de le préciser à Mark, ce n’était pas devant une étoile qu’ilsfaisaientunvœumaisdevantlaplanèteJupiter.

Mark secouait la tête enmartelant d’un pas rageur le sentier qui serpentait entre lesbuissonsdeciguëetdechèvrefeuille.Ilauraitdûs’excuserauprèsdeMary-Lynnetteavantdepartir –iln’aimaitpasêtreméchantavecelle.Enfait,c’étaitmêmelaseulepersonneavecquiils’efforçaitd’êtrecorrect.

Maispourquoipassait-elle son tempsà s’occuperde lui ?Aupointd’aller formulerunvœusouslesétoiles...Detoutefaçon,iln’enavaitpasfait.Sijedevaisenfaireun,pensait-il, – ce que je ne ferai jamais,parce que c’est bidon et nul – ce serait juste qu’il m arrivequelquechosed’excitant,ici.

Devivre quelque chose de fascinant... Saisi d’un frisson, il continua de redescendre lacollinedansl’obscuritéquis’épaississait.

Jade observait au sud le point de lumière immobile et scintillant sur l’horizon. Uneplanète,ellelesavait.

Lesdeuxdernièresnuits,ellel’avaitvuesedéplacerdansleciel,accompagnéedesfinestêtesd’épingleslumineusesquidevaientêtreseslunes.

Là d’où, elle venait, personnene faisait de vœu sous les étoiles,mais cette planète lui

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apparaissait comme une amie – une voyageuse, un peu comme elle. Et, tout en lacontemplant, elle sentit unpuissant espoir naître en elle.Un espoir qui prenait presque laformed’unvœu.

Jadedevaitadmettrequelasituationnes’annonçaitpasvraimentbien.Lanuitétaittropcalme ; il n’y avait pas le moindre son de voiture alentour. Elle était lasse, inquiète etcommençaitàavoirtrès,trèsfaim.

Ellesetournaverssessœurs.—Alors,oùest-elle?—Jenesaispas,réponditRowand’unevoixrésolumentdouce.Unpeudepatience.—Onpourraitpeut-êtreselanceràsarecherche.—Horsdequestion.Rappelle-toicequ’onadécidé.— Elle a peut-être oublié qu’on venait, déclara Kestrel. Je t’avais dit qu’elle devenait

sénile.—Arrête de parler comme ça. Ce n’est pas poli, reprit Rowan, avec autant de douceur

maisentresesdents,cettefois,Rowan parvenait toujours à être douce quand elle s’y efforçait. Âgée de dix-neuf ans,

longue,minceetaltière,elleavait lesyeuxnoisetteetunesouplechevelureauburnqui luitombaitencascadedansledos.

Kestrelavaitdix-septans,etsescheveuxcouleurvieilorluiencadraientlevisagecommeles ailes d’un oiseau. Son regard d’ambre était aussi acéré que celui d’un faucon, et, à ladifférencedesonaînée,ellepouvaitsemontrertrèsdurequandillefallait.

Jade,laplusjeune,venaitdefêtersesseizeansetneressemblaitenrienàsessœurs.Desescheveuxblondsauxrefletsargentés,ellesefaisaitunvoilederrièrelequelelledissimulaitses prunelles émeraude. Les gens disaient qu’elle paraissait sereine, mais jamais ellen’éprouvait la moindre sérénité. Elle se sentait soit surexcitée, soit, au contraire, maladed’angoisseetperdue.

Et,encemoment,c’étaitl’anxiétéquilarongeait.Elle était obsédée par sa valise de cuir vieille d’au moins un demi-siècle, et dont il

semblaitnesortiraucunson.—Etsivousdescendieztoutes lesdeuxsurlaroutepourvoirsiellearrive?suggéra-t-

elle.Rowan et Kestrel étaient rarement d’accord sur les mêmes points, mais en ce qui

concernait Jade, oui. Et celle-ci voyait bienmaintenant qu’elles étaient prêtes à semontercontreelle.

—Etpuisquoi,encore!demandaKestrel.—Jetevoisvenir,Jade,enchaînaRowan.Qu’est-cequetuasdanslatête!Jades’efforçadecalmersespenséesetaffichaunairquisevoulaitingénu.Ellesbalayèrentlaruedesyeux,échangèrentunregardpuisabandonnèrent.Jecroisqu’onvadevoirmarcher,ditKestrelàRowan.— Il y a pire quemarcher, rétorqua celle-ci en repoussant unemèche auburn de son

front.Elleconsidéra les troisparoisvitréeset lebancdeboisquiconstituaient l’arrêtdebus,

puismarmonna:—Siaumoinsilyavaituntéléphone.— Laisse tomber, il n’y en a pas. Et on est à trente kilomètres de Briar Creek, reprit

Kestrel,sesyeuxd’ambreluisantd’unesatisfactioncruelle.Onvadevoirlaissernossacsici.—Non,non!s’alarmasoudainJade.J’aitoutmon...tousmeshabitsdedans.Allez,trente

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kilomètres,cen’estpassiterrible.D’une main, elle attrapa la cage de son chat – une caisse faite maison à l’aide de

planchesetdefildefer–et,del’autre,savalise,puissemitenroute.Elle avait déjàparcouruunebonnedistance lorsqu’elleperçutunbruitdepasderrière

elle.Sessœurss’étaientdécidéesàlasuivre;Rowanlâchaitdessoupirspatients,etKestrelriaitdoucement,sacheveluredoréebrillantsouslecielàprésentétoile.

Bien que sombre et déserte, la route était loin d’être silencieuse avec les mille petitsbruitsquiponctuaient lanuit enuneharmonieusemélodie.Uneatmosphèrequi auraitpuparaîtreagréable...silavalisedeJaden’avaitpassemblés’alourdiràchacundesespas,etsiellenes’étaitpassentieaussiaffamée.Unefaimatroce,qu’ellesegardaitbienderévéleràsessœurs,maisquinefaisaitqu’ajouteràsaconfusionetàsafaiblesse.

Sur lepointdeposersavalisepoursoufflerunpeu,Jadeentenditunsondifférentdesautres.

Celuid’unevoiturequiapprochaitderrièreelles.Lebruitdumoteurétaitsipuissantqu’illui sembla mettre une éternité pour arriver à leur hauteur. Mais, lorsque le véhicule lesdépassa, la jeune fille comprit qu’il allait en fait très vite. Il y eut alors un crissement depneus,et lavoiturestoppa...avantde reculerverselles, laissantJadeapercevoirderrière lavitreungarçonquilaregardait.

Unautreétaitassisàsescôtés,surlesiègepassager.Ellelesconsidérad’unaircurieux.Ils paraissaient avoir l’âge de Rowan, et tous deux avaient le teint particulièrement

sombre.Celuiquiconduisaitavaitdescheveuxblondsquisemblaientmanquercruellementd’unbonshampoing.

L’autreétaitbrun,portaitunevestesursontorsenuetserraituncure-dentaucoindelabouche.

Tous deux jetèrent sur Jade un regard aussi curieux que le sien. Puis la vitre duconducteurs’abaissaavecunerapiditéquilafascina.

—Onvousdéposequelquepart?proposa-t-ilavecunsourireétincelant.Leblancdesesdentscontrastaitincroyablementavecsonvisagecrasseux.Jade se tourna vers Rowan et Kestrel qui la rejoignaient à peine. Sans rien dire, cette

dernière observa la voiture d’un regard méfiant tandis que Rowan gardait un air doux ettranquille.

—Onaimeraitbien,fit-elleensouriant.Maisc’estàlafermeBurdockqu’onva;cen’estpeut-êtrepasvotredirection...

—C’estbon,jeconnais,coupalegarçonàlaveste,sanscesserdemâchonnersoncure-dent.Cen’estpastrèsloin.Etpuis,qu’est-cequ’onneferaitpaspourunejoliefille?

Ouvrantsaportière,ildescenditdevoitureetajouta:— Il y en a une qui peut s’asseoir devant, etmoi jememettrai derrière avec les deux

autres.S’adressantàsoncopain,ilajouta:—J’aidelachance,non?—Oui,tuasdelachance,souritl’autreavantd’ouvrirdesoncôté.Vouspouvezmettrela

cageduchatdevant,etvosvalisesdanslecoffre,sivousvoulez.Rowan sourit à Jade, qui devina aussitôt ce qu’elle pensait :est-ce qu’on a tous ici les

mêmesintentionsamicales?Les trois jeunes filles déposèrent leurs bagages dans le coffre puis grimpèrent dans le

véhicule,Jades’installantàl’avant,

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RowanetKestrelprenantplaceàl’arrière,dechaquecôtédeceluiquiportaitlaveste.Quelquesinstantsplustard,ilsfilaientlelongdelarouteàunevitessequeJadetrouvait

inquiétante.—Moi,c’estVie,annonçaalorsceluiquiétaitauvolant.—Etmoi,Todd,enchaînal’autre,derrièrelui,—Moi,jem’appelleRowan,déclaral’aînée,etvoiciKestrel.Devant,c’estJade.—Vousêtesamies?—Non,sœurs,réponditJade.—Vousnevousressemblezpas...—C’estcequetoutlemondedit.Toutlemonde...depuisqu’elless’étaientenfuies.Car, au pays, tous savaient qu’elles étaient sœurs ; donc personne ne leur faisait la

remarque,—Qu’est-cequevousfaitessitardsurcetteroute?demandaVic.Cen’estpasunendroit

pourtroisgentillesfillescommevous.—Onn’estpasdes«gentillesfilles»,rétorquaKestrelsuruntonabsent.—Onessaiedel’être,corrigeaRowanentresesdents.Puiselleajoutaàl’adressedeVic:—Onattendaitquenotregrand-tanteOpalepassenousprendreàl’arrêtdebus,maiselle

n’estpasvenue.OnemménageàlafermeBurdock.—CettevieillechouettedeBurdock,c’estvotretante?s’étonnaToddenôtantsoncure-

dent.Vicsetournaverslui,ettousdeuxéclatèrentderire.Jadebaissalesyeuxsurlacagedesonchatetécoutalespetitsbruitsquiluiassuraient

queTiggyétaitréveillé.Elleéprouvaitunvaguemalaise.Derrièreleurairsympa,cesgarçonssemblaientcacher

quelquechose.Mais elle avait trop sommeil – et se sentait trop étourdie de faim – pour saisir

exactementcequec’était.Unlongmomentparuts’écouleravantqueVienereprennelaparole:—Vousêtesdéjàvenuesdansl’Oregon?—Non...soufflaJadeenclignantdespaupières.—C’estpleindecoinsassezperdus,voussavez.Comme ici,parexemple.BriarCreek, c’étaituneminedor,à l’époque ;maisquand le

filon s’est épuisé et que le train a cessé de s’y arrêter, c’est devenu une ville morte. Etaujourd’hui,c’estlajungle,ici.

Malgrécesparoleslourdesdesens,Jadenecompritpascequ’ilentendaitparlà.—Çasemblepaisible,résonnalavoixdeRowan,àl’arrièredelavoiture.Viclâchaunbrefgrognement.—Oui,enfin,paisible...cen’estpasvraimentcequejedirais.Regardezcetteroute;ces

fermessonttoutesàdeskilomètreslesunesdesautres.Sivouscriez,c’estclairquepersonnenevousentendra.

Jadeécarquillalesyeux.—Pourquoidirecela?Rowan,quis’efforçaitdepoursuivreuneconversationpolie,déclara:—Si,toietTodd,vousentendriez.

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—Jeveuxdire,personned’autren’entendrait, répliquaVicavecune traced’impatiencedanslavoix.

Ralentissantdeplusenplus,ilfinitpars’arrêtersurleborddelarouteavantdecouperlemoteur,

—Personne,ici,n’entendra,précisa-t-ilenseretournantverslesiègearrière.JadevitToddsourire,sesdentsblanchesdenouveauserréessursoncure-dent.—Exact,renchérit-il,personnen’entendra.Iln’yaquenousetvous,ici;alorsvousavez

intérêtànousécouter,lesfilles.D’unemain,ilsaisitlebrasdeRowan,et,del’autre,attrapalepoignetdeKestrel.Bien que surprise, Rowan demeura impassible pendant que Krestel considérait la

portièreprèsd’elle.Jadesavaitcequ’ellecherchait:lapoignée.Iln’yenavaitpas.—Dommagepourvous,laissatomberVic,cettevoiture,c’estunvraitasderouille.Onnepeutpasl’ouvrirdel’intérieur.IlagrippaalorslebrasdeJade,sifortqu’elleensentitlapressionjusqu’auniveaudel’os.—Maintenant,lesfilles,vousallezêtretrèsgentilles,etonnevousferapasdemal.

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2

—Voussavez,onestplutôtseuls,touslesdeux,ydéclaraTodd,surlesiègearrière.Iln’yapersonnedenotreâge,ici,alorsons’ennuieunpeu.Donc,quandontombesurtroisbellesfillescommevous...enfait,onn’aqu’uneenvie,c’estdefaireconnaissance.

Vouscomprenez?—Alors,sivousacceptezdejouer,ajoutaVic,onpeuts’amuserunpeu.—S’amuser...oh,non,lâchaRowan,consternée.Jadesavaitqu’elleavaitcaptéunepartdespenséesdeVicetfaisaitsonpossiblepourne

pasensavoirdavantage.—Kestrel etJade sontbien trop jeunespourcegenredechoses.Désolée,onn’estpas

d’accord.—Jerefuseraismêmesij’avaisl’âge,articulaJade.Mais,detoutefaçon,cen’estpascequecesgarçonsveulentdire.Cequ’ilsveulentdire,

c’estça.Elleprojetadansl’espritdeRowancertainesdesimagesqu’ellepercevaitdanslecerveau

deVic.— Enfin, Jade, fit Rowan, tu sais qu’on était d’accord pour ne pas espionner les gens

commeça.Oui,maisregardecequ’ilsontentête,luirépliquamentalementJadeensedisantque,si

elleavaitvioléunerègle,ellepouvaitbienlesviolertoutes.—Maintenant,écoutez,repritVicqui,detouteévidence,sentaitqu’ilnecontrôlaitplusla

situation.Saisissantl’autrebrasdeJade,illaforçaàluifaireface.—Onn’estpaslàpourdiscuter,O.K.,lâcha-t-ilenlasecouant,maissansbrutalité.Elleledévisageauninstantpuistournalatêteverslabanquettearrière.La pâleur de Rowan ressortait vivement au milieu de ses cheveux auburn, et Jade la

devinaittristeetdéçue.LescheveuxdorésdeKestrelavaientsoudainprisuneteintemate,etellefronçaitlessourcils.

Alors?fit-elleensilenceàl’adressedesasœuraînée.Alors?enchaînamentalementJadeensetortillantpoursedégagerdel’étreintedeVie,

quicherchaitmaintenantàl’attirerverslui.Rowan,faisquelquechose,ilmepince!Jecroisqu’onn’apluslechoix,réponditcelle-ci.Aussitôt,JadeseretournaversVic.Iltentaitencoredelaserrercontrelui,étonnéqu’elle

ne cède pas. Mais, cessant soudain de lui résister, elle le laissa faire...avant de projeterbrusquement un bras en l’air et de le frapper au menton du dos de la main. Ses dentsclaquèrent sous la violence du choc, et sa tête fut propulsée en arrière, exposantcomplètementsagorge...auxdentsdeJade.

Quiplongeaetmordit.Elle se sentait à la fois coupable et excitée. Elle n’avait pas l’habitude d’agir ainsi, de

s’abattresuruneproieéveilléeetcenséesedéfendre,plutôtquesuruneproiehypnotiséeetdocile. Mais elle faisait confiance à ses instincts ; ceux d’un chasseur qui avait grandi enpoursuivant les humains dans les ruelles sombres et désertes. C’était quelque chose

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d’inhérentàsaprogrammationgénétique:évaluertoutcequ’ellevoyaitensedemandantsic’étaitdelanourriture,siellepouvaitsel’offrir,quellesétaientsesfaiblesses.

L’ennui était qu’elle n’avait pas le droit d’apprécier ce repas, car cela s’opposaittotalementàcequeRowan,elle-mêmeetKestrelvenaientchercheràBriarCreek.

Du coin de l’œil, elle distingua ce qui se passait à l’arrière de la voiture. Rowan avaitsoulevélebrasqueToddutilisaitpourlacontraindre,et,del’autrecôté,Kestrelavaitfaitlamêmechose.

Lavoixrauquedestupéfaction,ilcherchaitàsedégagerenbalbutiant:—Hé...mais...qu’est-cequevous?....Rowanmordit.—Qu’est-cequevousfaites?Kestrelmordit.—Qu’est-cequevousfaites?Vousêtesqui?C’estdingue,vousêtesquoi?!IlsedébattitsauvagementpendantquelquesinstantspuissécroulatandisqueRowanet

Kestrelleprécipitaientmentalementdansunétatcatatonique.Uneautreminutes’écoulapuisRowandéclara;—Çasuffit.Oh,Rowan...protestaJade.—Çasuffît, j’aidit.Dis-luidetoutoublierdecequivientdesepasser...etessaiedelui

fairedireoùsetrouvelafermeBurdock.Sanscesserdesenourrir,lajeunefilleplongealentementuntentaculedesapenséedans

l’espritdeVie.Puiselles’écarta,etsaboucheserefermacommedansunbaisertandisqu’elleabandonnaitlapeaudesavictime.

Telleunepoupéedechiffon,legarçons’affaissamollemententrelevolantetlaportièrequandJadelerelâcha.

— La ferme est de ce côté, articula-t-elle alors. On doit faire demi-tour jusqu’àl’embranchementqu’onvientdepasser.C’estbizarre... Ilpensaitqu’iln’auraitaucunennuiennousattaquant,àcausedequelquechoseenrapportavectanteOpale.Jen’aipascomprisquoi.

—Peut-êtrequ’elleestfolle,suggéraKestrelsanslamoindretraced’émotion.Todd,lui,pensaitqu’iln’auraitpasd’ennuisparcequesonpèreestunAncien.—Ilsn’ontpasd’Anciens,répliquaJade,vaguementétourdie.Tuveuxplutôtparlerd’un

gouverneuroud’unofficierdepolice,quelquechosedecegenre.L’airpréoccupé,Rowanregardaitailleurs.— Bon, lâcha-t-elle enfin, on a été prises de court ; on n’avait pas le choix. Mais,

maintenant,onrevientàcequ’onadit.—Jusqu’auprochainimprévu,ditKestrelensouriant,levisagetournéverslanuit.—Tucroisqu’ondevraitleslaisserici?luidemandaJade.—Pourquoipas?réponditKestreld’untonindifférent.Dansquelquesheures,ilsseront

réveillés.Jade considéra le cou de Vic. Les deux petits trous percés par ses dents étaient déjà

presquerefermés.Demain,ilneresteraitquedevaguestracesrougesquiauraientl’aird’anciennespiqûres

d’abeille.Quelquesminutes plus tard, les trois fillesmarchaient de nouveau sur la route, leurs

bagagesàlamain.Jadeétaitcependantnettementplusgaie.Ellevenaitdes’alimenter,etcelafaisaittouteladifférence.

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Elle se sentait chargée d’énergie et prête à grimper les montagnes. Elle balançaitalternativementsavaliseetsacage,àl’intérieurdelaquellegrognaitTiggy,Quellemerveilledeseretrouverainsidehors,àmarcherseuledansl’airtièdedelanuit,sanspersonnepourvousenfairelereproche!Quelplaisird’entendrelesbiches,leslapinsetlesratssenourrirdans leschampsautourdevous !Jadetressaillaitdebonheur ; jamaisellenes’étaitsentieaussilibre.

— C’est chouette, non ? dit doucement Rowan tandis qu’elles atteignaientl’embranchement.C’estça,lavraievie.Etonyadroitautantquen’importequi.

— Je pense que c’est le sang, déclara Kestrel. Les humains élevés au grand air sonttellement mieux que ceux qui vivent enfermés. Pourquoi notre cher frère ne nous a-t-iljamaisexpliquéça!

Ash... songea subitement Jade en sentant un vent glacé lui parcourir l’échiné. Elleregardaderrièreelle, cherchantdesyeux,nonpasunevoiture,maisquelquechosedebienplus silencieux... et mortel. Elle comprit alors combien était fragile le bonheur qu’elleressentait.

—Est-cequ’onvasefaireprendre?demanda-t-elleàRowan.L’espace d’une seconde, elle était redevenue la petite fille de six ans qui cherchait du

réconfortauprèsdesasœuraînée.EtRowan,lameilleurgrandesœurdumonde,luiréponditaussitôt:—Non.—MaissiAshcomprend...C’estleseulàpouvoirserendrecompte...—Onnevapassefaireprendre,insistaRowan.Personnenesauraqu’onestici.Rassurée,JadeposasavaliseettenditlamainàRowan,quilapritdanslasienne.—Ensembleàjamais.Kestrel,quise trouvaitàquelquespasdevantelles,seretourna, lesrejoignitetposasa

mainsurlesleurs.—Ensembleàjamais.Rowanprononça cesmots avec solennité.Kestrel les articula en fixant ses sœurs d’un

regardjauneetperçant.EtJadelesexprimaavecdétermination.Tandis qu’elles reprenaient leur chemin, Jade se sentit de nouveau pleine d’entrain et

heureusedemarcherainsidanslanuittiède.Larouten’étaitpluspavée,àpartirdecetendroit.Elleslongèrentdesprésetdesbosquets,passèrentdevantunefermesurleurgauche,au

fond d’une longue allée d’arbres, et, enfin, tout au bout de la route, aperçurent une autremaison.

—C’estlà,annonçaRowan.Jade la reconnut aussi, aux images que tanteOpale leur avait envoyées. Composée de

deuxétages,elleétaitentouréed’uneterrasseetcouverted’untoitenpenteornédemultiplespignons ainsi que d’une petite coupole sur son faîte. Au sommet de la grange voisine sedressaitunegirouette.

Unevraiegirouette,seditJadeens’arrêtantpourmieuxlacontempler.—J’adorecettemaison,dit-elledel’airleplussérieuxdumonde.RowanetKestrel s’étaient arrêtées aussi,mais ellesn’affichaientpasdu tout lamême

expression.L’aînéeétaitmêmeàuncheveudesemontrerhorrifiée.Maiselleestenruine,s’étrangla-t-elle.Regarde-moi cette grange, le crépi a complètement disparu. Ce n’est pas ça que nous

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montraitlaphoto...Etlaterrasse,ajoutaKestrelnonsansdéception.Elleestdécrépite;ellepeuts’effondrerd’uninstantàl’autre.—Letravail...soupiraRowan.Letravailqueçademanderaitdetoutremettreenétat.—Etl’argent,renchéritKestrel.—Pourquoilaréparer?s’étonnaJade.Moijel’aimebiencommeça.Elleestdifférente.Avecassurance,ellesaisitsesbagagesetcontinuaverslamaison.Unepalissadedélabrée

entouraitlapropriété,ferméeparunportailquisemblaitaussibranlantquelereste.Au-delà,surunealléerecouverted’herbesfolles,setrouvaituntasdepiquetsblancs,commesi l’onavaitprévuderéparerlaclôturesansjamaiss’yatteler.

Jadeposasacageetsavalise,ettirasurlaporte.Àsagrandesurprise,celle-cin’opposaaucunerésistance.—Vousvoyez,cettemaisonn’apasbellealluremais...Ellen’eutpasletempsd’acheversaphrase;levieuxbattantdeboisluitombadessus.—Bon,d’accord,elleestunpeudéglinguée,maiselleestànous,dit-elletandisqueses

deuxsœursladégageaient.—Non,corrigeaKestrel,elleestàtanteOpale.—Allez,onyva,fitRowanenselissantlescheveux.Desplanchesmanquaientàl’escalierduporcheetsurlaterrasse,maisJadefranchitles

espacesvidesavecdignité.Enchutant,laportedelapalissadeluiavaitflanquéunboncoupaumenton,et,puisquec’étaitdubois,celaluifaisaitencoremal.Enfait,toutsemblaitêtreenbois,ici;cequiprovoquaitchezlajeunefilleunagréablesentimentd’inquiétude.

Chezeux,onvénéraitlebois–etonlegardaitdecôté.Il fautsemontrerparticulièrementprudentpourvivredanscegenredemonde,pensa

Jade.Sinon,onrisquedesefairemal…Rowan et Kestrel frappèrent à la porte ; l’une avec discrétion, en utilisant ses

articulations;l’autrenettementplusfort,aveclatranchedesamain.Pasderéponse.—Ondiraitqu’ellen’estpaslà,déclaraRowan.— Elle a peut-être décidé qu’elle ne voulait plus de nous, suggéra Kestrel, d’un air

contrarié.—Peut-êtreaussiqu’elleestalléeàlamauvaisestationdebus,ditJade.—Maisoui, c’est ça ! repritRowan.Lapauvre, elledoit être en traindenousattendre

ailleurs;etellevacroirequ’onn’estpasvenues.—Detempsentemps,tun’espascomplètementstupide,lafélicitaKestrel.—Bon,sionentrait,proposaJadeafindeleurcachercombienelleétaitcontente.Elleva

bienfinirpararriver.Chez leshumains, lesportesdesmaisonsontune serrure, commençaRowanavantde

s’apercevoirquecelle-cin’étaitpasverrouillée.La poignée tourna entre les doigts de Jade, et toutes trois pénétrèrent dans la vieille

bâtisse.Il faisait sombre, plus sombre que lors d’unenuit sans lune,mais les yeuxde Jade se

firentenuninstantàl’obscuritéambiante.—Ditesdonc,cen’estpassimal,lâcha-t-elle.Elles se trouvaient dans un salon défraîchimais très beau, orné demeubles énormes.

Des meubles en bois, bien sûr, noirs et soigneusement cirés, les tables étant toutesrecouvertesdemarbre.

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Rowan trouva un interrupteur, et, subitement, la pièce s’illumina. Trop pour Jade, quiclignadespaupières avantdedécouvrirdesmurspeintsde vertpâle et ornésdemouluresd’une teinte plus foncée. Ce qui créa chez elle une étonnante impression d’apaisement, etd’appartenance à ces lieux, comme si elle y avait toujours vécu. Sans doute était-ce dû àl’imposantmobilierquil’entourait.

EllesetournaversRowan,quicontemplaitl’ensembled’unairtranquille,soncorpslongetgracieuxtenduenavant.

Celle-cisourit,rencontrasonregardpuisacquiesçad’unsignedetête.QuiJadesavourauninstantl’idéed’avoireuraisondeuxfoisdesuiteencinqminutes,puis

sesouvintdesavalise.— Voyons à quoi ressemble le reste de la maison, se hâta-t-elle de dire. Je monte à

l’étage,etvous,vouscontinuezd’inspecterlerez-de-chaussée.—Tuveuxchoisirlameilleurechambre,c’estça!luilançaKestrel.Jadeignorasaréflexionetsedépêchadegrimperlelargeescalierrecouvertdetapis.Ily

avaitbeaucoupdechambresàcoucher,aupremier,toutesplusvasteslesunesquelesautres.Cen’étaitpaslameilleurequ’ellecherchait,cependant,maislaplusisolée.

Toutauboutducouloirsetrouvaitunepièceaubleuoutremer.Jadeyentra,refermavitelaporteetposasavalisesurlelit.Retenantsonsouffle,ellel’ouvrit.

—Oh...Oh,non,non!Troisminutesplustard,elleentenditlecliquetisdelaserrurederrièreellemaisnégligea

deseretourner.—Qu’est-cequetufais?résonnalavoixdeKestrel.Jadedétacha ses yeuxdesdeux chatonsqu’elle tentait désespérémentde ramener à la

vie.—Ilssontmorts!selamenta-t-elle,— Franchement, tu t’attendais à quoi ? Il fallait les laisser respirer, idiote. Comment

voulais-tuqu’ilsrésistentàdeuxjoursdevoyage?Jadereniflasansrépondre.—Rowant’avaitditden’enprendrequ’un.Saisied’unhoquet,elles’exclama:—Jesais!C’estpourçaquej’aimiscesdeux-làdanslavalise.Aumoins,Tiggyestenvie,

lui...Elle se laissa tomberàgenouxet regardaà l’intérieurde lacagedeboispours’assurer

que l’animal allait vraiment bien. Il avait les oreilles couchées en arrière, ses yeux dorésluisaientaumilieudelamassenoiredesafourrure.Ilfeulaet,rassurée,Jades’assitsursestalons.

Ilallaitbien.—Pourcinqdollars,jem’occuperaidesdeuxquisontmorts,proposaKestrel.—Non ! s’écria Jade avant de bondir debout et de reculer vers les deux petits, toutes

griffesdehors.—Maisnon,pascommeça,ripostaKestrel,agacée.Jenemenourris pasde charogne.En revanche, si tune trouvespas lemoyende t’en

débarrasserd’unefaçonoud’uneautre,Rowanvafinirparlesdécouvrir.Tuesunevampire,bonsang;comporte-toienvampire!

—Jevoudraislesenterrer,déclaraJadeenserrantlespetitscadavrescontresoncœur.Illeurfautdesfunérailles.

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Kestrelrouladesyeuxexaspéréspuissortit.Sansattendre,Jadeemballalesdeuxchatonsdanssavesteet,surlapointedespieds,suivitsasœur.

Unepelle...Illuifallaitunepelle.Oùpourrait-elleendénicherune?Surveillantd’uneoreillelesalléesetvenuesdeRowan,elleseglissaaurez-de-chaussée.

Touteslespiècesressemblaientausalon:àlafoisimposantesetdansunétatdedécrépitudeavancée.Lacuisineétaitimmense,équipéed’unecheminéeetflanquéed’unofficequidevaitservirdelingerie.Ilyavaitaussiuneportedonnantsurlacave.

Sanshésiter,ellel’ouvrit.Puiss’engageaprudemmentdansl’escalier,sanspouvoirallumer,carelleavaitbesoinde

sesdeuxmainspourtenir leschatons...qui l’empêchaientdevoirsespieds.Ellenepouvaitdoncquecomptersursesorteilspoursentirlesmarchesqu’elledescendait.

Arrivée en bas, sa pointe de pied rencontra un objet qui sembla résister à la légèrepousséequeJadeluidonna.Etquiluibloquaitmaintenantlechemin.

Lentement,elletenditlecouau-dessusdupaquetqu’elleportaitetregardaparterre.Il faisait très sombre, et elle-même cachait le peu de lumière qui lui parvenait de la

cuisine.Elleréussitnéanmoinsàdistinguercequiressemblaitàuntasdevieuxvêtements.Untasinégal.

Jadefutsaisied’unmauvais,trèsmauvaissentiment.De la pointe du pied, elle tâta la masse sombre. Qui remua légèrement. Après un

profondeinspiration,elleappuyaplusfort,insista.Commel’ensemblesemettaitàroulerdecôté,Jadeosaunregardetpoussauncri.Uncripuissant,aigu,destinéàbienattirerl’attentiondesonentourage.Elleyajoutaune

pensée,l’équivalenttélépathiqued’unesirèned’alarme.Rowan!Kestrel!Ramenez-vousparici,vite!Vingtsecondesplustard,lacaves’illuminatandisquesesdeuxsœursdéboulaientencatastrophedansl’escalier.

— Jade, je n’arrête pas de te le répéter, lâcha Rowan entre ses dents, on n’utilise pasnotre...

Ellesefigeanet.—Je...croisquec’estnotretanteOpale,articulaJade.

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3

—Ellen’apasl’airbien,commentaKestrelpar-dessusl’épauledeRowan.—Non...jen’ycroispas...soufflacelle-ci,bouleversée.TanteOpaleétaitcommemomifiée.Ellen’avaitplussurlesosqu’unepeauparcheminée,

brunâtre, fine et lisse, presque luisante ; une mince couche de cuir tendue sur desarticulationsnoueuses.Soncrâneneportaitplusaucuncheveu,sesorbitesn’étaientplusquedeuxtrousnoirsàpeinecomblésdetissuséché,etsonnezavaitperdutouteforme.

—Pauvrepetitetante,murmuraRowan,lesyeuxembuésdelarmes.—C’estàçaqu’onvaressemblerquandonseramortes,commentaKestrel,pensive.Maissoudain,tapantsèchementdupied,Jadelâchaaveccolère:—Maisnon,lesfilles,vousvousfichezcomplètementdedans!Regardez!Regardezbien...Elle flanqua un violent coup de pied dans le ventre de la momie. Et là, jaillissant au

milieu de la robe à fleurs bleues, apparut ce qui n’était autre qu’un pieu de bois. Presqueaussilongqu’uneflèche,épaisàlabaseeteffiléàl’extrémité,ilétaitplantédanslapoitrinedelavieillefemme.Descopeauxdepeintureblancheétaientencoreaccrochésàl’étoffe.

Plusieursautrespiquetsblancsgisaientnonloind’ellesurlesoldelacave.— Pauvre tante Opale, répéta Rowan. Elle devait les porter avec elle quand elle est

tombée.JaderegardaKestrel,quiluirenvoyaunregardaussijaunequ’exaspéré.Leursœuraînée

étaitundesraressujetssurlesquelsellesseretrouvaienttoujoursd’accord.—Rowan,réveille-toi!Ellen’estpastombée,onluiaplantécepieudanslecœur.—Non...—Si,insistaJade.Onl’atuée.Quelqu’unquidevaitsavoirqu’elleétaitvampire.—Mais...quiauraitpusavoir?fit-elleensecouantlatête.—Unautrevampire,peut-être,suggéraJade.—Oualorsunchasseurdevampires,ajoutaKestrel.Choquée,Rowanbalbutia:—Ça...n’existepas.Cequ’onditsureux,c’estjustepoureffrayerlesgamins...Kestrel haussa les épaules,mais ses yeux d’ambre avaient pris une inquiétante teinte

sombre.Jade, elle, ne savait plus que penser. La liberté ressentie un peu plus tôt sur la route,

cette étrange paix éprouvée en pénétrant dans le salon... tout cela pour tomber sur cespectacledésolant.Subitement,ellesesentitvide,seuleaumonde.

Rowans’assitsurlesmarchesdel’escalier,troppréoccupéepourrepousserlamèchedecheveuxquivenaitdes’abattredevantsesyeux.

—Jen’auraisjamaisdûvousamenerjusque-là,souffla-t-elle.Çaal’aird’êtrepire,ici.Mêmesisasœurn’enditrien,Jadedevinalapenséequi luitraversal’esprit :peut-être

qu’ondevraitrepartir.—Ceseraitpireencore,rétorqua-t-elledoncavecforce.Plutôtmourirquederepartirlà-

bas!Pourseretrouverdenouveauauservicedupremierhommequipassait?Pourendurer

lesMariagesarrangésetlesrestrictionssansfin?

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Pour subir le poids de ces visages réprobateurs, si prompts à condamner ce qui étaitdifférent,cequin’entraitpasdanslesrèglesinstauréesdepuisplusdequatrecentsans?

—Pasquestionderetournerlà-bas,insista-t-elle.—Non,pasquestion,renchéritKestrel.Àmoinsqu’onn’aitenviedemourircommenotregrand-tanteOpale.Ou...commenotre

grand-oncleHodge.—Neparlepasdeça!s’insurgeaRowanens’efforçantdechasseraussitôtcettepensée

desonesprit.— Ils n’iraient pas jusque-là, reprit Jade, l’estomacnoué. Ils ne feraient pas ça à leurs

proprespetits-enfants.Pasànous.—Leproblème,repritKestrel,c’estque,sionneretournepaslà-bas,onestobligéesde

continuerseules.Ilfautsavoirmaintenantcequ’onvapouvoirfairesansl’aidedetanteOpale–surtout

s’il y a un chasseur de vampires dans les parages. Mais, d’abord, qu’est-ce qu’on va fairedeça?

Dumenton,elleindiqualecadavremomifiéàleurspieds.Rowansecoua la têted’unair impuissant,balaya lacaveduregardcommesielleallait

trouver une réponse dans un coin. Ses yeux tombèrent sur Jade, s’y arrêtèrent, et celle-cisentitaussitôtlesystèmederadarquisemettaitenroutedanslecerveaudesasœur.

—Jade,qu’est-cequetucachessoustaveste?Anéantie, elle fut incapable de mentir. Elle ouvrit sa veste et montra les chatons à

Rowan.—Jen’avaispascaptéquelavaliselestuerait...Tropéberluéepoursemettreencolère,Rowanlevalesyeuxaucieletsoupira.Puiselle

demandasèchementàJade:—Qu’est-cequit’aprisdelesdescendreici?—Je...jecherchaisunepelle.Jevoulaislesenterrerdanslejardin.Unlourdsilences’installa.Jadeconsidérasessœursd’unaircirconspect, lestroisfilles

échangèrentunregardpuisposèrentlesyeuxsurlespetitschats.Enfin,dansunmêmeélan,ellessetournèrentverstanteOpale.Mary-Lynnetteétaitauborddeslarmes.Lanuitétaitmagnifique.Unecouched’inversionmaintenaituneatmosphèretiède,etlavisionétaitexcellente.La

pollutionétait infime, et aucune lumièredirectenevenait troubler le firmament,La fermevictorienneaupieddelacollineoùsetenaitMary-Lynnetteétaitrelativementsombre.MmeBurdockfaisaittoujourstrèsattentionànepasgaspillerl’électricité.

Auzénith,laVoielactéetraversaitlecielcommeunerivière.Ausud,làoùlajeunefilleavaitdirigésontélescope,setrouvait laconstellationduSagittaire,qui,depuistoujours, luirappelaitunethéièreplutôtqu’unarcher.Etjusteau-dessusdubecverseurapparaissaitunefaibletraînéerose,unpeucommedelavapeur.

Une vapeur qui n était autre qu’un amas, une nursery stellaire portant le joli nom denébuleuseduLagon;desgazetdelapoussièred’étoileséteintesrecyclésenétoilesbrûlantesetàpeinenaissantes.

Elle se trouvait à quatre mille cinq cents années-lumière de notre planète, et Mary-Lynnette,dix-septans,flanquéed’untélescopeNewtondesecondemain,observaitlalumièreprovenantd’étoilesnaissantes.

Parfois, elle éprouvait une telle fascination... et... et un teldésir... qu’elle craignait de

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s’effondrer.Puisqu’il n’y avait personne avec elle, elle put à loisir laisser couler ses larmes, sans

prétendre que c’était dû à une allergie quelconque. Au bout d’un instant, elle finit par serasseoirets’essuyatristementlesyeuxetlenezdureversdelamanchedesontee-shirt.

Bon,çasuffit,maintenant,sedit-elle.Tuescomplètementdingue.Si aumoins elle n’avait pas repensé à Jeremy,... Car,maintenant, elle ne cessait de se

représentersonvisage,lesoiroùilétaitvenucontemplerl’éclipséavecelle.Sesyeuxbrunsbrillaient d’enthousiasme, comme s’il s’extasiait devant le spectacle qui lui était offert ;commesi,àcetinstant,d’unecertainefaçon,ilavaitcompris.

J’ai fait connaissance avec la nuit... lui susurrait une petite voix romantique etlarmoyantequitentaitunenouvellefoisdelafairepleurer.

Oui,c’estça,rétorquacyniquementMary-Lynnette.Elle tendit lamainvers lesacdechipsqu’ellegardaitsoussachaisepliante.Comment

resterromantiqueetbouleverséeparlasplendeurdesétoilestoutencroquantdeschips?Allez, à Saturne, maintenant... songea-t-elle tout en se frottant les mains pour se

débarrasserdesmiettessaléesquiluicollaientauxpaumes.C’étaitunetrèsbonnenuitpourobserverSaturne,carsesanneauxétaientencemomentvisiblessurlatranche.

Elle devait se dépêcher, cependant, parce que, dès 23 h 16, la Lune commencerait àmonterdansleciel.

Cependant,avantdetournerletélescopeverslaplanète,ellejetaundernierregardàlanébuleuse du Lagon. Plus exactement, à l’est de celle-ci, dans l’espoir de localiser l’amasd’étoilesdontelleétaitunedesraresàconnaîtrel’existence.

Elleneletrouvapas,sesyeuxn’étaientpasassezbons.Sielleavaiteuuntélescopepluspuissant, si elle avait vécu au Chili où l’air était sec, si elle avait pu grimper au-dessus del’atmosphère, alors elle aurait eu une chance de le distinguer. Mais, là, elle devait secontenter de son œil d’humaine... dont la pupille avait une ouverture maximale de neufmillimètres.

Etpersonnen’ypouvaitrien.Elle cherchait maintenant à centrer Saturne dans son champ de vision lorsqu’une

lumières’allumaderrièrelafermeenbas.Paslasimpleampouled’unporche,maislalampeàvapeurdesodiumd’unegrange.Elle

illuminaitl’arrièredelapropriétéaussipuissammentqu’unprojecteur.Surprise,Mary-Lynnettes’écartaduviseur.Cela n’avait pas vraiment d’importance – elle pouvait quand même voir Saturne,

contemplersesanneauxquineformaientcesoirqu’undélicatfild’argentsemblantceindrelaplanèteensoncentre.Etrange,cependant.

MmeBurdockn’allumaitjamaislalampedederrière.Les filles, sansdoute, songea-t-elle.Sesnièces...Ellesavaientdûarriver chezelle, et la

vieillefemmedevaitêtreentraindefaireavecellesletourdupropriétaire.D’ungesteabsent,ellesaisitsesjumelles.Elleétaitcurieuse.Légères et profilées, ces Celestron Ultimas étaient de grande qualité. Elle les utilisait

pourobserveraussibienlesobjetslespluslointainsdanslecielquelescratèresdelaLune.Et,maintenant,ellesétaientfixéessurl’arrièredelamaisondeMmeBurdock,lagrandissantdixfois.

Toutefois,Mary-Lynnettenevoyaitnullepartsonhabitante.Elledistinguaitlejardin,laresserreetlepetitcarrédeterreclôturéoùellegardaitseschèvres.

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Elleapercevaitaussitroisjeunesfilles,éclairéesparlalampeausodium.L’uneavaitlescheveux bruns, l’autre était blonde, et la troisième arborait une crinière aussi argentée etlumineuse que les anneaux de Jupiter. Elles transportaient ensemble quelque choseenveloppédeplastique.Duplastiquenoir.Etcostaud...commelessacsàordures,semblait-il.

Maisquefaisaient-ellesavecça?Ellesl’enterraient.Lapluspetite,celleauxcheveuxd’argent,portaitunepelle.Ellecreusaitbien,aussi.En

quelquesminutes,elleavaitdéracinélaplupartdesirisdeMmeBurdock.Puis,cellequiavaitla chevelure dorée s’empara de la pelle et la remplaça, et enfin, la jeune fille aux cheveuxbruns,laplusgrande,pritlarelève.

Quand elles eurent fini, elles saisirent leur fardeau emballé de plastique – bien qu’ilparûtmesurerplusd’unmètrecinquante,ilsemblaitassezléger–etledéposèrentdansletrou.

Qu’elless’activèrentensuiteàremplirdeterre.Non, seditMary-Lynnette,arrêtedegambergercommeune idiote. Ilyacertainement

uneexplicationlogiqueàça.L’ennuiétaitqu’elleneparvenaitpasàentrouveruneseule.Non, non, non... On n’est pas dans Fenêtre sur cour ou dans La Quatrième

Dimension. Elles ne font qu’enterrer... quelque chose. Un genre de... truc tout à faitordinaire...

Maisqu’est-cequi,àpartuncadavre,était long,rigide,mesuraitquelquechosecommeun mètre soixante, et avait besoin d’être emballé dans un grand sac plastique noir avantd’êtreenterré?

Et puis, se dit encore Mary-Lynnette dont le cœur, mû par une puissante pousséed’adrénaline,battaitàtoutrompre,etpuis...

OùestMmeBurdock?Elle se sentait peu à peu perdre tout contrôle, chose qu’elle détestait. Ses mains

tremblaientsifortqu’elledutabaissersesjumelles.MmeBurdockallaitbien;ellen’avaitrien.Cegenredechosen’arrivaitjamaisenvrai.QueferaitNancyDrew,àsaplace?Soudain,aubeaumilieudesapanique,Mary-Lynnettelaissaéchapperunéclatderireaussinerveuxqu’involontaire.Nancy,biensûr,

seprécipiteraitenbaspourvoircequisepassait.Cachéederrièreunbuisson,elleécouteraitles filles parler entre elles, puis, une fois qu’elles seraient rentrées dans la maison, iraitcreuserletrouqu’ellesvenaientdereboucher.

Maisdeschosescommecelan’arrivaientpas.Lajeunefillenes’imaginaitpasuninstantcreusantdans le jardind’unevoisineaubeaumilieude lanuit.Ellese feraitsurprendre,etl’humiliationseraitterrible.MmeBurdocksortiraitdesamaison,bienvivanteetstupéfaite,etMary-Lynnettemourraitd’embarrasententantdes’expliquer.

Dansunlivre,celapourraitparaîtreamusant.Mais,danslavie...ellen’osaitmêmepasypenser.

Leboncôtédelachoseétaitquecelaluiouvraitlesyeuxsurl’absurditédesaparanoïa.Et,toutaufondd’elle-même,ellesavaitqueMmeBurdockallaitbien.

Sinon, elle ne resterait pas assise en haut de cette colline ; elle appellerait la police,commen’importequellepersonneayantunminimumdebonsens.

Maispourquoisesentait-ellesubitementfatiguée?

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Pourquoi n’avait-elle soudain plus envie d’observer Saturne ? S’éclairant d’une lampetorcheaufiltrerouge,elleregardasamontre.Presqueonzeheures ;quoiqu’ilensoit, toutserait terminé dans seizeminutes. Quand la Lune serait levée, un halo blanc se formeraitdansleciel,quibloqueraittoutevisondesastresalentour.

Toutefois,avantdedémontersontélescope,Mary-Lynnetterepritsesjumelles.Pourunderniercoupd’œil.

Le jardin était vide, à présent. Un rectangle de terre fraîchement retournée montraitprécisémentl’endroitoùl’onavaitcreusé.C’estalorsquelalampeàsodiums’éteignit.

Celaneluicoûteraitriend’allerdèsdemainserendrecomptedecequiavaitbienpusepasser chez Mme Burdock. Elle l’aurait fait, de toute façon. Histoire de souhaiter labienvenueàsesnièces.Etderapporterlescisaillesquesonpèreluiavaitempruntées,ainsiquelecouteauquelavieillefemmeluiavaitprêtépourdéfairelebouchondesonréservoir.Et,biensûr,lajeunefillevérifieraitqu’elleétaitbienlà,quetoutallaitbien.

Ashatteignitlehautdelaroutequiserpentaitets’arrêtapouradmirerlepointlumineux,au sud.On voyait nettementmieux le ciel, autour de ces petites villes de campagne.D’ici,Jupiter,lareinedesplanètes,ressemblaitàunovni.

—Oùtuétaispassé?luidemandaunevoix,nonloin.Çafaitdesheuresquejet’attends.Sansseretourner,Ashrépondit:—Oùj’étais?C’estpeut-êtreàmoidetedemanderça,non?Onétaitcensésseretrouver

surcettecolline,Quinn.Lesmainsdanslespoches,ilindiquaducoudelabuttequis’élevaitsurleurgauche.—Faux.C’étaitbiencettecolline-ci,et je t’aiattendu ici sansbougerd’unpouce.Mais,

bon,laissetomber...Ellessontlàoupas?Ashseretournaet,sanssepresser,sedirigeaversladécapotablegarée,touteslumières

éteintes,del’autrecôtédelaroute.S’appuyantd’unbrassurlaportière,ilsepenchaversleconducteuretrépondit:

—Ellessontlà.Jet’avaisditqu’ellesyviendraient.C’étaitleseulendroitoùellespouvaientseréfugier.—Touteslestrois?—Oui,touteslestrois.Messœursneseséparentjamais.—Leslamiesontuntelsensdelafamille,raillaQuinnavecunsourireencoin.— Et les vampires réussis sont si merveilleusement... courts, enchaîna Ash en

contemplantlecield’unairtranquille.Quinn lui jeta un regard noir. Sa silhouette compacte et trapue émergeait à peine du

siègeavantdelavoiture.—Jesaisque,sijen’aijamaispufinirdegrandir,c’estparlafauted’undetesancêtres,

souffla-t-il.Ashseredressapourallers’asseoirsurlecapot,etlaissaseslonguesjambessebalancer

au-dessusduchemin.—Jecroisquejevaismoi-mêmecesserdegrandir,cetteannée,lâcha-t-ilplatement,sans

quitterlapentedesyeux.Dix-huitans,cen’estpasunsimauvaisâge,finalement.—Sansdoutepas,situaslechoix,repritQuinnd’unevoixparticulièrementbasse.Avoir

dix-huitanspendantquatresiècles...sansjamaisenvoirlafin.Ashsetournaversluietsourit.—Désolé,Quinn...aunomdemafamille.—C’estmoiquisuisdésolépourtafamille.LesRedfernontquelquespetitsproblèmes,

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cesdernierstemps,non?Voyonssijenemetrompepas.D’abord,tononcleHodgeviolelesloisduNightWorldetsevoitjustementchâtié...

—Mon grand-oncle par alliance, précisa Ash, l’index levé. C’était un Burdock, pas unRedfern.Etças’estpasséilyaplusdedixans.

—Etpuis,tatanteOpale...—Magrand-tanteOpale...—...disparaîtcomplètement.Elle rompt tout lien avec notre monde, apparemment parce qu’elle préfère vivre au

milieudenullepart,parmideshumains.Ashhaussalesépaules,lesyeuxdanslevague.— Ça doit être bon de chasser au milieu de nulle part avec des humains. Pas de

concurrence,pasderèglesimposéesparleNightWorld...etpasd’Ancienspourimposerdeslimitessurlenombredeproiesàattraper.

— Et pas de contrôle, dit Quinn avec aigreur. Qu’elle vive ici, ça n’a pas vraimentd’importance ; cequi compte, c’estqu’elle amanifestement encouragé tes sœursà venir larejoindre. Tu aurais dû garder l’œil sur elles dès l’instant où tu as découvert qu’elless’écrivaientsecrètement.

—J’ignoraiscequ’ellesavaiententête,répliquaAsh,malàl’aise.—Cen’estpasseulementelles.Tusaisqu’ilyadesrumeursquicourentsurtoncousin,

ceJamesRasmussen.Onditqu’ilesttombéamoureuxd’unehumaine.Qu’elleétaitmouranteetqu’iladécidédelatransformersansautorisation...Selaissantglisserducapot,Ashrétorqua:—Jen’écoutejamaislesrumeurs.Etpuis,cen’estpasleproblèmequinouspréoccupe.—Non,leproblème,cesonttessœursetlagalèredanslaquelleellessesontembarquées.

Et,surtout,c’estdesavoirsituserascapabledefaireleménagedanstoutça.—Net’inquiètepas,Quinn,Jesauraimedébrouiller.—Si,jem’inquiète,Ash.Jenesaispascommentjet’ailaissém’entraînerlà-dedans,—Tunem’asrienlaisséfairedutout.Tuasjusteperduaupoker.— Parce que tu as triché, précisa Quinn, les lèvres pincées, le regard plongé dans

l’obscuritédevantlui.Jecontinuedecroirequ’ondevraitenparlerauxAnciens.—C’estlaseulefaçondegarantiruneinvestigationtotalementapprofondie.— Je ne vois pas pourquoi elle a tant besoin d’être approfondie. Elles ne sont là que

depuisquelquesheures.—Tessœursnesontlàquedepuisquelquesheures.Tatante,elle,estlàdepuis...combiendetemps?Dixans?—Qu’est-cequetuascontrematante,Quinn?—Sonmariétaituntraître.Elle-mêmenousatrahisaujourd’huienpoussantcesfillesà

s’enfuir.Quisaitàcombiend’humainselleapuparlerduNightWorld.Examinantsesongles,Ashhasarda:—Peut-êtrequ’ellen’arienditdutout.—Peut-êtreaussiqu’elleenparléà toute laville,Quinn, reprit-il avec lapatiencequ’il

auraiteuepourunenfant,simatanteaviolélesloisduNightWorld,elledoitmourir.Pourl’honneurdelafamille.Lamoindreéclaboussure,etc’estsurmoiqueçaretombe,

—Voilàbienunechose sur laquelle jepeuxcompter,murmuraQuinnentre sesdents.

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Tonintérêtpersonnel.Tucherchestoujoursàêtrelenuméroun,n’est-cepas?—C’estlecasdetoutlemonde,non?—Oui,maispasdefaçonaussiflagrante.Auboutd’uncourtsilence,ilenchaîna:—Ettessœurs?—Quoi,messœurs?—Tusauraslestuer,sic’estnécessaire?—Biensûr,fitAshsansciller.Sic’estnécessaire...Pourl’honneurdelafamille,—SiellesontlaissééchapperquelquechoseausujetduNightWorld...—Ellesnesontpasstupides.—Ellessontinnocentes.Ellespeuventsefairepiéger.C’estcequiarrivequandtuvissur

uneîletotalementisoléedeshumainsnormaux.Tun’apprendsjamaisàquelpointlaverminepeutêtrefourbe.—Peut-être,maisnous,onlesait,souritAsh.Onsaitaussiquoifaired’elle.Pourlapremièrefois,Quinns’autorisaunsourire.Unsourirecharmant,presquerêveur.—Oui,jeconnaistapositionlà-dessus,répondit-il.Trèsbien,jetelaisset’enoccuper.Inutiledeterecommanderdecontrôlertouthumain

avecquices fillesauronteuuncontact.Faisbientontravailetpeut-êtrepourras-tusauverl’honneurdetafamille.Sansparlerdutortquenousferaitunprocèspublic,ajouta-t-ilenseredressantsursonsiège.Jereviensdansunesemaine.Situn’aspasreprislecontrôledelasituation,j’iraiparlerauxAnciens.PaslesRedfern,biensûr,maisceuxduConseil.

—Trèsbien,Quinn.Tu sais que tudevrais réellement te trouverunpasse-temps ?Tudevraischassertoi-même.Tuestroprefoulé.

Préférantignorercetteréflexion,Quinndemanda:—Tusaisparoùcommencer?—Oui,évidemment.Lesfillessont...quelquepartenbas...Ilsetournaversl’estet, fermantunœil, indiquadudoigtunetachedelumièredansla

valléeencontrebas.—AlafermeBurdock.Jevaisallerfaireunpetittourenville,histoiredem’enquérirde

cequisepasse,puisjemelanceraiàlarecherchedelaverminelaplusproche.

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4

Uneseulenuit,etMary-Lynnetteavaittotalementchangéd’optique.Encematind’aoûtoù le soleil jouait à cache-cache avec la brume, la jeune fille ne se sentait plus du toutd’humeur à aller vérifier que Mme Burdock était bien vivante. Cela lui semblait mêmecarrément ridicule. Et puis, l’école recommençait dans deux semaines, et elle avaitfranchement autre chose à faire. Début juin, elle avait été si sûre que l’été durerait uneéternitéetquejamaisellenesongerait:monDieu,cesvacancesontpassétropvite...Etvoilàqu’onétaitdéjàmi-août,etqu’elleseprenaitàpenser:incroyable,çaapassétellementvite...

Illuifallaitdeshabits.Etunnouveausacàdos,etdescahiers,desfeutres,unpaquetdefeutres aux couleurs flashy. Elle devait aussi secouer Mark à ce sujet, parce qu’il n’iraitjamaisfairetoutçadelui-même;etilnefallaitpascomptersurClaudinepourl’ypousser.

D’originebelge,Claudine, leurbelle-mère,était très jolieavecsesbouclesnoireset sesyeux sombres. Elle avait dix ans de plus queMary-Lynnettemais paraissait dumême âgequ’elle. Elle travaillait comme employée demaison dans la famille lorsque leurmère étaittombéemalade,cinqansplustôt.Mary-Lynnettel’aimaitbienmaissavaitquejamaisellenepourraitêtrepourelleetsonfrèreunemamandesubstitution,aussiavait-elleprisl’habitudedes’occuperelle-mêmedeMark.

Voilàpourquoiellen’avaitpasletempsaujourd’huideserendrechezMmeBurdock.Cenefutquelesoirvenu,aprèsunejournéepasséeàfairedushopping,qu’ellerepensa

àleurvieillevoisine.Elleaidaitàdébarrasserlatabledudîner,lorsquesonpèredemanda:—VousêtesaucourantpourToddAkersetVicKimble?—Cesglandeurs...marmonnaMark.—Qu’est-cequ’ilsont?interrogeaMary-Lynnette.— Ils ont eu une sorte d’accident sur Chiloquin Road, entre Hazel Green Creek et

Beavercreek.—Unaccidentdevoiture?—Enfait,c’estlàquecen’estpasclair.Apparemment,leurvoituren’arieneu,maisils

onttouslesdeuxcruavoireuunaccident.Ilssontrentréschezeuxunpeuaprèsminuit,enracontantqu’illeurétaitarrivéquelquechose...maisilsnesavaientpasquoi.Unpeucommes’ilsavaientdanslamémoireuntroudequelquesheures.Etvous,vousnesavezrien?

—Çanepeutêtrequelesovnis!s’écriaMarkensepenchantenavant.—Lesovnis...n’importequoi!rétorquaMary-Lynnette.Tusaisladistancequelespetits

hommes verts auraient à franchir pour venir jusqu’à nous ? La distorsion de la vitesse, çan’existepas...Pourquoilesgenséprouvent-ilstoujourslebesoind’inventerdeschosesquandl’Universfourmilledefaitsincroyablesquisontréels?

Elles’arrêtanet.Touslaregardaientd’unaircurieux.—Enfait,ToddetVicsesontfaittoutbêtementrentrerdedans,lança-t-elledelacuisine

endéposantsonassiettedansl’évier.Sonpèrefitlagrimace,ClaudinepritunairdégoûtéetMarksouritavantdelâcher:—Danslesdeuxsensduterme...onespère.Cenefutquederetourausalonqu’unepenséefrappal’espritdeMary-Lynnette.

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ChiloquinRoadn’étaitqu’àtroiskilomètresdeKahnetaRoad,larouteoùsetrouvaitleurmaison...etcelledeMmeBurdock.

Il n’y avait certainement aucun rapport, àmoins que les filles n’aient enterré le petithommevertquiavaitagresséVicetTodd,

Pourtant,cettehistoirelatravaillait.Deuxévénementsétrangessurvenantlamêmenuit,aumêmeendroit.Dansunepetitevilleendormieoùilnesepassaitjamaisrien.

Jesais,jevaisappelerMmeBurdock.Ellemediraquetoutvabien,etçaprouveraquejem’inquiètepourrien.

Etjepourraienfinriredetoutça.MaispersonnenerépondaitchezMmeBurdock.Elleeutbeau laisser le téléphonesonner,personnenedécrocha;et lerépondeurnese

mit jamaisenroute.Mary-Lynnetteraccrocha,sombremaisétrangementcalme.Ellesavaitcequ’illuirestaitàfaire,àprésent.

ElleattrapaMarkauvolalorsqu’ilgrimpaitl’escalier.—Ilfautquejeteparle.—Ecoute,sic’estpourtonWalkman,je...— Hein ? Non, c’est quelque chose qu’on doit faire ce soir. Qu’est-ce qu’il a, mon

Walkman?—Euh,rien...riendutout.Préférantlaissertomber,ellelâcha:—Ilfaudraitquetum’aides.Hiersoir,j’aivuquelquechosedebizarre,delà-haut,surla

colline...Aprèsuneexplicationaussisuccinctequepossible,elleajouta:—Etmaintenant,ilyacetrucétrangeavecToddetVic.Laconsidérantavecunairdepitié,Marksecoualatêteetrépliqua:—Mary,tusaisquetuescomplètementgivrée?—Oui,jesais...Maisjevaisquandmêmeallerfaireuntourlà-bascesoir.—Pourfairequoi?—Pourvérifierquetoutvabien.JeveuxjustevoirMmeBurdock.Sijepeuxluiparler,je

me sentiraimieux.Et, si jepeuxdécouvrir cequi est enterrédans ce jardin, jeme sentiraiencorenettementmieux.

—Peut-êtrequ’ellesenterraientSasquatch.MalgrélesrechercheslancéesdansleKlamaths,onnel’ajamaisretrouvé.—Mark,tuvasmerembourserceWalkman.Jenesaispascequetuenasfaitmais...—Euh...oui,d’accord...jetelerembourserai,murmura-t-ilsuruntonrésigné.Mais,jete

ledistoutdesuite,iln’estpasquestionquejeparleàcesfilles.—Jenetedemandepasdeleurparler.Tun’aurasmêmepasàlesvoir.Jevoudraisquetu

fassesautrechose.Lesoleilsecouchait.Combiendefoisavaient-ilsempruntécetteroutepourgrimpersur

la colline deMary-Lynnette ? La seule différence étant que, ce soir,Mark tenait entre lesmainsunepairedecisaillesetquesasœuravaitôtélefiltrerougedesalampetorche.

—Tunecroistoutdemêmepasqu’ellesontzigouillécettebonnefemme?—Non,répondit-ellecandidement.Jecherchejusteàremettrelemondeàsaplace.—Commentça,remettrelemondeàsaplace?—Tusais,quandtuasl’habitudedevoirlemonded’unecertainemanièreetque,parfois,

tutedemandes:mince,etsitoutétaitdifférentdecequejevois?Oualors:etsionm’avait

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adopté,etsiceuxquejecroisêtremesparentsn’étaientenfaitpasmesparents ?Tu tedisque,sic’étaitvrai,çachangeraittout.Et,pendantquelquessecondes,tunesaismêmepluscequiestréel.

Ehbien,tuvois,c’estcequejeressensencemoment;etj’aimeraisbienmedébarrasserdecetteidée.Jeveuxretrouvermonmondeàmoi.

—Tu sais cequi est flippant, dans l’histoire ?C’est que je crois comprendre ceque tuveuxdire.

Lorsqu’ilsatteignirentlafermeBurdock,ilfaisaittotalementsombre.Devanteux,àl’ouest,l’étoileArcturussemblaitêtresuspendue,scintillante,au-dessusde

lamaison.Mary-Lynnettenetentapasdesemesureràlaportebranlante;ellesedirigeadroitvers

lesronciers,làoùunmorceaudelapalissadeétaittombé.Lafermeressemblaitbeaucoupàleurmaison,enplustarabiscotée.Mary-Lynnette trouvait que tous ces festons et ces pièces chantournées lui donnaient

une allure originale, excentrique... comme celle de Mme Burdock elle-même. C’est aumomentoùsonregardseposasurl’unedesfenêtresdupremierétagequ’ellecrutvoirunesilhouetteseprofilerderrièrelestore.

Bien,sedit-elle,jesaisaumoinsqu’ilyaquelqu’un.Tandisqu’ilsavançaientsurlesentierrecouvertd’herbesfolles,Markralentitlepas.—Tum’asditquejepourraisresterplanqué.—Oui,c’estvrai...Alors,écoute,situallaisenmêmetempsportercescisaillesderrièrela

maison...— ... et aussi jeter un œil sur la tombe de Sasquatch pendant que j’y suis ? Et si je

creusaisunpeu,aussi?Non,pasquestion.—D’accord,d’accord.Alors,cache-toiicietpriepourqu’onnetevoiepasquandonviendram’ouvrir.—Aumoins,aveccescisailles,tuauraisuneexcusedetetrouverderrière.AuregardqueluijetaMark,Mary-Lynnettecompritqu’elleavaitgagné.Commeils’éloignait,elleluilançacependant:—Mark,faisattention.Sansseretourner,illuiréponditparunpetitsignedelamain.Dèsqu’il futhorsdevue,Mary-Lynnette frappaà laported’entrée.Puisellesonna.Ce

n’étaitpasunboutonmaisunanneaudecuivreàtirer.Elleentenditd’ailleursuncarillonàl’intérieur,maispersonnenerépondit.

Ellefrappaetsonnadenouveau,avecplusd’autorité,cettefois,s’attendantàtoutinstantàcequelebattants’ouvresur lapetiteMmeBurdock,avecsavoixrocailleuse,sescheveuxgris-bleuetsarobedecotonfleurie.Maisrien.Ellen’obtintaucuneréponse.

Mary-Lynnette cessa là les politesses et se mit à cogner d’unemain et à sonner avecinsistancede l’autre.Alors seulement, aubeaumilieude sa frénésie, elle se rendit comptequ’elleavaitpeur.

Ellemouraitdepeur.Savisiondumondevacillait.MmeBurdocknequittaitpratiquementjamaissamaison.Ellerépondaittoujoursquand

on sonnait. Et Mary-Lynnette avait pourtant vu de ses propres yeux qu’il yavaitquelqu’undanslamaison.

Alorspourquoinevenait-onpasluiouvrir?Son cœur tambourinait dans sa poitrine, et un terrible pressentiment lui nouait

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l’estomac.Jedevraisfilerd’icietprévenirleshérifAkers.Aprèstout,c’estsonjobdegérercegenre

dechose.Mais,enfait,lepèredeToddneluiinspiraitpasénormémentconfiance.Elle redoubladoncdecoups, sedéfoulantde sonaffolementetde sa frustrationsur le

vieuxbattantdebois.Qui s’ouvrit subitement. Le poing deMary-Lynnette se figea en plein vol, et, l’espace

d’uneseconde,elleéprouvauneréellepanique.Lapeurdel’inconnu.—Vousdésirez?La voix était douce et jolimentmodulée. La fille qui lui parlait était tout simplement

ravissante.CequeMary-Lynnetten’avaitpaspuvoirduhautde la collineétait lesmèchesclairesquibalayaientseschatoyantscheveuxauburn,lestraitsclassiquesetréguliersdesonvisage,lagracieusesilhouettequeformaitsoncorpsminceetélancé.

—VousêtesRowan,luidit-elle.—Commentlesavez-vous?Impossibledevousprendrepourquelqu’und’autre.Jesenstellementchezvousl’esprit

del’arbre,—Votretantem’aparlédevous.Jem’appelleMary-LynnetteCarter,j’habitesurKahneta

Road.Vousavezdûapercevoirmamaisonenarrivantici.L’airréservé,levisagedouxetgrave,Rowanavaitunepeauaussilaiteusequelespétales

d’uneorchidéeblanche.— Voilà, poursuivit la visiteuse, je voulais vous souhaiter la bienvenue, vous dire

bonjour,voirsivousn’aviezbesoinderien,Rowanesquissal’ombred’unsourireetsesyeuxsefirentpluschaleureux.

—C’estgentilàvous.Vraiment.J’auraisaiméqu’onaitbesoindequelquechose…mais,enfait,toutvabien.

Mary-Lynnettecompritviteque,toutensemontrantextrêmementcourtoiseetpolie,Rowancherchaitàmettreuntermeà leurconversation.Ellesehâtadoncde lancerun

autresujetsurletapis,—Vousêtestroisfilles,jenemetrompepas?Vousallezàl’écoleici?—Messœurs,oui.—Ah, super. Je pourrai les emmener faire une petite visite des lieux, si elles veulent.

J’entreenterminalecetteannée.Vite,vite,unautresujet…songea-t-elle.— Alors, vous aimez Briar Creek ! Ça doit vous paraître plus calme que ce que vous

connaissez.—Voussavez,onvientd’unendroitasseztranquilleaussi,repritRowan.Maisonaime

beaucoup,ici;c’estunetrèsjolierégion.Lesarbres,lespetitsanimaux...Elles’interrompit.—Oui,touscespetitsanimaux...Allez,accouche, lui lança une petite voix.Mais sa langue était commeduVelcro. Pour

finir,ellebalbutia:—Alors...hum...commentvavotretante?—Elleva...bien.Cetinstantd’hésitationétaittoutcedontMary-Lynnetteavaitbesoin.Sessoupçons,ses

craintes,toutcelaressortitd’unseulcoup,larendantsoudainaussifroideetcassantequedelaglace,

— Est-ce que je pourrais lui parler cinq minutes ? Ça ne vous ennuierait pas ? J’ai

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quelquechosedetrèsimportantàluidire.Elle fitmine d’avancer sur le pas de la porte,mais Rowan ne bougea pas d’un pouce,

continuantainsideluibloquerl’entrée.—Oh,jesuisdésoléemais…cen’estvraimentpaspossible,pourl’instant.—Ah,c’estencoreunedesesmigraines.Mais,voussavez,jel’aidéjàvueaulit,et...—Non,cen’estpaslamigraine,fitRowansuruntonàlafoisdouxetferme.Enfait,elle

s’estabsentéepourquelquesjours.—Elles’estabsentée?—Jesais,çavousétonne,sourit-elleengrimaçantlégèrement.Elleadécidédes’offrirun

peuderepos.Despetitesvacances.—Alorsquevousarrivezjuste...repritMary-Lynnettesanscomprendre.—Ellesavaitqu’ons’occuperaitde lamaisonàsaplace.C’estpourçaqu’elleaattendu

notrearrivée.—Mais...enfin...,oùest-elleallée?—DansleNord,quelquepartsurlacôte.Jenemerappellepaslenomdelaville.—Mais...répétaMary-Lynnette.Toutau fondd’elle-même, lapetitevoix lamettaitengarde.C’était lemomentde faire

preuvedepolitesse,etdeprudence.Le fait d’insister montrerait à cette fille qu’elle se rendait compte qu’il était arrivé

quelquechose.Ets’ilétaitarrivéquelquechose,Rowanpouvaitsemontrerdangereuse...Mais comment croire cela, devantun visage aussi doux et grave ?Ellen’avait pas l’air

dangereuse.C’estalorsqueMary-Lynnetteremarquaautrechose:Rowanavaitlespiedsnus.Des pieds aussi pâles que le reste de sa peau,maismusclés, puissants.À la façondont ilssemblaientépouserlesol,dontlesorteilsétaientdessinés,Mary-Lynnettelesimaginaitfaitspourlacourse.C’étaientdespiedssauvages,primitifs,quirappelaientceuxd’unfauve.

Lorsqu’elle releva les yeux, elle vit une fille arriver derrièreRowan,Celle qui avait lescheveux blond foncé. Elle aussi avait la peau laiteuse, et ses yeux étaient jaunes commel’ambre.

—Ah,voiciKestrel,annonçaRowan,—Bonjour,articulaMary-Lynnette,soudainrepriseparlapeur.LadémarchedeKestrelavaitquelquechosed’animal,d’aérien.C’étaitunpeucommesielleflottaitau-dessusdusol.—Qu’est-cequisepasse?demanda-t-elle,—Je teprésenteMary-Lynnette,déclaraRowande lamêmevoixdouce.Ellehabiteun

peuplushautsurlaroute.ElleestvenuevoirtanteOpale,—Oui...jevoulaisvoirsivousaviezbesoindequelquechose,s’empressa-t-elled’ajouter.

Onestunpeuvosseulsvoisins.Volte-face, changement de stratégie, se dit-elle. En regardant Kestrel, elle sentait le

danger.Ilfallaitabsolumentempêchercesfillesdedevinercequ’ellesavait.—TuesuneamiedetanteOpale?demandaKestreld’unevoixsoyeuse,enlatutoyant

d’office.SonregardjaunetoisaMary-Lynnettedespiedsàlatêtepuisdelatêteauxpieds.—Oui,jevienslavoirdetempsentemps.Jel’aideà...Oh,surtoutnepasparlerde«jardinage».— ... à s’occuper des chèvres.Hum, j’imagine qu’elle vous a dit qu’on devait les traire

touteslesdouzeheures.

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L’expression de Rowan changea, l’espace d’une demi-seconde, et le cœur de Mary-Lynnettebonditlittéralementdanssapoitrine.

Jamais,jamaisMmeBurdocknes’absenteraitsanslaissermillerecommandationsquantàseschèvres.

—Oui,biensûr,ellenousadit...réponditdoucementRowan,maisjusteuninstanttroptard.

Mary-Lynnetteavaitlespaumesmoites.Depuisunmoment,Kestrelnelaquittaitplusdesesyeuxjaunesetdépourvusd’âme.Tell’oiseaudeproiefixantlelièvrequ’ilallaitattaqueretdévorer.

—Bon,ilcommenceàsefairetard,etj’imaginequevousavezdestasdechosesàfaire.Jevaisvouslaisser.

Rowan échangea un regard avec Kestrel, puis toutes deux dévisagèrent longuementMary-Lynnette,qui,unefoisdeplus,sentitsonestomacseretourner.

—Non,neparspastoutdesuite,articulaKestrelsuruntonmielleux.Entre,plutôt.

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5

Markfitletourdelamaison,sanscesseruninstantdesedemanderenmarmonnantcequ’ilfaisaitici.

Del’extérieur, iln’étaitpasfaciledepénétrerdansle jardindederrière.Ildutsefrayeruncheminà travers lesrhododendronset lesroncierschargésdemûresqui formaientuneépaissehaieautour.

Et, lorsqu’il émergea d’un tunnel de verdure, il ne saisit pas immédiatement ce quis’offraitàsonregardetcontinuadecourirjusqu’àcequesoncerveauenregistreenfincequ’ilavaitdevantlui.

Hé,maisilyaunefille,ici...Unejoliefille.Unetrèsjoliefille.Il lavoyaitclairementsouslalumièreduporche.Ses

cheveuxblondsqui luidescendaient jusqu’auxreinsavaient lapâleuret la légèretédeceuxdes tout jeunesenfants,et ilsdansaientcommede lasoieautourdesonvisage,quandellebougeait.Plutôtpetiteetmenue,elleavaitlesmainsfinesetdélicates.

Elleportaitunesortedechemisedenuitàlamoded’autrefoisetdansaitsurlamusiqued’unepublicitévantantlesméritesdesprêtsbancaires.Surunemarcheduperrontrônaitunvieux radio-réveil, et, un peu plus bas, un petit chat noir qui, en apercevantMark, fila secacherdanslesbuissons.

Pasdecrédit...créditnul...pasdesoucis,noussommes là... .grésillait laradio.La filledansait,lesbrasau-dessusdelatête,aussiaériensqueduduvetdechardon.

Markn’encroyaitpassesyeux.Unetellelégèreté,jamaisiln’avaitvucela.Commelapublicités’achevaitetquedémarraitunechansoncountry,elletournasurelle-

mêmeet l’aperçut.Elle se figea, lesbras toujoursen l’air, lesyeuxécarquilléset laboucheentrouvertedesurprise.

Jeluifaispeur,songeaMark.Perdanttoutesagrâce,elleseruasurl’appareil,cherchaleboutond’arrêtsans le trouverpuis lesecouaen toussensavecune frénésiequidevintvitecontagieuse.Sansréfléchir,Marklaissatomberlescisaillesetfonditsurellepourluiprendreleréveildesmains.Iltournaleboutonduhautetlachansons’arrêtanet.Alors,ilregardalafille,quifixasurluiunregardvertetsauvage.Tousdeuxhaletaient,commes’ilsvenaientdedésarmerunebombe.

—Moiaussijedétestelacountry,articula-t-ilauboutd’unmoment.Jamais ilnes’étaitadresséainsiàunefille.Mais jamaisnonplus iln’avaiteuaffaireà

unefillequesaprésenceterrifiait.C’étaitcommes’ilvoyaitsonsangbattredans lesveinesbleupâlequiapparaissaientsouslapeautransparentedesoncou.

Mais,cessantsoudaindeparaîtreterrifiée,ellesemorditlalèvreetgloussa.Puis,toutensouriant,elleclignadesyeuxetrenifla.

—J’avaisoublié,dit-elleensetamponnantlecoindesyeux,vousn’avezpaslesmêmesrèglesquenous.

—Pour...lamusiquecountry?hasarda-t-ilsanscomprendre.Il aimait sa voix. Elle était ordinaire, n’avait rien de céleste. Et cela la rendait plus

humaine.—Pourtouteslesmusiquesdel’extérieur.Etpourlatélé,aussi.L’extérieurdequoi?

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—Heu...bonjour,aufait.Jem’appelleMarkCarter.—Etmoi,c’estJadeRedfern.—UnedesniècesdeMmeBurdock,c’estça?—Oui.Onestarrivéeshiersoir.Onvavivreici.—Ehbien...toutesmescondoléances.—Descondoléances?répéta-t-elleenjetantunregardinquietsurlejardin.Pourquoi?—Parce que vivre àBriar Creek, c’est à peu près aussi palpitant que de vivre dans un

cimetière.—Tu…tuasdéjàvécudansuncimetière?luidemanda-t-elle,commefascinée.—Non...enfin...jeveuxjustedirequ’ons’ennuieàmourir,ici.—Oh,fît-elleensouriant.Mais,tusais,c’estintéressantpournous.Çavanouschanger

delàd’oùonvient.—Etvousvenezd’où,aujuste?—D’uneîle,quisetrouvevers...jedirais,l’EtatduMaine,parlà.—L’ÉtatduMaine.—Oui.—Etcetteîle,elleaunnom?—Oui,maisjenepeuxpasteledire.—Ah,bon.Est-cequ’ellesemoquaitdelui?Pourtant,ilnelisaitnimoquerienitaquineriedansson

regard. Elle semblait mystérieuse... et innocente. Peut-être avait-elle un problèmepsychologique.LesélèvesdulycéeDewittn’allaientpaslalouper,avecça.Ilsacceptaientmallesdifférences.

—Écoute,enchaîna-t-ilalors,sijepeuxfairequelquechosepourtoi...pourvous.Sivousavezdesennuisouquelquechosedugenre,n’hésitezpasàmeledire.

D’accord?Elle inclina la tête de côté. Elle n’avait pas l’air intimidée ; elle était plutôt directe, le

regardaitdroitdans lesyeux,commepourchercherà l’évaluer.Enprenantsontemps.Puiselle sourit, des fossettes se dessinèrent au coin de ses lèvres, et le cœur de Mark bonditmalgrélui.

—D’accord,répondit-elledoucement.Mark, tun’aspas l’airbête,mêmesi tuesungarçon.Tuesungentilgarçon, jeneme

trompepas?—Euh,...Iln’avait jamais eu la réputationde fairepartiedes«gentils garçons»,mêmedans le

sens « héros de séries télé ». Il n’était d’ailleurs pas certain de savoir comment il secomporteraits’ilétaitconsidéréainsiparsonentourage.

—Euh…oui,j’espèrequec’estcequ’onpensedemoi.—Tu sais, déclara-t-elle alors en plantant son regard vert dans le sien, j’ai décidé que

j’allaisadorerêtreici.Elle sourit de nouveau, etMark en eut un instant le souffle coupé. Puis elle changea

d’expressionquanduncraquementsefitentendreducôtédesronciers.Mark l’entendit aussi. Un bruit étrange, sauvage, qui parut tétaniser Jade... de façon

disproportionnée.Ellerestacommeparalysée,lecorpstenduàl’extrême,tremblantdetoussesmembres,lesyeuxfixéssurlesbuissons.Ellesemblaitterrifiée.

—Hé,luiditdoucementMarkenluitouchantl’épaule.Çava,cen’estrien;sansdouteune des chèvres qui se sera échappée de l’enclos. Les chèvres, ça saute n’importe quelle

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barrière,tusais.Commeellesecouaitnerveusementlatête,ilajouta:—Ouundaim.Quandilssonttranquilles,leurspasressemblentàceuxdeshumains.—Cen’estpasundaim,souffla-t-elle.—Tusais,ilsviennentsouventbrouterlesjardinsdesgens,lanuit.Peut-êtrequelàd’où

tuviens,iln’yapasdebichesoudedaimserrantsqui...—Jenesensrien,coupa-t-elled’unevoixétranglée.C’estàcausedecestupideenclos.Toutsentlachèvre,ici.Elle ne sentait rien... Mark fit alors la seule chose qui lui vint à l’esprit, après une

déclarationcommecelle-ci.Illapritparlesépaules.—Toutvabien,luiassura-t-ilavecdouceur.Impossible de ne pas remarquer qu’elle était à la fois fraîche et tiède, souple et

merveilleusementvivantesoussachemisedenuit.—Sionallaitàl’intérieur,suggéra-t-il.Tutesentirasnettementmieux.—Laisse-moi,rétorqua-t-elleavecingratitude.Jevaispeut-êtredevoirmebattre.Ellesedégageadesesbrasetseretournaverslesbuissons.—Restederrièremoi,ordonna-t-elle.C’estbon,elleestfolle,sedit-il.Jem’enfiche.Jecroisquejel’aime...Demeurantplantéàsescôté,ilrépondit:—Moiaussi,jevaismebattre.Qu’est-cequetucroisquec’estunours,uncoyote?—C’estmonfrère.—Ton...articula-t-ilavantdes’interrompre.Jadevenaitdefranchirlalimitedelafolieacceptable.—Oh....Unautrecraquementleurparvintdesbroussailles.C’était,effectivement,quelquechosedegrand...pasunechèvre.Marksedemandaitsiun

élan avait pu parcourir jusqu’ici la centaine de kilomètres qui les séparait du lac Waldo,quanduncriaigudéchiralanuit.

Uncrihumain–oupireencore,presquehumain.Aussitôtsuivid’ungémissementqui,lui,étaitàcoupsûrnonhumain.Ilrésonnad’abord

faiblementpuisperçal’espaceautourd’eux,commes’ilvenaitbrusquementdeserapprocher.Marks’immobilisa,stupéfié.

Lorsquelaplaintesetutenfin,cefutpourlaisserplaceàdespleurs,trèsdoux,puisplusrien.

—BonDieu,c’étaitquoice...cetruc?demandaMarkd’unevoixrauque.—Chut,nebougepas,soufflaJadeàdemiaccroupie,lesyeuxrivéssurlesbuissons.—Jade...Jade,écoute,ilfautqu’onailleàl’intérieur.Il lui passaunbras autourde la taille, dans l’espoirde l’entraîner vers lamaison.Elle

était légère, mais elle lui coula entre les doigts, comme de l’eau. Comme un chat qui nevoulaitpasselaissercaresser.

—Non...dit-elleensemblantparlerentresesdents.Sa diction était étrange. Elle tournait le dos àMark, il ne voyait pas son visage mais

seulementsesdoigts,recourbéscommedesserres.Jade,insistamentalementMark.Iln’avaitqu’uneenvie,c’étaitdefilerdelà,maisilne

pouvaitserésoudreàlalaisser.Ilnepouvaitpas.Cen’étaitpasdigned’ungentilgarçon.Troptard.

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Leroncierdufondremua.S’écarta.Quelquechoses’apprêtaitàensortir.Bien que pétrifié par la terreur, Mark se sentit en même temps bouger, pousser

violemment Jadede côté et se placer devant elle pour faire face à ce qui allait surgir dansl’ombresousleursyeux.

Mary-Lynnette se fraya à coups de pieds un chemin entre les ronciers. Les bras et lesjambestoutégratignés,ellesentaitdesmûresbiengrossesetbiennoiress’écrasercontresapeau et ses vêtements. Elle avait choisi lemauvais endroit pour traverser la haie,mais cen’étaitpasvraimentàcelaqu’ellepensaitalors.C’étaitàMark ;ellen’avaitqu’une idéeentête:leretrouveretfilerd’iciauplusvite.

Mon Dieu, faites qu’il soit là. Faites qu’il soit là, qu’il soit sain et sauf, et je ne vousdemanderaiplusjamaisrien.

Elleparvintenfinàs’arracherauxdernièresbranchesderonce,etc’estlàqueleschosess’accélérèrent.

D’abord,elleaperçutMarketsesentitimmensémentsoulagée.Puiscefutlasurprise.Il se tenait devant une jeune fille, les bras levés comme ceux d’un joueur de basket.

Commepourlaprotégerdecequivenaitdesurgirdesbuissons.Alors,lafilleseprécipitasurMary-Lynnette,àunetellevitessequecelle-cieutàpeinele

tempsdesebaisser,lesmainsdevantsonvisage,etd’entendreMarkhurler:—Non,c’estmasœur!Lafilles’arrêtaàquelquescentimètresd’elle.C’étaitlapetite,cellequiavaitlescheveux

d’argent. Elle était si près queMary-Lynnette pouvait distinguer ses yeux verts et sa peauaussitranslucidequeducristal.

—Jade, c’estmasœur, répétaMark.C’estMary-Lynnette. ...Ellene te feraaucunmal.Mary,dis-luiquetun’asriencontreelle.

—Riencontreelle?Ellenecomprenaitpascequ’ilvoulaitdire,etnevoulaitsurtoutpaschercheràsavoir.

Lafilleétaitaussiétrangementbellequelesdeuxautres,etquelquechosedanssesyeux–ilsn’avaientpasunvertordinaire,ilsétaientcommeteintésd’argent–luidonnaitlachairdepoule,

—Bonsoir,luiditJade.—Bonsoir...Bon,Mark,ilfaudraitqu’onyaille.Maintenant.Elle s’attendit à ce qu’il saute sur l’occasion.C’était lui qui n’avait pas voulu venir, en

premierlieu.Etvoilàqu’ilseretrouvaitdevantlapiredesesphobies –unefille –etqu’ildemandaitsimplement:

—Tuasentenducecri?Tusaisd’oùçavenait?—Quelcri?J’étaisàl’intérieur.Allez,viens.Elleluipritlebrasmais,puisqu’ilsavaienttouslesdeuxlamêmeforce,celaneservità

rien,—J’aipeut-êtreentenduquelquechose,jenesaispas.Jenefaisaispasattention.Inquiète,elleavaitcherchésonfrèrepartoutdanslamaison,prétendantqueleurfamille

savaitoùilss’étaientrendusensembleetattendaitleurretour,racontantquesonpèreetsabelle-mère étaientdegrandsamisdeMmeBurdocketqu’ils étaient impatientsd’avoirdesnouvellesdesesnièces.

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Tout cela sans même être sûre que les filles la laisseraient repartir pour ces bonnesraisons.Cependant,Rowanavaitfiniparselever,et,avecsonsouriretoujoursaussigraveetdoux,luiavaitouvertlaporte.

—Tusais,expliquaitMarkàJade, jepariequec’étaituncarcajou.Quiseraitdescendujusqu’icidelaforêtdeWillamette.

—Uncarcajou?répétaJade,lessourcilsfroncés.SetournantversMary-Lynnette,elledemanda;—C’estcequetucroisaussi?—Oh...oui...çanepouvaitêtrequ’uncarcajou.Je devrais lui demander où est sa tante. C’est lemoment ou jamais de la prendre en

flagrant délit de mensonge. Elle va me répondre quelque chose, n’importe quoi, maiscertainementpasquesatanteestparties’offrirdespetitesvacancesdansleNord,surlacôte.Et,là,j’enaurailecœurnet.

Mais elle ne fit rien. Elle n’en avait tout simplement pas le courage. Plus question dechercheràfairementirquiquecesoit.Cequ’ellevoulait,c’étaitdéguerpird’iciauplusvite,

—Mark,s’ilteplaît,onyva...Illaregardaet,pourlapremièrefois,parutserendrecomptedesonmalaise.—Oui...d’accord,S’adressantàJade,ildemanda:—Siturentrais,maintenant§Tuseraisplusensécuritéàl’intérieur.Et,peut-être...peut-

êtrequejepourraisvenirtevoirundecesjours,Mary-Lynnette continuait de lui tirer lamanche et, à son grand soulagement, il parut

enfinprêtàlasuivre.Ellesedirigeaversleroncierqu’elleavaitpiétinéenpénétrantdanslejardin.—Passezplutôtparlà,proposaJade.C’estunesortedesentier.Markfitaussitôtdemi-tourenentraînantMary-Lynnetteavec lui.Elleaperçutalorsun

passage assez large entre deux rhododendrons, qu’elle n’aurait jamais vu d’elle-même àmoinsdesavoircequ’ellecherchait.

Alorsqu’ilsatteignaientlahaie,MarketMary-Lynnetteseretournèrent.Delàoùilssetrouvaient,Jaden’étaitplusqu’unesilhouettesombresouslalumièredu

porche,maissescheveux,éclairésdederrière,formaientunhaloscintillantautourdesatête.CetableaufantastiquearrachaunsouffleàMark.

—Revenezundecesjours,leurlançalajeunefille.Pour nous aider à traire les chèvres, comme l’a dit tanteOpale. Elle nous a laissé des

instructionstrèsprécisesavantdepartirenvacances.Confondue,Mary-Lynnetteenrestasansvoix.Saisie de vertige, elle s’élança dans le trou entre les deux buissons. Lorsqu’ils se

retrouvèrentsurlaroute,elledemanda:—Mark,qu’est-cequis’estpasséquandtuesentrédanslejardin?—Quoi,«qu’est-cequis’estpassé»?Ilnes’estrienpassé.—Tuaspuregarderàl’endroitoùellesavaientcreusé?—Non,s’empressa-t-ilderépondre.Jadeétaitdanslejardinquandj’ysuisentré.Jen’ai

paspuregarderquoiquecesoit.—Mark...est-cequ’elleétaitlàtoutletempsJade?Est-cequ’elleestrentréeuninstantdanslamaison?Oualors,est-cequ’unedesfillesenestsortieàunmomentouàunautre?—Jenesaismêmepasàquoiressemblentlesdeuxautres,situveuxsavoir.Laseuleque

j’aivue,c’estJade.

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Etellen’apasquittélejardin.Illuijetaunregardsombre.—EncoretafixettesurFenêtresurcour,c’estça?Elleneréponditpas,s’efforçantplutôtderassemblerdespenséesquiallaientdanstous

lessens.Jen’y croispas.Etpourtant elle l’abienditDes instructionsàproposde la traitedes

chèvres,avantquesatanteneparteenvacances...Pourtant,RowannesavaitrienpourleschèvresavantqueMary-Lynnetteneluienparle.

Elle aurait pu jurer qu’elle ne le savait pas. Elle était tellement sûre que la jeune filleinventaittoutàproposdecedépart.

D’accord,peut-êtresetrompait-elle.MaiscelanevoulaitpasdirepourautantqueRowandisaitlavérité.

Peut-être avaient-elles inventé cettehistoire avant ce soir... etpeut-êtreRowann’était-elleaussiqu’unepiètreactrice.Oualors...

— Mark, ça va te paraître dingue... mais est-ce que Jade avait sur elle un téléphoneportable?

Il s’arrêta net, considéra sa sœur d’un regard qui en dit plus long que les mots eux-mêmes.

—Mary-Lynnette,qu’est-cequetuas?—RowanetKestrelm’ontditqueMmeBurdockétaitenvacances.Qu’elleavait toutà

coupdécidédepartirsereposer,aumomentprécisoùellesarrivaientenville.—Etalors?C’estcequ’aditJadeaussi.—Mark,Mme Burdock a vécu dix ans ici et jamais elle n’a pris de vacances. Jamais.

Commentaurait-elledécidéd’enprendreprécisémentlejouroùsesniècesviennenthabiteravecelle?

—Peut-êtreparcequ’ellespeuvents’occuperde lamaisonsanselle,suggéraMarkavecunelogiqueconfondante.

C’étaitexactementcequeRowanavaitdit.Mary-Lynnetteeutalorslavagueimpressiond’êtreunpeuparanoïaque,depenserquetoutlemondeconspirait,seliguaitcontreelle.Surlepointdeluiparlerdeschèvres,elleseravisasubitement.

Oh,etpuisarrêteavecça,sedit-elle.MêmeMarktrouvelemoyend’êtrelogique.Essaied’êtreunpeurationnelleavantdeteprécipiterchezleshérifAkers.

Lefaitest–elledevaitlereconnaître–qu’elleavaitpaniqué.Elleseméfiaittellementdecesfillesqu’elleenavaitoubliétoute logique,sansavoir lamoindrepreuve.Aupointdeprendrelafuite.

Comment,danscecas,allervoir leshérifet luidirequ’ellesoupçonnaitquelquechosesousprétextequeRowanavaitdespiedsétranges?

Iln’yaaucunepreuve.Aucune,saufque...—...saufquetoutnousramèneàcequ’ilyad’enterrédans le jardin,marmonna-t-elle

touthaut.Mark,quimarchaitàcôtéd’elledansunsilencerenfrogné,laissatomber:—Quoi?—Toutnousramèneàcequ’ilyad’enterrédanslejardin,répéta-t-elle,lesyeuxclos.C’est làque j’auraisdû regarder,quand j’enai eu l’occasion ;mêmesiJademevoyait.

C’estlaseulepreuvequ’onait.Donc,ilfautquejeretournevoircequ’ilyadanscetrou.—Attends,écoute...—Jedoisyaller,Mark.Pascesoir,jesuismortedefatigue.Maisdemain.Ilfautqueje

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voiecequ’ellesontenterréavantd’allerparleraushérifAkers.—Avantquoi?!explosa-t-il.Qu’est-cequeturacontes…allerparleraushérif?Mary-Lynnettehésitauninstant.Ellen’avaitpascomprisàquelpointMarkvoyaitleschosesdifféremmentd’elle.Est-cequ’ilserait?,...—TuvoulaisallervoiroùétaitMmeBurdock,onyestallés.Ellesnousontditoùelle

était.EttuasvuJade.Jesaisqu’elleestassezoriginale;unpeucommecequetudisaisdeMmeBurdock, excentrique.Mais, franchement, est-cequ’elle avait l’air capablede fairedumalàquelqu’un?

C’estbon,ilestamoureuxd’elle,seditMary-Lynnette.Ou,dumoins,elleluiplaîtMarks’intéresseàunefille...

Elleétaitdeplusenplusdésorientée.Celapouvaitfairetantdebienàsonfrère...siseulementlafillen’avaitl’airaussifolle.Et,aufond,mêmesiellel’était...dumomentquecelaneconduisaitpasàunhomicide.Quoi qu’il en soit, il était impossible d’en parler à la police tant qu’elle n’avait pas de

preuve.Et Jade, est-ce qu’elle l’aimait aussi ? Ils avaient en tout cas l’air de se protéger

mutuellementquandMary-Lynnetteavaitfaitirruptiondanslejardin,—Non,tuasraison,finit-ellepardire,heureused’avoirapprisàmentir,cesoir.Cen’est

paslegenredepersonneàvouloirfairedumalàquelqu’un.Jelaissetomber.Jelaissetomberavectoi.Et,demain,quandtumecroirasentraind’observerlesétoiles,

je viendrai ici en cachette. Avec ma pelle, cette fois. Et peut-être un gros pieu pour medéfendredescarcajous.

—Tu crois vraiment avoir entendu un carcajou, là-bas ? demanda-t-elle soudain pourchangerdesujet.

—Euh... oui, peut-être, réponditMark qui perdait peu à peu son air renfrogné. C’étaitquelquechosedebizarre,quejen’avaisjamaisentenduavant.Alors,tuvasoubliertoustesdéliressurMmeBurdock?

—Oui.Toutirabien,songea-t-elle.Cettefois,jenepaniqueraipas,etjem’arrangeraipourque

personnenemevoie.Etpuis,siellesvoulaientmetuer,ellesl’auraientfaitcesoir.—C’estpeut-êtrebienSasquatchquetuasentenducrier,observaMark.

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—Pourquoiest-cequ’onnel’apastuée?interrogeaKestrel.Rowan et Jade se regardèrent. S’il y avait peu de choses sur lesquelles elles étaient

d’accord,Kestrelenfaisaitpartie.—D’abord,onavaitchoisiensembledenepasfaireçaici.Onn’utilisepasnospouvoirs...—Etonnesenourritpasd’humains,pasplusqu’onnelestue,achevaKestrel.Pourtant,

tuasdéjàutilisétespouvoirs,cesoir;tuasappeléJade.— Il fallait bien que je lui fasse savoir quelle histoire je venais de raconter sur tante

Opale.En fait, j’auraisdûarranger çaplus tôt. J’auraisdûprévoirque lesgensviendraientdemanderdesesnouvelles.

—C’estlaseulequisoitvenue,pourlemoment.Sionlatuait...—Onnevapastuerlesgensdansnotrenouvellemaison,rétorquasèchementRowan.Et

puis,elleaditquesafamillel’attendait.Onnevapasnonpluslestuertous.Kestrelhaussalesépaules.—Oui,onnevapasdécimertouteunefamille,insistasasœuraînée.—Maissionl’influençaitseulement,proposaJade.AssiseavecTiggysurlesgenoux,ellenecessaitd’embrasserleveloursnoirdesatête.—Sionluifaisaitoubliersessoupçons.Ou,mieux,sionluifaisaitcroirequ’elleavaitvu

tanteOpale.—Ceseraitpossible,oui...s’iln’yavaitqu’elle,repritpatiemmentRowan.Maisellen’est

pastouteseule.Est-cequ’onvadevoirinfluencertousceuxquivontentrerdanscettemaison$Etceux

quiappellentautéléphone?Etlesprofs?N’oubliezpasque,touteslesdeux,vousreprenezl’écoledansdeuxsemaines.

—Peut-êtrequ’onvadevoir sepasserd’enparler, c’est tout, commentaKestrel sans lemoindreregret.

— Non, il nous faut une solution... durable. Il faut qu’on trouve une explicationraisonnableàladisparitiondetanteOpale.

—Ilfautlabougerdelà,laissaplatementtomberKestrel.Ilfauts’endébarrasser.—Non, non, repartit Rowan. Il faudra qu’on puissemontrer son corps, si la police le

demande.—Danscetétat?Alorsqu’ellescommençaientàdiscuterâprementsurlesujet,Jadeposalementonsurla

têtedesonchatetdirigeaunregardrêveurverslafenêtreàpetitscarreauxdelacuisine.EllepensaitàMarkCarter,quis’étaitmontrésiattentionné,etleseulsouvenirdesonvisageluiprocurait de délicieux frissons interdits. Chez eux, aucun humain ne se baladait librementcommecela.Jamaisellen’auraitététentéedeviolerlesloisduNightWorldens’éprenantdel’und’eux.Mais ici...oui,JadesevoyaitbientomberamoureusedeMarkCarter.Commesielleétaithumaine.

Ellefrissonnadanssondélire.Mais,alorsqu’elletentaitdesereprésentercequepouvaitfaireunehumainequandelleétaitamoureuse,Tiggyremuabrusquement. Il sedégageadesesbrasetbonditsurlesol,hérissédespiedsàlatête.

Jadejetaunnouveauregardàlafenêtre.Ellenevoyaitrien.Mais...ellesentait...

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Tournantlesyeuxverssessœurs,elledéclara:—Ilyavaitquelquechosedanslejardin,cesoir.Maisaucuneodeurnemeparvenait.RowanetKestrel,quicontinuaientdediscuter,nel’entendirentpas.Mary-Lynnetteouvritlesyeuxetéternua.Ellen’avaitpasentendusonréveil.Lesrayonsdusoleilsinfiltraientparlescôtésdeses

rideauxbleumarine.Allez,remue-toietvabosser,s’encouragea-t-elle.Mais,aulieudecela,ellerestaàsefrotterlesyeuxententantdeseréveiller.Ellen’était

décidémentpasdumatin.Sachambreétaitgrandeetpeinteenbleunuit.Mary-Lynnette avait disposé elle-même les étoiles et les planètes lumineuses qui

ornaient le plafond, et sur sonmiroir était collé un sticker qui disait «Je craque pour lesastéroïdes».Lesmurs,eux,étaientoccupésparunecartegéanteetenreliefdelaLune,ainsiquepardesphotosdesPléiades,delanébuleusedelaTêtedeCheval,etdel’éclipsétotalede1995.

C’était lesanctuairedeMary-Lynnette, l’endroitoùelleseretiraitquandellesesentaitincomprise.Lanuitétaitsonrefuge.

Elle bâilla, se leva et se dirigea d’un pas traînant vers la salle de bain, saisissant aupassageun jeanetun tee-shirt.Elle sebrossait les cheveuxendescendant l’escalierquandelleentenditdesvoixaurez-de-chaussée.

CelledeClaudine...etuneautre,masculine,quin’étaitpascelledeMark,carensemaine,celui-cirestaitlaplupartdutempschezsonamiBen.Unevoixqu’elleneconnaissaitpas.

Elleseglissadanslacuisineetjetaunregarddiscretdanslesalon.Ilyavaitungarçonassissurlecanapé,dontellenevoyaitquelescheveux...d’unblondquasiargenté.Haussantlesépaules,ellesedirigeaversleréfrigérateurquandelleentenditprononcersonnom.

—Mary-Lynnetteesttrèsamieavecelle,disaitClaudineavecsondélicieuxpetitaccent.Jemerappellequ’ilyaquelquesannéesellel’aaidéeàréparerl’enclosdeseschèvres.

IlsparlentdeMmeBurdock!Pourquoiest-cequ’elleadeschèvres?continuaClaudine.Jecroisqu’elleaditàMary-

Lynnettequeçal’aideraitparcequ’ellenepouvaitplusbeaucoupsortir,cesdernierstemps.C’estbizarre,répliqualegarçond’unevoixparesseuse.Jemedemandecequ’ellevoulait

direparlà.Mary-Lynnette,qui,àprésent,ne lesquittaitplusdesyeuxnidesoreilles,vitClaudine

faireusagedesonpluscharmantsourirepourrépondre:—Jesupposequ’elleparlaitdulait.Chaquejour,elleadulait,maintenant.Ellen’aplus

besoind’allerenacheter.Maisjenesaispas...Ilfaudraitleluidemandertoi-même.Çanevapas être facile, songeaMary-Lynnette,Maispourquoi cet inconnu est-il venu

poserdesquestionssurMmeBurdock?Mais oui, il devait être de la police ou quelque chose du genre. Le FBI, peut-être.

Cependant,àsavoix,ilavaitl’airbientropjeunepourça...àmoinsqu’iln’aitétéenvoyépourinfiltrerlelycéeetenquêtersurladrogue.

Mary-Lynnettes’approchapourmieuxlevoir.Parfait,ellel’apercevaitàprésentdanslemiroir.Etcequ’ellevitladéçut.Iln’étaitdéfinitivementpasassezvieuxpourêtreduFBI.Etiln’avaitriendupolicierau

regardaffûté,auxgestesvifs,àl’alluresolidequ’elleauraitétéendroitd’attendred’unagent

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infiltré.Cependant,c’étaittoutsimplementleplusbelhommequ’elleaitjamaisrencontré.Mince, élégant, ses longues jambes étendues devant lui, les chevilles croisées sous la

tablebasse,ilavaitl’aird’ungrandfélinàl’allureplacide.Lestraitsfins,lesyeuxlégèrementbridés,ilaffichaitunsourireaussiparesseuxquedésarmant.

Passeulementparesseux,songeaMary-Lynnette.Stupide.Fade.Peut-êtremêmeidiot.Labeauténem'impressionnaitpas...àmoinsquelepersonnagenesoitmince,brunetdu

genreintéressantcomme...commeJeremyLovett,parexemple.Lesgarçonssublimes –ceuxquiressemblaientàdegrandschatsaupelageargenté –

n’avaientaucuneraisondedévelopper leuresprit.Ilsétaientbientropvaniteuxetabsorbéspareux-mêmes.EtavaientunQIaurasdespâquerettes.

Etcegarçonsemblaitêtrecomplètementendormi,pasdutoutprêtàsauversavie,s’illedevait.

Mais,enfait,jememoquedesavoirpourquoiilestlà.Jeremonte.C’estalorsque l’inconnusur lecanapé levaunemainetsemitàagiter lesdoigts. Ilse

tournaàmoitié.PasassezpourapercevoirMary-Lynnette,maissuffisammentpourluifairecomprendrequ’ils’adressaitàquelqu’underrièrelui.Ellevoyaitàprésentsonprofildanslemiroir.

—Bonjour,lâcha-t-il.—Mary-Lynnette,c’esttoi?appelaClaudine.—Oui.Sehâtantd’allerouvrirlefrigo,ellefitexprèsdefaireleplusdebruitpossible.—Jemesersunpeudejusdefruitavantdepartir,lança-t-elle.Soncœurbattaitcommejamais–d’énervementetdegêneàlafois.D’accord,ilavaitdû

l’apercevoirdanslemiroir.Àvoirsonexpression, ilpensaitsansdoutequ’elle leregardait ;comme le faisaient sansdoute tousceuxqui le croisaient.Aucun intérêt,donc.Autant s’enaller.

—Attends,neparspastoutdesuite,résonnalavoixdeClaudine.Viensparleravecnousuninstant.

Non.Mary-Lynnettesavaitsaréactionstupideetenfantine,maisc’étaitplusfortqu’elle.Elle

cognadélibérémentunjusd’abricotcontreunebouteilled’eaupétillante.—Viens,quejeteprésenteleneveudeMmeBurdock,insistaClaudine.Àcenom,Mary-Lynnettesefigea.Debout devant le frigo ouvert, elle regarda sans la voir la température remonter à vue

d’œil. Puis elle reposa la bouteille de jus d’abricot et, d’un geste automatique, extirpa unecannettedeCocadesonemballagedeplastique.

Quelneveu?Jamaisellenem’aparléd’unneveu.Mais elle n’avait entendu qu’une seule fois Mme Burdock parler de ses nièces, elle

n’évoquaitd’ailleursquerarementsafamille.Ainsi,cetypeétaitsonneveu.Voilàpourquoiilposaitdesquestionssurelle.Mais,est-ce

qu’ilsavait?Avait-iltoutmanigancéaveccesfilles?Oualorsétait-ilàleurpoursuite?Ou...Deplusenplusconfuse,ellefinitpaslesrejoindreausalon.—Mary-Lynnette,jeteprésenteAsh,déclaraClaudine.Ilestvenurendrevisiteàsatante

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etàsessœurs.Ash,voiciMary-Lynnette,cellequis’entendsibienavectatante.Ashseleva,d’unbondsoupleetgracieux.—Salut,articula-t-ilenluitendantlamain.Mary-Lynnetteletouchadesesdoigtshumidesetfroids,leregardadroitdanslesyeuxet

répondit:—Salut...Saufqueleurpremiercontactfutloind’êtreaussisimple.Voicicequisepassa,enfait:Mary-Lynnetteavaitlesyeuxsurletapisquandelleentra,

cequiluipermitdevoirnettementsestennisNikeetlesgenouxtrouésdesonjean.Lorsqu’ilse levaducanapé,elleobservasontee-shirtornéd’unmystérieuxdessin –unefleurnoiresur fond blanc ; sans doute l’emblème d’un groupe de rock. Et, lorsque samain se trouvadans son champ de vision, elle lui tendit automatiquement la sienne, enmarmonnant unvaguebonjouretenleregardantd’unairdétaché.Et...

Vintalorsl’instantleplusdifficileàdécrire.Lecontact.Quelquechosedetrèsétrangesepassa.Onseconnaît,non?Non,elleneleconnaissaitpas.C’étaitlàlemystère.Elleneleconnaissaitpasmaisavaitlesentimentdeleconnaître...etl’impressionqu’on

lui avait touché l’épine dorsale avec du fil électrique. Une sensation extrêmementdésagréable.Lapièceautourd’elleprituneteintevaguementrose.Sagorgesemitàgonflersifort qu’elle sentit son cœur y battre. Tout aussi désagréable.Mais, d’une certainemanière,prisestoutesensemble,cesémotionsl’étourdissaientplusqu’autrechose...

Un peu comme ce qu’elle avait ressenti en observant la nébuleuse du Lagon. Ou enimaginantdesgalaxiesrassembléesenamasetsuperamas,deplusenplusgros, jusqu’àcequeleurtaillen’aitplusaucunsensetqu’elle-mêmesesentevaciller.

Elle tombait, à présent. Elle ne voyait plus rien, que ses yeux. Des yeux étranges, desprismes qui changeaient de couleur comme une étoile aperçue à travers une épaisseatmosphère.Bleue,puisdorée,puisviolette.

Oh,ôtezçademavue,jen’enveuxpas,—Quelplaisirdevoirunnouveauvisageparici,lâchaClaudinesurletonleplusnaturel

dumonde.Ons’ennuietellement,danscetteville.Mary-LynnetteémergeasoudaindesatorpeuretréagitcommesiAshluiavaitoffertune

mangousteaulieudesamain.Ellefitunbondenarrière,lesyeuxpartoutsaufsurlui.ElledevinaitquelavoixdeClaudinel’avaitempêchéedetomberdansunpuitssansfond.

—Oh,jecomprends...articulacelle-ciavecsonaccentsicharmant.Elletortillaitentresesdoigtsunemèchedesesbouclesbrunes,cequ’ellenefaisaitqu’en

casd’extrêmenervosité.—Peut-êtrequevousvousconnaissezdéjà,finalement.Ilyeutunsilence.Je devrais dire quelque chose, songea Mary-Lynnette, encore en proie à

l’étourdissement.J’ail’aird’unefolle,etj’humilieClaudinesanslevouloir.Mais,ques’était-ilpassé,aujuste?Aucuneimportance.Elleyréfléchiraitplustard.Elleseressaisit,affichaunsouriredecirconstanceetdemanda:—Tuvasresterlàcombiendetemps?Sonerreurfutdeleregarderdanslesyeux.Ettoutrecommença.Pasaussiintensément

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qu’unpeuplustôt,etpeut-êtreaussiparcequ’elleneletouchaitpas.Maisl’impressiondechocélectriquefutlamême.Lui-même était comme un chat qui vient de recevoir un choc. Hérissé. Furieux.

Désemparé.Maisaumoinssemblait-ilréveillé,cettefois.Leursregardssecroisèrentpendantquelapiècetournoyaitetrosissaitautourd’eux.

—Quies-tu?demandaMary-Lynnetteenoublianttoutepolitesse.—Quies-tu?ditAshàsontoursurlemêmeton.Tousdeuxs’observèrentlonguement,Claudine claquait nerveusement de la langue tout en débarrassant le jus de tomate,

Mary-Lynnette se sentait un peu désolée pour elle mais ne pouvait lui accorder aucuneattention tant elle était concentrée sur celui q. se tenait en face d’elle. Pour le bloquer,l’empêchedepénétrersonesprit.Poursedébarrasserduintimentétrangequ’elleétaitl’unedesdeuxpiècesdepuzzlequivenaientdesetrouveremboîtées,

—Ecoutelâcha-t-elled’unevoixnerveuseàl’instantoùilcommençait...Écoute.Tousdeuxs’arrêtèrentetsefixèrentànouveau.PuisMary-Lynetteparvintàs’arracherà

sonregard.Quelquechosel’entraînaitmentalementailleurs.— Ash...souffla-t-elle en saisissant cette occasion inespérée, Ash, Mme Burdock a dit

quelquechoseàtonsujet...,proposd’unpetitgarçonprénomméAsh,Jenesavaispasqu’elleparlaitdesonneveu.

—Sonpetit-neveu,corrigea-t-ild’unevoixnettementmoinsassuréequeprécédemment.Qu’est-cequ’elleadit?—Quet’étaisunvilainpetitgarçonetqu’engrandissanttuseraissansdouteencorepire.—Ah,Jenavaitpastort.Sonexpressionsefitsoudainplusdouce,commes’ilsesentaiteterrainconnu.LecœurMary-Lynnetteralentissaitunpeu.Elle se rendait compte que, si elle se concentrait, elle pouvait faire fi de cette étrange

sensation.Et,siellecessaitderegarderAsh,c’étaitencoreplusfacile.Calme-toi, se dit-elle.Respire un coup. Voilà.Maintenant,mets tout ça de côté ; tu y

penserasplustard.Qu’est-cequiestimportant,maintenant?Primo,cegarçonétaitlefrèredestroisfilles.Secundo, il pouvait trèsbienêtre impliquédans cequi était arrivé àMmeBurdock.Et

tertio, s’il n’était pas impliqué, il pouvait aiderMary-Lynnette en lui fournissant quelquesexplications.

Parexemple,satanteavait-ellelaisséuntestament?Et,danscecas,quihéritait?Elle regardaAshdu coinde l’œil. Il semblait, commeelle,nettementplus calme.Tous

deuxreprenaientpeuàpeuleursesprits.—Alors,Rowan,KestreletJadesont tessœurs,dit-elleavec toute lanonchalancedont

ellesesentaitcapable.Ellesontl’airgentilles.—Jenesavaispasquetulesconnaissais,déclaraClaudineensedirigeantverslaporte,

lesbrascroisés,untorchonàlamain.Jeluiaiditquetunelesavaisjamaisvues.—JesuisalléelesvoirhieravecMark.A peine eut-elle prononcé ces mots qu’un éclair flasha sur le visage d’Ash, pour

disparaîtreaussitôt.Ce qui donna néanmoins l’impression àMary-Lynnette de se retrouver au bord d’une

falaisedansunfroidglacé.

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Pourquoi?Qu’avait-elledéclenchéenannonçantconnaîtrecesfilles?—ToietMark?Markseraitdonc...tonfrère?—Exactement,lançaClaudinedupasdelaporte.—Tuasd’autresfrèresetsœurs?—Pourquoi?Tufaisunrecensement?Ashesquissa–faiblement–undesessouriresparesseux.—Non,maisj’aimebiensavoirquisontlesamisdemessœurs.Pourquoi?—Pourdonnertonaccord,c’estça?—Enfait,oui,sourit-il–cettefoisplusfranchement.Onformeunefamilleàl’ancienne.Trèsàl’ancienne.D’abordétonnéeparcetteréponse,Mary-Lynnette s’en trouva très satisfaite. A présent, elle n’avait plus à se soucier d’un

meurtreéventuel,d’unepiècequirosissaitoudecequesavaitcegarçon.Ilneluirestaitplusqu’àréfléchiràcequ’elleallaitluifaire.

—Vousêtesdoncunefamilleàl’ancienne,dit-elleenfaisantunpasenavant,—Oui.—Etc’esttoilechef?—Ici,oui.Cheznous,c’estmonpère.—Et tuvasdireà tes sœursquelsamisellespeuventavoir.Peut-êtreque tuvasaussi

choisirceuxdetatante.—C’estprécisémentdeçaquejediscutaisavec...IltenditunemainversClaudine.Oui,c’estça,pensaMary-LynnetteavantdefaireunautrepasversAsh,quicontinuaitde

sourire.—Oh,non,intervintClaudineenfaisantclaquersontorchon.Nesourispas.—J’aimelesfillesquiontducaractère,lâchaAshquicherchaitmanifestementlachose

laplusodieuseàdire.Puis,jouantàfondlaprovocation,ilsouritetgratifiaMary-Lynnetted’unechiquenaude

aumenton.Cegestedéclenchaunegerbed’étincellesquilesfirentbondirtousdeuxenarrière,Ash

contemplantsamaind’unairincrédulecommesiellel’avaittrahi.Mary-Lynnette éprouva alors l’irrésistible envie de se jeter sur lui pour le flanquer à

terre.Unechosequineluiétaitjamaisarrivéeauparavant.Mais, surmontant cette pulsion, elle se contenta de lui envoyer un coup de pied à la

mâchoire.Ashpoussauncridesurpriseetreculabrusquement.Unefoisencore,l’espècedesuffisanceendormiequ’ilaffichaitdisparutdesonvisage,et

ileutsoudainl’airalarmé.—Jecroisquetudevraispartir,maintenant,luiditlajeunefille.Sonassurancelasurpritelle-même.Ellen’étaitpasdugenreviolent,pourtant.Peut-être

yavait-ilenelleuncaractèrecaché,uneforceinsoupçonnée.Interdite,muette,Claudinesecouaitlatêtesanscomprendre.Mary-LynnetteavançadenouveauversAsh,

qui, même s’il avait une demi-tête de plus qu’elle, recula tout en la considérant d’un airstupéfait.

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—Hé,attention,hasarda-t-il,tunesaispascequetufais...Situsavais...Et, de nouveau,Mary-Lynnette entrevit cet éclair sur son visage, qui effaça d’un coup

chez lui toute expression stupide ou placide. Comme le scintillement d’une lame sous unrayondelumière.Quelquechosequiannonçaitledanger...

—Oh,vaennuyerquelqu’und’autre,luiconseilla-t-elleavantdereculerlepiedpourluiflanquerunautrecoup.

Ilouvritlabouche,pourlarefermeraussitôt.Setenantlementon,ilregardaClaudineetparvintàformerunpiètresourirequisevoulaitséduisant.

—Mercimillefoisdem’avoir...—Dehors!s’écriaMary-Lynnette.Toutsouriredisparutdesonvisagequandilrépliqua:—C’estcequejefais!Ilclopinaverslaported’entrée,lajeunefillesursestalons.—Commentont’appelle,aufait?demanda-t-ilunefoisdanslejardin.Mary?Marylin?

M’lin?M.L.?—Mary-Lynnette,situveuxsavoir.Puis,entrelesdents,elleajouta:—Çamevatrèsbien...ElleavaitluLaMégèreapprivoisée,l’annéedernière.—Ah,oui?EtpourquoipasM’linlamaudite?fit-iltoutens’éloignant.Elleendemeurainterdite.Peut-êtrequ’euxaussiavaientlucetteœuvreencours.Pourtant, iln’avaitfranchement

pasl’airassezcultivépourciterainsiShakespeare.—Amuse-toibienavectessœurs!luilança-t-elle.Unefoislaportereferméederrièrelui,elles’appuyacontrelebattant,lesoufflecourt.Sesdoigtsetsonvisageétaienttoutengourdis,commesielleallaits’évanouir.Si aumoins ces filles l’avaient tué, j’aurais compris, songea-t-elle.Mais ils sont tous

tellementbizarres.Cettefamilleavraimentquelquechosed’étrange.Cequin’étaitpasfaitpourlarassurer.Elleavaitunmauvaispressentiment.Untrèsmauvaispressentiment.—Jen’ycroispas!luilançaClaudinedel’entréedusalon.Tul’ascarrémentmisdehors.

Jepeuxsavoirpourquoi?—Ilnevoulaitpaspartir,c’esttout.—Tusaisparfaitementcequejeveuxdire.Vousvousconnaissez?Mary-Lynnettehaussalesépaules.Son étourdissement passait un peu mais son esprit était noyé sous une foule de

questions.Claudinelaconsidéraunlongmomentpuisdéclara:—Jemesouviensdemonpetitfrère;àquatreans,ils’amusaitrégulièrementàpousser

unepetitefilletêtelapremièredanslebacàsable.Ilfaisaitçapourluimontrerqu’ill’aimaitbien.

Claudine,fitMary-Lynnetteenignorantsaréflexion,pourquoiAshest-ilvenu?Dequoiavez-vousparlé?

Derien,répondit-ellesuruntonexaspéré.Onaeuuneconversationtoutàfaitordinaire.Qu’est-cequeçapeuttefaire,puisquetuledétestestant?

Puis,commelajeunefillecontinuaitdelaregarderd’unairinterrogateur,ellesoupiraetdit:

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—Ilsemblaitpassionnéparlesfaitsétrangesquisepassentdanslescampagnes.Toutesleshistoiressurvenuesdanslecoin.

—TuluiaparlédeSasquatch?—JeluiaiparlédeVicetTodd.—Cen’estpasvrai?!Pourquoi?—Parcequec’estlegenredechosequ’ilvoulaitsavoir!Desgensperdusdansletemps…—Quiperdentlanotiondutemps.—Oui,peuimporte.Onaeuuneconversationagréable.C’estuntypesympa.Dommage.LecœurdeMary-Lynnettebattaitàtoutrompre.Ellenes’étaitpastrompée.Elleenétaitsûre,àprésent.D’unemanièreoud’uneautre,

ToddetVicavaientunlienaveclesfillesetMmeBurdock.Mais...quellien?Elleavaitbienl’intentiondeledécouvrir.

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7

RetrouverToddetVicn’allaitpasêtreuneminceaffaire.L’après-midiétaitdéjàbienavancélorsqueMary-Lynnetteentradanslemagasingénéral

deBriarCreek,oùl’ontrouvaitàpeuprèstout,desclousjusqu’auxbasNylonenpassantparlesboîtesdepetitspois.

—Salut,Bunny.Tun’auraispasvuToddouViedanslesparages,parhasard?BunnyMartenlevalenezducomptoir.Jolie,lescheveuxblonds,levisagerond,douxet

timide,elleétaitdanslaclassedeMary-Lynnette.—TuasregardéauGoldCreekBar?—Oui,jen’aivupersonne.—Etchezeux,oudansl’autremagasin?Ouencoreaubureaudushérif?Lebureaudushérifquifaisaitégalementofficedemairieetdebibliothèque.—Ilsn’ysontpasnonplus.—D’habitude,quandilsne jouentpasaubillard, ilss’amusentàtirersurdesboîtesde

conserve,danslesbois.—Où,danslesbois?— Là, tu m’en demandes trop, répondit Bunny dont les boucles d’oreilles brillaient à

chaquemouvementdesatête.Ellehésita,contemplasescuticulesqu’ellerepoussaitsoigneusementavecunefinetige

debois,puisajouta:—Mais,tusais,j’aientendudirequ’illeurarrivaitd’alleràMadDogCreek,parfois.ElleposasurMary-Lynnetteunregardbleuquiendisaitlong.MadDogCreek...génial,songeacelle-ciengrimaçant.— Je sais, reprit Bunny. Moi non plus, je n’aurais pas trop envie d’aller là-bas. Je

penseraistoutletempsàcecadavre...—Oui,moiaussi.Enfin,merci,Bun.Àplustard.Lesyeuxtoujourssursesongles,elleréponditd’unairabsent:—Bonnechasse...Mary-Lynnette sortit dumagasin et clignades yeux sous le brûlant soleil d’août.Main

Streetétaitbordéedebâtissesdebriquesdatantde l’époqueouBriarCreekservaitdebased’approvisionnementàlamined’orvoisine,etdequelquesautresmaisonsplusmodernesàlapeintureécaillée.ToddetVienesetrouvaientdansaucuned’elles.

Quefaire,alors?Mary-Lynnettesoupira.Iln’yavaitpasderoutemenantàMadDogCreek,seulementuncheminconstamment

envahidevégétationsauvagequiypoussaitentoute liberté.Et,aubordducoursd’eau,onfaisaittoutautrechosequedes’entraînerautir.

S’ilssontalléslà-bas,c’estpourchasser,sedit-elle.Etpourboire,etmêmesedéfoncer,jeparierais.Lesflingues,labière...etpuiscecadavre.

C’était l’année dernière, à peu près à cette époque, qu’on l’avait découvert. Unrandonneur,àvoirsonsacàdos.Personnenesavaitquiilétaitnicommentilétaitmort–soncorpsétaittropdesséchéetdévoréparlesanimauxpourydécelerquoiquecesoit.Maisonévoquaitdesfantômes,qu’onauraitvusflotterau-dessusdelarivière,l’hiverdernier.

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Mary-Lynnettelaissaéchapperunnouveausoupiretgrimpadanssonbreak.C’était une vieille voiture, truffée de points de rouille, qui faisait des bruits douteux

quandonaccéléraitunpeutrop;maisc’étaitlasienne,etellefaisaittoutpourlagarderenétat.Ellel’adoraitparcequ’ilyavaittoutelaplacepouryrangersontélescope.

Arrêtéepourfairelepleinàlaseulestation-servicedeBriarCreek,ellesortitdesoussonsiègeuncouteauàfruitsets’activaàôterlebouchonduréservoird’essence.

Unpeuplushaut...presque,presque...et,maintenant,jetourne...Lebouchoncéda.—Tun’asjamaiseuenviedetelancerdansleperçagedecoffres-forts?résonnaunevoix

derrièreelle.Tuaslecoupdemain,ondirait.—Oh...salut,Jeremy.Il lui sourit –d’un sourirequi se voyait surtout à ses yeuxbrun clair et ornésde cils

outrageusementlongs.Si jedevais tomberraidepourungarçon –cequin’arrivera jamais – ce seraitpour

quelqu’uncommelui.Etnonpaspourungrandchatblondquisecroitinvestidudevoirdechoisirlesamisde

sessœurs.Inutiledesongeràquoiquecesoit,detoutefaçon-Jeremynesortaitpasaveclesfilles.C’étaitunsolitaire.—Tuveuxquejejetteuncoupd’œilsouslecapot?proposa-t-ilens’essuyantlesmains

avecunchiffon.—Non,merci.J’aitoutvérifiélasemainedernière.Commeellecommençaitàfaireleplein,ilsaisitunessuie-vitreetunebouteilledespray

etselançadanslenettoyagedesonpare-brise.Sesgestesétaientsouplesetefficaces,etsonvisageparticulièrementsolennel.

Toutenréprimantunpetitrire,Mary-Lynnetteappréciaqu’ilnesemoquepasdevoirlavitrerayéeetpleinedecratères,

etlecaoutchoucdesessuie-glacesquasidécomposé.Ellesesentaitbeaucoupd’affinitésaveclui.C’étaitlaseulepersonneàBriarCreekquiparaissaitmontrerunsemblantd’intérêtpourl’astronomie.Enclassedequatrième, il l’avaitaidéeàconstruireunmobilereprésentant lesystèmesolaire,et,biensûr,l’annéedernière,ilavaitobservél’éclipsédeLuneavecelle.

Ses parents étaientmorts àMedford quand il n’était encore qu’un bébé, et son onclel’avaitamenéàBriarCreekdansunecaravaneFleetwood.Unoncleétrange,qui,armédesesbaguettes de radiesthésiste, avait pour habitude de partir chercher de l’or dans la régionreculéedeKlamath.D’où,unsoir,iln’étaitpasrevenu.

Depuis ce jour, Jeremyvivait seul dans la caravane, aumilieudesbois.Accomplissanttoutessortesdeboulots, il travaillait,entreautres,à lastation-servicepourse faireunpeud’argent.Et,sisesvêtementsn’étaientpasaussichicsqueceuxdesautresgarçonsdesonâge,ils’enmoquait–oùfaisaitceluiquis’enmoquait.

LapoignéedutuyaucliquadanslamaindeMary-Lynnette,quiserenditcomptequ’ellerêvassait.

—Tuasbesoind’autreschose?luidemandaJeremy.Lepare-briseétaitpropre,etilnevoyaitpluscequ’ilpouvaitfairepourelle.—Non...enfait,si.Tun’auraispas...aperçuToddAkersouVieKimble,aujourd’hui,par

hasard?Pourquoi?fit-ilenacceptantlebilletdevingtdollarsqu’elleluitendait.

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—Jevoulaisleurparler,c’esttout.Ellesentitsonvisages’empourprer.Oh,non... ildoitcroireque jechercheàsortiraveceux... et ilpensemaintenantque je

suisfolledeluidemanderça.Ellesedépêchaalorsd’expliquer:—C’estque...Bunnym’aditqu’ilspouvaientêtreàMadDogCreek;alorsj’aipenséque

tupouvaislesavoirvus...cematin,peut-être,puisquetuhabitesparici...—Non.Jesuispartiàmidi,maisjen’aientenduaucuncoupdefeuvenantdelarivière,

cematin.Enfait,jenecroispasqu’ilsysoientvenusdetoutl’été;jepassemontempsàleurdiredenepasvenirtraînerdanslecoin.

Mêmes’ilparlaitd’unevoixtranquille,Mary-Lynnette eut soudain la désagréable impression que Todd et Vic pouvaient l’entendre.

Elle savait que Jeremy ne se bagarrait jamais, mais, parfois, son regard brun avait unelueur..., presque effrayante. Comme si, sous ses airs de garçon zen, il y avait une sorted’instinctsauvage,primitif –mortel,même–quipouvaits’avérertrèsdangereux,sionleréveillait.

—Mary-Lynnette,tuvaspeut-êtrepenserquecenesontpasmesaffaires,mais...jecroisquetudevraiséviterces types.Oualors,si tuveuxvraimentpartirà leurrecherche, laisse-moiyalleravectoi.

UnevaguedegratitudesubmergeaMary-Lynnette.Ellerefuseraitbiensûrsonoffre,maisc’était tellementgentilà luide luiproposerson

appui.—Merci...maisçaira.Merci,Jeremy.Elle le regarda rentrerdans laboutiquepouraller chercher lamonnaiequ’il luidevait.

Commentétait-cedevivre seuldepuis l’âgededouzeans?Peut-êtreavait-ilbesoind’aide.Peut-êtredevrait-elledemanderàsonpèredeluiproposerdutravailchezeux,commecequ’ilfaisaitpourlesautres.Illuifallaitseulementsemontrerdiscrète:Jeremynesupportaitpasqu’onluifasselacharité.

—Voilàtamonnaie,luidit-il,unefoisrevenuauprèsd’elle.Et,Mary-Lynnette...—Oui?—SituretrouvesToddetVic...soisprudente.—Jeferaiattention,promis.—Jesuissérieux,insista-t-il.—Jesais,Jeremy.Commeellecherchaitàrécupérersonargentdanslamaindugarçon,ilfîtquelquechose

d’étrange:d’unemain,illuiouvritlesdoigtspendantque,del’autre,illuirendaitlespiècesetlesbillets.Puisilrepliasesdoigtssurlessiens...pourseretrouverainsiavecsamaindanslasienne.

Cebrefcontactphysiquelasurprit.Etlatoucha.Ellesesurpritàobserverseslongsdoigtsminces,àgoûterlapressionàlafoispuissante

etdélicatequ’ilsexerçaientautourdesamain,àcontemplerlachevalièrequ’ilportait,ornéesurledessusd’unmotifnoir.

Ellefutencoreplussurpriselorsqu’ellerelevalesyeuxetqu’ellelutdel’inquiétudesursonvisage.Et aussi quelque chosequi ressemblait àdu respect.L’espaced’un instant, elleéprouva l’inexplicable et violente envie de tout lui raconter.Mais elle imagina aussitôt cequ’ilallaitpenser.Jeremyétaitungarçontrèspragmatique.

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—Merci,répéta-t-elleavecunsourireforcé.Soisprudent.— C’est à toi d’être prudente, corrigea-t-il. Il y en a certains à qui tu manquerais

beaucoup,s’ilt’arrivaitquelquechose.Il sourit en disant cela,mais, tandis qu’elle s’éloignait,Mary-Lynnette sentit peser sur

ellesonregardsoucieux.Etmaintenant,qu’est-cequejefais?Après avoir gaspillé la plus grande partie de sa journée à chercher Todd et Vie, elle

finissait par se demander si cette idée n’était pas totalement stupide. L’image de ces yeuxbrunsnequittaitplussonesprit.

Desyeuxbruns...Etdequellecouleurétaientceuxdugrandchatblond?Etrange,elleneparvenaitpasàs’ensouvenir.Ellepensaitqu’ilsluiavaientparubrunsàuncertainmoment–quandilluiavaitparlédesafamille«àl’ancienne»,Mais,quandilavaitditqu’ilaimaitlesfillesavecducaractère,elleserappelait leuravoirtrouvéunbleuinsipide.Et, lorsqu’unéclairavaitfaitscintillersonregardcommelalamed’uncouteausouslesoleil,n’avaient-ilspasprisuneteintegriseetglaciale?

Oh, et puis, quelle importance ? Peut-être qu’ils étaient orange, après tout. Elle allaitrentreretsepréparerpourcesoir.

Comment Nancy Drew s’y prenait-elle pour toujours trouver les gens qu’elle voulaitinterroger?

Pourquoi?Pourquoi?Pourquoimoi?Ashcontemplait sans levoirunsauledont les longuesbrancheseffleuraient la rivière.

Un écureuil, trop stupide pour se retirer du soleil, l’observait. Sur une pierre près de lui,unlézardlevad’abordunepattepuisl’autre.

Cen’étaitpasjuste.Iln’arrivaitpasàycroire.Ilavaittoujourseudelachance.Ou,dumoins,ilavaittoujourséchappéd’uncheveuàla

catastrophe.Mais, cette fois, le cataclysme l’avait heurté de plein fouet et c’était pour lui

l’anéantissementtotal.Toutcequ’ilétait,toutcequ’ilcroyaitsavoirdelui...pouvait-ilperdretoutcelaencinq

minutes?Pourunefillequiétaitsansdoutedérangéeetcertainementplusdangereusequesestroissœursréunies?

Il connaissait tant de filles – de jolies filles.Des sorcières au souriremystérieux, desvampiresauxcourbesdélicieuses,descréaturespolymorphesàlajoliequeuedefourrure.Etmême des humaines paradant dans de superbes voitures de sport, qui se moquaientroyalementdesefairemordillerlecou.Si,aumoins,ilavaiteuaffaireàl’uned’entreelles...

Ehbien,non.Et inutile,maintenant,derevenirsurcette injustice.Laquestionétaitdesavoir à présent ce qu’il allait faire de cela. S’asseoir et laisser le destin lui rouler dessuscommeunquinzetonnes?

«Désolé pour ta famille », lui avait ditQuinn.Et c’était peut-être là le problème.AshétaitvictimedesesgènesRedfern.DesRedfernquinesavaientques’attirerlesennuis;qui

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semblaientenpermanencedevoirsecolleterauxhumains.Allait-ildoncattendreleretourdeQuinnet luioffrircelaenguised’excuse?«Désolé,

maisjesuisincapabledemaîtrisercequisepasseici.Jen’arrivemêmepasauboutdemonenquête.»

S’il lui disait cela, Quinn ferait appel aux Anciens, et ceux-ci feraient leur propreinvestigation.

Ash sentit son expression se durcir. Il fixa l’écureuil, qui, dans un éclair de fourruremordorée,bonditversl’arbre,Acôtédelui,lelézards’immobilisa.

Non,iln’attendraitpasqueledestinaitraisondelui.Ilallaitfairetoutcequiétaitensonpouvoirpoursauverlasituation–etl’honneurdelafamille.

Etcela,dèscesoir.—Onvas’enoccupercesoir,déclaraRowan.Dèsquelanuitseratombée;etavantque

laluneselève.Onval’emmenerdanslaforêt.Kestreleutunsouriremagnanime.Elleavaitgagné.—Onvadevoirêtretrèsprudentes,ditJade.Lachosequej’aientenduedehors,hiersoir,

cen’étaitpasunanimal.Jepensequec’étaitl’undenous.—Iln’yaaucuneautrecréaturedelanuit,parici,larassuraRowan.C’estpourçaqu’on

estvenuess’installerdanslecoin.—C’était peut-êtreun chasseurde vampires, suggéraKestrel, Peut-être celui qui a tué

tanteOpale,—Sic’estbienunchasseurdevampiresquiatuétanteOpale,repritsasœuraînée.Mais,

ça,onn’ensaitrien.Demain,ilfaudraitqu’onaillejeteruncoupd’œilenville,pourtenterdedécouvrirquiapufaireça.

—Et,quandonlestrouvera,onsechargerad’eux,affirmaJadeavecdétermination.—Et, si lachoseque tuasentenduedans le jardinvientencorepointer leboutdeson

mufle,ons’enoccuperaaussi,enchaînaKestrel,avantd’afficherunsouriregourmand.C’étaitlecrépuscule,etMary-Lynnetteregardasamontre.Safamilleétaittranquillement

installée pour la nuit ; son père plongé dans un livre sur la Seconde Guerre mondiale,Claudineconsciencieusementpenchéesursabroderie,Marks’efforçantd’accorderunevieilleguitareoubliéedanslacavedepuisdesannées.Ilessayaitmanifestementdetrouverdesmotsqui rimaient avec «Jade », Levant le nez de son bouquin, le père de Mary-Lynnette luidemanda:

—Tuvasobserverlesétoiles,cesoir?—Oui.Çadevraitêtreunebellenuit–pasdeluneavantminuit.C’estladernièrechance

quej’aiedevoirunpeudesPerséides,Ellenementaitpasvraiment.Celapromettaitd’êtreeffectivementunebellenuit,et,tout

enmarchantvers la fermeBurdock,ellepourrait jeterdetempsàautreuncoupd’œilpourtenterd’apercevoirlestraînéesdelapluied’étoilesfilantes,

—D’accord,maisfaisattention,luidit-il.Cetteincitationàlaprudencel’étonna.Celafaisaitdesannéesqu’illalaissaits’aventurer

seule la nuit, en pleine campagne. Elle regarda Claudine, qui, les lèvres pincées, se battaitavecsonaiguille.

— Peut-être queMark pourrait t’accompagner, suggéra-t-elle sans lever la tête de sonouvrage.

D’accord,ellemecroitunpeufolle.Et,aufond,ellen’apeut-êtrepastort.—Non,non,çaira,s’empressa-t-ellederépliquer.Jevaisfaireattention.

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—Tun’aspasbesoind’aide,avectouttonbarda?s’étonnaMark,—Non,jevaisprendrelavoiture.Çaira.Vraiment.Mary-Lynnette fila vers le garage avant que l’un d’eux ne cherche encore lemoyen de

l’empêcherdepartir.Ellen’embarquapassontélescopemaispritàlaplaceunepellequ’elleposasurlesiège

arrièredesonbreak.Aprèsavoirpassésonappareilphotoautourducou,elleglissadanssapocheunemini-lampetorche.

Quelquesminutesplustard,ellesegaraaupieddesacolline.Avantdesortirlapelle,ellelevaunregarddubitatifverslenord-est,endirectiondelaconstellationdePersée.

Aucunetraînée,aucunmétéore,pourl’instant.Parfait.Sesclésàlamain,elleseretournapourouvrirlehayondesavoiture...etbonditenarrière.

—Oh,monDieu....EllesetrouvaitnezànezavecAsh.—Bonsoir.Son cœur se mit à battre à cent à l’heure et ses jambes à flageoler.De peur, se dit-

elle.Seulementdepeur.—J’aifaillimeprendreunecrisecardiaque!Çat’arrivesouventd’approcherlesgensen

silence,commeça?Elles’attendaitàuneréponsefinaude,chargée,auchoix,demenaceoudemépris,mais

Ashsecontentadefroncerlessourcilsenrépliquant:—Non.Ettoi,qu’est-cequetufaisici?Sonpoulscessadebattrequelquessecondes,puiselles’entenditarticuler:—J’observe lesétoiles.Je faisçatoutes lesnuits.Tupeuxnoterçapour lapolicede la

pensée.—Tuobserveslesétoiles?répéta-t-ilenconsidérantsonbreak.—Oui.Decettecolline,là-haut.Maintenant,Ashregardaitl’appareilphotoqu’elleportaitautourducou.—Sanstélescope,commenta-t-il,sceptique.Oualors,c’estcequetuasdanslavoiture?Sescléstoujoursàlamain,elleserenditcomptequ’ellen’enavaittoujourspasouvertle

hayon.—Jenel’aipasapporté,cesoir.Ellesedirigeaverslesiègepassager,ouvritlaportièreettenditlebrasverssesjumelles.—Pasbesoindetélescopepourobserverlesétoiles.Tuvoispleindechoses,avecça.—Ah,oui?—Biensûr.Là, tu commets une erreur en faisant comme si tu neme croyais pas, songea Mary-

Lynnette,amusée.Attends,tuvaêtreétonné...—Tuveuxvoirdelalumièrevieilledemillionsd’années?proposa-t-elle.Puis,sansattendrelaréponse,elleajouta:—Alors, place-toi face à l’est, prends ces jumelles et base-toi sur la ligne des arbres à

l’horizon.Maintenant,lèvelatête...Elleluidonnauneséried’ordres,telunsergentenpleinesmanœuvres.—Aprésent,est-cequetuvoisundisquebrillantentouréd’unesortedebrouillard?

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—Euh...oui.— C’est Andromède. Une autre galaxie. Mais si tu essayais de l’observer à travers un

télescope,tunelasaisiraispasenentier.Regarderdansuntélescope,c’estcommeregarderlecielàtraversunepaille;onaunpointdevuetrèsétroit.

—D’accord, d’accord, tumarques un point, fit-il en abaissant les jumelles. Ecoute, onpeutarrêterdeuxminutespJevoudraisteparler...

—Tuveuxvoirlecentredenotregalaxie?coupa-t-elle.Tourne-toiverslesud.Ellel’incitaàsetourner,maissurtoutsansletoucher.Ellen’osaitpas.Tropd’adrénaline

bouillonnaitdéjàenelle.S’ilyavaituncontactentreeux,ellerisquaitd’exploser.—Tourne-toi,ordonna-t-elle.Ilfermabrièvementlespaupièrespuisobtempéra,avantdereplacerlesjumellesdevant

sesyeux,— Tu dois d’abord regarder dans la constellation du Sagittaire, continua-t-elle. Tu la

vois?C’estlàquesetrouvelecœurdelaVoielactée.Làquesonttouslesnuagesd’étoiles,—C’estbeau.—Oui,c’estbeau.Bon,maintenantmonteunpeuversl’est–tudevraistombersurune

tachedefaiblebrillance...—Larose?—Oui...larose,répondit-elleenluijetantunbrefcoupd’œil.Engénéral,lesgensontdu

malàlavoir.C’estlanébuleuseTrifide...ouduTrèfle,situpréfères.—Etceslignessombres,aumilieu,qu’est-cequec’est?Mary-Lynnettesefigea.Oubliantd’unseulcoupsonattitudedesergent,ellefitunpasenarrièreet,bouchebée,

regardaAsh.Abaissantdenouveausesjumelles,ildemanda:—Qu’est-cequ’ilya?—Cesontdesnébuleusesobscures.Des régionsdepoussièreensurimpressiondevant

desgazbrûlants.Mais...tunepeuxpaslesvoir.—Si,jelesaivues.—Non,non,c’estimpossible!Onnepeutpaslesvoiravecdesimplesjumelles.Mêmesi

tuavaisdespupillesdilatéesàneufmillimètres...Ellesortitlalampedesapocheetlaluipassadevantlevisage,— Hé ! lâcha-t-il en bondissant en arrière, les mains devant ses paupières soudain

fermées.Çafaitmal!MaisMary-Lynnette avait vu. Elle avait vu... qu’on ne pouvait précisément pas voir la

couleurdesesyeux,car lapartiecolorée, l’iris,neformaitplusqu’unanneausi finqu’ilendevenait invisible. Ce n’étaientmaintenant que deux pupilles ; comme celles d’un chat aumaximumdeleurdilatation.

MonDieu, toutcequ’ilpouvaitvoir...Desétoilesdehuitièmemagnitude,descouleursdansunnuaged’étoiles–lerosedel’hydrogènebrûlant,lebleu-vertdel’oxygène,desamasdemilliardsd’étoilesdansleciel!...

—Vite,dit-elle.Combiend’étoilesvois-tuencemoment?—Jenevoisrien,marmonna-t-il,lamaintoujourssurlesyeux.Jesuisaveugle.—Non,jeveuxdire,sérieusement.

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Etelleluisaisitlebras.Ladernièredeschosesàfaire.Ellen’avaitpasréfléchi.Et,quandelletouchasapeau,ce

fut comme un choc électrique qui la traversa de part en part. Ash abaissa la main et laregarda.

L’espaced’uninstant,ilssefirentface,sefixèrent.Unesorted’éclairvibraentreeux.Puiselles’écarta.MonDieu,jen’enpeuxplus.Pourquoiest-cequejesuis là,deboutdevantcetype,à lui

parler?J’aibienassezàfairecesoir.J’aiuncadavreàtrouver...— Bon, fini, la leçon d’astronomie, souffla-t-elle, la main tendue pour récupérer ses

jumelles.Jegrimpelà-haut,maintenant.Elleneluidemandapasoùilallait.Elles’enmoquait,dumomentqu’ilpartait.Ilhésitauninstantavantdeluirendrelesjumelles.Et,lorsqu’illefit,ilpritsoindenepaslatoucher.Trèsbien,songea-t-elle.Onressenttouslesdeuxlamêmechose.—Aurevoir.—Aurevoir,répondit-ilgauchement.Ilfitminedepartir,s’arrêtaet,latêtebasse,murmura:—Cequejevoulaisdire...—Oui?Sansseretourner,ilarticulad’unevoixneutre:—Net’approchepasdemessœurs,d’accord?Stupéfaite,ellefutincapablederépliquerquoiquecesoit.Puiselleseditque,peut-être,

ilsavaitquec’étaientdestueusesetqu’ilcherchaitàlaprotéger.CommeJeremy.Malgrésagorgeserréeàmort,elleparvintàdemander:—Pourquoi?— Je ne pense pas que tu aurais une bonne influence sur elles. Elles sont du genre

impressionnables;tupourraisleurdonnerdesidées.J’auraisdûm’endouter,sedit-elleavantdelâcher:—Ash,vatefairevoir.

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8

Elleattenditencoreuneheureaprèssondépart,sanscesserdesedemanderpourquoiilétaitpartiversl’est.Iln’yavaitrienlà-bas,àpartdeuxpetitscoursd’eau,beaucoupd’arbres...etsamaisonàelle,aussi.S’ilespéraitregagnerlavilleàpied,ilneréalisaitcertainementpasàquelpointilenétaitloin.

Bon,ilestparti,detoutefaçon... je laissetomber.J’aiunemissionàeffectuer –plutôtdangereuse–etçaneleregardepas.Amonavis,ilignoretoutdecequiestarrivéàMmeBurdock.

Elleattrapalapelleets’engageasurlaroute,endirectiondel’ouest.Toutenmarchant,elle se rendit compte qu’elle était capable d’oublier complètementAsh. Car seule comptaitmaintenantlatâchequil’attendait.

Je n’ai pas peur, je n’ai pas peur, je n’ai pas peur... Si,bien sûr que je suis morte detrouille!

Mais c’était excellent d’avoir peur. Cela ne la rendrait que plus prudente. Elle allaitaccomplircetravailviteetbien.Ilsuffisaitdetraverserleronciergrâceautroudanslahaie,dedonnerquelquescoupsdepelle,puisdesedépêcherderessortiravantqu’onnelavoie.

Elle s’efforça de ne pas penser à ce qu’elle allait trouver en creusant, si elle ne setrompaitpas.

ElleapprochaprudemmentdelafermeBurdock,lacontournantdefaçonàl’atteindreparl’arrière.Nonentretenu,leterrainétaitenvahidevégétationsauvage,desumacvénéneux,deyuccas,d’ajoncsetdesinévitablesmûriershérissésderonces.

Bientôt,cesprairiesseraientdevenuesdevéritablesforêts.Je n’arrive pas à croire à ce que je suis en train défaire, se dit Mary-Lynnette en

atteignant lahaiequientourait le jardin.Si,elle lecroyait.Elles’apprêtaitàvandaliserunepropriété et à peut-être se retrouver à contempler un cadavre. Et cette idée la laissaitétonnamment calme. Elle avait peur mais se sentait loin de la panique. Y avait-il en elledavantagedeforcequ’ellenelesoupçonnaitiJenesuispeut-êtrepascequej’aitoujourscruêtre.

Le jardin était sombre et odorant. Ce n’étaient pas les iris et les jonquilles queMmeBurdock avait plantés. Ce n’étaient pas les lauriers-roses ou les cœurs-de-Marie quipoussaiententouteliberté.C’étaientleschèvres.

Une fois la haie traversée, la jeune fille s’immobilisa, les yeux braqués sur la massesombredelamaison.

Seulesdeuxfenêtresétaientéclairées.Surtout,nepasmelaisservoir;surtout,nepasfairedebruit...Sansquitterlafermedesyeux,elles’avançalentement,àpetitspas,versl’endroitoùla

terreavaitétéremuée.Lespremierscoupsdepellequ’elleydonnaremuèrentàpeinelesol.D’accord, j’ymetsunpeuplusdeconviction.Et, inutiledesurveiller lamaison;çane

sertàrien.Siellesregardentdehors,ellesvontmevoir,etlà,jeseraifichue.Commeelleposaitlepiedsurlapelle,unbruissementsefitentendrederrièreelle,dans

lesrhododendrons.—Shhhh...Penchéeenavant,Mary-Lynnettesefigea.

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Pasdepanique,sedit-elle.Cenesontpaslessœurs.Cen’estpasnonplusAshquirevient.C’estjusteunanimal.Elletenditl’oreille.Unlugubregémissementluiparvintdel’abrideschèvres.Cen’étaitrien.Justeunlapin.Allez,creuse!Elledégageaunepelletéedeterre…justeavantquelebruitnerésonneencore,—Shhhh…Unesortedesouffle.Suivid’unfroissement.Certainementunanimal.Mais,sic’étaitunlapin,ilétaiténorme.Aprèstour,quelleimportance?Iln’yavaitpasdebêtedangereuse,danslecoin.Et Mary-Lynnette n’avait pas peur du noir. C’était son habitat naturel, là où elle se

sentaitbien.Elleaimaitlanuit.Cesoir,cependant,elleéprouvaitunsentimentdifférent.Peut-êtreétait-celascèneavec

Ash qui l’avait un peu secouée... déroutée, contrariée. Mais, à cet instant, elle avaitl’impression que quelque chose cherchait à lui dire que l’obscurité n’était pas l’habitatnaturel d’un humain. Qu’elle n’était pas faite pour cela, avec sa faible vision, ses oreillesinsensiblesetsonpauvreflair.Quecemondedelanuitn’étaitpaslesien.

—Shhhh...J’aipeut-êtreuneoreillepourrie,mais j’entendsquandmêmetrèsbiencebruitEtc’est

énorme.Ilyaquelquechosedegrosquisoufflederrièrecesbuissons.Quelgenredegrosanimalpourraitsetrouverlà?Cen’étaitpasundaim ; lesdaimsn’émettaientpas cegenrede sifflement ronflé.Cela

avaitl’aird’êtreplusgrandqu’uncoyote.Unours?C’estalorsqu’elleperçutunbruitdifférent.Celuidesépaissesetcartonneusesfeuillesde

rhododendronque l’onsecouait.À la faible lueur luiparvenantde lamaison,ellevoyait lesbranchesremuertandisquequelquechosetentaitd’enémerger.

Mary-Lynnettesaisitsapelleetcourut.Nonpasverslepassageautraversdelahaie,etpasnonplusverslamaison–c’étaitbientropdangereux.Elleseruaversl’abrideschèvres.

Jepourraimedéfendre,ici;tenirlachoseenrespect;lafrapperavecmapelle...L’ennuiétaitqu’ellenedistinguait riende làoùellevenaitde trouverrefuge. Ilyavait

deuxfenêtres,danslacabane,maisentrelapoussièresurlesvitresetl’obscuritéquirégnaitdehors,ellenevoyaitstrictementrien.Mêmepasleschèvres,alorsqu’ellelesentendaittoutprèsd’elle.

Nepasallumersamini-lampedepoche,quitrahiraitsaprésence.Totalementimmobile,elletenditl’oreillepourécoutercequisepassaitàl’extérieur.Rien.L’odeurdeschèvresétaitpresqueinsoutenable.Lalitièredepaillemêléeauxcrottesen

décompositionempestaitetmaintenaitl’abridansunechaleurétouffante.Crispées sur le manche de la pelle, les mains de Mary-Lynnette étaient moites de

transpiration.Jamais je n’ai frappé personne... sauf lorsque jemebattais avecMark quand on était

enfants.Etàpartcematin,évidemment,oùj’aiflanquéuncoupdepiedàuninconnu.Elleespéraitquetoute laviolencequ’elleavaitenelles’exprimeraitmaintenant,quand

elleenavaitbesoin.Unechèvreluidonnaunlégercoupdetêteàl’épaule.Mary-Lynnettelarepoussa.L’autre

semitalorsàbêler,etlajeunefillesemorditlalèvre.

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Cettefois,elleavaitentenduquelquechosedehors.Labiquetteaussi.Elleléchasalèvrequisaignaitunpeu.C’étaitcommeaspirerlapointed’unstylo.Lesang

avaitlegoûtducuivre.Ungoûtquiressemblaitàlapeur,réalisa-t-elleenfrissonnant.C’estalorsquelaportedel’abris’ouvritd’uncoup.Et,cettefois,Mary-Lynnettepaniqua.Une créature inquiétante en avait après elle. Qui reniflait comme un animalmais qui

savait ouvrir les portes comme un humain. Elle ne voyait pas ce que c’était – juste uneombrecontrel’obscurité.Sanssongerunesecondeàallumersalampedepoche,ellen’avaitqu’uneidéeentête:frapperviolemmentlachoseavecsapelle; l’anéantiravantdesefaireanéantirparelle.L’instinctquil’animaitencemomentn’étaitquepureviolence.

Cependant,elleparvintàsouffler:—Qui...quiestlà?—Jesavaisquetuallaisfaireça,luiréponditunevoixfamilière.Jetecherchaispartout.—BonDieu,Mark!fit-elleens’écroulantcontrelemurderrièreelle.Les deux chèvres bêlaient tout ce qu’elles savaient, à présent, vrillant les oreilles de

Mary-Lynnette.Marks’avançaplusàl’intérieur.—Bonsang,çapue,iciîQu’est-cequetufaislà,exactement?—Espèced’idiot,j’aifaillit’exploserlecrâne!—Tudisaisquetuallaislaissertombertoutça.C’étaitdubaratin,hein?—Mark,tunecomprendspas...Oh,onparleradeçaplustard...Tuasentenduquelque

chose,dehors?—Qu’est-cequej’auraispuentendre?Ilparaissaitsicalmequ’ellesesentitgourde,toutàcoup.PuislavoixdeMarksefitplustenduequandilajouta:—Unmiaulement?—Non,unesortederonflement,plutôt.Sarespirations’apaisaitpeuàpeu,—Jen’airienentendu.Onferaitmieuxdesortird’ici.Qu’est-cequ’onvaluidire,siJade

vientparci?Mary-Lynnettenesutpasquoi luirépondre.Sonfrèrevivaitdansunautremonde;un

mondeheureux,brillant,oùlepirequipuisseluiarriverétaitdesefairesurprendrelàoùiln’étaitpascenséêtre.

—Mark,écoute-moi,dit-elleenfin.Jesuistasœur.Jen’aiaucuneraisonde tementir,de te jouerdes toursoudebriserquelqu’unque tu

aimes.Etjenetirepasnonplusdesconclusionshâtives;jenemetapepasundélire,commetupeuxlecroire.Maisjetedis–etjesuisultrasérieuse–qu’ilsepassequelquechosedebizarreaveccesfilles.

Markouvritlabouchepourprotestermaisellepoursuivitsansluienlaisserletemps:— Alors, maintenant, tu as le choix de croire une chose ou l’autre : soit je suis

complètementgivrée,soitcequejetedisestvrai.Est-cequetupensesquejesuisfolle?Elle songeait au passé, en disant cela. A toutes les nuits qu’ils avaient passées à se

soutenirmutuellement,quandleurmèreétaitmalade.Auxlivresqu’elle luiavait lusàvoixhaute.Àtouteslesfoisoùelleavaitposédusparadrapsursesgenouxécorchés,oùelleavaitajoutédesbiscuitsdans son sacde cours.Et,même si tout était sombreautourd’eux, elledevinaitquesonfrèreserappelaittoutcelaluiaussi.Ilsavaientpartagétantdechoses.

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Ilsresteraienttoujoursunispardesliensindéfectibles.—Non,tun’espasfolle,concéda-t-ilenfin.—Merci.—Maisjenesaispasquoipenser.Jadeneferaitdemalàpersonne.Jelesais,c’esttout.

Et,depuisquejel’airencontrée...Ils’interrompit.—Mary,c’estunpeucommesijesavaismaintenantpourquoijesuissurcetteterre.Elle

est différente de toutes les filles que je connais. Elle... elle est courageuse, drôle, ettellement...elle-même.

Etmoiqui croyaisque c’étaient ses cheveuxblondsqui l’attiraient... Çamontre à quelpointjesuissuperficielle.

Mary-LynnetteétaitémueetsurprisedeconstateruntelchangementchezMark.Mais,surtout,ellecrevaitdepeur.

Son frère, d’ordinaire si renfrogné et cynique, s’était laissé apprivoiser par quelqu’un...unefilledontl’aïeuleétaitsansdouteLucrèceBorgia.

Elle n’avait pas besoin de le voir pour deviner de l’anxiété dans sa voix quand ildemanda:

—Mary,onpeutrentreràlamaison?Aussitôt,sapeurredoubla.—Mark...Elles’arrêtasoudain,et tousdeux levèrentvivement la têtevers les fenêtresauxvitres

ternies.Dehors,unelumièrevenaitd’apparaître.—Fermelaporte,luisouffla-t-elle.Cequ’ils’empressadefaire.—Etsurtout,pasdebruit,ajouta-t-elleenluiprenantlebraspourl’attirercontrelemur.Serapprochantprudemmentdelafenêtre,elleregarda.Rowanfutlapremièreàsortir,suiviedeJadeetdeKestrel.Celle-citenaitunepelleàlamain.Non,pasça...—Qu’est-cequ’ilya?demandaMarkens’avançantpourvoir,luiaussi.Mary-Lynnetteluiplaquaunemainsurlabouche.Lesfillesrepartaientdonccreuserdanslejardin.Cettefois,ellenevitriend’emballédansunsac-poubelle.Alors,qu’allaient-ellesfaire?

Détruirelapreuve?L’emmenerdanslamaisonetlabrûler,lacouperenmorceaux?Soncœurbattaitàluienfaireexploserlapoitrine.Mark avait lui aussi les yeux rivés dehors. Sa sœur l’entendit prendre sa respiration...

puis s’étrangler de stupeur. Peut-être s’efforçait-il de chercher une explication à tout cela.Elleluiagrippal’épaule.

Tousdeuxvirentlesfillesprendrechacuneleurtouraveclapelle.Mary-Lynnettefutdenouveauimpressionnéeparlaforcequ’ellesmontraient.

Jadeparaissaitsifragile.Chaquefoisqu’unedessœursjetaituncoupd’œildanslejardinderrièreelles,lecœurde

Mary-Lynnettebondissait.Pitié,nenousvoyezpas,nenousentendezpas,nenoussurprenezpas...

Quandletasdeterrecreuséeleurparutrespectable,RowanetKestreldescendirentdansle trou puis, avec précaution, soulevèrent le long paquet emballé de plastique. Il semblaitraide,etétonnammentléger.

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Troplégerpourêtreuncorps?sedemandaMary-Lynnettepourlapremièrefois.OutropraideCombiendetempsduraitlarigiditécadavérique?

Acôtéd’elle,larespirationdeMarkétaitirrégulière,presquehaletante.Lesfillestransportaientmaintenantleurfardeauverslepassageàtraverslahaie.—Meeerde,soufflaMark.— Reste là, murmura sa sœur dont le cerveau bouillonnait littéralement. Je vais les

suivre...—Non,jevaisavectoi!—Ilvaudraitmieuxquetuaillesprévenirpapa,s’ilm’arrivequelquechose...—Jevaisavectoi,insista-t-ilavecfermeté.Pas le temps de discuter. Et puis, tout au fondd’elle-même, elle était contente d’avoir

uneépaulesolidesurlaquelles’appuyer.—Bon,alorsviens.Maissurtout,pasdebruit.Elle craignait d’avoir déjà perdu les trois filles de vue ; la nuit était si sombre. Mais,

lorsqu’ils émergèrent des rhododendrons, elle distingua une lueur devant eux. Une toutepetitelueurblanchequioscillait.Sansdouteunelampedepoche.

Doucement,pasdebruit...Mary-Lynnette n’osait pas l’exprimer tout haut, mais elle ne cessait de se le répéter

mentalement,commeunmantra.Toutesaconscienceseconcentraitsurleminusculepointdelumièrequilesguidait,telleunequeuedecomètedansl’obscurité.

Celle-cilesemmenaverslesud,devantunbosquetdesapins.L’instantd’après,lesdeuxgroupespénétrèrentl’unaprèsl’autredanslebois.

Où allaient-ils ? La jeune fille sentait la peur s’infiltrer dans chacun de ses musclestandis qu’elle essayait de suivre les filles aussi furtivement que possible. Ils avaient de lachance,lesolétaittapisséd’aiguillesdepin,humidesetodoriférantes,quiétouffaientleurspas.Mary-LynnetteentendaitàpeineMarkmarcherderrièreelle,saufquandilbutaitsurunebrancheouunepierre.

Ilscontinuèrentainsipendantuneéternité.Ilfaisaittellementsombreque,trèsvite,elleseretrouvadésorientée.

Oùétaient-ils?Commentallaient-ilsrentrer?Bon sang, je suis complètement dingue demètre lancée là-dedans et d’avoir entraîné

Markavecmoi.Voilàqu’onsetrouveperdusaumilieudesbois,àlapoursuitedeces troisjolies...

Lalumièrevenaitdes’immobiliser.Mary-Lynnettes’arrêtaentendantunbrasderrièreelle,danslequelMarknemanquapas

debuter.Elleobservaitlapetitelueurblanche,s’assurantqu’ellenebougeaitplus.Non,ellerestaitbienenplace.Etelleétaitmaintenantdirigéeverslesol.—Ons’approche!soufflaMarkàl’oreilledesasœur.Ellehocha la tête et, courbée aumaximum, s’avança avec le plus grand silence vers le

pointdelumière.Achaquepas,elles’arrêtait,sefigeait,attendantdevoirsilalueurallaitsedirigerverselle.

Mais, non.Quasi accroupie, elle poursuivit son chemin et franchit les derniersmètresverslaclairièreoùlesfillesvenaientd’émerger.Delàoùellesetrouvaitàprésent,ellevoyaitpresqueparfaitementcequ’ellesétaiententraindefaire.

Ellescreusaient.Dequelquescoupsdepelle,Kestrelavaitrepoussélesaiguillesdecôtéets’échinaitmaintenantsurunnouveautrou.

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Mary-LynnettesentitMarkseglisserauprèsd’elle,nonsansécraseraupassagequelquesfeuilles de fougère. Elle devinait sa respiration saccadée ; elle savait qu’il voyait ce qu’ellevoyait.

Oh,Mark,dansquellegalèrejet’aifourré?Plusquestiondelenier,maintenant.Ellelesavait.Ellen’avaitmêmepasbesoinderegarderdanslesac.Commentvais-jeretrouvercetendroit ?sedemanda-t-elle.Quand j’amènerai leshérif,

commentvais-jem’ensouvenir?C’estcommeunlabyrinthedansunjeuvidéo–delaforêtpartout,etrienpourdistinguerunlieud’unautre.

Ellesemâchonnalalèvreinférieure.Lelithumidequeformaientsousellelesaiguillesde pin lui semblait presque confortable. Ils pouvaient attendre ici un assez long momentavantquelessœursnes’enaillent,puismarquerlesarbresd’unefaçonouduneautreafindeseretrouver.

Prendredesphotos.Attacherleurschaussettesàdeshanches...Danslaclairière,lefaisceaudelalampedepochelaissaentrevoirunemainquireposait

la pelle. Puis, sans doute éclairées par Jade, Rowan et Kestrel soulevèrent le paquetenveloppédeplastiqueetledéposèrentdansletrou.

Bien.Maintenant,recouvrez-leetpartez.LefaisceaumontraRowanpenchéeenavantpoursaisirlapelle.Avecdesgestesrapides,

elle entreprit ensuite de reboucher le trou, au grand soulagement de Mary-Lynnette, quipensaitquetoutseraitbientôtterminé.

C’estalorsquelalampesemitàbougerentoussens,forçantlajeunefilleàs’écrasersurle sol, les yeux écarquillés de surprise. Elle avaitmaintenant devant elle une silhouette sedessinant contre la lumière, et dont le visage sombre était entouré d’un halo de cheveuxblonds.Kestrel...quisetenait,raideetimmobile,àquelquesmètresdevantelleetMark.Ellesemblaitécouter.Intensément.

Paralyséeparlapeur,Mary-Lynnettedemeurainerte,laboucheouverte,s’efforçantderespirersanslemoindre

bruit,devinantqu’autourd’elledeschosesrampaientsurlesoltapisséd’aiguillesdepin.Desmille-pattes...Cependant,ellenebronchapas,mêmesiellesentaitquelquechoses’immiscersoussontee-shirtetluiglisserlentementsurlapeau.

Elle écouta, elle aussi. Rien. La forêt était plongée dans un silence lugubre. Ellen’entendaitquelebruitdesoncœur,dontlesbattementsfousserépercutaientjusquedanssagorgeetfaisaient,malgréelle,oscillersatête.

Ellemouraitdeterreur.Maispasseulement.Ilyavaitautrechose;unepeurqu’ellen’avaitressentiequejusqu’à

l’âgedeneufoudixans.Lapeurdesfantômes.Lapeurd’uneentitéqui,peut-être,n’existaitquedansl’imaginationdeshumains.

Et, en regardant la silhouette de Kestrel se détacher devant la lueur glauque de laclairière,Mary-Lynnettepensaitauxmonstres.

Unépouvantablesentimentl’étreignit.Jamaisjen’auraisdûentraînerMarkjusqu’ici...Alorsseulementelleréalisaquelarespirationdesonfrèrefaisaitdubruit.Unbruitténu,

pasunsifflement,non,maisplutôtleronronnementd’unchat.Lebruitqu’ilfaisait,enfant,quandsespoumonsétaientmalades.

Kestrelseraidit,tournalatêtecommepourentendred’oùvenaitcesonétrange.

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Mark,non...nerespirepas...retienstonsouffle...Toutsepassatrèsvite.Kestrel plongea enavant.Mary-Lynnette vit sa silhouette fondre sur eux àune vitesse

incroyable.Tropvite–personnenebougeaitavecautantderapidité...personned’humain...Qu’est-cequec’est,cesfillesSa vision se mit à palpiter, comme si elle se retrouvait soudain sous une lumière

stroboscopique.Kestrel bondissant au ralenti dans un long mouvement saccadé. Les arbres noirs en

arrière-plan.Unpapillondenuitsaisiparlefaisceaudelalampe.Kestrelleurfondantdessus.ProtégerMark...Undaim.Kestrelbondissaitsurundaim.Desimagessansaucunsenssebrouillèrentdans l’espritdeMary-Lynnette.Elleeutun

instantl’impressionquecen’étaitpasKestrelmaisundecesvélociraptorsquisévissaientaucinémaquandelleétaitjeune.CarKestrelnesemouvaitpasainsi.

Ou peut-être que ce n’était pas un daim. Pourtant, Mary-Lynnette voyait sa gorgeblanche,aussipurequelejabotdedentellequiornait lecoudesjeunesfilles,dansl’ancientemps.Ellevoyaitsesprunellesnoiresluisantdansl’obscurité.

Ledaimhurla.Incrédulitétotale.Cen’estpaspossible;jenesuispasentraindevoirça?L’animalgisaitàprésentsurlesol,sesjambesdélicatesbattantdésespérémentl’air.Et Kestrel était sur lui, le visage enfoui dans le blanc immaculé de sa gorge, les bras

autourdesonencolure.Illâchaunnouveaucri.Sedébattitviolemment.Puissemblaêtresaisideconvulsions.Lefaisceaudelalampedepochebalayaitsauvagementl’obscurité.Auboutd’uninstant,

la lampetomba,etMary-Lynnettevitsedessinerdevant laclairièredeuxautressilhouettesquisejoignirentàKestrel.

Toutes trois, maintenant, enserraient le daim. Qui eut un dernier spasme avantd’abandonnerlalutte.

Et tout redevint calme.Dans l’obscurité, les cheveuxde Jade, éclairés par la lampe, sedessinaientdevantl’espacesombredelaclairière,sifinsquechaquemèchecaptaitlalumièredufaisceau.

Danslesilencedelaforêt,lestroisfillesrestèrentblottiescontrel’animal,leursépaulessesoulevantàunrythmerégulier.

Mary-Lynnette ne voyait pas ce qu’elles faisaient, mais cette scène lui était pourtantfamilière.Ellel’avaitvuetantdefoisdansdesdocumentaires.Jouéepardeschienssauvages,deslionnesoudesloups,

Lachasseétaitterminée,lesfauvessenourrissaient.Moiquiaitoujoursessayé...d’observerlanatureetlaviesauvage,jesuisbienobligéede

croirecequememontrentmesyeux...Prèsd’elle,Marksanglotaitdoucement.Filerd’iciauplusvite,àprésent.

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C’étaitcommesisaparalysiel’avaitbrusquementquittée.Salèvresaignaitencore;elleavait dû lamordre unenouvelle fois en regardant le daim.Unepeur au goût de cuivre luiemplissaitlabouche,

—Viens,murmura-t-elleenrampantversl’arrière.Des brindilles et des aiguilles lui raclèrent le ventre tandis que son tee-shirt qui

remontaitluimettaitlapeauànu.—Viens,répéta-t-elleensaisissantlebrasdeMark.Allez!Mais,contretouteattente,sonfrèrebonditsursespieds.—Mark!...,articula-t-elledansunsouffle.Semettantàgenoux,elletentadeleforceràsebaisser.Ils’écartapuisfitunpasverslaclairière.Non...—Jade?Non... se répétaMary-Lynnette avantde se jeter à sa suite.C’étaitmort, pour eux ; ils

étaientcuits.Maisellevoulaitêtreaveclui.—Jade!s’écriaMarkavantdes’emparerdelalamperestéeàterre.Illabraquasurlepetitgroupe,auxabordsdelaclairière.Troisvisagessetournèrentvers

lui.Mary-Lynnettecrutdéfaillir.C’étaitunechosededevinercequefaisaientcesfilles;c’en

étaituneautredelevoir.Dedécouvrircestroisjoliesfiguresmaculéesdesang.Unsangaurougeéclatant,agressif,quisouillaitaussilagorgeblanchedel’animal.Jenerêvepas...Ellessontentraindemangercedaim.Deledévorercarrément!Unepartdesonesprit–cellequiavaitabsorbétantdefilmsd’horreur–s’attendaitàce

quelestroisfillessemettentàfeuleravantdes’écarterdelalumière,delabloquerdeleursmainsensanglantéestoutenfaisantdesrictussauvages.

Mais iln’y eut aucungémissementanimal, aucun sondémoniaque, aucune contorsionhystérique.

D’ungeste tranquille,devantuneMary-Lynnettepétrifiéed’horreuretunMarkencorehaletant,Jadeseredressa.Etdemanda:

—Qu’est-cequevousfaitesici?D’une voix confuse, vaguement agacée... Comme si elle s’adressait à un garçon qui la

harcelait.Mary-Lynnettesesentitprisedevertige.Il y eut un long silence. Puis Rowan et Kestrel se levèrent à leur tour.Mark respirait

lourdement, sans cesser de promener sa lampe d’une fille à l’autre, mais pour revenir enpermanencesurJade.

—C’estàvousqu’ondoitdemanderça!s’exclama-t-ilavecrage.Lalampesebraquasurletroupuisrevintsurlesfilles.—Qu’est-cequevousfaites?—C’estmoiquivousledemande,insistaJade.Si cela n’avait tenu qu’à elle, Mary-Lynnette se serait dit que les choses, après tout,

n’étaientpassiterribles.S’ilsn’avaientpasétéensigranddanger...MaisRowanetKestreléchangèrentunregard,puissetournèrentversMarketsasœur.

Etleurexpressionluinoualagorge.

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—Vousn’auriezpasdûnoussuivre,déclaraRowand’unevoixtristeetgrave.—Ilsn’auraientpasdûpouvoirlefaire,précisaKestrelsuruntonsinistre.—C’estparcequ’ilssententlachèvre,répliquaJade.—Qu’est-cequevousfaites?!s’écriadenouveauMarkdansunsanglot.Mary-Lynnettevoulutlerejoindremaiselleétaitincapabledebouger.Jades’essuyalabouchedudosdesamain,souritpuisdemanda:—Alors,vousnevoyezpascequ’onestentraindefaire?Setournantverssessœurs,elleajouta:—Maintenant,qu’est-cequ’onfait?Ilyeutunlongsilence.PuisKestrellaissatomber:—Onn’apaslechoix.Onvadevoirlestuer.

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9

LesoreillesdeMary-Lynnetteluijouaient-ellesdestours?LesparolesdeKestrelrésonnaientdanssatêtecommedansunmauvaisfilm.Lestuer...

lestuer...lestuer...Mark,desoncôté,émitunrireétrange.C’estmort,pourlui,songea-t-elleavecunefroideurétonnante.Sions’ensort –cequi

meparaîtpeuprobable–c’estdetoutefaçonmortpourlui.Ilavaitdéjàpeurdesfilles,etilestsipessimistequantàlavieengénéral...

— Si on s’asseyait d’abord, pour discuter de ça au calme, proposa Rowan d’une voixtendue.

Markrejetalatêteenarrièreetpartitd’unnouveaurirenerveux.—Oui,sions’asseyait,répéta-t-il.Pourquoipas?Elles sont aussi rapides que des lévriers, se dit Mary-Lynnette.Si on se met à courir

maintenant,ellesnousrattraperontdanslasecondequisuit.Maissions’assied,qu’ellessedétendent et me laissent le temps de les distraire un peu... ou de les frapper avecquelquechose...

—Assieds-toi!ordonna-t-ellesèchementàsonfrère.RowanetKestrels’écartèrentdudaimets’assirentsurlesol.Lesmains sur leshanches,Jade restaun instantdeboutpuispritplacepar terreà son

tour.Toutenfaisantdemême,Markcontinuaitd’agircommes’ilétaitgroggy.—Vousn’êtespascommenous,lesfilles,leurlança-t-ilenagitantsalampedanstousles

sens.Vousêtesvraiment...—Onestdesvampires,coupaJaded’unevoixdure.—Ouais,c’estça,articula-t-ilavecunpetitriresec.C’estça...Mary-Lynnetteluiôtalalampedesmains.Autantlatenirelle-même.C’étaitduplastique

épaisetdumétal.Unearmeéventuelle,donc.Et,tandisqu’unepartiedesonespritpensaitéblouis-lesaveclefaisceaudetalampe,et,

aubonmoment,précipite-toi sur l’uned’elles, l’autrepartie luidisait inutilede se voiler laface,ellessontbienréelles.

Lavisionquelajeunefilleavaitdumondevenaitunefoisencoredevolerenéclats.—EtvoussupportezçacontinuaMark,horsdelui.Vousrencontrezunefille,ellevousparaîtsympa,vousenparlezàtousvoscopains,et,

patatras,voilàqu’enfaitc’estunvampire.Vousappréciez,quandçavousarrive?Là,ildevientcarrémenthystérique,s’inquiétaMary-Lynnette.Ellelesaisitparl’épauleetluisoufflaàl’oreille:—Hé,attends...arrêtedepaniquer.—Jenevoispaspourquoiondevraitdiscuteraveceux,Rowan,luiditalorsKestrel.Tu

saistrèsbiencequ’ilnousresteàfaire.— Je pensais qu’on pourrait les influencer, répliqua-t-elle en se frottant le front d’une

main.—Çanemarcherapas,ettusaispourquoi.

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—Pourquoi?demandaJade.—S’ilsnousontsuivies,c’estpourunieraisonbienprécise,réponditRowand’unevoix

lasse:enindiquantletrouqu’ellesvenaientdecreuser.Çaveutdirequ’ilsnoussoupçonnentdepuisunmoment...combiendetemps?

ElleinterrogeaMary-Lynnetteduregard.— Je vous ai vues creuser ce trou mardi soir, lâcha celle-ci. C’est votre tante qui est

dedans?Ilyeutunbrefsilence,etRowanparutembarrassée.Puiselleinclinalevisage,avecunegrâceinfinie.—Non, cen’est pas vrai ! s’exclamaMark en roulantde la tête commeunmalade.Ce

n’estpasvrai...ellesontmisMmeBurdockdansunsac!—Deuxjours...déclaraRowanàJade.Çafaitdeuxjoursentiersqu’ellenoussoupçonne.

Etonnepeutpasôterdessouvenirsquisontmêlésàautrechosedepuissi longtemps;onn’estjamaiscertaindelesavoirtoussupprimés.

—Etsionenlevaittoutdeleurmémoiredepuiscesdeuxderniersjours,hasardaJade.—Pourseretrouveravecencoredeuxautrespersonneserrantes,perduesdansletemps?

marmonnaKestrel.—CommeToddAkersetVicKimble?ditMary-Lynnette,quisautasurl’occasion.C’est

vousquilesavezrendusamnésiques.Jesavaisbienqu’ilyavaitunlien.—Onn’apasd’autrechoix,reprittranquillementKestrelàl’adressedeRowan.Tulesais

aussibienquemoi.Ellen’estpasméchante,seditMary-Lynnette.Seulementpratique.Siunelionne,unloup

ouunfauconpouvaientparler,ilsdiraientlamêmechose.—Ouonlestue,ouonmeurtnous-mêmes;c’estclair.Malgréelle,lajeunefilleéprouvaitunesortedefascination–durespect,même.Marksemblaits’êtrecalmé,àprésent.EtRowanparaissait triste, tellement triste.Sans

douteétait-elleanéantieàl’idéequequelqu’unicidoivesouffriràcausedetoutcela.Ellebaissalesyeuxpuislesrelevaaveclenteurpourrencontrerleregarddelajeunefille.

Auboutd’uninstant,sonexpressionchangeademanièreimperceptible,etellehochalatête.Aussitôt,Mary-Lynnettedevinaqu’ellespouvaient toutes lesdeuxcommuniquer sans le recours

de la parole, chacune reconnaissant l’autre comme une femelle alpha qui était prête à sebattreetàmourirpourl’undessiens.

Chacunesereconnaissantcommelagrandesœurprotectrice.Oui,sedit-elle,ilvayavoirdelabagarre.Tumenacesmafamille,jeriposte.EllesavaitqueRowancomprenait.Etquecelle-ciallaitvraimentdétesterlefaitdedevoir

latuer...Non ! résonna soudain avec passion une petite voix, derrière laquelle Mary-Lynnette

reconnut Jade. L’instant d’après, celle-ci se retrouva debout, les poings serrés, les motssortantdesabouchecommelalaved’unvolcan:

—Non,tunepeuxpastuerMark!Jenetelaisseraipasfaire.—Jade,luiditRowan,jesaisquec’estdur...—Jade,enchaînaKestrel,nefaispaslamauviette.Jadetremblaitdetoutsoncorps,vibrantecommeunchatprêtàbondir.—Onnepeutpasfaireça!s’écria-t-elle.Jepense...jepenseque...—Jade!...Jepensequec’estluimonâmesœur!

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Silencedemort.PuisRowansouffla:—Onnepeutpas...—Ohsi,fitKestrel.Alorsquetouteleurattentionn’étaitconcentréequesurelle,Mary-Lynnettesongea:C’estlemoment.Elle balança avec violence la lampe sur Kestrel, sachant que, si elle l’atteignait en

premier,Rowannetenteraitrienenvoyantsasœurblessée.Maisellelamanqua...carMarks’étaitruésurellepourluisaisirlebras.

—NefaispasdemalàJade!L’instantd’après,unefurieusebatailles’engageaet,entrelescris,lescoupsdegriffes,les

ruades,etMarketJadequileurhurlaientd’arrêter,laconfusionfuttotale.Mary-Lynnette, à qui la lampevenait d’échapper, trouva sous sesdoigtsunemèchede

longs cheveux, tira dessus avec force... jusqu’à ce qu’un puissant coup dans les côtes laprécipiteàterreenluiarrachantunhurlementdedouleur.

C’estalorsqu’ellesesentitbrusquementtiréeenarrière...parsonfrèrequicherchaitàl’entraîner à l’écart. Jade, quant à elle, se retrouva couchée sur Kestrel et sauvagementagrippéeàRowan.

Toutlemondehaletait,etMarkétaitauborddeslarmes.—Onnepeutpasfaireça,articula-t-ilauboutd’unmoment.C’estcomplètementdingue.

Ce...cen’estpaspossible.Pendantcetemps,Jadecontinuaitdevociférer:—C’estmonâmesœur,d’accord!D’accord?!S’ilestmort,qu’est-cequejeferai?!—Cen’estpastonâmesœur,idiote!rétorquaKestreld’unevoixétouffée.Elleétaittoujoursàplatventreparterre,levisageécrasécontreletapisd’aiguillesdepin.—Quandontrouvesonâmesœur,çavousfrappecommeuncoupdefoudre,etonsait

sans lemoindre doute que c’est la seule et unique personne qui vous est destinée. On nepensepasqu’onatrouvésonâmesœur;onsaitquec’estsondestin,qu’onleveuilleounon.

Quelquepart,toutaufondd’elle-même,celarésonnacommeunealarmedansl’espritdeMary-Lynnette.

Mais,pourl’instant,elleavaitbienautrechoseàpenser.—Mark,fichelecampd’ici!luilança-t-elle.Va-t’en,vite!Sansrelâchersonétreinted’unmillimètre,ildemanda:—Pourquoidevrait-onêtredesennemis?—Mark,cesfillessontdestueuses!Onnepeutpasjustifierça.Ellesonttuéleurpropre

tante.Trois visages se tournèrentd’unbloc vers elle.Unedemi-lune s’était levéederrière les

arbres,etMary-Lynnettelesvoyaitmaintenantpresqueclairement.—Cen’estpasvrai!s’exclamauneJadeindignée.—Qu’est-cequitefaitcroireça?interrogeaRowan.—Jevousaivuesl’enterrer!fît-elle,interloquée.—Oui...parcequ’onl’atrouvéemorte.— Elle a été poignardée au cœur, déclara Kestrel en se débarrassant des aiguilles

accrochéesàsescheveux.Sansdouteparunchasseurdevampires.J’imaginequetoutçanevousditrien,—Poignardée...aucœur!balbutiaMark.Avecunpieu?

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—Oui,enfin...avecunpiquetdelaclôture,expliquaKestrel.—Elleétaitdéjàmorte?s’étonnaMary-Lynnette,Maisalors,pourquoil’avoirenterréedanslejardin?—Lalaisserdanslacave,ç’auraitétéluimanquerderespect.—Maispourquoinepasl’avoiremmenéedansuncimetière?Rowanpritunairconsterné.—C’estque…tun’aspasvutanteOpale,repritJade.—Oui,enchaînaKestrel,ellen’estpasvraimentbelleàvoir.Plutôtraide,ettoutesèche.

Momifiée,jedirais.—C’estcequinousarrive,ànous,précisaRowanpresquesuruntond’excuse.Mary-Lynnette se tassa contre les jambes de Mark, debout derrière elle, essayant

d’ajustersanouvellevisiondumonde.Toutsemblaittournoyerautourd’elle.—Alors...alorsvouscherchiezseulementàlacacher.Mais...vousavezbienfaitquelque

choseàToddAkersetàVieKim...— Ilsnousontattaquées, coupaJade. Ilspensaientàdes choses très laideset ilsnous

pinçaientlesbras.—Ils...Mary-Lynnetteseredressasoudainetcomprit.—Pauvresnuls!Pourquoin’avait-ellepassongéàcelaplustôt?ToddetVie...l’annéedernière,déjà,lebruitavaitcouruqu’ilss’enétaientprisàunefille

deWestgrove.Alors,ilsavaienttentélamêmechosesurlestroissœurs,et...Lesmainsplaquéessurlabouche,Mary-Lynnetteeutunpetitrireétranglé.—Oh,non...Là,vouslesavezbieneus...—Onlesajustemordusunpeu,répliquaRowan.—J’auraisbienaimévoirça.Elle riait. Rowan souriait. Kestrel affichait un sourire barbare. Et, subitement, Mary-

Lynnette eut la certitude que la bataille qui les avait opposés n’était plus que de l’histoireancienne.

Touspoussèrentunsoupirdesoulagement,serassirentetseregardèrent.Ellessontdifférentesdeshumains,songeaMary-Lynnetteenlescontemplantàlalueur

delalune.Çaparaîttellementévidentquandonsait...Ellesavaientunebeautéinhumaine,biensûr.Rowan,avecsescheveuxauburnetsonvisagesidoux;Kestrel,avecsafinessesauvage

et son regard doré ; Jade, avec ses traits délicats et sa chevelure quasi argentée. Les TroisGrâces...enplusfarouches.

Bon,ditdoucementRowan,nousvoilàmaintenantdevantungrosproblèmeàrésoudre.Onnedirariensurvous,promitMarkdontleregardnecessaitdecroiserceluideJade.OnnageenpleinRoméoetJuliette,voilàleproblème,déclaraMary-LynnetteàRowan.Mais,prenantcelle-ciàpart,Kestrelluisouffla:—C’estbienjoli,toutesleurspromesses,maisest-cequeçasuffitpourlescroire?Rowanlaissasonregarderrersurlaclairière.Puisellepoussaunlourdsoupiretlâcha:—Iln’yaqu’unmoyendenousenassurer.Lesliensdusang.—Tupensesvraimentàça?—Qu’est-cequec’est?s’inquiétaMary-Lynnette.—Lesliensdusang?fitRowan.Disonsquec’estunecérémoniedestinéeà...scellerles

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affinités.Commelajeunefillelaregardaitsansvraimentcomprendre,ellecontinua:—Çavafairequenosdeuxfamillesserontapparentées.C’estunpeucommecequ’avait

faitl’unedenosancêtresavecunefamilledesorcières.Des sorcières... Alors, les sorcières existent, aussi. Jeme demande combien d’autres

chosesdontjen’aipasidéesonttoutaussiréelles?Les vampires ne s’entendent pas avec les sorcières, en général, poursuivit Rowan. Au

XVIIesiècle,HunterRedfern,notreancêtre,aeudegrossesquerellesavecellesàcausedeça.Mais comme ilnepouvaitpasavoird’enfants, intervintJade, tout sourire, il lui abien

fallul’aided’unesorcière,sinonlalignéeRedfernseseraitéteinteaveclui.Iladoncétéforcédes’excuseretdeprocéderàunecérémoniedesliensdusang.Etlà,il

n’aeuquedesfilles.Ha,ha!Ha,ha!Pourquoi?—Cequifaitqu’onesttouteslestroisunpeusorcières,expliquaRowandesavoixposée.Notrepèredisaittoujoursquec’estàcausedeçaqu’onestaussidésobéissantes,déclara

Jade. Parce que c’est dans nos gènes. Parce que, dans les familles de sorcières, ce sont lesfemmesquigèrent.

—Ha,ha,fitMary-Lynnettequicommençaitnettementàaimerlessorcières.CequiluiattirauneréactionnerveusedeMark.— Et si on faisait la cérémonie tout de suite, proposa Rowan. Ça ferait de nous une

famillepourtoujours.Onnepourraitjamaissetrahir.—Pasdeproblème,réponditMarkavantd’interrogerJadeduregard.—Pasdeproblèmepourmoinonplus,enchaîna-t-elle.Cependant,Mary-Lynnetteréfléchissait.Lachoseavaitdel’importance.Onnes’engageaitpascommecela,surunsimplecoupde

tête.C’étaitpirequed’adopterunchiot;c’étaitunpeucommeunmariage.Laresponsabilitéd’unevie.Et,mêmesicesfillesnetuaientpasd’humains,ellestuaient

desanimaux.Avecleursdents.Maisaufond,lesgensaussituaientlesanimaux.Etpasforcémentpoursenourrir.Boire

leursangoutransformerdesveauxenbottes,quelétaitlepire?D’autrepart,aussiétrangequecelapuisseparaître,ellesesentaitdéjàprochedecestrois

sœurs. Ces dernières minutes, elle avait tissé avec Rowan un lien plus solide qu’avecn’importe quelle fille du lycée. La fascination et le respect qu’elle éprouvait à son égards’étaientmuésenunesortedeconfianceinstinctive.

Etpuis,avait-ellelechoix,detoutefaçon?Mary-LynnetteobservauninstantMark,puisRowan,et,enfin,laissatomber:—D’accord.RowanposaunregardinterrogateursurKestrel,quidemanda:—Alors,çadépenddemaréponse,c’estça?—Onnepeutrienfairesanstoi,tulesais.Kestrelsedétourna.Sesyeuxd’ambresemblaientsoucieux.Sous le clair de lune, son profil qui se découpait devant les arbres sombres était

absolumentparfait.—Çavoudradirequ’onnepourraplus jamaisrentrercheznous,articula-t-elle.Çafera

denousdespestiférées,àleursyeux.

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—Despestiférées?lâchaMarkd’unevoixnouée.Pourquoi?Personneneluirépondit,maisJadedéclarad’unairdigne:—Moi,detoutefaçon,jenepeuxpasrentrer.Jesuisamoureused’unétranger.Etjevais

toutluiracontersurleNightWorld.Alors,quoiqu’ilarrive,poureux,jesuismorte.Markvoulutprotester,direàJadequ’ellenedevaitpasprendreun tel risquepour lui,

maiscelle-ciajoutadanslafoulée:—Etluiaussi,dureste.Cetteréflexionlelaissasansvoix.—Kestrel,ditalorsRowan,onestalléestroploin,maintenant,pourreculer.Songeuse,sasœurcontinuadecontemplerlaforêtpuis,subitement,seretournaversles

autresenriant.Unelueursauvagescintillaitdanssesyeux.—D’accord,onvafaireça.Onvatoutleurraconter.Onvaviolertouteslesrègles.Mary-Lynnette fut alors saisie d’un désagréable frisson. Pourvu que je n’aie pas à le

regretter...Cependant,ellesecontentadedemander:—Alors,commentprocède-t-onpour...lacérémonie?—Onéchangenotresang.Jenel’aijamaisfait,maisc’estassezsimple.—Çavousferaquandmêmeundrôled’effet,observaJade.Parcequevousserezunpetit

peuvampires,aprèsça.—Unpetitpeuquoi?s’étranglaMary-Lynnette.—Justeuntoutpetitpeu,fitJadeenrapprochantsonindexetsonpouce.Unegoutte...—Maisenquelquesjoursçaauradisparu,promitKestreld’unevoixpesantequiintrigua

Mary-Lynnette.—Dumoment que tune te fais pasmordre enmême tempspar un vampire... précisa

Rowan.Sinon,tuestranquille.Franchement.Lajeunefilleéchangeaunregardavecsonfrère.Nonpaspourdiscuterde tout cela – ilsavaientdépasséce stade,maintenant –mais

pourseblinder,sedonnerducourage.Alors,ellepoussaunlourdsoupiretôtadesongenouunbrindefougère.—D’accord,fit-elle,légèrementétourdie.Onestprêts.

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10

Cefutcommeunepiqûredeméduse.Mary-Lynnettegarda lesyeux ferméset la tête tournéedecôtépendantqueRowan lui

mordaitlecou.Ellepensaitàlafaçondontledaimavaitcrié,unpeuplustôt,maisladouleurn’étaitpas

siterrible,enfait.Etdisparutpresqueimmédiatement.Ellesentitdelachaleursoussapeautandisquelesangs’écoulaitdelamorsure,puis,au

boutd’uninstant,unlégervertige.Uneimpressiondefaiblesse,plusexactement.Maisleplusintéressantétaitque,toutde

suite,elleéprouvalesentimentd’avoiracquisunnouveausens.Ellesentaitl’espritdeRowan.Unpeucommesiellevoyaitsansyeux,etenutilisantdeslongueursd’ondedifférentes

delalumièrevisuelle.L’espritdeRowan–saprésence–luisemblaitêtred’unrougeaussiardentqueceluide

labraise.Ilétaitaussiflouetrondqu’unballondegazbrûlantflottantdansl’espace.Était-ce ce que voulaient décrire les psys quand ils parlaient de gens qui avaient une

auraîPuisRowanseretira,etcefutterminé.Cellesensationd’avoiracquisunnouveausensdisparut.

LesdoigtsdeMary-Lynnetteseportèrentautomatiquementàsoncou.C’étaithumide,àcetendroit.Ettendre.— Ne touche pas, la prévint Rowan en se passant un pouce sur les lèvres. Dans une

minuteiln’yauraplusrien.Saisied’unelangueursoudaine, la jeunefilleclignadesyeux.EllesetournaversMark,

queKestrelvenaitjustederelâcher.Ilavaitl’airbien,quoiqu’unpeuétourdiluiaussi.Elleluisourit,ilhaussadessourcilsétonnésetsecoualégèrementlatête.

J’aimeraisbiensavoiràquoiressemblesonesprit,songeaMary-Lynnette.Puis,surprise,elledemandaàRowan:

—Qu’est-cequetufais?Celle-ciavaitramasséunebrindilleetentestaitlapointepours’assurerqu’elleétaitbien

acérée.—Chaqueespèceaunesubstancedanslanaturequiluiestdangereuse,luirépondit-elle.

L’argentpourlesloups-garous,leferpourlessorcières...etleboispourlesvampires.C’estlaseulechosequisoitcapabledenousentailler.

—Etpourquoifais-tuça?Mais,déjà, elle avait compris.Elle voyaitdu rougeperlerdans le sillagede labrindille

tandisqueRowanlafaisaitglisserlelongdesonpoignet.—Onvaéchangernotresang,expliqua-t-elle.Mary-Lynnette manqua de s’étrangler... et se garda bien de se tourner vers Mark et

Kestrel.Je vais le faire en premier, et il verra que ce n’est pas si terrible. J’y arriverai, j’y

arriverai...C’estpourqu’onresteenvie.

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Rowanlaregardait,maintenant,luioffrantlecreuxdesonavant-bras.Sang...cuivre...peur...songeaMary-Lynnette,auborddelanausée.Fermantlesyeux,elleapprochaleslèvresdupoignetdeRowan.Delachaleur.Unesensationdebien-être.Etungoûtquin’étaitpasceluiducuivremais

quiavaitquelquechosederiche,d’étrange.Plus tard,quandellechercheraitàdécrirecetteimpression, elle ne trouverait que ce genre de comparaison : un peu comme l’odeur d’unbâtondevanille,unpeucommedelasoie,unpeucommeunechuted’eau.Celaavaitaussiunetrèslégèresaveursucrée.

Aprèscetéchange,ellesecrutcapabled’escaladerunemontagnesanseffort.—Oh,bonsang...soufflaMark,vaguementétourdi.Sivouspouviezmettrecetrucenbouteille,vousseriezmilliardaires.—Net’en faispas, ilsyontpensé,avouaKestrel.Leshumainsquinouschassentpour

notresang.—Onparleradetoutçaplustard,lessecouaRowan.Lesliensdusang,àprésent.L’espritdeKestrelétaitdoré.Avecdesbordsscintillantseteffiléscommedeslames,qui

envoyaientdesétincellesdanstouteslesdirections.—D’accord, Jade etMark,dit alorsRowan.Ça suffit commeça.On s’écartede l’autre,

maintenant.Mary-Lynnettelavitséparerphysiquementlesdeuxamoureux.Markaffichaitunsourire

béat,etelleéprouvacommeunepointed’envieàsonégard.Queleffetcelaferait-ildelirelespenséesdeceluidontonétaitamoureux?

L’espritdeJadeétaitcommede ladentelled’argent,unesphèredefiligrane,qui faisaitpenser aux boules de Noël. Lorsqu’elle eut terminé de boire son sang, Mary-Lynnette sesentitàlafoisévaporéeetétincelante.

Commesiuntorrentluicoulaitdanslesveines.—Voilà,ditRowanauboutd’uninstant.Maintenant,onpartagetouslemêmesang.Elle tendit unemain, aussitôt imitée par Jade etKestrel, Après un coup d’œil àMark,

Mary-Lynnettes’approchaàsontour,etsonfrèrefîtdemême,leursmainsvenantsejoindrecommelesrayonsaucentred’uneroue.

— Nous promettons de rester toujours soudés, de toujours vous protéger et vousdéfendre,déclaraRowanavantdefaireunsignedetêteàMary-Lynnette.

— Nous promettons de rester toujours soudés, de toujours vous protéger et vousdéfendre,répéta-t-ellelentement.

—Nousvoilàmaintenantunefamilleàpartentière,affirmal’aînéedestroissœurs.—Allez,onrentreàlamaison,ditJade.Lepetitgroupedutd’abordacheverd’enterrertanteOpale,Rowanterminantl’opération

endispersantdesaiguillesdepinsurletrouqu’ilsvenaientdecombler.—Voushéritezaussidenosquerellesdefamille,plaisantaalorsKestrel.Cequiveutdire

quevousdeveztouslesdeuxnousaideràdécouvrirquil’atuée.—C’estbiencequej’essaiedefairedepuisunboutdetemps,répliquaMary-Lynnette.Ilslaissèrentledaimlàoùilétait,etRowanfitcecommentaire:—Ilyaassezdecharognardsautourdelui.Sachairneseraperduepourpersonne.Oui,c’estlavie,songeaMary-Lynnettetandisqu’ilsquittaientlaclairière.Commeellese

retournait,ellecrut,l’espaced’uninstant,distingueruneombrepuisl’éclairorangeetluisantdedeux yeux auniveaudes siens.Une silhouette bien trop grande et trophautepour êtrecelled’uncoyote...

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Elleouvritlabouchepourledireauxautres...maisl’ombreavaitdéjàdisparu.Est-ceque j’ai imaginéça?Jecroisquemesyeuxme jouentdes tours, en cemoment.

Toutal’airbientropbrillant.Tous ses sens paraissaient avoir changé, être plus aiguisés. Il lui sembla, par exemple,

nettementplusfaciledesortirdesboisqued’ypénétrer.MarketJadenemarchaientpasmaindans lamain,car le terrainne lepermettaitpas,

maislajeunefillenecessaitdeseretournerverslui.Etquandilsrencontraientdespassagesdifficiles,ilss’aidaientmutuellement.

—Alors,vousêtesheureux?demandaMary-Lynnetteàsonfrèrequandelleparvintunmomentàmarcheràsescôtés.

Avecunsourireàlafoissurprisetvaguementhonteux,ilrépondit:—Oui...oui.Puis,auboutd’uninstant,ilajouta:—C’estcommesi...jenesaispastropcommentledécrire,mais...c’estcommesiJadeet

moions’appartenait.Ellevoitenmoi,carrément;etellem’apprécie.Jamaispersonnenem’avaitfaitça...àparttoi.—Jesuisraviepourtoi,tusais.—Ecoute,Mary,jecroisqu’ondevraitcommenceràtechercherquelqu’un.Ilyapleinde

garçonsici...—Mark,sijeveuxmetrouverungarçon,jeletrouverai.Jen’aibesoindepersonnepour

ça.—D’accord,désolé...Cequin’empêchaitpasMary-Lynnettedegambergerensecret.Bien sûr, elle aimerait trouver quelqu’un qui l’accepterait totalement, qui serait prêt à

toutpartageravecelle.N’était-cepaslerêvedetoutlemonde?Maispourcombiendegenscerêvedevenait-ilréalité?Etpuisiln’yavaitpastantdegarçonsquecela,danslevoisinage.Elle se surprit à penser à Jeremy Lovett. À ses yeux brun doré... Mais, impossible de

garderàl’espritl’imagedesonvisage.Poursaplusgrandefrayeur,ellenecessaitdeprendrelaformed’yeuxauxéclairsbleus,oretgris,suivantlafaçondontilsattrapaientlalumière.

Quant à Ash... Mon Dieu, non l II serait bien la dernière personne capable de lacomprendre.

Ellequinaccepteraitpasdepartageravecluiunebanquettedanslebus,elleaccepteraitencoremoinsdepartagersonexistence.

—Cequejevoudraissavoir,c’estquiafaitdevousdesvampires,demandaMark.Votretante,non?

IlsétaientinstallésdansleconfortablesalondelafermeBurdock,etRowanavaitpréparéunfeuquironronnait.

—Non,personneenparticulier,réponditJade,l’airchoqué.Onn’apasfaitdenousdesvampires.Onestdeslamies.

—Euh...oui...Et,deslamies,qu’est-cequec’est?—C’estnous.Desvampiresquipeuventavoirdesbébés,quipeuventmanger etboire,

quipeuventvieillirs’ilsleveulent,etvivreenfamille.Lameilleureespèce...—C’estuneracedevampires,enfait,précisaKestrel,Jevousexplique;ilyadeuxsortes

devampires.Ceuxquicommencentsous la formed’humainsetquisontchangésquandunvampirelesmord;etceuxquisontnésvampires.C’estcequenoussommes,Rowan,Jadeetmoi.Notrelignéeremonteà...disonsàtrèslongtemps.

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— C’est une des plus anciennes, reprit Jade. On est des Redfern, et ça remonte à lapréhistoire.

—Mais,voustrois...articulaMary-Lynnetted’unevoixnerveuse,vousneremontezpasaussiloin,quandmême?

—Non,souritRowan, j’aidix-neufans.Kestrelenadix-sept,etJade,seize.Onn’apasencorecessédevieillir.

—TanteOpaleavaitquelâge,d’aprèstoi?demandaKestrelàMary-Lynnette.—Jedirais...autourdesoixante-dix,soixante-quinzeans,quelquechosecommeça.—Ladernièrefoisqu’onl’avue,elleparaissaitavoirlaquarantaine.Etçadated’ilyadix

ans,quandelleaquitténotreîle.—Mais ça faisait alors soixante-quatorze ans qu’elle vivait, reprit Rowan. C’est ce qui

nousarriveaussi–maissioncessede«retenir»levieillissement,ilnoustomberadessustoutd’uncoup.

— Ce qui, si on vit depuis cinq ou six cents ans, pourrait s’avérer plutôt ennuyeux,commentaKestrel.

—Alors,interrogeaMary-Lynnette,cetteîled’oùvousvenez,c’estleNightWorld?— Oh, non, c’est seulement une ville où on vit tranquilles, un endroit sans aucun

humain.C’estHunterRedfernquil’afondéeauXVIesièclepourqu’onaitunlieusûroùhabiter,—Leseulproblème,enchaînaKestrel,c’estque lesgens, là-bas,continuentdefaire les

chosescommeonlesfaisaitauXVIesiècle.Etilsontainsidécrétéquepersonnenepouvaitpartirdecetteîle,saufcertainshommesetgarçonsenquiilsontuneparfaiteconfiance.

CommeAsh, j’imagine, se ditMary-Lynnette. Elle s’apprêtait à leur dire qu’elle l’avaitrencontréquandRowanrepritlaparole:

—C’estpourçaqu’ons’estenfuies.Onnevoulaitpasêtreobligéesdesemarierquandnotrepèrenousl’ordonnerait.Onvoulaitvoirlemondedeshumains.

Onvoulait...—...mangerdescochonneries,s’amusaJade.Etliredesmagazines,porterdespantalons

etregarderlatélé.—Quand tanteOpaleaquitté l’île, repritRowan,ellen’aditàpersonneoùelleallait...

saufàmoi.Ellem’arévéléqu’elleserendaitdansunepetitevilleappeléeBriarCreek,oùlafamilledesonmariavaitconstruitunemaison,centcinquanteansplustôt.

Passantlamainsurlepompond’uncoussindesoie,Mary-Lynnettesepermitd’insister:—D’accord,mais...oùsetrouveleNightWorld,alors?—Oh...cen’estpas...unendroit,réponditRowanenhésitant.C’est...enfait,c’estdifficile

dedirecequec’est.Vous n’êtes même pas censés savoir que ça existe. Les deux premières lois du Night

Worldstipulentqu’onnelaissejamaisunhumainsavoiroùçasetrouve...etqu’onnetombejamaisamoureuxd’unhumain.

—Et,àl’heurequ’ilest,Jadenefaitqueviolercesdeuxlois,murmuraKestrel.Cependant,laplusjeunedessœursparaissaitraviedesonforfait.—Etlapeineencouruepourcesdeuxfautes,c’estlamort,précisaRowan.Pourtoutesles

personnesimpliquées.Mais...vousfaitespartiedelafamille,maintenant.Prenantunelonguerespiration,elleajouta:—Donc,voilà.LeNightWorldestunesortedesociétésecrète,passeulementcomposée

de vampires, mais aussi de sorcières, de loups-garous et d’êtres polymorphes. Toutes les

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créaturesdelanuit,enfait.Onestpartout.Partout?L’idéeétaittroublante...maisfascinante.Ilexistaitdoncununiversentierdont

Mary-Lynnette ignorait jusque-là l’existence – un monde à explorer, aussi étranger etlointainquelagalaxied’Andromède.

Marknesemblaitpasexcessivementperturbépar l’idéequ’ilyaitdesvampiresunpeupartout.Lebrassurl’accoudoirducanapévertfoncé,ilsouriaitàJade.

—Alors,tupeuxliredansl’espritdesgens?Encemoment,tuliscequ’onadanslatête?—Lesâmessœurspeuventliredansl’espritdel’autresansavoiràessayer,luirépondit-

elleavecassurance.Les âmes sœurs...Mary-Lynnette, qui ne se sentait pas à l’aise, eut soudain envie de

changerdesujet.—Etsionarrêtaitd’employerceterme?suggéraRowanàJade.Cequ’ilyaentrevous

n’arienàvoiraveccequ’ilyaentredeuxâmessœurs.Enamour,tusaistoutdesuitequetuvast’entendreavecl’autre.

—Alorsquelefaitderencontrertonâmesœur,c’estquelquechosed’involontaire–tunel’aimespasforcémentdèslepremierabord,etellepeutmêmenepasteconvenirdutout – une espèce, un caractère, un âge trop différents. Mais tu sais aussi que, sans cettepersonne,tuneserasjamaiscomplètementheureux.

Lemalaise que ressentaitMary-Lynnette ne cessait de grandir. Elle devait leur révélerque...

—Etsiçat’arrivaitàtoi?demanda-t-elleàRowan. Si turencontraisquelqu’unetquevousdeveniezâmessœurssansvraimentledésirer.

Elleserenditcompteenparlantquesavoixdevenaitépaisse,étrange.—Iln’yauraitpasunmoyen,alors,de...det’endébarrasser?Unlongsilencesuivitsaquestion.Touslaregardaientd’unairstupéfait.—Amaconnaissance,cen’est jamaisarrivéàpersonne, réponditRowandont lesyeux

cherchaient ceux de Mary-Lynnette. Mais tu pourrais peut-être demander conseil à unesorcière...situavaisceproblème.

Ellen’ytenaitplus.Ilfallaitabsolumentqu’elleparleàquelqu’un.Quelqu’unquisachelacomprendre.

—Rowan...Ellen’allapasplusloin.Lestroisfilles,dansunmêmeensemble,venaientdetournerla

tête en direction de l’entrée – tels des chats qui auraient entendu un bruit indétectable àl’oreillehumaine.L’instantd’après, cependant,elle leperçutaussi.Unbruitdepas, secsetrapides,surleperrondedevant.Puisunbattementsourd.

—Ilyaquelqu’undehors,articulaJade.Et, sansqueMarkn’ait eu le tempsde faireungestepour l’arrêter, ellebondit vers la

porte.

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11

—Jade,attends!s’écriaMark.Biensûr,ellenel’écoutapas.Maiselleperditdutempsàdéverrouillerlaporte,etMary-

Lynnetteentenditnettementlesbruitsdepasdequelqu’unquis’enfuyait.Jadeouvritlebattant,seruasousleporcheetlaissaéchapperuncri,Mary-Lynnettequi,

commelesautres,s’étaitprécipitéeàsasuite,vitalorsqu’elleavaitmislepiedsurlamarcheoùilmanquaituneplanche.Celaarrivaitimmanquablementàtousceuxquineconnaissaientpaslamaison.Cen’étaitpourtantpascelaquil’avaitfaitcrier.

C’étaitlachèvre.—Oh,non!...fitMarkd’unevoixblanche.Quiapufaireunechosepareille?!Mary-Lynnette regarda alors dehors et fut saisie d’une brusque et terrible nausée. Ses

poumonssecontractèrentviolemmentetsonsoufflefutcommerejetéavecforceaudehors.Savisionsebrouilla.

—Retournonsàl’intérieur,déclaraRowansuruntonferme.Jade,çaira?Lesoufflerauque,lajeunefillehaletaitdeconsternation.CommeMary-Lynnette, elle respirait par saccades.Mark se pencha sur elle et l’aida à

s’extrairedutroudanslamarche.RowanetKestrelsoulevèrentlachèvreparlespattesetl’emportèrentàl’intérieur.Mary-

Lynnettelessuivit,lesdentsserréessursalèvremorduepardeuxfoisdéjà.Legoûtdecuivrefaisaitcommeuncaillotdesangdanssabouche.

Ilsdéposèrentl’animalsurunvieuxtapis,àl’entréedusalon.LarespirationsifflantedeJadesemuaviteensanglots.

—C’estEthyl,déclaraMary-Lynnette,auborddeslarmes,elleaussi.Elles’agenouillaprèsdelachèvreaupelageimmaculéetàl’airsidoux,puiselleeffleura

l’undessabotsqu’elleavaitaidéMmeBurdockàlimer,peudetempsauparavant.—Elleestmorte,ditKestrel.Tunepeuxpasluifairedemal,Mary-Lynettelevavivementlatêteverselle.L’expression dure et distante qu’elle affichait la secoua jusqu’au plus profond d’elle-

même,—Ilfautluienleverça,maintenant,déclaraRowan.—Sapeauestdéjàfichue,commentasasœur.—Kestrel,s’ilteplaît...—Oui,boucle-launpeu,Kestrel!enchaînaMary-Lynnetteenselevantbrusquement.Un lourd silence s’installa, qui, à sa grande surprise, dura plusieurs longues secondes.

Kestreln’ouvraitpluslabouche.Alors,Mary-Lynnette etRowan entreprirent d’ôter les petitsmorceaux de bois plantés

danslecorpsdelachèvre.Certains avaient la taille d’un cure-dent, d’autres étaient plus longs que les doigts de

Mary-Lynnetteetunpeuplusépaisqueleferd’unebrochette,maistousétaientsinistrementpointusàleurextrémité.

Celuiquiafaitçaesttrèsfort,seditlajeunefille.Assezfortpourpercerlapeaud’unechèvred’unfinmorceaudebois.LapauvreEthylétait transpercéedepartout.Descentainesde fois.Elleavait l’aird’un

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porc-épic.—Ellen’apasbeaucoupsaigné,remarquaRowan.Çaveutdirequ’elleétaitmortequandonluiafaitça.Montrantlecoudel’animal,elleajouta:—Etregardez,ici.Lafourrureblancheétaitrougevif,àcetendroit.Exactementcommeledaim...—Soitonluiacoupélagorge,soitonl’amordue.Çaadoncdûêtrerapidepourelle,et

elles’estvidéedesonsang.Pascomme...—Commequoi?demandaMary-Lynnette.Rowanhésita.EllelevalesyeuxversJade,quireniflaitetessuyaitseslarmessurl’épaule

deMark.SeretournantversMary-Lynnette,Rowanluidit:—Pascommel’oncleHodge.Ellereportasonattentionsurlachèvreetôtasoigneusementuneautrebrindilleavantde

l’ajouterauxautres,surlesolprèsd’elle,—C’estdecettefaçonquelesAnciensonttuéoncleHodge,expliqua-t-elle.Seulement,il

étaitenviequandilsluiontfaitça.Pendant un instant, Mary-Lynnette fut incapable de prononcer le moindre mot. Puis,

d’unevoixblanche,ellelâcha:—Pourquoi?Rowanextirpadeuxautrestigesdebois,l’airimperturbable.—Parcequ’ilavaitparléduNightWorldàunhumain.Mary-LynnetteseredressasursestalonsetregardaMark.Celui-cis’assitalorsparterre

etinstallaJadeàcôtédelui.—C’estpourçaquetanteOpaleavaitquittél’île,déclaraRowan.— Et voilà qu’elle se fait planter un pieu dans le cœur, dit Kestrel. Et qu’une de ses

chèvressefaittuerdelamêmefaçonqu’oncleHodge.—Mais,quipeutfaireça?interrogeaMary-Lynnette.—Quelqu’unquiconnaîtlesvampires.Les yeux bleus de Mark paraissaient plus sombres que d’habitude, et légèrement

brillants.—Vousparlieztoutàl’heured’unchasseurdevampires.Oui,c’estmonavis,ditKestrel.— Alors, qui pourrait l’être, dans le coin ? insista Mary-Lynnette. Et d’ailleurs, un

chasseurdevampires,qu’est-cequec’est?—C’estça,leproblème,repritRowan,Commentpeut-on savoir qui est un chasseurde vampires ? Jene saismêmepas si je

croisqueçaexiste.—ÇadoitêtredeshumainsquiontdécouvertleNightWorld,déclaraJadeenessuyant

une larme de sa joue. Ils n’arrivent pas à être crédibles aux yeux des autres – ou ils neveulentpasquelesautreslesachent.

Alorsilsnouspourchassent;ilsessaientdenouséliminerl’unaprèsl’autre.IlsdoiventensavoirautantsurleNightWorldquelescréaturesdelanuit,

—Tu veux dire, savoir comment on pouvait tuer votre oncleHodge ? demandaMary-Lynnette.

—Oui,mais ce n’est un secret pour personne, lui rappela Rowan. Tout lemonde sait

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comment tuerunvampire – c’est laméthode traditionnelled’exécutionchez les lamies.Àpartlefaitd’enfoncerunpieudanslecœuroudebrûler,iln’yapasd’autresmanièresdetuerunvampire.

Mary-Lynnette était songeuse. Cela ne les avançait guère. Qui était censé vouloir tuerunevieillefemmeetunechèvre?

—Rowan,pourquoitatanteavait-elledeschèvres?J’aitoujourscruquec’étaitpourlelait,mais...—C’étaitpourlesang,j’ensuissûre,coupa-t-elle.Sielleparaissaitaussivieillequetule

dis,ellen’avaitsansdoutepluslapossibilitéd’allers’aventurerdanslesboispourchasser.Mary-Lynnetteregardadenouveaulachèvredansl’espoirdetrouverd’autresréponses.

Elle l’observad’une façonméthodique,détachée.Et, lorsquesonœils’arrêtasur lemuseaud’Ethyl,elles’approchaencore.

—Je...ilyaquelquechosedanssabouche.—Dis-moiquec’estuneblague,lançaMark.—Pasdutout,attends...jen’arrivepasà...ilmefaudraitquelquechosepour...Attendez,

jereviens!Bondissant sur ses pieds, elle courut à la cuisine et ouvrit un tiroir où elle attrapa un

couteaud’argentrichementciselé,avantderetourneràl’entréedusalonoùgisaitl’animal.—Alors...fit-elletoutenécartantlesdentsd’Ethyl.Ilyavaitquelquechosedanssagueule,quiressemblaitàunefleur.Unefleurnoire.Elle

lesortitenlatirantduboutdesdoigts.—LeSilencedeschèvres...murmuraMark, Sa sœur l’ignora et tourna l’objet entre ses

mains,—Ondiraituniris;maiscolorédenoir.JadeetRowanéchangèrentunregardsinistre.—Çaadécidémentquelque choseàvoir avec leNightWorld,déclaraRowan.Sionen

doutaitavant,onpeutenêtresûrs,maintenant.LesfleursnoiressontlessymbolesduNightWorld.

—DessymbolesinterrogeaMary-Lynnetteenposantprèsd’ellelafleurencorehumide.—Onlesportepours’identifierlesunsparrapportauxautres;tusais,surdesbagues,

desbadgesoudeshabits,parexemple.Chaqueespècepossèdesapropre fleur,et ilyadesclubs,des familles,aussi,quiportent lenomd’unefleur.Lessorcièresutilisentdesdahliasnoirs ; les loups-garous des digitales noires ; ceux qui sont devenus vampires choisissent,eux,desrosesnoires...

— Et il existe une chaîne de clubs appelé l’Iris Noir, précisa Kestrel en s’approchantd’eux.JelesaisparcequeAshenestmembre.

—Ash...répétaJadeenécarquillantsesimmensesyeuxverts.Mary-Lynnettesefigea.Quelquechosedansaitaufonddesamémoire.Unmotifnoir...— Mon Dieu... fit-elle alors, je... je connais quelqu’un qui porte une bague…une

chevalièreornéed’unefleurnoire.Touslesvisagessetournèrentverselle.—Qui?demandaMarkàl’unissonavecRowan.Ellehésitadelonguessecondespuisfinitparlâcher:—C’estJeremyLovett.—Ah,cetordu...Ilcrècheseuldansunecaravaneaumilieudesbois.Et,l’étédernier...Ils’interrompitbrutalement,restauninstantbouchebéeet,enfin,achevasaphrase:—L’étédernier,onadécouvertuncadavretoutprèsdelàoùilvit.

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—Rowan,demandaalorsMary-Lynnette,est-cequetupeuxsavoirsiquelqu’unestunecréaturedelanuit?

— Eh bien... pas vraiment... si la personne a appris à se protéger l’esprit d’un écranmental.Onpeutessayerdelasurprendreenluirévélantquelquechosedebrutal.Maissinon,non.Sûrementpas.

—Génial,marmonnaMark.JecroisqueJeremyferaitunesupercréaturedelanuit.Et,enyréfléchissant,VieKimble

etToddAkersaussi.—Todd?s’étonnaJade.Attends.Ellesaisitl’unedestigesdeboisqu’ellesavaientôtéesducorpsdelachèvreetl’observa

avecattention.—Quoiqu’ilensoit,repritRowan,ondevraitallervoirtonamiJeremy.Siçasetrouve,il

esttotalementinnocent–ilarrivequedeshumainss’emparentd’unebagueoud’unbadgenousappartenant,etc’estlàqueleschosessecompliquent.Surtouts’ilsviennentsebaladerdansl’undenosclubs...

Mary-Lynnette ne savait plus que penser. Elle avait un épouvantable pressentiment.L’extrême réservedeJeremy, sa façonde sedémarquerdes autres, à l’écoleouailleurs, sabeauté sauvage, aussi, et l’élégance animale avec laquelle il se mouvait... Tout semblaitdécidémentmenerà lamêmeconclusion.LemystèresurJeremyLovettétaitenfin levé,etcelaseterminaitplutôtmal.

—Bon, trèsbien,déclaraKestrel.Onvaaller rendrevisite à ceJeremy.Maisqu’est-cequ’onfaitd’Ash?

—Quoi,Ash?fitRowan.Elleôtalederniermorceaudeboispuis,avecdouceur,soulevalecoinduvieuxtapisetle

roulaautourducorpsd’Ethyl,commeunlinceul.—Tunevoispas?C’estlafleurdesonclub.Alorscestpeut-êtrequelqu’undesonclub

quiafaitça.— Hum... vous allez me prendre pour un débile, intervint Mark, mais je ne capte

absolumentriendecequevousdites.Ash,quiest-ce?Les trois sœurs le regardèrent, et Mary-Lynnette se détourna. Après tant d’occasions

ratées,toutlemondetomberaitdesnueslorsqu’elleavoueraitavoirrencontréAsh.Deuxfois.Maisellen’avaitpluslechoix.Ilfallaitqu’elleenparle.—C’estnotrefrère,réponditKestrel.—Ilesttaré,renchéritJade.—C’estleseuldelafamilleàpeut-êtresavoirqu’onestici,àBriarCreek,ajoutaRowan.

Ilm’asurpriseentrainderemettreunelettreàCrâneLindenaumomentoùcelui-ciquittaitl’île.Mais jenepensepasqu’il ait pu liredessus l’adressede tanteOpale, Il n’est pas trèsdouépourremarquerleschosesquineleconcernentpas,

—Jenetelefaispasdire,déclaraJade,Ashnepensequ’àlui.Iln’yapaspluségoïste,surcetteterre.

—Toutcequ’ilsaitfaire,c’estsortir,draguer,etpuischasser,aussi,affirmaKestrelavecunsourirequipoussaMary-Lynnetteàsedemandersielleledésapprouvaitréellement.

—Iln’aimepasleshumains,repritJade.S’iln’adoraitpaspourchasserlesfillesetjoueravec elles, il serait sans doute en train de planifier d’exterminer tous les humains et des’emparerdumonde.

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— Ça m’a l’air d’être un garçon tout à fait charmant, commenta Mark sur un tondésabusé.

—Ilestdugenreconservateur,expliquaRowan.Politiquement,jeveuxdire.Personnellement,ilest...—Peustructuré,enchaînaKestrel.—Ça,c’estgentimentdit,observaJade.Iln’yaqu’unechosequ’ildésirequandilcourt

aprèsunehumaine–àpartsavoiture,biensûr...Le cœur deMary-Lynnette commençait réellement à s’affoler. Âmesure que le temps

passait, il luiétaitdeplusenplusdifficiled’enplacerune.Et,chaquefoisqu’elleouvrait labouche,quelqu’und’autreprenaitlaparoleàsaplace,

—Alors,attendez...repritMark,vouspensezquec’estluiquiafaittoutça?—Jel’encroisbiencapable,ditKestrel.EtJadedehochervigoureusementlatête.—Mais,enfin...sapropretante!s’exclamalejeunehomme.—S’ilpensaitquel’honneurdesafamilleétaitenjeu,oui.— Il y a quand même un problème, déclara alors Rowan. Ash n’est pas là. Il est en

Californie.—Faux,lançadufonddusalonlavoixtranquilledeleurfrère.

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12

Cequi arriva ensuite fascina littéralementMary-Lynnette.Elleput voir les trois sœursvampiresfairetoutcequiluiavaitéchappéunpeuplustôtdanslaclairière.Lesfeulements,lesgriffesdehors,toutyétait...commeaucinéma.

Saufque,lorsqu’unvampirefeulait,celasemblaitréel;commeunchat,pascommeunepersonneimitantunchat.

Lestroisfillesbondirent,prêtesàsebattre.Sansmontrerunvisagegrimaçant,JadeetKestreldévoilèrentdesdentslongue,félines

etdélicatementrecourbées,quiapparurentdechaquecôtédeleurlèvreinférieure.Ilyeutautrechoseaussi:leursyeuxavaientchangé.Les prunelles de Jade, d’habitude vert-de-gris, avaient pris un reflet argenté ; les yeux

d’ambre de Kestrel étaient maintenant d’une lumineuse teinte topaze ; et ceux de Rowanétaientdevenusprofondémentsombres.

—Çavaêtrechaud...murmuraMark,deboutprèsdeJade,etdont le regardnecessaitd’allerdel’unàl’autre.

—Salut,lançaAshd’unevoixtranquille.Surtout ne pas le regarder, se dit Mary-Lynnette, le cœur palpitant et les jambes

flageolantes.L’attractiondesparticulesverslesantiparticules...pensa-t-elleenserappelantsescoursdephysiquedel’annéeprécédente.

Maisilyavaitunautretermepourcela,pluscourt;et,malgréelle,illuiétaitimpossibledel’ignorer.

Lesâmessœurs.Diable,ellen’avaitvraimentpasenviedeça.Jamaisellen’avaitdemandéça!Cequ’elle

voulait, c’était localiserune supernova et étudier lesmini-quasars à l’ObservatoireGammaRay.Cequ’ellevoulait,c’étaitêtrecellequidécouvriraitlelieuoùsecachaittoutelamatièrenoiredel’Univers.

Maiscequisepasselà...non,cen’estpascool!C’était àBunnyMarten,qui se languissaitde connaîtreunehistoired’amour,que tout

cela aurait dû arriver. Mary-Lynnette, elle, ne désirait qu’une chose : que quelqu’un lacomprenne.Toi...luisoupiraitunepetitevoix.

Et,aulieudecela,ellesetrouvaitenfaced’ungarçondontlaseuleprésenceterrifiaitsespropressœurs.

Voilàpourquoicelles-cisetenaientprêtesaucombat,proférantdesbruitsmenaçants.Kestrelelle-mêmeavaitpeurdelui,c’étaitdire.Àl’instantoùMary-Lynnettecompritlachose,uneespècederages’immisçaenelle,qui

balayatoutcequ’ellepouvaitredouter.Quoiqu’ellepuissepenserd’Ash,ellenelecraignaitpas.

—Jamais tune frappes à la porte? lui demanda-t-elle en s’avançant vers lui d’un pasdécidé.

Uneassurancetouteneuve,qu’elledevaitàsanouvellefamille,ellelesavait.JadeetKestreltentèrentdelaretenir,del’empêcherdes’approcherdeleurfrère.Delaprotéger.MaisMary-Lynnettesedégagea.Ashluijetaunregardméfiantpuislâcha,sanslemoindreenthousiasme:

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—Ah,tueslà?—Qu’est-cequetufaisici?—Jesuisdanslamaisondemononcle.—Lamaisondetatante,corrigea-t-elle.Etonnet’yapasinvité.Commeilsetournaitverssessœurs,Mary-Lynnette imaginait fortbiencequi lui trottaitdans latête.Avaient-ellesparléduNight

Worldàquelqu’un?Et,mêmesiellesne l’avaientpas fait, leurcomportementactueldevait les trahir ;une

humainenefeulaitpas,enprincipe.—Bon,fit-il,l’indexlevé,écoutez...Sanslelaisserterminer,Mary-Lynnetteluiflanquaunbrusquecoupdepieddansletibia,—Mais...enfin,fit-ildansunbondenarrière,tuesfolle?!—Oui,elleestfolle,réponditMarkenabandonnantJadepourseruerverssasœuretla

prendreparlebras.Toutlemondesaitqu’elleestfolle.Ellen’ypeutrien.Ilrecula,l’entraînaavecluietlaregardacommesielleavaitôtétoussesvêtementpour

danserlemambocomplètementnue.Kestrel et Jade aussi la considéraient avec stupéfaction. Leurs yeux avaient repris leur

lueur ordinaire, leurs dents s’étaient rétractées. Jamais elle n’avaient vu quelqu’un traiterleurfrèredelasorte.Etencoremoinsunhumain...

Si les fillespossédaientune force surhumaine,Ashétait sansaucundouteencoreplusfortqu’elles.IlpouvaitsansproblèmeaplatirMary-Lynnetted’unsimplegeste.

Cependant,iln’yavaitplusrienpourarrêtercelle-ci.Ellen’avaitpaspeurdelui,seulementd’elle-mêmeetdecettestupideboulequ’elleavait

àl’estomac.Elledétestaitaussilafaçondontsesjambescherchaientàsedérobersouselle.—Quelqu’unpeutluidired’arrêter?lançaAshàsessœurs.KestreletJadejetèrentunregardconsternéàMary-Lynnette,qui, lesoufflecourt, leur

répliquaparunhaussementd’épaules.EllevitqueRowanlaregardaitaussi,maisd’unairnettementmoinsahuri.Ellesemblait

plutôtinquiète,surpriseet,surtout,désolée.—Vousvousconnaissez,dit-ellesimplement.—Oui,j’auraisdûvousledire...Ilestvenucheznous.Ildemandait àmabelle-mèredes renseignements sur vous et vos amis, enprétendant

qu’ildevaitles«approuver»carilétaitlechefdefamille.Lestroisfilleslefusillèrentduregard.—Alors,tuétaisdanslarégion,déclaraKestrel.Depuiscombiendetemps?—Oui,qu’est-cequetufaisici,exactement?enchaînaRowan,Lâchantsontibiadouloureux,Ashdemanda:—Est-cequ’onpeuts’asseoiretdiscuterdetoutçatranquillement?TouslesvisagessetournèrentversMary-Lynnette,quiinspiraprofondément.Elleavait

encorelapeauélectrisée,maissoncœurreprenaitpeuàpeuunrythmenormal.—Oui,murmura-t-elleens’efforçantdeseressaisirpourleurassurerquesonmoment

defolieétaitpassé.Commeill’invitaitàprendreplacesurlecanapé,Markluisouffla:—Jamaisjenet’aivueréagirdefaçonaussiimmature.Jesuisfierdetoi.Lesgrandessœursaussiontdroitde tempsen tempsà leurquartd’heurecolonial, se

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dit-elle,amusée.Luitapotantl’épaule,elles’assitaveclassitude.Ashs’installadansunfauteuil,RowanetKestrelrejoignirentMary-Lynnettesurledivan,

tandisqueMarketJades’asseyaientsuruneottomane.—Bon,fitalorsAsh,onpeutfairelesprésentations?J’imaginequec’esttonfrère.—Oui...c’estMark.Mark,jeteprésenteAsh.Tousdeuxsesaluèrentd’unhochementdetête,etlenouveauvenuposalesyeuxsurles

doigtsentrelacésdeMarketdeJade.Maissonexpressionnerévélarien.—Trèsbien,reprit-il.Maintenant,voilà:jesuisvenupourvousramenercheznous.Tout

lemondelà-basattendvotreretouravecimpatience.—Oh,arrête,marmonnaJade,loind’êtredupe.—Etsionneveutpasrentreravectoi?ditKestrelavecunsourirequilaissabrièvement

apparaîtresesdents.Mary-Lynnettenetrouvariend’étrangeàcela.Enrevanche,elletrouvabizarrequ’Ashne

lui retourne pas son sourire. Totalement débarrassé pour l’instant de son air paresseux,moqueuretsuffisant,ilsemblaitsimplementvouloirenfiniravecuntravailnonterminé.

— On ne peut pas rentrer, Ash, lui dit Rowan, Sa respiration paraissait légèrementsaccadée,maisellegardaitlatêtehaute,

—Vousdevezrentrer,c’esttout.Sinon,lesconséquencesrisquentd’êtretrèsgraves.—Onlesavait,quandonestparties,affirmaJadeavec,danslavoix,aussipeud’émotion

queRowan.Ellenonplusnetremblaitpas.—Ehbien,permettez-moidevousdirequevousn’avezpascomplètementréfléchiàce

quevousfaisiez,repritAshsuruntontranchant.—Onpréféreraitmourirquederentrer,articulaJade.Kestrelluijetaunbrefregarddesurprise.—Trèsbien,j’enprendsnote,dit-il,leslèvresserrées.Puis son visage s’assombrit, et il parut soudain plus déterminé que Mary-Lynnette

n’auraitosélecroire.Iln’avaitplusl’aird’ungrandchatblondmaisd’unéléganttigreblanc,longetmusclé.

—Bon, écoutez, reprit-il sur un ton oùperçait lamenace.Vousn’avez pas l’air d’avoirtoutcompris,et,moi,jen’aipasletempsdevousfaireundessin.Alors,sionrenvoyaitvospetitscopainschezeuxpourparlertranquillementenfamille?

LesmainsdeMary-Lynnettesecrispèrentsoudainenpoingsserrés.Mark,lui,s’accrochaàJade,quilerepoussadoucementducoudeenluidisant:

—Jecroisqueceseraitmieux,oui.—Pasquestiondetelaissercommeça.—Mark...insistaRowan.— Non, désolé. N’essayez pas de me protéger. Il n’est pas stupide ; tôt ou tard, il

découvrirabienqu’onsaittoutsurleNightWorld.Rowan étouffa un hoquet. Kestrel demeura impassible mais ses muscles se tendirent

commesielleétaitprêteàsebattre.LesyeuxdeJadevirèrentdenouveauàl’argent.QuantàMary-Lynnette,elledemeuraitparfaitementimmobile.

TousregardaientAsh,àprésent.Levantlesyeuxauciel,illaissatomber:—Jesaisque tusais tout.J’essaie simplementde te sortirde là,pauvregars,avantde

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savoirexactementcombientuensais.Mary-Lynnetteouvritlabouchepourprotester,maisMarksemontraplusrapide:—Jecroyaisquetun’aimaispasleshumains.—Jenelesaimepas;jelesdéteste.—Alors,pourquoivouloirmedonnerunechance?—Parceque,sijetetue,jedevraituertasœur,répliqua-t-ilavecunsourirecruel.—Ellet’aenvoyéuncoupdepied,c’esttout...Passantbrutalementàunautresujet,Ashrépondit:—Méfiez-vous,jepeuxchangerd’avisd’unesecondeàl’autre.—Non,attends!intervintJade,assisesurledivan,lesjambesrepliéessouselle.Dévisageantsonfrèred’unairfarouche,elleluidemanda:—Pourquoitesouciertoutàcoupdecequipeutarriveràunhumain?Jetrouveçatrop

bizarre.Sansrépondre,Ashsecontentadefixerlefeuavecamertume.CefutRowanquipritlaparolepourrépliquer:—Parcequ’ilssonttouslesdeuxdesâmessœurs.Unsilencesurpriss’ensuivit,puistoutlemondesemitàparlerenmêmetemps.—Ilssontquoi?!Tuveuxdire,commeJadeetmoi?—Franchement,Ash,c’est trop, là.J’aimeraisvraimentquenotrepèresoit làpourvoir

ça.—Cen’estpasmafaute,murmuraalorsMary-Lynnettedanssoncoin.Tous se tournèrent vers elle, pour constater qu’elle avait les yeux pleins de larmes.

Tendantlebrasau-dessusdeKestrel,Rowanluitapotagentimentl’épaule.—C’estvrai?interrogeaMark,interloqué.Vousneblaguezpas?—Non,c’estvrai,repritMary-Lynnetteens’essuyantlespaupières.Enfin,jepense...Je

nesaispasàquoic’estcenséressembler,enfait.—Oui,c’estvrai,renchéritAshavechumeur.Maisçaneveutpasdirequ’onvaenfaire

quelquechose.— Ça, tu peux en être sûr ! s’exclama la jeune fille, heureuse de laisser éclater son

déplaisir.—Trèsbien, fit-ilDanscecas,onreprendtousnos jouetsetonrentreà lamaison.On

oublietoutçaetondécidequeçan’estjamaisarrivé.Rowanleregardaitensecouantlatête.Auborddeslarmes,ellesouriaitnéanmoins.—Jamais jen’auraiscrut’entendredireunechosepareille,Ash.Tuasbienchangé ; je

n’arrivepasàycroire.—Moinonplus,jen’arrivepasàycroire,avoua-t-ilPeut-êtrequ’onnageenpleinrêve.— Mais tu es bien forcé d’admettre maintenant que les humains ne sont pas de la

vermine.Tunepourraisjamaisavoirdelaverminepourâmesœur.—Oui,d’accord, leshumainssontgéniaux.C’estunfait.Maintenant,onrentre,sivous

voulezbien.—Quandonétaitgamins,tuétaiscommeça,insistaRowan.Avantdetemettreàestimer

que tu étais mieux que les autres... Je me suis toujours dit que c’était un air que tu tedonnais ; pour cacher à quel point tu avais peur, en fait. Et je savais très bien que tu necroyais pas vraiment à toutes les horreurs que tu disais. Tout au fond de toi, tu restes ungentilpetitgarçon.

Cequiluiattirasonpremiervraisouriredelasoirée.—Necroispasça,Rowan.

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Mary-Lynnetteavaitécoutécela, lecœurdeplusenplus tremblant.Pourdissimulercemalaise,elleditàRowan:

—Jenecroispasquetatanteétaitdumêmeavis.Ashseredressasoudainetdemanda:—Hé, la vieille sorcière, où est-elle, au fait ? J’aimerais avoir une petite conversation

avecelle,avantderepartir.Silencedemort.—Ash...tunesaispas?soufflaRowan.—Biensûrqu’ilsait,lâchaKestrel.Jetepariemêmequec’estlui,leresponsable.—Qu’est-cequejesuiscensésavoir?interrogea-t-ilsuruntonimpatient.—Tatanteestmorte,luiréponditMark.—D’uncoupdepieuenpleincœur,précisaJade.Laminetotalementincrédule,Ashbalayalapièceduregard.Incroyable, seditMary-Lynnette, ila l’airsi jeune,quand il est stupéfait commeça.Si

vulnérable.Presquecommeunhumain.—Ona...onaassassiné...tanteOpale?C’estçaquevousêtesentraindemedire?—Tunevaspasnous fairecroireque tune lesavaispas?demandaKestrel.Qu’est-ce

quetuasfaitdetanuit,Ash?—Jemesuistapélatêtecontreunrocher.Etjemesuislancéàvotrerecherche.Quand

jesuisentréici,vousétiezentraindeparlerdemoi.—Ettuneseraispastombésurdesanimaux,cesoir?Surdeschèvres,parexemple?Ilcontemplalonguementsasœuravantderépondre:—Jemesuisnourri,sic’estcequetuveuxsavoir.Etpasd’unechèvre.Maisquelestle

rapportavectanteOpale?—Jecroisqu’ondevraitluimontrer,suggéraRowan.Elle se leva et alla dérouler le tapis qui enveloppait Ethyl. Ash quitta son siège et

s’approchaalors,souslesyeuxdeMary-Lynnettequinecessaitd’observersonvisage.Ilgrimaça...pouraussitôtseressaisir.—Regardecequ’onatrouvédanssagueule,dittranquillementRowan.—Uniris?fit-ilenprenantlafleurnoireentresesdoigts.Etalors?—Tuesalléàtonclub,récemment?interrogeaKestrel.Ilréponditd’untonlas:— Si c’était moi qui avais fait ça, pourquoi est-ce que je laisserais un iris comme

signature?—Pournousdirejustementquec’esttoi.—Jen’aipasbesoindetuerdeschèvrespourdireleschoses,tusais.Jesuiscapabledeparler.Cequin’impressionnapasKestrel.—Peut-êtreque,decettefaçon,tonmessagen’aqueplusd’impact.— Est-ce que j’ai une tête à perdre du temps à transformer les chèvres en pelote à

épingles?—Non,non,repritRowandesonéternellevoixdouce.Jenepensepasquecesoittoi ;

maisceluiquiafaitça,c’estsansdouteceluiquiatuétanteOpale.Onessayaitjustementdetrouverquiçapouvaitêtre.

—Etalors,quia-t-oncommesuspects?TousregardèrentMary-Lynnette...quisedétourna.—Ilyenaunquiarrivesérieusemententêtedeliste,ditMark,c’estJeremyLovett.Un

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vrai...—...garçontranquille,coupaMary-Lynnette.Siquelqu’unpouvaitdécrireJeremy,c’étaitbienelle.—Jeleconnaisdepuislapetiteécole,poursuivit-elle,etjamaisjenel’auraiscrucapable

defairedumalàquiquecesoit–surtoutàunevieillefemmeouàunanimal.—Maissononcleétaitfou,insistaMark.Etilyadesrumeurssursafamille...—Personnenesaitriensursafamille.Elleavaitl’impressiondelutterpourgarderlatêtehorsdel’eau,aveclespoignetsetles

chevilles lestés.Cen’étaitpas lessoupçonsdeMarkqui l’attiraientvers lebas,c’étaient lessienspropres–lapetitevoixquiluiassurait«ilparaîtsigentil»...etquivoulaitdire,biensûr,qu’ilnel’étaitpas,

Ashlaconsidéraitd’unairsoucieux,intense.—Aquoiressemble-t-il,ceJeremy?LafaçondontilposacettequestionirritaprofondémentMary-Lynnette,—Qu’est-cequeçapeuttefaire?—Jesuiscurieux,c’esttout,rétorqua-t-il,l’airfaussementindifférent.—Ilesttrèsbeau,répondit-ellealorsavecforce.Unefaçonàelledeselibérerunpeudesafrustrationetdesacolère.— Et il est sensible, aussi, et très intelligent – il n’a pas une beauté creuse, comme

certains. Ses cheveux ont la couleur des blés au soleil couchant, et il a de splendides yeuxbruns... Il estmince,bronzéetàpeineplusgrandquemoi,parceque jen’aipasbesoindeleverlesyeuxpourregardersabouche...

Ashn’avaitpasl’aircontent,quandilrépliqua:—J’aiaperçuquelqu’unquiressemblaitàtadescription,hier,àlastation-service.Rowan,tucroisqueceseraitunvampirehors-la-loi?—Entoutcas,pasunhumaindevenuvampire,carMary-Lynnettel’avugrandir.Non,je

penseraisplutôtàunelamierenégate.Maispourquoiessayerdelecacherd’ici?Onpeutallerlevoirdemain,etonensauraplus.D’accord?

Markhochalatête,bientôtimitéparsasœur.— D’accord, fît Ash. Je comprends pourquoi vous ne pouvez pas rentrer tant que le

problèmen’estpasrésolu.OndécouvredoncquiatuétanteOpale,onprendlesdispositionsnécessaireset,ensuite,onrentretouslesquatrecheznous.Entendu?

Lestroissœurssegardèrentbiendeluirépondre.Alorsqu’elleetMarkreprenaientlechemindelamaison,Mary-LynnettenotaqueSirius

étaitmontéàl’estau-dessusdel’horizon.Accrochécommeunjoyaudanslecielnoir,ilneluiavaitjamaisparuaussilumineux,aussibrillant.Jamais.

C’était presque un soleil miniature, qui dardait l’espace sombre de ses rayons bleus,pourpresetdorés.

Ellepensaquec’étaituneffetdesonimagination...jusqu’aumomentoùellesesouvintqu’elleavaitéchangésonsangavectroisvampires.

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13

Assisedanslabergère,Tiggycouchéàl’enverssursesgenoux,Jadeluicaressaitleventre.S’ilronronnait,ilétait

néanmoinsfurieux,etsonluisantregardmordorémontraitbiensonindignation.—L’autrechèvrevabien,annonçaKestrelduseuildelamaison.Tupeuxlaissertonchat

sortir.MaisJaden’enavaitpasenvie.IlyavaitunfouquierraitdanslesruesdeBriarCreek,et

ellepréféraitgarderTiggyensécurité,làoùellenerisquaitpasdeleperdredevue.—Onnevapasdevoirsenourrirdelachèvre,hein?demandaKestrelàRowan.—Bien sûrquenon, répondit celle-ci en cachantmal sapréoccupation.TanteOpale le

faisaitcarelleétaittropvieillepourchasser.—J’adorechasser,déclaraJade.C’estencoremieuxquejenelecroyais.MaisRowann’écoutaitpas.Ensemordant la lèvre,elle fixaitunpoint invisibledevant

elle.—Rowan?Qu’est-cequ’ilya?—C’est la situation dans laquelle on se trouve quime travaille. Toi etMark, déjà... Il

faudraitqu’onaitunepetitediscussionlà-dessus.Une alarme retentit dans l’esprit de Jade.Rowan se trouvait dans une de ses périodes

réorganisatrices, ce qui signifiait que, le temps d’un clin d’œil, elle pouvait refaire ladécorationdevotrechambreoudéciderdedéménagerpourl’Oregon.

—Unediscussionàquelpropos?—Àproposdecequevousallezfaire,touslesdeux.Est-cequ’ilvaresterhumain?—Onnepeutpaslechanger,objectaKestrel.C’estillégal.— Tout ce qu’on a fait cette semaine était illégal, je te ferais remarquer. Et, s’ils

échangent à nouveau leur sang... une ou deux fois suffiront. Jade, tu veux qu’il soit unvampire?

Elle n’y avait pas pensé, à vrai dire. Elle trouvaitMark très bien comme il était.Maispeut-êtreluivoulait-ilêtreunvampire?

— Qu’est-ce que tu vas faire avec la tienne ? demanda Jade à Ash qui descendaitlentementl’escalier,

—Avecma«quoi»?Ilavaitl’airaussiendormiqu’irritable.—Tonâmesœur.Est-cequeMary-Lynnettevaresterhumaine?—Voilàl’autrequestionquim’inquiète,ditRowan,Tuaspenséàça,Ash?—Excuse-moi,maisjesuisdansl’incapacitédepenser,lematin.Jen’aipasencoremon

cerveauàmoi.—Ilestpresquemidi,lâchaKestrelsuruntonméprisant.—Jemefïchedel’heurequ’ilest;j’aiencoresommeil,c’esttout.Sedirigeantverslacuisine,illançasansseretourner:—Etpuis,paslapeinedet’inquiéter:jenevaisrienfaireaveccettefille,etJadenefera

rienavecsonfrère.Parcequ’onrepartcheznous.

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LecœurdeJadesemitàgaloperdanssapoitrine.Ashavaitpeut-êtrel’airlégermaiselledevinaitdelabrutalitéderrièresesparoles.—Mary-Lynnetteestvraimentsonâmesœur?demanda-t-elleàRowan.Rowan se cala contre le dossier, sa flamboyante chevelure s’étalant en cascade sur le

brocartducanapé.—J’enaibienpeur.—Alors,ilnepeutpasvouloirs’enaller?—En fait... lesâmessœursn’ontpas toujoursbesoinde resterensemble.Parfois, c’est

trop–lefeu,leséclairs,toutça...Certainsnelesupportentpas.Peut-êtreMarketmoinesommes-nouspasvraimentdesâmessœurs, songeaJade.Et

c’estpeut-êtremieuxcommeça.Çaal’aird’êtredouloureux.—PauvreMary-Lynnette,murmura-t-elle.Ce qui ne l’empêcha pas de penser en même temps : pourquoi personne ne dit-il

«pauvreAsh»?—PauvreMary-Lynnette,répéta-t-elle.Ashréapparutalors.—Écoutez,dit-ilens’asseyantsurun fauteuild’acajousculpté, il fautqu’onparlesans

fairedecachotteries.Cen’estpasseulementlefaitquejevoudraisquevousrentriez;jenesuispasleseulàsavoirquevousêtesici.

Jadeseraidit.—Tuenasparléautourdetoi?demandaKestrelsuruntonquasiamusé.—J’étaisavecquelqu’unlorsquelafamilleaappelépourannoncervotredisparition.Etil

étaitlàquandj’aicomprisoùvousaviezdûvousréfugier.C’estaussiunexcellenttélépathe.Alors, estimez-vous heureuses que j’aie réussi à le convaincre deme laisser partir à votrerecherche.

Oui,Jadedevaitadmettrequ’elleavaitdelachance.Elle trouvait en même temps étrange que son frère se donne tant de mal pour elle,

Rowan et Kestrel – pour des gens qui n’étaient pas lui, en fait. Mais peut-être ne leconnaissait-ellepasaussibienqu’ellelecroyait.

—Et,ce«quelqu’un»,c’étaitqui?demandaRowan.—Oh,personne, fit-il, lesyeuxauplafond,ensecalantdans le fonddu fauteuil.Juste

Quinn.Jadefrissonna.Quinn...ceserpent.Ilavaitlecœurplusfroidquelaglace,etilhaïssaitles

humains.Ilétaitdugenreàappliquer lui-mêmeles loisduNightWorlds’il jugeaitqu’ellesn’étaientpascorrectementobservées.

—Ilreviendralundipourvoirsij’aibienlasituationenmain.Etsicen’estpaslecas,onesttousmorts–vous,moi,etvospetitsamishumains.

—Onadoncjusqu’àlundipourtrouverunesolution,ditRowan.—S’iltentequoiquecesoitcontrenous,onsaurasortirlesgriffes.Comme pour étayer ses paroles, Jade appuya sur le ventre de Twiggy pour le faire

grogner.Mary-Lynnettedormitcommeunemasse,cettenuit-là,maisd’unsommeilaccompagné

de rêves frappants. Elle rêva d’astres plus brillants que jamais et de nuages d’étoiles auxcouleursdesauroresboréales.Ellerêvaqu’elleavaitdécouvertunesupernova,qu’elleétaitlapremièreàl’avoiraperçuegrâceàsesmerveilleuxyeuxtoutneufs.Desyeux–ellelevoyaitbiendans lemiroir –dont lapupilleétaitcapabledesedilaterà l’infini,commeceuxd’unhibououd’unchat...

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Puis le rêvechangea.Elleétaitunechouette s’envolantduhautd’unpinDouglaspourfondre sur un écureuil et l’attraper dans ses serres, avant de reprendre son vol avec unimmense sentiment de bonheur. Tuer lui semblait tellement naturel ; il lui suffisaitd’attraperdelanourritureavecsespattes.

Mais, soudain, une ombre s’abattit sur elle. Et, dans son rêve, elle constata avecépouvante que même les chasseurs pouvaient être pourchassés. Et que quelque chose lasuivait...

Elleseréveillatotalementconfuse–nonpasensedemandantoùelleétait,maisquielleétait.Mary-LynnetteouunchasseurpoursuiviparuneentitéauxdentsblanchesluisantsouslalunerEt,mêmeunefoisdescendueàlacuisine,ellefutincapabledesedébarrasserdeladésagréableimpressionqueluiavaitprocuréesondernierrêve.

—Salut,luilançaMarkenlarejoignant.Tuenesaupetitdéjeunerouaudéjeuner?—Lesdeux,répondit-elledevantsonboldecéréales.—Alors,turepensesaussiàtoutça?—Àquoi?—Tusaisbien.Evidemment, elle savait. Elle jeta un coup d’oeil autour d’eux pour s’assurer que

Claudinenepouvaitpaslesentendre.—N’ypensepas,souffla-t-elle.—Etpourquoi?Commesasœurnerépondaitpas,ilenchaîna;—Nemedispasquetunet’espasdemandécommentceseraitdevoirmieux,d’entendre

mieux, d’être télépathe... et de vivre éternellement. Voir l’année 3000, tu imagines ? Laguerredesrobots, lacolonisationd’autresplanètes...Allez,Mary,nemedispasquetun’espascurieuse,queçanetetravaillepasquelquepart.

Le passage d’un poème de Robert Service sur les aurores boréales lui revint alors àl’esprit:«Etlecieldelanuitpalpitaitd’unelumièrevibrante,...»

—Oui, jesuiscurieuse,admit-elle.Maiscen’estpaslapeinedes’extasiernonplus.Ilsfontdeschosesqu’onnepeutpasfaire:ilstuent.

Ellerepoussasonbolcommesielleavaitsoudainperdul’appétit.Maiselleneressentaitaucundégoût,enfait.Etcétaitbienlàleproblème.Elleauraitdûêtremaladeàlaseuleidéedetuer,deboirelesangd’uncorpstoutchaud.

Aulieudecela,elleavaitpeur.Peurdecequisetrouvaitlà-basdanslemonde–etpeurd’elle-même.

—C’estdangereux,articula-t-elletouthaut.Tunevoispas?OnseretrouvemêlésàceNightWorld,unendroitoùilpeutsepasserdessaleschoses.Pasdessaleschosescommesefairerecaleràunexamen;maisdessaleschosescomme...

...desdentsblanchessousleclairdelune...—Commedese faire tuer,achevaMary-Lynnette.Jene rigolepas,Mark.Onn’estpas

dansunfilm,là.—Oui,mais,ça,onlesavaitdéjà.Jenevoispasoùestleproblème,semblait-ildire.—Bon,fit-elleenselevant,sionvalà-bas,onferaitmieuxdesebouger.Ilestpresque

uneheure.LessœursetAshlesattendaientàlafermeBurdock.—JadeetMark,vouspouvezvousasseoirdevantavecmoi,leurconseillaMary-Lynnette

sansregarderAsh,Maisilvaudraitmieuxnepasemmenerlechat.

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—Si,jelegardeavecmoi,répliquafermementJadeengrimpantdanslavoiture.Sinon,jenevienspas.

Commeilspénétraientenville,Markdéclara:—EtvoiciBriarCreekdanstoutesasplendeur.Unvendrediaprès-miditranquille,avec

absolumentpersonnedanslesrues.Nepercevantpasdanssavoixl’amertumedontilétaitcoutumier,Mary-Lynnettetourna

latêteverssonfrèreetvitqu’ils’adressaitàJade,enfait.Etcelle-ciregardaitautourd’elleavecunintérêtmanifeste,malgrélesgriffesduchatpenduàsoncou.

—Si, il y a quelqu’undans les rues, dit-elle surun ton enjoué. Il y aVie, et aussi soncopainTodd,Etpuisdesadultes.

Mary-Lynnetteralentittandisqu’ilspassaientdevantlebureaudushérifmaisnes’arrêtaqu’à hauteurde la station-service, à l’angle opposé. Puis elle descendit dubreak et jeta unregarddiscretdel’autrecôtédelarue.

ToddAkersétaitlàavecsonpère,leshérif.EtVicsetrouvaitlà,aussi,avecM.Kimble.Cedernierpossédaituneferme,àl’estdelaville.

L’airparticulièrementagité,touslesquatremontèrentdanslavoituredushérif.Deboutàl’entréedelaboutique,BunnyMartenlesregardas’éloigner.

Mary-Lynnettesentitlapeurl’envahir.C’estça,quandonaunterriblesecret,songea-t-elle.Ons’inquiètedetoutcequiarrive,

etonsedemandesionaquelquechoseàvoiravecça,sionvasefairepiéger.—Salut,Bunny!lança-t-elledutrottoird’enface.Qu’est-cequisepasse?—Oh...salut,Mary!Elletraversalarued’unpastranquille–Bunnynesepressaitjamais.—Tuvasbien?Ilssontpartisvoircequ’ilyavaitaveccecheval.—Quelcheval?—Oh,tun’espasaucourant?LeregarddeBunnyfutsoudainattiréparcequisepassaitderrièresonamie,àprésent:

Marketlesquatreétrangersquisortaientlentementdubreak.Sesyeuxbleuss’écarquillèrentalors,etellepassaunemainnerveusedanssescheveuxblonds.

Elledoitsedemanderquisontcespersonnes,seditMary-Lynnette,amusée.—Bonjour,lançaAshens’approchant.—Qu’est-cequisepasse,alors,aveccecheval?s’empressa-t-elled’interroger.—Oh... en fait, c’est l’un des chevaux deM.Kimble qui s’est entaillé la gorge sur des

barbelés,lanuitdernière.C’est ce que tout lemonde disait, cematin.Mais, là,M.Kimble vient de revenir, et il

prétend que ce ne sont pas des barbelés qui ont fait ça. Il pense que... c’est l’œuvre dequelqu’un.

—Qu’onaégorgélechevaletqu’onl’alaissécreversurplace.Bunnycourbalesépaulesetfrissonna.Riend’autrequeduthéâtre,pourMary-Lynnette.—Vousvoyez?fitalorsJade,C’estpourçaquejepréfèregarderunœilsurTiggy,—Merci,Bun,luiditsonamie,nonsansremarquerlafaçondontelleobservaitJade,—Bon,ilfautquejeretourneàlaboutique,soufflaBunnysansbougerd’unmillimètre.Maintenant,elleregardaitRowanetKestrel.—Jet’accompagne,proposaAshavecgalanterie.CequeMary-Lynnetteconsidéraplutôtcommeunefaçondefaireavancerleschoses.—Aprèstout,continua-t-il,onnesaitpascequipeutvoustomberdessussansprévenir.

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—Tuparles,ilfaitgrandjour,lâchaKestrel,ironique.Mais, déjà, Ash entraînait Bunny de l’autre côté de la rue. Et Mary-Lynnette décida

qu’elleétaitheureused’êtredébarrasséedelui.—Cettefille,quiest-ce?demandaRowand’unevoixméfiante.—C’estBunnyMarten,unecopined’école...Pourquoi?Qu’est-cequ’ilya?—Ellenousobservait,articula-t-elleàvoixbasse.—Elle regardaitAsh... et puis vous trois, sansdoute.Vous êtesnouvelles, ici ; et vous

êtesbelles.—Alorsellesedemandepeut-êtrequelsgarçonsvousallezbienpouvoirluipiquer.—Ah,d’accord...repritl’aînéedessœurs,sansparaîtrerassuréepourautant.—Rowan,qu’est-cequetuas?—Rien.Riendutout...C’estjustequ’elleporteunnomdelamie.—»Bunny»?—Oui,fitRowanavecunlégersourire.Leslamiesportentpartraditiondesnomsissus

delanature–degemmes,d’animaux,defleursoud’arbres.Alors,«Bunny»,lelapin,seraitunprénomdelamie;et«Marten»,cen’estpasungenrede

belette...oudefouine?Denouveau,Mary-Lynnettesentaitunsouvenirremuerdanssamémoire.Unsouvenirdelapins...de

bois...Mais,non;impossibledeserappeler.S’adressantàRowan,elleluidit:—Mais...est-cequetusensquelquechosed’inquiétantchezelle?Est-cequ’elleal’aird’être...unpeucommevousautres?Parceque,moi,jenelavoispas

vampire.Désolée,mêmeenmeforçant,jen’yarrivepas.— Non, sourit Rowan, je ne sens rien. Et, en fait, tu dois avoir raison ; les humains

peuventaussiporterdesnomscommelesnôtres.Maisparfois,çapeutêtredéroutant.Pouruneraisonétrange,l’espritdeMary-Lynnetterestaitfixésurlebois.—Jenecomprendspaspourquoivousvousdonnezdesnomsd’arbres.Jecroyaisquele

boisétaitdangereuxpourvous.—Ill’est–etc’estçaquifaitsapuissance.Troisnomssontcensésêtreparmilesnoms

lespluspuissantsquenousayons.Voyant Ash ressortir de la boutique, Mary-Lynnette se détourna aussitôt et chercha

Jeremyduregard.Ellenelevitpasdanslastationvide,maiselleperçutquelquechose.Descoupsqu’elleentendaitenfaitdepuisplusieursminutes,déjà,sansyfaireattention.Descoupsdemarteau.—Allez,onfaitletourdugarage,proposa-t-elleens’éloignantsanslaisseràAshletemps

delesrejoindre.KestreletRowanl’accompagnèrent.Jeremy se trouvait effectivement derrière, s’acharnant à fixer une planche de bois en

traversd’unefenêtrebrisée.Lesolautourdeluiétaitjonchédemorceauxdevitreteintéedevert.

Unemèchedecheveuxbrunclair luiretombaitdevant lesyeuxtandisqu’il luttaitpourplaquerlaplanchecontrelelinteau.

—Qu’est-cequis’estpassé?demandaMary-Lynnette.D’un geste automatique, elle posa une main sur la pièce de bois pour aider le jeune

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hommeàlamaintenirenplace.Illaregarda,grimaçadesoulagementets’écartadetafenêtre.—Ah,Mary-Lynnette,merci...,Tiens-launeseconde.Iltrouvadesclousdanssapocheetlesplantal’unaprèsl’autred’unemainexperte.Puis

ilexpliqua:—Jenesaispascequis’estpassé.Quelqu’uns’estintroduitici,lanuitdernière.Ilatout

fichuenl’air.—On dirait qu’ils s’est passé beaucoup de choses, la nuit dernière, commenta Kestrel

avecacidité.Jeremysetournaverselleet...sesdoigtssefigèrentsurlemarteauetlesclous.Ilregarda

Kestrel,etRowanàcôtéd’elle,longuement,intensément.Enfin,ilreportasonattentionsurMary-Lynnettepuisdemandad’unevoixpesante:—Tuasdéjàbesoind’essence?—Oh...non,non.J’auraisdûensiphonner.NancyDrewyauraitpensé,elle.—Je...çacogneunpeu...danslemoteur...etjemesuisditquetupourraisyjeterunœil.

Commetumel’avaisproposéladernièrefois...Incohérenteetpathétique,décida-t-ellependantlesilencequisuivit,tandisquelesbeaux

yeuxnoisettedeJeremycherchaientlessiens.—Pasdeproblème,Mary-Lynnette.Jetefaisçadèsquej’aiterminéici.Non, ilnepeutpas êtreunvampire...Etpuis,qu’est-ceque je fais làà luimentir,à le

soupçonneralorsqu'ils’esttoujoursmontréadorableavecmoi?Ilestdugenreaaider lesfilles,pasàlestuer.

—Ffffrrr...Leurparvenantdederrière,lefeulementsoudaintroualesilence.L’espaced’unhorrible

instant,ellecrutquec’étaitKestrel.PuisellevitJadeetMarkdéboucheràl’angledugarage,Tiggygesticulantcommeunbébéléoparddanslesbrasdelajeunefille.Lechatoncrachaitetsortaitlesgriffes,sonpelagenoirhérissédelaqueueàlatête.Sans

laisserletempsàsamaîtressedelemaîtriser,ilgrimpasursonépauleet,prenantappuisursondos,bonditàterreavantdedétaler.

—Tiggy!s’étranglaJade.Elles’élançaàsapoursuite,aussiagilequel’animal,sachevelureflottantauvent.Mark

la suivit,non sansbousculerAshqui arrivait à son touret sevit, sans comprendre,plaquécontrelemur.

—Oh,oh,amusant,commentaKestrel.MaisMary-Lynnetteavaitl’espritailleurs.Elle observait Jeremy, qui, découvrant soudain Ash, afficha une expression qui la fit

frémir.Lesyeuxdecelui-ciprirentuneteinteglaciale,et lahaineinstinctivequi lesopposafutaussipalpablequ’instantanée.

Si son amie semit aussitôt à trembler pour lui, Jeremy ne paraissait pas lemoins dumondeeffrayé.

Lesmusclestendusàl’extrême,ilsemblaitprêtàl’attaque.Puis, contre toute attente, il sedétourna, revint ajuster laplanche contre la fenêtre, et

Mary-Lynnettefitcequ’elleauraitdûfairedèsledébut;elleregardasamain.Lachevalièred’or brillait toujours à son index, et elle déchiffra sans problème le motif gravé dans lagemmenoirequil’ornait.

Unbouquetdefleursenformedeclochette.Pasuniris,niundahlia,niunerose.Non,

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Rowan n’avait mentionné qu’une fleur pouvant avoir cette forme. On la trouvait à l’étatsauvageunpeupartoutdanslarégion,etc’étaitunpoisonmortel.

Unedigitale.Maintenant,ellesavait.Ellesesentitprèsdedéfaillir.Samainsemitàtremblersurlaplanchequ’elletenait.Elle

nevoulaitpasbougermaisnepouvaitpasnonplusresterici.—Euh...désolée...jedoisallerchercherquelquechose.Cesmotssortirentdesagorgedansunsouffle.Ellesavaitquetousladévisageaientmaiss’enmoquait.Ellelâchalaplancheetpartiten

courantpresque.Ellecontinuaainsijusqu’àseretrouverderrièrelesfenêtrescondamnéesduGoldCreek

Hôtel.Alors, elle s’appuya contre le mur et posa le regard là où la ville se terminait et où

commençait la campagne. Des nuages de poussière dansaient sous le soleil, légers etlumineuxcontrelamassesombredespinsDouglas.

Quelle idiote je fais. Tous les signes étaient là, sousmon nez, et je n’ai rien vu lPourquoi?Sansdoutequejenelevoulaispas…

—Mary-Lynnette?Ellesetournad’unbondverslavoixquil’appelait.Etrésistaàl’enviefolledesejeterdanslesbrasdeRowanenhurlant.—Çaira,çaira...promit-elleauborddessanglots.Ce…c’étaitjusteunchoc.—Mary-Lynnette...—C’estque...tucomprends,jeleconnaisdepuissilongtemps.C’estdurdel’imaginer...

tuvois.Maisçamontreàquelpointlesgensnesontpascequ’ilssemblentêtre...—Mary-Lynnette,insistaRowanensecouantlatête.Dequoiparles-tu?—Delui.DeJeremy,évidemment.Ellerepritpéniblementsarespirationetajouta:—C’estluiquiafaitça.Jesuissûrequec’estlui...—Pourquoidis-tuça?—Pourquoi?—Parcequec’estunloup-garou!Silence.Mary-Lynnettesesentitsubitementgênée.Elleregardaautourd’ellepours’assurerquepersonnenel’entendaitpuismurmura:—C’enestbienun?Commentt’enes-tuaperçue?—Tuasdit toi-mêmeque ladigitalenoireétait l’emblèmedes loups-garous.Et il ena

unesursabague.Ettoi,commenttut’enesaperçue?—Jel’aisenti,réponditRowandoucement.Lespouvoirsdesvampiressontplusfaibles

augrand jour,maisJeremyn’essaiepasde cacherquoiquece soit. Il reste tranquillementdehors.

—C’estsûr...répliquaamèrementMary-Lynnette.J’aurais dû le deviner,moi aussi ; c’est le seul en ville à s’être intéressé à l’éclipsé de

lune.Etpuis,safaçondebouger,sesyeux...etilvitàMadDogCreek,enplus.Çafaitdesgénérationsqueceterrainappartientàsafamille.Enreniflantdefaçonconvulsive,elleprécisa:

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— Il y en a qui disent qu’ils ont vu le Sasquatch, ici.Un énormemonstre velu,moitiébête,moitiéhomme.

Alors,çaveutdirequoi?L’airgrave,Rowanavaitmalgré tout les lèvresqui tremblaient.Une larmecoula sur la

jouedeMary-Lynnette.—Désolée,luiditsonamieenluiposantunemainsurlebras.—Etmoiquileprenaispourungentilgarçon...fit-elleenregardantauloin.—Maisc’estungentilgarçon.Ettusaisquoi?Çaveutdirequecen’estpasluiquiafait

ça.—Quoi?Lefaitquecesoitungentilgarçon?—Non,lefaitqu’ilsoitunloup-garou.—Mais…pourquoi?demanda-t-elleenlafixantdenouveau.—En fait, réponditRowan, les loups-garous sontdifférents. Ilsne sontpascomme les

vampires.Ilsnepeuventpasboire lesangdesgenssansleurfairedemalensuite.Ilstuentchaquefoisqu’ilschassent...parcequ’ilsdoiventmanger.

Mary-Lynnettesursauta,maisRowanpoursuivit:—Parfois,ilsdévorentl’animalentier,maisilsmangenttoujourslesorganesinternes,le

cœuretlefoie.Ilssontobligésdelefaire,delamêmefaçonquelesvampiresdoiventboiredusang.

—Etçaveutdire...—...qu’iln’apastuétanteOpale.Nilachèvre.Touteslesdeuxétaientintactes.Ellesoupirapuisajouta:—Traditionnellement,lesloups-garousetlesvampiressehaïssent.Ilssontrivauxdepuistoujours,et les lamiesconsidèrent les loups-garouscomme...des

êtres inférieurs,si tuveux.Mais,en fait,beaucoupd’entreeuxsontgentils. Ilsnechassentquepoursenourrir.

—Oh...Alorscegarçonquejetrouvaissisympaestforcédemangerdufoiedetempsentemps...

—Mary-Lynnette,tunepeuxpasleluireprocher.Comment t’expliquer . ... Voilà, les loups-garous ne sont pas des êtres qui parfois se

transformentenloups.Cesontdesloupsqui,parfois,ressemblentàdeshumains.—Maisilstuentquandmême.—Oui,maisseulementdesanimaux.Laloiesttrèsstricteàcesujet.Sinon,leshumains

comprennenttoutdesuite.Aveclamorsured’unvampire,onpeutcroireàuneentailledanslecou;alorsqu’unanimaltuéparunloup-garou,çanetrompepas.

—D’accord.Génial...Mary-Lynnette sentait qu’elle devrait peut-être se montrer un peu plus enthousiaste,

mais comment faire confiance à quelqu’un qui dissimulait à tous son état de loup t Onpouvaitl’admirercommeonadmiraitunbeauprédateur,maisluifaireconfiance...non.

—Avant de retourner là-bas, repritRowan, on a unepetite chose à voir ensemble. S’ilcomprendquetuasreconnusabague,ilpeuttrèsbiensedirequ’ont’aparléde...toutça.

Ellejetaunregardméfiantautourd’ellepuissouffla:—DuNightWorld.—Oh,non...—Si,Mary-Lynnette.Ça veutdire qu’il se croira obligédenousdénoncer.Oudenous

tuer.

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—Cen’estpasvrai...—Maisjenepensepasqu’ilirajusque-là.Ilt’aimebien.Ilt’aimemêmebeaucoup.Jene

pensepasqu’ilirajusqu’àtedénoncer.Rougissantdeplaisirmalgréelle,Mary-Lynnettedemanda:—Mais,çarisquedeluicauserdesennuis,àluiaussi?—Oui,siquelqu’undécouvrelachose.Maisondevraitretournerlà-baspourvoircequisepasse.Peut-êtrequeJeremyn’apas

captéquetusavais.Peut-êtrequeKestreletAshontréussiàlebluffer.

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14

Marchantcôteàcôte,ellessehâtèrentd’allerrejoindrelesautres.Mary-Lynnette trouvait du réconfort dans le fait que Rowan lui paraisse si proche,

tellement sonégale. Jamais ellen’avait eud’amieaussi fidèle, capabledeprendre soindesautrescommeelleaimaitsansdoutequ’onprennesoind’elle.

Alorsqu’ellesatteignaientledevantdelastation,ellestrouvèrentlepetitgroupeautourdelavoituredeMary-Lynnette.Penchésouslecapot,Jeremy,commepromis,jetaituncoupd’oeilsurlemoteur.MarketJadesetenaientderrièrelui,maindanslamain.

Tiggy, lui, n’était nulle part, et, appuyée contre une pompe à essence, Kestrel écoutaitd’unairabsentl’histoirequesonfrèreétaitentrainderaconteraujeunepompiste.

—Alors,leloup-garouentredanslecabinetdumédecinetluidit:«Doc,jecroisquej’ailarage.»Etletoubibluirépond...

Ilnemanquepasdeculot,songeaMary-Lynnette,tandisqueRowanluilançait:Ash,cen’estpasdrôle.Jeremy,jesuisdésolée,ilplaisante...Non,ilneplaisantepas,maiscen’estpasgrave;j’enaivud’autres.Ilrevissasoigneusementlebouchonqu’iltenaitàlamainpuislevalesyeuxversMary-

Lynnette.Celle-cinesavaitplusquefaire.Quelleattitudeprendrequandonvientdedécouvrirque

sonamiestunloup-garou?Etqu’ilvadevoirpeut-êtreundecesjoursvousdévorer?Ses yeux se remplirent de larmes. Elle avait l’impression de perdre tous ses moyens,

aujourd’hui.Jeremysedétourna,secoualégèrementlatêtepuislaissatombersuruntonamer:— C’est ce que je pensais. Je savais bien que tu réagirais comme ça. Sinon, il y a

longtempsquejetel’auraisditmoi-même.—Tumel’auraisdit?fit-elleenravalantseslarmes.Maistuteseraisalorsmisdansunesalesituation,non?—Oh, tu sais, ici, onn’estpas spécialement fansduNightWorld, lâcha-t-il d’une voix

neutre.Instinctivement,Ashetsessœursregardèrentailleurs.—«On»?— Ma famille. S’ils se sont installés ici, c’est parce que c’était loin de tout, qu’ils

n’embêteraientpersonneetquepersonnene lesembêterait.Maismaintenant, ilssont touspartis.Ilnerestequemoi.

Il parlait sans s’apitoyer sur lui-même, mais Mary-Lynnette s’avança vers lui etmurmura:

—Jesuisdésolée...Jades’approchaàsontour,sesyeuxvirantlentementauvertargent.—C’estpourçaqu’onestvenuesici,aussi,dit-elle.Pourquepersonnenenousembête.Nousnonplus,onn’adorepasleNightWorld.Jeremyesquissaundesesfameuxsourires...oùseulssesyeuxsemblaientrire.—Jesais,dit-ilàJade.VousêtesdesparentsdeMmeBurdock,c’estça?—C’étaitnotretante,réponditKestreldontleregardd’ambrelefixaitsansciller.

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L’expression de Jeremy se modifia de façon imperceptible. Se tournant vers elle, ilrépéta:

—«C’était»?—Oui,confirmaAsh.Elleafaitunemauvaiserencontreavecunpieu.C’estdrôlecommeceschosespeuventarriver,detempsentemps...Le visage de Jeremy changea de nouveau. Il parut devoir s’appuyer sur la carrosserie

quandildemanda:—Quiafaitça?Puis son regard revint surAsh, etMary-Lynnette crut voir l’éclair d’unedent scintiller

entreseslèvres.—Attendez...vousnecroyezpasquec’estmoi,quandmême?—Çanous a traversé l’esprit, pour toutdire, avouaAsh.Et, disonsque ça continuede

nousinterpeller.Peut-êtrequ’ondevraitétudierlaquestion...—Ash,çasuffît,luilançaMary-Lynnette.—Toi,tudisquetun’asrienàvoirlà-dedans,luilançaMark.—Enfait,enchaînaRowan,Kestrelpensequeceseraitunchasseurdevampires.Elleparlaitd’unevoixdouce,maistoussetournèrentverselle.Larueétaitencoredéserte.—Iln’yapasdechasseursdevampires,ici,répliquaplatementJeremy.—Alors, il y a un vampire, rétorqua Jade avec humeur. C’est obligé, vu la façon dont

tanteOpaleaététuée.Etlachèvre,aussi.—Lachèvre?!s’exclamaJeremy.Non,nemeditespasque...Cen’estpaspossible.Claquantlecapotdubreak,ilregardaMary-Lynnetteetluiditsuruntonhâtif:—ToutestO.K.Maistuvasdevoirfaireunevidange,undecesjours.Puis,setournantversRowan,ilajouta:—Je suisdésolépour votre tante.Mais, s’il y aun vampire, ici, c’est quelqu’unqui se

cache.Ouquicachebiensonjeu.Mêmechosesic’estunchasseurdevampires.—Onyapensé,luiditKestrel.Mary-Lynnettes’attendaitàcequ’Ashintervienne,mais ilregardaitvers larued’unair

absent,lesmainsdanslespoches,apparemmentdétachédelaconversation,pourl’instant.—Tun’asrienconstatédesuspect,detoncôté?demandaMary-LynnetteàJeremy.On

vajeteruncoupd’œilenville,àtouthasard,—Sic’étaitlecas,jetel’auraisdit,bienévidemment.Sijepouvaisvousaider,jeleferaisvolontiers.—Ehbien,viensavecnous,suggéraAshenrevenantsoudainàlavie.Tupourrassortirla

têteparlafenêtreetsurveillerlesruespendantqu’onroule.Là,c’enétaittrop.Mary-Lynnettes’avançaversluid’unpasfurieux,lesaisitparlebraset

lançaauxautres:—Vousnousexcusezuneseconde...Puisellel’entraînaversl’arrièredelastationetlesecouaencriant:—Espècedecrétin!—Oh,écoute...—Laferme!éructa-t-elleenluiposantunindexsurlagorge.Aucuneimportancesicecontactprovoquaentreeuxunchocélectrique.Celanefitque

luioffrirunenouvelleraisondeletuer.Elledécouvritquelanébuleuserosequil’enveloppait

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alorsressemblaitbeaucoupàdelacolèrequandelles’évertuaitàcrierautravers.—Tutecroisvraimentobligédelaramenerenpermanence,hein?Tuteprendspourlecentredumonde,avectagrandegueule?—Ooooh...gémit-il.—Mêmesiçaveutdirefairedumalauxautres,blesserunpeuplusceluiquin’aconnu

quedesgalèresdanslavie?Ehbien,pascettefois!—Oooh...—Rowanmedit que vous considérez les loups-garous commedes êtres inférieurs-.Eh

bien,tusaiscommentonappelleça,cheznous?Onappelleçadespréjugés.Leshumainsensontaussibourrés,etcen’estpasjoliàvoir!

C’estlachoselaplushideuseaumonde.J’aihontedemetrouverdevanttoipendantquetucrachescegenred’horreurs.Elle se rendit soudain compte qu’elle pleurait. Et queMark et Jade les observaient de

l’angledelastation.Ashétait aplati contre la fenêtrebarricadée, lesbrasenavant, en signede reddition. Il

semblaitêtreenpannedemots,ethonteux.Parfait,seditMary-Lynnette.—Tuasbesoindelebousculercommeça?luilançaMarkdeloin.Derrière lui, elle apercevait maintenant Rowan et Kestrel. Tous paraissaient plutôt

inquietsdelatournurequeprenaientlesévénements.—Jenepeuxpasdeveniramieavecquelqu’underaciste,leurdit-elleàtous.Histoiredebienétayersesparoles,elleenvoyauncoupàAsh.—Onn’estpasracistes!s’écriaJade.Onnecroitpasàceschosesstupides.—Oui,c’estvrai,renchéritRowan.EtnotrepèrepassesontempsàcrieràAshd’allervoir

lesgensdel’Extérieur,ceuxquinesontpascommenous.Des’inscrireàunclubquiacceptelesloups-garous,etd’enavoirmêmecommeamis.LesAnciensdisentd’ailleursqu’ilesttroplibéralàcesujet.

— Eh bien, il a une drôle de façon de le montrer, dit Mary-Lynnette en se calmantquelquepeu.

Ilmesemblaittel’avoirdit.Maintenant,onvouslaisse.EtRowanentraînalesautresversledevantdelastation.Dèsqu’ilseurentledostourné,Ashdemanda:—Jepeuxbouger,maintenant?Ilavaitl’airdetrèsmauvaisehumeur.Mary-Lynnette le relâcha.Elle sesentait subitement fatiguée,etvidéeaffectivement. Il

s’étaitpassétropdechoses,cesderniersjours;etcelacontinuait,sanscesseruneseconde...Bref,elleenavaitassez,voilàtout.

—Siturepartaisbientôt,ceseraitplusfacile,dit-elleens’écartantdelui.Ellesentitsatêtes’affaisserlégèrement.—Mary-Lynnette...Ilyavaitquelquechosedanslavoixd’Ashqu’ellen’avaitjamaisentenduavant.—Écoute,ilnes’agitpasdemondésirdepartiroupas,dit-il.Lundi,ilyaquelqu’undu

NightWorldquiarrive.Ils’appelleQuinn.Ets’ilnerentrepasavecmoietmessœurs,ceseralapaniquedanslaville.S’ilserendcomptequ’ilsepassequelquechosed’anormalici...TunesaispasdequoisontcapableslesgensduNightWorld.

Mary-Lynnetteavaitl’impressiond’entendrelesbattementsdesoncœurtantilsétaientviolents.ElleneseretournapaspourregarderAsh.

—IlspourraientcarrémentbalayerBriarCreek.Jeneplaisantepas.Ilsontdéjàfaitdes

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chosesdumêmegenrepourpréservernotresecret.C’estlaseuleprotectionqu’ilsontcontrevotreespèce.

Tessœursneretournerontpaslà-bas,luidit-elleplatement.Alors,c’estlacatastrophepourlavilleentière.Ilyaunloup-garousolitaire,troislamies

renégatesetuntueurdevampiresquisecacheonnesaitoù–sansparlerdedeuxhumainsqui connaissent le secret du NightWorld. Ça fait de Briar Creek une région paranormalesinistrée.

Suivitunlongsilence.Mary-Lynnettefaisaittoutpournepasvoirleschosesdupointdevued’Ash.Enfin,elledemanda:—Alors,qu’est-cequetuveuxquejefasse?—Jene sais pas... Commander une pizza pour lamanger ensemble devant la télé, par

exemple?Sanssourire,ilajouta:— Franchement, je n’ai aucune idée de ce qu’on peut faire. Et ce n’est pas faute d’y

réfléchir, crois-moi. La seule chose que je croie, c’est que les filles devraient rentrer avecmoi…etqu’onvadevoirraconterunmensonged’enferàQuinn.

Elleessayaitderéfléchir,elleaussi,maissonsangbattaitsifortcontresestempesqu’elleenétaitincapable.

—Ilyauneautrepossibilité,soufflaalorsAsh.D’unevoixsibasse,quec’étaitàsedemanders’ilvoulaitqu’ellel’entende.—Quoi?fit-elle,lesyeuxclos.—Jesaisquetoiet les fillesvousavezéchangévotresang.C’était illégal,maiscen’est

pasça,l’important.Siellesneveulentpasrentrer,c’estenpartieàcausedetoi.Elleouvritlabouchepourluidireque,sisessœursnevoulaientpasrepartir,c’étaitque

leurvielà-basleurétaitdevenueinsupportable,maisAshs’empressadepoursuivre:—Mais peut-être que si tu étais... comme nous, on pourrait trouver une solution. Je

pourrais les reconduiredans l’île... en espérantpouvoir les ramener ici quelquesmoisplustard.Ons’installeraitdansunendroitoùpersonnenesauraitriendenous,oùpersonnenesoupçonneraitquetun’espastoutàfaitcommenous.Lesfillesseraientlibres,ettuseraislà-bas avec elles ; elles auraient donc toutes les raisons d’être heureuses. Ton frère pourraitveniraussi.

Mary-Lynnetteouvritlentementlesyeuxetdévisagealejeunehomme.Le soleil peignait ses cheveux de teintes chaudes. Ses yeux s’étaient assombris, et il

semblaitplusélégantquejamais,unemaindanslapocheetl’airdouloureux.—Nefaispaslagrimace,tugâchestabelleallure,luidit-elle.—Oh,arrête,tun’espasmamère!Uneréactionquilasurprit.Bon,d’accord...passonsàautrechose.—Tuneseraispasentraindesuggérerquejedevraisêtrechangéeenvampire?Elledemandacelaavecprudencemaisassezd’emphasepourluimontrerquec’étaitelle

quiétaitendroitd’êtrecontrariée.Il tiqua à cette question, glissa l’autre main dans sa poche et répondit en regardant

ailleurs:—C’estl’idée,oui.—Pourquetessœurspuissentêtreheureuses.—Pourquetunete fassespastuerparungarde-chiourmecommeQuinn,répliqua-t-il

avecrage.

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—Maislescréaturesdelanuitnerisquentpastoutautantdemetuer,situmechanges?—Seulementsiellestetrouvent.Et,sionpeuts’échapperd’ici,ellesn’enaurontpasles

moyens.Etpuis,enétantvampire,tuauraisplusdechancesdelescombattre.—Donc, je suis censée devenir vampire et laisser ici tout ce que j’aime, pour que tes

sœurspuissentêtreheureuses,c’estça?—Oh,laissetomber,lâcha-t-ilenlevantaucieldesyeuxexaspérés.—Detoutefaçon,reprit-elle,jen’enavaisabsolumentpasl’intention.—Trèsbien,fit-il,leregardtoujoursfixésurlestoits.Soudain,Mary-Lynnetteeutl’incroyableimpressionqu’ilavaitlesyeuxhumides.Moiaussi, j’aipleuré jene sais combiende fois, cesdeuxderniers jours –moiquine

pleurequelorsquelesétoilessontellementbellesqueçafaitmalQu’est-cequim’arrive?Jenesaismêmeplusquijesuis.

Ashnonplussemblaitnepasêtredanssonétatnormal.—Ash...Lamâchoireserrée,ilrefusadelaregarder.L’ennuiétaitqu’iln’existaitaucunesolutionraisonnable.— Je suis désolée, dit-elle doucement en essayant d’ignorer l’étrange sentiment qui

s’emparaitd’elle.Toutestdevenutellement...bizarre.Jen’aijamaisdemandéca.Ettoinonplus, j’imagine. D’abord tes sœurs qui s’enfuient... et moi ensuite. Dis-moi que c’est uneblague.

—Oui,c’estuneblague,souffla-t-ilenbaissantenfinlesyeuxsurelle.Écoute,ilfaudraitque je te l’avoue... moi non plus je n’ai pas demandé ça. Et, si quelqu’un m’avait dit, lasemainedernière,quejeserais...impliqué...,avecunehumaine,jeluiauraisexplosélatête.

Aprèsluiavoirriaunez,biensûr.Mais...Ils’arrêta.Ce«mais»semblaitmarquerlafindesesaveux.Bienévidemment,iln’avait

pas besoin d’en dire plus. Les bras croisés sur la poitrine, Mary-Lynnette regardaitmachinalementuntessondeverre,parterre,etrésistaàl’enviedelepousserdupied.

—J’aiunemauvaiseinfluencesurtessœurs.—J’aiditçapourteprotéger.Pouressayerdeteprotéger.—Jesuiscapabledelefairetouteseule.—J’airemarqué,fit-ilsèchement.Est-cequeçat’aide?— Que tu l’aies remarqué ? Non, parce que tu n’y crois pas vraiment. Tu penseras

toujoursquejesuisplusfaiblequetoi,plusdouce...Mêmesituneledispas,jesaisquetulepenseras.

Ashaffichatoutàcoupunairrusé,sesyeuxdevenantaussivertsquel’ellébore.—Situétaisunvampire,tuneseraispasplusfaible,luidit-il.Tusauraisaussicequeje

pensevraiment.Tendantlamain,ildemanda:—Tuveuxunexemple?—Non,ondevraitretournerlà-bas.Ilsvontfinirparcroirequ’ons’estentretués.—Laisse-lescroirecequ’ilsveulent.MaisMary-Lynnettesecoualatêteets’éloigna.Elleavaitpeur.Oùqu’elleailleavecAsh,ellerisquaitdesenoyer.Etpuis,ellesedemandaitcequelesautresavaientpuentendredeleurconversation.Lorsqu’elledébouchaàl’angledelastation,elleavisaJeremy,deboutavecKestreldevant

l’unedespompes.

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Ils se tenaient très près l’un de l’autre, et, l’espace d’un instant, elle éprouva unpincementdejalousie.

Puis elle se traita de folle.Comment puis-je être jalouse alors que je m’inquiète moi-mêmedelerendre jaloux...enmêmetempsque jem’inquiètedesavoirceque jepeux faireavecmonâmesœur?C’esttrèsbien,siluietKestrels’apprécient.

—Jem’enfiche, jenepeuxplusattendre,disaitJadeàsasœuraînée,sur letrottoir.Ilfautquejeleretrouve.

—Elle pense queTiggy est rentré à lamaison, expliquaRowan àMary-Lynnette en lavoyantarriver.

Ashs’approchaalorsdesesdeuxsœurs,etKestrellesrejoignit.L’instantd’après,Mary-LynnetteseretrouvaseulefaceàJeremy,Une fois encore, elle oublia les convenances. Elle le regarda... et cessa de se sentir

gauche.Luilacontemplaitdesonregardclairetdroit.Mais,soudain,lesyeuxtournésverslarue,illâcha:—Mary-Lynnette,faisattention.—Quoi?...—Faisattention.Ilparlaitsurlemêmetonquelorsqu’ill’avaitprévenuedeseméfierdeToddetdeVie.Ellesuivitalorssonregard...quiétaitfixésurAsh.—C’estbon,luidit-elle.Commentexpliquercela?Sessœurselles-mêmesn’avaientpascruqu’Ashneluiferaitaucunmal.L’airsombre,Jeremyluidéclara:—Je connais ce genrede type. Parfois, ils entraînent deshumainesdans leur club... il

vautmieuxnepassavoirpourquoi.Alors,faisattentionàtoi,d’accord?Mary-Lynnetteétaitsouslechoc.Rowanetlesfillesluiavaientditlamêmechose,mais,

venantdeJeremy,cela lui frappadavantage l’esprit.Ashavait indubitablement faitdanssaviedeschosesqui...qui luidonneraientenviede le tuer,siellesavait.Deschosesqu’onnepouvaitpasoublier.

—Jeseraiprudente,luipromit-elle.Lespoingsinconsciemmentserrés,elleajouta:—Jesaurailemaîtriser.MaisJeremynequittaitpassonairpréoccupé.Leregardnoir,lamâchoirecrispée,ilposa

de nouveau les yeux sur Ash. Derrière son calme apparent, Mary-Lynnette devinait uneincroyable puissance sous contrôle. Une colère froide. Le désir de la protéger, aussi. Et lahainequ’iléprouvaitpourAsh.

Déjà,lesautresrevenaientverseux.—Çaira,net’enfaispas,luisouffla-t-elleàlahâte.—Jecontinueà chercherducôtéde laville, articula-t-il àvoixhaute.Je tedirai si j’ai

quelquechose.—Merci,Jeremy.Elle s’efforça de le rassurer du regard tandis qu’elle remontait avec les autres dans la

voiture.Commeelledémarraitets’éloignaitdelastation,ilneluifitpasunseulsignedelamain,—Bon,ditalorsMark,onrentre.Etaprès,quoi?Personne ne répondit.Mary-Lynnette n’avait pas lamoindre idée de ce qu’ils devaient

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faire,maintenant.— On devrait peut-être vérifier si on a d’autres suspects, suggéra-t-elle néanmoins au

boutd’uninstant,—Onaquelquechoseàfaireavantça,réponditRowan.Nous,vampires,jeveuxdire.Mary-Lynnettecompritaussitôtdequoiils’agissait,maisMark,lui,demanda:—Quoi?—Ondoitsenourrir,lâchaKestrelavecunsourireravi.Ilsretournèrentàlaferme,pourn’ytrouveraucunetraceduchat.Lesquatrevampiresse

dirigèrentverslesbois,JadefermantlamarcheencrianttouteslescinqsecondeslenomdeTiggy.

Pendant ce temps,Mary-Lynnette, entrée dans lamaison avecMark, se dirigea vers lebureau à cylindre deMmeBurdock et en sortit du papier à lettres à en-tête gravé, un peumoisisurlesbords,ainsiqu’unstylod’argentornéd’unélégantmotifvictorien.

—Maintenant,dit-elle en s’asseyant à la tablede la cuisine, onvadresserune listedesuspects.

—Iln’yarienàmanger,danscettemaison,déclaraMarkpourtouteréponseenouvrantlesplacardslesunsaprèslesautres.Quedeschosescommeducaféinstantanéouuneespècedejusdefruitsvert.Cequepersonneneprend,engénéral...

—Qu’est-cequetuveuxquejetedise?Tapetiteamien’estpashumaine.Allez,assieds-toilàetconcentre-toi.Qu’est-cequ’ona,alors?Ilsoupira,pritplaceàcôtéd’elleetdit:—Onauraitdûallervoircequis’estpasséaveccecheval.Sonstyloàlamain,Mary-Lynnettes’arrêtad’écrire.—Tuasraison,ildoityavoirunlienavecMmeBurdocketsachèvre.Cepauvrecheval...

j’avaisoublié.Ce qui prouvait bien que les rêvasseries étaient incompatibles avec un bon travail

d’enquête.—Bon,enchaîna-t-elle,supposonsqueceluiquiatuécetanimalsoitaussiceluiquiatué

tanteOpaleet lachèvre ;etpeut-êtreaussiceluiquiabrisé la fenêtrede lastation-service.Lesdeuxsontarrivéslanuitdernière...Çanousmèneoù?

—Jepensequec’étaientToddetVic.Tunem’aidespasbeaucoup,là.—Jesuissérieux,Mary.TusaisqueToddest toujoursen traindemâchonnercecure-

dent;ilyenavaitplusieursplantésdanslecorpsdelachèvre.Des cure-dents... Cela lui rappelait quelque chose, mais impossible de savoir quoi.

Pourquoineparvenait-ellepasàsesouvenir?Mary-Lynnettesefrottalefrontpuislaissatomber.—D’accord...j’écrisToddetVic,chasseursdevampires,avecunpointd’interrogation.Àmoinsquetunepensesqu’ilssonteux-mêmesdesvampires.—Non.JecroisqueJadel’auraitremarquéquandelleabuleursang.Mais,denousdeux,

c’esttoil’intelligente.Atonavis,quiapufaireça?—Aucuneidée.Markfitunegrimacedéçue,etellegriffonnal’esquissed’unpieusurlepapieràlettres.

Undessinqui représentabientôtunpetit crayon, tenupardesdoigts féminins.Jamaisellen’avaitsudessinerdesmains...

—Oh,bonsang...Bunny!—Bunnyauraitfaitça?

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—Oui...jeveuxdire,non...enfin,jenesaispas...Maiscesboutsdebois–lespluslongs–fichésdanslecorpsdecettepauvrebiquette,je

l’aidéjàvueenutiliser.Poursesongles;cesontdesbâtonsàlunules.—Bon...fît-il,vaguementdéçu.Mais...Bunny,franchement...Elleneferaitpasdemalàunemouche.—Ecoute,Rowanprétend qu’elle porte unnomde lamie.Quant àBunny, ellem’a dit

quelquechosedebizarre,aussi,lejouroùjesuisvenueluidemanderdesnouvellesdeToddetdeVic.

Toutluirevenait,àprésent;untorrentdesouvenirsdontellenevoulaitpasforcément.—Ellem’adit«Bonnechasse».—Mary,c’estdansLeLivredelajungle.—Jesais.Maisc’étaitquandmêmebizarrededireça.Etpuis,jelatrouvetropdouceet

apeurée,tucomprends.Etsitoutça,c’étaitdelacomédie?CommeMarknerépondaitpas,elleajouta:—ÇateparaîttellementimpossiblequeVicetToddsoientdeschasseursdevampires?—Bon,alorsinscris-laaussi.CequefîtMary-Lynnette,avantdedéclarer:—Tusais,ilyavraimentquelquechosequejevoudraisdemanderàRowan:comment

ont-ellesréussiàécrireàMmeBurdock,deleurîle,là-bas?Ellesefigealorsquelaportedederrièreclaquasoudain.—Jesuislapremière?C’étaitRowanquirentrait,visagerosietcheveuxenbataille,légèrementessoufflée.—Oùsontlesautres?—Ons’estséparésassezvite.C’étaitlaseulefaçondesetrouverchacunquelquechose,à

quatredansunespacesirestreint.— Si restreint ! s’étonnaMark. Si Briar Creek peut avoir quelque chose de bien, c’est

justementl’espace.—Pourun terrainde chasse, c’estpetit, insista-t-elle en souriant.Maisne te vexepas,

c’est très bien quandmême.Dans l’île, onn’avait pas du tout l’occasionde chasser.On selaissaitapporternosrepas,tranquillisésetcomplètementpassifs.

—Bon,fitMary-Lynnette,sionrevenaitànotreliste.Tuauraisquelqu’unàproposer?Rowan s’assit sur une chaise de la cuisine, repoussa unemèche brunede son front et

répondit:—Jenesaispas.Jemedemandesicen’estpasquelqu’unàquionn’aencorepaspensé.Mary-Lynnetteserappelaalorsdequoielleparlaitquandlaporteavaitclaqué.—Rowan, ilyaunequestionque jevoudrais teposerdepuis longtemps.Tuasditque

seulAshpouvaitavoirdevinéoùvousalliez,quandvousvousêtesenfuies.Mais,etl’hommequit’aaidéeàfairepartirdel’îleleslettresquetuenvoyaisàl’extérieur?Ildevaitsavoiroùvivaittatante,non?Ilapuvoirsonadressesurlesenveloppes?

—C’est Crâne Linden, articulaRowan avec un petit sourire triste.Non, il ne peut passavoir.Il...

Elles’effleuralatempepuisajouta:— Je ne sais pas comment tu appelles ça. Son esprit ne s’est jamais complètement

développé.Ilnesaitpaslire.Maisilesttrèsgentil.—Ilyavaitdoncdesvampiresillettrés?Etpourquoipas?—Ah,bon,lâchaMary-Lynnette,déçue.

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Çafaitencoreunepersonnequ’onpeutéliminer.—Ecoutez, intervintMark, est-ce qu’onpeut essayerd’extrapoler unpeu ?Ça va vous

paraîtredingue,mais...sil’oncledeJeremyn’étaitpasvraimentmort?Etsi...Àcetinstant,uncraquementbrutalsefitentendresousleporche,devantlamaison.Non,plusieursbattementssecspuisuncraquement,seditMary-Lynnette.Alors,ellepensa:MonDieu,Tiggy!Elle courut,ouvrit laporteà toutevolée, l’esprit submergépard’effroyables imagesde

chatonsempalés.Cen’étaitpasTiggysousleporche.C’étaitAsh.Ilgisait,allongéparterre,danslalumière

roséeducrépuscule,quelquespapillonsdenuitvoletantautourdelui.UnviolentspasmesecouaMary-Lynnette.L’espaced’uninstant,toutcequil’entouraitparutêtreensuspens.SiAshétaitmort...sionl’avaittué...Plusriennetourneraitrond.Savieentièreseraitbouleversée.Ceseraitcommeunenuit

quiauraitperdusesastres.Etpersonnenepourraitrienyfaire.Elleignoraitpourquoi–c’étaittellementincompréhensible–,maisellesuttoutàcoup

quec’étaitvrai.Ellenepouvaitpasrespirer,etsesbras,sesjambesluifaisaientuneimpressionétrange.

Commes’ilsflottaient...horsdesoncorps.PuisAshremua.Ilsoulevasatête,poussaavecsesbrasetregardaautourdelui.Mary-Lynnetteretrouvaunerespirationnormale,maisellesesentaitencoreétourdie.—Tuesblessé?luidemanda-t-elle,l’airbête.Ellen’osaitpas le toucher.Dans l’étatoùelleétait,unchocélectriquepouvaitgrillerà

toutjamaissescircuits.EllefondraitcommelaMéchanteSorcièredel’Ouest.—Jesuistombédanscestupidetrou,qu’est-cequetucrois?C’estvrai,pensa-t-elle.Lesbruitsdepasavaientsoudaincessédansuncraquementplus

quedansunbruitsourd.Et cela signifiait quelque chose... si seulement elle pouvait aller jusqu’au bout de sa

pensée...—Tuasunproblème,Ash?résonnalavoixinhabituellementdoucedeKestrel.Etcelle-ciémergeadel’ombre,telunangeetauvisageparfaitementlisse.Jadelasuivait,

tenantTiggydanslesbras.— Il était dans un arbre, expliqua la jeune fille en embrassant la tête de l’animal. J’ai

réussiàlefairedescendreenluiparlant.Ses yeux étaient comme deux émeraudes sous la lumière du porche, et elle semblait

flotterplutôtquemarcher.Enfinparvenuàseredresser,Ashtapotasesvêtements.Commesessœurs, ilparaissait

étrangement beau après s’être nourri, et ses yeux brillaient d’une lueur insolite. Quant àMary-Lynnette,elleavaitperdudepuislongtempslefildesespensées.

—Entre,luidit-elled’unairrésigné.Tuvasnousaideràtrouverquiatuétatante.Maintenantqu’Ashétaitsûrd’allerbien,ellevoulaitoubliertoutcequ’elleavaitressenti

uneminuteplustôt.Ou,dumoins,nepaspenseràcequecelavoulaitdire.Çaveutdire,insistaunepetitevoixenelle,quetuesdansunsalepétrin,mafille.Ha,ha.—Alors,demandaKestrel tandisqu’ils s’installaient tousautourde la table, c’estquoi,

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l’histoire?— L’histoire, c’est justement qu’il n’y a pas d’histoire, répondit Mary-Lynnette en

considérantsalisteavecfrustration.Etsionreprenaittoutaudébut.

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—Onnesaitpasquiafaitça,maisonsaitdeschosessureux.D’accord?—D’accord,acquiesçaRowansuruntonencourageant.Premièrement,lachèvre.Ceux qui l’ont tuée devaient avoir de la force, parce que ça n’a pas dû être facile de

plantercescure-dentsdansducuir.EtilsdevaientsavoircommentvotreoncleHodgeaétéassassiné,parcequelapauvrebêteaététraitéedelamêmefaçon.Etilsavaientuneraisondeplacerunirisnoirdanssagueule–soitparcequ’ilssavaientqu’AshétaitmembreduClubdel’IrisNoir,soitparcequ’ilsappartenaienteux-mêmesàceclub.

—Ouparcequ’ilspensaientqu’unirisnoirreprésentait toutes les lamies,outoutes lescréaturesdelanuit,enchaînaAsh.

Penchéenavantpoursemasserlacheville,ilparlaitd’unevoixétouffée.—C’estl’erreurclassiquequecommettentceuxdel’Extérieur,ajouta-t-il.Trèsbien,toutça,seditMary-Lynnette.—D’accord,fit-ellealors.Etilsavaientaccèsàdeuxgenresdebâtonsdifférents–cequi

nenousavancepas,carontrouvelesdeuxsortesenville.—EtilsdevaientavoiruneraisondehaïrMmeBurdock,oudehaïrlesvampires,déclara

Mark.Sinon,pourquoilatuer?— Je n’en suis pas encore arrivée à Mme Burdock, reprit Mary-Lynnette sur un ton

patient. Mais on peut continuer par elle, en effet. D’abord, celui qui l’a tuée savaitmanifestement que c’était un vampire, parce qu’il lui a enfoncé un pieu dans le cœur. Et,ensuite...euh...ensuite...

Elles’arrêta.Ellenevoyaitpasquel«ensuite»ilyavait.—Ensuite,enchaînaAshd’unevoixétonnammentcalme,onl’asansdouteattaquéesous

lecoupd’uneimpulsion.Tudisqu’elleaétépoignardéeavecundespiquetsdelaclôture;sisonassassinavaitprévudelatuer,ilseraitvenuavecsonproprepieu.

—Excellenteanalyse,commentaMary-Lynnette,trèssatisfaite.Ellecroisa leregardd’Ashetydécouvritquelquechosequi lasurprit.Commesi le fait

qu’ellepuisseletrouverintelligentluiimportait,toutàcoup.Ehbien,songea-t-elle,nousvoilàtoutsimplemententraindeparler;sanssedisputer,

sansmontrerlemoindresarcasme;justeentraindeparler...Cen’estpasdésagréable.C’était même étrangement agréable. Et, plus surprenant encore, elle savait qu’Ash

pensaitlamêmechose.Ilssecomprenaient.Par-dessuslatable,illuifitunimperceptiblesignedetête.Ils poursuivirent tranquillement leur discussion, au cours de laquelle Mary-Lynnette

perditquelquepeulanotiondutemps.Lorsqu’ellefinitparregarderl’heure,ellefutpresquechoquéedeconstaterqu’ilétaitprèsdeminuit.

—Est-cequ’ondoitcontinuerencorelongtempsàréfléchir?demandasoudainMark,àmoitiécouchésurlatable.Jesuisépuisé...

Prèsdelui,Jadenesemblaitpasenmeilleurétat.Jesaiscequeturessens,pensaMary-Lynnette.J’aimoi-mêmelecerveauaupointmort

Etjemesens...complètementidiote.

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—A mon avis, murmura Kestrel, les paupières lourdes, ce n’est pas ce soir qu’on varésoudrecemeurtre.

Elleavaitraison.LeproblèmeétaitqueMary-Lynnetten’éprouvaitpasdutoutlebesoind’alleraulit.Ellen’avaitpasenviedes’allongeretsedétendre–elleétaittropagitéeintérieurement

pourcela.Jevoudrais...jevoudrais...qu’est-cequejevoudrais?S’il n’y avait pas ce tueur de chèvre psychopathe planqué dans les parages, je sortirais

observerlesétoiles,déclara-t-elle.—Jeviensavectoi,situveux,repartitAsh,del’airleplusnatureldumonde.KestreletJadejetèrentàleurfrèreunregardtotalementincrédule.Rowan,elle,inclina

latêtesanschercheràcachersonsourire.—Comments’étranglaMary-Lynnette.—Ecoute,luiditAsh,jenepensepasquenotretueurdechèvreresteenpermanenceà

attendrequequelqu’unsortepoursejetersurluietl’embrocher.Et,s’ilsepassequoiquecesoit,jesauraigérerlachose.Ils’interrompit,l’airembarrassé,puisprécisa;—Jeveuxdire...onsauragérerlachose...parcequ’onseradeux.Onessaiedeserattraperauxbranches? songeaMary-Lynnette,amusée.Pourtant, ily

avait quelque chose de vrai dans ce qu’il disait. Il était puissant et rapide, et elle avait lesentimentqu’iln’étaitpasdépourvud’instinctsguerriers.

Mêmesiellenel’avaitjamaisvuenpleineaction,comprit-ellesubitement.Combiendefoisluiavait-elledéclenchédeséclairsdanslesyeux,luiavait-elleflanquédescoupsdanslestibiasouaumenton?Etjamaisiln’avaittentéderépliquer.Elleenarrivaitàcroirequeçaneluiétaitmêmepasvenuàl’esprit.

—D’accord,finit-elleparlâcher.—Attends,intervintMark.Tunevas...—Net’inquiètepas,coupa-t-elle.Onn’irapasloin.Mary-Lynnette prit le volant. Sans savoir quelle direction elle prenait exactement, elle

savait que ce n’était pas celle de sa colline. Elle avait trop de souvenirs bizarres, là-bas.Malgrécequ’elleavaitpudireàMark,ellesesurpritàfilerdeplusenplusloin.Versl’endroitoùlesrivièresdeHazelGreenCreeketdeBeavercreekserejoignaientpresque,làoùlaterreentrelesdeuxeauxétaitleparfaitrefletd’uneforêttropicale.

—C’est vraiment là, lemeilleur endroit pour observer les étoiles ? demandaAsh, peuconvaincu,alorsqu’ilsdescendaientdevoiture.

—Situregardesdroitau-dessus,oui,répondit-elle.Deboutfaceàl’est,ellecourbalatêteenarrière.—Tuvoisl’étoilelaplusbrillante,là?C’estVega,l’étoilereinedel’été,—Oui.Cetété,elleestchaquenuitdeplusenplushautdansleciel.Mary-Lynnetteluijetaunregardétonné.Haussantlesépaules,ilexpliqua:—Tu sais, à force d’être si souvent dehors, le soir, tu finis par reconnaître les étoiles.

Mêmesitunesaispasleursnoms...SetournantdenouveauversVega,elledemanda:—Est-cequetuvois...tudistingues,plutôt,quelquechosedepetitetbrillantau-dessous

del’étoile–commeunesorted’anneau?—Cequiressembleàunbeignetunpeuflou?

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Mary-Lynnettesourit,maisduboutdeslèvres.—Oui,exactement.C’estlanébuleusedelaLyre.Moijenelavoisqu’avecmontélescope.Sentant son regard sur sa nuque, elle l’entendit prendre son inspiration pour dire

quelquechose...avantdeseraviser.C’était l’instant parfait pour expliquer comment les vampires voyaient mieux que les

humains.Et, s’il l’avait fait,Mary-Lynnette se serait retournée vers lui et l’aurait repousséavecunecolèrejustifiée.

Mais,commeils’abstintfinalementdedirequoiquecesoit,ellesentituneautreformedecolèremonterenelle.Delacontrariété,plusexactement.Tuasdoncdécidéquejen’étaispasassezbonnepourêtreunvampire,c’estça?

Et pourquoi t’aurais-je amené ici, à l’endroit le plus reculé possible ? Seulement pourobserverlesétoiles?

Là,tutetrompes.Jenesaisd’ailleursmêmeplusquijesuis,serappela-t-elleavecunesortedemélancolie

fataliste.—Tunefinispasparattraperdescrampesdanslacou?interrogeaAshtoutàtrac.Elleroulalatêted’avantenarrièreetdegaucheàdroiteafindesedétendrelesmuscles.—Peut-être...—Jepeuxtemasserunpeulanuque,situveux,proposa-t-ilalorsqu’ilsetenaitencoreà

quelquesmètresd’elle.Pourtouteréponse,Mary-Lynnetteluijetaunregardméfiant.Lalune,quidécroissait,montaitàl’estau-dessusdescèdres,quandelleluidemanda:—Tuveuxmarcherunpeu?—Euh...oui.Pendantqu’ilssepromenaient,Mary-Lynnettenecessadegamberger.Queleffetcelaferait-ildevoirlanébuleusedela

Lyreàl’œilnu,oulanébuleuseduVoilesansfiltre?Ledésirdelescontemplerétaitsifortqu’elleavaitl’impressiondesentircommeunfilinlatirerverslehaut.

Bien sûr, ce sentiment ne lui était pas nouveau. Elle l’avait éprouvé des centaines defois... ce qui se terminait le plus souvent par l’achat d’un nouveau livre sur l’astronomie,d’unenouvellelentillepoursontélescope.

Toutcequiétaitsusceptibledelarapprocherdecequ’elledésiraitleplusaumonde.Mais, ce soir, elle avait d’autres tentations. Plus grandes et terrifiantes qu’elle n’aurait

osél’imaginer.Etsi jepouvaisêtre...davantagequecequejesuisencemoment ?Lamêmepersonne

maisavecdessensplusaffûtés.UneMary-Lynnettequiferaitpartieintégrantedelanuit...Elle avait déjà découvert qu’elle n’était pas exactement celle qu’elle croyait être. Plus

violente, par exemple – n’avait-elle pas, à plusieurs reprises, flanqué des coups de pied àAsh ?Et puis elle admirait l’ardeur pure et féroce deKestrel. Elle avait saisi la logiqueduconcept«tueoufais-toituer».Elleavaitrêvéàlajoiedechasser.

Queluifallait-ild’autrepourêtreurnecréaturedelanuit?—Ilyaquelquechosequej’aimeraistedire,déclaraAsh.—Oui?Doisjel’encourageroupas?MaisilSecontentadedired’unevoixneutre:

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—Onpeutcesserdesebagarrer,touslesdeux.Ellerestapensiveuninstantpuislâcha:—Jenesaispas.Ils poursuivirent leur promenade. Les cèdres autour deux les dominaient comme les

tours géantes d’un temple en mine. Un temple obscur, au sein duquel le silence était siprofondqueMary-Lynnetteavaitl’impressiondemarchersurlaLune.

Ellesebaissaetcueillitunefleursauvagequipoussaitdanslamousse.Unzigadènevénéneux.Ash, lui, ramassa une branche d’if cassée gisant au pied d’un arbre tordu. Ils ne se

regardèrentpasmaiscontinuèrentamarcher,enlaissanttrèspeud’espaceentreeux.— Tu sais, onm’a dit que ça arriverait, déclara Ash, comme pour parler de tout autre

chose.—Que tudébouleraisdansunbledpaumépour te lancer à lapoursuited’un tueurde

chèvre?—Qu’unjourjem’attacheraisàquelqu’un...etquej’ensouffrirais.Mary-Lynnettenecherchaniàralentirniàaccélérerlepas.Seulsoncœursemitàbattreplusvite,mûparunmélangededésarroietd’euphorie.Cequidevaitarriverétait-ildoncentraind’arriver?—Tuneressemblesàaucunedesfillesquej’aiconnues,soufflaAsh.—J’éprouvelemêmesentiment,figure-toi.Arrachantdesmorceauxd’écorceàlabranchequ’ilgardaitdanslamain,ilajouta:—Et, tuvois,c’estdifficile,carceque j’ai toujourspensédeshumains –cequ’onm’a

apprisàpenser...—Jesaiscequetuastoujourspensé,Ash.Delavermine,—Mais, tuvois...continua-t-ilens’obstinant, le trucc’estque –et jesaisqueçavate

paraîtrebizarre–jecroisquejet’aime...d’unefaçondésespérée.Ilarrachaencoreunlambeaud’écorce.Mary-Lynnetteneleregardapas.Elleétaitincapabledeparler.—J’aitoutfaitpourmedébarrasserdecesentiment,maisjen’aipaspulechasser.J’ai

d’abord pensé quitter Briar Creek et oublier tout ça, mais je sais aujourd’hui que c’étaitinsensé.Oùquej’aille,çamepoursuit.Impossibledelefairedisparaître.Alors,ilfautquejetrouveautrechose.

—Désolée,répliquaMary-Lynnetted’unevoixglaciale,maisc’estvraimentpeuflatteurdes’entendredirequ’onvousaimecontresavolonté,contretouteraison,etmême...

—Contresanature,acheva-t-ilsombrement.Oui,jesais.Cettefois,elles’arrêtaetplongeasonregarddanslesien.—Tun’aspasluOrgueiletpréjugés?—Pourquoi?—ParcequeJaneAustenétaithumaine.—Commentlesais-tu?Là,ilmarquaitunpoint.Unpointquifaisaitpeur.Comment pouvait-elle savoir qui, dans l’histoire de l’humanité, était humain ou pas ?

Galilée?Newton?TychoBrahe?—Ehbien,c’étaitunefemme,répondit-elleenseretirantsurunterrainplussûr.Ettoi,

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tun’esqu’unchauvin.—Ça,jenepeuxpaslenier.Ellerepritsamarche,etAshluiemboîtalepas.— Alors, maintenant, est-ce que je peux te dire avec, quelle ardeur je t’aime et je

t’admire?Uneautrecitation.—Tessœursnedisaientpasquetufaisaistoutletempslafête?—C’est vrai.Mais, lematin après ça, tu es obligé de rester au lit. Et, autant lire, à ce

moment-là.CommeMary-Lynnettenerépliquaitrien,ilcontinua:—Aprèstout,onestâmessœurs,non$Jenepeuxpasêtretotalementstupide,sinonje

metromperaiscomplètementàtonsujet.Mary-Lynnetterestasongeuse.Ashsemontraitpresquehumble.Cequepersonneneluiavaitjamaisvuauparavant.— Ash... je ne sais pas. On n’est pas faits l’un pour l’autre. On est tout simplement

incompatibles.—Ehbien...fit-ilenfrappantuntroncd’arbreavecsabranched’if.Ilparlaitcommes’ils’attendaitàêtreignoré.—...tusaisquoi?Jecroisquejepeuxarriveràtefairechangerd’avis.—Mefairechangerd’avis?Aquelsujet?—Ausujetdenotreincompatibilité.Jecroisqu’onpourraitêtreassezcompatiblessi...Ilhésita.—Si?...—Situpouvaisterésoudreàm’embrasser.—T’embrasser?—Oui,jesaisqueçapeutteparaîtreassezradical.J’étaissûrquetunemarcheraispas.Ilfrappaunautrearbrepuisajouta:—Biensûr,leshumainsfontçadepuisdesmilliersd’années.—Tuembrasseraisungorilledecentquarantekilos?—Oh,merci.—Attends,jen’aipasditqueturessemblaisàungorille.—Alors,laisse-moideviner...J’ailamêmeodeur?Mary-Lynnetteréprimadifficilementunsourire.— Tu es tellement plus fort que moi. Tu embrasserais une femelle gorille capable de

t’écraserd’uneseulepression?Alorsquetunepourraisriencontreelle?—Tun’esquandmêmepasdanscettesituation.—Non ? J’ai l’impression en t’écoutant que je devrais devenir un vampire juste pour

traiteravectoisurlemêmeniveau.—Tiens,fit-ilenluioffrantlabranched’if.—Tumedonnestonbâton...—Ce n’est pas un bâton, c’est lemoyen que je t’offre de traiter avecmoi sur un pied

d’égalité.Ilplaçal’extrémitédelabrancheàlabasedesoncou,etMary-Lynnettes’aperçutqu’elle

étaittrèspointue.Elleensaisitl’autreboutettrouvaleboisétonnammentduretlourd.Ashlafixait,àprésent.Ilfaisaittropsombrepourdistinguerlacouleurdesesyeux,mais

sonexpressionparaissaitincroyablementsereine.

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—Unebonnepression,etçadevraitlefaire,luidit-il.D’abordici,etensuitedanslecœur.Commeça,tuéliminerasleproblèmequejereprésentedanstavie.

Mary-Lynnette poussa, mais doucement. Ash fit un pas en arrière. Elle recommença,jusqu’àlefairereculercontreunarbre,tenantlebâtoncommeunelamed’épéeplaquéesursagorge.

—Mais ça, c’est seulement si tu le penses vraiment, hasarda-t-il alors qu’il sentait letroncnuderrièrelui.

Cependant,ilnetentaaucunmouvementpoursedéfendre.—En fait, tu n’asmême pas besoin d’une pointe comme ça.Un crayon bien placé, ça

marcheraitaussi.Mary-Lynnetteplissalesyeuxetfitglisserleboutdeboislelongdesoncorps,commeun

escrimeurévaluantsonrayond’action.Puisellel’écartadeluietlelaissatomberàterre*—Tuasvraimentchangé,observa-t-elle.—J’ai tellementchangé,cesderniers jours,que jenemereconnaismêmeplusdans la

glace.—Ettun’aspastuétatante?—C’estmaintenantquetut’enrendscompte?—Non,maisjemelesuislongtempsdemandé.D’accord,jevaist’embrasser.Cefutunpeugauche,seplacerl’unenfacedel’autre...Mary-Lynnette n’avait jamais embrassé de garçon, auparavant. Mais, dès qu’elle eut

commencé,elletrouvacelafortsimple.Et,àprésent,ellecomprenaitlaraisondel’étrangecourantélectriquequiunissaitdeux

âmessœurs.Elle retrouvait toutes les sensationsqu’elleavait éprouvéesen lui touchant lamain...,maisenplusfort.Dessensationsloind’êtredésagréables...sionnelesredoutaitpas.

Aprèscebaiser,Ashs’écartaetmurmurad’unevoixtremblante:—Là...tuvois?Elledutreprendreplusieursfoissarespirationavantderépondre:—Ce...çadoitêtreàpeuprèscequ’onressentquandontombedansuntrounoir.—Oh,désolé.—Non,non,c’était...intéressant.Singulier,insolite.Différentdetoutcequ’elleavaitpuressentirauparavant.Etelleavait

lesentimentqu’elleaussiseraitdifférente,dorénavant;qu’elleneseraitjamaispluslamêmepersonne.

Alors,quisuis-je,maintenant?Quelqu’undeféroce,j’imagine.Quiapprécieraitdecourirdanslanuit,souslesétoilesaussibrillantesquedesmini-soleils,etquichasseraitpeut-êtreledaim.Quelqu’unquisauraitriredelamortcommelefaisaientlestroissœurs.

Elledécouvriraitunesupernovaetellefeuleraitlorsqu’ellesesentiraitmenacée.Elleseraitbelle,effrayante,dangereuse.Et,biensûr,elleembrasseraitbeaucoupAsh.Vaguementétourdie,Mary-Lynnettesesentaitbaignerdansunefolleeuphorie.J’aitoujoursaimélanuit,etvoilàquejeluiappartiensenfin.—Mary-Lynnette?articulaAshd’unevoixhésitante.Tuasaimé?Elleclignadesyeuxetattenditderetrouverunevisionnormaleavantdesouffler:—Jevoudraisquetufassesdemoiunvampire.Cela n’eut rien à voir avec une piqûre de méduse, cette fois. Ce fut rapide, presque

plaisant–riend’autrequ’unesimplepression.Leslèvresd’Ashseposèrentsursoncou,etce

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futfranchementdélicieux.Unedoucechaleurirradiaitdelabouchedujeunehomme,etellese retrouva en train de lui caresser la nuque, tout en découvrant que ses cheveux étaientsouplesetdouxcommelafourrured’unchat.

Etsonesprit...avaittouteslescouleursduspectre.Il allait du rouge à l’or, du jade à l’émeraude, du bleu au violet profond. Une forêt

d’épinesoùs’entremêlaientdescouleurschatoyantesetchangeantes.Mary-Lynnetteétaitéblouie.Et légèrementapeurée. Ilyaavaitdunoirparmicescouleurs fantastiques.Deschoses

qu’Ashavaitfaitesdanslepassé...etdontelledevinaitqu’ilavaithonteaujourd’hui.Maislahontenedéfaisaitpaslesactes.

Je saisque çane change rien,mais,un jour, jepaieraipour tesmauvaises actions. Jetrouveraiunmoyen,tuverras...

C’étaitdoncdelatélépathie.EllepouvaitsentirAsh,sielleprononçait lesmots;sentirqu’ilétaitsincère,totalement,désespérémentsincère;sentiraussiqu’ilavaitbeaucoupàsefairepardonner.

Jem’enmoque.Jeseraiunecréaturedelanuit,aussi.Jeferaicequiestdansmanature,sansremords.LorsqueAshfitminedereleverlatête,elles’agrippaàluiafindelegardercontreelle.—S’il teplaît,nemetentepas,dit-ild’unevoixrauque,sonsouffletièdetoutcontrele

coudelajeunefille.Sij’enprendstrop,çarisquedesérieusementt’affaiblir.Jeneplaisantepas,madouce.

Ellerelâchadoncsonétreinte.Ilramassalabranched’ifetsefitunpetittrouauniveaudelagorge,inclinantlatêteenarrièrecommeungarçonentraindeseraserlementon.

—Oooh...Mary-Lynnette comprit qu’il n’avait encore jamais fait cela. Au bord de l’extase, elle

s’approchaetvintposerseslèvresàlabasedesoncou.Jeboisdusang.Mevoilàchasseresse.Jeboisdusang,etj’aimeça.Peut-êtreparceque

çan’apaslegoûtdusang.Niducuivrenidelapeur.Çaaungoûtétrange,magique,aussiancienquelesétoiles.LorsqueAshsedétachad’elleunenouvellefois,ellevacilla.Ilvaudraitmieuxrentrer,maintenant,murmura-t-il.Pourquoi?Jemesensbien...—Tuvastesentirplusétourdieencore,etplusfaibleaussi.Et,sionveutfinirdefairede

toiunvampire...—Si.—D’accord... quand on finira de faire de toi un vampire.Mais, avant ça, il faut qu’on

parle.Jedoistoutt’expliquer;ondoitvoirlesdétailsensemble.Ettudoistereposer.Mary-Lynnette savait qu’il avait raison. Elle voulait rester là, seule avec Ash dans la

sombrecathédralequeformaitlaforêt,maisellesesentaiteneffettrèsfaible.Languide.Apparemment,devenirunecréaturedelanuitdemandaitungrostravail.Ilsreprirentlecheminparlequelilsétaientvenus.Peuàpeu,lajeunefillepercevaitlechangementenelle–plusmanifestequelorsqu’elle

avait échangé son sang avec les trois filles. Elle se sentait à la fois faible et hypersensible.Commesichaqueporedesapeauétaitgrandouvert.

Leclairdeluneparaissaitplusbrillant.Ellevoyaitnettementlescouleurs–levertpâledes branches de saule plongeant vers le sol, le pourpre frissonnant des becs-de-perroquetsauvagesémergeantdelamousse.

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Et la forêtn’étaitplussilencieuse,àprésent.Elledistinguaitdesbruitsmystérieux telsqueledouxbruissementdesaiguillesdepindanslevent,etaussilesondesesproprespassurlesbrindilleshumides.

Je perçoismieux les senteurs, aussi, se dit-elle.Cet endroit sent le cèdre, l’encens, lesplantesdécomposées,etquelquechosederéellementsauvage,uneodeurdefauve.

Etdechaud...debrûlé.Uneodeurdemécanique.Quiluiagressalesnarines.Elles’arrêtaetregardaAshd’unairinquiet.—Qu’est-cequec’est?Ilsefigeaaussi.—Çasentunpeucommelecaoutchouc,etl’huile...dit-il.—Oh,non,lavoiture!s’exclama-t-elle.Ilséchangèrentunregardconsternépuissemirentàcourir.C’étaitbienlavoiture.Unefuméeblanches’échappaitdesouslecapot.Mary-Lynnettevouluts’approcherpour

voircequ’ilenétait,maisAshlaretintetl’attiraverslecôtédelaroute.—Jeveuxsouleverlecapot...—Non,regarde.Là.Ellecrutalorss’étrangler.Deminceslanguesdefeuperçaientsouslafumée,émergeant

dumoteur.Claudinemedisaitbienqueçadevaitarriver,selamenta-t-elletandisqu’Ashl’entraînait

plusloinencore.Maisjepensaisseulementqu’ellevoulaitdirequeçam’arriverait...avecmoidedans.

—Onvadevoirrentreràpied.Àmoinsquequelqu’unn’aperçoivelefeudeloin.—Aucunechance,dit-elle.Voilà ce que c’est que d’emmener un garçon dans le lieu le plus reculé de tout

l’Oregon,luisoufflatriomphalementsapetitevoixintérieure.—J’imaginequetunepeuxpastetransformerenchauve-sourisetvoler jusquelà-bas,

hasarda-t-elle.—Désolé, j’ai été recalé à l’examen de polymorphisme. Et puis, je ne te laisserais pas

seuleici.Mary-Lynnettesesentaitnéanmoinsagitéeetdangereuse–etcelalarendaitimpatiente.—Jesuiscapabledemeprendreencharge,tusais,lâcha-t-ellenonsansagacement.C’estalorsqueleclubs’abattitetqu’Ashtombaenavant;inconscient.

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16

Toutsepassatrèsvite...etaveclalenteurd’unrêve.Mary-Lynnettesevitbrutalementtiréeenarrière,puissentitqu’onluinouaitavecforce

unecordeautourdespoignets.Sijeneréagispasimmédiatement,jenepourraiplusrienfaire...Elle lutta, tenta de se dégager, donnades coups de pied désespérés,mais, déjà, il était

trop tard. Lesmains attachées dans le dos, elle sut pourquoi les gens ne tentaient pas derésister lorsqu’ils portaient desmenottes : c’était intenable ! Ses épaules comprirent aussileurdouleurlorsqu’ellefuttiréeàreculonsversunarbre.

—Cessedetedébattre,grondaunevoix.Unevoixgrave,rauque,déformée,qu’ellenereconnutpas.Elleessayadevoiràquielle

appartenait,maisl’arbreluibloquaitlavue.—Situtelaissesfaire,tun’auraspasmal.Mary-Lynnette s’entêta pourtant, ce qui ne changeahélas rien. L’épaisse écorce contre

laquelleelleétaitplaquéeluigriffaitlesmainsetledos,etellenepouvaitplusbouger.MonDieu,pasmoyendeméchapper.Moiquiétaisdéjàaffaiblieàcausedeceque j’ai

faitavecAsh...mevoilàmaintenantpriseaupiège.Alors, arrête de paniquer et réfléchis ! Sers-toi de ton cerveau au lieu déjouer les

hystériques.Mary-Lynnette cessa de lutter, s’efforça de retrouver une respiration normale et de se

ressaisir.Jetel’avaisdit,luisusurralapetitevoixenelle,plustutedébattras,plusçateferamal.

Ilyabeaucoupdechosescommeça.Setordantlecou,Mary-Lynnettefinitparvoirquil’emprisonnaitainsi.Soncœurfituneembardée.Ellen’auraitpasdûêtresurprise,maisellel’était.Surpriseet

infinimentdéçue.—Jeremy...cen’estpaspossible,souffla-t-elle.Maiscen’étaitpasleJeremyqu’elleconnaissait.Sonvisageétaitlemême,sescheveux,

ses vêtements aussi, cependant il y avait quelque chose d’insolite dans son apparence,quelque chose de puissant, d’effrayant... et d’inconnu. Ses yeux étaient aussi inhumains etvidesqueceuxd’unrequin.

— Je ne veux pas te faire de mal, lui dit-il de son étrange voix distordue. Si je t’aiattachée,c’estseulementparcequejeneveuxpasquetuinterfères.

Quej’interfère...Mille questions, mille impressions différentes se mêlaient dans l’esprit de Mary-

Lynnette.Ilessaiedesemontreramical...Interféreravecquoi?...Ash,Ash...Elle regarda ce dernier, allongé par terre, immobile ; et ses merveilleux yeux, qui

distinguaient maintenant les couleurs sous le clair de lune, voyaient ses cheveux blondsdégoulinerdesang.Surlesolprèsdeluisetrouvaitunbâtontaillédansduboisd’if–dansl’aubierdecebois,plusprécisément.Inutiledesedemanderpourquoiilétaitinconscient.

Mais,s’ilsaignait,iln’étaitpasmort.Non,ilnepouvaitpasêtremort.Rowann’avait-ellepasditqueseulslefeuouunpieufichédanslecœurpouvaienttuerunvampire?

—Jem’occupedelui,déclaraJeremy,etaprès,jetelaissepartir.Promis.Quandjet’aurai

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toutexpliqué,tucomprendras.Mary-Lynnette reporta son regardsur l’étrangerauvisagedeJeremy.Elleeutalorsun

choc en comprenant ce qu’il entendait par «je m’occupe de lui ». Des mots qui faisaientsimplementpartiedelavied’unchasseur.

D’unloup-garou.Maintenant,jesaisquecesontdestueurs.J’avaisrai–son.J’avaisraison,etRowanse

trompait.—Çanevapasprendrelongtemps,précisaJeremy.Sabouches’entrouvritalors,etMary-Lynnettecrutdéfaillir.Carseslèvres,ens’écartant,

montèrent nettement plus haut que chez un humain. Elle aperçut ses gencives, d’un roseblanchâtre,etcompritpourquoisavoixneressemblaitpasàcelledeJeremy–c’étaientsesdents.

Des dents blanches sous la lune. Les dents de son rêve. Celles des vampires n’étaientrien, comparéesaux siennes.Les incisivesétaient faitespourdétacher la chaird’uneproie,les canines mesuraient au moins cinq centimètres, et les molaires, derrière, servaient àdécouperetdéchirer.

C’estalorsqueMary-LynnetteserappelacequelepèredeVieKimbleavaitdit,troisansplus tôt. Il avait expliqué qu’un loup pouvait sectionner la queue d’une vache adulte aussisèchementqu’unepairedecisailles.

Ilseplaignaitdufaitquequelqu’unavaitlaissévagabonderunchiencroiséavecunloup,etquel’animals’enprenaitàsonbétail.

Saufqueceluiqu’elleavaitenfaced’ellen’étaitpasuncroisement.C’étaitJeremy.Ellel’avait vu chaque jour à l’école – et, dans ce cas, il devait rentrer chez lui pour ensuiteprendrecetteapparence.Pourchasser.

Etàcetinstant,alorsqu’ilsetenaitau-dessusd’Ash,avecsesdentsquiressortaientetsapoitrinequisesoulevaitlourdement,Jeremyavaittoutd’unecréaturedégénérée.

—Mais,pourquoi?s’écria-t-ellesoudain.Pourquoiveux-tuluifairedumal?Iltournalatêteverselle...etMary-Lynnetteeutunautrechoc.Sesyeuxétaientdifférents.Quelquesminutesplustôt,ellelesavaitvusquasiblancsetétincelantsdansl’obscurité.

Aprésent,ilsétaientjaunes,avecd’énormespupilles.Commeceuxd’unanimal...Donc,plusbesoindelapleinelune,maintenant,songea-t-elle.Ilpeutchangern’importe

quand.—Tu ne sais pas ? grogna-t-il. Il n’y a donc personne qui comprenne ça ? C’estmon

territoire.Oh.Oh...Alors, c’était aussi simple que ça. Après toutes les discussions, les briefings et les

recherches qu’ils avaient entreprises, cette histoire se réduisait à celle d’un animal quiprotégeaitsonterritoire.

Rowann’avait-ellepasditaussique,pourunterraindechasse,l’espaceétaitrestreint?—Ilsmevolaientmongibier,poursuivitJeremy.Mesdaims,mesécureuils.Ilsn’avaientpasledroit.J’aiessayédelesfairepartir,maisils

n’ontpasvoulu.Ilssontrestésetilsontcontinuéàtuer...Il s’interrompit brusquement,mais un nouveau son sortit de sa bouche. Il commença

très bas, d’abord – presque au-dessous du seuil audible de Mary-Lynnette –, mais laprofonde vibration qui en résultait arracha un sentiment de terreur à la jeune fille. C’était

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aussimystérieuxetinhumainquelevrombissementd’unessaimd’abeillesprêtesàattaquer.Ungrognement.Oui,Jeremygrognait.Etc’étaitbienréel.Commelegrondementd’unchienquivousforçaitàreculeretàfaire

demi-tour.Unsonquivousprenaitlittéralementàlagorge.—Jeremy!hurlaMary-Lynnette.Ellesejetaenavant,ignorantlafolledouleurdesesépaules.Maislacordetintbon.Et

ellesesentitdenouveauplaquéecontrel’arbre.Jeremy s’abattit alors de tout son poids sur Ash, sa tête plongeant sur lui comme un

serpentcherchantàmordre,commeunloupcherchantàdévorersaproie,commen’importequelanimalcapabledetueravecsesdents.

Elle entendit crierNoooon!...pour réaliser l’instant d’après que c’était sa propre voix.Ellesebattaitaveclacorde,tandisquesespoignetss’humidifiaientdesangetlabrûlaientenmême temps. Mais elle ne parvenait pas à se libérer, et elle continuait de voir ce qui sepassaitdevantelle,avec,enbruitdefond,cegrognementsinistreetirréel,quiseréverbéraitdanssatêteetsapoitrine.

C’estalorsqueleschosescommencèrentàseclarifier.UnepartiedeMary-Lynnette,pluspuissantequesapanique,commençapeuàpeuàprendreledessus.

S’éloignantmentalement,elleconsidéralascènecommesiellesetrouvaitauborddelaroute:lavoiture,quicontinuaitdebrûler,enveloppéed’unefuméeblancheetétouffante;lapauvresilhouetted’Ashgisantsurletapisd’aiguilles;l’imagetroubleducorpsdeJeremyquicontinuaitdes’agitercommeunmalade.

—Jeremy!cria-t-elleunenouvellefois.Sagorgeaussilafaisaitsouffrir,maissavoixrestaitcalme,autoritaire.—Jeremy,avantdefaireça,tuneveuxpasmelaisserletempsdecomprendre?Tum’as

bienditquec’étaitcequetuvoulais...Jeremy,aide-moiàcomprendre!L’espace d’une longue seconde, elle pensa que sa tentative serait vaine. Qu’il ne

l’entendaitmêmepas.Mais,soudain,satêtesedressa,etellevitsonvisage.Ellevitlesangsursesmâchoires.Necriepas;surtout,necriepas... s’encouragea-t-elledésespérément.Ne lui laissepas

voirtonaffolement.Tudoismaintenantlefaireparler,leteniréloignéd’Ash.Danssondos,sesmainscontinuaientderemueravecautomatisme,commesilefaitde

vouloirsedébarrasserdelacordequilesemprisonnaitétaitdevenuunehabitude.L’humiditépoisseusedusangl’yaidait,enfait.Ellesentitlechanvreglisserunpeusur

sapeauàvif.—S’ilteplaît,aide-moiàcomprendre,insista-t-elle,lesoufflecourt.Jesuistonamie,tu

lesais.Onseconnaîtdepuissilongtemps...LesgencivesblanchâtresdeJeremyétaientmaintenantstriéesderouge.Ilavaittoujours

unaspecthumainmaissonvisage,lui,n’avaitplusriendetel.Lentement,cependant,seslèvrescommençaientàretomberpourluirecouvrirlesdents.

Il ressemblait davantage à une personne qu’à un animal. Et quand il parla, sa voix restadéformée,maisMary-Lynnetteenreconnutnettementletimbre,cettefois.

—Oui,depuislongtemps,reconnut-il.Jeteregardedepuisl’enfance...etj’aivuquetumeregardaisaussi.

Ellehochalatête,incapabledesortirlemoindresondesagorge.

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— Jeme suis toujours dit qu’un jour, quand on serait plus grands, on se retrouveraitensemble. Je pensais que, peut-être, j’arriverais à te le faire comprendre. A te fairecomprendrecequejeressentaispourtoi,ettoutcequimeconcernaitenréalité.Jepensaisquetuétaislaseulepersonnecapabledenepasavoirpeur...,

—Jen’aipaspeur,articula-t-elleenfin,enespérantqueletremblementdesavoixnelatrahiraitpas.

Elles’adressaitenfaitàunesilhouetteautee-shirtmaculédesang,penchéesuruncorpsen loques, telleunebêteencoreprêteàattaquer.Ellen’osapas, en revanche, regarderAshpourdécouvriràquelpointilétaitblessé.LesyeuxfixéssurJeremy,ellepoursuivit:

— Et je crois que je peux comprendre. Tu as tué Mme Burdock, n’est-ce pas ? Parcequ’ellechassaitsurtonterritoire.

—Paselle,précisa-t-ilsuruntonimpatient.Justeunevieillefemme,quinechassaitpas.Çanemegênaitpasdelavoirsurmonterritoire.J’avaismêmetravaillépourelle;jeluiavaisréparésaclôtureetsonporche,sansrienluidemanderpourça...Etc’estlàqu’ellem’aditquecesfillesarrivaient.

Comme elle me l’a annoncé à moi, songea Mary-Lynnette. Et il était là, en train deréparerlaclôture,biensûr.Commeiltravaillaitainsipourtouslesautres.

— Je lui ai dit que ça ne marcherait pas, l’entendit-elle articuler en retrouvant cegrognementsinistre.

Tenduàl’extrême,Jeremytremblait,etellesesentaitfrissonneraussi.—Troisautreschasseurssurunsipetitterritoire...Jeluiaidit,maisellenevoulaitpas

m’écouter.Ellenevoulaitpascomprendre.Alors,jemesuismisencolère.NeregardepasAsh,n’attirepas l’attentionsurlui, seditMary-Lynnetteavecangoisse.

Les lèvres de Jeremy remontaient doucement sur ses gencives, comme s’il ressentait lebesoindes’attaqueràquelquechose.Aumêmeinstant,unepartlointainedesoninconscientluidit:voilàpourquoiilautiliséunpiquet.Ashavaitraison;ilaagisuruncoupdetête.

—Çaarriveàtoutlemondedesemettreencolère,répliqua-t-elle.Malgré sa voix brisée, malgré les larmes qui lui emplissaient les yeux, Jeremy, en

l’écoutant,parutsecalmerunpeu.—Aprèsça,continua-t-il,l’airsoudainlas,jemesuisditquec’étaitpeut-êtremieux.J’ai

pensé que, lorsque les filles la trouveraient, elles sauraient qu’elles devraient partir. J’aiattenduqu’elleslefassent.Jesuistrèspatient.

Ilavaitmaintenantleregardfixésurlesboisdevantlui.Lecœurbattant,Mary-Lynnetteenprofitapouroserjeteruncoupd’œilsurAsh.

Ilnebougeplus...Etilyatantdesangautourdelui...Jamaisjen’enavaisvuautant...Elletorditsespoignetsd’avantenarrière,dansl’espoirdedétendreunpeulacorde.—J’aiattendu,maisellesnesontpasparties,repritJeremy.LesyeuxdeMary-Lynnetterevinrentaussitôtsurlui.—Etpuisc’esttoiquiesvenue.J’aientenduMarkparleràJade,danslejardin.Ellelui

disaitquel’endroitluiplaisait,qu’elleallaityrester.Etça...çam’amishorsdemoi.J’aifaitdubruit,etilsm’ontentendu.

Sonvisagechangeait,sapeaudevenaitmobile.Ses pommettes s’élargissaient, son nez et sa bouche s’allongeaient, ses sourcils

s’épaississaientpourprendrelaformed’unebarresoussonfront.Ellevoyaitdespoilsnoirsetgrossiersluipoussersurlesjouesetlesmâchoires.

Jevaistournerdel’œil...—Qu’est-cequetuas,Mary-Lynnette?

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Il se redressa, et elle vit que son corps semodifiait aussi. Tout en gardant une allurehumaine,ils’allongeait,s’amincissait,commes’iln’étaitplusfaitqued’osetdetendons.

—Rien...riendutout,mentit-elledansunsouffle.Elletiraviolemmentsursonpoignet...etsentitunemainglisser.Voilà.Maintenant,continuedeledistraire;arrange-toipourqu’ils’écarted’Ash.—Etalors?luidit-elle.Qu’est-cequis’estpassé,ensuite?— Je savais que je devais envoyer un message. Je suis revenu la nuit suivante pour

m’occuperdelachèvre,maistuétaisencorelà.Tum’asfuienteréfugiantdanslacabane.Il s’approcha, et le clair de lune lui illumina les yeux – et s’y refléta. Ses pupilles

brillaientd’unvertorangé.Mary-Lynnettenepouvaitqueregarder.Cetteombre,danslaclairière...cesyeuxquej’aiaperçus...Cen’étaitpasuncoyote;c’étaitlui.Ilnoussuivaitpartout.Ce seul souvenir lui donna la chair de poule. Mais il y avait pire encore : l’image de

Jeremyentraindetuerlachèvre.Soigneusement,méthodiquement,dansl’idéedelaisserunmessageclair.Voilàpourquoiiln’avaitpasmangélecœuretlefoie.Ilnel’avaitpastuéepoursenourrir

– ce n’était pas unemise àmort normale de loup-garou. Car Jeremyn’était pas un loup-garounormal.

Iln’étaitpasdu tout cequeRowanavaitdécrit :unnobleanimalqui chassaitpour senourrir.Non,c’était...unchienfou.

C’étaitAshquiavaitraisondepuisledébut.Avecsesblaguessurlarage...—Tusaisquetuesbelle, luiditsoudainJeremy.Jet’ai toujourstrouvéebelle.J’adore

tescheveux.Il était maintenant planté devant elle. Elle distinguait chacun des pores de sa peau,

desquelsémergeaientd’épaispoilsnoirs.Ellelesentait,aussi–uneodeursauvage,commecelledeszoos.Il luieffleura la tête,d’unemainornéedegrosonglesnoirs.Sesyeuxs’agrandissaient,

s’élargissaient.Parle...disquelquechose...neluimontrepasquetumeursdetrouille.—TusaiscommentlemarideMmeBurdockaététué?parvint-elleàarticuler.—Ellemel’aditilyalongtemps,réponditJeremyd’unairpresqueabsent,sanscesserde

luipasserlamaindanslescheveux.Ilavaittellementchangéquesavoixdevenaitdifficileàcomprendre.—J’aiutilisélespetitsbâtonsquimeserventàconstruiremesmaquettes...Tusaisqueje

faisdesmaquettes?Etj’aichoisiunirisnoirpourlui.Ilprononçacemotsuruntonhaineux.—Jel’aivucejour-là,aveccestupidetee-shirt.Leclubdel’IrisNoir...mononcleenaété

membre.Onletraitaitcommeunmoinsquerien.SesyeuxétaientàquelquescentimètresdeceuxdeMary-Lynnette,etellesentitunongle

lui effleurer l’oreille. Subitement, elle eut la force de donner un grand coup de poignetderrièreelle,etunemainselibéra.Ellesefigea,paniquéeàl’idéequeJeremyl’aitremarqué.

— J’ai jeté la chèvre sur le perron, dit-il d’une voix traînante tout en la caressant. Jesavais que vous étiez tous à l’intérieur. J’étais dans une telle colère que j’ai tué ce cheval,aussi,etquej’aicontinuéàcourir.J’aiensuitecassélafenêtredelastation-service–j’avaisl’intentiondetoutbrûler,maisj’aipréféréattendreunpeu.

C’étaitdoncça,seditMary-Lynnettetoutens’efforçantavecmilleprécautionsdelibérer

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sonautremain, toutensoutenant le regard foudeJeremy, toutensupportant sonhaleinefétide.Oui,biensûr,c’étaitluiqu’ilsavaiententenducourir.Et,s’iln’étaitpaspasséàtraverslamarche brisée de l’escalier, c’est parce qu’il savait que le trou était là... parce qu’il avaitcommencéàlaréparer.C’étaitluiaussiquiavaitcassélafenêtre–quid’autrequeceluiquiytravaillaitpouvaitdétestercettestation-service?

Lorsque sesdoigts eurentdéfait la cordede sonpoignet, elle éprouvaun sentimentdetriomphemaissegardabiende lemontrer,serra lespoingsetréfléchitàcequ’ellepouvaittenter,maintenant.Jeremyétaitsifort,sirapide.Siellesejetaitsurlui,ellen’avaitaucunechance.

—Et,aujourd’hui,vousêtesvenusensembleenville,continua-t-ild’unevoixtellementinhumaine, à présent, qu’il était difficile de croire qu’il parlait lamême langue queMary-Lynnette.

«J’aibienvucomment ils’adressaitàtoi.Jesavaisqu’il tevoulait –etqu’ilvoulait techangerpourquetudeviennescommeeux.Ilfallaitabsolumentquejel’enempêche.

—Je savais que tu voulaismeprotéger, Jeremy, ça se voyait, fit-elle d’une voix qui sevoulaitcalme.

Sesmains tâtonnaient le tronccontre lequelelle s’appuyait.Siellene trouvaitpasunebranchepours’enfaireunearme,commentespérait-ellel’attaquer?

Et,mêmesielletrouvaitquelquechose,leboisnesuffiraitpas.Cen’étaitpasunvampire.Jeremyfitunpasenarrière,et, l’espaced’uneseconde,Mary-Lynnetteenfutsoulagée.

Puisellevitavechorreurqu’iltiraitsursontee-shirtpourl’enlever.Dessous,iln’yavaitpasdepeaumaisdespoils.Unpelagequifrémissaitdansl’airdela

nuit.—Jevousaisuivisjusqu’icietj’aitrafiquétavoiturepourvousempêcherderepartir,dit-

il.Jet’aialorsentenduedirequetuvoulaisdevenirunvampire.—Jeremy…c’étaitjustepourplaisanter.Ilpoursuivitenignorantsaréflexion.—Maistufaisaisuneerreur.Lesloups-garoussontbienmieux.Tucomprendrasquand

jetemontrerai.Laluneteparaîtsibellequandtuesunloup-garou.C’étaitdonccequ’ilentendaitquandildisaitvouloirlaprotéger,luifairecomprendre.Il

voulaittoutsimplementlachangerpourqu’elledeviennecommelui.Ilmefautunearme.Rowan avait dit que l’argent était dangereux pour les loups-garous. Alors, la vieille

légendede laballeenargentétaitvraie.MaisMary-Lynnetten’avaitpasdeballeenargent.Encoremoinsdedagueenargent.

Mais...uncouteauenargent?...Derrière Jeremy, le break était presque invisible aumilieu de son nuage de fumée. Et

puis,c’étaitcarrémentunincendiequiravageaitmaintenantlavoiture.Bientropdangereux.Toutvaexploser.Jen’auraijamaisletempsd’allerychercherquoi

quecesoit.Jeremycontinuaitdeparler,d’unevoixsauvage,àprésent.—Tun’auras pas à regretter leNightWorld, avec toutes leurs stupides restrictions –

interdit de tuer des humains, déconseillé de chasser trop souvent... Personne ne me ditcommentchasser,àmoi.

Mononcleabienessayé,maisjemesuisoccupédelui...Soudain,lacréature–cen’étaitplus,désormais,unepersonne–s’arrêtaetseretourna

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d’unbond.Mary-Lynnette vit ses babines redescendre, ses dents s’ouvrir, prêtes àmordre. Et, au

mêmemoment, elle comprit pourquoi. Ash était en train de bouger, S’asseyantmalgré sagorgeentaillée,regardantautourdeluid’unairtotalementhébété,ilaperçutMary-Lynnette,etsesyeuxsemblèrentsefixersurelle.

Puisilconsidéralachosequ’étaitdevenuJeremy.—Tu...nelatouchespas!s’étrangla-t-ild’unevoixqu’elleneluiavaitjamaisentendue.Une voix chargée d’une fureur mortelle. Elle le vit changer de position dans un

mouvementlesteetgracieux,puisramenersesmusclessousluipourbondir...Maisleloup-garoufutplusrapide.Sautantcommeunanimal,ilsaisitlebâtond’ifetle

précipitasurAsh.L’arme s’abattit sur sa tête, l’assommant d’un coup brutal. Puis elle tomba à terre,

rebondissantauloinsurletapisd’aiguillesdepin.Leloup-garoun’enavaitplusbesoin–voilàqu’ildécouvraitsesdents.Ilallaitarracher

lagorged’Ash,commeill’avaitfaitpourlecheval,pourlerandonneur...Mary-Lynnettes’élançaenavantcommeunebombe.NonpasversAsh.Àmainsnues,ellenepouvaitpasl’aider.Ellecourutverslavoitureet

sejetadanslenuagedefumée.Bonsang,c’estintenable!MonDieu,laissez-moijusteentrerlà-dedans...Elle sentait la chaleur sur ses joues, sur ses bras. Elle se rappela alors les exercice de

sécuritépratiquésà l’école,quandelleétaitenfant,et tombaàgenouxafinderamper làoùl’airétaitplusfrais.

C’estalorsqu’elleperçutlebruit,derrièreelle.Lebruitlepluslugubrequ’elleaitjamaisentendu–lehurlementd’unloup.

Ilsaitcequejefais.Combiendefoisilm’avuefairesautermonbouchond’essenceaveccecouteau...Ilvaessayerdem’empêcher...

Elle se jeta à l’aveuglette dans la fumée brûlante, et atteignit enfin la voiture. Desflammesoranges’échappaientsauvagementdumoteur,etlapoignéedelaportièreluibrûlalamainlorsqu’ellelatoucha.

Ellelasaisitquandmêmeets’yaccrocha.Ouvre-toi,ouvre-toi...Et la portière céda, laissant le passage à une bouffée d’air dévorant de chaleur. Si elle

avaitétéentièrementhumaine,ellen’aurait jamaispulesupporter.Maiselleavaitéchangéson sang avec quatre vampires endeux jours, et elle n’était plus totalementhumaine.Ellen’étaitplusMary-Lynnette...maisétait-ellecapabledetuer?

Lesflammesléchaientletableaudebord.Elletâtonnasurduvinylefumantetpassaunemainsouslesiègeduconducteur.Allez,oùes-tu?...Ses doigts rencontrèrent dumétal – le couteau. Le couteau d’argent orné d’unmotif

victorien, qu’elle avait emprunté chezMmeBurdock. Il était bouillant. Samain se refermadessusetellelesaisit...àl’instantoùquelquechoses’abattaitviolemmentsursatête.

D’instinct, elle se retournapour faire faceà cequi l’attaquait.Maisen faisantalorsungeste qu’elle devait amèrement regretter plus tard : elle pointa son couteau vers sonagresseur.Elleauraiteuletempsdel’envoyerenarrièreoudeledirigerverslesol.Et,sielleavaitétélaMary-Lynnetted’avant,elleauraitsansdouteagiainsi.

Maisilenfuttoutautrement.Lecouteauétaittournéversl’extérieur.Verslasilhouettequilamenaçait.Etlorsquecelle-ciluiatterritdessus,lapuissancedel’impactsepropageasur

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sonpoignetetluiremontajusqu’enhautdubras,luiinfligeantunedouleurfulgurante.Pourtant,sonlointaininconscient le luiassura: la lames’étaitenfoncéedroitentre les

côtesdumonstre...S’ensuivit la confusion la plus totale, Mary-Lynnette sentit des dents lui arracher les

cheveux avant de s’abattre sur son cou, tandis que des griffes lui lacéraient les bras et lesépaules.Lachosequi l’attaquaitétait lourde,velue,etn’avaitriend’unepersonnenimêmed’unedemi-personne.C’étaitunénormeloupquigrognaitsafureur.

Elle agrippait toujours le couteau,mais il lui était difficile de garder les doigts fermésdessus. Il bougeait en tous sens, lui tordant le poignet dans un angle impossible. Il étaitenfouidanslapoitrineduloup.

L’espaced’uninstant,alorsquelacréatures’arrachaitd’elle,Mary-Lynnetteputlavoir.Unanimal splendide.Élancéet racé,maisavecdesyeuxde fou. Ilutilisait sondernier

soufflepourtenterdelatuer.Tumehais tantque ça ? Je t’aipréféréAsh ; je t’aiblessé avec un objet en argent.Et

maintenant,tumeurs.Tudoistesentirtellementtrahi...Mary-Lynnettesemitàtremblerdetoussesmembres.Ellen’enpouvaitplus.Ellelâcha

lecouteau,sedébattit,repoussaleloupdesespiedsetdesesmains.Chancelante,setraînantsur le dos, elle parvint à s’écarter un peu. La silhouette dumonstre se dessinait à présentdevantunmurdefeu.Ellelevitalorsserassemblerpourundernierbonddanssadirection...

Unboumétouffésefitsoudainentendre.Derrièreelle,lavoitureentièreparutavoirunsursautd’agonie,puiscefutl’embrasementtotal.

Lajeunefilles’écrasasurlesol,àdemiaveuglée,maiselledevaitregarder.Alors, voilà à quoi ça ressemble, une voiture en flammes. Ce n’était pas l’énorme

explosionàlaquelleonavaitdroitdanslesfilms.Justeunesortede«pouf».Etpuislefeu,quigrandissaitetenvahissaittout.La chaleur la forçait à ramper le plus loin possible du carnage, mais elle ne pouvait

détacher les yeux de la scène. Des flammes rougeoyantes, voilà ce qui restait de son cherbreak.Desflammesquisurgissaientdetouslescoinsdusquelettedemétal.

Leloupnesortaitpasdubrasier.Mary-Lynnette finit par s’asseoir. Elle avait de la fumée plein la gorge, et, lorsqu’elle

tentad’appelerJeremy,ellen’émitqu’unsoufflerauque.Le loup n’émergeait toujours pas de la voiture en feu. Comment pouvait-il en être

autrement,avecuncouteaud’argentfichédanslapoitrine,etcefeuquilepiégeait?S’enveloppantdesesbras,Mary-Lynnetteregardalevéhiculebrûler.Ilm’auraittuée.Commetoutbonchasseur.Jedevaismedéfendre,jedevaissauverAsh.

Et les filles... il les aurait tuées aussi. Et il avait dû tuer d’autres gens aussi, comme lerandonneur... Il était fou et foncièrementmauvais, car il était prêt à fairen’importe quoipourobtenircequ’ilvoulait.

Ellel’avaitcomprisdèsledébut.Ellel’avaitvumaintesetmaintesfois,soussesairsde«gentilgarçon»,maiselles’entêtaitàsepersuaderqu’iln’yavaitrien.Elleauraitdûécoutersessentiments.

QuandelleavaitréaliséquelemystèredeJeremyLovettétaitrésoluetquel’histoireseterminaitmal...

Elletremblaitmaisrestaitincapabledepleurer.Lefeucontinuaitderugirsoussesyeux.Quelquesétincelless’échappaientdubrasieret

montaientversleciel.

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Jememoque de savoir si c’était justifié ou pas. Cen’était pas comme tuer dansmesrêves.Cen’étaitpasfacile,cen’étaitpasnaturel,etjen’oublieraijamaislafaçondontilmeregardait...

Puisellepensa:Ash...Elle était à cepointpétrifiéequ’elle l’avaitpresqueoublié.Alors, elle se retourna, trop

effrayée pour regarder vraiment. Puis, lentement, elle rampa vers l’endroit où il gisaittoujours.

Tantdesang...commentpouvait-ilêtreencoreenvie?Mais,s’ilétaitmort... si toutçan’avaitserviàrien.

Non,Ashrespirait.Etquandelleluitouchalevisage,cherchantunendroitdesapeauoùiln’yavaitpasdesang,ilremua.Puisilfitminedes’asseoir.

—Nebougepas,souffla-t-elle.Les vêtements de Jeremy se trouvaient par terre, non loin de lui. Mary-Lynnette

s’emparadutee-shirtetentamponnalanuqued’Ash.—Non,nebougepas...Iltentaunenouvellefoisdes’asseoir.—Net’inquiètepas;jevaisteprotéger.—Allonge-toi,insista-t-elle.Commeilrefusaitd’obtempérer,ellelepoussadoucementetluidit:—Iln’yarienàfaire.Ilestmort.Ils’effondradenouveau,fermalesyeuxpuisdemanda:—Jel’aitué?Mary-Lynnette émit un son qui ressemblait à un petit rire étouffé. Elle frissonnait de

soulagement ; Ash pouvait respirer et parler, et il semblait même retrouver ses airssuffisants. Jamais ellen’aurait imaginéàquelpoint ce traitde caractèrepouvait se révélerplaisantàsesyeux.

Et,sousletee-shirtenloques,ellevoyaitquesoncouguérissaitdéjà.Cequin’était,uninstantplustôt,quedesplaiessemuaitencicatricesplatesetroses.

Lapeaudevampireétaitincroyable.—Tunem’aspasrépondu,articula-t-il.—Non,tunel’aspastué.C’estmoiquil’aifait.Ses yeux s’écarquillèrent de surprise. Ils échangèrent alors un long regard, et Mary-

Lynnettecompritàcetinstantqu’ensembleilscomprenaientuntasdechoses.PuisAshdéclara,d’unevoixquineluiavaitjamaisparuaussidénuéedesuffisance:—Jesuisdésolé.Ilrepoussaletee-shirtmaculédesangets’assit.Quisejetasurl’autrelepremier?Mary-Lynnettenelesutpas,maisils’étreignirent.Et

ellesepritasongerauxchasseurs,audanger,auxriresetàlamort.A toutes les choses qui appartenaient réellement à la nuit. Et aussi au fait que jamais

pluselleneverraitlamêmepersonnelorsqu’elleseregarderaitdanslemiroir.—C’estfini,maintenant,murmuraAsh.Ellesentitsesbrasautourd’elle,sachaleur,sasolidité,laforcedesonappui.—Iln’yauraplusdetueries.Toutestfini.D’autreschosess’achevaientaussi.Lepremiersangloteutdumalàsortir.Tantdemalqu’ellecrutquelesuivantmettraitdu

tempsàvenir.

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Mais non, il n’y eut pas de pause entre celui-ci et le deuxième, ni entre tous ceux quisuivirent. Elle pleura longtemps. Et le feu se consuma de lui-même, tandis que quelquesétincelleséparsescontinuaientdemonterverslecieletqu’ellerestaitblottiecontrelecœurd’Ash.

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17

Enfait,ellen’arienracontéauxhumains,maiselleadéfiélesautoritésduNightWorld,déclaraAshd’unevoixparesseuse.

—Commentça?demandaQuinn,Encettefindelundiaprès-midi,àlafermeBurdock,lesoleiltentaitencoredes’immiscer

parlesstoresbaissésdusalon.Vêtud’unjeanaubleudélavé,d’untee-shirttoutneufdontlecolmontantetlesmancheslonguesdissimulaientlescicatricespresquedisparuesdesagorgeetdesesbras, lescheveuxsoigneusementcoifféssur l’escarrequ’ilportaitencoreà la tête,Ashjouaitlerôledesavie.

— Elle savait qu’un arrogant loup-garou traînait dans le coin, et elle n’en a parlé àpersonne.

—Ças’appelledelatrahison.Alors,qu’est-cequetuasfait?—Jel’aipoignardée.Quinnpartitd’unpuissantéclatderire.—Jeneblaguepas,luiassuraAshenfixantsurluid’innocentsyeuxbleus.Tuveuxvoir?Sanslequitterduregard,ilôtad’ungestesouplelacouverturedepatchworkvertetrose

quirecouvraitunballotposésurlecanapé.Quinnhaussadessourcilscurieux.IlconsidérauninstanttanteOpale,quel’onavaitsoigneusementnettoyéeafindenepas

montrerqu’elleavaitétéenterrée,etquiseretrouvaitdenouveauavecsonpiquetfichédanslapoitrine.

Il eut un léger mouvement de recul, et, pour la première fois peut-être, Ash le vitchanceler.

—Tuasvraimentfaitça...murmura-t-il.Savoixtrahissaitàlafoislechocetunrespectqu’iln’auraitjamaisavouédelui-même.Tusais,Quinn,songeaAsh,jenecroispasquetusoisaussicoriaceque tu leprétends.

Aprèstout,quoiquetufassespourressembleràunAncien,tun’asquedix-huitans.Et tuaurastoujoursdix-huitans;alorsquemoi,jeseraipeut-êtreplusâgé,dansunan.

—Bien...fitQuinnenclignantdesyeux,jedoisreconnaîtrequetuasfaitdubeauboulot.—Oui, j’aidécidéque lameilleure choseque j’avaisà faire, c’étaitdenettoyerunpeu.

Ellecommençaitàsemontrerenvahissante.LesyeuxsombresdeQuinns’agrandirentunefractiondeseconde.—Jedoisadmettre...Jenetevoyaispasaussiimpitoyable.—Ilfautbienfairecequ’onaàfaire.Pourl’honneurdelafamille,n’est-cepas?—Alors,dit-ilenseraclantlagorge,etceloup-garou?—Oh,jem’ensuisoccupéaussi.Ash alla alors ôter un autre patchwork, brun et blanc, pour dévoiler sa seconde

présentation.Le loup n’était plus qu’un corps carbonisé et contorsionné. Mary-Lynnette était

quasimentdevenuehystériquelorsqu’ilavaittenuàlesortirdelavoiture,etQuinnsesentitfrémirquandsesyeuxtombèrentdessus.

—Désolé,çasentunpeulecheveucramé.Jemesuismoi-mêmeunpeusaliàessayerdelegarderauchauddanslebrasier...

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—Tul’asbrûlévif?—Disonsquec’estunedesméthodespourtuerunloup-garou,oui.—Remets-moicettecouvertureenplace,s’ilteplaît.Ashs’exécutanonsansréprimerunsourire.— Alors, tu vois, j’ai veillé à tout. Pas d’implication humaine, aucune extermination

nécessaire.—Oui,trèsbien...fîtQuinndontlesyeuxrestaientrivéssurlepatchwork.Ashjugeaquec’étaitlebonmomentpourlâcher:—Etaufait,ilsetrouvequelesfillesavaientuneraisontoutàfaitlégitimedevenirici.Ellesvoulaientapprendreàchasser.Iln’yariend’illégalàça,jesuppose?—Quoi?Oh,non.IlregardaencoreunefoistanteOpalepuisrevintsurAshetdemanda:—Alors,ellesvontrentrer,maintenantqu’ellesontapprisàchasser?—C’est-à-direqu’ellesn’ontpastoutàfaitfinid’apprendre...Doncellesrestent.—Ellesrestent?—Exactement.Ecoute, je suis le chef de famille, sur laCôteOuest, non ?Donc je dis

qu’ellesrestent.—Ash...— Il était tempsd’installer une antenneduNightWorld dans cette région, tu ne crois

pas?Tuasvucequisepasse,sinon.Onseretrouveavecdesfamillesdeloups-garoushors-la-loiquisebaladentlibrement.

Etilfautquelqu’unicienpermanencepourtenirlefort.—Ash...onnevapaspayerdescréaturesdelanuitpourlesfairevenirjusqu’ici.Iln’ya

quedesanimauxpoursenourrir,etquedeshumainsavecquisocialiser...—Oui,c’estunsaleboulot, je lereconnais,mais il fautbienquequelqu’un le fasse.Et

puis,cen’estpastoiquiasditqueçan’avaitriendebondepassersavieentièreisolésuruneîle?

Quinnleregardauninstantpuislâcha:—Peut-être,maisjenevoispascequ’ilyademieuxici.—Çaarrangemessœurs,entoutcas.Peut-êtreque,dansquelquesannées,ellesauront

enviederetournerdansl’île.Ellespourrontalorspasserlamainàquelqu’und’autre.—Ash...personnenevoudravenirici.—D’accord,situledis.LabataillegagnéeetlastupéfactiondeQuinnindiquantqu’ilattendaitderetourneràLos

Angelesleplusvitepossible,Ashs’autorisaunsoupçondevérité:—Undecesjours,jeviendraivousrendrevisite.— Il a fait un travail splendide, reconnut Rowan, ce soir-là. On a tout entendu de la

cuisine.Tuauraisadoré.Mary-Lynnettesourit.— Quinn n’a qu’une envie, c’est de s’en aller d’ici, déclara Jade, une main dans les

cheveuxdeMark.—J’aimeraisjusteêtrelàquandtuexpliquerastoutçaàpapa,ditKestrelàsonfrère.—C’estdrôle,luirépondit-il,jepenseexactementlecontraire.Toussemirentàrire...saufMary-Lynnette.Lagrandecuisineétaitchaudeetlumineuse,

maislesfenêtress’assombrissaient.Ellenediscernaitriendansl’obscuritéquitombait;cesderniers jours, leseffetsdusà l’échangedesangs’étaientestompés,etelleretrouvaitpeuàpeulessensd’unhumainordinaire.

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—Tuessûrquetun’auraspasd’ennuis?demanda-t-elleàAsh.—Non.Jedirailavéritéàpapa–danssaplusgrandepartie.Qu’unloup-garouhors-la-

loiatuétanteOpale,etquejel’aituéàmontour.Etquelesfillessontmieuxici,àchassertranquillementetàsurveillerlarégionpours’assurerqu’iln’yapasd’autresvoyous.

IlexistecertainementdesarchivesconcernantlafamilleLovett;papapourradonctoutvérifiercommeill’entendra.

—Unefamilleentièredeloups-garoushors-la-loi...ditKestrel,amusée.—Deloups-garoustarés,précisaAsh.Ils étaient aussi dangereux pour le Night World que n’importe quel chasseur de

vampires.Dieusaitdepuiscombiendetempsilsétaientlà;assez,entoutcas,pourqueleurterritoireaitprislenomdeMadDogCreek...l’AnseduChienFou.

—EtpourquelesgenslesconfondentavecSasquatch,ajoutaMark.LeregardnoisettedeRowanparaissaittroublé.—Etc’étaitmafautesitunesavaispas,dit-elleàMary-Lynnette.Jet’avaisditqueçane

pouvaitpasêtreuntueur.Jesuisdésolée...—Rowan,ne culpabilisepaspour ça.Tunepouvaispas savoir. Il ne tuait paspour se

nourrir,commeunloup-garounormal.Il tuaitpourdéfendresonterritoire –etpournouseffrayer.

—Etçaa faillimarcher,commentaMark.Saufquevousn’aviezpasd’autreendroitoùaller.

— J’ai une question, déclara Ash en regardant Mark puis ses sœurs. Est-ce que leterritoireiciserasuffisantpourvous?

—Biensûr,répliquaRowan,nonsanssurprise,—Onn’apastoutletempsbesoindetuerdesanimauxpoursenourrir,enchaînaJade.Oncommenceàs’habituer;onpeutenprendreunpeuicietunpeulà.Hé,onpeutmêmeessayerlachèvre.—JepréféreraisessayerTiggy,observaKestreldontlesyeuxd’ambresemirentàluireun

instant.Mary-Lynnette ne le disait pas mais, parfois, elle se posait des questions sur cette

dernière.Aurait-elleunjourbesoind’unterritoireplusgrandpourelleseule?D’unecertainemanière,elleressemblaitbeaucoupàJeremy.

Belle,cruelle,résolue.Unevéritablecréaturedelanuit.—Ettoi,Mark?demandaAsh.—Moi?Euh…quandj’yréfléchis,monstylec’estplutôtleshamburgers...— J’ai essayé de l’emmener chasser, hier soir, expliqua Jade, Pour lui montrer,

seulement.Ehbien,ilavomi.—Non,jen’aipas...—Si,tuasvomi,Mark,insista-t-elleensouriant.Ilsedétourna,maisenprenantbiensoindegarderlamaindeJadedanslasienne.—Alorsj’enconclusquetunevaspasdevenirvampire,luiditAsh.—Hum...disonsque...pastoutdesuite,non.SetournantversMary-Lynnette,Ashenchaîna:—Etcôtéhumain,oùenest-on?Onafaitcequ’ilfallait?—Ehbien,jesaisexactementtoutcequisepasseenville,répondit-elle.J’aiparexemple

parléavecBunnyMarten,cematin,et,aupassage,jesuisbiencontentedesavoirquecen’estpasunvampire.

—Jelesavais,laissatomberMark.

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—Enfin,voiciunrapiderécitdesfaits,repritMary-Lynnette,unindex levé.Un,tout lemondesaitqueJeremyadisparu–sonpatronàlastation-servicenel’apasvuhier,etilestalléjeteruncoupd’œildanssacaravane.Ilyadécouverttoutuntasdechosesbizarres,maisçanel’apasrenseignésursadisparition.

—Trèsbien,ditRowan.Mary-Lynnettelevaunautredoigtetcontinua:—Deux,papaestdésolémaispassurprisquelebreakaitexplosé,Claudineleprédisait

depuisaumoinsunan.Unautredoigt.—Trois,M.Kimblenesaitabsolumentpascequiatuésoncheval,maismaintenant, il

pensequec’étaitunanimalplutôtqu’unepersonne.VieKimblecroitqu’ilpourraits’agirdeSasquatch.Entoutcas,luietToddsontmortsdetrouille,etilsn’ontqu’uneenvie:fichelecampdeBriarCreek.

Alorsobservonsunmomentdesilencepourmontreràquelpointilsvontnousmanquer,déclaraMarksuruntonsolennel.

—Quatre,continuaMary-Lynnette, les filles,vousallezdevoirannoncerà larondequevotretanten’estpasrentréedeses«vacances».Maisjepensequeçapeutattendreunpeu.Personnenevientparici,doncpersonneneremarquerasadisparition.Etjecroisqu’onpeutl’enterrerentoute tranquillité,etJeremyaussi.Etsiquelqu’un les trouve,qu’est-cequeçadonnera?Unemomiequial’aird’avoirmilleans,etunloup.Jamaisonneferalelienavecceuxquiontdisparu.

—PauvretanteOpale,ditJadeensouriant.Maisellenousabienaidées,non?Jevoisbienlerefletargentédetesyeuxquandonritdelamort,songeaMary-Lynnette

enlaregardant.Jadeaussiétaitbienunecréaturedelanuit.—Oui,c’estvrai.Jevaisénormémentlaregretter...—Alorsçayest,toutestréglé,déclaraKestrelsuruntonenjoué.—Ondirait,oui,réponditAshsansconviction.Quinn m’attend en bas de la route. Je lui ai dit qu’il ne nous faudrait que quelques

heurespourprendrenosdispositionsetsedireaurevoir.Unlourdsilences’installa,auboutduquelMary-Lynnettelâcha:—Jeteraccompagne.Tousdeuxsedirigèrentverslaported’entrée.Lorsqu’ils furent dehors, sous la faible lumière du crépuscule, Ash referma

soigneusementlebattantderrièreluietsouffla:—Tusaisquetupeuxencoreveniravecmoi.—AvectoietQuinn?—Non, je lui dirai de repartir.Ou alors je partirai avec lui et je reviendrai te chercher

demain.Ouencore,jereviensetjereste...— Non, tu dois d’abord aller raconter à ton père tout ce qui s’est passé, arranger les

chosesavecluipourquetessœurssoienttranquilles.Tulesais.—Oui.Etaprèsça,jereviendrai.Il prononça ces mots avec un léger tremblement dans la voix. Mary-Lynnette se

détourna. Le soleil était couché. À l’est, le ciel avait déjà pris une sombre teinte violette,presquenoire.Ellevitalorsuneétoilescintiller.Non,pasuneétoile...Jupiter.

—Jenesuispasencoreprête.J’aimeraisl’être,Ash.—Non,jenecroispasquetuaimerais,corrigea-t-il.Etilavaitraison.Ellelesavaitdepuisl’instantoùelles’étaitassiseauborddelaroute,

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en pleurs devant sa voiture qui brûlait. Et, bien qu’elle ait pensé et repensé à tout cela,allongéesursonlit,danssachambreobscure,rienn’avaitréussiàlafairechangerd’avis.

Elleneseraitjamaisunvampire.Ellen’étaittoutsimplementpasfaitepourcela.Ellenepouvaitpasfairecequelesvampiresdevaientfaire–etresterenmêmetempssained’esprit.Ellen’étaitpascommeJadeouKestrel,nimêmeRowanavecsespiedspâlesetnerveux,etsonamourinstinctifpourlachasse.

Elle avait plongé un regard au cœur du Night World... sans pouvoir s’y plonger elle-même.

— Je ne veux pas que tu deviennes comme ça, lui dit Ash. Je veux que tu restes toi-même.

Lesyeuxailleurs,ellerépliqua:—Maisonn’estplusdesenfants.OnnepeutpasêtreJadeetMark,secontenterderire

etdesetenirlamainsansjamaispenseràl’avenir.—Non,onestdesâmessœurs,c’est tout.Onestsimplementdestinésàêtreensemble

pourtoujours...—Siona l’éternitédevantnous, tupeuxalorsme laisserunpeude temps, reprit-elle.

Retourne là-bas, et promène-toi un peu. Observe le Night World et assure-toi de désirervraimentyrenoncer...

—Jelesaisdéjà.—Observeleshumainsetassure-toidevouloirvraimenttelieràl’und’eux.—Etjedoispeut-êtreréfléchiràtoutcequej’aiinfligéauxhumains,aussi?—Oui,fit-elleensetournantverslui.—D’accord,articula-t-ilavantderegarderauloinàsontour.Jel’admets,j’aibeaucoupde

chosesàréparer,àmefairepardonner.Mary-Lynnettelesavait.Ilavaitconsidéréleshumainscommedelavermine–etdelanourriture.Cequ’elleavaitvudanssonespritluisemblaitencorerepoussantaujourd’hui.—Amende-toi comme tu le pourras, lui dit-elle sans oser espérer qu’il en fût capable.

Prendsletempsdetecorriger,etdonne-moiletempsdeterminerdegrandir.Jesuisencoreaulycée,Ash.

—Dansunan,tuenserassortie.Jereviendrai,alors.—Ceserapeut-êtreencoretroptôt.—Jesais.Maisjereviendraiquandmême,sourit-il.Et,enattendantdeterevoir,jecombattrailesdragons,commeunchevalierpourobtenir

lesfaveursdesadame.Jeferaimespreuves.Tuserasfièredemoi.Mary-Lynnette avait la gorge si serrée que c’en était douloureux. Le sourire d’Ash

disparutdeseslèvres,etilscontinuèrentdeseregarderensilence.Le temps était venu de s’embrasser.Mais, au lieu de cela, ils restèrent à se dévisager

commedesenfantsblessés.Puis,l’und’euxs’avançaversl’autre,etilss’étreignirent.Mary-Lynnetteleserrafort,deplusenplusfort,levisageenfouiaucreuxdesonépaule.Ash,quisemblaitluiaussiperdrecontrôle,necessaitdeluiembrasserlanuqueensoufflant:

—J’aimeraistantêtreunhumain.J’aimeraistant...—Non,nesouhaitepasça,répliqua-t-elle,sérieusementdéstabiliséeparsesbaisers,—Si,jelevoudrais.J’adorerais...Maiscelanechangeraitrien,etMary-Lynnettesavaitqu’illesavait.Leproblèmen’était

pascequ’étaitAsh,maiscequ’ilavait fait –etcequ’ilallait faire. Ilavait tropvuducôtésombredelaviepourêtreunepersonnenormale.Sanatureétaitdéjàformée,etlajeunefille

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nesavaitpass’ilsauraitlacombattre.—Croisenmoi,luisouffla-t-ilcommes’ill’entendaitpenser.Incapablede luidireouiounon, elle fitdonc la seule chosequ’ellepouvait faire : elle

levalatête...etrencontraleslèvresd’Ash,quisemblaientattendrelessiennes.Elledécouvritque lesétincellesentreeuxn’étaientplusdouloureuses,etque labrume

rosequi l’enveloppait pouvait êtremerveilleuse.L’espaced’un instant, tout lui parutdoux,tièdeetétrangementpaisible.

Puis,derrièreeux,quelqu’unfrappaàlaporte,del’intérieur.Mary-Lynnette et Ash sursautèrent et s’écartèrent l’un de l’autre. Ils se regardèrent,

surpris,encoresouslecoupdel’émotion,etlajeunefilleserappelaalorsoùellesetrouvait.Ellesemitàrire,aussitôtimitéeparAsh.

—Sortez,lancèrent-ilssimultanément.Mark et Jade apparurent sur le seuil et sortirent, suivis parRowan etKestrel. Tous se

tenaientàprésentsousleporche–enévitantsoigneusementletroudanslamarchedebois.Lesourireentenduqu’ilsluienvoyèrentfitrougirMary-Lynnette.

—Aurevoir,dit-ellealorsàAsh.Illacontemplaunlonginstant,puissetournalentementverslarouteets’éloigna.Mary-Lynnetteleregardapartir,lesyeuxpleinsdelarmes.Elleneparvenaittoujourspas

àcroireenlui.Maisiln’yavaitaucundangeràespérer.Asouhaiterquelquechose.Mêmesibeaucoup

desouhaitsneseréalisaientjamais...—Regardez!s’exclamasoudainJade.Enl’apercevant,Mary-Lynnettesentitsoncœurbondir.Un éclair de lumière traversait le ciel sombre, au nord-est. Non pas une simple petite

étoile filante,mais un lumineuxmétéore vert, suivi d’une étincelant traînée poudreuse. Ilétaitjusteau-dessusducheminqu’empruntaitAsh,commepourluiéclairerlaroute.

UnePerséidetardive... songeaMary-Lynnette.Ledernierdesmétéoresd’été.Unesortedegrâce,luisembla-t-il.

—Vite,vite,faisunvœu,ditMarkàJade.Unsouhaitquetuvoudraisvoirseréaliser,Mary-Lynnettecontemplalevisageréjouidesonfrère,sonregardbrillantd’excitation.A

sescôtés,Jadefrappaitdesmainscommeuneenfant,sesyeuxvertsarrondisdeplaisir.Je suis tellement heureusepour toi et elle. Le vœuque j’ai fait pour vous s’est réalisé.

Alors,maintenant,jepeuxpeut-êtreenfaireun.Jevoudrais...jevoudrais...Loindevantelle,Ashseretournaetluisourit.—Dansunan!luilança-t-il.Quandj’auraianéantiledragon!Ildescenditleresteducheminmenantàlaroute.Pendantunmoment,danslalumièrevioletteducrépuscule,Mary-Lynnettelevitcomme

unchevalierse lançantdansunequête.Unchevaliererrant,avecune lumineusechevelureblonde,sansarmes,partantàlarencontred’unenaturesauvageetdangereuse.Puisilrepritsamarche,enluifaisantundernierpetitsigne,cequilaramenabrutalementàlaréalité.

DerrièreMary-Lynnette, tout lemonde criait au revoir. Son frère et ses trois sœursdesang,tousirradiantdechaleur,encourageantceluiquipartait.

LajoyeuseJade.LaféroceKestrel.LadouceetsageRowan.EtpuisMark,lesolitairequinel’étaitplus.

Tiggy,lui,ronronnaitensefrottantauxjambesdesamaîtresse.—Mêmeséparés,onregarderalemêmeciel!criaAsh,deloin.

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—Quellebelleréplique!luilançaMary-Lynnette.Maisilavaitraison.Lecielseraitlàpoureuxdeux.Etellesauraitqu’Ashserait toujours là,quelquepart,à lecontempleravecadmiration.

Ensachantcombienc’étaitimportant.Etellesavaitenfinquielleétait.ElleétaitMary-Lynnette,qui,unjour,découvriraitune

supernova, ouune comète, ouun trounoir.Mais elle le ferait en tantqu’humaine.EtAshreviendraitl’annéeprochaine.

Etelleaimeraittoujourslanuit.