itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

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Nicolas Bayol 1 Jean-Michel Borie 2 1 Forêt ressources management (Frm) Espace Fréjorgues-Ouest 60, rue Henri Fabre 34130 Mauguio France 2 Secrétariat de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France au Gabon Coopération française BP 2105, Libreville Gabon Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de production en Afrique centrale BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2004, N° 281 (3) 35 ITINÉRAIRES TECHNIQUES BASSIN DU CONGO Piste forestière fraîchement ouverte. Dimako, Cameroun. A newly opened logging road. Dimako, Cameroon. Photo Jean-Michel Borie. Reconstituer les forêts après l’exploitation implique de préciser un minimum souhaitable du point de vue quantitatif, en termes d’effectifs sur le long terme, et qualitatif, pour conserver la biodiversité. En s’appuyant sur l’expertise pratiquée en bureau d’études, les auteurs livrent leurs méthodes pour dresser et mettre en œuvre des plans d’aménagement, en matière d’inventaires et d’études d’accompagnement.

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Page 1: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Nicolas Bayol1

Jean-Michel Borie2

1 Forêt ressources management (Frm) Espace Fréjorgues-Ouest60, rue Henri Fabre34130 MauguioFrance

2 Secrétariat de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France au GabonCoopération française BP 2105, Libreville Gabon

Itinéraires techniquesd’aménagement

des forêts de production en Afrique centrale

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 ) 35ITINÉRAIRES TECHNIQUES

BASSIN DU CONGO

Piste forestière fraîchement ouverte. Dimako, Cameroun. A newly opened logging road. Dimako, Cameroon. Photo Jean-Michel Borie.

Reconstituer lesforêts après l’exploitationimplique de préciser unminimum souhaitable du pointde vue quantitatif, en termesd’effectifs sur le long terme, et qualitatif, pour conserver labiodiversité. En s’appuyant surl’expertise pratiquée en bureaud’études, les auteurs livrentleurs méthodes pour dresser et mettre en œuvre des plansd’aménagement, en matièred’inventaires et d’étudesd’accompagnement.

Page 2: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

RÉSUMÉ

ITINÉRAIRES TECHNIQUES

D’AMÉNAGEMENT DES FORÊTS

DE PRODUCTION EN AFRIQUE

CENTRALE

Les méthodes de l’aménagement,telles qu’elles sont proposées et misesen œuvre actuellement sur les massifsaménagés des forêts d’Afrique cen-trale, ont été construites simultané-ment avec les règles normatives deslois forestières des pays concernés.Elles ont même souvent précédé lapromulgation de ces lois. Les itiné-raires techniques ont pris modèle surles schémas élaborés dans le cadredes grands projets d’aménagement dela dernière décennie en Républiquecentrafricaine (Ngotto, SanghaMbaéré) et au Cameroun (Api Dimako,Forêts et terroirs). Les aménagistesforestiers, qui mettent leur expertiseau service des sociétés d’exploitation,améliorent progressivement cesméthodes et itinéraires techniquesdans la conception et la mise en œuvredes plans d’aménagement, en particu-lier au Gabon sur les concessions deCeb-Thanry, Rougier Gabon, LeroyGabon, Ifk… Cet article s’appuie large-ment sur l’expertise du bureaud’études Forêt ressources manage-ment en matière d’aménagementforestier. Il traite de la question desdonnées utiles et nécessaires à l’éla-boration des plans d’aménagement,de la limite de validité des résultatsd’inventaire statistiques et de leurinterprétation. Il détaille les para-mètres qui entrent dans la résolutionde la question centrale de la reconsti-tution des forêts après exploitation,qu’elles soient primaires ou secon-daires. Le débat actuel porte sur leniveau de reconstitution minimal sou-haitable en fin de rotation, non seule-ment en quantité, pour retrouver lemême effectif sur le long terme, maisaussi en qualité pour conserver la bio-diversité.

Mots-clés : aménagement, inven-taire, reconstitution, itinéraire tech-nique, durabilité, Gabon, Cameroun.

ABSTRACT

TECHNICAL MANAGEMENT

SCHEMES FOR PRODUCTION

FORESTS IN CENTRAL AFRICA

Management methods like those cur-rently proposed and implemented inCentral Africa’s logging areas weredeveloped at the same time as thenormative regulations issued underthe forest laws of the countries con-cerned, and even before the promul-gation of those laws in some cases.These technical schemes were mod-elled on the plans drawn up in the1990s for major development projectsin the Central African Republic(Ngotto, Sangha Mbaéré) and inCameroon (Api Dimako, Forêts et ter-

roirs). Forest planning specialists,who supply their expertise to loggingcompanies, are gradually improvingtheir technical schemes and methodsin terms of the design and implemen-tation of management plans, particu-larly in Gabon on concessions held byCeb-Thanry, Rougier Gabon, LeroyGabon, IFK, and others. This articledraws substantially on the expertiseof the Forêt Ressources Management

consultancy to address questionsconcerning the data that are mostuseful and necessary in drawing upmanagement plans and specifyinglimits of the validity of statisticalinventories and their interpretation.The article details the parameters tobe considered in resolving the crucialquestion of primary and secondaryforest regeneration after logging. Thecurrent debate focuses on the mini-mum level of regeneration thatshould be achieved by the end of arotation, not only to ensure that thesame volumes remain over the longterm, but also in qualitative terms ofbiodiversity conservation.

Keywords: management, inventory,regeneration, technical scheme, sus-tainability, Gabon, Cameroon.

RESUMEN

ITINERARIOS TÉCNICOS PARA

ORDENACIÓN DE LOS BOSQUES DE

PRODUCCIÓN EN ÁFRICA CENTRAL

Los métodos de ordenación, tal y comose plantean y aplican actualmente enlas formaciones ordenadas de los bos-ques de África Central, se elaboraronsimultáneamente con las reglas nor-mativas de las leyes forestales de lospaíses en cuestión y, a menudo,incluso han antecedido la promulga-ción de estas leyes. Los itinerarios téc-nicos se basaron en los esquemas ela-borados dentro del marco de losgrandes proyectos de ordenación de laúltima década en la RepúblicaCentroafricana (Ngotto, SanghaMbaéré) y en Camerún (API Dimako,Forêts et terroirs). Los planificadoresforestales, que ponen sus conocimien-tos al servicio de las compañías deexplotación, optimizan progresiva-mente estos métodos e itinerarios téc-nicos en la concepción y aplicación delos planes de ordenación, particular-mente en Gabón, en las concesionesde Ceb-Thanry, Rougier Gabon, LeroyGabon, Ifk... Este artículo está amplia-mente basado en los conocimientos dela oficina de proyectos Forêt Ressour-ces Management en materia de orde-nación forestal. Aborda la cuestión delos datos útiles y necesarios para laelaboración de los planes de ordena-ción, del límite de validez de los resul-tados de inventarios estadísticos y desu interpretación. Especifica los pará-metros que entran en la resolución dela cuestión central de la reconstituciónde los bosques, primarios o secunda-rios, tras su explotación. El debateactual trata del nivel de reconstituciónmínimo deseable al final de la rotación,no sólo en cantidad, para disponer delmismo volumen a largo plazo, sinotambién en calidad para conservar labiodiversidad.

Palabras clave: ordenación, inventa-rio, reconstitución, itinerario técnico,sostenibilidad, Gabón, Camerún

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TECHNICAL SCHEMESTHE CONGO BASIN

Nicolas Bayol, Jean-Michel Borie

Page 3: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Introduction

Depuis quelques années, la ges-tion durable des forêts denses etl’aménagement forestier connaissentun développement sans précédent enAfrique centrale. Des itinéraires tech-niques modernes ont vu le jour et ontété validés sur des centaines de mil-liers d’hectares.

Pourquoi faire un point surl’aménagement forestier, alors quedes forêts ont été aménagées enAfrique centrale depuis les années1970 ? Force est de constater que deséléments nouveaux ont modifié ladonne initiale :▪ désormais, comme le prouvent lespremiers exemples au Gabon, il existeun effort partagé de mise en œuvreeffective des plans d’aménagement ;▪ de nouvelles techniques permettentd’aller plus loin en matière de carto-graphie, de gestion de l’information,de modélisation des dynamiques,d’amélioration des techniques de ter-rain… ;▪ la gestion forestière ne concerneplus uniquement la production debois et les aménagistes ont élargileurs compétences.

La préparation du plan d’amé-nagement exige une connaissanceapprofondie de la forêt à aménager et

de l’ensemble des conditions suscep-tibles d’influer sur son évolution. Lesmoyens généralement consentis pourla rédaction du plan (2 500 à 3 500Fcfa par hectare, soit 3,8 à 5,3 eurospar hectare) et les délais (2 à 3 ans)conduisent l’aménagiste à cibler sestravaux, pour recueillir les informa-tions réellement utiles.

Cet article propose, en premierlieu, une méthode d’aménagementdes séries de production et en tireensuite les conséquences sur lesdonnées à récolter.

Nous avons pris volontairementle parti de ne traiter que des aspectstechniques concernant le volet pro-duction forestière. Il ne s’agit pas denier l’importance des aspects socio-environnementaux, abordés parailleurs dans cette revue, mais dedévelopper au mieux le sujet du pré-sent article.

Nous nous sommes inspirés destravaux du projet Api Dimako et duprojet Forêts et terroirs, ainsi que destravaux d’aménagement entrepris cesdernières années sur les grandesconcessions en Afrique centrale, enparticulier par le bureau d’étudesForêt Ressources Management.

Comment s’assurerde la durabilité

de la forêt et de ses fonctions ?

C’est la question fondamentaleque se pose tout aménagiste. Mais,dans un écosystème si complexe et siimparfaitement connu, comment êtresûr que les prescriptions du pland’aménagement assurent bien cettedurabilité des fonctions écologiques,économiques et sociales de la forêt ?

Les modèles de reconstitution

Apportant une premièreréponse, les projets Api Dimako etForêts et terroirs développent, dansles années 1990, des indicateursd’évaluation de la pérennité desessences : les indices de reconstitu-tion (Durrieu de Madron et al.,1998).

Ils évaluent le renouvellementde l’ensemble du peuplement ou despopulations d’une essence donnéeaprès exploitation (pour la formule decalcul des indices, voir l’encadré 2 del’article de Fargeot et al. dans cenuméro). Ainsi, si l’indicateur obtenu– en volume – est de 50 %, on retrou-

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 ) 37BASSIN DU CONGOITINÉRAIRES TECHNIQUES

Le projet Forêts et terroirs de Dimako, au Cameroun. The Forêts et terroirs (forests and local area development)project in Dimako, Cameroon. Photo projet Forêts et terroirs.

Le projet Forêts et terroirs reçoit la promotion2000-2001 du Cresa forêt-bois, de Yaoundé(Cameroun), pour une formation en aménagement. The Forêts et terroirs project welcoming the 2000-2001 crop of Cresa forêt-bois trainees from Yaoundé(Cameroon), for a course in forest management. Photo projet Forêts et terroirs.

Page 4: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

vera en deuxième rotation la moitiédu volume exploité en première rota-tion, en conservant les mêmes cri-tères d’exploitabilité (essences, qua-lités et dimensions des produits).

Dans tous les cas, les calculs sefondent sur trois paramètres essen-tiels de dynamique : l’accroissementannuel du diamètre, la mortaliténaturelle annuelle et les dégâts d’ex-ploitation.

Le modèle initial de l’Api Dimakoconsidère que ces paramètres sontconstants pour une essence donnée,alors que les études montrent qu’ilssont variables :▪ avec le temps ;▪ en fonction des classes de diamètre ;▪ en fonction du statut « social » desindividus, les dominés poussantmoins vite (Delegue et al., 1998) ;▪ dans l’espace, les jeunes forêtsissues d’une recolonisation récentede savanes ou les forêts à maranta-cées étant plus dynamiques que lesforêts matures (White, 1995).

Pour tenir compte de cette varia-bilité, des modèles plus complexessont envisageables, comme lesmodèles matriciels (Bayol, Chezeaux,2001).

Dans le modèle développé auCameroun (1999) par le ministère desEaux et Forêts avec l’aide de la coopé-ration canadienne, à travers le logi-ciel « Tiama » (Traitement des inven-taires appliqué à la modélisation desaménagements), l’exploitant choisitun minimum de 20 essences objectifsqui doivent représenter au moins lestrois quarts du volume brut total desessences principales. L’indice estalors calculé sur le volume total deces essences.

Ce modèle, qui cherche à recons-tituer 100 % du volume global dugroupe d’essences objectifs, intègreun artifice consistant à ne pas prendreen compte, dans le calcul, les plusgros diamètres (supérieurs ou égauxau diamètre minimal d’exploitabilitéadministratif + 4 classes), en considé-rant qu’ils sont issus de forêts pri-maires séculaires et qu’ils ne pourrontpas être reconstitués dans un proces-sus de rendement soutenu. En outre,ce « bonus » sur les gros diamètrescompense le « poids » excessif qu’ilsreprésentent en volume par rapport àun calcul basé sur les effectifs – il fauten effet trois arbres de 80 cm de dia-mètre pour atteindre le volume d’unarbre de 140 cm.

Comment utiliser cesmodèles de reconstitution ?

La durabilité ne peut être éva-luée qu’à l’échelle de la concessionpar le plan d’aménagement. Ce n’estque lors de la planification annuelledes travaux sur les assiettesannuelles de coupe qu’il sera pos-sible d’intervenir localement àl’échelle du peuplement.

L’option du calcul de

la reconstitution des peuplements

essence par essence et ses limites

Il faut d’abord admettre une évi-dence : le but recherché par les amé-nagistes n’est pas de recréer aprèsexploitation une forêt identique àl’originale. Il est inévitable qu’uneforêt exploitée n’ait pas les mêmescaractéristiques qu’une forêt vierge.D’autre part, les forêts densesd’Afrique centrale ne sont pas, pourune très grande partie, à leur stadeclimacique, comme en témoignel’abondance fréquente d’essencespionnières incapables de se régéné-rer en milieu forestier.

Quand on étudie l’indice dereconstitution essence par essence,on est confronté au problème de lamauvaise reconstitution de certainesd’entre elles, l’okoumé par exempledans les forêts matures du centre duGabon.

De fait, l’okoumé semble dispa-raître progressivement sur unegrande partie du territoire gabonais,en particulier sur la limite nord-est deson aire de répartition (figure 1) : onn’y rencontre que de gros sujets âgés,et l’essence ne semble pas se régéné-rer depuis des décennies. Dans cesconditions, fixer un seuil minimal dereconstitution à atteindre pour cetteessence prise isolément reviendrait àen interdire l’exploitation sur unegrande partie du territoire national.Une telle mesure ne changerait pro-bablement rien au fait que l’okoumérégresse dans ces régions.

Bien sûr, il serait envisageabled’œuvrer pour une meilleure régéné-ration naturelle. Mais ces mesuresseraient coûteuses et risqueraient,

38 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 )

TECHNICAL SCHEMESTHE CONGO BASIN

Prospection en forêt. Le nombre d’encoches sur le piquet, qui sert de repère à l’abatteur, correspond au nombre de pieds exploitables. Cameroun. Timber prospecting. The number of notches on the stake, which provides amarker for loggers, shows the number of stems marked for felling. Cameroon. Photo Alexandra Pasquier.

Page 5: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Exemple 1 : jeune forêt.Recolonisation forestière datant de 20 à 50 ans.

Exemple 2 : recolonisation récente de savane.A l'ouest des plateaux Batéké et en forêt littorale.

Exemple 3 : forêt adulte.Structure dominante au Gabon, en liaison avec l'abandon des cultures itinérantes.

Exemple 4 : très vieille forêt secondaire.Forêt en évolution vers une forêt primaire climacique.

Accroissement de 6 mm/an pour toutes les classes Taux compris entre 50 et 70 %Mortalité de 1 %/an pour toutes les classes Taux compris entre 70 et 100 %Dégâts d'exploitation de 10 % Taux supérieur à 100 %

Eff

ectif

s (n

/ha)

Eff

ectif

s (n

/ha)

Eff

ectif

s (n

/ha)

Eff

ectif

s (n

/ha)

Classes de diamètre

Classes de diamètre

Classes de diamètre

Classes de diamètre

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

0,4

0,45

0

0

0

0,5

1

1,5

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2

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6

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0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

0,4

0,45

0,5

Rotation (ans)Dme(cm) 15 20 25 30 35 40

60 7 9 10 12 13 1570 10 12 14 15 17 1880 11 14 17 20 21 2390 22 27 30 33 35 37

100 39 49 57 64 69 72

Taux de reconstitution

Rotation (ans)Dme(cm) 15 20 25 30 35 40

60 22 27 31 34 37 4170 37 46 54 61 66 7080 55 72 89 103 116 12690 69 96 125 150 175 200

100 70 103 139 172 209 256

Taux de reconstitution

Rotation (ans)Dme(cm) 15 20 25 30 35 40

60 23 28 31 34 38 4170 34 43 51 58 64 6780 50 65 79 92 103 11390 70 95 120 143 164 186

100 72 106 144 178 213 255

Taux de reconstitution

Rotation (ans)Dme(cm) 15 20 25 30 35 40

60 42 54 64 74 85 9970 65 86 106 124 140 15680 92 128 167 202 237 27390 99 151 211 264 324 403

100 104 163 229 289 370 496

Taux de reconstitution

Figure 1. Structures des populations d’okoumés dans divers types de forêts et leur reconstitution. Dme : diamètre minimal d’exploitabilité.Okoumé population structures and regeneration in different types of forests. MFD: minimum felling diameter.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 ) 39BASSIN DU CONGOITINÉRAIRES TECHNIQUES

Page 6: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

par ailleurs, d’avoir un impact négatifsur ce type d’écosystèmes, en contre-carrant l’évolution naturelle vers uneforêt climacique (probablement forêtà césalpiniacées, dans ce cas). Pourassurer la pérennité de l’okoumé, ilest préférable d’agir sur les jeunespeuplements dynamiques, sur les-quels des rotations courtes sont pos-sibles et des interventions sylvicolespeuvent devenir rentables.

Quant aux vieilles forêts àokoumé, elles ne peuvent être valori-sées que par une diversification de laproduction vers les essences scia-philes, mieux adaptées aux condi-tions actuelles du milieu.

À propos de la précision des esti-mations, il est certain que, en deçàd’un nombre minimal de mesures desindividus d’une essence, l’indice dereconstitution n’est plus fiable et qu’onne peut rien conclure de l’évolution decette reconstitution selon le diamètred’exploitation appliqué. Pour cesessences trop faiblement représen-tées, une structure chaotique est liée àla rareté dans la zone considérée. Ilfaut alors se demander si cette essencen’est pas à mettre en protection. C’estce qu’a proposé le projet Forêts et ter-roirs (encadré 1) en fixant un seuil dedensité minimal pour le choix desessences objectifs.

À titre d’exemple, la distributiondes effectifs très faibles de deuxessences dans une unité forestièred’aménagement (Ufa) de 200 000 ha(Cameroun, Ufa 10 038) est présentéedans la figure 2. Les effectifs exploi-tables y sont représentés en hachuré.L’exploitation de ces espèces entraîne-rait probablement leur disparition del’Ufa, par manque de semenciers ou detiges d’avenir. Dans le meilleur des cas,il resterait, après exploitation, moinsd’une tige par kilomètre carré.

L’option du calcul de

la reconstitution des peuplements

pour un groupe d’essences

Dans ce cas, l’indice de reconsti-tution (IR) se calcule comme lamoyenne des indices de reconstitu-tion par essence, pondérés par ladensité de chaque essence :

IR = (∑i IRi x Noi) / ∑i Noi,

IRi étant l’indice de reconstitu-tion de chaque essence et Noi l’effec-tif des différentes essences.

Dans ce cas, il est évident quel’erreur avec laquelle est connu l’in-dice de reconstitution est plus faible.De plus, si les essences ont été choi-sies judicieusement, cet indice

mesure réellement la durabilité éco-nomique, car il évalue le potentielexploitable en deuxième rotation.

Ces indicateurs mesurent donc,finalement, plus le niveau de la durabi-lité économique que celui de la durabi-lité écologique. Ils sont des guidespour l’aménagiste, mais c’est bien laconnaissance d’ensemble de l’écosys-tème qui doit orienter ses choix.

40 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 )

TECHNICAL SCHEMESTHE CONGO BASIN

Encadré 1.

Le choix des essences objectifs.

Les comparaisons faites sur les différentes approches développées auCameroun ont amené le projet Forêts et terroirs à proposer à l’administrationun guide qui fixe des critères pour le choix des essences à retenir dans lesaménagements. Ce guide cherche à préserver la diversité des essences dansles forêts de production en proposant des mesures spéciales pour lesessences devenues rarissimes sur un massif, en particulier les essences ditesprécieuses et donc systématiquement prélevées.En effet, à partir de l’analyse des inventaires réalisés par le projet Api Dimakoen 1994 (79 essences inventoriées), l’équipe du projet Forêts et terroirs aconstaté que certaines essences traditionnellement recherchées par les exploi-tants étaient très peu représentées dans les Ufa inventoriées, avec des densitésbien inférieures aux densités moyennes connues (Vivien, Faure, 1985).

Des espèces recherchées mais rares

Sur les 298 000 ha inventoriés dans le bloc nord – forêts déjà exploitées dansleur majorité –, l’analyse des densités montrait que 23 essences avaient desdensités d’effectifs inférieures à 10 tiges/km2, tous diamètres (> 20 cm) confon-dus, et pouvaient être considérées comme rares. Parmi celles-là, 15 essencesavaient des densités d’effectifs inférieures à 5 tiges/km2, tous diamètres(> 20 cm) confondus. C’est dans cette liste d’essences considérées comme trèsrares qu’on trouve la plupart des bois rouges exploités traditionnellement.Pour certaines de ces essences, la rareté s’explique en effet par leur situationen limite d’aire de répartition et il se peut qu’en définitive, quelles que soientles règles de conservation ou d’exploitation adoptées, ces espèces disparais-sent à court ou moyen terme de la zone considérée. Pour d’autres, et en parti-culier les acajous, le sipo, le tiama et l’iroko, l’hypothèse d’une « surexploita-tion » passée a été soulevée.

Recommandations du projet Forêts et terroirs

Des recommandations du projet Forêts et terroirs ont été développées aucours de l’atelier de restitution des travaux du projet (Yaoundé, juin 2000).Elles proposaient que l’administration forestière fixe un cadre restrictif pour lechoix des essences retenues à l’aménagement. Nous reprenons une partie deces recommandations en insistant sur le fait que le plan d’aménagement doitnotamment :▪ fixer un seuil de densité minimal d’arbres au kilomètre carré, en dessousduquel l’exploitation de l’essence considérée est interdite pour la durée del’aménagement ; ce seuil pourrait être de 5 tiges/km2 ;▪ faire en sorte que toute essence exploitée doive être aménagée, c’est-à-direqu’elle fasse l’objet d’un calcul de reconstitution après exploitation, pour uneéventuelle remontée de son diamètre minimal d’exploitabilité.

Page 7: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Le choix de la rotation

Les choix de la durée de rotationet des diamètres minimaux d’exploi-tabilité (Dme) sont étroitement liés etse font parallèlement. Ainsi, l’aug-mentation de la durée de la rotationpermet de réduire les Dme de cer-taines essences. L’équilibre esttrouvé progressivement, en testantsuccessivement plusieurs scénarios.

En respectant ces principes, ladurée de rotation est laissée au choixde l’exploitant, à condition qu’elle nedescende pas en dessous d’un mini-mum imposé par la réglementationen vigueur (20 à 30 ans).

Rotation et indices de reconstitution

Des simulations ont été réali-sées pour calculer les indices dereconstitution, en fonction de l’allon-gement de la rotation, d’une part, etde la remontée des Dme, d’autre part.

À partir des résultats d’inven-taires réalisés dans la région deDimako, l’équipe du projet Forêts etterroirs a simulé la reconstitution deplusieurs essences en faisant variersoit la durée de rotation, soit les dia-mètres d’exploitabilité (Borie, 2000).Les changements de Dme modifientsensiblement les pourcentages dereconstitution, alors que l’augmenta-tion de la durée de rotation n’aqu’une influence limitée. La figure 3montre les indices de reconstitutionpour le fraké et le dibétou, dans l’Ufa10 046, pour des rotations allant de25 à 50 ans et des remontées de Dmede trois ou quatre classes (de 10 cm

d’amplitude) de diamètre. Pour uneexploitation au Dme administratif deces deux essences, même une aug-mentation à 50 ans de la rotation nepermet pas une reconstitution com-plète.

Pour l’utilisation des indices dereconstitution, nous recommandons ladémarche schématisée par la figure 4.Elle allie une utilisation intelligentedes indices de reconstitution paressence et par groupe d’essences.

0,00

0,10

0,20

0,30

0,40

0,50

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14Classes de diamètre

Effe

ctifs

(n/k

m2 )

Effe

ctifs

(n/k

m2 )

Sipo

0,00

0,10

0,20

0,30

0,40

0,50

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14Classes de diamètre

Iroko

Frake

0

50

100

150

200

250

25 30 35 40 45 50Rotation (ans)

Ind

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0

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100

150

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25 30 35 40 45 50Rotation (ans)

Dme 100

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Dme 80 (administratifs)

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 ) 41BASSIN DU CONGOITINÉRAIRES TECHNIQUES

Figure 2. Histogrammes des effectifs de deux essences rares : sipo et iroko. Unité forestière d’aménagement 10 038, Cameroun.Histograms showing numbers of two rare species: sipo and iroko. Forest Management Unit 10 038, Cameroon.

Figure 3. Évolution de l’indice de reconstitution (%) du fraké et du dibétou, selon le diamètre minimal d’exploitabilité (Dme, en cm) en fonction de la durée de rotation (ans). Unité forestière d’aménagement 10 046, Cameroun.Variation in the regeneration index (%) for fraké and dibetou, according to minimum felling diameter (MFD, in cm) and length of rotation (years). Forest Management Unit 10 046, Cameroon.

Page 8: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Quel seuil minimal de reconstitution fixer ?

Les éléments qui guident laréflexion sur le seuil minimal dereconstitution à fixer sont de deuxordres :▪ on ne cherche pas à conserver ou àreconstituer les très vieux (ou trèsgros) arbres des forêts primairesdans les forêts à vocation de produc-tion ;▪ l’exploitation devrait à l’avenir êtremoins sélective en qualité comme en

nombre d’espèces prélevées ; les coefficients de prélèvement devraients’améliorer au cours des années etdécennies à venir.

Principalement pour ces deuxraisons et compte tenu des incerti-tudes sur les paramètres entrantdans le calcul, un indice de reconsti-tution de 100 % n’est – pour l’instant– jamais imposé par les législationsnationales et, quand elles existent,les normes en vigueur exigent entre50 et 75 % de reconstitution.

Pour les rotations suivantes, lesexigences devraient tendre progressi-vement vers une reconstitution de100 %, de manière à soutenir le ren-dement forestier.

Une question qui divise encore lesaménagistes est de savoir s’il est néces-saire et souhaitable d’imposer un indicede reconstitution minimal à atteindrepour chaque essence. Le cas del’okoumé, au Gabon, montre bien quefixer un indice unique pour l’ensembledu pays n’est pas forcément pertinent.

Dmea – 10 cm

Dmea Dmea+ 10 cm

Dmea – 10 cm

Dmea Dmea+ 10 cm

Essence 1 Essence 1

Essence 2 Essence 2

Essence 3 Essence 3

Essence 4 Essence 4

Taux de reconstitution par essence

Taux de reconstitution du groupe

Choix des essences objectifs

Essences fortement représentées, erreur relative < 20 % sur les effectifs (au seuil de 0,95)

Essences faiblement représentées, erreur relative ≥ 20 % sur les effectifs (au seuil de 0,95)

Calcul individuel des taux de reconstitution

Calcul des taux de reconstitution pour l'ensemble du groupe

Choix initial de la durée de rotation

Calcul individuel des taux de reconstitution

Calcul du taux de reconstitution pour l'ensemble du groupe

Modification des Dme apportant le gain maximal sur le taux par essence et pour le groupe

Dépassement du seuil minimal de 70 % pour l'ensemble du groupe

Validation de la durée de rotation et des Dme

Utilisation des Dme « administratifs » (Dmea)

Variation des Dme d'une classe, essence par essence

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TECHNICAL SCHEMESTHE CONGO BASIN

Figure 4. Schéma de la méthode proposée pour fixer les paramètres d’aménagement. Dme : diamètre minimal d’exploitabilité ; Dmea : diamètre minimal d’exploitabilité administratif.Diagram of the proposed method for establishing management parameters. MFD = minimum felling diameter; AMFD = administrative minimum felling diameter.

Page 9: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Les découpages enunités de gestionet d’exploitation

Les sér ies

Le premier travail de décision del’aménagiste consiste à faire undécoupage de l’Ufa en séries selondes objectifs prioritaires et des « voca-tions » généralement prédéfinies, dontles principales sont la production debois d’œuvre, la protection, l’usagedes populations.

Plusieurs critères interviennentpour réaliser ce découpage qui vafixer les grandes orientations du mas-sif aménagé. Les principaux sont :▪ la richesse en bois d’œuvre ;▪ l’accessibilité ;▪ la diversité biologique ;▪ la présence d’espèces rares ou desites remarquables ;▪ la présence de villages ou de zonesoccupées ou utilisées par les popula-tions.

Les séries en conservation vien-nent en complément des aires proté-gées créées ou en voie de l’être dansles pays d’Afrique centrale.

La délimitation de la série àl’usage des populations (série ouaffectation agroforestière) est établiesur la base des études socio-écono-miques et en concertation avec lespopulations riveraines ou avec les vil-lages inclus dans l’Ufa.

Les unités forestières de gestion (Ufg)

Afin d’assurer un rendementrégulier et soutenu pendant la duréede l’aménagement, les unités fores-tières d’aménagement sont décou-pées en blocs équivolumes (compor-tant des volumes sur pied équivalentsà 5 % près).

Cette opération utilise les résul-tats de l’inventaire d’aménagementde l’Ufa et fait appel aux outils infor-matiques de gestion de bases dedonnées et d’informations géogra-phiques que l’aménagiste doit maîtri-ser (encadré 2).

Pour cet exercice, deux hypo-thèses sont envisagées : l’hypothèsed’une « forêt équilibrée », selonlaquelle la forêt est globalement en équilibre et la mortalité naturellecompense les accroissements envolume ; l’hypothèse de la « crois-sance continue », selon laquelle lepeuplement sur pied évolue.

L’option « forêt équilibrée »revient à traiter les données de l’in-ventaire d’aménagement et à calculerles volumes par blocs de la mêmefaçon pour tous les blocs, quel quesoit leur ordre de passage dans larotation. Au contraire, l’option

« croissance continue » amène à faireintervenir le facteur temps dans lecalcul des volumes et à simuler ladynamique des peuplements aprèsl’inventaire.

Comme cela se fait déjà pourcertains aménagements au Gabon(Bayol, Chezeaux, 2001), nous recom-mandons de traiter séparément : ▪ les forêts qui n’ont pas été exploi-tées depuis plus de 20 ans (hypo-thèse de « forêt équilibrée ») ;▪ les forêts jeunes déjà exploitéesdepuis moins de 20 ans ou issues d’unerecolonisation récente de savanes(hypothèse de « croissance continue »).

Un modèle technique de découpage

Le projet Forêts et terroirs a pro-posé un guide méthodologique pra-tique à l’usage des aménagistes etdes personnels de l’administrationchargés du suivi et du contrôle desplans d’aménagement (Borie,Pasquier, 2001). Ce guide décrit laprocédure à suivre en s’appuyant surl’exemple d’une Ufa dont les donnéesd’inventaire ont été géoréférencées.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 ) 43BASSIN DU CONGOITINÉRAIRES TECHNIQUES

Figure 5. Répartition de la ressource en andoungs de diamètre supérieur à 10 cm. Concessionforestière sous aménagement durable de l’Ogooué-Ivindo, Gabon. Distribution of andoung trees more than 10 cm in diameter. Sustainably managedforest concession, Ogooué-Ivindo, Gabon. Source : Rougier Gabon.

Page 10: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Encadré 2.

Organisation de la base de données et du Sig.

Base de données

Sgbd-1. Préparation des cinq tables utilisées

pour le traitement des données issues de l’inventaire

d’aménagement

Table principale des mesures. En général plusieursdizaines de milliers d’enregistrements correspondant àtous les arbres, de diamètre supérieur à 20 cm, inventoriésdans une Ufa. Table des placettes. Le champ « bloc » a été ajouté pourfaire la liaison avec la nouvelle table du même nom. Pourune Ufa, plusieurs centaines voire plusieurs milliers deplacettes d’inventaire d’aménagement sont positionnées.Table des essences. Comporte les caractéristiques dechaque essence inventoriée (accroissements, Dma, tarif,coefficient de récolement…) ; 100 à 200 espèces inventoriées.Table des tarifs. Donne les coefficients de calcul pourchaque tarif utilisé (dans ce cas, 36 tarifs différents utilisés).Table des blocs. Importée du Sig ; ici la série de produc-tion de l’Ufa a été divisée en six blocs.

Sgbd-2. Mise en relation des tables

Sgbd-3. Requêtes successives pour connaître

le volume total théorique de chaque bloc

R1. Calcul des diamètres avant exploitation. Si le modèlede croissance est appliqué, les diamètres sont recalculésselon l’année d’exploitation. Par approximation, on consi-dère que le premier bloc est exploité à l’année 0, ledeuxième bloc à l’année 5, le troisième à l’année 10, etc.R2. Calcul du volume commercial pour les tiges exploi-

tables. Les volumes bruts sont calculés à l’aide des tarifs decubage appliqués aux diamètres (> Dma) issus de larequête précédente. Les volumes commerciaux sont ensuitecalculés en appliquant les coefficients de récolement.R3. Prise en compte de la mortalité naturelle. Estimée à1 % par an, elle est appliquée selon l’année d’exploitation.R4. Cumul des volumes par bloc d’aménagement. Les cal-culs précédents s’appliquent aux placettes d’inventaire, ilfaut donc extrapoler les résultats au niveau des blocs.

Création d’une macro

Sig

Sig-1. Délimitation de l’Ufa en blocs

Découpage de l’Ufa en blocs ou unités forestières de ges-tion (Ufg) de même surface (en première approche) et fon-dées sur des limites naturelles.

Sig-2. Organisation de la table des blocs

Si l’équilibre en volume des blocs n’est pas atteint, il fautrevoir le découpage (Sig-1) puis relancer les requêtes(Sgbd-3) qui se font de façon automatique par la macro-commande… jusqu’à l’équilibre.

Si l’équilibre en volume des blocs est réalisé (à ± 5 %),l’objectif est atteint.

Découpage des blocs

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TECHNICAL SCHEMESTHE CONGO BASIN

Page 11: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Quellesimplications pour

les données à relever ?

Connaissance de la ressource l igneuse

La priorité est bien une connais-sance la plus fine possible de la res-source actuelle et future. L’inventaired’aménagement, inventaire statis-tique portant sur l’ensemble de laconcession à gérer, sera l’investisse-ment majeur de la phase de prépara-tion du plan.

La donnée primaire qui est four-nie à cette occasion est la structuredes populations des différentesessences sur l’Ufa, c’est-à-dire lenombre de tiges par classe de dia-mètre. Ces structures diamétriquesdes peuplements sont à la base d’unegrande partie des calculs du volet« production de bois d’œuvre » duplan d’aménagement.

On l’a vu, les unités d’exploita-tion quinquennales sont définiespour être « équivolumes », c’est-à-dire pour assurer une productionconstante sur toute la durée de larotation. Nous devons donc connaîtrele volume exploitable (en essencesobjectifs) le plus précisément pos-sible dans ces unités, avec une erreurrelative inférieure à 10 % au niveaude l’Ufa et à 15 % au niveau de l’Ufg(pour un seuil de probabilité de 0,95).Il s’agit là de l’exigence minimale car,si elle n’est pas atteinte, l’équilibredes volumes des Ufg sera trèsapproximatif et l’application du pland’aménagement sera problématique.

L’expérience montre qu’avecdes taux de sondage de 0,5 à 1,5 %les précisions désirées sont générale-ment atteintes (Esteve, 2001). Deplus, la répartition uniforme des pla-cettes apporte une connaissance finede la localisation de la ressource(cf. l’exemple de la figure 5). C’est unatout pour orienter le travail de l’ex-ploitant forestier, mais aussi pour lacompréhension générale de l’écosys-tème et de l’écologie des espèces.

Les législations en vigueur nefixent pas de contraintes de précisionpour les peuplements d’avenir quiseront exploitables lors de ladeuxième rotation (soit, pour simpli-fier, Dme – 20 cm à Dme), indiquantuniquement que ces tiges doiventêtre « prises en compte ». Ces don-nées sont traitées sur l’Ufa dans satotalité (indices de reconstitution) etnon pas sur les unités quinquen-nales. Il semble alors logique d’êtreun peu moins exigeant que pour lestiges de la première rotation et de sefixer pour objectif une précision de15 % sur l’effectif en tiges d’avenir.

Les protocoles d’inventairedéveloppés ces dernières années res-tent classiquement des inventaires àdeux degrés (cf. l’exemple de lafigure 6), s’appuyant sur des layonsd’inventaire et des placettes de comp-tage de forme rectangulaire, centréessur les layons. Par souci d’économie,le layonnage coûtant cher, les pla-cettes sont souvent contiguës.

Compte tenu des objectifs mini-maux présentés en matière de précisiondes données, on peut fixer des taux desondage différents selon les classes dediamètre, en scindant les placettes rec-tangulaires dans le sens de la longueurou de la largeur. Le taux de sondagemaximal sera alors appliqué aux tiges dediamètre supérieur à 50 cm, qui estgénéralement la valeur minimale deDme, et on pourra prévoir un taux desondage plus faible pour les tiges de 30-50 cm ou 20-50 cm, et éventuellementun troisième taux de sondage pour lestiges de diamètre encore inférieur.

La durabil ité écologiquede la faune et de la flore

et la biodiversité

Elle est bien plus complexe àappréhender de façon mathéma-tique. Les indices de reconstitution,insuffisants, doivent être complétéspar :▪ l’analyse des densités et des struc-tures de chaque essence, pour les dif-férentes formations végétales ;▪ le suivi d’un réseau de placettes per-manentes qui fournira des précisionssur la régénération et la phénologiedes essences et permettra d’amélio-rer les simulations de dynamique despeuplements ;▪ la réalisation d’études d’impact del’exploitation et des efforts de réduc-tion des impacts négatifs ;▪ un suivi de l’ensemble de l’écosys-tème et de sa biodiversité, en particu-lier des populations sensibles degrands mammifères.

En matière de biodiversité, l’ac-cent est généralement mis sur ladiversité des ligneux, des grandsmammifères et des produits fores-tiers autres que le bois d’œuvre(Pfabo). De plus en plus, et c’est nou-veau, les relevés d’inventaire d’amé-nagement portent sur une très largegamme d’essences, voire sur toutesles essences rencontrées.

Le surcoût du comptage detoutes les essences en inventaired’aménagement ou de l’intégrationde relevés faunistiques est en effetrelativement faible, de l’ordre de 10 %du coût de l’inventaire, y compris laformation des prospecteurs.

Ces relevés en matière de biodi-versité contribuent à l’identificationde milieux particuliers à protégerintégralement ou partiellement : peu-plements à forte diversité spécifique,à forte densité d’essences sensibles(cf. Garcinia cola, qu’on pourra proté-ger lors de l’exploitation) ou rares,lieux de fréquentation exceptionnelled’éléphants…

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 ) 45BASSIN DU CONGOITINÉRAIRES TECHNIQUES

Okoumés à différents stades de développement. Okoumé trees at different growthstages. Photo Nicolas Bayol.

Page 12: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Données nécessaires au calcul

des volumescommercialisables

L’inventaire d’aménagementnous renseigne sur la structure despeuplements, mais il ne suffit paspour calculer les possibilités d’amé-nagement et prévoir les récoltes.

Pour cela, il faut tout d’abordcalculer des volumes disponibles(volumes bruts), au moyen de tarifsde cubage à une entrée (le diamètre).

La deuxième étape, pour prévoirles volumes réellement mobilisables,consiste à établir des coefficients derécolement permettant le passagedes volumes bruts aux volumes netsréellement sortis de la forêt. En effet,pour des raisons économiques, l’ex-ploitation forestière reste très sélec-tive en Afrique centrale et on la quali-fie encore à juste titre d’écrémage.Ces coefficients de récolement sontspécifiques à chaque essence ougroupe d’essences et leur connais-sance est déterminante : à quoi servi-rait-il d’avoir fait un inventaire d’amé-nagement nous donnant des valeursavec une précision de 10 %, si ensuiteon applique sur ces résultats descoefficients de récolement totale-ment irréalistes ?

L’augmentation du nombre d’es-sences dites secondaires relève d’unevolonté légitime de diversifier lesessences exploitées pour mieux valo-riser la forêt. Cette diversifications’appuie sur des marchés souventprécaires et les coefficients de récole-ment constatés sont très faibles pourbeaucoup de ces nouvelles essences,montrant les difficultés et les limitesde la diversification.

Les programmes d’exploitationà faible impact (Efi) qui sont dévelop-pés limiteront le gaspillage de la res-source et augmenteront les coeffi-cients de récolement.

Placette d'inventaire d'aménagement de 20 x 250 m (0,5 ha)

Comptage des tiges de toutes essences et de diamètre supérieur à 20 cm

Sous-placeau d'inventaire des tiges de 10 à 20 cm de diamètre

de 25 x 25 m (0,1 ha)

Layons distants de 0,5 à 2 km, en fonction du taux de sondage

1 jalon avec indication des distancestous les 25 m

250 m

50 m

50 m

Jalons indiquant la limite des placettes = points de recalage des boussoliers

Layons d'inventaire

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TECHNICAL SCHEMESTHE CONGO BASIN

Figure 6. Exemple de protocole d’inventaire. Example of an inventory protocol. Source : Rougier Gabon.

Page 13: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Données de dynamiquedes peuplements

Les données de mortalité etd’accroissement sont égalementcapitales pour le calcul des para-mètres d’aménagement. Il existe troismoyens pour les acquérir :▪ les données acquises sur des sitesvoisins, par des projets de recherche,par exemple par les programmesEcofac (cf. les recherches sur la biodi-versité végétale dans les six sites duprogramme Ecofac entre 1997 et2000 ; Lejoly, 2000) ;▪ la lecture de cernes d’accroissement ;▪ l’installation de placettes perma-nentes ; malheureusement, il fautattendre plusieurs années avant dedisposer de données fiables, et ellesseront finalement surtout utiles pouractualiser des documents d’aména-gement.

L’enjeu de cette connaissancede la dynamique des peuplementsdépasse largement le cadre de l’amé-nagement forestier et, dans cedomaine, une collaboration entreaménagistes et chercheurs, forte-ment souhaitable, voit le jour.

Un exemple aidera à mieux com-prendre l’importance d’évaluer plusprécisément les accroissements. AuGabon, il est admis que l’accroisse-ment des okoumés de l’intérieur dupays est compris entre 0,6 et 1 cm paran. La figure 7 montre la sensibilité dumodèle selon l’accroissement choisi.

Conclusion

La réussite de la gestiondurable des grands massifs fores-tiers d’Afrique centrale est toujourset encore un défi à relever : lesgrandes entreprises d’exploitationforestière ont, pour la plupart, déjàmontré leur détermination. Lademande croissante du public pourdes produits respectueux de l’envi-ronnement va appuyer le processus.De leur côté, les populations rive-raines doivent rapidement bénéficierdu partage de la ressource, sousréserve de parvenir à mieux les inté-grer dans un système « moderne »d’organisation et de représentation.Enfin, de nombreux résultats sontattendus des organismes derecherche pour affiner la connais-sance des paramètres évoqués plushaut. Il reste aux administrationsforestières à fixer des réglementa-tions adaptées et cohérentes. Lesuivi et le contrôle de la mise enœuvre des plans d’aménagementsera un des chantiers de demain, quidevra faire l’objet d’une grandeconcertation et d’un appui desbailleurs de fonds.

Ensemble, tous les partenairesde la gestion forestière peuventencore améliorer les itinéraires tech-niques mis en place ces dernièresannées.

Accroissements annuels (cm/an)Dme (cm) 0,6 0,8 1

60 31 % 39 % 50 %70 54 % 71 % 84 %80 89 % 122 % 152 %

Taux compris entre 50 et 70 %Taux compris entre 70 et 100 %Taux supérieur à 100 %

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Figure 7. Sensibilité de l’indice de reconstitution (%) aux valeurs d’accroissement (cm/an).Forêt adulte, rotation de 25 ans. Dme : diamètre minimal d’exploitabilité.Sensitivity of the regeneration index (%) to increment values (cm/year). Matureforest, 25-year rotation. MFD = minimum felling diameter.

Sortie sur parc d’une grosse bille :le tracteur à roue tire et le D7pousse. Cameroun. Pulling and pushing a large log outof a timber yard. Cameroon. Photo Jean-Michel Borie.

Flottage de billes d’okoumé.Ndjolé, Gabon. Floating okoumé logs. Ndjolé,Gabon. Photo Jean-Michel Borie.

Page 14: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

Référencesbibliographiques

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48 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 )

TECHNICAL SCHEMESTHE CONGO BASIN

Synopsis

TECHNICAL MANAGEMENTSCHEMES FOR PRODUCTIONFORESTS IN CENTRAL AFRICA

Nicolas BAYOL, Jean-Michel BORIE

The management meth-ods and processes currently pro-posed and implemented in CentralAfrica’s logging areas were developedat the same time as the normativeregulations issued under the forestlaws of the countries concerned, andeven before the promulgation ofthose laws in some cases. Thesetechnical schemes were modelled onthe plans drawn up in the 1990s formajor development projects in theCentral African Republic (Ngotto,Sangha Mbaéré) and in Cameroon(Api Dimako, Forêts et terroirs).

Forest planning specialists (like Forêt

Ressources Management), who sup-ply their expertise to logging compa-nies, are gradually improving theirtechnical schemes and methods interms of the design and implemen-tation of management plans inCameroon, the Congo and Gabon.

Technical aspects of sustainable

management: forest regeneration

after logging

This article addresses questions con-cerning the data that are most usefuland necessary in drawing up manage-ment plans and specifying the limitsof the validity of statistical invento-ries and their interpretation. It detailsthe parameters to be considered inresolving the crucial question of pri-mary and secondary forest regenera-tion after logging.

Page 15: Itinéraires techniques d’aménagement des forêts de

The example of okoumé in easternGabon, an area close to the limit ofthe natural range of the species,shows the difficulties involved inenforcing regulations to regenerateindividual species on a countrywidescale. Models used to calculateregeneration for a group of targetspecies do not give sufficient consid-eration to the survival of rare speciesor those that are not well repre-sented. A mixed model combining thetwo approaches is proposed here, butplanning specialists are still dividedas to whether a minimum level shouldbe enforced for each individualspecies.

Dividing production series from tim-ber concessions into managementunits of identical volume is an impor-tant technical phase in forest man-agement plans. This operation usesthe results of management invento-ries and draws on computerised data-bases and geographical informationtools. Forests that have not beenlogged for over 20 years – includingold-growth forests – are consideredto be in a state of equilibrium fromthe point of view of biomass growthand timber incrementation. For morerecently logged forests, inventorydata are updated with populationdynamics taken into account.

Management inventories:

accuracy and limitations

In all management efforts, the priorityrequirement is to have the mostdetailed knowledge available onthe current and future resource.Management inventories, which arestatistical inventories covering theentire concession under manage-ment, are therefore the main invest-ment when drawing up the plan.

The primary information supplied atthis point concerns the populationstructure of the various species, inother words the number of stems perdiameter class. This information isfundamental to all the calculationsinvolved in the “timber production”segment of any management plan.

Experience has shown that with asampling rate of 0.5 to 1.5 % andevenly distributed inventory plots,management inventories are accurateenough to provide detailed knowl-edge of the spatial distribution of thetarget resource.

Current legislation does not imposeany constraints as to the degree ofaccuracy required for standing timberto be felled during the second rotation(i.e., more simply, those with a mini-mum felling diameter of > 20 cm),merely indicating that these stemshave to be “taken into account”.

In view of the minimum objectivesgiven in terms of data accuracy, differ-ent sampling rates can be establishedaccording to diameter classes. Themaximum sampling rate should beused for stems with a diameter ofmore than 50 cm, which is usually theminimum felling diameter, while alower sampling rate can be used forsmaller stems.

Supporting data

Results from management invento-ries alone are not enough to calculatelogging potential and to forecast har-vested volumes. This requires calcu-lations of available (raw) volumes,using tree volume tables. To estimateusable (net) volumes, specific verifi-cation coefficients are calculated foreach species or group of species.These coefficients are a determiningfactor for any plans to diversify pro-duction and generate more valuefrom a forest. Markets are oftenuncertain and the verification coeffi-cients in use are often very low formany of the new species, illustratingthe difficulties and limitations ofdiversification.

The low-impact logging programmesnow being developed should help toreduce wasteful resource use andimprove verification coefficients.

Finally, data on mortality and incre-ments are also crucial to calculationsof management parameters. Theissue in this case – understanding thedynamics of tree populations – goesfar beyond the scope of forest man-agement and we are now seeing emi-nently desirable instances of cooper-ation between planning specialistsand researchers in this area.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 4 , N ° 2 8 1 ( 3 ) 49BASSIN DU CONGOITINÉRAIRES TECHNIQUES