intoxication massive par hyoscyamus muticus, compliquée par une polyneuropathie sensitivomotrice de...

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[5] Strzelecki A. Acute toxic herbal intake in a suicide attempt and fatal refractory ventricular arrhythmia. Basic Clin Pharmacol Toxicol 2010;107(2):698-9. [6] Moritz F. Severe acute poisoning with homemade aconitum napellus capsules: toxicokinetic and clinical data. Clin Toxicol 2005;43(7):873-6. Kamel Larabi, Adrien Soulillou, Marc Mattys, Marie Josée Lucchini, Yves Fanton, Bastien Tafani Centre hospitalier Notre Dame de Miséricorde, service de médecine interne neurologie, 20303 Ajaccio, France Correspondance : Kamel Larabi, centre hospitalier Notre Dame de Miséricorde, service de médecine interne neurologie, 27, avenue Impératrice Eugénie, 20303 Ajaccio, France. [email protected] Reçu le 5 octobre 2011 Accepté le 19 mars 2012 Disponible sur internet le 18 juin 2012 ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.03.020 Intoxication massive par Hyoscyamus muticus, compliquée par une polyneuropathie sensitivomotrice de type axonale A massive poisoning by Hyoscyamus muticus, complicated by axonal sensorimotor polyneuropathy Observation Un patient de 59 ans, sans antécédent pathologique notable, habitant dans la ville de Dakhla, située au sud du Maroc, a ingéré il y a un mois une très grande quantité de Jusquiame du de ´ sert (plante connue sous le nom vernaculaire de Btina et botanique de Hyoscyamus muticus) (figure 1) dans une préparation de thé, à visée antalgique pour des gonalgies mécaniques. Par la suite des troubles de la parole, des pares- thésies et des sensations de fourmillements au niveau des quatre membres sont apparus avec une altération rapidement progressive de l’état de conscience. Pendant 15 heures, le patient a été dans le coma et il a été admis dans le service de réanimation médicale de l’hôpital militaire de Dakhla. Après la régression du coma, le patient était toujours légère- ment confus avec une dysarthrie, suivie cinq jours après par une faiblesse des quatre membres avec des troubles sensitifs subjectifs (paresthésies) et des décharges électriques, prédo- minant en distal, ayant nécessité le transfert du patient dans le service de neurologie de l’hôpital militaire d’instruction Mohamed V. L’examen général a trouvé un assez bon état général, eupnéi- que, sans trouble tensionnel, apyrétique avec une nuque souple. Pour l’examen neurologique, la marche était possible avec un steppage bilatéral, le patient tenait le Barré aux membres supérieurs et le Mingazinni aux membres inférieurs. La force musculaire segmentaire était cotée à 3/5 pour les membres inférieurs (en distal), 4/5 pour les membres inférieurs (en proximal) et au membre supérieur gauche, 5/5 au membre supérieur droit. On notait une hypo- tonie avec des réflexes ostéotendineux vifs aux membres supérieurs, abolis aux membres inférieurs et un Babinski à gauche. L’examen de la sensibilité a montré une hyperesthésie cutanée au niveau des deux membres inférieurs, à prédomi- nance distale, une sensibilité tactile épicritique et profonde conservée aux quatre membres avec un niveau sensitif D8. L’examen des paires crâniennes a montré une baisse de l’acuité visuelle bilatérale, un myosis serré bilatéral avec un fond d’oeil normal, une paralysie faciale périphérique droite et une dysar- thrie paralytique. L’examen des fonctions supérieures a révélé une désorientation dans le temps et dans l’espace, une amné- sie antérorétrograde, avec des difficultés à la compréhension et à l’évocation des mots. Le reste de l’examen somatique était sans particularité. Devant ce tableau neurologique constitué d’une atteinte pyra- midale avec des signes d’encéphalopathie, d’atteinte des paires crâniennes, associée à une atteinte médullaire et un syndrome neurogène périphérique, un bilan exhaustif a été demandé. L’imagerie cérébrale par résonnance magnétique (IRM) en séquence Flair a montré quelques hypersignaux au 354 Figure 1 Jusquiame du désert séchée Lettres a ` la re ´daction tome 42 > n83 > mars 2013

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Page 1: Intoxication massive par Hyoscyamus muticus, compliquée par une polyneuropathie sensitivomotrice de type axonale

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Lettres a la redaction

[5] Strzelecki A. Acute toxic herbal intake in a suicide attempt and fatalrefractory ventricular arrhythmia. Basic Clin Pharmacol Toxicol2010;107(2):698-9.

[6] Moritz F. Severe acute poisoning with homemade aconitum napelluscapsules: toxicokinetic and clinical data. Clin Toxicol 2005;43(7):873-6.

Kamel Larabi, Adrien Soulillou, Marc Mattys,Marie Josée Lucchini, Yves Fanton, Bastien Tafani

Centre hospitalier Notre Dame de Miséricorde, service demédecine interne neurologie, 20303 Ajaccio, France

Correspondance : Kamel Larabi,centre hospitalier Notre Dame de Miséricorde, service de

médecine interne neurologie, 27, avenue Impératrice Eugénie,20303 Ajaccio, France.

[email protected]

Reçu le 5 octobre 2011Accepté le 19 mars 2012

Disponible sur internet le 18 juin 2012

Figure 1

Jusquiame du désert séchée

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservéshttp://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.03.020

Intoxication massive parHyoscyamus muticus, compliquéepar une polyneuropathiesensitivomotrice de type axonaleA massive poisoning by Hyoscyamus muticus,complicated by axonal sensorimotorpolyneuropathy

Observation

Un patient de 59 ans, sans antécédent pathologique notable,habitant dans la ville de Dakhla, située au sud du Maroc, aingéré il y a un mois une très grande quantité de Jusquiame du

desert (plante connue sous le nom vernaculaire de Btina etbotanique de Hyoscyamus muticus) (figure 1) dans unepréparation de thé, à visée antalgique pour des gonalgiesmécaniques. Par la suite des troubles de la parole, des pares-thésies et des sensations de fourmillements au niveau desquatre membres sont apparus avec une altération rapidementprogressive de l’état de conscience. Pendant 15 heures, lepatient a été dans le coma et il a été admis dans le servicede réanimation médicale de l’hôpital militaire de Dakhla.Après la régression du coma, le patient était toujours légère-ment confus avec une dysarthrie, suivie cinq jours après par unefaiblesse des quatre membres avec des troubles sensitifs

subjectifs (paresthésies) et des décharges électriques, prédo-minant en distal, ayant nécessité le transfert du patient dans leservice de neurologie de l’hôpital militaire d’instructionMohamed V.L’examen général a trouvé un assez bon état général, eupnéi-que, sans trouble tensionnel, apyrétique avec une nuquesouple. Pour l’examen neurologique, la marche était possibleavec un steppage bilatéral, le patient tenait le Barré auxmembres supérieurs et le Mingazinni aux membres inférieurs.La force musculaire segmentaire était cotée à 3/5 pourles membres inférieurs (en distal), 4/5 pour lesmembres inférieurs (en proximal) et au membre supérieurgauche, 5/5 au membre supérieur droit. On notait une hypo-tonie avec des réflexes ostéotendineux vifs aux membressupérieurs, abolis aux membres inférieurs et un Babinski àgauche. L’examen de la sensibilité a montré une hyperesthésiecutanée au niveau des deux membres inférieurs, à prédomi-nance distale, une sensibilité tactile épicritique et profondeconservée aux quatre membres avec un niveau sensitif D8.L’examen des paires crâniennes a montré une baisse de l’acuitévisuelle bilatérale, un myosis serré bilatéral avec un fond d’oeilnormal, une paralysie faciale périphérique droite et une dysar-thrie paralytique. L’examen des fonctions supérieures a révéléune désorientation dans le temps et dans l’espace, une amné-sie antérorétrograde, avec des difficultés à la compréhension età l’évocation des mots. Le reste de l’examen somatique étaitsans particularité.Devant ce tableau neurologique constitué d’une atteinte pyra-midale avec des signes d’encéphalopathie, d’atteinte despaires crâniennes, associée à une atteinte médullaire et unsyndrome neurogène périphérique, un bilan exhaustif a étédemandé. L’imagerie cérébrale par résonnance magnétique(IRM) en séquence Flair a montré quelques hypersignaux au

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niveau temporal et occipital, sans prise du produit de contraste.En revanche, l’IRM médullaire n’a pas montré d’anomalies designal. La ponction lombaire a révélé un liquide clair avec2 globules blancs/mm3, aucun globules rouges/mm3, uneprotéinorachie à 0,36 g/L, une glucorachie à 0,46 g/L (glycé-mie concomitante de 0,95 g/L). L’électro-encéphalogramme amontré une activité de fond normale avec une réaction d’arrêtvisuelle présente et une absence d’anomalies épileptiquesou de signes en foyer. Enfin, l’électromyogramme a montréune polyneuropathie axonale sensitivomotrice avec une di-minution de l’amplitude des potentiels moteurs et sensitifset ralentissement des vitesses de conduction nerveusesmotrices et sensitives aux quatre membres. Il n’y avait nisyndrome inflammatoire, ni désordres hydroéléctrolytiques,ni troubles de la coagulation.Le patient a été traité par prégabaline à la dose de 300 mg/javec une vitaminothérapie B12. L’évolution a été marquée parla régression des douleurs neuropathiques avec une améliora-tion progressive de la force musculaire et des fonctionssupérieures, sans séquelles notables.

Commentaires

La jusquiame du désert est connue sous le nom botaniqued’H. muticus. Les jusquiames sont connues par leur grandetoxicité. La plus toxique étant la jusquiame du désert. Plusieursaccidents à la suite de surdosage thérapeutique ont été déjàrapportés [1].À faible dose, les symptômes de l’intoxication se manifestentpar une sécheresse de la bouche et de la gorge avec unesensation de brûlure, une mydriase persistant longtemps aprèsune « ivresse » et des vertiges, une excitation, puis unesensation de tête lourde, ou de lassitude. Le sommeil estprofond et précédé parfois de délire et d’hallucinations [2].À doses plus élevées, s’ajoutent à ces symptômes, une« ivresse » plus importante, accompagnée d’un état deconfusion, d’agitation, de troubles de la vision, d’hallucinationsauditives, de polyurie, de sueurs profuses et parfois une éruptioncutanée avec une urticaire. Des désordres nerveux importantsapparaissent ensuite, accompagnés de convulsions et de délire.Coma et mort s’en suivent dans les cas graves [1,3].Chez notre patient, cette symptomatologie a été trouvée, sesparesthésies sont la conséquence des troubles neurologiquesprononcés, dont le coma. Cela laisse supposer que le patient aingéré une très grande quantité de la plante, voire une quantitépresque mortelle. La prise en charge dans ce type d’intoxicationest purement symptomatique [2,4].Les principaux toxiques sont des alcaloïdes qui sont en quantitéplus élevées au niveau des feuilles de la plante : 0,5 à 1 %des alcaloïdes totaux. Ces alcaloïdes sont le groupe atropine/hyoscyamine qui prédomine largement (jusqu’à 90 % desalcaloïdes totaux), avec peu de scopolamine, de noratropine,d’apo-atropine et de belladonine [1,3,5].

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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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[5] Rahman L, Singh Ahuja P. Isolation and characterization of streptomycinresistant Hyoscyamus muticus plants. Plant Sci 1998;132:83-8.

Jawad Oumerzouk1,2, Yahya Hssaini1,2, Tarik Boulahri1,2,Adnane Semlali1,2, Abdelhafid El Jouehari1,2,

Ahmed Bourazza1,2

1Hôpital militaire de Rabat, service de neurologie, Rabat, Maroc2Faculté de médecine et de pharmacie, Rabat, Maroc

Correspondance : Jawad Oumerzouk,Hôpital militaire de Rabat, service de neurologie, rue Moreno,

Rabat 10000, [email protected]

Reçu le 9 avril 2012Accepté le 22 mai 2012

Disponible sur internet le 27 juin 2012

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservéshttp://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.05.003

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