innovations technologiques i pÉtrole et gaz · 2017. 1. 25. · capable de transporter 170 000 m3...

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les ressources consacrées à l’exploration chutent actuellement », explique Jean- Louis Olivet, président du Pole Avenia, pôle de compétitivité sur les géosciences. L’accent est mis sur la capacité à mieux optimiser l’exploitation des champs exis- tants. Ces technologies peuvent ainsi amener l’utilisation de polymères et de mousses plus sophistiqués qui per- mettent de stimuler les champs. C’est le cas notamment de la société Poweltec, spécialisée dans l’utilisation de poly- mères, créée en 2007, dont le projet a été labellisé par le pôle Avenia. La recherche avance également sur l’utilisation de capteurs de plus en plus sophistiqués et miniaturisés pour surveiller les champs en exploitation. C’est le cas par exemple de la société Openfield Technology, qui propose notamment d’améliorer la ren- tabilité des puits en exploitation grâce à des capteurs MEMS, intégrés et minia- turisés, résistant aux conditions les plus extrêmes de pression et de température. SISMOLOGIE ET FIBRE OPTIQUE Certaines sociétés empruntent à d’autres domaines des technologies qu’ils adaptent au secteur pétrolier. Ainsi, la société Magnitude, rachetée par Baker Hugues en 2006, a com- mencé à transposer les technologies de la sismologie au secteur pétrolier en analysant les microséismes et les nanoséismes provoqués par l’exploi- tation pétrolière. L’analyse de « nano- séismes » de magnitude « négative » permet de mieux caractériser la dyna- mique des réservoirs, et aide à amé- liorer le taux de récupération (ROE). La société intervient ainsi majoritaire- ment sur les gisements non conven- tionnels et sur la récupération ter- tiaire, les gisements qu’il faut stimuler pour qu’ils continuent à produire. « Notre grand volet de recherche, c’est de réussir à utiliser les nano- séismes inhérents à la production comme un paramètre de calage des modèles de réservoir. L’objectif est de mieux prévoir la production à venir », précise Christophe Maisons, directeur général de Magnitude. Dans un domaine très proche de celui de Magnitude, la start-up Sisprobe, créée par l’université Grenoble Alpes, développe une technologie de sis- mique passive (source-less seismic), consistant à utiliser le bruit de fond terrestre pour imager le sous-sol. « Les technologies de sismique non conven- tionnelles se développent grâce à l’évolution des capteurs connectés et à l’utilisation des techniques fibre optique. Les fibres optiques peuvent effectivement être utilisées comme média de transmission et comme capteurs. Ces types de capteurs sont prometteurs, car ils ne sont pas très chers; toute l’intelligence peut rester en surface, et ils permettent d’envi- sager de combiner facilement plu- sieurs types de mesures, comme la Le secteur du pétrole et du gaz est soumis à des contraintes financières dra- coniennes depuis que le baril a chuté à près des 40-50 $. Et ses acteurs testent de nouvelles technologies de recon- naissance géophysique afin d’amé- liorer l’efficacité de leur coûteuses campagnes d’exploration. Alors que la sismique a longtemps été la tech- nologie de référence dans le secteur, de nouveaux acteurs développent ou redécouvrent l’exploration par élec- tromagnétisme. La société Mappem Geophysics, créée dans le laboratoire Domaines océaniques de l’université de Bretagne occidentale, a développé une technologie d’exploration qui image les sous-sols à l’aide d’un signal électrique. « L’avantage avec ces signaux, c’est qu’ils peuvent pénétrer des matériaux qui réfléchissent les ondes acoustiques, comme des roches calcaires », explique Jean-François d’Eu, co-fondateur de la start-up. Cette technologie ne per- met pas encore d’analyser les sous-sols à de très grandes profondeurs, mais apporte l’information manquante aux méthodes sismiques. « Nous utilisons pour l’instant cette technologie en milieu côtier, pour aider à la pose de pipelines par exemple, ou pour repé- rer les shallow gas. » Dans le monde, le leader de ces technologies pour la prospection pétrolière est la société norvégienne EMGS. La multiplication des innovations dans le domaine de l’exploration pousse les pétroliers à rester prudents dans leurs achats technologiques, d’au- tant plus que la chute des cours les pousse à réduire les coûts. C’est ce qui explique que de plus en plus de start- up naissent dans le secteur du pétrole. Ainsi, la start-up Imagir, née dans les murs de l’université de Bretagne, a développé une technologie d’imagerie 3D à partir de données électromagné- tiques. L’exploration par gravimétrie, par mesure de la gravité, est également en train de se redévelopper. La start-up Muquans a pour sa part mis au point un gravimètre basé sur l’utilisation d’atomes piégés et refroidis par laser. L ’autre secteur dans lequel se déve- loppent les grands pétroliers est la récu- pération assistée du pétrole, ou EOR (Enhanced Oil Recovery). « La grande tendance du marché est l’application de nouvelles technologies dans l’EOR, car Les géants de l’énergie font de plus en plus appel aux nouvelles technologies. Robots, capteurs, logiciels de simulation sont devenus essentiels au secteur pour mieux connaître les gisements de pétrole ou résister aux conditions extrêmes d’exploitation. Engagés dans une course à l’innovation sur des marchés internationaux, ces géants n’hésitent plus à se tourner vers les PME, voire les start-up, pour rester innovants. Décryptage. TEXTE : FLORENT DETROY. Innovations technologiques dans le pétrole et le gaz INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES I PÉTROLE ET GAZ « LA GRANDE TENDANCE DU MARCHÉ EST L’APPLICATION DE NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS LA RÉCUPÉRATION ASSISTÉE DU PÉTROLE. » © MAPPEM GEOPHYSICS GEOSTART, L’INCUBATEUR DE START-UP DU PÉTROLE ET DU GAZ Le pôle Avenia, spécialisé dans les géosciences et le pétrole et le gaz, prend à son tour le virage des start-up avec l’inauguration, en juin, d’un espace dédié aux innovations technologiques au sein de la technopole Hélioparc, à Pau. Pour l’instant, le pôle Avenia a sélectionné trois start-up destinées à s’installer dans les locaux de 400 m 2 . A terme, l’espace pourrait compter jusqu’à 15 start-up. Outre Febus Optics, Geostart accueillera Skills4Energy, un site d’emploi dédié aux métiers de l’énergie et de la mine, et Real Time Seismic, spécialisé dans les technologies de sismique. Afin d’aider à la mise en place de projets communs, les pôle inaugure également en juin la plateforme Thoms, une plateforme web destinée notamment aux industriels des géosciences sur laquelle ils pourront faire la démonstration de leur savoir-faire et de leurs technologies et services. Mappem Geophysics. l INNOVATION REVIEW l HS COMPÉTITIVITÉ INDUSTRIELLE HS COMPÉTITIVITÉ INDUSTRIELLE l INNOVATION REVIEW l

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  • les ressources consacrées à l’exploration chutent actuellement », explique Jean-Louis Olivet, président du Pole Avenia, pôle de compétitivité sur les géosciences. L’accent est mis sur la capacité à mieux optimiser l’exploitation des champs exis-tants. Ces technologies peuvent ainsi amener l’utilisation de polymères et de mousses plus sophistiqués qui per-mettent de stimuler les champs. C’est le cas notamment de la société Poweltec, spécialisée dans l’utilisation de poly-mères, créée en 2007, dont le projet a été labellisé par le pôle Avenia. La recherche avance également sur l’utilisation de capteurs de plus en plus sophistiqués et miniaturisés pour surveiller les champs en exploitation. C’est le cas par exemple de la société Openfi eld Technology, qui propose notamment d’améliorer la ren-tabilité des puits en exploitation grâce à des capteurs MEMS, intégrés et minia-turisés, résistant aux conditions les plus extrêmes de pression et de température.

    ❚ SISMOLOGIE ET FIBRE OPTIQUE Certaines sociétés empruntent à d’autres domaines des technologies qu’ils adaptent au secteur pétrolier. Ainsi, la société Magnitude, rachetée par Baker Hugues en 2006, a com-mencé à transposer les technologies de la sismologie au secteur pétrolier en analysant les microséismes et les nanoséismes provoqués par l’exploi-tation pétrolière. L’analyse de « nano-séismes » de magnitude « négative » permet de mieux caractériser la dyna-mique des réservoirs, et aide à amé-liorer le taux de récupération (ROE). La société intervient ainsi majoritaire-ment sur les gisements non conven-tionnels et sur la récupération ter-tiaire, les gisements qu’il faut stimuler pour qu’ils continuent à produire. « Notre grand volet de recherche, c’est de réussir à utiliser les nano-séismes inhérents à la production comme un paramètre de calage des

    modèles de réservoir. L’objectif est de mieux prévoir la production à venir », précise Christophe Maisons, directeur général de Magnitude. Dans un domaine très proche de celui de Magnitude, la start-up Sisprobe, créée par l’université Grenoble Alpes, développe une technologie de sis-mique passive (source-less seismic), consistant à utiliser le bruit de fond terrestre pour imager le sous-sol. « Les technologies de sismique non conven-tionnelles se développent grâce à l’évolution des capteurs connectés et à l’utilisation des techniques fi bre optique. Les fi bres optiques peuvent effectivement être utilisées comme média de transmission et comme capteurs. Ces types de capteurs sont prometteurs, car ils ne sont pas très chers; toute l’intelligence peut rester en surface, et ils permettent d’envi-sager de combiner facilement plu-sieurs types de mesures, comme la

    Le secteur du pétrole et du gaz est soumis à des contraintes fi nancières dra-coniennes depuis que le baril a chuté à près des 40-50 $. Et ses acteurs testent de nouvelles technologies de recon-naissance géophysique afi n d’amé-liorer l’effi cacité de leur coûteuses campagnes d’exploration. Alors que la sismique a longtemps été la tech-nologie de référence dans le secteur, de nouveaux acteurs développent ou redécouvrent l’exploration par élec-tromagnétisme. La société Mappem Geophysics, créée dans le laboratoire Domaines océaniques de l’université de Bretagne occidentale, a développé une technologie d’exploration qui image les sous-sols à l’aide d’un signal électrique. « L’avantage avec ces signaux, c’est qu’ils peuvent pénétrer des matériaux qui réfl échissent les ondes acoustiques, comme des roches calcaires », explique Jean-François d’Eu, co-fondateur de

    la start-up. Cette technologie ne per-met pas encore d’analyser les sous-sols à de très grandes profondeurs, mais apporte l’information manquante aux méthodes sismiques. « Nous utilisons pour l’instant cette technologie en

    milieu côtier, pour aider à la pose de pipelines par exemple, ou pour repé-rer les shallow gas. » Dans le monde, le leader de ces technologies pour la prospection pétrolière est la société norvégienne EMGS.

    La multiplication des innovations dans le domaine de l’exploration pousse les pétroliers à rester prudents dans leurs achats technologiques, d’au-tant plus que la chute des cours les pousse à réduire les coûts. C’est ce qui explique que de plus en plus de start-up naissent dans le secteur du pétrole. Ainsi, la start-up Imagir, née dans les murs de l’université de Bretagne, a développé une technologie d’imagerie 3D à partir de données électromagné-tiques. L’exploration par gravimétrie, par mesure de la gravité, est également en train de se redévelopper. La start-up Muquans a pour sa part mis au point un gravimètre basé sur l’utilisation d’atomes piégés et refroidis par laser.L’autre secteur dans lequel se déve-loppent les grands pétroliers est la récu-pération assistée du pétrole, ou EOR (Enhanced Oil Recovery). « La grande tendance du marché est l’application de nouvelles technologies dans l’EOR, car

    ❚ Les géants de l’énergie font de plus en plus appel aux nouvelles technologies. Robots, capteurs, logiciels de simulation sont devenus essentiels au secteur pour mieux connaître les gisements de pétrole ou résister aux conditions extrêmes d’exploitation. Engagés dans une course à l’innovation sur des marchés internationaux, ces géants n’hésitent plus à se tourner vers les PME, voire les start-up, pour rester innovants. Décryptage. TEXTE : FLORENT DETROY.

    Innovations technologiquesdans le pétrole et le gaz

    INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES I PÉTROLE ET GAZ

    « LA GRANDE TENDANCE DU MARCHÉ EST L’APPLICATION DE NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS LA RÉCUPÉRATION ASSISTÉE DU PÉTROLE. »

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    GEOSTART, L’INCUBATEUR DE START-UP DU PÉTROLE ET DU GAZ Le pôle Avenia, spécialisé dans les géosciences et le pétrole et le gaz, prend à son tour le virage des start-up avec l’inauguration, en juin,

    d’un espace dédié aux innovations technologiques au sein de la technopole Hélioparc, à Pau. Pour l’instant, le pôle Avenia a sélectionné trois start-up destinées à s’installer dans les locaux de 400 m2. A terme, l’espace pourrait compter jusqu’à

    15 start-up. Outre Febus Optics, Geostart accueillera Skills4Energy, un site d’emploi dédié aux métiers de l’énergie et de la mine, et Real Time Seismic, spécialisé dans les technologies de sismique. Afi n d’aider à la mise en place de

    projets communs, les pôle inaugure également en juin la plateforme Thoms, une plateforme web destinée notamment aux industriels des géosciences sur laquelle ils pourront faire la démonstration de leur savoir-faire et de leurs technologies et services.

    Mappem Geophysics.

    l I N NOVAT ION RE V I E W l l I N NOVAT ION RE V I E W ll I N NOVAT ION RE V I E W l HS COMPÉ T I T I V I T É INDUS TR I E L L E HS COMPÉ T I T I V I T É INDUS TR I E L L E l I N NOVAT ION RE V I E W l

  • L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DEVRAIT OUVRIR LA VOIE À DES ROBOTS SOUS-MARINS CAPABLES D’EFFECTUER DES TÂCHES DE MANIÈRE AUTONOME.

    INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES I PÉTRÔLE ET GAZ

    CHALLENGE ARGOS : L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE EN OFFSHORE Le Challenge Argos, pour Robots autonomes pour sites pétroliers et gaziers, a été lancé par Total en 2013. Le groupe a organisé avec l’ANR un challenge pendant lequel cinq équipes vont s’affronter au cours de trois challenges organisés entre 2015 et 2017 sur le site de Lacq. Les robots sont testés sur leur capacité à effectuer des opérations de routine, comme des inspections, et à gérer des situations à risque. Lors du premier Challenge, en 2015, les robots ont été jugés notamment sur leur mobilité ou leur capacité à reconnaître le son d’une alarme. Lors de la deuxième édition, en 2016, les organisateurs ont testé leur capacité d’adaptation, en les contraignant à monter un escalier par exemple, afi n de pouvoir intervenir sur des plateformes pétrolières, ou en coupant brutalement la connexion wi-fi . « Nous avons voulu que les robots soient capables d’évoluer en autonomie, que leur comportement s’adapte à l’environnement », explique Kris Kydd, responsable prospective lab robotique au sein de la R&D de Total. Ces robots doivent pouvoir être utilisés dans des environnements imposant la norme ATEX (ATmospheres Explosibles), comme pour des champs pétroliers offshores, ou toxiques, comme sur le champ pétrolier kazakhstanais de Kashagan. Le vainqueur du challenge sera connu en janvier 2017. « Après, nous lancerons peut être un nouveau consortium mettant à profi t les forces des membres issus des différentes équipes », ajoute Kris Kydd. Signe de la percée des hautes technologies dans le secteur du pétrole et du gaz, un des robots en course, le robot Foxiris, a été créé à l’origine par l’Agence Spatiale Européenne dans le cadre de la mission spatiale ExoMars.

    Les cinq équipes du Challenge Argos.

    température, la pression, la défor-mation, l’acoustique et la sismique », détaille Christophe Maisons. Dans son programme d’incubation des start-up de l’énergie Geostart, le pôle Avenia accueille également une start-up spécialisée sur la fi bre optique, Febus Optics. Elle a développé un capteur par fi bre optique destiné à mesurer la température et la déformation des grands ouvrages. Si la technologie ne permet pas encore de mesurer avec précision l’emplacement des champs, elle permet d’identifi er les grandes zones. Surtout, cette technologie per-met de réaliser une première explora-tion moins coûteuse que l’exploration sismique conventionnelle.

    ❚ MÉTHANIER BRISE-GLACE ET DRONES SOUS-MARINSL’autre grande tendance dans laquelle innovent les spécialistes du pétrole et du gaz concerne les techniques d’exploitation dans des conditions extrêmes. Que ce soit en milieu polaire ou en offshore, à plus de 3 000 m de profondeur, les pétroliers testent actuellement les limites de leurs équipements. Ces acteurs ont ainsi dû innover pour rendre leurs équipements capables de résister à des températures polaires ou des pressions élevées. Total est par exemple engagé

    dans l’exploration en milieu polaire, avec le développement actuel d’une usine de GNL sur la péninsule de Yamal, en Arctique, en collaboration avec le russe Novatek et le chinois CNPC. Pour faciliter le transport du gaz, le pétrolier a mis au point le premier méthanier brise-glace au monde. Le groupe devrait recevoir le premier exemplaire à l’automne 2016. L’innovation du groupe, qui a reçu le

    premier prix du concours interne Best Innovators de la branche Exploration et production de Total, permet de se passer de navires brise-glace aux côtés du méthanier. Ce dernier, capable de transporter 170 000 m3 de gaz naturel, devrait commencer à être testé à partir de 2017.La recherche développe également de plus en plus l’automatisation des procédés de surveillance et

    d’exploitation. Les techniques de forage ou de soudage sous-marins sont par exemple de plus en plus télé-opérées, et de manière générale, les pétroliers recourent de plus en plus à l’utilisation de ROV (remotely operated vehicle) ou de AUV (autonomous underwater vehicle). C’est ainsi que la société Subsea Tech développe un drone de transport capable d’embarquer près de 80 kilos, et qui est destiné à effectuer des missions de surveillance des installations. Ce drone peut également être utilisé pour effectuer la surveillance d’installations sous-marines. Lors de son dernier concours d’innovation interne, Total a récompensé la mise au point d’un drone sous-marin, type AUV, destiné à l’inspection des pipelines. Cet engin doit permettre d’améliorer le recueil des données à moindre coût. A l’avenir, ces équipements devraient être de plus en plus sophistiqués grâce au développement de l’intelligence artifi cielle. Cette tendance devrait ouvrir la voie à l’utilisation de robots sous-marins capables d’effectuer des tâches complexes et dangereuses de manière autonome. Le partenariat signé au mois d’avril dernier entre le spécialiste norvégien de l’ingénierie Aker Solutions dans le secteur pétrole et gaz et le spécialiste de la robotique ABB va dans ce sens.

    Robot AIR K

    Robot FOXIRIS

    Robot VIKINGS Robot ARGONAUTS Robot LIO

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    L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DEVRAIT OUVRIR LA VOIE À DES ROBOTS SOUS-MARINS CAPABLES D’EFFECTUER DES TÂCHES DE MANIÈRE AUTONOME.

    INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES I PÉTRÔLE ET GAZ

    CHALLENGE ARGOS : L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE EN OFFSHORE Le Challenge Argos, pour Robots autonomes pour sites pétroliers et gaziers, a été lancé par Total en 2013. Le groupe a organisé avec l’ANR un challenge pendant lequel cinq équipes vont s’affronter au cours de trois challenges organisés entre 2015 et 2017 sur le site de Lacq. Les robots sont testés sur leur capacité à effectuer des opérations de routine, comme des inspections, et à gérer des situations à risque. Lors du premier Challenge, en 2015, les robots ont été jugés notamment sur leur mobilité ou leur capacité à reconnaître le son d’une alarme. Lors de la deuxième édition, en 2016, les organisateurs ont testé leur capacité d’adaptation, en les contraignant à monter un escalier par exemple, afi n de pouvoir intervenir sur des plateformes pétrolières, ou en coupant brutalement la connexion wi-fi . « Nous avons voulu que les robots soient capables d’évoluer en autonomie, que leur comportement s’adapte à l’environnement », explique Kris Kydd, responsable prospective lab robotique au sein de la R&D de Total. Ces robots doivent pouvoir être utilisés dans des environnements imposant la norme ATEX (ATmospheres Explosibles), comme pour des champs pétroliers offshores, ou toxiques, comme sur le champ pétrolier kazakhstanais de Kashagan. Le vainqueur du challenge sera connu en janvier 2017. « Après, nous lancerons peut être un nouveau consortium mettant à profi t les forces des membres issus des différentes équipes », ajoute Kris Kydd. Signe de la percée des hautes technologies dans le secteur du pétrole et du gaz, un des robots en course, le robot Foxiris, a été créé à l’origine par l’Agence Spatiale Européenne dans le cadre de la mission spatiale ExoMars.

    Les cinq équipes du Challenge Argos.

    température, la pression, la défor-mation, l’acoustique et la sismique », détaille Christophe Maisons. Dans son programme d’incubation des start-up de l’énergie Geostart, le pôle Avenia accueille également une start-up spécialisée sur la fi bre optique, Febus Optics. Elle a développé un capteur par fi bre optique destiné à mesurer la température et la déformation des grands ouvrages. Si la technologie ne permet pas encore de mesurer avec précision l’emplacement des champs, elle permet d’identifi er les grandes zones. Surtout, cette technologie per-met de réaliser une première explora-tion moins coûteuse que l’exploration sismique conventionnelle.

    ❚ MÉTHANIER BRISE-GLACE ET DRONES SOUS-MARINSL’autre grande tendance dans laquelle innovent les spécialistes du pétrole et du gaz concerne les techniques d’exploitation dans des conditions extrêmes. Que ce soit en milieu polaire ou en offshore, à plus de 3 000 m de profondeur, les pétroliers testent actuellement les limites de leurs équipements. Ces acteurs ont ainsi dû innover pour rendre leurs équipements capables de résister à des températures polaires ou des pressions élevées. Total est par exemple engagé

    dans l’exploration en milieu polaire, avec le développement actuel d’une usine de GNL sur la péninsule de Yamal, en Arctique, en collaboration avec le russe Novatek et le chinois CNPC. Pour faciliter le transport du gaz, le pétrolier a mis au point le premier méthanier brise-glace au monde. Le groupe devrait recevoir le premier exemplaire à l’automne 2016. L’innovation du groupe, qui a reçu le

    premier prix du concours interne Best Innovators de la branche Exploration et production de Total, permet de se passer de navires brise-glace aux côtés du méthanier. Ce dernier, capable de transporter 170 000 m3 de gaz naturel, devrait commencer à être testé à partir de 2017.La recherche développe également de plus en plus l’automatisation des procédés de surveillance et

    d’exploitation. Les techniques de forage ou de soudage sous-marins sont par exemple de plus en plus télé-opérées, et de manière générale, les pétroliers recourent de plus en plus à l’utilisation de ROV (remotely operated vehicle) ou de AUV (autonomous underwater vehicle). C’est ainsi que la société Subsea Tech développe un drone de transport capable d’embarquer près de 80 kilos, et qui est destiné à effectuer des missions de surveillance des installations. Ce drone peut également être utilisé pour effectuer la surveillance d’installations sous-marines. Lors de son dernier concours d’innovation interne, Total a récompensé la mise au point d’un drone sous-marin, type AUV, destiné à l’inspection des pipelines. Cet engin doit permettre d’améliorer le recueil des données à moindre coût. A l’avenir, ces équipements devraient être de plus en plus sophistiqués grâce au développement de l’intelligence artifi cielle. Cette tendance devrait ouvrir la voie à l’utilisation de robots sous-marins capables d’effectuer des tâches complexes et dangereuses de manière autonome. Le partenariat signé au mois d’avril dernier entre le spécialiste norvégien de l’ingénierie Aker Solutions dans le secteur pétrole et gaz et le spécialiste de la robotique ABB va dans ce sens.

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  • sur leur cœur de métier. Nous obser-vons en parallèle une multiplication des relations avec les start-up, afin notamment d’intégrer davantage d’innovations de rupture dans leurs activités.

    > EST-CE QUE LES INVESTISSEMENTS DANS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES DES SPÉCIALISTES DES HYDROCARBURES CONTINUENT DE PROGRESSER ? Oui, les compagnies pétrolières accé-lèrent aussi dans les ENR, et ce n’est pas une façade. Elles investissent notamment dans le solaire, ainsi que dans la mobilité. L’hydrogène ou le transport au gaz naturel sont des domaines de recherche importants. Une nouvelle tendance se développe actuellement : le couplage des offres des acteurs de l’énergie. Par exemple, la géothermie associée à la produc-tion d’électricité. Cette offre pour-rait s’adresser à des villes de taille moyenne en Afrique, en Asie, dans des zones d’origine volcanique. Des réflexions sont en cours pour utili-ser l’énergie solaire et ainsi alimen-ter dans la journée en électricité les stations de compression le long des grands gazoducs.

    > EST-CE QUE LA RECHERCHE DANS LES ÉNERGIES EN FRANCE EST SUFFISAMMENT SOUTENUE ? Le rôle des pôles de compétitivité est important, avec le pôle Avenia ou encore les pôles Mer. L’activité de la BPI est croissante, et se tourne notamment vers les régions. Nous apportons également notre soutien, en mettant en contact les acteurs de l’énergie avec les institutions finan-cières, comme la BPI ou la Coface. Nous coopérons également avec Business France. En ce qui concerne le soutien aux start-up de l’éner-gie, un des points à souligner est leur besoin de financement. Pour la première étape de leur dévelop-pement, les start-up nécessitent de peu de fonds. C’est la « love money». Puis elles ont besoin de fonds pour

    l’amorçage. Lorsque le besoin des start-up est de plus de 6 à 7 millions d’euros, la situation devient plus compliquée.

    > COMMENT LE GEP-AFTP/EVOLEN SOUTIENT-IL LA RECHERCHE ?Sur la partie R&D, nous aidons l’in-novation dans le secteur de l’énergie à travers le Citeph (Concertation pour l’innovation technologique dans l’exploration-production des hydrocarbures). Le Citeph est un

    système de financement de la R&D à temps de réponse court. Le tra-vail des Clubs de liaisons et d’ac-tions et de réflexion (CLAR EF) ou de recherche (CLAR EC) encourage les échanges de connaissances et permet de développer la R&D et l’innovation. Les pilotes de ces clubs organisent les tables rondes lors des Journées annuelles. Cette année, les thématiques couvriront plus parti-culièrement les énergies marines et le numérique.

    INTERVIEW I GEP AFTP/EVOLEN

    ❚ Alors que les professionnels des hydrocarbures essaient de rendre leurs projets plus rentables et plus écologiques, les énergies vertes continuent de progresser tout en faisant une place croissante aux énergies marines. Afin de mieux refléter la diversité du mix énergétique mondial, le GEP-AFTP change de nom pour devenir EVOLEN, « EVOLution de l’Energie ». Dominique Bouvier, président du GEP AFTP/EVOLEN, revient pour « Innovation Review » sur les grands thèmes qui vont animer les prochaines Journées annuelles du GEP AFTP/EVOLEN. TEXTE : FLORENT DETROY. PHOTO : DR.

    > QUELS SERONT LES NOUVEAUX THÈMES ABORDÉS LORS DES PROCHAINES JOURNÉES ANNUELLES DU GEP-AFTP ?Le thème central des Journées annuelles sera l’innovation, avec un focus sur la mer en y incluant le lit-toral. Les grands donneurs d’ordres continuent de miser sur le gaz natu-rel et le pétrole, avec une préférence pour le gaz naturel. Tous sont toute-fois en train de verdir leurs activités. Ils travaillent par exemple sur l’opti-misation de l’efficacité énergétique de leurs installations, sur l’utilisation de l’eau froide recueillie en grande profondeur pour refroidir les usines flottantes, sur la séparation des hydrocarbures en grande profondeur d’eau ou encore sur la réduction de leurs émissions de CO2. Un autre sec-teur sur lequel travaille l’industrie concerne les robots, notamment les robots sous-marins. Ils sont de plus en plus utilisés pour des travaux de

    reconnaissance de tracés de pipe-lines ou pour assurer des travaux de maintenance téléguidés en offshore. Les professionnels de l’énergie se rapprochent d’autres industriels spé-cialistes de ce secteur.

    > EST-CE QUE LES ACTEURS DES HYDROCARBURES ONT RECOURS AUX TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES ?Le secteur s’ouvre effectivement de plus en plus au numérique, notam-ment au big data. Une de nos plé-nières des Journées annuelles sera dédiée à la R&D à l’heure du numé-rique. Les acteurs de l’énergie tra-vaillent également sur les technolo-gies de communication. Par exemple, le secteur développe actuellement des capteurs capables de fonction-ner à plus de 1 500 mètres de pro-fondeur. Les modes de transmission sont à réinventer. Les industriels tra-vaillent également sur les technolo-gies d’impression 3D, et notamment

    sur l’impression métallique. Cette technologie permettrait de produire des pièces de rechange dans des milieux éloignés, comme les déserts, et d’économiser ainsi les coûts de fabrication et de réduire les délais d’approvisionnement, même si les aspects liés à la certification devront être résolus.

    > QUEL EST L’EFFET DE LA CHUTE DES PRIX DU PÉTROLE SUR LA R&D DU SECTEUR ?Les pétroliers ont affirmé qu’il n’était pas question de réduire les investis-sements. Les grands projets en cours ne sont pas en danger, même si les donneurs d’ordres s’efforcent de les standardiser et de les rationnaliser. Les grands donneurs d’ordres veulent désormais diriger des projets « fit for purpose ». Les acteurs restent opti-mistes sur l’avenir de leur activité. Nous observons par contre une re-centralisation de leurs activités R&D

    DOMINIQUE BOUVIER, PRÉSIDENT DU GEP AFTP/EVOLEN

    « Tous les grands donneurs d’ordres

    sont en train de verdir leurs activités »

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