injustice et résistance dans la poésie berbère-taselhit

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Abadallah Lakhsassi Injustice et résistance dans la poésie berbère-taselhit In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°51, 1989. pp. 111-120. Citer ce document / Cite this document : Lakhsassi Abadallah. Injustice et résistance dans la poésie berbère-taselhit. In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°51, 1989. pp. 111-120. doi : 10.3406/remmm.1989.2273 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1989_num_51_1_2273

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Page 1: Injustice Et Résistance Dans La Poésie Berbère-taselhit

Abadallah Lakhsassi

Injustice et résistance dans la poésie berbère-taselhitIn: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°51, 1989. pp. 111-120.

Citer ce document / Cite this document :

Lakhsassi Abadallah. Injustice et résistance dans la poésie berbère-taselhit. In: Revue du monde musulman et de laMéditerranée, N°51, 1989. pp. 111-120.

doi : 10.3406/remmm.1989.2273

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1989_num_51_1_2273

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Abderahman LAKHSASSI

INJUSTICE ET RÉSISTANCE DANS LA POÉSIE BERBERE-TASELHIT1

Nous voudrions présenter deux textes en vers de cette culture non-savante où s'exprime la contestation populaire. Tous deux appartiennent à la tradition orale et ont comme support le disque sonore2. Les deux poèmes sont en Berbère- Taselhit du Souss marocain. Le premier date de la fin des années 40 et appartient à Boubakr Azeeri, poète-chanteur montagnard de l'Anti-Atlas. Le second est plus récent. Il a été chanté au début des années 70 par Fatima Tihihit, originaire du Haut-Atlas occidental. Azeeri est mort vieux dans les années 50 et Tihihit, à ce qu'on m'a dit, s'est retirée du monde de la chanson et du spectacle depuis son dernier mariage (sic).

L'un se révolte contre une injustice politique et l'autre contre une institution sociale. Les deux auteurs appartiennent à deux époques différentes, séparées par l'Indépendance politique du pays, et sont aussi de sexes opposés, donc ayant deux sensibilités différentes. Ce qu'ils ont en commun, c'est plutôt une certaine résistance à l'injustice. Mais l'ennemi change. Pour Azeeri le Protectorat français — dont une des dernières étapes de sa conquête du Maroc comprend l'Anti-Atlas — était quelque chose d'imposé du dehors. Le groupe dont le chanteur est le porte- parole ne l'a subi d'une façon directe que vers les années 1930. Pour Tihihit, le mariage est senti comme un assujettissement total. Le sort de la femme dans une société patriarcale est un enfer qu'elle a décidé, sinon de combattre directement, du moins d'éviter.

On a généralement très peu d'informations biographiques sur les poètes chanteurs Iselhiyn d'avant l'indépendance. Même quand il s'appelle Lhajj Beleid, le plus mondain et le plus connu de tous, on reste encore privé de renseignements

RKM.M.M. 51, 1989-1

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fiables sur leur période de jeunesse. Quand il s'agit alors d'un solitaire comme Azeeri, on a encore beaucoup moins de chance d'être renseigné sur sa vie3.

Boukbakr Azeeri

Ce qui est certain c'est son origine montagnarde (Anti-Atlas), ne serait-ce que par son accent qui le distingue de beaucoup d'autres chanteurs. Il ne faisait partie d'aucune troupe de rways comme c'est le cas de la majorité des trouvères Iselhiyn qui ont eu la chance d'accéder au studio de l'enregistrement sur disque. Il jouait souvent seul de son violon mal accordé et faisait parfois, dit-on, du porte-à-porte pour gagner sa vie; ce qui est le dernier moyen de survivre des trouvères Iselhiyn. Dans les années 50, d'après les gens qui avaient encore gardé un souvenir de cet « homme de montagne », il était déjà très vieux. Il n'est donc pas certain qu'il ait vécu jusqu'au moment du départ de son pays des troupes du Protectorat.

Les poèmes d' Azeeri, plus que sa musique, ont marqué une certaine génération de Marocains très lucides et avides de dénoncer un monde où seul l'amour du gain prime. Le thème principal qui traverse presque tous ses textes peut être résumé ainsi : l'effondrement des valeurs sociales traditionnelles et le règne total de l'argent. L'homme et particulièrement le groupe auquel il appartient a totalement perdu sa dignité (kerd). Azeeri s'acharne à défendre avec force ce herd qui est l'essence de l'être humain. Notons cependant que sa conception de la dignité reste principalement dominée par la virilité comme si la dignité ne pouvait être conçue — dans sa culture et du coup par lui — qu'à travers le masculin. Dans ce contexte, le féminin matérialise le tadalîit (manque total de dignité). Par conséquent, ce qu'il critique c'est l'effacement de la ligne de démarcation entre l'homme et la femme et du rôle de chacun d'eux dans la société. Image qui revient sans cesse dans ses poèmes et qui exprime la perte du respect que l'on inspire (luqqr). Cette transgression des limites de chaque sexe par chacun d'eux est dénoncée avec une telle rage que certains passages de ses textes glissent parfois vers la mysoginie et le racisme4.

Asif 1. Bismi-llah wa bi-llah u-rhim bdih is 2. Akwn saqqsag a willag nit ugernin 3. G leaqql d leemmr fkat-yyi lhwbar 4. Ma jjun izran lbenya zg wasif 5. Issudr-ang rbbi ayllig atn bnnug 6. Hayyag gil nbidd a nmmag d wasif 7. Inna ukan hwlan innag bnuyat 8. Igwurramn ula §§erfa yan dduea 9. Ula kunni a ftelba a ddalbm rbbi

10. Ula ma ilan lfadayl g ddunit 11. Adag ur yini lebher ad zwin 12. Manit yuman mag rat zwig? 13. Ula talli lig ig inna rezmat-as 14. A mas su(l) ras twajabh, ad edemg 15. Wa tdda rrbaeiyya, busTir jlan-ang 16. Imttawn ag ilazemn urd lferh 17. Ahh a tadgalin, nga zgiwnt

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18. Ahh a tadgalin, nga yad zgiwnt 19. Lsih-k a lizar, nelsa-d §wayat 20. Nqqen-k a §§erbil, nerzi s tzerzay 21. Nginn tihwursin, lsig ddbalij 22. Nzul alln, agenbur-inw ayad nkkit 23. A immi-nw! a immi-nw! mani-s ddih? 24. Wa immi-nw! a immi-nw! mani-s ddih? 25. Willag izggwurn, gikk ggwran-ah 26. Ikkis-anh uhbbud luqqr, isddullah 27. Aywn awa mlag mag iskern gkad : 28. Nkkattin yan uzemz urt akkw eedemh 29. (Nettgwel) ukan agwih ad thennah 30. Arnssag lqwurtas art nttehzan 31. Nasi-d rbaeiyyat ula lefdil 32. Ula yakw bu-lhwmasi ula asdasi 33. Ula asbaei (bu-§sTir isddulan) 34. ula asbaei (bu-SSfir isddulan) 35. Ar nsiggil lggrut s ngrat-nh 36. Wanna ukan hgerg gassan ddullun 37. Yasi tarwa rheln fkin i ddunit 38. Nakwi s tgumma (d idan hjemn-ag) 39. Ngig irgazn, nnga sbyan 40. Nnga timgarin, ur ag ediln 41. ...

Le Fleuve5 1. Au nom de Dieu et par Dieu, le Clément, je commence. 2. Dites-moi, vous qui êtes plus intelligents 3. Et plus âgés; répondez-moi : 4. N'est-ce pas absurde de construire en plein fleuve? 5. Dieu m'a laissé vivre jusqu'à ce que je sois forcé de le faire. 6. Nous voici maintenant contraints de lutter contre le fleuve; 7. Tout ce qu'il démolit, on nous oblige à le reconstruire. 8. O saints et chérifs! je vous en supplie : une prière! 9. Et vous aussi clercs, implorez Dieu,

10. Et tout ce qui possède de la vertu par le monde 11. Qu'on ne nous demande pas de déplacer la mer. 12. Où tiendrait-elle? où pourrais-je la vider? 13. Et celle que j'ai épousée, si on me demande de la répudier 14. Qu'allais-je leur répondre? C'est bien ce que j'ignore. 15. On nous a confisqué nos carabines, nous avons perdu nos fusils à pierre. 16. Ce sont des larmes, non la joie, que nous méritons 17. Oh! femmes, déjà, nous sommes devenus d'autres femmes parmi vous : 18. Oh! femmes, déjà, nous sommes devenus d'autres femmes parmi vous : 19. Désormais, je porte le voile et le kaftan; 20. Je chausse des babouches brodées, j'utilise des fibules; 21. Je me mets des boucles d'oreilles et des bracelets, 22. Et je me maquille les yeux. Avec mon drap, je me couvre la tête. 23. Oh! mère, oh! mère, où vais-je comme ça? 24. Oh! mère, oh! mère, où vais-je comme ça? 25. Ceux qui devaient nous guider désormais nous suivent. 26. La Tripe nous a ôté toute dignité. Elle nous a humiliés. 27. Je vais vous dire ce qui nous a rendus ainsi : 28. Il y avait une époque que je n'admire guère

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29. (On était inquiet et pas du tout tranquille) 30. Nous achetions des munitions et nous en stockions 31. Nous sortions alors nos carabines et nos fusils à pierre 32. Nos pistolets et nos fusils-à-6-coups 33. Et même ceux à-7-coups (les plus redoutables) 34. Et même ceux à-7-coups (les plus redoutables) 35. Dans le but de nous entretuer. 36. Ce jour-là, on humiliait quiconque était faible; 37. Avec ses enfants, on l'obligeait à s'expatrier. 38. Nous pillions aussi les maisons (en pleine nuit) 39. Nous massacrions et des hommes et des enfants 40. Nous massacrions des femmes, ce qui n'était pas bien.

Le texte d'Azeeri concerne une époque importante dans l'histoire récente du pays. Il illustre la manière dont est perçue l'entreprise coloniale (ce qu'on a surnommé « la pacification du Maroc ») par ceux qui sont du mauvais côté du fusil. Azeeri n'est évidemment pas le premier ni le dernier à entreprendre cette lutte par le vers et la musique. La poésie de la résistance est née avec la conquête coloniale. Mais à la différence d'autres chants marocains de ce genre, le texte d'Azeeri n'a recours ni aux insultes, ni à la haine classique du Roumi. Il s'adresse plutôt à son groupe et n'en veut qu'à lui et à personne d'autre6.

L'auteur s'étonne devant le bouleversement tottaal qui vient de le surprendre : le Protectorat français est là. Celui-ci lui confisque d'abord ses armes pour ensuite lui imposer certaines corvées. Le poète cherche à comprendre mais son désir d'écouter une explication ne relève que de la rhétorique.. Il interroge d'abord les plus sages du groupe dont il est le porte parole. De ceux-ci, il attend d'être guidé. En vain.

Azeeri se met à la recherche d'autres solutions : Les saints sont alors invoqués. Usage très courant dans la poésie vernaculaire maghrébine. Devant les forces d'occupation, il supplie tous ceux qu'il croit être en contact avec le divin d'empêcher que le pire advienne : qu'on ne le force pas à accomplir l'impossible. C'est à dire que, d'une part, le poète-chanteur accepte désormais de se soumettre jusqu'à un jour meilleur. Il peut exécuter tout ce qu'on lui ordonne de faire; mais vider la mer!... Si au moins c'était dans les possibilités humaines! D'autre part, cela veut dire que, pour lui, l'oppresseur est capable de demander l'absurde car, une fois vainqueur, ses exigences n'ont plus de limite.

Désormais, est révolue l'époque où on avait des munitions en réserves (vers 30), toutes sortes d'armes (vers 31-33), et l'âme irascible à fleur de peau. Mais c'était plutôt «dans le but de nous entretuer»7. Cette période héroïque de jadis lui appa- rait maintenant comme le comble de la stupidité, de l'ignorance et de l'ankylose sociale. On assiste ainsi chez lui à une véritable auto-critique exacerbée qui revient constamment entre ses lignes. Dans un autre poème intitulé «La chanson du Tout», il conclut comme suit :

O mon âme! ne pleure pas et rien ne regrette (Tu mérites bien) tout ce que tu encours 0 Musulmans! Vous vous divertissez bien, mais par Dieu! Il est temps de regarder en nous-mêmes (a nttuham)8.

La fierté de jadis est perdue et avec elle la virilité qui seule la matérialise. Le chanteur qui a été humilié (iddulla) n'est plus maintenant qu'une femme. Il trahit sa propre nature puisqu'il change de sexe. Peu importe s'il appelle sa mère à son secours immédiatement après. On connait l'attitude ambiguë envers la femme dans

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bien des sociétés. Dans la culture musulmane en particulier, grande est la différence entre la mère et la femme9.

0 Mère! o mère! où vais- je comme ça? La nature s'est donc pervertie et le monde est à l'envers. Ceux qui devraient

nous guider, hélas ! ne font que suivre les plus aveugles d'entre-nous. Image bien connue depuis le poète persan Bashar Ibn Burd, ou plutôt depuis que le Dieu coranique nous a tirés des ténèbres pour nous guider vers la lumière. Selon le poète, un nouveau vice s'est infiltré en nous avec la conquête européenne : l'avidité, symbolisée ici par ahbbud^la tripe», dirait Rabelais. «Tout est pour la tripe» (Baida- phon 98 559) est le titre d'une autre chanson d'Azeeri :

La Tripe nous a ôté de dignité (luqr), nous a ôté d'honneur (kerd) Cette image de la tripe qui désigne «le glouton, le gros mangeur jamais rassasié

et parfaitement indifférent à la qualité de ce qu'il mange» est aussi omniprésente dans «la chanson du Tout»10. Ce péché capital des temps modernes nous a entraînés, dit-il, vers la perte de notre humanité, signe avant coureur de l'apocalypse même.

Mais, ajoute-t-il, il ne faut rien regretter. Plutôt se résigner et accepter le décret divin. Notre sort est bien mérité puisque nous n'avons pas su avoir une vue «historique» et plus large de notre existence socio-politique.

Fatima Tihihit

Fatima Tihihit, comme son nom l'indique, est de la région de Haha dans le Haut- Atlas occidental. Elle a commencé à chanter professionnellement au début des années 70. On raconte qu'elle a été mariée plusieurs fois par son père très jeune et malgré elle. Elle finit par divorcer pour rejoindre la troupe de Rays Jamae Lhamidi puis de Lhajj Muhmmad Ademsir avant de former sa propre troupe. Pour la quatrième fois elle s'est mariée pour renoncer cette fois à la vie d'artiste11

Ur Gig a Baba Tamuzunt12 1. Ur gig a baba tamuzunt, (ad ak-d) urrig 2. Ar ah takka-t i yan ur nhald ad dids munag 3. Ar ah takka-t i yan nhald ad dids munag 4. Ihtajja faruz lhilat wala lbellar 5. Ihtajja warraw n yan adas itthiyyar 6. Att nid ur isiggl gar-middn immerhba sers 7. Iht iwin ar lmahal ar gis ittgiyyar 8. Art issiwid igllin ar das imdu Hun 9. Ur sul ufin lha{r wahha dids imun

10. Gan Kullu filas ussan-ns attan d lhuf 11. Yuf gassad ih iga yan arwasi thennun 12. Awr ittahil a yili g lehkam ard itelf 13. Utg learbun n zziwaj ur sul iqwdi yat 14. Yan gis illan ur ufin meskin ad saweln 15. Car tammara ag ittili d lektert n tdallit 16. Igd ifïiig aheln ig igiwr ittawhuwwal 17. Art issusus lhal ar ittzayad g lhuf 18. Ar kig immut ifel-d attan g lwaldin-ns 19. Yuf yan ukan ad a snaqqasn amarg i wul

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20. Ifk i ddunit innag ilia rezq izri sers 21. Yan igan ussaeid mqqar iesa yard rmin 22. Ar kig iggwz ikaln gin sul u-ljennat 23. Ur giten-g lhasada (n) yan wala nderra-t 24. Iblay-g rebbi s imurig neum i ddunit 25. Ar nesttu lhemm i lahbab-inw ig-ag brremn 26. Ar kig nmmut nfel-d amarg-inw igllin 27. Yan gigeng innan leib ur gigeng gaman 28. Ur gig ibla win rbbi hleqqn-ag izdar-ag 29. Yan ga-ttilit a lhasada ur ag iqwda yat 30. Yan rig, ur ra-ddis bdug, ar kig neggwz akal

Je ne suis pas, ô père! une pièce de monnaie 1. Je ne suis pas, ô père! une pièce de monnaie que tu donnes et reprends : 2. A n'importe quel inconnu, pour lui tenir compagnie, tu me donnes. 3. A n'importe quel inconnu, pour lui tenir compagnie, tu me donnes. 4. La porcelaine et le cristal n'ont-ils pas besoin d'une grande délicatesse? 5. Son propre enfant ne mérite-t-elle pas un choix plus minutieux? 6. Qui pourrait lui éviter de tomber entre de mauvaises mains, 7. D'être embarquée par quelqu'un qui, chez lui, la maltraite, 8. Et qui l'effraye, la pauvre, jusqu'à perdre ses couleurs; 9. Ne trouvant point, en sa compagnie, ni paix, ni repos.

10. Toute sa vie n'est plus qu'effroi et douleur déchirante. 11. Aujourd'hui, mieux vaut être célibataire pour connaître la quiétude, 12. Ne pas se marier pour éviter d'être sous le joug et de perdre la raison 13. Du mariage, j'ai fait l'expérience : il ne résoud rien. 14. Celle qui s'y trouve ne pourra guère, la pauvre, ouvrir sa bouche; 15. Seules peine et humiliation deviennent son sort. 16. Si elle décide de sortir, elle est dans l'embarras; chez elle, elle est tourmentée; 17. Rongée par le temps (qui passe), sa peur s'intensifie incessamment. 18. Ainsi jusqu'à sa mort quand, à ses parents, elle ne laisse que des remords 19. Mieux vaut, certes, perdre ses attaches et s'éloigner du foyer, 20. Errer sur terre et aller là où on trouve sa subsistance. 21. Quiconque a de la chance, même s'il a commis des péchés à satiété, 22. A sa mort, il finirait par aller au Paradis. 23. Je n'envie personne; à personne, je ne fais de mal. 24. Seule la vie d'artiste me passionne, je parcours le monde 25. Afin de soulager — par mes divertissements — les amis qui m'entourent; 26. Ceci jusqu'à ma mort quand, derrière moi, je laisserai mes pauvres chansons. 27. Quiconque, de moi, a médit, je ne lui en veux guère. 28. A Dieu seul, mon Créateur, j'appartiens; de moi, il prend soin 29. Et le jaloux, contre ma personne, ne peut rien; 30. Quant à mon désir, je ne le quitterai que le jour où je descends sous terre.

T-ihihit commence par reprocher à son père de la traiter comme une chose qu'on troque. Sa protestation vise en particulier la façon dont celui-ci conçoit leur rapport. Elle lui rappelle sa vraie nature d'être humain qui nécessite un autre genre de relation. L'ignorance de la véritable nature des êtres peut avoir des conséquences dramatiques. La femme constamment menacée (ittawhuwwal) et dont le seul sort est humiliation (tadallit), déchirement (attan) et effroi (Ihuf), vit un enfer décrit minutieusement par la chanteuse.

Mais les parents semblent sourds à tant de complaintes. La situation nécessite alors une autre solution. Mais remarquons tout d'abord que si l'auteur proteste

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contre les siens, ce sont à eux qu'elle pense encore à la fin de ses jours (vers 18). La révolte contre ceux-ci n'est donc pas poursuivie jusqu'au bout. Le cordon ombilical continue-il à lier le ciel (l'auteur après la mort) et la terre (parents encore vivants)? ou s'agit-il plutôt d'un soulagement qui découle d'un certain espoir de voir ses parents regretter leur comportement vis-à-vis d'elle ?

La décision est prise et il faut partir. N'importe où mais pas avec n'importe qui. Dorénavant, ce sont les artistes qu'elle préfère prendre pour compagnons dans ce monde. Ceux que la société a toujours regardés obliquement. Une femme qui refuse l'autorité (Iehkam) du mari et qui erre avec des marginaux! Dieu seul con- nait ce qui gît dans le fond de son cœur. Ainsi jusqu'à sa mort quand, cette fois, elle regrette non pas ses parents mais plutôt ses pauvres chansons (vers 26). Seul ce genre de vie s'accorde avec sa nature d'être libre et indépendant. A cela elle restera donc à jamais attachée pour éviter la folie (ard itelf).

Ces deux textes enseignent une seule et même leçon : l'injustice transforme la nature des êtres. Azeeri se sent dénaturé (vers 17-25) à cause de sa défaite. Suite à tant d'humiliations et de souffrances (tammara), Tihihit perd ses couleurs {imdu llun (vers 8). Aussi préfère-t-elle l'errance pour ne pas perdre aussi sa raison (vers 11-12).

Les deux poèmes illustrent aussi le passage dans le temps d'un genre d'injustice à un autre. A des périodes historiques différentes, sensibilités différentes. Il est évident qu'à l'époque où Azeeri protestait contre le mal colonial, on ne peut absolument pas prétendre que la femme maghrébine ne sentait pas d'une façon ou d'une autre l'étroitesse de son champs d'action dans le mariage et encore moins qu'il n'y avait pas d'injustice sociale tout court. D'ailleurs, le poète montagnard ne fait- il pas mention de la loi du plus fort qui régnait alors dans son pays? N'est-ce pas cet aspect de la vie sociale que précisément il dénonce chez son groupe. Plus intéressant encore est le fait que son texte est traversé par une certaine conception archaïque de la femme. C'est à dire qu'une lutte contre un mal peut en cacher bien d'autres. La manière avec laquelle chacun des auteurs exprime sa colère est bien significative. Pour Azeeri il est question de fusil, ce symbole de la violence dont il est maintenant dépourvu. Par les armes il a été subjugué et humilié et c'est par ce même moyen qu'il pense redresser sa situation. En cela, Azeeri ne fait que continuer une tradition de la poésie de résistance déjà ancienne en Afrique du nord depuis la prise d'Alger en 183013.

Différemment d' Azeeri, Tihihit ne souhaite guère avoir une confrontation directe avec la source de son mal, mais plutôt une fuite vers un autre genre de vie. Le moyen utilisé par cette dernière est pourtant beaucoup plus bouleversant qu'il ne parait de prime abord. En effet, le texte de Tihihit met en question une des plus vieilles institutions sociales de l'homme : le mariage (zziwaj). Par sa révolte contre cette forme de vie sociale, elle accuse, à travers son père, la société patriarcale de lui porter tort en tant que femme. Or, en optant pour la vie d'artiste qui d'ailleurs est loin d'être sans risque, elle met en relief le côté insupportable, puisque inhumain et barbare, de cette institution sociale. Pour la femme rurale maghrébine, comme pour la quasi totalité de l'humanité, le mariage est le cadre limite de la socialisation. Oser chanter le désir de vivre en dehors de ce cadre demande un certain courage qui n'a d'égal que le degré d'avilissement subi. Certes, il y avait toujours et partout des femmes qui vivaient dans le célibat. Il y avait des hommes

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aussi d'ailleurs, mais là n'est pas la question. Ici le texte de Tihihit propose et chante ce choix14. Dans ce sens, il sort de l'ordinaire, non seulement parce qu'il dénonce la coutume locale concernant le mariage des filles, mais aussi parce qu'il va plus loin. Car ce qu'il explicite, c'est bel et bien la faillite de la vie maritale pour la femme :

Aujourd'hui, mieux vaut être célibataire pour connaître la quiétude, Ne pas se marier pour éviter d'être sous le joug et de perdre la raison. Du mariage, j'ai fait l'expérience : il ne résoud rien.

Mais qu'attend l'auteur de l'union conjugale en fin de compte? et quel problème veut-elle résoudre dans et par le mariage? Celui du désir et de l'amour, celui de la liberté ou les deux? Espère-t-elle sortir de la domination familiale — et du père avant tout — au moyen d'un mari? Tant de questions sur lesquelles le texte reste obscur. Ce qui est clair, c'est que la vie de ménage, comparée à la vie d'artiste — tout danger compris — est un cauchemar bien douloureux et plein de misères (argis ittïgiyyar). Et l'auteur semble vouloir tirer toutes les conséquences de cette expérience, aller jusqu'au bout de son raisonnement et payer le prix qu'il faut.

Cependant, à l'horizon de sa sensibilité apparaît Dieu le justicier qui s'occupe du sort de l'homme et de la femme dans l'au-delà. Les limites du texte de Tihihit sont donc plutôt d'ordre religieux. Mais le religieux, ou du moins nos différentes conceptions religieuses, sont précisément l'œuvre du social lui-même. Pour l'auteur, la vie d'artiste est toute liberté et épanouissement. Mais elle peut, croit-elle, amener la femme qui s'y adonne à se purifier plus tard de ses péchés. Seule la miséricorde divine peut la sauver de la damnation éternelle. C'est pour cette raison que Tihihit espère être parmi celles qui auront cette faveur. Ce sentiment d'exercer un métier que la société tient pour blâmable parce qu'il mène droit au péché est quasi-présent chez les chanteuses populaires (Sihât). Ici on touche du doigt le statut de la femme artiste dans les sociétés musulmanes15. Mais même avec ce risque de ne pas être choisie par la chance, l'auteur refuse de rester un simple objet familial et une chose maritale.

Dans les sociétés à traditions orales, la poésie à la double fonction de divertissement et d'édification16. Les poètes populaires sont, par leur nature même, impliqués d'une façon ou d'une autre dans le devenir du groupe humain qu'ils représentent. Par conséquent, dans ces sociétés, ils « ne peuvent pas ne pas être engagés». Mais ils savent aussi prendre leur distance vis- à-vis de certains phénomènes sociaux, politiques ou autres pour devenir «les maîtres à penser» de leur groupe dont ils peuvent influencer le cours des actions17.

Si la poésie engagée en général élève et charme l'homme pour mobiliser ses forces, la poésie en langue vernaculaire, qu'elle soit en berbère ou en arabe dialectal, reste l'expression du devenir populaire, de ses crises, de ses tensions et bien entendu de ses espoirs. Dans la tradition marocaine, Sidi Abdrrahman al-Majdub et Sidi Hemmu demeurent deux grandes figures qui se détachent de toute cette période pré-coloniale. Depuis la prise d'Alger, la poésie orale maghrébine a été profondément marquée par la lutte contre l'envahisseur. Or si, depuis les Indépendances, les poètes populaires continuent à consolider les acquis de la lutte politique, ils se tournent en même temps contre des injustices sociales qui, maintenant que le

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«satan étranger» est chassé, apparaissent au grand jour. Les deux poèmes ici présentés illustrent bien les deux étapes. Aussi enseignent-ils cette vérité toute simple, à savoir que seule la résistance à l'injustice peut rendre aux êtres et aux choses leur nature véritable.

NOTES

1. Mes remerciements vont à Edmond El-Maleh pour avoir relevé certaines erreurs et particulièrement à Hakima Berrada avec qui j'ai longuement discuté ce papier. 2. Le texte d'Azeeri est transcrit à partir du disque 78 tours Baidaphon n° 98 555-6. L'étiquette du disque porte le nom de l'auteur comme étant Lemjeari (?) et le nom de la chanson «Lwad». Les 3 astériques séparent les deux faces du disque. Le dernier vers (n° 41) n'est pas audible. Le texte de Tihihit est transcrit à partir du disque Koutoubiaphone microsillon 45 tours n° KTP 1758 A. Il existe aussi sur cassette Koutoubiaphone n° KTP 5032 A. 3. Sur lui Paulette Galand écrit : « Sa réputation est grande parmi les Chleuh, mais sa vie est mal connue. Il serait, m'a-t-on dit des Ida Gnudif [Ida Wnidif (?)] au nord[Est (?)]de Tafraoute, d'un pays nommé Almuggar n Tunlilin. C'était "un homme de la montagne". Il passa au moins une partie de sa vie à Casablanca. Il ne semble pas qu'il ait autant voyagé qu'un Lhajj Beleid et il n'a pas eu de troupe autour de lui. Il allait seul, quelquefois avec un assistant. Il s'accompagnait non sur un lutar ou un ribab comme la plupart des trouvères chleuhs, mais sur un vieux violon en mauvais état (Ikamanza) et ses talents d'instrumentiste et de chef d'orchestre étaient minces. Ce n'était pas l'exécution musicale qui préoccupait ce poète solitaire mais le sens profond du poème, la Imena qui doit toucher l'auditoire... » Recueil de Poèmes Chleuhs, Paris, Klinck- sieck 1972,P.262. 4. Voir deux poèmes d'Azeeri «Chanson de David» et «Tout pour la Tripe» publié par P. Galand- Pernet, Recueil de Poèmes Chleuhs, P. 104-1110. D'après mon informateur, Azeeri aimait raconter l'histoire d'une femme qui était allée voir un petit faqih pour confectionner une amulette à sa fille afin de soumettre son mari à sa volonté. Comme l'homme voulait se débarrasser d'elle, il pensait lui demander l'impossible en l'envoyant chercher trois poils du dessous de la gueule d'une hyène encore vivante. Tard dans la nuit, la femme est venue frapper à la porte du faqih avec une hyène au bout d'une corde. Elle le réveilla pour lui demander de choisir lui-même les trois poils particuliers que le mari réclamait. Voyant l'animal sauvage, l'homme prit peur et s'enferma à double tour dans sa chambre. Azeeri disait que le faqih avait tout simplement répondu à la femme : Nkki hurmih-am rbbi is tennerit lkutub Iknna ka teskert i yifis, teskertt i urgaz Moi je me mets sous la protection de Dieu; toi tu es plus forte que les écritures. Si tu as pu gagner et dompter l'hyène, tu peux faire autant pour le mari de ta fille. 5. Il est difficile de rendre par la traduction un poème chanté autrement fluide dans son rytmhe musical. On a évité de donner une traduction trop littérale pour ne pas alourdir la version française. On a aussi supprimé les répétitions dans chacun des deux poèmes pour la même raison. Mais, chaque fois que cela est possible, on a préféré garder l'image d'origine tout en essayant de conserver au maximum le mouvement et le ton du texte en TaSelhit. Chaque vers est numéroté pour faciliter au lecteur berbérisant de se reporter facilement au vers du texte d'origine correspondant. Le découpage en strophes reflète notre propre lecture de chacun des deux textes. 6. Voir E. Laoust, «Chants Berbères contre l'occupation française» in Mémorial Henri Basset, I.H.E.M., II, Paris Geuthner 1928. Les points sensibles que le «Fleuve» partage avec ces textes, recueillis dans le Moyen-Atlas (Beni-Mtir) vers les années 20, sont les suivants : — La révolte contre le système de corvées imposées pour faire les routes et les pistes qui serviront beaucoup plus à l'occupant — «Dieu paraît sourd à tant d'appels» et qu'il n'y a rien à faire puisque le protectorat a désarmé les tribus pour se réserver désormais l'exclusivité de la violence. — L'espoir n'est jamais perdu mais pour Azeeri il y a une condition essentielle : réviser notre état et défauts dont l'avidité du gain à n'importe quel prix n'est pas le moindre. — L'image du fleuve symbolisant le côté dévastateur de l'occupant. En fait, qui peut « faire passer le pont déjà envahi par l'eau » ? 7. Capitaine Delhomme, «Les armes dans le Souss occidental», Archives Berbères, 1917, p. 123-129.

Page 11: Injustice Et Résistance Dans La Poésie Berbère-taselhit

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8. Baidaphon 98 549-550. Ihf-inw! ad ur tallat ula ttendemt Kulmma tezzrit (...) A imuselmn, wunnsat imma ullah Amkag akkw ilazm abla a nttuham 9. Sur ce point voir Abdelwahab Bouhdiba, Sexualité en Islam, Paris, PUF, 1975; particulièrement le dernier chapitre «Au royaume des mères». 10. Sur le terme ahbbud, luqr et herd, voir P. Galand-Pernet, Recueil, P. 265. Vers concernant ahbbud dans «la chanson du Tout» (Baidaphon 98 549-550) : La Tripe nous a ôté et la dignité et l'honneur Elle nous a ôté la barbe, ô mes amis! J'en suis dépourvu La Tripe nous a ôté la barbe, elle vous a, (ô femmes !) ôté la coiffure Car c'est sur la place du marché que, désormais, nous nous croisions. Maudite soit la Tripe qui nous a séparés de nos amis! Maudite soit la Tripe qui nous a séparés de nos parents! Maudite soit la Tripe qui nous a séparés des humains! Elle nous a fait oublier Dieu et le Prophète Mohammed Quoique je fasse à cette maudite, elle réclame toujours plus. 1 1 . Voir al-mulhaq al-usbuei (n° 23) du quotidien marocain Al-Ittihad al-ishtiraki (4 juillet 1 987, P. 5).« Depuis l'apparition toute récente dans le monde du chant et du spectacle d'une femme du même nom, Fatima Tihihit Mezziyn (La petite), on se réfère à notre chanteuse comme étant Tihihit Meqqurn (La grande). Son vrai nom est Fatima Mujahid». 12. Amarir, {Al-Sier al-Magribi al-amazigi, 1975, p. 128) termine sa transcription du même poème par les 3 vers suivants : Ahbib lli terda tasa iga zund ukan Tihsi n leid a imuselmn ur a tgiyyar Ig gis ur ufin §rud ur tend izger §§ere L'ami de mon cœur ressemble, ô mes auditeurs! Au mouton de la fête du sacrifice, toujours le même S'il ne remplit pas toutes les conditions (religieuses), il ne peut pas être licite. Ces trois vers viennent-ils d'une version orale ou d'une édition différente de celle que j'ai pu écouter? 13. Voir par exemple Hans Stumme, Dichtkunst und Gedichte derSchluh, Leipzig 1895, p. 64-74 «lqqist n dzayr» Gedicht ûber die Einnahme der Stadt Algier (1830). 14. D'ailleurs il nous importe peu ici qu'elle le fasse ou non dans sa vie privée. Lui en demander autant, c'est passer à côté de l'essentiel du texte et ce qu'il représente. Le succès de cette chanson auprès de beaucoup de marocaines suffit à démontrer que le texte dépasse l'expérience personnelle de la chanteuse. D'ailleurs il n'est même pas certain que Tihihit en est l'auteur elle-même. 15. Une interview de Reqqiyya Taddemsirit laisse échapper les mêmes préoccupations. Il est intéressant, par ailleurs, de remarquer que la biographie des chanteuses populaires est stéréotypée : elle est orpheline, on l'a mariée à un homme plus vieux qu'elle et malgré elle, elle est maltraitée par la nouvelle femme de son père... alors elle s'est sauvée pour rejoindre les troupes de chanteurs. Voir l'interview avec Tihihit Mzziyn (La petite) dans Al-Ittihad al-Ishtiraki, al- Mulhaqq al-usbuei consacré au phénomène de Sihât, n° 23 du Samedi 4 juillet 1987. Voir aussi celle de Reqqiyya Taddemsirit dans le même quotidien, n° 1870 du 18 sept. 1988, P. 8. 16. K. L. Brown et A. Lakhsassi, «La Destruction est comme un Oued» in Littérature Orale Arabo-Berbère 18 (1987), p. 43-63. Voir en particulier la section «poésie et histoire orale», p. 53. 17. Pour la poésie Somalienne sur ce point, voir B.W. Andrzejewski, «The Poem as message : Verbatim memorization in Somali Poetry» in Memory an Poetic Structure : Papers of the conference on Oral Literature and Literary Theory held at Middlesex Polytechnic, 1981 edited by Peter Ryan. Sur la poésie des régions berbèrop hones, Paulette Galand-Pernet écrit que celle-ci «serait représentée par une circonférence où seraient placés trois points, le poète, l'œuvre, le public, tels que la trajectoire allant du poète, par l'œuvre, au public rapporte sans cesse au poète à la fois les réactions du public à l'œuvre et ses réactions au monde où ils vivent tous deux, et où le poète ne peut pas ne pas être engagé.» Annuaire de l'Afrique du Nord, 12 (1973), p. 262. Maurice Fleuret rapporte dans Le Nouvel Observateur, (Lundi 12 Mars, 1979, p. 72-75; «Les troubadours du Haut-Atlas ») qu'«en 1952, quatre ans avant l'Indépendance, Ouahrouch a dû faire trois mois de prison pour une chanson qui n'avait pas plu au Caïd. Et, tout récemment encore, un célèbre rais s'est fait indirectement menacer pour avoir ironisé sur le train de vie des ministres».