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Figure 1. Radiographie du pied gauche de face : démi- néralisation de la tête du premier métatarsien avec zone d’ostéolyse de la base de P1 du premier rayon, prédominante sur le versant interne, avec tuméfaction des parties molles en périphérie. Aspect en faveur d’une ostéoarthrite. 104 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXX - n o 3 - mai-juin 2015 ACTUALITÉS Imagerie en maladies infectieuses Imagerie des infections osseuses Imaging of bone infections Michaël Benhamou*, Arnaud Martin*, Loïc Bouilleau*, Jérôme Druon**, Louis Ber- nard*** , ****, Jean-Philippe Cottier* * Service de radiologie, CHRU Breton- neau, Tours. ** Service d’orthopédie, CHRU Trous- seau, Chambray-lès-Tours. *** Service de médecine interne et de médecine infectieuse, CHRU Breton- neau, Tours. **** Centre de référence des infec- tions ostéo-articulaires complexes du Grand Ouest. L es infections ostéoarticulaires (IOA) repré- sentent des situations cliniques très diverses, allant de l’urgence thérapeutique au diagnostic difficile d’infection larvée. L’imagerie médicale a un rôle primordial dans la prise en charge des IOA ; de nombreuses techniques sont disponibles (radiographies standard, tomodensito- métrie [TDM], échographie, imagerie par résonance magnétique [IRM], scintigraphie osseuse). La prise en charge des IOA doit être précise afin d’éviter les potentielles complications redoutables (infectieuses générales, orthopédiques ou neurologiques). Cet article a pour objectif de présenter la sémiologie, à l’imagerie, des infections osseuses (ostéite, ostéo- myélite, arthrite septique, spondylodiscite) et la place respective des différentes techniques d’imagerie. Ostéites et ostéomyélites En fonction du site de l’infection et de la voie de contamination, on distingue différents types d’infections (1) : l’ostéomyélite correspond à une infection de la moelle osseuse, le plus souvent d’ori- gine hématogène, qui peut s’associer à une atteinte de la corticale adjacente. L’ostéite correspond à une infection initiale de l’os cortical, le plus fréquemment par inoculation directe ou par contiguïté. Selon la durée d’évolution, on distingue les infections aiguë, subaiguë et chronique. Ces infections, qui surviennent quel que soit l’âge, ont toutefois des particularités liées à l’anatomie du squelette en fonction de l’âge (2). En effet, chez l’en- fant, les infections ostéo-articulaires prédominent au membre inférieur alors que, chez l’adulte, elles prédominent au bassin et aux os courts. L’ostéo- myélite des os longs est rare chez l’adulte. En outre, la riche vascularisation des métaphyses des os longs chez l’enfant est un facteur favorisant la greffe de l’agent pathogène, ce qui explique le pic de fréquence d’ostéomyélite à l’âge de 6 ans. Ostéomyélite et ostéite aiguë Radiographie standard Les radiographies sont systématiques en première intention. Les modifications visibles précocement intéressent les parties molles avec un comblement des plans graisseux. Les premiers signes osseux n’apparaissent qu’à l’issue de 7 à 10 jours d’évo- lution sous forme d’une résorption sous-périostée avec une hyperclarté de l’os cortical et sous-cor- tical (figure 1). La réaction périostée sous forme d’appositions n’apparaît que secondairement. Tomodensitométrie La TDM n’est pas indiquée au stade aigu. Cependant, la sémiologie est superposable à celle des radio- graphies standard et l’analyse de la trame osseuse y est plus fine (figure 2).

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Figure 1. Radiographie du pied gauche de face : démi-néralisation de la tête du premier métatarsien avec zone d’ostéolyse de la base de P1 du premier rayon, prédominante sur le versant interne, avec tuméfaction des parties molles en périphérie. Aspect en faveur d’une ostéoarthrite.

104 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXX - no 3 - mai-juin 2015

ACTUALITÉS Imagerie en maladies infectieuses

Imagerie des infections osseusesImaging of bone infections

Michaël Benhamou*, Arnaud Martin*, Loïc Bouilleau*, Jérôme Druon**, Louis Ber-nard***,****, Jean-Philippe Cottier*

* Service de radiologie, CHRU Breton-neau, Tours.

** Service d’orthopédie, CHRU Trous-seau, Chambray-lès-Tours.

*** Service de médecine interne et de médecine infectieuse, CHRU Breton-neau, Tours.

**** Centre de référence des infec-tions ostéo-articulaires complexes du Grand Ouest.

Les infections ostéoarticulaires (IOA) repré-sentent des situations cliniques très diverses, allant de l’urgence thérapeutique au diagnostic

diffi cile d’infection larvée. L’imagerie médicale a un rôle primordial dans la prise en charge des IOA ; de nombreuses techniques sont disponibles (radiographies standard, tomodensito-métrie [TDM], échographie, imagerie par résonance magnétique [IRM], scintigraphie osseuse). La prise en charge des IOA doit être précise afi n d’éviter les potentielles complications redoutables (infectieuses générales, orthopédiques ou neurologiques).Cet article a pour objectif de présenter la sémiologie, à l’imagerie, des infections osseuses (ostéite, ostéo-myélite, arthrite septique, spondylodiscite) et la place respective des différentes techniques d’imagerie.

Ostéites et ostéomyélites

En fonction du site de l’infection et de la voie de contamination, on distingue différents types d’infections (1) : l’ostéomyélite correspond à une infection de la moelle osseuse, le plus souvent d’ori-gine hématogène, qui peut s’associer à une atteinte de la corticale adjacente. L’ostéite correspond à une infection initiale de l’os cortical, le plus fréquemment par inoculation directe ou par contiguïté. Selon la durée d’évolution, on distingue les infections aiguë, subaiguë et chronique.Ces infections, qui surviennent quel que soit l’âge, ont toutefois des particularités liées à l’anatomie du squelette en fonction de l’âge (2). En effet, chez l’en-fant, les infections ostéo-articulaires prédominent au membre inférieur alors que, chez l’adulte, elles prédominent au bassin et aux os courts. L’ostéo-myélite des os longs est rare chez l’adulte.En outre, la riche vascularisation des métaphyses des os longs chez l’enfant est un facteur favorisant la greffe de l’agent pathogène, ce qui explique le pic de fréquence d’ostéomyélite à l’âge de 6 ans.

Ostéomyélite et ostéite aiguë ◆ Radiographie standard

Les radiographies sont systématiques en première intention. Les modifications visibles précocement intéressent les parties molles avec un comblement des plans graisseux. Les premiers signes osseux n’apparaissent qu’à l’issue de 7 à 10 jours d’évo-lution sous forme d’une résorption sous-périostée avec une hyperclarté de l’os cortical et sous-cor-tical (figure 1). La réaction périostée sous forme d’appositions n’apparaît que secondairement.

◆ TomodensitométrieLa TDM n’est pas indiquée au stade aigu. Cependant, la sémiologie est superposable à celle des radio-graphies standard et l’analyse de la trame osseuse y est plus fi ne (fi gure 2).

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Figure 2. Coupe axiale tomodensitométrique de la hanche gauche (fenêtre osseuse) : zones de démi-néralisation à limites fl oues, associées à des foyers d’ostéolyse au niveau de la tête et du col fémoral gauche. Tuméfaction des parties molles périphériques avec épanchement intra-articulaire abondant. Plages d’ostéolyse sur le versant cotyloïdien de l’articulation.

Figure 3. IRM du pied. (A) Coupe axiale pondérée en T1 : hyposignal de la tête du premier métatarsien avec rupture de la corticale (fl èche). (B) Coupe axiale pondérée en densité protonique et avec saturation de graisse : franc hypersignal T2 de la tête du premier métatarsien (fl èche). (C) Coupe sagittale T1 Fat Sat après injection d’un chélate de gadolinium : nette prise de contraste osseuse (fl èche), avec épaississement et rehaussement synovial. À noter, une prise de contraste des parties molles périphériques. L’ensemble confi rme la suspicion clinique d’une ostéoarthrite de l’articula-tion métatarsophalangienne du premier rayon.

A

B

C

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Points forts » La radiographie standard reste le premier examen à pratiquer en cas de suspicion d’infection ostéo-

articulaire, permettant d’éliminer certains de ses diagnostics différentiels et de réaliser un suivi évolutif. » L’échographie constitue un examen simple et performant pour le diagnostic d’arthrite, pouvant guider

la ponction à l’aiguille. » L’IRM possède le meilleur rendement diagnostique, tant pour l’ostéomyélite qu’en cas de spondylodiscite.

Mots-clésOstéite

Ostéomyélite

Spondylodiscite

Arthrite

Imagerie

Highlights » X-rays should be systematic

for initial assessment to dismiss differential diagnoses.

» Computed tomography (CT) is the gold standard for bone structure analysis.

» CT is the current gold standard for the diagnosis of osteomyelitis and spondylo-discitis (high sensibility and specifi city), as well as for the evaluation of extension (soft tissues, epidural area).

KeywordsOsteitis

Osteomyelitis

Spondylodiscitis

Arthritis

Imaging

◆ ÉchographieL’échographie n’est pas systématique, mais permet de rechercher un abcès sous-périosté ou des parties molles ainsi qu’un épanchement intra-articulaire en cas d’atteinte articulaire associée. Elle peut aussi guider une ponction.

◆ Imagerie par résonance magnétiqueL’IRM, examen de choix en cas de suspicion clinique d’ostéomyélite aiguë, doit être systématique chez l’enfant. Elle permet le diagnostic précoce et l’éva-luation de l’atteinte locorégionale (parties molles) et, éventuellement, elle peut guider un geste. Les principales séquences utilisées sont les pondéra-tions : T1 pour les données morphologiques, T2 avec saturation de la graisse ou STIR (inversion du signal de la graisse [Short T1 Inversion Recovery]) afi n de détecter du liquide ou une infl ammation. En l’absence de contre-indication, l’injection de gadolinium (avec saturation du signal de la graisse, T1 Fat Sat) sensibilise l’examen, conduisant à un rehaussement de l’œdème osseux et des tissus infl ammatoires. L’examen devra comporter des acquisitions dans au moins 2 plans orthogonaux avec toujours un plan axial. Les anomalies de signal apparaissent dès les premiers jours de l’infection. L’œdème intramédullaire est en hyposignal T1 (fi gure 3A) et hypersignal T2 (fi gure 3B), mal limité, avec rehaussement après l’injection (figure 3C). À noter que, chez l’enfant, un abcès

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Figure 4. Radiographie de la cheville droite : présence d’une hyperclarté centromédullaire arrondie avec ostéosclérose périphérique (fl èche) de la métaphyse tibiale droite compatible avec un abcès de Brodie.

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Imagerie des infections osseuses

ACTUALITÉS Imagerie en maladies infectieuses

sous-périosté et une atteinte de la physe et de l’épi-physe seront toujours recherchés. L’IRM évaluera l’at-teinte des parties molles en recherchant un abcès, un œdème, ou un épanchement, notamment articulaire.

◆ Imagerie nucléaireL’imagerie nucléaire permet la détection précoce des infections osseuses, entre 48 et 72 heures après la greffe infectieuse. Plusieurs marqueurs sont dispo-nibles, tels que le 99mTc-diphosphonate, le citrate de gallium-67 et les leucocytes marqués. Tous ont une sensibilité élevée mais une spécifi cité variable. Cette imagerie présente donc un intérêt dans le cas où les signes radiologiques ne sont pas retrouvés (infection précoce, sur matériel). L’imagerie nucléaire a aussi pour avantage d’être une imagerie du corps entier et de permettre, ainsi, la recherche d’autres foyers sur le squelette.La scintigraphie osseuse au 99mTc-diphosphonate présente une très bonne sensibilité (85-90 %) chez l’adulte et l’adolescent, mais une faible spécifi cité. En cas d’examen normal, elle permet d’éliminer le diagnostic d’ostéite (valeur prédictive négative [VPN] très élevée). L’ostéite sera évoquée devant une fi xa-tion précoce (temps artériel), intense et focalisée.La scintigraphie au gallium est une alternative au 99mTc en l’absence de fi xation. Cependant, la faible résolution spatiale de cette technique rend diffi cile la distinction entre une fi xation osseuse et une fi xation des parties molles adjacentes.La scintigraphie osseuse aux leucocytes marqués présente les mêmes inconvénients que celle au gallium mais sa sensibilité est supérieure, principale-ment dans les cas d’ostéomyélites compliquées (3).Enfin, la tomographie par émission de positons (TEP) au 18F-fl uorodésoxyglucose (18F-FDG) est une imagerie de choix pour les infections osseuses, car elle associe une sensibilité élevée, une résolution spatiale améliorée par l’association à la tomographie et des résultats disponibles 1 heure après l’injection.

Ostéomyélite subaiguë

Elle correspond à une forme limitée d’ostéomyélite secondaire à un germe peu agressif ou à une anti-biothérapie mal adaptée. L’aspect, principalement à l’IRM, de ses lésions doit toujours faire évoquer les diagnostics différentiels de lésion tumorale bénigne ou maligne (granulome éosinophile, ostéome ostéoïde, ostéoblastome). Chez l’enfant, l’ostéomyélite subaiguë se complique de fractures pathologiques.

◆ Radiographie standardOn observe sur les radiographies un abcès central dit “de Brodie” sous forme d’une ostéolyse centro-médullaire, métaphysaire, ronde ou ovale, à limites nettes, entourée d’une ostéosclérose périphérique (fi gure 4). Il peut exister un séquestre osseux dans la cavité.

◆ TomodensitométrieL’aspect est superposable à celui qu’ont les radio-graphies standard, mais le séquestre et la réaction périostée seront plus facilement détectables.

◆ IRMCet examen est indiqué pour préciser l’extension locorégionale. On y retrouve l’aspect typique de l’abcès, avec une cavité nécrotique centrale en hypo-signal T1 (fi gure 5A) et en hypersignal T2 (fi gure 5B), sans rehaussement après l’injection. En périphérie, on note un aspect en cible avec 2 couronnes, la plus interne en hypersignal T1 se rehaussant après injection (tissu de granulation) [fi gure 5C] et la plus externe en hyposignal sur toute les séquences correspondant à l’ostéocondensation périphérique. L’œdème médullaire encore plus périphérique appa-raît en hyposignal T1 et hypersignal T2.

Ostéomyélite chronique

Cette pathologie rare (4) se rencontre généralement dans des contextes postopératoires ou post-traumatiques.

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Figure 6. Coupe sagittale tomodensito-métrique du fémur. Épaississement de la corticale osseuse avec hyperclarté médullaire. Présence d’une structure dense en son sein correspondant à un séquestre osseux dans un contexte d’os-téomyélite chronique.

Figure 7. Reconstruction sagittale tomo-densitométrique du membre inférieur après ostéosynthèse par vis-plaque de l’extrémité distale de la diaphyse fémo-rale compliquée d’une pseudarthrose et d’un abcès intra-osseux (présence de microbulles d’air hypodenses).

Figure 5. IRM de la cheville : abcès de Brodie. (A) Coupe coronale T1 après injection : lésion arrondie métaphysaire avec un aspect typique “en cible” (prise de contraste périphérique avec le centre de l’abcès restant en hyposignal). (B) Coupe axiale DP Fat Sat passant par l’extrémité inférieure du tibia. Franc hypersignal T2 de la lésion en raison de sa composante nécrotique avec ostéosclérose périphérique en hyposignal T2. Rupture corticale antérieure. (C) Coupe coronale T2 STIR : hypersignal T2 de la cavité nécrotique. La couronne en hyposignal T2 correspond au tissu de granulation qui se rehausse après injection. La deuxième couronne en hyposignal plus périphérique correspond à l’ostéocondensation.

A B C

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◆ Radiographies standardElles mettent en évidence une déformation et un élargissement osseux. Il existe un remodelage de l’os avec un épaississement cortical composé d’ap-positions périostées épaisses et irrégulières. Au sein de l’os, des plages radio-transparentes dans lesquelles on peut retrouver un séquestre osseux sont observées.

◆ TomodensitométrieLes images tomodensitométriques sont similaires à celles de la radiographie standard mais l’analyse est plus fine et permet de visualiser un séquestre osseux (figure 6), du gaz intra-osseux en cas d’abcès (figure 7), un corps étranger ou une fistule. Le remodelage osseux est mieux analysé.

◆ ÉchographieSon apport est limité à l’exploration des parties molles et au guidage des prélèvements.

◆ IRMEn l’absence de réactivation aiguë, on met en évidence une moelle régénérée de signal grais-seux (hypersignal T1 s’effaçant sur les séquences en saturation de graisse). En cas de réactivation aiguë infectieuse, les anomalies de signal de la médullaire se comportent comme en phase aiguë : hypersignal T2 hétérogène ou abcès intra-osseux avec œdème périphérique. Le séquestre est en hyposignal sur toutes les séquences. Les trajets fistuleux apparaissent en hypersignal T2 linéaire.

◆ Imagerie nucléaireLa scintigraphie osseuse au technétium a sa place dans l’exploration des ostéomyélites chroniques, mais elle reste aspécifi que. Cette spécifi cité est améliorée si elle est associée aux leucocytes marqués ou à l’immunoscintigraphie.

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Tableau I. Les différentes techniques d’imagerie : avantages et inconvénients.

Techniques Avantages Inconvénients Sensibilité/spécifi cité Principaux signes

Radiologie standard Faible coûtReproductibilitéAccessibilité

Retard diagnostique

43 à 75 % / 75 à 83 %

Lésion lytique, appositions périostées, perte des trabéculations osseuses, épaississement du périoste

Tomodensitométrie Très bonne résolution spatiale

Irradiation 67 % / 50 % (ostéomyélite

chronique)

Aspect fl ou des plans graisseux, réaction périostée, érosion de la corticale, séquestre osseux, gaz intra-osseux.

Échographie Faible coûtAbsence d’irradiationAccessibilitéPossibilité de guiderun geste

Opérateur-dépendant

Impossibilité d’explorer au-delà de la corticale osseuse

Indéterminées Décollement du périosteAbcès des parties mollesCollection liquidienne

IRM Signes précocesTrès bonne résolution spatiale et en contrasteÉvaluation de l’extension aux tissus périphériquesAbsence d’irradiation

CoûtAccessibilité

82 à 100 % /75 à 96 %

Phase aiguë :T1 : hyposignal de la médullaireT2 : hypersignal médullaire correspondant à l’œdèmeAprès injection de gadolinium : rehaussement périphérique et des parties molles adjacentesPhase subaiguë :T1 : abcès central en hyposignalT2 : hypersignal du tissu de granulation, avec, en périphérie,un hyposignal de l’os scléroséPhase chronique :hyposignal T1 et T2

Scintigraphie osseuse DisponibilitéSignes précocesForte sensibilité

Faible spécifi citéNécessité d’une autre imagerie

85 % / 25 % Hyperfi xation précoce, intense et focalisée (principalement pour l’ostéite aiguë)

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Imagerie des infections osseuses

ACTUALITÉS Imagerie en maladies infectieuses

La TEP-TDM au 18F-FDG présente de fortes sensibilité et spécifi cité dans la détection d’une infection chronique, car le 18F-FDG est capté par les macrophages qui prédominent à la phase chronique de l’infection. Les résultats sont meilleurs pour le squelette axial que pour le squelette périphérique. Par ailleurs, elle n’est pas gênée par les implants ou le matériel prothétique et elle est sensible, même sur de petites lésions (5, 6).Les avantages et inconvénients des différentes tech-niques d’imagerie sont présentés dans le tableau I.

Arthrite septique

L’arthrite septique correspond à une infection primi-tive de la synoviale et peut survenir à tout âge. Chez l’enfant, elle survient le plus fréquemment dans la première décennie et elle est le plus souvent d’ori-gine hématogène. C’est une urgence diagnostique et thérapeutique, en raison du risque majeur de destruction articulaire.

◆ Radiographies standardElles sont systématiques pour rechercher un épan-chement intra-articulaire (fi gure 8A) malgré leur faible sensibilité. Elles permettent aussi d’éliminer

des diagnostics différentiels et de faire un bilan initial afin d’évaluer l’évolution des lésions. Les signes radiographiques apparaissent tardivement sous la forme d’une raréfaction osseuse, un pincement articulaire, une destruction osseuse et, à un stade très avancé, une ankylose.

◆ TomodensitométrieElle ne présente pas d’intérêt majeur, mais on y retrouve les signes radiographiques.

◆ ÉchographieElle doit être réalisée en urgence afi n de rechercher un épanchement intra-articulaire (fi gure 8B) et un épaississement synovial associés à une hyperhémie en doppler (fi gure 8C). L’échographie permettra d’orienter la ponction de l’épanchement dans un contexte fébrile.

◆ IRM et imagerie nucléaireElles ne sont pas réalisées dans les cas d’arthrite septique évoluant favorablement sous traitement. Cependant, l’imagerie nucléaire peut avoir un intérêt dans les arthrites septiques sur matériel prothétique, cas dans lesquels la scintigraphie aux leucocytes marqués a une sensibilité située entre 86 et 100 % et une spécifi cité située entre 89 et 94 %.

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Figure 8. (A) Radiographie de l’épaule gauche : absence de lésion osseuse. Nette tuméfaction des parties molles en rapport avec un épanchement intra-articulaire. Échographie de l’épaule gauche pour suspicion d’arthrite septique : épanchement intra-ar-ticulaire (B) abondant avec, en doppler (C), une nette hyperhémie (zones en rouge sur le codage couleur).

A

B

C

Épaule gauche

Épaule gauche

La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXX - no 3 - mai-juin 2015 | 109

ACTUALITÉS Imagerie en maladies infectieuses

Spondylodiscite

La spondylodiscite infectieuse correspond à l’in-fection du disque intervertébral et des corps verté-braux adjacents. L’incidence annuelle en France est de 2,4/100 000 habitants (7). Il s’agit principalement d’une pathologie de l’adulte.L’infection est la conséquence d’une contamina-tion d’origine hématogène (principalement chez les jeunes, du fait d’une bonne vascularisation des disques), d’une contamination directe (secondaire à un geste) ou d’une contamination par contiguïté.Le rôle de l’imagerie dans cette pathologie est multiple :

➤ elle pose le diagnostic et précise la localisation exacte de la spondylodiscite ainsi que son extension à l’espace épidural et aux parties molles ;

➤ elle guide une éventuelle ponction discoverté-brale pour caractériser le germe et, ainsi, adapter le traitement ;

➤ elle évalue les complications neurologiques (compression médullaire) ou infectieuses.Certains éléments peuvent orienter l’identifi cation de la nature du germe responsable de l’infection, notamment dans les spondylodiscites d’origine tuberculeuse, où 3 éléments sémiologiques sont à retenir : la fréquence des compressions médullaires, la présence de géodes centrosomatiques, souvent en miroir par rapport au disque et touchant plusieurs étages, et, enfin, l’existence d’abcès épiduraux bilobés de grande taille à contours nets restant loca-lisés sous le ligament longitudinal. Ce sont là autant d’arguments en faveur d’une origine tuberculeuse.

◆ Radiographies standardC’est souvent le premier examen réalisé, mais ses résultats sont fréquemment normaux (examen peu sensible), car le retard radioclinique est d’en-viron 3 semaines. Les stigmates radiographiques apparaissent dans des délais variables, selon le germe (plus précocement dans les spondylodiscites non tuberculeuses) et seulement si la destruction osseuse est supérieure à 30 % (8, 9). Les anomalies sont les suivantes (10) : aspect fl ou et effacé de la corticale d’un plateau vertébral, érosions du coin antérieur du plateau vertébral, avec, parfois, une atteinte en miroir très évocatrice, pincement discal et tuméfaction en fuseau des parties molles. Ces lésions peuvent aboutir à une ostéolyse, un tasse-ment vertébral et des modifi cations de la statique rachidienne (fi gure 9, p. 110). À distance, des signes de reconstruction sous forme de sclérose périphérique et d’ostéophytes peuvent

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Figure 9. Radiographie de profi l centrée sur T11-T12 : pincement discal avec érosions des plateaux verté-braux irréguliers et à limites fl oues. Accentuation de la cyphose dorsale.

Figure 10. Reconstruction coronale tomodensito-métrique du rachis dorsolombaire (fenêtre osseuse) : irrégularités des plateaux vertébraux avec présence de géodes et d’érosions. Ostéocondensation de la médullaire osseuse.

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Imagerie des infections osseuses

ACTUALITÉS Imagerie en maladies infectieuses

apparaître. La consolidation s’affi rme devant l’ab-sence d’évolution sur les clichés.

◆ TomodensitométrieElle présente une meilleure sensibilité que les radio-graphies et permet surtout des reconstructions multiplanaires très utiles, notamment pour explorer des segments rachidiens diffi cilement analysables sur les radiographies (charnière cervico-thoracique ou dorsolombaire). Les signes scanographiques sont retrouvés vers la deuxième semaine d’évolution et se manifestent par une diminution de la densité du disque, des zones d’ostéolyse, des érosions osseuses et des géodes. L’aspect de sclérose en miroir des plateaux vertébraux est évocateur (figure 10). La TDM permet d’évaluer fi nement l’étendue de la destruction osseuse et son retentissement sur le canal vertébral. L’étude des parties molles met en évidence un épaississement périvertébral plutôt circonférentiel (contrairement à une atteinte tumo-rale, où cet épaississement est plus focal). L’injection de produit de contraste montre un rehaussement des parois des abcès paravertébraux ou épiduraux.Par ailleurs, la TDM est l’examen le plus sensible pour identifi er des séquestres osseux ou des bulles d’air au sein d’un abcès.

◆ IRML’IRM, très sensible et très spécifi que, est l’examen de choix pour le diagnostic des spondylodiscites. Le protocole d’acquisition nécessite la réalisation de coupes sagittales et axiales en pondération T2 avec suppression de la graisse, et pondération T1 avant puis après injection d’un chélate de gadolinium avec saturation du signal de la graisse. La sémiologie caractéristique est la suivante : hypersignal T2 discal

(perte de la cleft centrale qui présente un hypo-signal physiologique), hyposignal T1 (fi gure 11A) et hypersignal T2 (fi gure 11B) des 2 corps vertébraux adjacents ainsi qu’épaississement des parties molles paravertébrales et/ou atteinte intracanalaire (11-14) [fi gures 11C et 12A, B et C]. L’injection d’un chélate de gadolinium montre le rehaussement diffus de l’os sous-chondral et du disque. La prise de contraste du disque intervertébral est très fréquente.L’atteinte des parties molles se traduit par un épais-sissement des espaces périvertébraux en hypo-signal T1 et en hypersignal T2, avec une prise de contraste après injection.À noter qu’il existe une épidurite dans environ 3/4 des cas, mise en évidence grâce à l’injection de produit de contraste. La sensibilité des principaux signes IRM de spondylodiscite est présentée dans le tableau II, p. 112.

◆ Imagerie nucléaireLes scintigraphies ayant un intérêt diagnostique sont :

➤ la scintigraphie osseuse au 99m Tc, dont la sensi-bilité est de 90 % et la spécifi cité de 75 % ;

➤ la scintigraphie au gallium 67, qui a une sensibilité de 90 % et une spécifi cité de 85 % ;

➤ la TEP au 18F-FDG, avec une sensibilité de 100 % et une spécifi cité de 95 %.L’imagerie nucléaire peut mettre en évidence des foyers infectieux à distance. En outre, cette technique est affranchie des artéfacts liés au matériel chirurgical et peut ainsi orienter le diagnostic quand la TDM ou

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Figure 12. IRM du rachis lombaire. Coupes axiale (A) et sagittale (B) après injection de gadolinium : présence d’une collection épidurale en hyposignal T1 avec prise de contraste périphérique (flèche). La collection épidurale exerce un important effet de masse sur le fourreau dural et les racines de la queue de cheval. Coupe sagittale T2 (C) : l’abcès épidural est en hypersignal, développé de part et d’autre du disque L3-L4 en hypersignal franc. À noter, des anomalies des espaces intersomatiques sus-jacents, en rapport avec des remaniements dégénératifs.

Figure 11. Spondylodiscite tuberculeuse avec atteinte en miroir des plateaux vertébraux de T11 et T12. (A) Coupe sagittale en pondération T1 : les plateaux verté-braux sont en hyposignal avec des images géodiques corporéales. (B) Coupe sagittale en pondération T2, les images géodiques sont en isosignal, entourées par l’hypersignal œdémateux de la moelle osseuse adjacente. (C) Coupe axiale T1 FS après injection d’un chélate de gadolinium : formation hypo-intense paravertébrale gauche (fl èche) avec rehaussement périphérique suspecte d’abcès.

A A

B B

C C

La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXX - no 3 - mai-juin 2015 | 111

ACTUALITÉS Imagerie en maladies infectieuses

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Tableau II. Sensibilité des principaux signes IRM de spondylodiscite.

Sémiologie IRM Sensibilité (%)

(1) Infl ammation des parties molles (hypersignal T2 et prise de contraste)

(2) Rehaussement discal (prise de contraste)

(3) Hypersignal discal T2 ou signal liquidien

(4) Effacement de la fente intradiscale

98

95

93

84

1 + 22 + 33 + 41 + 31 + destruction des plateaux vertébraux

100100100100100

Figure 13. Ponction sous contrôle scanographique : extrémité de l’aiguille dans la collection paraverté-brale gauche.

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l’IRM sont peu informatives en raison de tels artéfacts.La TEP-TDM au 18F-FDG présente la meilleure réso-lution spatiale et ses résultats sont immédiats, mais le coût de cet examen reste élevé.

◆ Ponction-biopsie discovertébraleEn effet, en cas de négativité des autres examens à visée microbiologique, une ponction-biopsie discovertébrale est nécessaire. Elle pourra être réalisée en première intention en cas de spondylodiscite secondaire à un geste chirurgical. Elle est effectuée dans des conditions d’asepsie stricte, sous scopie télévisée ou guidage scanographique (fi gure 13). Idéalement, elle comporte au moins 7 prélèvements : 4 prélèvements osseux (2 dans le plateau supérieur et 2 dans le plateau inférieur), 2 prélèvements discaux (1 pour la microbiologie et 1 pour l’anatomopathologie) et, en fi n de procédure, 1 prélèvement après lavage de l’espace discal. Les prélèvements doivent être adressés en micro biologie (3 ou 4 prélèvements), en histologie (2 prélèvements) et, le cas échéant, en biochimie pour analyse PCR (1 prélèvement). Celle-ci présente un intérêt en cas de micro-organisme à culture diffi cile ou lors d’une infection décapitée par traitement antibiotique. Une étude portant sur un petit nombre de cas

suggère que des PCR spécifi ques ou la PCR du gène ARNr 16S pourraient être utiles dans les cas où les hémocultures et les ponctions demeurent négatives avec les méthodes de culture classiques (15). La PCR semble également une technique d’avenir pour le diagnostic des spondylodiscites tuberculeuses (16). En cas de négativité d’une première ponction biopsie discovertébrale (PBDV), une deuxième peut être proposée.

Conclusion

L’imagerie tient donc une place essentielle dans la prise en charge des infections osseuses, et ce à tous les stades de la pathologie, du diagnostic au suivi en passant par la caractérisation du germe en cause. Toutes les techniques disponibles en imagerie présentent des avantages et des inconvénients et paraissent complé-mentaires pour une prise en charge optimale. ■

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Références bibliographiques

M. Benhamou déclare ne pas avoir de liens d’intérêts

en relation avec cet article.