hum.sc.(ns)_t.v,8_sohier j._essai sur les transformations des coutumes_1956

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  • 7/24/2019 Hum.sc.(NS)_T.v,8_SOHIER J._essai Sur Les Transformations Des Coutumes_1956

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    A c a d m i e r o y a l e des

    S c i e n c e s c o l o n i a l e s

    CLASSE DES SCIENCES MORALESET POLITIQUES

    Mmoires in-80. Nouvelle srie.Tom e V , fasc. 8 et dernier.

    K o n i n k l i j k e A c a d e m i e v o o r

    K o l o n i a l e W e t e n s c h a p p e n

    KLASSE DER MORELE ENPOLITIEKE WETENSCHAPPEN

    Verhandelingen in-8. Nieuwe reeks.Boek V, aflev. 8 en laatste.

    Essai sur !es transformations

    des coutumes

    P A R

    J e a n S O H I E R

    S u b s t i t u t d u P r o c u r e u r d u R o i p r s l e T r i b u n a l d e P r e m i r e I n s t a n c e

    d u K a t a n g a

    Avenue Mamix, 30BRUXELLES

    Maraixlaan, 30BRUSSEL

    1956

    P R I X :PRIJS : F 80

  • 7/24/2019 Hum.sc.(NS)_T.v,8_SOHIER J._essai Sur Les Transformations Des Coutumes_1956

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    ACADMIE ROYALE DES SCIENCES COLONIALES

    MMOIRES

    K O N IN K L IJ K E A C A D E M IE VOO R K O L O N IA L E

    W E T E N S C H A P P E N

    VERHANDELINGEN

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    CLASSE DES SCIENCES MORALES ET PO LIT IQU ES

    K LA SS E D E R M O R E L E E N P O L I T I E K E W E T E N S C H A P P E N

    TABLE DES MEMOIRES

    CONTENUS DANS LE TOME V

    VERHANDELINGEN

    BEGREPEN IN BOEK V

    1. L volution des ins titution s de prvoyance en matire de

    pensions de retraite et de survie au Congo belge et au

    Ruanda-Urundi (40 pages, 1955) ; par E. D o r y .

    2. C on tribu tion llaboration dune doctrine visant la pro

    motion des indignes du Congo belge (51 pages, 1955) ;

    par H. D e p a g e .

    3. Essai sur le statut des indignes portugais de la Guine, de

    l A ngola et du M ozambique (72 pages, 1955) ; pa r A .

    D u r i e u x .

    4. L tat Indpendant et les terres indignes (67 pages, 1956) ;

    pa rle R . P. E . B o e l a e r t .

    5. L indpendance de la magis trature et le s ta tut des magistrats

    (92 pages, 1956) ; par P. P i r o n .

    6. L a dlinquance juvnile au Congo belge et au R uanda -U rundi

    (55 pages, 1956) ; par N. La u d e .

    7. L conomie de l U . R . S. S. et les pays sous-dvelopps (47 pa

    ges, 1956) ; pa r A . W a u t e r s .

    8. E ssai sur les trans formations des coutumes (85 pages, 1956) ;

    par J . So h i e r .

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    ACADMIE ROYALE DES SCIENCES COLONIALES

    Classe des Sciences morales et politiques

    MMOIRES

    K O N IN K L IJ K E A C A DE M IE VO OR K O L O N IA L E

    W E T E N S C H A P P E N

    I ------------------

    Klasse der Morele en Politieke Wetenschappen

    VERHANDELINGEN

    Nouvelle srie Nieuwe reeks

    In-8 V 1955-1956

    Avenue Marnix, 30 I Marnixlaan, 30BRUXELLES i BRUSSEL

    1956

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    IMPRIMERIE J. DUCULOT

    S. A.

    GEMBLOUX

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    Essai sur les transformations

    des coutumes

    PAR

    Jean SOHIER

    S u b s t i t u t d u P r o c u r e u r d u R o i p r s l e T r i b u n a l d e P r e m i r e I n s t a n c e

    d u K a t a n g a

    MM. ACAD. ROYALE SCIENCES COLON.

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    Mmoire prsent la sance du 16 juillet 1956.Rapporteurs : MM. N. D e C l e e n e et M. R a .

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    Essai sur les transformations des coutumes

    AVANT-PROPOS

    Invit par linstitut de Sociologie Solvay assisterle 17 mars 1956 Bruxelles un colloque sur la rdactiondes coutumes indignes, frapp par le fait que la communication de M. le Professeur J. P o i r i e r de Paris,paraphrasant la recommandation 58 de la Section 5 dela Confrence Interafricaine tenue du 23 aot au 3 sep

    tembre 1955 Bukavu f1), abordait, comme il va de soi,le problme de lvolution des coutumes propos deleur rdaction, nous dcidmes, comme prparation ce colloque, dvoquer notre esprit quelques cas vcusde transformations des coutumes.

    Cette revue se mua en mditation, les exemplesdiscerns se rangrent deux-mmes en divers types.Le prsent essai est la suite de ces rflexions. Bien quedes lectures et recherches de rfrences ultrieures aientenrichi notre expos, le plan est demeur intact. Lelecteur voudra bien nous en excuser : si la logique yperd, le ralisme du raisonnement y gagne.

    Les transformations des coutumes ont dj fait lobjetde remarquables analyses. Citons, par exemple, les pages9 27 du Trait lmentaire de Droit coutumier du Congo

    belge par M. Antoine S o h i e r (2). Nous ne dsirons pasdoubler ces tudes menes par plus comptents que nous,

    f1) Voir le texte de ce vu au Jou rnal des Tribunaux dOutre-Mer (J . T. O.),Maison Larcier, Bruxelles, 1955, page 153.

    (2) Maison Larcier, Bruxelles, 1954.

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    4 ESSAI SUR LES TRANSFORM ATIONS DES COUTUMES

    mais, abordant le problme par un biais nouveau, nous

    esprons que quelques remarques que nous pourronsformuler ce sujet lclaireront dun jour indit.Ces conclusions rsulteront de faon naturelle de notre

    analyse des processus de transformations de la coutume.Notre propos nest en tout cas pas de dire dans quel sensnous souhaiterions voir se diriger la coutume, commedaucuns lont dj fait avec pertinence (x).

    Notre tude se composera de trois parties :

    I) Facteurs internes de transformations des coutumes ;

    II) Facteurs externes de transformations des coutumes ;

    III) Conclusions.

    Chacune de ces parties sera subdivise en sous-titresnumrots.

    I. Facteurs internes de transformat ions d es cou tum es .

    1) A p p l i c a t i o n d u n p r i n c i p e a n c i e n a u n

    FAIT NOUVEAU.

    Dans le recueil rcent de jurisprudence (2),nous avonspoint sous la rubrique dclarations frauduleuses ,un jugement du Tribunal de Territoire de Lopoldvillen 5.685 du 4 mars 1955. Un homme adultre avait fait

    (1) Voir entre autres : V. D e v a u x , Essai critique sur la situation juridiquedes indignes au Congo belge, au Bulle tin des Juridictions Indignes et du

    Droit Coutumier Congolais (B .J .I .) , Socits dtudes Juridiques, lisabeth-ville, 1938, page 198 ; A. S o h i e r , Le droit coutumier du Congo belge, J . T. O.,1955, page 101 ; G. L a f o n t a i n e , Lvolution juridique de la socit indigne,

    J .T .O ., 1955, page 114 et B .J .I ., 1956, page 157.(2) lment de jurispruden ce des tr ibu na ux indignes de Lopoldville (Ju r .

    Lo), dit en janvier 1956 Lopoldville par M. M. P e t i t .

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    ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES 5

    tat dun jugement (la pice fausse), daprs lequel il

    tait divorc : il sagissait de savoir si la coutume pouvait sanctionner pnalement un faux en critures et son usage.Pour justifier une condamnation, le jugement recourt largumentation suivante :

    A ttendu, quant aux manuvres frauduleuses du mari, que la

    coutume ne pouvait connatre linfraction de faux en criture ;

    Que pas plus elle ne sanctionnait le mensonge du prvenu, profr

    en vue dobtenir son acquittement ;

    Que cependant les fausses dclarations se rapportent non pas la

    question de ladultre, mais son tat-civil, lequel en fait, condition

    nait l tablissement de la prvention ;Que par ses agissements, le demandeur ne permettait plus au tri

    bunal de statuer sur le litige dont ce dernier avait t saisi ;

    Quil sagit en lespce dune infraction distincte, prvue et sanc

    tionne par la coutume .

    En note, M. P e t i t fait remarquer : Le juge et t sur un terra in plus solide si, au lieu de fausses dcla

    rations, il avait fait tat de manuvres frauduleuses. On peut conce

    voir que la manuvre contenue dans le faux en critures puisse avoir

    eu un correspondant antique, par exemple la destruction de preuves

    coutumires matrielles, faite dans lintention de se procurer un avan

    tage illicite ou de priver un tiers dun droit acquis. Ce qui tait cer

    tainement punissable .

    Cet exemple nous parat une excellente base de dpartpour une tude des processus de dveloppement dudroit coutumier.

    Nous ne pouvons nous dissimuler que la tranquilleassurance avec laquelle les juges les plus traditionnelsnhsitent pas punir le faux en critures nous metmal laise et combien dadministrateurs ou magistrats

    en inspection et tombs sur un cas despce nont past partags entre la tendance approuver une sanctionrclame, somme toute, par lordre social et celle dnoncer ce qui parat un abus de pouvoir de la partdes juges ?

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    6 ESSAI SUR LES TRANSFORM ATIONS DES COUTUMES

    Malgr ces rticences, certaines dcisions de Juri

    dictions Indignes punissant le faux ont t publies.M. F. G r v i s s e , dans son tude sur le droit coutumierdes Bayeke (*), cite deux jugements du tribunal principal de Bunkeya, lun, dont le numro nest pas not,de 1933, lautre, le n 177 de 1934. Les juges nont pasd se montrer, dans leur motivation, trs explicites surla base coutumire de linfraction, car le commentateurcrit ce propos :

    I l est dautres infractions que la coutume ne connat que depuis

    peu dannes... On pourrait discuter perte de vue la question sui

    vante : les juges ont-ils au sujet de la rpression de ces infractions une

    conception originale ou bien leurs sentences sinspirent-elles des prin

    cipes de notre code pnal ?

    Dans le Bulletin de Jurisprudence des Tribunaux

    Indignes du Ruanda-Urundi (2), a paru un jugementdu 26 mai 1950 du Tribunal de Territoire de Kigali,prononant une condamnation pnale pour faux encritures. Le commentateur autochtone estime que letribunal pouvait se saisir de cette infaction, car la peineprvue pour elle au Code Pnal ne dpasse pas 5 ansde Servitude Pnale Principale, mais ne sest mme paspos la question de savoir si cette infraction pouvait

    galement tre coutumire. Il semble rsulter de lardaction des notices et de la note que linfraction defaux et l infraction coutumire classique daction tmraire et vexatoire simbriquent lune lautre.

    Il pourrait paratre que les hsitations manifestespar les juges et le commentateur de Lopoldville intgrer le faux en critures dans la coutume proviennent

    dune conception imparfaite de celle-ci, la fameuse dfinition de la coutume en Europe occidentale : un usageancien, gnralement pratiqu et devenu obligatoire,

    (*) 1938, page 208.(2) B .R .U ., Groupe Scolaire dAstrida, n 10, 1952, p. 541.

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    ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES 7

    conception qui se dduirait du passage des verbes de

    limparfait aux deux premiers attendus reproduits, auprsent dans le dernier de la srie. Il suffit de parcourirla brochure dont ce jugement est extrait, pour se rendrecompte que la formation des juges et de leur commentateur exclut cette interprtation.

    La coutume dans son tat antrieur linfluenceprofonde de la colonisation, formaliste quelle tait,dont le systme des preuves et procdures tait bas

    sur un ensemble de rites, titres et tmoignages quiliaient les parties et tmoins dans un rseau serr base dallgeance et de bonne foi, ne pouvait que sanctionner pnalement les agissements qui sapaient cetdifice juridique, les infractions contre la foi publique.

    A notre connaissance, jamais personne na contestque la preuve littrale sest intgre dans le systme

    gnral des preuves du droit coutumier. Si certainsparlent de coutume volue ce propos (1), nouspensons quil sagit l dune conception europennetenant souligner une rtrospective historique.

    Tout naturellement, lorsque lcriture a pris placedans le corps des preuves coutumires, le faux en critures, en vertu des principes mmes de la coutume enmatire de preuves, par le mcanisme interne des vir

    tualits du droit, devenait une infraction coutumirecomme le faux serment ou le faux tmoignage duntmoin rituel.

    Do provient alors ce malaise prouv devant linfraction coutumire de faux en critures ? Fondamentalement, bien que souvent de manire inconsciente,par le respect du principe quexprime ladage nulla

    poena sine lege. Nous en avons dj tudi la porte endroit pnal coutumier congolais (2). Le terme lege de

    (1) Par exemple, le jugem ent du Tribun al de Territo ire de Lopoldville n 7.495du 13 dcembre 1955, Jur. Lo, v preuve I.

    (2) Du principe lgaliste en droit pnal coutumier congolais, B .J .I . , 1951,p. 14. Voir aussi Parquet de Jadotv il le , 18 mars 1953, J . T . O.. 1954, p, 120.

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    8 ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES

    ladage doit tre entendu plutt dans le sens de langlais

    law f1) que dans celui du franais loi, texte crit rgulirement promulgu. Il est bien entendu que pour maintsjuristes de l Europe continentale, faute de concevoirle mcanisme dun droit coutumier, nous nous trouvonsdevant une cration arbitraire des tribunaux. Cecidautant plus que les pnalistes poussaient le souci desdroits de la dfense jusqu poser la rgle de linterprtation strictissime des lois pnales (2).

    En fait, pourtant, la jurisprudence europenne nesest pas laiss entraner si loin : nous en trouvons unexemple, prcisment en matire de faux en critures,en France, o est puni le faux tlgraphique mis selonune technique laquelle le lgislateur ne pouvait songerau moment de llaboration du code pnal (3). La doctrinercente reconnat lautonomie dune certaine interpr

    tation en droit pnal (4). Nous nous excusons dinsistersur ce point, mais tant de gens ont au Congo une idemcaniciste du droit crit occidental que nous ne croyonspas inutile de livrer leurs rflexions, puiss dans leplus rcent trait de droit pnal belge (8), les en-ttessuivants : correctifs rsultant de linterprtation volutive (6), lapplication volutive ou progressive (7).

    Or nous nous trouvons en droit pnal o joue le principelgaliste et o le juge acquitte le prvenu, ntant pas,

    (*) D roit ; pa r exemple, customary law, droit coutumier.(2) Voir, par exemple, la locution cite par A. B r a a s : Tout est de dro it troit,

    en effet, en matire pnale ; Prcis de droit pnal, p. 60 de ldition de 1936,H. Vaillant-Carmane, Lige, et Bruylant, Bruxelles.

    (3) Voir, par exemple, E. G a r o n , Code pnal annot, I Ie dition, 1952,Tome I, p. 537, n 87 et suivants, Sirey, Paris.

    (4) P. E. T r o u s s e , L inte rpr tation des lois pnales, Revue de droit pnal etde criminologie, Bruxelles, 1952-1953, p. 411.

    (5) P. E. T r o u s s e , Les principes gnraux du droit pnal positif belge,volume I, collection des Novelles, Larcier, Bruxelles, 1956.

    () N 543, p. 138.C) N 560, p. 142.

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    ESSA I SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES 9

    comme en droit civil, oblig de combler parfois les lacunes

    de la lgislation.Il existe en droit coutumier, comme lexplique M.P e t i t (1), comme lexprime le jugement de Kigali (2),une rpression nettement caractrise de la violationde la foi publique. Nous saurions rduire cette infractionen une formule de porte gnrale bien que prcise,mme si les indignes eux-mmes ne lont pas toujoursdgage clairement et laissent la jurisprudence lexpliciterdans les cas particuliers dapplication.

    Dans semblables condamnations pour faux en critures, infraction pnale coutumire, le principe lgalistea t respect : le droit avait prvu le cas au momentde la perptration de linfraction et le prvenu devaitsavoir quil violait lordre coutumier et sa loi pnale (3).

    Notre expos semble avoir dvi, mais il tait utile

    de sattarder au dbut. Nous avons compris combienla transformation du droit peut tre un phnomnecomplexe, comment nous voyons le droit indigne travers notre formation et aussi comme le droit coutumierse rattache au droit universel et se dveloppe selon desprocessus identiques lui.

    Et nous pouvons dj dgager une des faons dontse manifeste le pouvoir volutif de la coutume : ellepuise, sans les trahir, dans larsenal de ses dispositionsantrieures, la parade un mal social indit.

    ** *

    Pour mieux nous faire comprendre, prenons un autreexemple : laccident de roulage.

    () Voir [p. 4, note 2] ().(2) Voir [p. 6, note 2],(3) Comparez avec la formule relative aux limites de linte rpr tation extensive

    du dro it pnal crit, reprise dans le n 551, p. 141, de louvrage cit [p. 8, no te 5].(*) Les rfrences entre [] renvoien t aux pages et notes de la prsen te tud e.

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    1 0 ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DE S COUTUMES

    Le R. P. L. d e S o u s b e r g h e , dans une remarquable

    tude (*) que nous avons dj partiellement commente (2), crit avec ironie, page 353 :

    On invoque lesnsiku ia bambuta (kikongo) oushigo ia malemba(kipende) coutumes des anciens en matire daccidents de vlo...

    Dautre part, nous lisons sous le jugement dune juridiction indigne (3) relatif un accrochage de bicy

    clettes ayant entran des dgts matriels, le commentaire suivant :

    I l sagit dune affaire dont la matrialit n est pas prvue par la

    coutume qui ne connat que la circulation pdestre. Aussi bien deman

    deur que dfendeur se basent sur les prescriptions de la police de rou

    lage... sonner en cas de rencontre... tenir sa droite... Cela pour expli

    quer les causes de l accident. La coutume ne reprend que le fond de

    l affaire dire : en cas daccident des D .I . sont payer par celui qui

    a t en dfaut (4).

    Le code de roulage crit est non coutumier et ne peuttre sanctionn pnalement par un tribunal indigne.Cependant, le quasi-dlit existe en droit coutumier,comme linfraction de coups et blessures involontaires.Le tribunal indigne rgulirement saisi de laffairepeut accorder la victime la rparation des dommages

    quelle a subis et condamner pnalement lauteur deblessures, et ceci en vertu de la coutume immmoriale,mme si la faute gnratrice de la responsabilit drive,dans des circonstances matrielles nouvelles, de linobservance dune rglementation non coutumire. Circonstances matrielles nouvelles : en Europe aussi, les tri

    (*) Ltude du droit coutumier indigne, revue Zare, Bruxelles, avril 1955,p. 339.(a) Le droi t coutumier congolais, J . T. O., 1955, p. 173 ; Rflexions d un

    ju riste, 1955, p. 108.(s) Jug em ent du 19 mars 1952 du Trib unal de Sec teur des Bena M ukuna Sud,

    1953, p. 43.(4) La phrase est e xtra ite de la mo tivation du jugement.

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    bunaux condamnent des automobilistes en vertu de

    textes, du code civil ou du code pnal, antrieurs linvention de lautomobile. Comme nous voyons enEurope des tribunaux statuer au civil en se basant surune infraction pnale quils ne sont pas appels sanctionner en tant que telle, et qui ne le sera peut-tre

    jamais. Remarquons, dailleurs, quune juridiction europenne congolaise saisie dun accident de roulage,pourrait, aprs le prononc dune sanction pnale,renvoyer la juridiction indigne la connaissance dela rparation civile du dommage caus par linfraction.

    Bien entendu, le tribunal devrait se dclarer incomptent sil est amen devoir directement appliquer letexte lgislatif crit, par exemple ici le code de roulage,qui chappe sa comptence. Mais nous ne croyonspas quil soit oblig de le faire chaque fois quil se trouve

    dans des matires coutumires indirectement altresou commandes par la loi crite ; la situation seraitbientt inextricable : cest que la vie dune socit, celledun homme, dans leur diversit, sont unes et il estsouvent impossible dy distinguer dans leur puretles catgories cres par notre esprit dans sa recherchede la ralit sociale, de la ralit humaine. Nous pouvonsdire que dans leur adaptation rciproque aux phnomnes sociaux, le droit coutumier et le droit crit sesont, sous un certain angle, intgrs lun dans lautre,sans avoir, pour autant, modifi leurs natures fondamentales.

    carter de lempire du droit coutumier tout litigedans lequel interviendrait un objet matriel moderne,vlo, souliers, machines coudre, etc..., est une absurdit

    laquelle personne ne souscrirait : sil sagit de limiterle droit coutumier une socit antrieure aux voyagesde S ta n l e y , autant labolir, cette socit a disparuet ne renatra plus. Ceci est lvidence, mais en prsenced un cas concret il peut arriver quiconque dhsiter,

    ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES 11

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    12 ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES

    mme celui qui sest dbarrass dune attitude de mpris

    humoristique qui dforme tant lesprit quand on abordele droit coutumier.Lexemple que nous venons danalyser montre aussi

    que le fait nouveau auquel les principes traditionnelsde la coutume sont appels sappliquer, peut rsulterdune loi. Nous y reviendrons lorsque nous tudieronsles facteurs externes de transformation de la coutume..

    ** *

    Une vision par trop historique du droit coutumierpeut parfois aboutir des rsultats absolument inattendus, tel cet autre exemple (*) dapplication dunprincipe traditionnel une situation nouvelle : la dcision dclare libres de lunion matrimoniale lesfemmes quun chef relgu, grand polygame, na puemmener avec lui dans sa retraite, car, dit-elle asseznavement, jadis lorsquun chef tait chass et abandonnait ses pouses dans sa fuite, elles faisaient partie dubutin du vainqueur.

    ** *

    Mais nous croyons le moment venu danalyser plusavant le procd par lequel les juges peuvent en arriver dgager le droit.

    Le R. P. L. d e S o u s b e r g h e , dans larticle que nousavons dj cit (2), crit aux pages 353 et 354 :

    La coutume nest pas ncessairement immmoriale, il sen cre

    facilement et rapidement de nouvelles ; il suffit de quelques prcdentspour quil y a it coutume .

    (') Tribunal de Territoire de Kongolo, 27 octobre 1949, J .T .O ., 1953, p. 15,avec note.

    (*) Voir [p. 10, n. 1],

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    ESSAI SUR LES TRANSFORMA TIONS DES COUTUMES 13

    Et lauteur de citer lexemple de laccident de vlo

    que nous avons dj repris. Il en est de mme dailleursen matire de dot o la coutume est fort diversifie etlocalise. Le juriste indigne, daprs lauteur, agitdabord, puis seulement cherche justifier ses actes enformulant des rgles. Ces principes sont trs gnrauxet il sefforce dy mettre toute sa sagesse.

    La maxime reste la mme alors que la coutume volue la fois dans

    le temps et dans lespace ; elle ne donne au juge quune directivegnrale dordre moral. Ainsi jamais, notre connaissance, un changement de la coutume (ce qui est frquent) ne se trahira par une formuledevenue prime, mais tmoignant encore de lancienne rgle juridique,ou par la ncessit de modifier une formule qui nest plus adapte la coutume actuelle. Celle-ci volue et se modifie sous le patronageinvariable des mmes hautes maximes .

    Et lauteur en tire entre autres conclusions que ce

    quon appelle droit coutumier indigne ressemble sipeu et si loin ce que nous appelons droit..., est si loinde la prcision laquelle un juriste a t form... quilressortit plutt de lethnologie que du droit.

    Dans la suite de notre expos, nous aurons encoreloccasion de rencontrer la thorie que nous venons dexposer. Mais ds prsent il nous est possible en la criti

    quant dclairer la faon dont le juge coutumier en arrive appliquer des faits nouveaux des principes anciens.Nous ne comprenons pas bien en quoi le R. P. L. d e

    S o u s b e r g h e tablit la diffrence entre les procds dujuriste africain et ceux de lEuropen. Nayant quuneformation juridique scolaire, lauteur na sans doute passaisi exactement ce qui se passe en pratique.

    Nous croyons bien avoir montr que les deux exemples

    sur lesquels nous nous sommes tendus, faux en critures,accident de vlo, celui-ci illustrant lexpos du R. P. L.d e S o u s b e r g h e , loin dtre des caricatures pseudo-coutumires, drivent de principes communs tous lesdroits, mme les plus rudimentaires : le quasi-dlit,

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    1 4 ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES

    la rpression des lsions corporelles, la protection de

    la foi publique.Ils nous viennent, en droit europen, de la nuit des

    temps. Bien entendu ils ont t couls en formule brves,surtout dans un but de respect des droits de la dfenseen matire pnale, et ceci est avant tout vrai pour lesinfractions contre la foi publique, car les textes sur lequasi-dlit et les coups et blessures involontaires sontfort gnraux. Il nen reste pas moins que tout le progrsdans lincarnation de ces notions dans la ralit concrte,ces thories hardies la pointe de la science juridiqueactuelle, et prcisment le faux en critures et le quasi-dlit font partie de ces matires davant-garde, se dbattent, tant dans la doctrine que dans la jurisprudence, coups de sentences latines de haute sagesse, danalysesdlicates de formules millnaires. Les exemples abondent

    tant quil est inutile den citer nommment : que lejuriste ouvre les traits les plus rcents de droit civil etla collection dune publication comme la Revue de DroitPnal et de Criminologie.

    Tout se passe, malgr les codifications, comme si ledroit romain, en thorie dailleurs identique lui-mmede la loi des XII tables Justinien, et mme jusquauXIXe sicle germanique, rgissait encore notre droit

    positif europen.En ralit, les juristes noirs dcrits par le R. P. d e

    S o u s b e r g h e utilisent un procd de prise de consciencejuridique on ne peut plus classique. Cette identit fondamentale entre son systme dinterprtation et celuide lAfricain, est peut-tre plus rapidement saisie parun juriste anglo-saxon, car, sur le continent, nous restons,

    malgr tout, fascins par cette fleur de logique du XVIIIesicle que reprsentent nos codes, sans nous rendrecompte de notre relle tournure de pense en abordantles problmes juridiques. A ct de quelques principesgnraux de base, combien de nos textes lgaux ne sont

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    ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES 1 5

    que lexpression concise de solutions jurisprudentiellesbanales et indiscutes dans la socit qui fait uvrede codification. Avec le changement des structures dela socit, nous constatons que des chapitres entiers descodes sont tombs en fait en dsutude (1), tandis que la

    jurisprudence et la doctrine traitent des articles, enapparence identiques, les uns comme des applicationssecondaires, parfois mme facultatives, de prceptes

    gnraux contenus dans les autres.

    Le fait nouveau que la coutume, en vertu de sesprincipes anciens, assimile, peut se rvler un corpstranger. La nouveaut sociale absorbe peut dvelopper

    un rameau juridique qui, la longue, devient plus important que la matresse branche.Il est certain que la libert accorde par la coutume

    lintrieur de linstitution du mariage aux modalitscontractuelles, a intgr, sans violation des principescoutumiers de base, le mariage religieux dans la coutume.Plus encore jadis quaujourdhui, le droit coutumiermultipliait les coutumes spcifiques de classe ou de secte.

    Cest ce quexprime trs bien un jugement (2) qui meten parallle linstitution du lusaboet le mariage religieux.Les rgles spciales applicables aux chrtiens lintrieurde la coutume ont un fondement coutumier (3), bien quecela puisse choquer nos conceptions napoloniennes dudroit.

    Il nen demeure pas moins que ce mariage religieux

    f1) Citons dans le code civil pour la Belgique, les art. 551 et suiv ants ; to u t lergime do tal ; les art. 1.800 et suivants.

    (2) Tribun al de Territoire d Ankoro n 100 du 29 oc tobre 1934 ; 1939,p. 95.

    (3) Lire ce su jet : M. P e t i t , Le mariage religieux au Congo belge, J.T .O .,1956, p. 33 et Le tribunal indigne a-t-il le pouvoir de prononcer un divorceda ns un mariage religieux ?, J.T .O ., 1953, p. 109.

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    tend un rameau autonome du droit matrimonial qui

    comprend bientt, aprs les hsitations et retours propres toute branche nouvelle, un ensemble de rgles exprimes par la jurisprudence.

    Ce droit nouveau, propre une catgorie sociale,peut spanouir un tel point quil envahit des secteursannexes, son dynamisme interne est susceptible defaire clore des principes incompatibles avec lquilibreantrieur du droit coutumier quil finit par bouleverser :cest ce qui sest produit dans les rgions ngro-afri-caines islamises (1).

    Cette espce de cancer juridique se manifestera, peut-tre, avec la christianisation, bien que jusqu prsent,le christianisme, dans ses fondements, ait correspondu lvolution de la socit indigne et lpanouissementde la notion de lordre public.

    Cette volution, cependant, saccomplira par tapes,sans altration fondamentale apparente du droit, sansrvolution en un mot, tout un secteur du droit ayantinsensiblement t remplac. Les principes de basenauront pas t modifis, mais bien lessentiel des principes dapplication tombs en dsutude. Le R. P. d e S o u s b e r g h e , malgr son affirmation ce propos que nousavons reproduite plus haut, la fait suivre dun exemplede pareille dsincarnation. Mais, en thorie, le droit serademeur identique lui-mme.

    Notons ici comme ce phnomne peut tre complexe,il est incontestable que lincorporation dune nouvellebranche du droit peut amener des crations de toutespices, tel est le cas, affirment certains (2), pour la pension

    (*) Voir, entre autres, A.S o h i e r ,

    Des I s lamiss, J . T. O., 1955, p. 138.(2) Jug em ent du tribuna l de Te rritoire de Lopoldville du 26 juin 1954,J . T. O., 1955, p. 63 et F. G r v i s s e , Le centre extra-coutumier dlisabethville(C. E. C. Ev.), Bulletin Trimestriel du Centre dtudes des Problmes Sociaux

    Indignes, C .E .P .S .I ., lisabethville, n 15, 1951, idem, Collection des Mmoiresde l'ins titu t Royal Colonial Belge,Bruxelles, mme anne, T. XXI, commentairesdes jugements du Tribunal de Centre d'lisabethville, affaire numro non not

    p. 219, n 13.725, p. 222 e t 13.207, p. 229.

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    alimentaire et la sparation de corps. Cependant, mme

    en pareils cas, lanalyse juridique trouve une justification coutumire traditionnelle ces innovations (1).

    2) A d o p t i o n d e r g l e s n o u v e l l e s s u i t e a d e s

    MODIFICATIONS EX TR IEUR ES D UNE SITUATION

    TRADI TI ONNELLE.

    Le travail jurisprudentiel dadaptation de la coutumeaux ncessits sociales peut substituer en certainesmatires lexception dapplication au principe et vice-versa.

    Ce phnomne sobserve au Katanga propos ducontrat de vente.

    Le principe fondamental en matire de contrats,valable comme ailleurs en droit coutumier bantou, et

    il peut tre exprim de faon plus ou moins expliciteselon les endroits, est celui de lautonomie des volonts.Ces volonts sont cependant prsumes juris tantumdans un certain nombre de types de contrats.

    Pour la vente, cette prsomption en droit europenplace sa perfection au moment de laccord entre parties,en droit coutumier au Katanga, au moment de lex

    cution des ultimes obligations des contractants.Il est vident que le principe europen correspondmieux aux ncessits conomiques actuelles. Aussi voyons-nous nettement la jurisprudence hsiter dans sa supplance la volont exprime par les parties au momentde la passation de la vente. Peu peu, on en arrive aurenversement de la prsomption coutumire ancienneau profit dune conception semblable celle du droit oc

    cidental (2).

    f1) Notre note sous le jugement du 3 juillet 1953 du Tribunal principal duSecteur des Basanga, J.T .O ., 1954, p. 38 et C.E.C. Ev. affaires 13.725, p. 222et 13.207, p. 229.

    (*) Voir G r v i s s e , op. cit., [p. 6 , note 1], B. J . I., 1937, p. 133 a ) vente ; Tri-

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    Notons en passant une inexactitude fort courante

    ce sujet : certains, admettant, par exemple, que descommerants rguliers doivent avoir abandonn lancienne conception dans les contrats qui les lient entreeux, parlent de coutume volue , alors quil sagitplutt dune coutume dune certaine catgorie dvolus.

    ** *

    A qui pourrait stonner de cette volution de la coutume alors quelle prtend rester semblable elle-mme,nous pourrions renvoyer la transformation subie parle droit belge sans changement de textes rgissant certaines matires : moins dun sicle de distance, L a u r e n t , en droit civil, est devenu souvent inutilisable,N y p e l s et S e r v a i s , dans leurs anciennes ditions, ouH a u s , en droit pnal, par larges pans, totalement d

    passs. Et pourtant, la communaut mtropolitainea moins chang pendant cette priode que la socitcongolaise depuis vingt-cinq ans.

    ** *

    A ct, disions-nous, de lvolution qui peut rsulterde lobligation pour le droit de rsoudre par des principes

    anciens des problmes nouveaux, nous trouvons uneseconde cause de transformation de la coutume : sous lapression de nouvelles conditions de vie imposes lasocit, labandon des solutions incompatibles avec lesdonnes matrielles actuelles.

    Dterminons quelques autres exemples.Voisin de celui de la vente : le tribunal de Territoire

    bunal de Parquet du H aut K ata nga n 579 du 20 mars 1939, B. J .., 1939, p. 189 ;Tribunal de Centre de Jadotville, 11 septembre 1950, J . T. O., 1952, p. 51 avecnote. Le principe traditionne l katangais, sil semble se retrou ver au Kasai, T ribunal du Secteur des Baluba du Lubilash, 20 fvrier 1952, B. J . I 1955, p. 130,

    parat ignor au Kivu : Tribunal de Cen tre de Bukavu, 6 mai 1955, B. J . /., 1955,p. 152.

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    dlisabethville (*) analyse un contrat dassociation

    commerciale entre un oncle et un neveu avec mise defonds de la part du pre ; en principe, dans la coutume,la totalit des bnfices raliss par le pun revient lan; cependant, la dcision judiciaire scarte de ceprincipe et voit dans ce contrat pass dans un centreune participation commerciale o la part de loncleparat, pourtant, plus importante quelle ne le serait en

    droit europen. Qui ne voit que pareil changementdict par lconomie, natteint la racine la vie de laparentle ?

    Emprunt dun vlo et dtrioration par lemprunteur :en principe, celui-ci devrait rparer la machine, mais surle plan local, les dlais sont exorbitants ; en consquence,il paiera le prix du cycle au prteur et en deviendrapropritaire (2).

    En matire dotale : en principe ne font partie de ladot que des animaux vivants ; en sont exclues les btessacrifies et consommes aux divers repas matrimoniaux.Cependant un tribunal (3) dcide que limpossibilitpratique, suite des rglements vtrinaires, pour lemari dintroduire des animaux vivants en ville orside layant droit de son pouse, confre un caractre

    dotal au btail sacrifi, malgr la volont initiale dufutur, et offert au beau-pre selon le crmonial de laremise de btes en vie.

    Dune faon dailleurs plus gnrale, dans toute lAfrique noire, et les ractions chez nos voisins britanniqueset franais sont parallles aux ntres, lintroductionde la monnaie, la disparition de certaines valeurs traditionnelles, les esclaves par exemple, ont boulevers

    (*) Jugement du 3 mars 1949, 1950, p. 371 avec note .(*) Tr ibunal de Chefferie de Pian i-Tshungu, jugem ent n 209, 1933,

    p. 118 avec note.() Parquet du H au t-K ata ng a n 1.854 du 12 mars 1952, B .J .I ., 1952, p. 303,

    J .T .O ., 1952, p. 158.

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    plusieurs secteurs de la coutume, entranant entre autres

    une certaine montisation, si souvent dplorable, de ladot. Cest ce que souligne trs bien un jugement (J) quiconstate en certains endroits la substitution dune picedun franc la flche dite muketo.

    Au point de vue foncier, les mthodes culturalesnouvelles, la surpopulation aussi, favorisent le passage dela proprit clanique au systme de la tenure tatique (2).

    Lurbanisation, les transferts de populations sur degrandes distances, entravent le jeu normal de certainesprocdures. Ainsi chez les baLuba du Katanga, le prologue de la procdure en divorce consiste pour le mari planter sa flche devant son beau-pre. Cette procdure trs intressante et bien adapte au milieu,devient inexcutable dans certaines conditions matrielles contemporaines. D une faon toute spontane,

    nous voyons stablir une seconde procdure : le renvoi son ayant droit de la femme munie dune lettrede rpudiation (3). Certains tribunaux ragissent contrecette innovation (4), dune faon assez vaine notresens, car dautres juridictions lentrinent (5).

    ** *

    Remarquons que dans le processus de transformationde la coutume que nous analysons, comme dans le pre

    l1) Tr ibu nal de Cen tre de Mitwaba n 831 du 11 novembre 1950, 1954,p. 202 .

    (2) Voir G. L a f o n t a i n e , Lvolution juridique de la socit indigne, II,volution du droit foncier, J.T .O ., 1955, p. 114 et notre article A propos de la

    pro prit foncire en dro it coutumier, J.T .O ., 1953, p. 180.(3) Expression d'ailleurs incorrecte, car il ne sagit que dune procdure

    prl im inaire au dbat de divorce.(4) Territo ire d Ankoro, jug em ent n 216 du 3 novembre 1935, 1938,

    p. 292 e t aussi a contrario le jugement du tribunal de Territoire de Mwanzan 16, 1933, B .J .I ., 1935, p. 56, cit par L a n f a n t dans son tude sur Le droitcoutumier des baLuba de Mulongo.

    (6) Cen tre Mitw aba n 831 du 11 novembre 1950, B .J .I ., 1954, p. 202 et S i p s ,Les Balumbu du Sud, B .J .I ., 1934, p. 167, n 13, note.

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    mier, lorientation du droit, son idologie, pourrait-on

    dire, reste la mme, initialement du moins ; les changements soprent presque sous une pression mcanique,seules les conditions matrielles externes ont amen lesmodifications dans lexpression du droit. A la longuecependant, elles sont susceptibles daltrer profondmentle droit.

    De plus, la jurisprudence se voit accule difier

    des constructions juridiques nouvelles.

    3) Cr a t i o n j u r i s p r u d e n t i e l l e , r p o n s e

    A UN BESOIN NOUVEAU.

    Passons en revue quelques cas de crations jurispru-dentielles.

    Presses par la ncessit, les juridictions indignes sesont trouves dans lobligation dorganiser la preuvescripturaire, principalement l o elle devait revtirune forme para-authentique. Nous ne parlons pas ici delintgration de lcriture au systme gnral coutumierdes preuves qui elle ressort dun processus dassimilationen vertu des principes traditionnels.

    Les exemples de ce genre sont multiples, notamment

    tous les cas o les greffes se sont institus en office notarial et les procdures de juridiction gracieuse qui neconstituent, au fond, que lenregistrement dun droit (1).

    Il arrive que le Lgislateur lui-mme y pousse lesJuridictions Indignes (2), par une intervention mcanique extrieure.

    M. P. D e b a t t y (3) n o u s d o n n e u n e x c ell en t e x em p le

    (*) Voir, en tre au tres, Centre Buk avu, 2 mai 1955 e t 3 mai 1955,J.T .O ., 1955,p. 152 avec notes.

    (2) Voir tribunal de Territoire de Lopoldville, 24 mai 1955, J.T .O ., 1956,p. 29 avec note et notre note sous le jugement du tr ib unal de Centre de Jadot-ville, n 1.262 du 1 septembre 1950, 1954, p. 181.

    (3) Les testaments. volution de la coutume en rgion de Costermansville,1955, p. 25.

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    de la complexit que peut revtir ce phnomne et nous

    montre ladaptation du testament traditionnel laforme crite, homologue par le tribunal, combine etentrane dans le sillage dun changement de lopinionpublique quant au fond de la matire, dans le sens duneplus grande libert accorde au testateur.

    Mais plus curieuses sans doute, encore, sont en matiresde contrats visant le btail ou la terre, les coutumes quien exigent lenregistrement. Ces contrats, importantsdans la socit indigne, requraient jadis une solennit.Nous voyons un jugement (*) exiger lenregistrementdune vente de gros btail sous peine dinvalidation.Jurisprudence analogue au point de vue foncier (2).Dans les grands centres du Sud-Katanga, cet enregistrement des mutations foncires ne seffectue pas aux greffes,mais au bureau administratif institu par les autorits

    europennes pour contrler les mutations terriennes etlactivit des logeurs (3). Cette jurisprudence, uvrespontane des juges indignes, aboutit de faon assezinattendue la mise sur pied dun systme parent decelui de 1 acte de Torrens qui rgit, au Congo, ledroit foncier crit.

    Ne voyons pas, pourtant, partout des crations nouvelles :un jugement rcent (4) parle, propos de la preuve

    littrale, de la coutume volue rgissant celle-ci, alorsquil se base sur la convention des parties ce sujet.

    (1) Tribu nal de Te rritoire de Ruyigi, 4 juin 1945, 1949, p. 99 rep renantdes extraits du B .R .U .

    (2) Territo ire Ruhengeri, 20 fvrier 1945,B .J .I .,1950, p. 378 avec note,B .R . U.,n 4, 1947, p. 318 et Territoire Kabare jugement n 2 du 27 novembre 1950,

    B .J .I ., 1952, p. 304.(3) Voir G r v i s s e , C.E.C. Ev., p. 238 et suivantes. Les cas quil cite peuvent

    se comprendre autre m en t que par le profond dsarroi des indignes en facede la proprit des immeubles . Ils sclairent en les expliquant comme nousle faisons. Comparez avec le jugement du tribunal de Territoire dlisabethvilledu 14 juillet 1949, B .J .I ., 1951, p. 23.

    (4) Tribunal de Territoire de Lopoldville n 7.495 du 13 dcembre 1955,Jur. Lo, verbo preuve II.

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    Un autre exemple du processus que nous analysons

    peut tre trouv dans la mise sur pied dun droit deslocations de logements dans les grands centres (1).Notons quen pareilles matires contractuelles, les jugessinspirent, cependant, des usages (customs) qui se sontpeu peu instaurs.

    Un jugement (2) a trait une coutume de maintenant concernant les transports par vhicules rapides ;M. B r ib o s ia qui le commente semble rattacher pourtantlapparition de cette coutume au premier processus quenous avons dtermin.

    ** *

    Le grave danger de ces crations jurisprudentiellesrside dans le fait de voir le pouvoir judiciaire sattribuerdes fonctions lgislatives. Ce risque darbitraire estmitig par la ncessit pour les juges de tenir compte delensemble du droit coutumier et leur obligation continuedassurer leur lgitimit aux yeux des justiciables (3).Il y a ici plus quune simple volution de la coutume,mais il est exceptionnel quil sagisse dune crationex nihilo.Nous aurons loccasion de revenir sur ce pointen tudiant linfluence du principe dquit sur les trans

    formations des coutumes.

    4) C h a n g e m e n t d o p in i o n d e s j u s t i c i a b l e s .

    Lvolution de la coutume peut galement se produire

    (*) Voir Tribunal de Centre de Jadotville, 7 septembre 1950, J .T .O ., 1952,p. 51 avec note.

    (2) Chefferie des Bahund e n 1.281, 1942, p. 152, rep ris dan s ltu de :Extraits des jugements des tribunaux indignes pour servir la codificationdes coutumes du Territoire de Masisi.

    (3) Voir ce sujet, F. G r v i s s e , La grande piti des Juridictions Indignes,Collection des Mmoires de lI.R.C.B., t. XIX, fasc. 3, 1949, notre articleLa grande richesse des Ju ridictions Indignes, J . T. O., 1952, p. 29 et nos rfrences [p. 10 , note 2],

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    sous linfluence dun changement dopinion dans le

    public.Ce changement peut ntre pas discern par les membres eux-mmes de la socit en cause. Cest ainsi quesest opr, en droit romain, le passage de la dot (telleque la connaissent nos Noirs), par lintermdiaire dela douaire et de ce que nous appelons la contre-doten droit coutumier congolais, la dot du droit civilfranais. Cette conversion a t si radicale, que des observateurs modernes mal informs ont cru devoir purernotre terminologie coutumire moderne pour en exclurele mot dot (1).

    Par contre, le heurt des gnrations peut aussi tretrs explicite. Ainsi, nous voyons un jugement (2) rendu la majorit par de jeunes juges contre les plus gs etdcidant que, dans une affaire de coups, la solidarit

    clanique ne joue plus en faveur de lagresseur : que loinde lui prter main-forte, le frre doit arrter lagressioninjuste commise par son parent.

    M. J. N. S e ru v u m b a , dans un bel article (3), constateque, de plus en plus, certaines jeunes filles passent outreau consentement de leur ayant droit pour stabliravec le mari de leur choix. Il explique ce phnomnepar linfluence de lindividualisme moderne et laffaiblissement des craintes superstitieuses, des consquencesde la maldiction paternelle. Lauteur saperoit que lestribunaux dans ce cas essaient damener le pre rgulariser la situation. Dautre part, de plus en plus la dotvolue de signe dalliance entre lignes soit dans le sensdun prix dachat, soit dans celui dune contribution ltablissement dun foyer chrtien. Lauteur souhaite

    (') Voir Posso z, lm ents de d roit cou tum ier ngre, lisabeth ville, 1944,p. 162 e t notre A propos de la term inologie : la dot, J . T. O., 1953, p. 15.

    (*) Cit Basanga 51-52, 1953, p. 69.(3) Note propos du mariage coutum ier indigne en volution, B .R .U ., n 8,

    1950 et B .J .I . , 1954, p. 298.

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    une intervention du lgislatif coutumier pour permettre

    au tribunal en certains cas de forcer le pre accepterla dot offerte par son gendre et dentriner le mariage.

    Mais en pratique, la plupart du temps, bien quuneanalyse rflchie puisse le dceler, ce phnomne estinconscient. En matire dadaptation du rgime dotal,les exemples sont nombreux : le R. P. d e S o u s b e rg h e ,dans larticle que nous avons dj cit (*), montre les

    variations quentranent ladoption de la dot par certainsclans pende ; M. G r v is s e , dans son tude sur les ba-Lebi (2), dcrit un phnomne analogue, mais qui paratplus conscient. Il ne sagit pas ici bien entendu duneintervention en matire dotale du pouvoir lgislatifcoutumier, action que nous tudierons plus loin au coursde notre essai. Dans le cas prsent, les justiciables ontadopt la dot ou des modalits dotales nouvelles et lajurisprudence saligne sur leur volont.

    Les rgimes matrimoniaux fort complexes des baSongedu Kasai connaissent des bouleversements profonds (3).Nous avons eu loccasion ainsi de les observer dans largion de Lusambo et de remarquer qu ct de la dotpurement nominale, quelques croisettes, quils connaissaient, ils adoptent de plus en plus un systme parallle

    celui de leurs voisins baLuba, habitude que finissentpar sanctionner les tribunaux. Leurs congnres desgrandes villes du Katanga, coups du milieu traditionnelet de linfluence prdominante des baLuba, se trouventen plein marasme cet gard.

    Chez les baLuba-baMbo, en cas de dissolution dumariage, en principe, le remboursement de la dot est

    intgral. Cependant, lusage sest instaur dabandonner, titre de cadeau, une certaine part de la dot la paren-tle de lpouse, en proportion, par exemple, des annes

    () [P. 10, note 1], p. 353 de ltude e t sa no te 14.(2) 1934, p. 218.(3) Voir D. M a n o n o , Le mariage chez les Basonge, 1952, p. 253.

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    de cohabitation ou de la fcondit du foyer. Obligation

    purement morale, mais qui devient juridique auprs decertaines juridictions (1).Ce passage de lobligation morale lobligation juri

    dique est analys de faon succinte, mais fort claire,sous un jugement (2) rendu en rgion de Baluba-Shan-kadi et relatif, lui aussi, au remboursement de la dot.

    Il est manifeste que le retour, amorc depuis plus devingt ans (3), chez les baKongo une patrilinalit quilsconnaissaient au moment de la dcouverte du Congo (4),est influenc par les conditions conomiques modernes :cultures perennes dans un pays matrilinal, mais patri-local, budgets des foyers citadins bass uniquementsur les gains du mari. Mais il est certain aussi que cettevolution saccompagne dun fort courant dopinionpublique que des dizaines darticles parus dans La Voix

    du Congolais de Lopoldville illustrent.La pression dun mouvement fministe (5), dailleurscombattu avec acharnement par la gent masculine,est sensible sur une partie de la jurisprudence.

    Gnralement les coutumes connaissent la sparationdes biens des poux. La femme jouit du produit de sesactivits autonomes. Mme l o ces principes traditionnels ne sont pas de droit, ils se prsentent sous formedobligations morales pour le mari, ayant tendance devenir juridiques (). Mme lintrieur, nous voyons

    (*) Cen tre de Kipushi n 3.611 du 29 sep tem bre 1949, 1951, p. 54 ;Centre de Lusambo, 15 avril 1952, J.T .O ., 1953, p. 148 et Territoire de Kolwezi,28 juillet 1951, J .T .O ., 1952, p. 85, le tout accompagn de commentaires.

    (2) Chefferie Kabongo n 13, 1934, p. 148.(3) Voir P e i g n e u x , Le droit coutumier du groupe Gombe Matadi, B .J .I .,

    1934, p. 137 e t suivante s.(*) Voir Mgr C u v e l i e r , Lancien royaume du Congo, Descle De Brouwer,Bruges-Paris, 1946, ordre de succession des Rois, notamment, p. 253.

    (6) Voir MIle D u t i l l e u x , Lopinion des femmes du Centre Extra-Coutumierd lisabethville sur le mariage, la famille, lducation des enfan ts, Cepsi, n 17,1951, p. 219 et les commentaires de G r v i s s e , C. E, C. Ev., p. 237.

    (*) Voir S i p s , op. cit. [p. 20, note 5], B. J . 1934 notes 10 e t 12, p. 165 e t 169.

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    des jugements accorder la femme un droit de regard

    sur une sorte de communaut de fait entre poux, nede leurs activits communes (1). Dans les centres duSud-Katanga (2), la jurisprudence attribue lpouse, la dissolution des mariages ayant connu une certainedure, des droits sur une portion des immeubles du mari.Lexplication souvent donne propos des avances surfondations que la femme a collabor lrection du b

    timent et en est co-propritaire pourrait tre admisecomme panouissement dun principe coutumier traditionnel. Mais en dehors de ce cas, une autre justification la rtribution de la femme, souvent entendue, savoir que, par son conomie mnagre, elle a permis son mari de senrichir, nous parat une bien mauvaise raison.

    En ralit, la femme smancipe : M. S e ru v u m b a ,

    nous lavons vu (3), le note ; elle exige une protection,une scurit matrielle, proccupation qui favorise lclo-sion de la jurisprudence que nous avons dj signale (4)sur la pension alimentaire et la sparation de corps etqui transparat aussi dans un jugement du tribunalde Territoire de Kolwezi (5).

    Lhistoire a dailleurs retenu le nom de la princesse

    Lu e j i (6), auteur dun coup dE ta t qui a certainementacclr ladoption par les Lunda de la bilinalit.En matire testamentaire aussi, nous avons not

    une action de lopinion publique (7) ; se combinant avec(x) Terr ito ire de Lisala 28 sep tem bre 1948, 1949, p. 65 e t Chefferie.

    des Bena Kasinge n 44-51, 1953, p. 92.(2) Voir C. E. C. Ev., p. 218, affaire 13.212, o un plaideur mentionne cette

    coutume.(s) Voir [p. 24, n. 3],

    (4) Voir [p. 16, n. 2 e t p. 17, n. 1] e t aussi B r i b o s i a , op. cit. [p. 23, n. 2], commentaires du jugement n 597 du tribunal secondaire Utunda, B. J . I ., 1941,

    p. 98.(6) Voir rfrence [p. 26, n. 1],(6) Voir Ed. L a b r i q u e , Histoire des Mwata Kazembe, revue Lovania , lisa-

    be thville, n 16, 1949, p. 11.(7) Voir [p. 21, note 3].

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    le mouvement fministe, elle explique un jugement (x)

    dans lequel nous voyons une femme provoquer lattribution dun enfant la ligne de son amant ou cette autredcision (2), commente par M . G . M in e u r (3), o le tribunal admet quun pre ait confr la qualit de fils sa fille et lait constitue co-hritire de ses biens avecses frres.

    Les conceptions morales nouvelles de certains convertis peuvent entraner localement des modifications deleurs coutumes personnelles en des domaines sans rapportdirect avec la religion : par exemple, des mariages sansdot ou lvolution de la matri-linalit la patri-lina-lit (4).

    Plus fondamentalement leur influence morale, malgrla rsistance de certains notables polygames qui composent souvent la majorit des siges des juridictions indi

    gnes, avant la parution du dcret prohibant lavenir lapolygamie, a favoris une jurisprudence favorable la monogamie.

    Le R. P. d e B e a u c o r p s (5) montre les tribunauxprtant main-forte aux lemba,possesseurs claniques, pourla dfense du mariage chrtien et de sa monogamie.

    Certains tribunaux recherchent dans larsenal desdispositions coutumires traditionnelles des armes auxquelles ils confrent une efficacit nouvelle (6), parexemple, le consentement de la premire pouse ausecond mariage projet par le mari.

    La polygamie du mari tend mme parfois devenir

    (v) Centre de Jadotville, 21 septembre 1953, J.T .O ., 1954, p. 14.C2) Chefferie Barusasiyeko, 15 mai 1945, R evue Servir, Astrida, 1945, p. 257.(3) L a jurisprudence des tribun au x indignes et son influence sur lvolution

    du droit coutumier, B .R .U ., n 1, 1946, p. 8.(4) Voir P e t i t , op. cit. [ p . 1 5 , note 3 ] et B r a u , Le droit coutumier lunda,B. J . I., 1 9 4 2 , p . 1 7 2 .

    (5) Le rle des trib un au x indignes dans la dfense du mariag e lgitimeB .J .I ., 1949, p. 101 et la jurisprudence rcolte par lauteur parue aux B .J .I .y1951, p. 156 et J.T.O ., 1952, p. 140.

    (6) Chefferie Shindaika n 08 4-9 et 18, B .J .I ., 1933, p. 75.

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    une cause de divorce pour la femme (1). Plus spcialement, pour les chrtiens, malgr de vives critiques etoppositions de juristes europens, le privilge paulinsemble tre entrin par la jurisprudence (2).

    Dautre part, ladultre du mari, qui ntait sanctionn que circonstanci (3), semble localement tremis sur le mme pied que celui de lpouse (4).

    ** *

    Linfluence de lopinion publique demeure, cependant,dans certaines limites et il ne faudrait pas croire quellesufft renverser le droit. Cest ce que notent G r v i s - s e (5) et S e r u v u m b a (6) qui tous deux souhaitent lintervention dun pouvoir lgislatif indigne pour rpondre

    aux vux et besoins des justiciables.De plus, la jurisprudence dans son souci de traduirela volont juridique de la socit quelle rgit, ne suit pasaveuglment les fluctuations des murs. Elle peut lescombattre et en arriver approfondir le droit dans unbut dauto-dfense du corps social contre les tendancesmmes de ses membres. Cest ce que nous allons voir.

    i1) Te rritoire du Kiam bi n 14, 1933, p. 12, Territoire de Sandoa,7 janvie r 1937, 1938, p. 262, Pa rque t K iba li-Ituri, 30 mai 1942, B .J .I.,1943, p. 37 ; contre Chefferie MBako n 239, B .J .I ., 1933, p. 10.

    (2) Centre de Jadotville n 1.271 du 4 septembre 1950, B .J .I ., 1953, p. 256et Parquet Kabinda 22 aot 1954, J.T .O ., 1955, p. 11.

    (3) J. S a l m o n , Le droit matrimonial des Warega, B .J .I ., 1953, p. 238 ; Chefferie Bena Kasinge n" 42, 1951, B .J .I ., 1953, p. 92 ; G r v i s s e , op. cit. [p. 6, note 1],B .J .I ., 1937, p. 39, mme auteur, op. cit.[p. 25, note 2], B .J .I ., 1934, p. 241 ; Chefferie Baluba-Shankadi n 30, 5 juillet 1939, B .J .I ., 1941, p. 104 et 1943, p. 84 et

    G r i g n a r t , tude sur le tribunal coutumier du groupement de Mukebo en chefferie de Tondo, B .J .I ., 1953, p. 85.

    (4) Tr ibun al secondaire de Kap ang a n 67, B .J .I ., 1933, p. 9 ; Territoire dli-sabethville n 1.384, 5 avril 149, B .J .I ., 1949, p. 136 ; Centre de Jadotville 7 aot1953,J.T .O ., 1954, p. 13 et C entre de Lopoldville n 59.493 chambre 5 du 23 juin1955, Jur. Lo, verbo adultre V.

    (6) Op. cit.,[p. 23, note 3], notam m ent pages 93, 99 et 101.(6) Op. cit., [p. 24, note 3].

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    5) R a c t i o n c o n t r e u n e d v i a t i o n d e s m u r sP U B L I Q U E S .

    Ici lon peut dire que le droit sadapte aux ncessitsde la socit, aux conditions de sa survie, son courantdynamique profond contre les dsirs des individus quila composent et directement engags dans leurs litigespersonnels.

    Comme nous venons de le voir pour la polygamie,maints juges prennent la position du professeur demorale des caricatures :

    Faites ce que je dis et non ce que je fais .

    Bien que certains siges aient cd parfois lambiancedissolue du milieu (1), non sans soulever dailleurs dpres

    critiques, il est certain que les tribunaux sessaient lutter contre la facilit moderne du recours au divorcepour des riens. Ce retour la discipline ancienne peutseffectuer par une restauration dune antique procdure,le renvoi prliminaire une juridiction domestique (2).

    Autre part, la jurisprudence se montre plus rigoureusedans des cas quelle prcise : enfants ns du mariage,longue vie commune, etc. (3). Si certaines jurisprudencesinsistent sur les procdures prives de conciliation traditionnelles, dautres, l o les juridictions domestiquesse montrent trop dbonnaires, nhsitent pas se substituer aux autorits paternelles dfaillantes (4).

    (*) Voir Chefferie Ngoy Mwasu n 08 25 et 28, 1933, p. 95 ; ChefferieKabongo n 58, 1934, p. 172 ; G r v i s s e , op. cit., [p. 6, note 1], p. 98 et suivantes ; mme auteur, C.E.C. Ev., p. 217 et suivantes et L a f o n t a i n e , op. cit.,

    [p. 4, note 1], J.T.O., 1955, p. 113.(2) Voir P e t i t , op. cit., [p. 15, note 3], J.T .O ., 1956, p. 33.(s) Voir C.E.C. Ev., p. 217 et suivantes et le rsum de lvolution en la

    matire, p. 247.(4) Voir S a l m o n , op. cit.,[p. 29, note 3], B .J .I ., 1953, p. 232 et 244 : dans le cas

    prcis il y a aussi in terv en tion lgislative favorise par laction admin is trativedes contrles dtat-civil.

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    Bien tort souvent, on attribue linfluence euro

    penne, missionnaire en particulier, ce genre de ractioncoutumire : il est certain, par exemple, que la luttecontre les abus de layant droit en matire matrimoniale, lescroquerie la dot entre autres, est, malgr cequen pensent certains (1), on ne peut plus coutumire :non seulement nous la voyons rpandue par tout leCongo, des dizaines de jugements publis en tmoignent,

    mais encore dans des territoires avoisinants (2).

    6) I n f l u e n c e d e l a n o t i o n c o u t u m i r e d e

    l o r d r e p u b l i c .

    M. P e t i t , dans une srie darticles rcents (3), a misen lumire lexistence dun ordre public coutumier.Cette notion extrmement intressante mrite dtre

    encore approfondie et se rvlera sans doute enrichissante. Elle explique en partie la raction de la jurisprudence que nous venons danalyser, devant certains abus.

    Nous ne croyons pas pouvoir dissocier ltude delordre public coutumier de celle de celui que le lgislateur qualifie duniversel. Aussi, bien quil sagisse ldun facteur interne de transformation de la coutume,

    nous le verrons au cours de la revue des facteurs externes.

    (*) Chefferie Pia ni Tshungu jug em ent n 171, 1933, p. 118 avec no te rle tribu na l condamne pn aleme nt le pre qu i a d tourn sa fille de ses obligationsconjugales ; bien qu e le cas so it classique, le com menta teur crit : coutum evolue sous linfluence europenne .

    (*) Voir C o r y e t H a r t n o l l , Customary law of the Haya tribe, InternationalAfrican In stitu te, Londres, 1945, n 277, p. 62 et Centre Mitwaba n 811, 22 juill et1950, B .J .I ., 1956, p. 178 avec note.

    (s) Voir, entre autres, J.T .O ., 1955, p. 171.

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    II . Fac teurs ex ternes de transformat ions des coutumes

    1) I n f l u e n c e d e s t e x t e s l g i s l a t i f s .

    Nous abordons maintenant les facteurs qui transforment les coutumes de lextrieur et non par le dynamismeinterne du droit. Ces influences externes sont celles dupouvoir lgislatif. Nous les passerons en revue en commenant par le lgislateur europen pour terminer parle pouvoir lgislatif coutumier. Pour le lgislateur europen, nous verrons dabord linfluence des textes lgislatifs, ensuite les pressions para-lgislatives et enfinlaction de deux principes que nous isolerons, ns de lalgislation ordinaire de la Colonie : la notion de lordrepublic et celle de lquit. Pour le lgislatif coutumier,

    nous tudierons ce pouvoir proprement dit et un pseudopouvoir lgislatif indigne qui sest tabli.

    Nous divisons notre prsente section, assez longue,en trois titres, selon le but que se proposait le lgislateur.

    Textes gnraux visant le droit coutumier ou lesJuridictions Indignes.

    Il est difficile de mesurer linfluence de la lgislationcrite sur lvolution du droit coutumier, car, en partie,ces prescriptions correspondaient un besoin profonddes justiciables, taient commandes par le changementdu milieu, et, de plus, se faisaient sentir depuis quaranteans quand le droit coutumier et sa jurisprudence ontfait leur entre visible sur la scne congolaise. Commelcrit M. V. D e v a u x [*) :

    Notre loi la (lordre social) boulevers par la juste condamnationdes coutumes contraires lordre public et par les dispositions qui ont remplac la coutume par dautres rgles lgales : ctait un vide quun boulement pouvait seul combler .

    (*) Op. cit ., [p. 4, note 1], B . J . I . , 1938, p. 198,

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    Nous sommes, en fait, sevrs de documents directs

    sur le traumatisme que porta le dbut de loccupationeuropenne au droit coutumier et sur les ractions dela jurisprudence traditionnelle lintroduction, parexemple, du code pnal et des juridictions europennescharges de lappliquer.

    Les grandes lgislations de base de la Colonie ont surtout altr trois domaines coutumiers : le droit public,

    le droit pnal et la procdure.Lorganisation politique et administrative du Congoa rendu caduque la presque totalit dune branche juridique traditionnelle, celle du droit public. Ne demeurentplus, dans les cadres de la lgislation europenne, quede rares survivances non essentielles : lordre de succession la dignit de chef, par exemple. Ici, ladaptationde la coutume au nouvel ordre de choses, na pu entrerque dans une soumission la situation de fait. A moinsdavoir recours une reconstitution archologique,il est impossible de dcrire une coutume densemblecohrente en la matire.

    Lessentiel du droit pnal, et avec lui, suite au prescritde lindemnisation doffice de la victime indigne, unepartie de la rparation civile des infractions, a chapp

    lemprise de la coutume. Non seulement la coutumesest vue ainsi prive dun important domaine, maisencore lexemple des juridictions europennes (dont lalgitimit nest jamais mise en doute par nos Noirs etdont le droit pnal est approuv par le public) lui acertainement permis dpurer ses conceptions pnalistes.M. G r v i s s e , dans une citation que nous avons dj

    reprise (1), note trs bien cette influence. Ladaptationdes sanctions civiles et punitives de lancienne coutume celles instaures par les dcrets sur les JuridictionsIndignes et cliches sur le systme gnral du code

    ESSAI SUR LES TRANSFORMATIONS DES COUTUMES 3 3

    (*) Voir [p. 6, note 1].

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    pnal, tait pratiquement ralise au moment o nous

    avons pu suivre rgulirement le fonctionnement deces juridictions. Il nous parat risqu de soutenir, commecertains (*), que les coutumes ignoraient le droit pnal,ladoption rapide par les Noirs du systme rpressifeuropen est dj une rponse, mais de toute faon laconversion de lancien systme au nouveau est un faitacquis ds le dbut des tudes sur le droit coutumier.

    La conception de la faute sest personnalise, jamais

    nous ne verrons, par exemple, un frre rpondrepnalement de linfraction commise par un latitant. Ledol est devenu une notion banale en droit coutumier,tous les coutumiers et la jurisprudence en font foi : lalsion corporelle volontaire est sanctionne plus svrement que linvolontaire.

    Dautre part, le principe de la rpression publique de

    linfraction est unanimement pratiqu : les voies de faitlgales, la vengeance prive, ne subsistent plus gurequ ltat de procdure prliminaire strictement rglemente.

    Lintrusion dufa sdans le jus(2) est bannie, et en corollaire, ladministration de la preuve est devenue plus rigoureuse. Des dizaines de jugements en tmoignent :

    cest ainsi que les imputations de sorcellerie non solidement tayes par ladministration de la preuve depratiques denvotements, sont devenues une infraction ;que le recours aux devins est lui-mme devenu infractionnel et les preuves par ordalies rejetes (3).

    Comme nous venons de le dire, le droit coutumier avaitdj opr la conversion de lancien systme au nouveau

    (*) Voir Possoz , Lgislation e t droi t clanique, 1951, p. 94.(2) Sur ces notions, voir Possoz, op. cit., [p. 24, note 1],(3) Il existe une multitud e de jurisprudences en ces matires, voir, entre au tres,

    les jugements paru s au B .J .I ., 1935, p. 44 46 ; Chefferie Buli n 24, 30 mars 1951,.B .J .I ., 1953, p. 91 et contra Territoire Sampwe n 108, 30 novembre 1936,B .J .I ., 1940, p. 264 suivi dune note de mise au point.

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    profondes de lexcution capitale, du bannissement oude la vente comme esclave, avec la prohibition de cespratiques, devient une sanction civile indpendante (1).

    Au point de vue dommages et intrts, le systme organis devant les juridictions rpressives europennespar larticle 85 des dcrets sur lorganisation judiciairea abouti une intgration des conceptions juridiquesoccidentales et coutumires (2). Mais ce syncrtisme sest

    opr galement lchelon des juridictions indignes (3).

    Ceci tait invitable. Que lon songe, par exemple,que nos tribunaux europens sanctionnent pnalementdes voies de fait, lgales jadis, et octroient gnralementune indemnit la victime. En cas de meurtre pourinconduite de la femme par le mari, coutumirement

    la famille de la victime navait pas droit indemnisation (4) ; celle-ci pourrait, cependant, tre difficilementrefuse si intervient une condamnation pnale du meurtrier (5).

    La reconnaissance et lorganisation des juridictionsindignes, devaient, elles aussi, avoir des rpercussionsprofondes sur le droit coutumier. Lorganisation judiciaire et la procdure qui lui est lie, touchent trop au

    fond du droit, sa vocation est de sexprimer et dtresanctionn sous certaines formes, pour ne pas linfluencer. Cest si vrai, que toute critique des dcrets coordonns sur les Juridictions Indignes, aboutit scruterles fondements du droit coutumier.

    f1) Voir Ren P h i l i p p e , La procdure judiciaire chez les Ntombe-Njale,B .J .I ., 1955, p. 17.

    (s) Voir, entre autres, A. S o h i e r et P. H a m o i r , Restitutions et dommagesintr ts en vertu des usages locaux, 1933, p. 5 et notre article Les ju ridictions europennes du Congo et le droit coutumier, J.T .O ., 1953, p. 65.

    (s) Voir no te sous Centre Jado tvi lle n 1.403, 28 sep tembre 1950, B .J .I ., 1954,p. 184 : le formalisme co utu mier cdant linfluence europenne en matir e de

    D. I.(4) Voir Territoire dlisabethville n 291, 23 juin 1950, B .J .I., 1951, p. 56,(6) Voir mutatis mutandis, Territoire de Sampwe n 109, 18 novembre 1939,

    B .J .I ., 1939, p. 138.

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    La matire est vaste et a fait lobjet dassez dtu

    des (*) pour que nous puissions nous permettre de nepas nous y attarder. Remarquons, cependant, combienla prudence du lgislateur quand il traitait de la procdure, a t dpasse par les vnements. Notons aussicomme les rpercussions dune organisation judiciairepeuvent tre lointaine : nous lavons vu en montrantles greffes des tribunaux indignes se muant en une sortedoffice notarial (2).

    ** *

    Dans le cadre du prsent essai, nous devons ncessairement nous borner. Les jugements de valeur portssur nos grandes lgislations de base au regard du droitcoutumier sont dautant plus dlicats quil est difficilede dmler ce qui est influence lgislative proprementdite, dinterprtations errones, dabus de droit ou depressions para-lgislatives. Cest ainsi aussi que nousavons mentionn lexemple des juridictions europennes,mais il convient de remarquer que celles-ci ne comprennent pas que les tribunaux de District ou de PremireInstance. Les tribunaux de Police jouent galement unrle dans le concert des juridictions congolaises et le

    caractre forcment rudimentaire et expditif de leurprocdure peut donner un exemple nfaste des juridictions indignes qui ladoptent en des litiges civilscompliqus (3).

    Ds que le Congo devenait un tat moderne, ces lgislations devaient tre prises. Il est bien entendu que lelgislateur, sous ltat Indpendant, a promulgu les

    (') Voir, notamment G r v i s s e , op. cit., [p. 23, note 3], et les rfrences de la[p. 10, note 2].

    (2) Voir [p. 21, notes 1-3, et p. 22, notes 1-2].(*) Voir nos articles cits [p. 10, no te 2], et nos comm entaires sous les jugem ents

    du Tribunal de Parquet de Coquilhatville n 089 73 et 974 du 14 dcembre 1954,B .J .I ., 1955, p. 49.

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    premires dentre elles un moment o il lui tait impos

    sible de savoir ce qutait au juste le droit coutumier.Il ne pouvait agir autrement. Dautre part, il a faitpreuve dune grande prudence et a attendu dtre inform avant de sattaquer lorganisation ncessairedes juridictions et chefferies indignes : pendant quarante ans, il a observ avant de lgifrer. Tout a tlabor avec le maximum de garanties.

    Lunification du pays, son essor vers le progrs, exigeaient ces interventions. Aussi devons-nous remarquerque les critiques contre cette uvre de base se muentsouvent en procs de la colonisation en tant que telle.Nous ne voulons pas les rencontrer : nous nous trouvonsici sur le terrain de lidologie, tranger au droit positif.Il nen reste pas moins que le lgislateur dans les grandesrformes venir doit tenir compte de lensemble de

    la ralit congolaise, donc aussi de la coutume.

    Textes spciaux visant directement le droitcoutumier.

    A ct des grandes lois but plus ou moins directementpolitique, il sen trouve dautres qui volontairementvisent influer le droit coutumier. Ces dispositions cor

    respondent souvent un puissant courant populaire etcombattent habituellement des abus bien dtermins.Telles furent, ds le dbut de lexistence du Congo,

    les diverses dispositions sur lesclavage. Nous navonspu suivre sur la coutume indigne que la dernire phasede liquidation de cette institution. La jurisprudencefragmentaire runie ce sujet (*) montre quel pointle phnomne fut complexe : interprtation des lois, approfondissement de la notion de lordre public, mobilisation des ressources de la coutume par les systmes classiques dinterprtation interne du droit.

    (*) Voir verbo esclavage, notre rpertoire de jurisprudence coutumire actuellement l'impression la Maison L a r c i e r de Bruxelles.

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    Lopportunit du Dcret du 9 juillet 1936 sur la pro

    tection de la jeune fille impubre fut mise en doute dsavant sa publication, lors des discussions au ConseilColonial. Daucuns estimaient que le travail dapprofondissement interne de la coutume guid par la notionde lordre public, suffisait pour combattre les abus.Lexprience a rvl, semble-t-il, le bien-fond de cepoint de vue : il ne parat, en tous les cas, pas que la

    loi elle-mme ait jou un rle effectif dans la lutte contreles abus en la matire (1), au contraire !Cest dailleurs la raison pour laquelle, malgr les vux

    de certains, nos spcialistes coutumiers ne dsirent gnralement pas une intervention lgislative semblable celle de lAfrique noire franaise contre les abus dupaternat (2).

    Le dcret du 16 mai 1949 sur le mariage monogamique

    indigne est rest lettres mortes : il sagissait dailleursdune cotte mal taille marquant les hsitations dulgislateur sattaquer de front la polygamie.

    Il nen a pas t de mme du dcret du 4 avril 1950sur la polygamie qui prenait les mesures radicales seulespossibles une fois que lon se dcidait liminer cetteplaie sociale. Nous avons vu (3) que la jurisprudence

    essayait dj dendiguer la polygamie avec les armesdficientes que lui fournissait la coutume incapable deprendre par elle-mme sans intervention lgislative letournant brusque qui simposait plus ou moins longuechance. Il est trop tt pour se faire une ide exactede la faon dont la coutume sadaptera la lgislationnouvelle. Il est certain que par la tangente, des tribunauxmnageront de faon plus ou moins contestable des

    (1) Voir, entre autres, A. S o h i e r , op. cit., [p. 3, note 2], p. 163-164 n 234 etParq uet du H aut-K atanga jugem ent du 30 juillet 1953, J .T .O ., 1954, p. 88avecnote ainsi que lcho, Le dcret sur la polygamie, mme rfrence.

    (2) Voir, en tre au tres , A. S o h i e r , op. cit.,[p. 3, note 2], p. 169-170, n 243 et Lemariage des citoyens franais dorigine africaine, revue Problmes d Afrique centrale, I.N.U.T.O.M., Anvers, 1952, p. 179.

    (3) Voir [p. 28, notes 5 e t 6, et p. 29 notes 1 4].

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    rgimes transitoires que na pas prvus la lgislation.

    Nous savons en tout cas ds prsent que les problmes juridiques que posent lapplication de la loisont parfois trs subtils et ncessitent la mobilisationde toutes les ressources du raisonnement juridique, ycompris celles fournies par le droit coutumier lui-mme.Songeons, par exemple, au caractre contraire lordrepublic ou non de la reconnaissance de lenfant adul

    trin ou de la survivance du rgime tabli localementde faon immmoriale du concubinat (1).De toute faon, la revue rapide que nous venons de

    mener montre combien ladaptation dune loi nouvelle lensemble du droit coutumier ncessite une dlicatemise au point et que les consquences mdiates et lointaines des textes nouveaux peuvent tre inattendues.La prospection pralabale des diverses voies quon peututiliser pour combattre un abus est, en tout cas,recommande avant de sembarquer dans llaborationdune lgislation.

    Textes ne visant directement ni les coutumesni les Juridictions Indignes.

    Au dbut de cet essai, en parlant des accidents de

    roulage (2), nous avons montr que dans la coexistencedes individus et des droits dans le Congo actuel, il taitimpossible que le droit coutumier namnage pas sacohabitation avec une partie de la lgislation crite.La rciproque est dailleurs tout aussi vraie (3).

    (*) Puisons au hasard dans le J.T .O ., cho, Le dcret sur la polygamie, 1952,p. 88 ; A. S o h i e r , Notes de dro it coutumier, Mariage, 1952, p. 114 ; A. S o h i e r ,

    Interdiction du mariage polygamique, 1953, p. 45 ; du mme auteur, L'interdiction du mariage polygamique, 1953, p. 171 et Encore la polygamie, 1954,p. 123 ; Parq uet H aut-K atanga, 31 mars 1954, avec commentaire, 1955, p. 40 ;Parquet Sankuru 13 avril 1955 avec note, 1955, p. 151 et M. P e t i t , La reconnaissance denfant adultrin et lordre public, 1955, p. 171 ; voir, aussiauV a n H a m m e , Notes sur la polygam ie, 1954, p. 185.

    (2) Voir [p. 10, notes 1 et 3],(3) Voir [p. 36, note 2] et notr e article, Ncessit d une hirarchisation de tou tes

    les juridictions, J.T .O ., 1954, p. 33.

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    Nous avons retrouv cette adaptation propos des

    rglements vtrinaires (*), elle est patente l aussi oles amendes, en vertu de la lgislation sur lhygine, pournon entretien de parcelles, sont devenues une chargelocative (2).

    Jadis, le pre tait responsable de son fils, tant quecelui-ci habitait le rugo paternel ; actuellement le preest dcharg de sa responsabilit civile ds que son fils

    paie limpt de capitation (3) : devenir contribuable,cest devenir majeur !Le droit civil crit des contrats et obligations se r

    percute sur le droit coutumier : la preuve crite coutu-mire est influence par le systme correspondant du codecivil (4), le tribunal du Mwami du Ruanda recourt lexpertise dun entrepreneur europen dans un contrat defourniture de briques (5) : lentrepreneur, le commerantindignes travaillent dans les mmes conditions juridiques que leurs collgues europens.

    Mais sil est certaines lgislations dont la rpercussionsur le droit coutumier est inattendue, il en est dautresqui, si leur but avou ne vise pas la coutume, ne peuventque laltrer. Le cas du dcret du 1er aot 1949, sur larparation forfaitaire des accidents de travail, est exem

    plaire. Cette loi octroie, en cas daccident mortel, uneindemnisation aux orphelins, ce qui, dans la plupartdes cas, peut correspondre la coutume actuelle, et la veuve, mme sans enfant, ce qui heurte quasi-toujoursla coutume. M. G. L a f o n t a i n e (6) observe que la coutumesinspire de cette lgislation. Un jugement (7), dans uncas daccident de travail non prvu par le dcret, oblige

    (*) Voir [p. 19, note 3].(2) Voir [p. 23, note 1],(3) Chefferie Barusasiyeko 29 mars 1945, B .R .U ., 1946, p. 45 avec note.(4) Parquet du Haut-Katanga 9 juillet 1954, J.T .O ., 1955, p. 42.(6) Jugement n 974/54, B .R .U ., 1953, p. 619.(6) Op, cit., [p. 4, note 1], J.T .O ., 1955, p. 114 colonne 2 in fine.C) Territoire de Dilolo 17 mars 1950, J.T .O ., 1951, p. 115 avec notes.

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    4 2 ESSAI SUR LES TRANSFORM ATIONS DES COUTUMES

    lemployeur indigne verser une indemnit la veuve

    de laccident. Mais il nous a t donn de constaterque dans certains cas qui rvoltent la mentalit des

    justiciables, la coutume et la jurisprudence organisentun vritable rseau dfensif de repli, tentant dapprivoiserle nouvel ordre de choses, de rtablir lquilibre, selonlexpression de M. G r v i s s e (x) bantouisent les ideseuropennes . Nous avons relev ainsi un jugement non

    publi du tribunal de Centre de Jadotville condamnant laveuve sans enfant dune victime daccident de travail contribuer la constitution de la dot dun neveu de feuson mari, puisquen hritant anti-coutumirement, par laperception de lindemnit forfaitaire, de son conjoint, elletait substitue la personne et aux devoirs de celui-ci.A remarquer comment ce corps tranger la coutume

    a t absorb par celle-ci.Il est certain que les auteurs de cette lgislation, quia marqu un net progrs et a notamment eu pour consquence une revalorisation des indemnits en fournissant une nouvelle base dapprciation de leur taux,nont pas pu ne pas songer aux systmes coutumiersdindemnisation appliqus tant par les juridictions europennes quindignes avant la parution du dcret.

    Cependant, ni le Compte rendit analytique des sances duConseil Colonial (2), ni le rapport publi au BulletinOfficiel (3) ny font allusion.

    2) I n f l u e n c e p a r a - l g i s l a t i v e .

    La confusion des pouvoirs judiciaire et administratif

    lchelon des Juridictions Indignes congolaises aengendr, ct de linfluence des textes lgislatifs pro-

    () Op. cit., [p. 23, note 3], page 99.(2) C.R.A., 1949, pp. 1.362 et 1.389.(8) B.O., 1949, p. 1.908.

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    prement dits, une autre que nous pourrions qualifier

    de para-lgislative.Elle est provoque avant tout par les circulaires du

    pouvoir excutif.Plusieurs jugements nhsitent pas baser leurs

    dcisions sur des circulaires ou instructions (1).Certaines de ces circulaires ne cachent dailleurs pas

    leur but : telle cette instruction de 1947 sur la prescrip

    tion pnale coutumire, invoque et applique par unjugement du tribunal du Mwami du Ruanda (2).La plus caractristique de ces influences est celle de

    la circulaire du Gouverneur Gnral du 10 avril 1923que nous avons dj tudie (3). Il nous a t donnde constater quelle stait intgre dans ce que le tribunal de Centre de Jadotville appelait la coutume locale sappliquant aux vieux rsidants : le tribunal dailleurs se refusait prement aller au-del du systmeinaugur par la circulaire et repoussait, notamment,la prtention de certaines veuves sans enfant dhriter,tout rapport des donations entre vifs effectu, de plusde la moiti des biens de leur mari, mme si par testamentelles taient bnficiaires de la totalit de la succession.Il est frappant de constater qu Lopoldville aussi, la

    fameuse circulaire est devenue la loi (4).Quelles que soient les intentions gnreuses de cescirculaires il faut remarquer, compte tenu de linfluenceprofonde quelles exercent dans ltat de fait et de droitactuel de la Colonie, combien elles chappent toutcontrle lgislatif srieux.

    (*) Centre de Lopoldville n 55.032 Ch. I du 5 fvrier 1955, Jur. Lov ordrepublic II et Territoire de Bikoro, 22 sep tembre 1953, J.T .O ., 1955, p. 28.(a) 27 avril 1951, B .R .U ., 1954, p. 677.(3) Considrations sur les testaments en droit coutumier congolais, Comptes

    rendus du Congrs Scientifique du Cinquantime Anniversaire du C. S. K.,Communication 100, lisabethville , 1950 et 1952, .p. 213 e t suivantes.

    (4) Territoire de Lopoldville, 3 juin l95 4, J.T .O ., 1955, p. 103 et mme tribunalji 7.643 du 20 dcembre 1955, Jur. Lo v testaments.

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    3) O r d r e p u b l i c .

    Avant daborder le rle du pouvoir lgislatif coutumier dans llaboration du droit, nous isolerons deuxnotions poses par le lgislateur europen et dont linfluence est considrable : lordre public et lquit.

    La notion de lordre public ne peut pas tre sparedans la pratique de la sauvegarde des bonnes murs,

    du respect des liberts proclames par le lgislateur,ni de certaines restrictions tires de la lgislation :lorsquela loi punit le meurtre, elle prohibe ncessairement certaines formes de vengeance prive.

    Parmi les facteurs qui exercent leur pression sur la vieet le dveloppement du droit coutumier, lordre publicest notre avis lun des plus heureusement fcond :cette notion est un phare qui claire le chemin du pro

    grs, elle donne un sens lvolution et limprcisionmme de ses dfinitions, lordre public ne peut finalementsexprimer que par des exemples concrets, lui permetde serrer la ralit, le contingent, de sadapter aux besoins, parfois temporaires, dune socit,

    Cest lapprofondissement de la notion de lordrepublic, taye par lobligation du respect de la libert

    de conscience, voire celle des garanties accordes aux justiciables en matire dincrimination, qui a permis laplupart des coutumes de faire le partage entre le Jaset le jus, de se dbarrasser de certaines superstitionstrangres au droit et qui le dfiguraient. Lordre publica, notamment, su trs bien chez les baLuba du Katanga,comme latteste une nombreuse jurisprudence (1), distinguer le droit dujas en matire de paiement de lindemnit de mort.

    Un autre chef-duvre de la jurisprudence coutumire,

    (x) Voir, pa r exemple, T erritoire de Sam pwe n 26 du 20 septem bre 1934,1935, p. 68 avec la note.

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    preuve de la vitalit du droit coutumier, a t llimination progressive de lesclavage domestique. Chaquesituation de fait posait un problme juridique subtil :valeur des unions conjugales entre matre et esclave,entre esclaves, filiation, relation de paternat se superposant celles de matre serviteur, avance de dot dumatre lesclave, proprit, incorporation au clan, etc...Tous ces cas ont t rgls avec bonheur, sans trouble

    social grave : la jurisprudence, aprs la mise hors la loide la traite, sen est prise dabord aux cessions desclaves,tout esclave rclamant sa libration en se prvalant desgaranties de libert individuelle, appuyes par desmesures administratives comme les fonds de rachat,a obtenu satisfaction et, finalement, lesclavage domestique volontaire qui tait tolr comme compatible avec

    lordre public colonial, a disparu : le fait mme dappeler quelquun esclave est devenu une injure. Or ilfaut se rendre compte combien, ne ft-ce quau pointde vue conomique, lquilibre social de certaines rgions reposait sur les servages de toutes natures (1).

    Cette matire de lordre public est inpuisable : citonsparmi les rcentes dductions de ce principe, linterdic

    tion de lusure (2).Mais il serait erron de croire que lapplication de ceprincipe soit purement ngative, quelle naboutisse qudes prohibitions : il ne suffit pas dli