historique du village de mallefougasse

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HISTOIRE DE MALLEFOUGASSE DEPUIS LE MOYEN AGE © Mairie de Mallefougasse

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Historique depuis le Moyen-Age du village de Mallefougasse, Alpes de Haute Provence

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Page 1: Historique du village de Mallefougasse

HISTOIRE DE

MALLEFOUGASSE

DEPUIS LE MOYEN AGE

© Mairie de Mallefougasse

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Période du XIème au XVème siècle

Pendant cette période, le fief de Consonoves va vivre entre les abbés de Cruis et la ville de Sisteron.

S’il est relativement aisé d’appréhender l’histoire de Mallefougasse à compter du XIXème siècle grâce à nos archives municipales, il faut bien reconnaître que les informations concernant les siècles antérieurs sont quasi inexistantes. A cette époque lointaine, il était fréquent que les terroirs et les villages fussent octroyés à des abbayes, des monastères, des seigneuries ou des villes. Ces dotations, véritables privilèges, étaient dûment enregistrées sous la forme de chartes. Les archives de la ville de Sisteron nous apprennent qu’il en fut ainsi pour le village de Mallefougasse et le terroir de Consonoves durant le Moyen Age. L’histoire est bâtie à partir des écrits ; au Moyen Age, surtout dans le midi de la France et en Provence, pays de droit romain écrit, de surcroît dans les terres relevant de l’Eglise, les actes notariés et les lettres sur parchemin abondent. Ces chartes régissaient les droits d’usage sur le terroir de Consonoves, le plus souvent concédés aux Sisteronnais. Leur étude est révélatrice. Il est étonnant de voir l’intérêt que les grands de ce monde, comtes de Provence, papes, puis rois de France en tant que comtes de Provence, ont porté à notre "pacoulo". En effet, le village de Mallefougasse et le terroir Consonoves réunis au début du XIXème siècle, ainsi que le château et l’église Saint-Jean-Baptiste ont connu des hauts et des bas, moins à cause de l’autorité des seigneurs qui n’en avaient guère semble-t-il, qu’à cause de l’anarchie qui paraît avoir régné pendant tout le Moyen Age.

"Bos croumpat", lieu-dit du fief de Consonoves

Le "bos croumpat", littéralement "bois acheté" en provençal, et tout le territoire de Consonoves (Mallefougasse n’était alors qu’un lieu-dit du fief de Consonoves) appartenaient aux abbés de Cruis, qui étaient automatiquement évêques de Sisteron. Ces évêques, qui ne cultivaient point et ne gardaient pas de troupeaux, louaient le territoire de ce fief à leurs "ouailles" de Sisteron ; mais Sisteron, pour l’époque, était relativement éloigné et déjà les bois et les pâturages étaient convoités et pillés par nos voisins immédiats de "toutissauro". Cela sans doute parce que les occupants étaient peu nombreux. Il y a là un mystère ! En effet, au XIème siècle notre village était probablement très peuplé. La plus ancienne charte connue date de 1015 ; elle atteste que l’abbaye de Saint-Victor de Marseille possédait des terres "in castro de Consonoves". Il y avait donc un château entouré d’une population. Nos lointains ancêtres ont construit l’église Saint-Jean-Baptiste, mentionnée en 1118 par une bulle pontificale, dans laquelle ils avaient prévu assez de place pour beaucoup d’habitants. Où sont-ils donc passés au XIIème siècle ?

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Différends récurrents sur les droits d'usage des forêts

On remarque aussi, en l’an 1216, la vente d’une terre dite des Condamines. On voit qu’elle est voisine de la Tour. De quelle tour pouvait-il s’agir, si ce n’est du clocher de notre église ? Nous savons qu’au Moyen Age, les églises étaient parfois fortifiées et que leur clocher pouvait également servir de poste d’observation. En 1218, un compromis fut passé entre la communauté de Sisteron et l’abbaye de Cruis, et une sentence arbitrale fut rendue par le Prévôt de Sisteron afin de régler les droits d’usage de la ville dans les terres et les bois de Consonoves. Lesdits droits étaient reconnus moyennant 2000 sous viennois payés à l’abbaye. A Sisteron, en 1258, à la suite de différends entre la ville et l’abbaye de Cruis, une transaction précisa les droits d’usage des Sisteronnais dans les forêts de Consonoves. Il leur était permis de prendre du bois de chauffage jusqu’au terroir de Saint-Donat, mais il leur était défendu d’y couper les arbres pour bâtir et pour faire des charbonnières. En 1266, de nouvelles dissensions apparurent à propos de l’utilisation de ces bois. Elles furent réglées par une sentence arbitrale entre la communauté de Sisteron et le Prévôt de l’abbaye de Cruis précisant les droits d’usage de la ville dans les bois situés près de Mallefougasse. Les chartes

des Baux signalent, en 1268, que le "monastorium crossience" avait été partiellement affecté à la colonie agricole dont les troupeaux, en hiver, étaient conduits dans la Crau. Les religieux jouissaient d’un droit dans les forêts de "bos croumpat". Cette même année une nouvelle sentence arbitrale permit de définir un compromis entre les communautés de Cruis et de Sisteron au sujet de ces mêmes droits dans le terroir de Consonoves. Ce compromis consistait à limiter les essarts. Le 15 janvier 1294, un autre compromis intervint entre les communautés de Sisteron et de Peyruis au sujet de divers droits d’usage que cette dernière prétendait avoir dans la forêt de Consonoves aux quartiers du "Chapelet et de Malines".

Hommages féodaux

Le 6 février 1342, un dénommé Raymond Laugier de Cruis vendit à Jean Brochier du même lieu un défens du terroir de Consonoves au lieu-dit "La Combe de Galline" pour la somme de 13 sous. Cette vente fit l’objet "d’une investiture" de l’abbé de Cruis et du paiement du droit de lods. Il arrivait quelquefois que ces chartes concernent également des hommages féodaux, notamment avec le passage à la suzeraineté. C’est ainsi que le 30 novembre 1349, Bereguier d’Ausedun, abbé de l’abbaye de Cruis, fit hommage des terres possédées par ladite abbaye, entre autres de la terre et de la seigneurie de Consonoves, à Philippe de Sanguinet, grand sénéchal de Provence et lieutenant du roi Robert. En effet, jusqu’à la mort du roi Robert, l’ordre et la paix semblent avoir régné à l’intérieur de la Provence, favorisant les zones situées au-delà des fortifications. "Ainsi le versant méridional de la montagne de Lure put se développer : La Roche-Giron, Saumane, l’Hospitalet". Cette relative prospérité valait bien qu’on lui sacrifiât quelque terroir en guise de remerciement et d’allégeance. Un nouveau compromis fut entériné le 30 mars 1344 entre la communauté de Sisteron et l’abbaye de Cruis au sujet de dommages occasionnés à la forêt de "bos croumpat" et qui portaient préjudice à la ville. Ce compromis était constitué d’une sentence et de deux arbitrages choisis par les parties pour régler leurs différends. Le 30 novembre 1349, le R.P. François, abbé de l’abbaye de Cruis, fit "hommage lige" à Raymond d’Agoût, grand sénéchal de Provence, de la terre et de la seigneurie de Consonoves, ainsi que de plusieurs autres possessions. A cette époque, la noblesse provençale ayant à

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sa tête la puissante famille des Agoult, barons de Sault, revendiquait une part prépondérante dans la gestion des affaires et, pour ce faire, accordait des dons gratuits sous forme d’hommages afin de solliciter des privilèges.

Cette politique se faisait naturellement aux dépens des petits terroirs comme celui de Consonoves !

Le 8 décembre 1395, un compromis et une sentence arbitrale furent établis entre l’abbé de Cruis, également seigneur de Montlaur et les habitants de ce lieu. Ils précisaient que les habitants de Montlaur étaient tenus de donner à l’abbé de Cruis un "quartier des bêtes fauves qu’il prendront aux terroirs de Montlaur, Consonoves et Cruis, tels que cerfs, sangliers, ours". En contrepartie, l’abbé était tenu de fournir "les aliments au gardien de la tour de Montlaur" !

En sus de ces chartes, une lettre de Charles, frère du roi Louis III, au juge de la Cour royale de Sisteron en date du 5 juillet 1426 par laquelle il demandait que lui fût transmise "l’information prise au sujet de la mère et mixe juridiction" que l’évêque de Sisteron, abbé de Cruis, prétendait posséder au lieu-dit de Cruis. Consonoves et "bos croumpat" dans l'ordre médiéval provençal

Une nouvelle charte en date du 5 juillet 1433 entre la communauté de Peyruis et Robert, évêque de Sisteron et abbé de Cruis, fixa les modalités du bornage qui devait délimiter les terroirs de Peyruis et de Consonoves. Le respect de ces chartes faisait sans nul doute l’objet d’une stricte surveillance. En témoigne cette condamnation à une amende de "15 sous coronats" prononcée, en date du 28 juillet 1434, par le juge de la Cour royale de Sisteron contre le sieur Jean Amayenc de Peipin, coupable d’avoir coupé des bois et causé un grand dommage dans la forêt de "bos croumpat" appartenant à Sisteron.

L’évocation des ces lointaines chartes éclaire un peu l’histoire médiévale de Mallefougasse et du territoire de Consonoves. Elle dénote le peu d’autonomie dont disposait notre village qui vivait sous le joug des abbés de Cruis et des évêques de Sisteron toujours prompts, pour quelque intérêt ou privilège, à concéder notre territoire aux Sisteronnais et aux seigneurs provençaux. Ainsi allait la vie de Mallefougasse au Moyen Age dans cette Provence fort bien située mais soumise aux multiples conflits qui déchiraient la papauté, les rois et les comtes de Provence. Il est regrettable que ces chartes ne nous apprennent rien quant aux calamités que furent la peste, notamment au XIVème siècle, et les famines que provoquaient les mauvaises récoltes dans les petites seigneuries repliées sur elles-mêmes. Mais, comment imaginer que Mallefougasse ait pu échapper aux affres de cette époque ? Les évêques de Sisteron, seigneurs spirituels de cette ville appelée à juste titre "clau de Provenço" prêtaient à tour de rôle serment de fidélité totale, "hommage lige", aux comtes de Provence, en échange de quoi ils gardaient en gage le fief de Consonoves, alias "bos croumpat", territoire de Mallefougasse à partir du XIXème siècle. Le caractère contraignant de cet hommage pour un

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"homme de Dieu" peut sans doute étonner, puisque un "homme lige" pouvait en principe être contraint de suivre son suzerain jusqu’en enfer ! Mais, il s’explique, d’une part, à cause de l’importance stratégique de la ville de Sisteron - passage obligé vers le pays du Dauphiné - pour le petit Etat de Provence et, d’autre part, parce que les comtes

de Provence non "sacrés" ne pouvaient en principe pas exiger la fidélité, garantie spirituelle, due aux rois ayant subi la cérémonie de "sacré" comme les Capétiens, leurs cousins.

Les bourgeois, ou plutôt, les "estajams" de Sisteron y étaient gagnants dans la mesure où un fief, terre noble, donc privilégiée, ne devaient pas acquitter les impôts directs provinciaux comme la taille. Ils ne payaient que le fermage dû au seigneur tenant le fief, qu’on

appelait en Provence "tasque" et en langue d’oïl "champau".

C’est en date du 7 janvier 1436, que nous reprenons le fil de la vie médiévale de Mallefougasse au travers des quelques événements qui nous sont connus. En effet, à cette date, les archives de Sisteron font état d’une mesure, que l’on pourrait qualifier de police municipale, prise par la communauté de cette ville contre les habitants des communes limitrophes de Consonoves qui envoyaient paître leurs troupeaux sur les terres dudit lieu. Quelques jours plus tard, le 24 janvier, une ordonnance de Robert, évêque de Sisteron, sur la requête des consuls de cette ville, enjoignit à son official de Lurs de ne pas contrevenir à la transaction qu’il venait de passer avec cette communauté au sujet du "bos croumpat" et lui défendait "de distraire" les habitants de Sisteron du juge qu’il avait lui-même désigné. Cession de Consonoves et "bos croumpat" par l'abbaye de Cruis à la ville de Sisteron

Toujours en 1436, le 21 avril, la terre de Consonoves et la forêt de "bos croumpat" venaient, par suite d’un arrangement pris avec l’évêque, d’être adjugées en toute propriété à la ville moyennant une redevance annuelle de 50 florins.

Cette transaction fut passée dans le choeur de l’église de Cruis le 25 avril 1436. " Les signataires étaient deux syndics : noble Antoine Bermond, seigneur de Claret et Jean Guibert, assistés d’un jurisconsulte et de deux notaires : Jean de Quinson et Prioret Laudet".

Quatre jours après, le 25 avril, Robert Dufour, évêque de Sisteron et abbé de Cruis, abandonna au profit de la communauté de Sisteron les bois de "bos croumpat" et de Consonoves ainsi que la haute juridiction que possédait Cruis

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sur Consonoves pour le prix de 500 florins.

Interventions du roi René

Au cours du mois de juillet, se fut le roi René qui intervint dans notre histoire communale ! En effet, le 13 juillet 1436, plusieurs lettres du roi René donnèrent le privilège exclusif aux habitants de Sisteron d’introduire des bestiaux de toute nature dans le terroir de cette ville et dans celui de "bos croumpat". De même, le 14 juillet 1436, une nouvelle lettre du roi René autorisa la communauté de Sisteron à faire administrer pendant dix ans au lieu de Consonoves qu’elle venait d’acquérir, la basse juridiction par les officiers de la ville. A ce propos, le 17 septembre 1436, intervint la confirmation par le juge de Forcalquier, commissaire député à cet effet par le Conseil royal de la basse juridiction du lieu de Consonoves vendue à la communauté de Sisteron par l’abbaye de Cruis, avec pouvoir de nommer un bailli, un juge et tous autres officiers pour exercer cette basse juridiction.

Rattachement de Consonoves au bailliage de Sisteron Mais restait une difficulté ! Consonoves faisait partie du bailliage de Forcalquier, et lorsqu’il s’élevait des différends au sujet de "bos croumpat", les Sisteronnais se plaignaient de n’obtenir qu’avec peine et grand frais la justice qui leur était due. Après avoir pris connaissance de ces griefs et en avoir apprécié le mérite, le 21 septembre 1436, le roi y fit droit en réunissant au bailliage de Sisteron la partie du territoire de Consonoves dont la ville avait la propriété. En autres motifs déduits en faveur de cette réunion, il était dit que la ville de Sisteron avait pour elle non seulement la proximité et les agréments de sa situation, mais encore l’avantage de compter dans son sein un plus grand nombre de gens instruits et de procureurs que n’en possédait Forcalquier. Le 19 décembre 1436, les députés de Sisteron firent une offre à Robert, évêque de Sisteron et abbé de Cruis, au sujet de la transaction concernant Consonoves et le "bos croumpat" moyennant une somme de 1500 florins. Cette proposition fut refusée par l’évêque ce qui entraîna la prorogation du délai. L’histoire de cette année 1436, décidément fort riche en événements, fait également état de plusieurs condamnations par le juge de Consonoves contre divers habitants de Peipin, Aubignosc, Châteauneuf, qui avaient été trouvés faisant paître leurs bestiaux dans les terres et bois de Consonoves. Des condamnations identiques furent prononcées en 1437 et 1438. Les archives municipales de Sisteron font état, en l’an 1439, d’une instruction en vue de relater tout se qui s’était passé au sujet de Consonoves et de "bos croumpat" entre l’abbaye de Cruis et la communauté de Sisteron dans la longue période allant de 1266 à 1439. Malheureusement nous ne disposons d’aucune information quant aux fins de ce récapitulatif ! Le 25 avril 1439, une transaction eut lieu entre Robert, évêque de Sisteron, en qualité d’abbé de Cruis, et la communauté de Sisteron, par laquelle le premier céda à la ville de Sisteron la terre, la

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seigneurie et la basse juridiction de Consonoves et " bos croumpat" pour le prix "de 1500 florins et 12 gros pièce". 2000 sous viennois en 1218, 50 florins en 1436, 1500 florins en 1436, 1500 florins et 12 gros en 1439. Qui dit mieux ? Cette série de chartes stipule les prix auxquels les droits d’usage sur le terroir de Consonoves étaient cédés au Sisteronnais. Tout cela rappelle l’air bien connu de la vente aux enchères ! "Le 6 des calendes de septembre 1439" une bulle du pape Eugène IV délégua Decano,

évêque de Gap, pour ratifier et homologuer en son nom la transaction passée entre l’abbaye de Cruis et la communauté de Sisteron au sujet de la seigneurie de Consonoves. Le 21 septembre de cette même année 1439, ce furent des lettres du roi René qui stipulèrent l’union et l’incorporation du terroir de Consonoves au terroir et au bailliage de Sisteron avec la juridiction dudit lieu pour la communauté de Sisteron. Une nouvelle bulle du pape Eugène IV fut

présentée le 20 décembre 1440 à Mathieu Giffard, évêque de Gap, qui lui donnait pouvoir de ratifier, une fois encore, la transaction entre la communauté de Sisteron et Robert, son évêque, abbé de Cruis, au sujet de Consonoves. De multiples délits de paissance En 1446, à l’occasion de divers délits commis dans les terre de "bos croumpat", une information fut

prise par la cour de Consonoves sur la requête des syndics de Sisteron. Les 2 et 8 mars 1476, deux lettres successives du roi René défendirent aux officiers de la cour de Forcalquier de s’occuper des affaires qui concernaient la juridiction de Consonoves, avec une copie constatant que les gageries de sieur Claude Bernard avaient été prises dans le terroir dudit Consonoves. Ces lettres du roi René furent présentées aux officiers de la cour de Sisteron. Le 2 octobre 1478, une nouvelle information fut prise par le procureur de l’évêque de Sisteron, abbé de l’abbaye de Cruis, comme juge de Consonoves, au sujet des délits commis par des bestiaux dans les terres de Consonoves et de "bos croumpat". Plus grave, le 15 octobre 1480, plusieurs informations furent prises, à la requête de la communauté de Sisteron, contre divers habitants de Peyruis, coupables de violences à main armée sur les terres de Consonoves et de "bos croumpat". A ce sujet, les archives de Sisteron précisent que ces informations furent prises à la requête de Sisteron au sujet du territoire inhabité de Consonoves et du "bos croumpat" dont elle était maîtresse. Les syndics avaient fait connaître à

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plusieurs reprises l’interdiction à toute personne n’habitant pas Sisteron de mener paître du gros et menu bétail dans le territoire de Consonoves et de " bos croumpat" ou d’y ramasser des glands sous peine d’une amende de 100 livres et de confiscation du bétail. Malgré les menaces sévères, on voyait presque chaque année dans les bois et pâturages interdits des troupeaux venus de Peyruis et d’ailleurs. En octobre de cette année 1480, le fermier des pâturages et des bois de Consonoves et de "bos croumpat" y faisait paître ses porcs quand il fut assailli par une dizaine d’hommes de Peyruis armés d’arbalètes, d’épieux, de lances et de pertuisanes : ils se jetèrent sur les bêtes et emmenèrent une partie du troupeau. La conversation que tinrent les envahisseurs est consignée dans les archives : "Si aquels de Sisteron venon, no’ no’ fretaren las aurelhas tant que lo y aura mort de home, car autra vagada, y a agut mort de home et de ung aze et aquel que lo tuhé foze condamnat de l’aze e non pas de l’home". ("Si ceux de Sisteron viennent, nous nous frotterons les oreilles jusqu’à ce qu’il y ait mort d’homme, car la dernière fois un homme et un âne furent tués, et celui qui commit cette double tuerie fut condamné non pour l’homme, mais pour l’âne"). Le Moyen Age s’écoule, mais les vicissitudes quotidiennes de notre terroir de Consonoves perdurent. Ainsi, le 3 janvier 1488, les archives de la ville de Sisteron font état de la relaxation d’une sentence concernant "les premiers appeaux" de boeufs qui furent pris "en gagerie" à Pascal Lantois de Peyruis pour avoir été pris en train de faire paître ses boeufs sur le territoire de Consonoves. Confirmation de la cession de Consonoves à Sisteron Trois ans plus tard, le 3 janvier 1491, Jean, évêque de Sisteron et les religieux de l’abbaye de Cruis désignèrent plusieurs procureurs afin d’avoir confirmation, auprès du Saint-Père, de la transaction passée entre la communauté de Sisteron et l’abbaye de Cruis au sujet de Consonoves et de "bos croumpat". Le 15 octobre 1491, Jean, évêque de Sisteron, abbé de Cruis, et les religieux de cette abbaye conclurent une nouvelle transaction au sujet de la cession de Consonoves faite à la ville par l’abbaye. Par cette transaction, les parties confirmèrent la transaction qui avait été passée précédemment avec l’évêque Robert. Le Conseil de la communauté de Peyruis obtint, le 12 décembre 1494, une rectification de la transaction qui avait été passée avec la communauté de Sisteron au sujet "des gageries" et des différends concernant le territoire de Consonoves.

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Période du XIème au XIXème siècle

De la seigneurie de Consonoves à la Commune de Mallefougasse

Des différends territoriaux récurrents

En 1502, les archives, malheureusement incomplètes, de Sisteron font état d’une procédure entre la communauté de Sisteron et Louis Justacii, seigneur de Peipin et de Monfort, au sujet de la délimitation de Consonoves et de "bos croumpat". Après avoir été délimité par rapport à Peipin et Monfort, le territoire de Consonoves et de "bos croumpat" fit l’objet d’une nouvelle délimitation avec la communauté de Peyruis en 1503. Mais ces nouvelles limites provoquèrent un différend avec la communauté de Montlaur qui produisit des titres contre la communauté de Sisteron par lesquels elle entendait prouver que la délimitation de "bos croumpat" lui était préjudiciable. Quel dommage que nous ne disposions d’aucune carte concernant les limites de notre terroir de l’époque ! Toutefois, ces nouvelles limites n’étaient pas plus respectées que les précédentes si l’on en juge par les diverses condamnations qui

furent prononcées en 1504 contre des habitants de Montfort qui continuaient à faire paître leurs bestiaux dans les terres de Consonoves et de "bos croumpat".

Lieu-dit Mallefougasse, sur le territoire de Consonoves Le 28 décembre 1505, un bail à emphytéose perpétuelle de diverses terres du terroir de Consonoves, lieu-dit Mallefougasse, représentant une "contenance de sept charges de blé" fut passé entre la communauté de Sisteron et Antoine Bulhet de Peyruis moyennant un fermage ainsi décrit : "à la tasque de quizain et sept deniers de service annuel". Il est à noter que c’est la première fois que les archives de Sisteron mentionnent le nom de "Mallefougasse" à propos de l’histoire de notre terroir. Il convient également de préciser que la dénomination de Consonoves faisait l’objet de plusieurs orthographes. Ainsi, certains documents des archives de Sisteron font état de "Consonaves" avec un "a", tandis que certains documents, plus récents, de nos archives municipales font état de "Consonnoves" avec deux "n". Une nouvelle emphytéose perpétuelle concernant une écurie située à Mallefougasse, terroir de Consonoves, fut passée entre la

communauté de Sisteron et Guilhen Galbert moyennant "un chevreau et un service d’un gros".

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Perpétuation des hommages et privilèges féodaux sur Consonoves

Le 16 décembre 1513, une lettre de Louis d’Orléans, duc de Longueville, grand sénéchal de Provence, ordonna à Maître Pierre Clerc, notaire de Lurs, de délivrer à la communauté de Sisteron le double de l’acte passé entre l’évêque de Sisteron, abbé de Cruis, et la ville, au sujet de Consonoves. En 1515, les archives de Sisteron font état d’une enquête sur les divers hommages concernant les

terres conservées en gage par cette communauté. Le 15 novembre de cette même année, les sieurs Jean Gombert, seigneur de Dromon, et Pierre Gombert, seigneur de Jarjayes, attestèrent par une déclaration qu’ils ne voulaient point usurper les droits de la commune par la construction d’un jas qu’ils avaient établi sur le terroir de Consonoves et de "bos croumpat". Toujours en 1515, le 23 novembre, un acte confirma les limites du lieu de Consonoves telles qu’elles avaient été établies le 24 août 1433 entre la communauté de Sisteron et son évêque Robert. Le 16 août 1516, les frères Magnan de Cruis vendirent à la communauté de Sisteron une terre qu’ils possédaient au quartier dit "La Tourre" près de Consonoves pour la somme de 24 florins. Les frères Magnan durent également remettre en 1516 à la communauté de Sisteron une terre dite "La Condamine" située près de la tour de Consonoves. Cette restitution faisait suite au procès relatif à ladite terre entre la communauté de Sisteron et les frères Magnan. En 1563, un nouveau bail à emphytéose perpétuelle de deux "hermas" dans les terres de Consonoves fut passé entre la communauté de Sisteron et Honoré Balheti de Peyruis.

En 1563, un nouveau bail à emphytéose perpétuelle de deux "hermas" dans les terres de Consonoves fut passé entre la communauté de Sisteron et Honoré Balheti de Peyruis. Une procédure eut lieu en 1524 entre la communauté de Sisteron et Claude de Hassourillie, son évêque, abbé de Cruis, au sujet de la juridiction et de la terre de Consonoves et de "bos croumpat". Cette procédure récapitulait tous les privilèges concernant notre terroir depuis 1212 dans un cahier contenant 2601 copies !

Intervention de François Ier

Un événement exceptionnel eut lieu le 19 janvier 1525. Une lettre de François Ier, roi de France, concernant notre terroir ! A la requête des Consuls de la communauté de Sisteron, François Ier accorda à ces derniers un délai à l’occasion de leur procès avec l’évêque de Sisteron, abbé de Cruis, et Pierre de Glandevès à propos de la seigneurie de Consonoves et de "bos croumpat". Cette lettre fut présentée au Conseil de Sisteron par l’huissier de la Cour du parlement.

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Le 28 octobre 1525, c’est une lettre de Louise d’Anjou, mère de François Ier, qui, en l’absence de son fils, ordonna de suspendre le procès existant entre la communauté de Sisteron, son évêque et Pierre de Glandevès, au sujet de Consonoves et de "bos croumpat". Cependant, au cours du mois de décembre 1528, plusieurs lettres de François Ier ordonnèrent que les pièces nécessaires à la communauté de Sisteron pour son procès contre l’évêque de Sisteron et Pierre de Glandevès, sieur de Faucon, lui fussent livrées. En effet, ces pièces se trouvant aux archives du Trésor, avec les lettres annexes du grand sénéchal Claude de Sommerives, leur consultation nécessitait l’autorisation du roi !

Saisie de Consonoves et "bos croumpat" par édit royal

C’est probablement en 1530, qu’eut lieu le procès entre la communauté de Sisteron et son évêque, abbé de Cruis, au sujet des droits de la ville sur le lieu de Consonoves et de "bos croumpat". Ce procès trouva son épilogue le 15 novembre 1531. A cette date, un édit du roi et une ordonnance des maîtres nationaux et de la Chambre des comptes, ordonnèrent la saisie de la terre et de la seigneurie de Consonoves et "bos croumpat" sur la communauté de Sisteron jusqu’à ce que celle-ci ait justifié "l’amortissement de ladite seigneurie et du paiement des droits de lods et de la vente des porcs". Ainsi fut désignée cette réquisition ! En fait, ces procès entre la communauté de Sisteron et ses évêques résultaient d’une évolution dans l’histoire de France : au fur et à mesure que les pouvoirs du roi de France s’affirmaient, ceux des évêques et des comtes provinciaux s’amenuisaient. En effet, après Louis XI qui avait déjà réduit sous son règne l’opposition des grands féodaux à la couronne, François Ier disposa avec le Concordat de 1516 des biens de l’Eglise "qui représentaient les deux cinquièmes des biens fonciers du royaume et constituaient un atout considérable pour la politique royale". Dès lors, même s’il reconnut au pape l’investiture spirituelle, François Ier accrut son pouvoir sur les provinces grâce, notamment, aux gouverneurs, lieutenants généraux, baillis et sénéchaux. Nombre de grands seigneurs n’eurent alors d’autre salut que de devenir courtisans. Comme l’écrivait l’ambassadeur de Venise : "les Français ont remis entièrement leur liberté et leur volonté entre les mains du roi". Cette évolution politique mit peu à peu un terme à cette longue période du Moyen Age au cours de laquelle les papes s’étaient appuyés sur de petits Etats comme la Provence pour renforcer leur pouvoir temporel.

Ce sont eux qui avaient incité les comtes de Provence à s’emparer du royaume de Naples dont ils avaient excommunié le roi pour félonie ! Dès lors, les papes soutenaient naturellement les bourgeois comme leurs alliés par évêques interposés. Il en fut longtemps ainsi de l’histoire des évêques et des "estajans" de Sisteron.

C’est ainsi que le destin de notre modeste terroir commença à évoluer au gré de cette remise en cause des droits héréditaires des Provençaux, qui allaient perdurer, avec plus ou moins de succès, jusqu’à la Révolution. Cette situation fut probablement perçue comme une forfaiture royale par les malheureux Sisteronnais pour lesquels elle constituait davantage une humiliation qu’une perte matérielle. Ils furent ainsi remis

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dans le rang des bourgeois de France, taillables et corvéables. Ainsi, leurs droits, dont ceux sur Consonoves, furent confisqués. Néanmoins, l’histoire de Mallefougasse et de "bos croumpat" restera, sous d’autres formes, étroitement liée à celle de Sisteron comme nous allons le voir en poursuivant l’exploration du temps passé de notre terroir. Ce terroir de "bos croumpat" et de Consonoves, confisqué aux Sisteronnais après le procès de 1530 et la réquisition de 1531, ne tarda pas à revenir dans le giron de la ville de Sisteron. Mais, cette fois, il s’agissait d’une acquisition. Rachat de Cononoves et "bos croumpat" par Sisteron

En effet, le 31 octobre 1533, une transaction eut lieu entre la communauté de Sisteron et son évêque, abbé de Cruis, par laquelle la ville devait acquérir les terres de Consonoves et de "bos croumpat" ; les titres de propriété furent élaborés à partir des inventaires antérieurs. Quelques jours plus tard, le 2 novembre 1533, le Conseil de la communauté de Sisteron ratifia cette transaction concernant le territoire de Consonoves et de "bos croumpat" . Six ans plus tard, le 14 mars 1539, cette transaction fit à nouveau l’objet

d’une homologation et d’une ratification entre l’évêque et les religieux de l’abbaye de Saint-Martin de Cruis de l’ordre de Saint-Augustin, d’une part, et la communauté de Sisteron d’autre part. Cette nouvelle transaction au sujet de "bos croumpat" et de Consonoves avait pour objectif de préciser les délimitations "en langue romane" des propriétés respectives de l’abbaye et de la ville. Cette fois encore, le Conseil de Sisteron fut appelé à homologuer et à ratifier tous les actes et les engagements qui venaient d’être passés entre ses assesseurs et les procureurs de Monseigneur de Narbonne, évêque de Sisteron. Cela fut fait le 16 mars 1539. Cependant, le 17 mars 1541, le Procureur du roi prétendit que la communauté de Sisteron était "inhabile et incapable de posséder la seigneurie de Consonoves et l’usage du bois au terroir d’Entrepierres" et ordonna que ces droits fussent "désemparés" en faveur du roi. En fait, la communauté de Sisteron conserva la juridiction et les terres de Consonoves et de "bos croumpat", mais il lui en coûta le paiement "des droits de lods et arrière lods s’élevant à 235 florins, 8 sols". Le 14 janvier 1543, les lettres de François Ier précisèrent, sur ces objets, que ladite investiture devrait être renouvelée et, par conséquent, acquittée tous les 25 ans. Il s’agissait, bel et bien, d’une restitution des droits des Sisteronnais sur le territoire de Consonoves moyennant le versement d’un impôt ! En 1558, le Procureur juridictionnel de Consonoves poursuivit et condamna Louis Gaubert de Mallefougasse, coupable d’avoir repris "de vive force" trois boeufs lui appartenant et qui lui avaient été saisis par le garde de "bos croumpat". Un nouveau procès eut lieu en 1561 entre la communauté de Sisteron et le Procureur du roi au sujet de "l’affouagement" des lieux de Consonoves et d’Entrepierres.

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Le mystère du baron de Consonoves

En 1576, notre territoire fut l’objet d’une chronique peu flatteuse et controversée : les archives de Sisteron font mention d’un baron de Consonoves qui portait le nom de la seigneurie située sur le territoire de Mallefougasse ; c’était "un guerrier peu expérimenté qui cherchait à rétablir sa fortune dissipée". Pour ce faire, il se mit à la tête d’un groupe de Huguenots. Primitivement installé à Lardiers, il établit ensuite son quartier général au hameau de l’église à Ongles d’où, selon Yves Gonin, "il commandait des incursions dans les lieux voisins, pillant sans merci les villages et la campagne afin de ravitailler sa troupe" ! Cependant dans son ouvrage "l’Etat féodal", M-Z Isnard ne fait mention d’aucun baron de Consonoves parmi les seigneurs de notre terroir. Il est bien difficile de relater avec exactitude l’histoire lointaine de ce baron de Consonoves et donc de notre terroir. Mais si peu glorieux que soit cet épisode de notre histoire, il nous faut bien l’assumer tel qu’il nous est révélé aujourd’hui avec toute sa part de mystère ! En 1604, la communauté de Sisteron décida d’affecter les impôts qu’elle percevait à Consonoves au paiement des frais de

construction d’un collège que les Jésuites d’Embrun projetaient de construire au quartier Saint-Jean au sud-ouest de la citadelle, c’est à dire en dehors des remparts qui existaient à cette époque. Bien qu’elle n’aboutît point, cette affaire occasionna beaucoup de frais. Les fermiers des bois de "bos croumpat" Les archives de Sisteron font état d’un rapport faisant suite à la visite et à la vérification des murailles construites "à la maison de Bosc Croumpat" suivant l’acte "de prix fait par maître Sébastien Desdier". Il s’agissait probablement de la maison des fermiers chargés des bois de "bos croumpat" comme en

témoigne cet autre rapport de visite "du bois et de la maison" fait en 1612 à l’occasion de l’entrée des nouveaux fermiers. En 1621, la communauté de Sisteron fit un procès aux sieurs Jean Desdiers, fermier de la terre de Consonoves et de "bos croumpat", et Claude d’Embruc, sa caution, pour la non-exécution du contrat de ferme. Un autre procès eut lieu en 1633 entre la communauté de Sisteron d’une part et Guilhen Maurel et Claude d’Ambruc d’autre part. Ces derniers, bourgeois de Sisteron et fermiers de la seigneurie de Consonoves et de "bos croumpat", furent condamnés au sujet des dommages qu’ils avaient causés aux bois de ladite seigneurie pendant leur fermage ! Mais la longue histoire commune entre Sisteron et Consonoves allait connaître en 1641 un tournant majeur. En effet, le 6 avril 1641, la communauté de Sisteron aliéna à ses créanciers les bois situés sur le territoire de Consonoves, "bos croumpat et grand bois" pour un montant de 48.600 livres. Cependant, en faisant l’abandon de cette propriété, la ville de Sisteron se réserva la haute, moyenne et basse juridiction. En outre, le droit et la faculté pour les habitants de prendre du bois mort pour le chauffage et

l’usage de leurs fours "teintures et engiens". Toutefois, Ils durent, pour user de ce droit, payer "un sol dix deniers par charge de cheval et de mulet, et un sol par charge de petite bête".

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A partir de cette époque, les archives de Sisteron ne nous apportent plus beaucoup d’éléments sur la vie quotidienne de notre terroir. Cependant elles contiennent les premières informations quant à la densité de sa population. Ainsi, en 1698, on trouvait huit bastides à Consonoves et trente et une maisons à Mallefougasse habitées par trente-cinq chefs de famille. En 1728, il y avait quarante-huit maisons à Mallefougasse, habitées par vingt-huit chefs de famille seulement. Ces chiffres comprenaient certainement ceux de Consonoves. En 1765, Mallefougasse comptait cent quarante-cinq maisons et cent cinquante-deux habitants. C’est en 1785, qu’eut lieu la dernière transaction entre la communauté de Sisteron et Louis de Salles de Gallamand, alias Gramand, sieur de Consonoves. Cette transaction stipulait que la communauté de Sisteron était devenue débitrice de la somme de 1.200 livres envers celle de Consonoves.

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Histoire de l'évêché de Sisteron

Toute l’histoire médiévale de Consonoves et de « bos croumpat » a été étroitement liée à celle de Sisteron : à sa situation géographique, à son diocèse, à ses évêques. Aussi il est utile d’évoquer, fût-ce succinctement, l’évêché de Sisteron et les évêques qui l’ont occupé pendant treize siècles. A cet égard, les recherches et les ouvrages consacrés à l’histoire de la cathédrale de Sisteron nous apportent de précieuses indications. Sisteron, l’antique « Segustero », doit son importance à la géographie. Elle contrôle l’étroit chaînon calcaire qui livre passage à la Durance près de son confluent avec le Buech ; elle fut, au cours de l’histoire, un poste clef sur la voie naturelle reliant, le Dauphiné et par le col du Mont-Genèvre, l’Italie du nord à la Provence. Elle est mentionnée dès l’antiquité « sur les gobelets de Vicarello, l’Itinéraire d’Antonin, la Table de Peutinger ».

Elle était une étape obligée sur la voie Domitienne. Comme les autres cités romaines, mais plus tardivement, Sisteron devint au VIème siècle le siège d’un évêché qui subsista, vaille que vaille, jusqu’à la Révolution. Il semble que les limites de cet évêché n’aient guère changé jusqu’à sa suppression en 1790. Elles s’étendaient sur la rive droite de la Durance, de Sisteron à Corbières, et formaient deux territoires. Le « Bas diocèse », vaste et limité au nord par la montagne de Lure ; il était régi par le chapitre de Saint-Mary de Forcalquier. Au-delà s’étendait le « Haut diocèse » sous la juridiction de Sisteron. Dans ces deux diocèses, des abbayes étaient largement «possessionnées », notamment l’abbaye de Saint-Victor de Marseille ainsi que l’abbaye de Saint-André de Villeneuve-Lès- Avignon dont l’église Saint-Jean-Baptiste fit, un temps, partie. Cela faisait en tout 74 paroisses dont quelques-unes ont totalement disparu. Ce diocèse fut caractérisé par ce que Jacques Thirion appelle « la concathédralité », c’est à dire l’existence de deux cathédrales sur le territoire du diocèse de Sisteron avec la construction d’une seconde cathédrale à Forcalquier. Cette singularité appelle un commentaire qui nous est fourni par Jacques THIRION dans son étude consacrée à Forcalquier : « en 1060, pour mettre un terme aux désordres de l’évêché de Sisteron, tombé aux mains d’une puissante famille féodale de Nice, un concile réuni en Avignon nomme à Sisteron Giraud qui avait fondé ou restauré l’Abbaye d’Oulx en Piémond. Giraud, confirmé à Rome par le pape Nicolas II, se voit refuser l’entrée de Sisteron mais, accueilli honorablement à Forcalquier, il élève, en reconnaissance, les chanoines de la collégiale Saint-Mary en chapitre, créant ainsi dans son diocèse une seconde cathédrale ». Si les évêques, qui ne se prévalurent jamais que du titre d’évêque de Sisteron, accomplissaient le plus

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souvent les actes de leur ministère dans cette ville où se réunissaient les chapitres des deux cathédrales lors des élections épiscopales qui eurent lieu jusqu’au XVIème siècle, les synodes se tenaient alternativement dans l’une et l’autre ville. Néanmoins, cet état de fait qui se perpétua jusqu’à la Révolution fut une source de rivalités entre les deux villes et de procès entre les deux chapitres.

Noël Didier souligne une autre particularité : « l’évêché de Sisteron était suffragant de l’archevêché d’Aix, à la différence de ses voisins à l’est, suffragants d’Embrun. Cette situation soulignait son rôle d’intermédiaire entre la Provence et les Alpes ». La carte de cet ancien diocèse de Sisteron fait clairement apparaître ses limites ainsi que toutes les paroisses qui le composaient. Elle met également en exergue la situation particulière de Mallefougasse qui se trouvait juste à la limite entre le « Bas diocèse » et le « Haut diocèse » ce qui fut à l’origine de quelques-unes des péripéties qui ont jalonnées notre histoire communale. Pour bien appréhender la situation, il convient d’aborder un dernier aspect : la domiciliation des évêques. Dès les origines, c’est à proximité de la plus vieille église de Sisteron, Sainte- Tyrse, que se trouvait la demeure des évêques de Sisteron. Mais l’évêque de Sisteron recevait également le titre de prince de Lurs qu’il devait « aux empereurs du Saint Empire Romain Germanique dont Lurs dépendait ». Ce titre justifiait le pouvoir temporel des évêques de Sisteron sur Lurs et leur conférait la basse, moyenne et haute justice sur ce territoire. De ce fait, le château de Lurs fut également leur résidence. A propos des évêques de Sisteron, nous avons déjà évoqué leur titre d’abbé de Cruis ; ce qui explique que l’abbaye de Saint-Martin fut également l’une de leurs résidences. Cette abbaye devait son existence à des chanoines de Saint- Augustin qui, au milieu du XIème siècle, s’étaient réunis à Cruis en une communauté placée sous le vocable de Saint-Martin et rattachée directement au Saint-Siège. Au XIIIème siècle, elle fut élevée au rang d’abbaye et entourée de solides murailles. En 1326, l’évêque de Sisteron prit le titre d’abbé de Cruis, puis en 1456 incorpora Cruis à son évêché, accroissant ainsi considérablement ses revenus, l’évêque devenant seigneur temporel de Cruis. Il y avait son appartement dans l’angle sud-est de l’abbaye où il séjournait. Dans l’église il réunissait son chapitre dont les procès-verbaux sont consignés dans les registres notariés de Lurs.

C’est la Révolution qui supprima l’abbaye. Quant au château et aux dépendances, évalués à une superficie « de 969 cannes » (dont 17 pour le château), ils furent vendus aux enchères et acquis avec les terres le 27 avril 1791 par quatre adjudicataires : Escuyer, Fichet, Nicot et Mévolhon. Cette vente se fit moyennant la somme de 21.100 livres. Comme nous l’avons évoqué dans l'histoire de mallefougasse, les évêques de Sisteron, seigneurs spirituels de cette ville, appelée à juste titre « clau de Provenço », prêtaient à tour de rôle serment de fidélité totale, « hommage lige », aux comtes de

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Provence, en échange de quoi ils gardaient en gage le fief de Consonoves, alias « bos croumpat » , territoire de Mallefougasse à partir du XIXème siècle.

Pour conclure, il convient de remercier vivement la Commune de Sisteron pour nous avoir si gentiment ouvert ses archives qui renferment tant de précieuses informations sur le passé lointain de notre terroir de « bos croumpat », alias seigneurie de Consonoves, alias Commune de Mallefougasse.