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HISTOIRE de PLOUJEAN de Guillaume Quéguiner par Henri Le Bihan, recteur de 1982 à 1991(Corbeille N° 132 & suivants) Introduction La Corbeille se propose de vous présenter dans ses prochains numéros une série d’articles sur le passé de Ploujean, ses monuments divers, les événements les plus marquants de son histoire, les personnages qui, à un titre quelconque ont eu des rapports avec Ploujean. Pour le passé lointain, la documentation sera puisée principalement dans un livre de Louis Le Guennec consacré uniquement à Ploujean, datant de 1908 et qui n’a pas été réédité. Sur certains points, les renseignements sont très succincts : un nom, une date, des faits simplement mentionnés sans les détails qu’on aurait aimé connaître mais que les textes n’ont pas retenu. Pour une période plus récente, mais qui semblera déjà éloignée à beaucoup parce qu’ils ne l’ont pas connue, les sources seront plus abondantes, et en ce qui concerne la vie quotidienne des gens de cette époque, nous aurons recours aux souvenirs des plus anciens d’entre nous. (cette vie 1

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HISTOIRE de PLOUJEANde Guillaume Quéguiner

par Henri Le Bihan, recteur de 1982 à 1991(Corbeille N° 132 & suivants)

Introduction

La Corbeille se propose de vous présenter dans ses prochains numéros une série d’articles sur le passé de Ploujean, ses monuments divers, les événements les plus marquants de son histoire, les personnages qui, à un titre quelconque ont eu des rapports avec Ploujean.Pour le passé lointain, la documentation sera puisée principalement dans un livre de Louis Le Guennec consacré uniquement à Ploujean, datant de 1908 et qui n’a pas été réédité.Sur certains points, les renseignements sont très succincts : un nom, une date, des faits simplement mentionnés sans les détails qu’on aurait aimé connaître mais que les textes n’ont pas retenu.Pour une période plus récente, mais qui semblera déjà éloignée à beaucoup parce qu’ils ne l’ont pas connue, les sources seront plus abondantes, et en ce qui concerne la vie quotidienne des gens de cette époque, nous aurons recours aux souvenirs des plus anciens d’entre nous. (cette vie quotidienne appartient aussi à l’Histoire puisqu’elle appartient à une époque révolue)Disposant de tous les éléments, la corbeille va vous convier à une sorte de promenade au cours de laquelle nous ferons connaissance avec les monuments légués par nos ancêtres, les événements auxquels ils ont été mêlés ou dont ils furent les acteurs principaux, les personnages dont le nom est lié plus ou moins étroitement à l’histoire de notre commune.Parmi les monuments, l’église retiendra d’abord notre attention. C’est le centre autour duquel toute la vie d’autrefois convergeait. Elle est d’une valeur historique reconnue. Dans sa partie romane elle daterait du 11ème

siècle, et peut-être même est-elle antérieure aux invasions normandes, ce qui lui donnerait plus de mille ans d’ancienneté et en ferait l’un des plus vieux monuments de Bretagne. Au cours des âges, elle a été agrandie et a subi des transformations pour lesquelles les dates sont connues.

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Les chapelles auront ensuite leur tour. Il y en eut autrefois plus d’une douzaine sur lesquelles cinq sont encore debout et en bon état. On sera surpris d’apprendre que jusqu’à 1809, il y en avait une tout près de l’église, dans le vieux cimetière. Dans cette chapelle assez importante, tout a disparu sauf une statue de la vierge qui se trouvait jusqu’à une date très récente sur l’autel à la droite du chœur et qui est maintenant placée dans la nef contre un pilier : Notre dame de Ploujean.Grâce à des documents qui ont été conservés, on pourra ensuite connaître son équipement et sa décoration intérieure.Le vieux cimetière mérite aussi d’être évoqué.. Il fit l’admiration de Charles le Goffic, de Louis Le Guennec et de bien d’autres. Les vieilles pierres qui formaient le mur de son enceinte sont encore dans le bourg et nous verrons l’usage qui en a été fait.Auront ensuite leur tour, les manoirs et châteaux qui furent toujours nombreux à Ploujean témoignant de l’attrait exercé en tout temps par notre beau pays.Certains ont disparu. D’autres, très mutilés, sont devenus des fermes. Quelques-uns eurent autrefois une importance que nous ne soupçonnons pas.Nous ne négligerons pas des constructions plus modestes qui nous viennent aussi des temps anciens ou qui nous sont signalées par les documents écrits : vieilles maisons, calvaires, colombiers (il y en avait 4 ou 5 dont un seul est toujours debout) fontaines, fours à pain et moulins (moulins à eau de rivière, moulins à mer et même moulin à vent…)Les événements remarquables seront abordés ensuite. Il y en eut de douloureux : 3 ou 4 épidémies de peste dont l’une fit 73 victimes parmi lesquelles le recteur, la mort d’un autre recteur par noyade puis d’un troisième par coup de feu, en 1522 alors qu’il aidait les Morlaisiens à se défendre contre une attaque des anglais.Il y eut même un déraillement de train sur le territoire de la commune. Cela peut paraître surprenant alors qu’il n’existe plus aucune trace de chemin de fer sur notre sol. Il y eut aussi des événements heureux, entre autres, la découverte d’objets préhistoriques et de trésors qui procurèrent beaucoup de joie à leurs « inventeurs » .Parmi les personnages qui se présenteront à nous, dans notre incursion dans le passé, certains sont nés à Ploujean et y ont toujours vécu ou bien n’y ont

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passé que leur enfance ou une partie de leur jeunesse ou encore n’y sont venus qu’au soir de leur vie. D’autres n’y ont fait qu’un bref passage mais, en raison de leur importance, leurs noms ont été retenus.Des noms vont nous apparaître qui nous étonneront, tels que ceux de Dupleix, La Fontenelle, La Chalotais.Dupleix ne fut pas un mince personnage puisque plus de 200 ans après sa mort (1697-1763), la Marine nationale a donné son nom à une de ses unités.La Fontenelle était de réputation nationale, lui aussi, mais sur un tout autre plan. Il fut soumis au supplice de la roue et exécuté sur la place de Grève à Paris sur décision du roi Henri IV. Il fut pendant quelque temps propriétaire d’un château à Ploujean et ce château est toujours debout. Ce même château vit naître deux siècles plus tard un écrivain auquel les manuels de littérature moderne accordent une place enviable. Il s’agit de Tristan Corbière dont le père fit construire le château de Roc’h ar Brini.La Chalotais, très connu dans l’histoire de Bretagne et même de France, fut enfermé au château du Taureau. Sa fille fut châtelaine de Kéranroux et son petit-fils nous a laissé des témoignages de son activité ainsi que nous le verrons.Un autre personnage qui connut aussi une vie très mouvementée est encore parmi nous, puisque sa trombe est dans notre cimetière. C’est le général de Tromelin qui combattit d’abord Bonaparte dans les rangs des Anglais avant de se rallier au même Bonaparte devenu Napoléon Ier. Il se trouvait à ses côtés à Waterloo. Après une existence qui se déroule en grande partie sur les champs de bataille, il vient terminer paisiblement ses jours à Ploujean.Ploujean connut nombre de visiteurs de marque. Nous en citerons un seul cette fois. Ce n’était d’ailleurs pas un visiteur, mais une visiteuse, une jeune bretonne qui eut une destinée exceptionnelle.A 14 ans, elle fut mariée par procuration à un futur empereur d’Allemagne. Elle fut deux fois reine de France, mère d’une reine de France, grand-mère d’un roi et arrière-grand-mère de trois futurs rois de France dont l’un fut même roi de Pologne.Alors qu’elle était reine de France pour la seconde fois, elle traversa Ploujean de bout en bout en se rendant à Saint-Jean-du-Doigt. Parmi les populations venues l’acclamer devaient se trouver les ancêtres de quelques-uns d’entre nous, ancêtres lointains à coup sûr car ce voyage eut lieu en

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1508. Dans son entourage figuraient deux de nos anciens compatriotes : Pierre de Kersulguen, seigneur de La Boissière, et le seigneur de Coatgrall.Ce personnage prestigieux était la toute bonne, la toute modeste Anne de Bretagne, la duchesse en sabots… Nous la retrouverons plus tard dans un de nos articles.On ne se bornera pas aux seuls personnages dont l’histoire a retenu le nom. Des Ploujeannais d’autrefois, restés pour la plupart anonymes auront aussi leur tour. On parlera de leurs travaux, de leurs coutumes et traditions. On s’attachera à quelques figures particulièrement pittoresques.Et les animaux eux-mêmes auront leur place, ces bonnes bêtes d’antan qui partageaient les labeurs et les peines des hommes et avec lesquels ceux-ci entretenaient des liens affectifs dont on n’a plus idée.

Par notre flânerie a travers le vieux Ploujean, la connaissance des gens qui foulèrent le même sol que nous, et des demeures qui abritèrent leur existence nous verrons un peu de vie réapparaître parmi les pierres et des lieux qui semblaient froids et inertes.Cette connaissance des noms, des faits et gestes des hommes de l’époque où ils ont vécu opérera en nous une sorte de résurrection du passé. Nous espérons qu’il en résultera pour chacun un attachement plus vif pour Ploujean et pour ceux qui furent Ploujeannais avant nous.

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Chapitre I

Avant d’aborder l’étude des hommes, de leurs faits et gestes et des monuments qu’ils ont édifiés, il est bon de connaître les lieux où ils ont vécu pour bien se situer d’abord et pour voir quelles influences ces lieux ont pu exercer sur la destinée des habitants, en somme de faire un peu de géographie pour mieux connaître l’Histoire, la petite comme la grande.

Le Ploujean dont il s’agira ici est celui que les plus anciens d’entre nous avons connu dans leur jeune temps, commune et paroisse couvrant le même territoire, avant donc le dédoublement de la paroisse par la création de Coatserho vers 1940 et la suppression de la commune en tant qu’unité administrative en 1959.La frontière à peu près inchangée pendant des siècles, longue de 20 kms environ était constituée pour les ¾ par 4 cours d’eau : - La rivière de Morlaix, depuis le bas de la rampe Saint Nicolas, à

quelques centaines de mètres du cœur de la ville, jusqu’au pont du Dourduff.

- la rivière du Dourduff jusqu’à la route de Lanmeur, à hauteur des Trois Vallées

- le ruisseau de Pen an Roz qui prend naissance entre Pen an roz et le Pilodoyer.

- Enfin le ruisseau de Troudousten qui va se jeter dans la rivière de Morlaix tout près du bas de la rampe saint Nicolas.

Entre le Pilodoyer et Troudousten, la jonction est faite par des routes et des rues. La route qui part du Pilodoyer à la hauteur de l’usine d’incinération de la ville de Morlaix conduit à la Croix Rouge d’en haut, en passant entre l’hippodrome de Langolvas en Ploujean et le parc des expositions en Garlan.On descend ensuite sur Morlaix par la route de Paris, laissant sur la gauche, 400 mètres plus bas, le café de la Croix Rouge d’en bas autrefois situé en Ploujean. Un kilomètre plus bas, au fond de la place du Pouliet se présente sur la gauche un autre morceau de Ploujean, la Fouasserie, souvenir du temps où notre territoire allait depuis ce point jusqu’au Jarlot et la rivière dite de Morlaix qui lui fait suite.

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En face, la propriété de Coatmeur, en cours de lotissement, faisait aussi partie de notre commune, mais pour rejoindre Troudousten, terme de cette portion de territoire, il faut remonter la route de Paris jusqu’au pied du viaduc SNCF et prendre la rue qui conduit à la Madeleine d’où l’on descend sur Troudousten par la rue de la Carrière qui s’ouvre à droite face à l’entrée du cimetière Saint Charles.

Voyons maintenant comment se présente, du point de vue géographique, le territoire enfermé dans ces limites qui fut, pendant des siècles, le domaine des Ploujeannais, leur « pays » où ils se sentaient chez eux, en famille…C’est un plateau, de surface à peu près plane, de forme circulaire en son milieu, occupé en grande partie par l’aérodrome et des prolongeant par des bandes d’une largeur moyenne de 7 à 800 mètres jusqu’au pie du Méné vers l’Ouest et jusqu’à la Croix Rouge vers l’Est.Ses versants coupés par des vallonnements plus ou moins larges et profonds descendent vers les cours d’eau par des pentes souvent très prononcées. A l’Ouest, le Méné, vieux massif granitique, se détache nettement sur l’horizon. Avec ses 92 mètres, c’est notre point culminant, suivi d’assez près par le centre de l’aérodrome qui s’élève à 86 mètres, ce qui peut paraître étonnant.On peut s’étonner également que ces 86 mètres correspondent sensiblement à la hauteur de la galerie du clocher de l’église, l’altitude du bourg n’étant que de 69 mètres.Ces chiffres figurent sur la carte IGN (institut Géographique National) au 1/25.000Venons-en maintenant aux cours d’eau intérieurs.Le plateau, dans sa partie centrale, comme dans ses prolongements est dépourvu d’eau en surface mais en détient une réserve importante à une faible profondeur car dès qu’une légère déclivité se présente, des ruisseaux sortent de ses rebords, nombreux et bien alimentés en toutes saisons, et vont se jeter dans les cours d’eau « frontières » par des vallons qui donnent au versant du plateau un aspect varié contrastant avec l’uniformité du plateau lui-même.Il reste à examiner maintenant l’influence de toutes ces données géographiques sur la vie des habitants, donc à rejoindre l’Histoire.Les cours d’eau frontières ont été pendant longtemps une cause d’isolement pour la population, particulièrement la rivière de Morlaix, bras

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de mer plus exactement, puisqu’elle doit sa largeur à la mer qui la remonte deux fois par jour. Elle faisait une nette coupure entre deux régions et constituait entre elles une frontière à de multiples points de vue :- frontière administrative séparant le comté du Léon de celui, de

Penthièvre auquel appartenait Ploujean,- fracture religieuse, diocèse de Léon d’un côté, diocèse de Tréguier de

l’autre,- frontière linguistique : dialecte léonard d’une part et dialecte trégorois

de l’autre,- fracture ethnique : différence de costume (coiffure surtout), différence

de mentalité et presque de type physiqueN’ayant ni les mêmes autorités civiles ni religieuses, ne fréquentant pas les mêmes sanctuaires de pèlerinage, ne parlant pas le même dialecte, portant des costumes différents, les populations n’auront guère de contacts pendant longtemps et demeureront étrangères les unes aux autres avec ce que cela comportait à l’époque de méfiance réciproque et même d’hostilité.Depuis, la situation s’est modifiée. Les léonards représentent actuellement plus des ¾ de la population rurale de Ploujean. Comment ce revirement dans les rapports s’est-il opéré ? C’est ce que nous verrons un peu plus loin.Les rivières qui séparaient notre commune de Plouezoc’h et de Garlan, aux rives souvent abruptes, ne facilitaient pas les contacts. Les Ploujeannais vivaient entre eux et les mariages hors frontières étaient rares, ce qui eut pour effet de préserver et de renforcer encore les particularités locales.Le « Méné », quant à lui, a valu à notre territoire ses premiers occupants. La découverte de pierres taillées ou polies, de poteries, d’abris aménagés de main d’homme, montre que des peuplades préhistoriques y vécurent, il y a 5 ou 6.000 ans, sans doute contemporaines de celles qui édifièrent le tumulus de Barnenez en Plouezoc’h.Le Méné, comme Barnenez, se prêtaient à l’installation de peuplades primitives : points élevés, facilitant le guet et la défense, le voisinage de la mer et de bois ainsi que de points d’eau leur fournissant des moyens de subsistance abondants.Etaient-ils de la même tribu que les hommes de Barnenez et participèrent-ils à l’érection du tumulus ou formaient-ils une tribu rivale, il est impossible de le dire.

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D’autres occupants dont on connaît les dates d’arrivée et de départ apprécièrent aussi, quelques milliers d’années plus tard le site du Méné comme point d’observation et de défense. Il s’agit, bien sûr des Allemands qui implantèrent sur son sommet de puissants blockhaus et y installèrent une batterie de D.C.A. dont les fracas causa bien des frayeurs et dont le souvenir remonte encore parfois à la mémoire.Ils furent attirés à Ploujean par le terrain d’aviation où ils s’établirent dès les premiers jours de leur arrivée dans la région et restèrent presque jusqu’à la fin de la guerre, expulsant les populations voisines et causant bien des ravages.L’emplacement du terrain d’aviation créé en 1936-37 fut choisi par la Chambre de commerce de Morlaix en raison des commodités qu’offrait le plateau central : surface plane, absence de cours d’eau, ce qui permettait de l’aménager rapidement et aux moindres frais, avantages auxquels s’ajoutait la proximité de Morlaix.Et c’est ainsi que les Ploujeannais furent mêlés de très près, de trop près hélas, à la Grande Histoire, victimes indirectes de la topographie du terrain.

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Chapitre II

Nous allons essayer d’entrevoir ce que fut l’existence de nos ancêtres bretons après leur arrivée en ce coin d ’Armorique, vers l’an 500, jusqu’au passage dans notre paroisse de la reine Anne de Bretagne lors de son voyage à travers la Bretagne en 1505.Cette période de 1000 ans correspond au temps de l’indépendance bretonne, temps où les Bretons furent à peu près maîtres chez eux avant d’être rattachés à la France et d’en suivre le destin.Sur la première moitié de cette période, on ne possède aucune sorte de documents, ni vestiges de monuments ni pièces d’archives.La plus ancienne construction subsistante est représentée par la nef de notre église paroissiale, de style roman, que certains ont pu croire antérieure au 9ème siècle et qui serait plus probablement du 11ème siècle.La première date connue avec certitude ne remonte qu’à 1154, date à laquelle notre paroisse céda à Morlaix une partie de son territoire pour la création de la paroisse St Melaine. Sur l’acte de donation notre paroisse est désignée sous le nom de « Plebs Joannis » (peuple de Jean) qui devait donner plus tard Ploujean en passant par la forme intermédiaire de Ploé-Jehan que l’on rencontre pour la première fois dans un texte de 1427.Les premiers Ploujeannais dont les archives nous ont laissé le nom sont de 1240 : Louise de Kérantour à l’occasion de son mariage avec Grallon de Goesbriant et, en 1248 Guillaume de Kergariou qui accompagna le roi Louis dans une croisade en Terre Sainte.Par la suite, les archives, sans être complètes, nous fournissent en abondance dates et noms de personnes.Pour reconstituer la première partie de notre Histoire, nous sommes réduits à des suppositions, appuyées comme pour les périodes précédentes sur la documentation tirée de l’histoire régionale.Quant ils vinrent ici, les Bretons, déjà christianisés faisaient partie de communautés organisées : clans ou groupes de familles issues d’une souche commune et paroisses ayant chacune leur pasteur.Le chef de clan, du groupe qui nous concerne portait le nom de Caznou et s ‘établit sur un territoire auquel fut donné le nom de Plougasnou. Quelques-uns de ses descendants, sous le nom de Guicaznou eurent des possessions à Ploujean. Son autorité s’exerçait sur une partie de l’actuel

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Trégor finistérien dont les populations ont, de tout temps, présenté entre elles de nombreuses affinités, souvenir sans doute de leur origine commune.Le premier souci du responsable spirituel de Ploujean fut d’édifier un sanctuaire pour les besoins du culte : construction très rudimentaire entourée d’un enclos pouvant servir de cimetière selon l’usage déjà en vigueur qui devait se perpétuer pendant des siècles.Ce fut l’origine du bourg actuel.Les populations, de leur côté, ne manquaient pas de besogne. Tous agriculteurs, ils s’installèrent sur les emplacements abandonnés par les occupants antérieurs. Ils se mirent à relever les bâtiments en ruine pour abriter leur famille et, très vite, pour assurer la subsistance des jours à venir, remirent en culture les terres plus ou moins retournées en friche.On peut penser que, vu leur petit nombre au début, ils purent rester groupés autour de leur centre religieux.Plus tard, le reste du territoire se peuplait soit par suite de l’accroissement de la population déjà en place, soit par l’arrivée de nouveaux émigrants tout au long du 6ème siècle.Et ainsi commença cette existence de rude labeur, réglée par les travaux des champs et des maisons qui, devait durer à peu près inchangée durant des siècles.Bien souvent, aux difficultés de la vie quotidienne viennent s’ajouter les méfaits des guerres.L’Histoire de la Bretagne nous apprend en effet qu’elles furent très fréquentes : guerres intestines entre chefs bretons eux-mêmes se disputant des héritages, guerres contre les étrangers : les Anglais, les Normands, le Royaume de France surtout qui, pour achever son unité, tenta à plusieurs reprises de s’emparer de la Bretagne.Les guerres entre chefs bretons ne mettaient aux prises le plus souvent que des groupes restreints. Il ne semble pas que Ploujean en ait eu à souffrir gravement. Il n’en fut sans doute pas ainsi, lors de la guerre de Succession de Bretagne qui dura de 1341 à 1364 où Ploujean se trouva certainement impliqué du fait que tout le pays était divisé en deux factions rivales : partisans de Charles de Blois d’une part, et de Jean de Monfort d’autre part.On sait toutefois que les combats les plus meurtriers se déroulèrent en des points éloignés de notre sol : Hennebont, La Roche Derrien, Auray, ainsi

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que le fameux combat des « Trente », où 30 bretons triomphèrent de 30 Anglais en 1351 entre Ploërmel et Josselin, au cours du quel le chef des bretons, Beaumanoir, qui se plaignait de souffrir de la soif se vit lancer l’apostrophe célèbre : « bois ton sang, Beaumanoir, et ta soif passera »…Les grandes batailles qui marquèrent les guerres contre la France se déroulèrent au voisinage de la frontière séparant les deux pays, depuis la bataille de ballon près de Redon où Nominoé vainquit Charles le Chauve en 845, jusqu’à celle de St Aubin du Cormier où François II fut défait en 1488 par Charles VIII.Seuls les chefs et de rares auxiliaires prenaient part à ces combats. La population n’en subissait que les effets indirects, quelquefois très lourds cependant : réquisitions, pillages, famine, brutalités diverses.Les invasions normandes eurent peut-être, chez nous, des effets plus meurtriers. Pendant près de 100 ans, de 843 à 939, les Normands s’abattirent à tour de rôle sur tous les points de la Bretagne. Ploujean, situé en zone côtière, était d’accès facile pour ces guerriers venant par mer et n’échappa pas à leurs incursions.Cette fois encore cependant les grands combats se livrèrent loin d’ici, tel celui de Questembert près de Vannes, en 890 et celui de Trans près de Cancale en 939 où Alain Barbe Torte remporta une éclatante victoire qui chassa définitivement les Normands.Les invasions normandes eurent des effets qui se retrouvent encore à Ploujean, plus de 1000 ans après, sous des formes inattendues. Les vieux manoirs, si nombreux sur notre sol et les familles nobles qui en ont tiré leur nom leur doivent leur origine par le biais de la féodalité. Si les Normands purent s’introduire si facilement en Bretagne, c’est parce qu’aucune défense organisée n’était en place pour s’y opposer.Pour éviter le retour de pareilles calamités, il a paru nécessaire de former un solide système défensif prêt à intervenir à la moindre alerte et de se grouper pour former une armée puissante en cas de besoin. C’est pourquoi, dans toutes les paroisses, des chefs de famille, choisis parmi les plus aptes, reçurent mission de s’armer. De cultivateurs, ils devinrent des hommes de guerre permanente, sorte d’officiers de carrière, dotés pour mieux assurer leur tâche de certains pouvoirs administratifs.Ils devaient s’équiper, équiper les auxiliaires dont ils pouvaient avoir besoin, fournir chevaux, matériel et ravitaillement. Pour faire face à ces

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charges, ils reçurent des terres dont les revenus leur fournissaient les ressources nécessaires.Ils prirent le nom de leurs terres et reçurent en raison de leur fonction ou des services rendus la qualification de « Nobles ». Ils étaient les vassaux des seigneurs plus importants qui étaient eux-mêmes les vassaux directs des ducs.Par le moyen de cette organisation à laquelle on a donné le nom de féodalité, lorsqu’une menace surgissait en quelque point, le système se mettait en branle ; une mobilisation locale ou générale selon les besoins s’opérait très vite permettant des interventions efficaces.Par divers textes nous connaissons les familles nobles de Ploujean issues de cette organisation, s’ajoutant à une noblesse plus ancienne qui remontait quelquefois aux chefs de clan de l’émigration.Il y en avait plus de 25 à Ploujean et leurs noms se retrouvent dans ceux des principaux villages actuels parmi lesquels on sera sans doute surpris de trouver ceux de Coatmenguy, Kérédern, Kersuté, Coatgrall, Kerscoff et bien d’autres encore…Les demeures de ces chefs étaient les manoirs dont quelques-uns sont encore debout. Certaines familles portant le nom de ces manoirs existent toujours, mais aucune n’a plus sa résidence à Ploujean.En 1505, lors du passage d’Anne de Bretagne, tous les manoirs étaient habités par des familles nobles et nous connaissons les noms de la plupart d’entre elles. Nous les retrouverons dans les prochains chapitres où, après les aperçus d’ordre général des chapitres précédents, sorte de traversée du désert, qui pouvait avoir son intérêt, nous déboucherons enfin sur un paysage plus peuplé qui nous fournira une matière plus complète et plus vivante…

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Chapitre III

Le chapitre I se terminait sur une note plutôt sombre rappelant l’occupation allemande, preuve que les influences géographiques ne nous furent pas toujours favorables. Avec les cours d’eau intérieurs, nous touchons à un élément qui n’eut, pendant des siècles, que des effets bénéfiques.Ces cours d’eau, modestes ruisseaux pour la plupart, permirent l’établissement d’exploitations agricoles, conditions de toute vie autrefois. Ils fournissaient l’eau indispensable à la consommation humaine et animale et aux besoins ménagers. Ils arrosaient des prairies qui, à longueur d’année, procuraient un appoint important de fourrage.Ils faisaient tourner des moulins établis sur les rives des plus importants d’entre eux.Ce sont eux qui ont commandé l’implantation des fermes dont l’emplacement n’a pas varié depuis l’origine. Par leur grand nombre, ils ont permis un habitat dispersé, donnant à chaque ferme une relative indépendance.Par leurs vallonnements boisés, ils offraient une protection contre les vents venant de la mer proche te contribuèrent ainsi à donner aux habitants un caractère sans âpreté.Un autre facteur géographique eut également une action sur la population : la mer, par sa proximité exerça un appel puissant sur bon nombre de Ploujeannais à diverses époques, fournissant aux uns le besoin de satisfaire leur besoin d’aventure, offrant à d’autres des carrières dans la marine nationale ou dans la marine de commerce.Quelques-uns de ces marins retiendront notre attention dans la suite de ces chapitres.Mais, de toutes les influences relevant de la géographie, le voisinage de Morlaix occupe un rang spécial.Les relations entre Morlaix et Ploujean furent toujours très étroites et se manifestèrent de façons très diverses. Leurs destinées se confondirent plus ou moins au cours des âges.Ploujean fournit à Morlaix des territoires nécessaires à son développement : la paroisse St Matthieu en partie, la paroisse St Melaine en totalité sont établies sur des terrains cédés par nos ancêtres.

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Une charte de 1574 nous apprend qu’une donation fut faite au monastère St Melaine de Rennes pour établir un prieuré « in plebe Joannis » autrement dit sur la paroisse de Ploujean. C’est le premier document historique où l’on trouve mentionné le nom qui devait plus tard donner « Ploujean » en passant par d’autres formes telles que « Ploe-jean » qu’on relève dans un document de 1427.Par la suite, les châtelains de Ploujean eurent des droits sur certaines parties des églises des paroisses de Morlaix. Quelques-uns avaient un hôtel particulier en ville où ils exercèrent des fonctions administratives.Inversement, des notables de Morlaix, riches négociants ou armateurs firent construire des résidences à Ploujean ou y achetèrent des châteaux. Quand les besoins de la ville s’accrurent, Ploujean céda de nouveaux terrains pour de nouvelles constructions. Ce fut, dans les années 1925-30, le cas de Coatserho qui, tout en restant attaché à notre commune, était occupé presque entièrement par des Morlaisiens.Par la suite, après la guerre de 1939-45, le mouvement s’accélère et, pour simplifier les formalités et mieux s’ajuster à la réalité, Ploujean fut annexé par la ville de Morlaix.En échange de ce qu’elle prenait à Ploujean, la ville de Morlaix offrait à la population des débouchés pour ses produits et son surcroît de population. Ploujean fournissait à Morlaix la plus grande partie de son ravitaillement : viandes, légumes, fruits et produits laitiers, en particulier le fameux « lait de Ploujean », sorte de fromage blanc que les paysannes allaient livrer journellement dans de grands paniers plats, posés sur leur tête, comme le pot au lait de Pierrette…Beaucoup de Ploujeannais trouvèrent des emplois à Morlaix, surtout à la suit du développement industriel du 19ème siècle.Les multiples contacts qui s’établirent ainsi entre les citadins et les populations rurales proches de la ville familiarisèrent les campagnards avec le parler, les façons de vivre et la mentalité de la ville et les préparèrent ainsi à céder à la sollicitation des emplois qui s’offraient à partir d’un certain moment dans les grands centres tels que Paris, Rouen, Le Havre… Certaines fermes se vidèrent, préparant l ‘arrivée d’une autre catégorie de ruraux qui, n’ayant pas subi l’attirance de la ville restèrent plus longtemps attachés à la terre. Ce fut le commencement de l’immigration léonarde qui,

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en raison de l’importance qu’elle revêt dans notre histoire locale, mérite une étude détaillée.Ces vues très globales nous montrent que Ploujean subit diverses modifications au cours de son histoire.« Si les vieux revenaient » selon une formule souvent entendue dans le passé, il n’est pas sûr qu’ils reconnaîtraient leur pays… Ils auraient des surprises allant jusqu’à l’ahurissement.Il n’est pas sûr non plus que notre pays mériterait encore la flatteuse appréciation de Charles Le Goffic qui l’avait connu dans les premières années du 20ème siècle et qui s’exprime ainsi dans son « Anne Bretonne » : « la campagne autour de Ploujean a je ne sais quelle beauté méditative, comme une beauté de pensée… »Souhaitons qu’il en soit resté quelque chose…

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Chapitre IV

Il serait peut-être intéressant de chercher à savoir comment se présentait Ploujean à l’époque du passage en Bretagne de la reine Anne, dans les années 1505 : les lieux, les monuments, les habitants… et de nous interroger sur les événements et les problèmes du moment dont l’influence se ferait sentir par la suite chez nous.Anne de Bretagne n’eut pas sous les yeux le paysage dans son état actuel.Les grandes lignes sont sans doute inchangées : le Méné est toujours à la même place ainsi que le plateau central et les vallons descendant vers les rivières qui cernent notre territoire. Mais la campagne devait être plus boisée et les ruisseaux coulaient encore très librement, répandant joie et fraîcheur sur leur passage.C’est surtout le réseau routier qui était différent. Au cours du 19ème siècle, des routes nouvelles furent ouvertes vouant à l’abandon beaucoup de celles d’autrefois.Le tracé de ces routes anciennes était resté à peu près intact jusqu’à ces dernières années mais comme elles n’étaient pas fréquentées, l’herbe poussait librement sur les chaussées ce qui leur valut le nom de « chemins verts » (hentchou glaz).C’est sur ces sortes de routes que Anne de Bretagne fit une bonne partie de son parcours à travers notre pays.Beaucoup de constructions actuelles, pourtant vieilles de plusieurs siècles n’existaient pas encore à cette date. C’est ainsi que la chapelle Ste Geneviève fut édifiée en 1561 et le clocher de l’église paroissiale en 1586, soit 56 et 81 ans plus tard.C’est aussi les cas de la plupart des châteaux : Kéranroux, Nec’hoat, Kérozar, Traonfeunteuniou, Suscinio, Coatcongar, La Boissière…Par contre de nombreux manoirs encore solides à cette époque et habités par des familles nobles ont disparu ou changé de destination.Que savons-nous des habitants de Ploujean en 1505 ?Les noms de quelques-uns nous sont parvenus avec parfois des événements se rapportant à leur vie.Le recteur de l’époque, le premier d’ailleurs dont le nom nous soit connu s ‘appelait Hervé Floc’h. On ne sait rien d’autre sur son compte.La plupart des familles nobles nous sont connues par des pièces d’archives, particulièrement les registres établis lors des « montres », ces revues

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militaires où les gentilshommes devaient comparaître, armés et équipés, selon l’importance de leurs biens.Ils étaient tous désignés par le nom de leur terre et l’on retrouve tous les noms de manoirs qui furent à l’origine des quartiers actuels ainsi que ceux d’un certain nombre de châteaux.Certains portaient le nom de la terre seule, tel que Jehan de Kergariou, Yvon de Coatcongar. Ils appartenaient à des familles qui s’étaient succédées de père en fils sur le domaine d’où ils avaient titré leur nom.D’autres, et c’était le plus grand nombre, avaient un nom de famille différent de celui de leur terre, auquel d’ailleurs il s’ajoutait.C’était le cas par exemple pour Pierre de Kersulguen, seigneur de La Boissière, Jean de Guicesnou, seigneur de Coatgrall, Jean Guillosou, seigneur de Keryvon, Jean Mériadec, seigneur de Créac’honvel, Louis Trogoff, seigneur de Coatmenguy…La plupart de ces gentilshommes étaient entrés par des mariages dans des familles ploujeannaises et avaient hérité de leurs terres. Quelques autres étaient des seigneurs venus d’ailleurs qui s’étaient rendus acquéreurs de terres nobles à Ploujean.Sur le reste de la population, formée presque exclusivement de cultivateurs, nous ne possédons guère de renseignements.Certains noms apparaissent toutefois au hasard de quelques actes officiels : Cudennec, Cotty, Laviec, Braouezec, Prigent… noms dignement portés encore de nos jours par des Ploujeannais.En 1505, des événements venaient d’avoir lieu et d’autres se préparaient qui auraient des effets plus ou moins profonds sur la population de chez nous.En 1492, alors qu’Anne de Bretagne était âgée de 15 ans, c’était la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, préparant la voie à l’émigration future des certains de nos compatriotes.La Renaissance, ce renouveau dans le domaine des Lettres et des Arts par un retour à l’Antiquité gréco-romaine, s’introduisait en France du temps d’Anne de Bretagne à la faveur des guerres d’Italie auxquelles prirent part ses deux époux : Charles VIII et louis XII ainsi que son gendre François Ier.L’art de la Renaissance devait se manifester dans certains éléments de l’église paroissiale : la tour de la façade Ouest principalement ainsi que dans l’ornementation de la chapelle Sainte Geneviève.

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Le rattachement de la Bretagne à la France, qui devint définitif en 1532, fut préparé par le mariage d’Anne avec les rois Charles VIII et Louis XII et celui de sa fille Claude avec François Ier. Ce rattachement eut des conséquences multiples qui se firent sentir à Ploujean comme dans le reste de la Bretagne.Furent-elles bénéfique ou non, il est difficile d’en décider…Toujours est-il que l’annexion ne porte atteinte ni à la langue, ni aux traditions ancestrales qui demeurèrent intactes jusqu’au début du 20ème siècle.Un autre événement allait bientôt se produire : la découverte du Canada en 1534. On peut l’évoquer ici, car elle fut l’œuvre d’un breton contemporain d’Anne de Bretagne, le malouin Jacques Cartier qui avait 14 ans en 1505.D’autres bretons devaient prendre le même chemin parmi lesquels des ploujeannais comme le rappelait en 1991 le descendant de l’un d’entre eux venu rechercher les traces de son ancêtre Jean Riou qui s’établit au Canada en 1665.En cet été 1505, lors du passage d’Anne de Bretagne, la moisson était en cours et requérait toute l’attention et toutes les énergies de la population : la moisson à la faucille suivie du battage au fléau selon des pratiques déjà séculaires et qui se perpétueront jusqu’au-delà du 19ème siècle, ne leur laissant pas le loisir de penser aux événements passés et encore moins de rêver à ceux de l’avenir.En cette période de travail intense, chacun était plus convaincu que jamais qu’à chaque jour suffit sa peineAprès une vue d’ensemble du passé lointain qui a pu paraître décevante car elle n’a apporté que peu d’éléments, nous étudierons notre Histoire village par village, quartier par quartier.A partir d’une certaine date, nous disposons d’une documentation plus abondante qui nous fournit diverses précisions, sans toutefois nous permettre de reconstituer notre histoire en son entier.Ainsi, nous suivrons le classement traditionnel, basé sur ce qu’on appelle les « Fréries »Une Frérie était une subdivision de la paroisse, établie pour la perception de la dîme. Cette redevance en nature, en principe le dixième des récoltes, devait donner aux paroisses les ressources nécessaires pour faire face aux dépenses qui leur incombaient : formation et entretien du clergé, édification et entretien des lieux de culte et des établissements hospitaliers.

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Ces Fréries, au nombre de 10 groupaient quelques villages et portaient en général le nom de celui qui en occupait le centre géographique.En voici la liste :KERILIS KEROC’HIOU KERBAULLe Bourg Roc’h ar Brini KerdudéPen ar Guer Le Rest KersutéKeranroux Kergollo TréantonKérédern Pen an Traon

POULHOAT TREGONZERE (Le Méné)KERDANOTKérantour L’Armorique TraonfeunteuniouKéryvon Suscinio La Villeneuve

CosquérouKervellec

COATGRALL KERFENNOU MOUSTEROUTrannevez La Boissière KergariouKermorvan Kervezelec KerozarKermoal Nec’hoat Crec’honvel

Coatserho CoatmenguyTROGOUAR Pen an Ru CoatcongarPennanros Troudousten Kerfraval

Pen Lan Le LaunayCoatamour

Quelques-unes de ces Fréries possédaient un centre spirituel, une chapelle qui contribuait à renforcer la cohésion du groupe, créant entre ses membres un lien qui dépassait les simples relations de voisinage, tout amicales et fraternelles qu’elles puissent être.La plupart de ces chapelles ont disparu avec les souvenirs qui y étaient attachés. Sainte Geneviève, sauvée in extremis, a permis d’en préserver au moins une apparence.La liste ci-dessus n’apprendra pas grand chose aux Ploujeannais, particulièrement à ceux qui sont nés ici, aux premières années du 20ème

siècle et qui y ont passé leur vie. Ils connaissent ces noms depuis longtemps et ils ont vu debout bien des villages totalement disparus ou fortement transformés depuis. Il suffira qu’ils s’attardent un peu devant

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chacun de ces noms, qu’ils pensent à ceux qui les ont habités pour que des souvenirs leur montent en foule à l’esprit.Ils retrouveront sans peine un passé qui fut leur vie même.Pour les Ploujeannais de fraîche date, nés plus tardivement ou établis ici depuis peu, ces mots, dont certains leur sont inconnus, n’auront pas le même pouvoir d’évocation. Par eux cependant, ils pourront apprendre un peu de la géographie du vieux Ploujean à défaut d’y découvrir son âme.Pour tous, cette liste sera le cadre où viendront se placer les événements qui feront l’objet des prochains chapitres.

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Chapitre V

Nous allons commencer notre tour de la Paroisse par l’étude du Bourg où nous trouvons bien des choses qui nous parlent du passé.Le bourg doit son origine à l’église et au cimetière qu’y établirent, il y a environ 1500 ans, nos ancêtres les Bretons qui, chassés de l’île de Bretagne par les envahisseurs saxons trouvèrent ici une terre hospitalière.Mais pourquoi avoir choisi cet emplacement qui est loin d’être central ? Ils se décidèrent en fonction des convenances du moment. Ils arrivèrent en bateau et s’étaient engagés dans la rivière à la recherche d’un chemin pour atteindre le plateau intérieur. On peut penser, sans grand risque d’erreur, que le seul chemin qui s’offrait à eux, dans les bois touffus qui recouvraient les pentes abruptes de la rive suivait les traces de la route actuelle qui, du bourg descend presque en ligne droite pour aboutir à la rivière, face au couvent de St François.Ce chemin, simple piste sans doute, était utilisé par les populations du plateau lorsqu ‘elles voulaient passer de l’autre côté de la rivière qui, justement en cet endroit, avant la canalisation qui ne date que de 1771, présente la plus faible largeur.Nos Bretons s’y engagèrent et, parvenus au haut de la côte, trouvant une étendue plane qui convenait à un établissement durable, s’y installèrent.L’église qui se construisit là, simple hutte de terre et de branchages fut suivie de bien d’autres dont il n’est resté aucune trace.Enfin, au 11ème siècle, après 600 ans, une église en pierre fut bâtie dont une partie subsiste et forme la nef romane de l’église actuelle, aussi neuve d’aspect, aussi solide qu’aux premiers jours. C’est le plus ancien ouvrage de main d’homme de notre commune et un des plus anciens monuments religieux de Bretagne.Longtemps après, au 16ème siècle, le chœur gothique y fut ajouté.Le clocher date de 1586. Il repose sur un pignon massif où l’on relève de nombreux motifs décoratifs de style Renaissance.La tourelle d’accès du clocher, de style Renaissance également par son toit en dôme et le lanternon qui le surmonte, présente cette particularité d’être placée, non au sud de la tour, mais au Nord. C’est à peu près le seul cas, avec la chapelle Sainte Geneviève parmi la trentaine de clochers dits de style Beaumanoir qu l’on trouve principalement dans le Trégor finistérien et un certain nombre de communes des Côtes d’Armor proches de notre

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département. Les murs Nord et sud ont été refaits en partie au cours du 19ème siècle.L’intérieur de l’église a subi de nombreuses transformations au cours des âges. Plusieurs ont été effectuées sous nos yeux aux temps de Mrs Appéré et Loaëc principalement, tendant toutes à simplifier le décor pour répondre aux nouvelles orientations de la liturgie.Mais y subsistent encore des éléments anciens. Le baptistère, à baldaquin date de 1660. Les orgues ont été faites du temps de M. l’abbé Yves Le Rouge, recteur de 1671 à 1683. Ces orgues furent restaurées du temps de M. Gaudiche, recteur de 1936 à 1942 par le facteur d’orgue Koënig, frère du général bien connu. Cette restauration ne fut pas une réussite, loin de là. (Il a fallu attendre 1994 pour entendre à nouveau les orgues de Dallam, grâce au travail de M. Loaëc, recteur, de Michel Cocheril et du facteur d’orgue italien Formentelli).Le vitrail de la grande baie du chevet est dû également sur l’initiative de M. Gaudiche, en 1939.Beaucoup de destructions furent faites lors de la révolution de 1789. Tout ce qui rappelait les prééminences ou droits honorifiques des familles nobles fut saccagé tant dans l’église que dans la chapelle Notre Dame qui s’élevait dans le cimetière et fut démolie en 1809.Tombes, bancs familiaux, armoiries et devises figurant dans les vitraux ou gravés dans la pierre furent détruits ou martelés. Seule est restée la devise de Kersulguen, bien connue désormais des Ploujeannais « Lesses dire » gravée en lettres gothiques sur la face extérieure du pignon sud de la chapelle Sainte Anne.Le cimetière, autrefois autour de l’église, fut transféré vers 1905 quelques centaines de mètres plus au Nord, en dehors de l’agglomération. Mais tout n’en a pas disparu. L’emplacement en est toujours reconnaissable et conserve ses anciennes limites.Les pierres qui formaient l’enceinte sont toujours au bourg. On peut les voir tout près, dans la façade de la maison portant le numéro 5 de la rue de l’aérodrome.L’ossuaire, menacé à plusieurs reprises de destruction, est là aussi désormais bien entretenu.Un des escaliers d’accès au cimetière lui est accolé, fait de granit bien travaillé. (Il a été supprimé en 2004 lors de la réfection du placître de l’église.)

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Non loin de là, la Croix, dite autrefois de Champigny, dresse son fut octogonal et monolithe, d’une hauteur assez exceptionnelle puisqu’elle avoisine 6 mètres. Une plaque de marbre, scellée dans le piédestal, indique qu’elle fut érigée par le comte de la Fruglaye qui mourut en 1849 ce qui permet de dater approximativement la croix.Une sorte d’enfeu, aménagé dans le mûr de clôture du presbytère montre encore l’emplacement de deux croix pattées.Contre le pignon Ouest de l’église, du côté droit de la tour, est scellée une grande plaque mortuaire portant les noms « Graouyer-Laviec et de leurs quatre fils ». C’est la mère qui fut inhumée la première en 1845, âgée de 73 ans. Elle était donc née en 1772 ce qui nous porte à une date déjà lointaine…Dans le mur Nord de l’église, entre la porte latérale et le pignon, est encastrée une plaque de kersanton où se détache, en caractères bien nets une inscription ainsi conçue : »Ci-gît le chef du très vénérable et respectable abbé de Lanlay, né à la terre de Lanlay en Plésidy le 2 décembre 1722, mort à Ploujean le 22 mai 1795 ». Il fut recteur de Ploujean à partir de 1768.. A la Révolution il fut emprisonné, d’abord à Brest, puis à Saint-Lô, mais put revenir à Ploujean mourir dans sa paroisse.Enfin plusieurs tombes provenant de l’ancien cimetière se retrouvent dans le nouveau. Les plus importantes sont regroupées autour de la croix centrale. Certaines inscriptions commencent à s’effacer et sont de lecture difficile.On y relève le nom de personnages qui ont laissé des traces dans l’histoire, tels que Aymard de Blois et son fils, le général. Ensuite le général Le Flô, le général Tromelin… Aymard de Blois, né en 1762 mourut en 1852. Après avoir été officier de marine il se livra à des travaux d’érudition sur la Bretagne qui furent appréciés du grand historien Michelet lui-même. Son fils Gabriel (1801-1873) fut général d’artillerie et participa au siège de Sébastopol en 1854. Ils sont les ancêtres de M. de Vallières du Launay.Un nom qu’on est surpris de trouver sur l’une des tombes provenant de l’ancien cimetière est celui de S.A. la princesse Elisa Bucciochi, nièce de Napoléon Ier, étant fille d’Elisa Bonaparte, une des sœurs de l’empereur et cousine germaine de l’empereur Napoléon III. Elle n’est pas enterrée ici. Elle a sa tombe dans l’église de Colpo dans le Morbihan où elle est morte en 1869. Son nom est inscrit sur la tombe d’un certain Auguste Laviec, fils de Jean Marie et Renée Steun, mort lui aussi en 1896, âgé de 29 ans et qui

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fut régisseur d’Elisa Bucciochi. Il serait intéressant de savoir comment il put accéder encore jeune à un poste de confiance auprès d’un important personnage de l’époque.La tombe est voisine de celle des anciens recteurs de Ploujean ( depuis M.Haireaux en 1834 jusqu’à M.Jean Loaëc en 1982) à laquelle elle fait suite en bord d’allée.Le nouveau cimetière était souvent désigné autrefois, lorsqu’on parlait sur le mode plaisant, par l’expression « park an herc’h » ce qui veut dire « le champ de l’avoine » par allusion à la dernière récolte que ce champ avait portée avant de connaître sa nouvelle funèbre destination.Cette expression, ignorée de beaucoup actuellement, n’est pas oubliée de tous.Tout récemment, un de nos sympathiques concitoyens, ploujeannais de toujours, faisait savoir qu’il avait atteint ses 80 ans et ajoutait aussitôt : « heb dale vro var vro da vont da park an herc’h » (ce sera bientôt mon tour d’aller au champ de l’avoine…. Ceux qui l’écoutaient, vieux ploujeannais comme lui et donc bretonnants, n’eurent pas besoin d’une traduction pour le comprendre.Les monuments religieux ne sont pas les seuls à présenter de l’intérêt. Il y a dans le bourg, un certain nombre de maisons de caractère, selon une expression courante. Dans l’obligation de se limiter, on se bornera à la plus pittoresque, la plus admirée et la plus photographiée par les visiteurs de l’été. Il s’agit de Ti-Bian, à l’angle de la rue du Pont Coz et de la rue de Kergariou. Ce qui attire l’attention, outre son allure générale, c’est le balcon à galerie qui court sur la façade et où conduit un escalier extérieur en pierre ce qui est une particularité rare dans le pays.Selon une certaine tradition, elle aurait servi pendant quelque temps de presbytère. De quand date-t-elle ? Il est difficile de se prononcer. Elle pourrait compter près de 400 ans et avoir été construite pour le travail du lin : taillage, filage. Telle est du moins l’opinion émise par un visiteur originaire de Pleyber-Christ où les maisons de ce type destinées à un semblable usage étaient nombreuses autrefois.Nous irons bientôt sur les lieux où vécurent, au cours des âges ceux qui avaient ici leur point de rencontre de leur vivant et, à leur mort, leur point de rassemblement.

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Chapitre VI

Nous allons attaquer une nouvelle étape à travers le passé de Ploujean.Après le survol très rapide de plusieurs milliers d’années, on va adopter un rythme plus lent et on se bornera cette fois à une modeste randonnée de 500 ans environ.La période considérée va de l’an 52 avant J.C. aux alentours de l’an 500, c’est-à-dire de la chute d’Alésia par laquelle Jules César acheva la conquête de la Gaule jusqu’à l ‘arrivée des Bretons. Cette période couvre pour la plus grande part le temps de la domination romaine sur notre pays.Le coin de terre où nous vivons subit bien sûr le sort commun et fit partie, pendant plus de 500 ans, de l’empire romain et ses habitants furent les sujets des empereurs Auguste, Tibère, Néron et Trajan, Constantin le Grand, pour ne citer que les plus connus.Comment se fit sentir ici la domination romaine, quels en furent les effets ?Les vestiges trouvés sur place, susceptibles de nous renseigner, sont peu nombreux : une statuette en or, haute de 7 cm, représentant une déesse, découverte dans les jardins de La Boissière, les ruines d’un édifice gallo-romain en tuiles, dans une des prairies de Kéranroux…On sait d’autre part qu’à une certaine époque, une route reliait une forteresse construite sur l’emplacement du futur Morlaix à un poste militaire établi sur la pointe de Primel. Cette route traversait nécessairement notre territoire.A Kérantour, situé sur une hauteur proche, devait se trouver un poste de gué pour surveiller l’accès de cette route par la rivière.Tout cela est d’un intérêt bien limité et nous apprend peu de choses. Mais pour la connaissance de cette époque, nous disposons d’autres moyens d’information. Cette période de l’Histoire romaine est très bien connue tant par les écrits des auteurs latins que par les « études faites à partir de nombreux documents trouvés dans toutes les régions de la Gaule.On sait que cette période comporte deux phases à peu près égales.La première fut un temps de paix à peu près permanent, la fameuse « Paix romaine, « Pax Romana », unique par sa durée dans l’histoire de l’Occident, et sans doute du monde entier.

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La deuxième par contre ne fut qu’une suite presque ininterrompue de guerres et de troubles provoqués par les invasions barbares et qui aboutirent en 476 à la chute de l’empire d’Occident.Les premiers envahisseurs venaient de l’Est de la Gaule, de Germanie principalement. Les seconds venaient par la mer du Nord, de Germanie : Frisons et Saxons qui s’attaquèrent au littoral de la Manche.Nous sommes assez bien renseignés sur les effets de l’occupation romaine dans notre région. Dans le Finistère, 200 communes ont livré des vestiges divers où se reflètent les phases évoquées ci-dessus.A la première correspondent les voies romaines qui sillonnent le pays dans tous les sens. Des traces de quelques centaines de mètres existent encore à Garlan.Des villes furent construites de toutes pièces comme Carhaix qui fut la capitale pendant près de deux siècles de toute la péninsule. D’autres villes prirent un grand développement comme celle dont on a trouvé les ruines très importantes à Plounéventer : cité d’artisans et de commerçants, elle dut être le marché de toute la partie rurale du Finistère.De nombreux autres vestiges témoignent de la prospérité de cette époque : grands domaines agricoles, demeures richement ornées, thermes, temples, théâtres…La deuxième phase a, elle aussi, des traces multiples. C’est à ce moment que fut construite, entre bien d’autres, la forteresse de Morlaix ainsi que les postes de Primel et de Kérantour.Ces constructions faisaient partie d’un système de défense du littoral. C’est à ce moment que le siège de l’administration romaine fut transféré de Carhaix à Brest où des fortifications importantes furent édifiées.Ces mesures tardives ne purent barrer la route aux envahisseurs. Nous avons un témoignage de cette résistance, non loin d’ici, à Locquirec.En 1840, on y découvrit des cercueils contenant des squelettes de soldats romains revêtus de leur armure.Des trésors, monnaies et objets en métal précieux découverts en de nombreux points du département, des bâtiments ruinés, montrent qu’aucune partie du territoire n’échappa au désastre.La population de notre petit coin de terre subit le contrecoup, en bien comme en mal, de tous ces événements.

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C’était des Gaulois et tout ce que nous savons des Gaulois peut leur être appliqué : habitat, modes de cultures, langue -de la famille celtique- apparentée au breton (druidisme).Ils ne devaient pas être très nombreux, 200, 300 tout au plus, éparpillés près des champs qu’ils cultivaient.Pour se faire une idée de l’aspect des lieux à cette époque, il faudrait faire un effort d’imagination, supprimer tous les ouvrages faits de main d’homme existant actuellement : routes et constructions diverses…A la place, il n’y avait que de pistes, des sentiers, quelques constructions assez primitives.On peut penser que la Paix romaine n’apporta pas grand changement à la situation. Comme ils avaient peu de contacts avec les romains, leur langue se maintint sans altération. Le peu d’excédent que leur laissaient leurs exploitations, compte tenu des prélèvements sans doute opérés par les autorités, ne leur permettait pas de profiter dans une large mesure des marchandises que les commerçants et artisans de Plounéventer pouvaient leur offrir.Par contre, les travaux défensifs effectués à Morlaix et à Primel, les morts trouvés à Locquirec montrent qu’ils se trouvaient dans une zone particulièrement exposée aux attaques venues de la mer.Des ravages nombreux durent y être commis. Les pirates arrivés par la rivière pénétraient à l’intérieur et, attaquant par surprise, devaient emporter ce qui leur convenait et, en guise de paiement, massacraient les habitants qui voulaient leur résister. Certains, sans doute, purent se sauver, mais ruinés, leurs bâtiments détruits, ils furent contraints, pour survivre de se rabattre sur des régions jusque là préservées et de pillés, devinrent pillards à leur tour, ce qui contribua à aggraver le désordre, si bien qu’à la fin de cette période le pays se vida presque complètement de ses habitants.C’est ainsi que les Bretons, chassés eux-mêmes de Grande Bretagne par des envahisseurs de même provenance que les pirates purent s’établir sur notre sol autour de l’an 500…Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’ils quittèrent leur pays natal, mais heureux d’avoir échappé à la mort ou à la servitude, ils s’attachèrent vaillamment aux lourdes tâches qui les attendaient dans un pays couvert de ruines et aux terres retournées en friche.

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Ils étaient chrétiens et leurs migrations furent souvent organisées et dirigées par leurs chefs religieux dont ils firent plus tard des saints pour marquer leur gratitude à leur égard.Ils trouvèrent ici un asile sûr et depuis le pays fut peuplé de leurs descendants dont nous sommes, pour une certaine part tout au moins. Leur vie y fut-elle toujours heureuse et facile. La suite de leur histoire nous le dira.

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Chapitre VII

Au secteur du bourg, Frérie de Kérilis, étaient rattachés les domaines de Kéranroux et de Kérédern dont les terres aboutissaient presque au pied du clocher, deux domaines différents à bien des égards.Du vieux Kérédern, il ne reste presque rien. Et des familles nobles qui y habitèrent, s’il reste encore des descendants, aucun souvenir n’en est demeuré chez nous.Et pourtant, il y avait là deux ou peut-être trois maisons nobles, à en juger par les quelques documents d’archives qui en font mention. Ils devaient être de petite noblesse, les seigneurs de Kérédern et leurs demeures très modestes puisqu’elles ont disparu.On sait q’en 1427, 50 ans avant la naissance d’Anne de Bretagne, et plus tard en 1540, 26 ans après sa mort, une famille de Penhoadic y avait sa résidence.A une autre famille de Kérédern appartenait Maurice Guilhouzou qui fut maire de Morlaix en 1678.Au 18ème siècle, leur bien se transmit aux Denis de Trobriand dont un membre, officier de marine, se signala dans la lutte contre les Anglais au temps de Louis XV.Un autre descendant du précédent fut « aide de camp » du maréchal Davout, prince d’Eckmül qui parle élogieusement de lui dans ses mémoires.Les membres d’une famille de Carné, sans parenté avec les précédents, avaient aussi le titre de seigneurs de Kérédern. Une fille de ce nom se maria en l’église de Ploujean le 9 mai 1719.De Kérédern, il ne reste aucune trace dans le présent et peu de renseignements sur le passé.Il n’en va pas de même de Kéranroux.Les lieux n’ont pas subi de changements appréciables et nous connaissons à peu près toutes les familles qui s’y succédèrent pendant près de 8 siècles.Le domaine qui fut sans doute de tout temps le domaine le plus vaste des terres nobles de Ploujean garde encore à peu près intact son mur de clôture. Le bois lui-même est, dans l’ensemble, tel que l’ont connu les plus âgés d’entre nous.Le château a été bâti en 1773. Il remplaçait un manoir du même type sans doute que les autres de la commune devenus maisons de ferme. La chapelle

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fut construite entre 1839 et 1843. La première pierre et les fondations de cette chapelle consacrée au « Saint Cœur de Marie » furent bénies le vendredi 22 mars 1839 par Mgr de Poulpiquet, alors évêque de Quimper, en présence, mentionne le procès verbal « de monseigneur le général comte de la Fruglaye et de Melle Maria de la Fruglaye , sa fille ». On peut voir encore, répartis dans le bois, des constructions ou des vestiges de constructions bien plus anciennes. Un pigeonnier, le seul qui subsiste à Ploujean présente une maçonnerie à peu près intacte.Par contre l’ancien moulin n’a laissé que quelques soubassements. Les ruines d’une chapelle subsistent encore dans un autre coin du bois. Cette chapelle, dédiée à N.D. de la Clarté était très vénérée des marins.A proximité, se trouvait une tombe portant sur sa dalle le gisant d’un chevalier équipé à la mode du temps de Louis XIII. Ce gisant a été transporté depuis, près de la chapelle du château.Quels furent, à travers les âges, les maîtres des lieux ? Le plus ancien qui soit connu est Yvon de Kéranroux qui, en 1301, était garde de la forêt de Cuburien pour Henri V, comte de Léon. Ce nom de Cuburien se retrouve encore près de 700 ans après, associé à celui de St François, situé sur l’autre rive de la rivière.A partir de 1543, Kéranroux passe à Alain de la Forest et jusqu’à nos jours, resta sans interruption dans cette famille soit par succession directe, soit par héritage à des collatéraux ou par donation.En 1769, le domaine devint la propriété de François Gabriel de la Fruglaye, dans des circonstances qui valent qu’on s’y arrête car nous rencontrons là un des ancêtres de Madame de Beaufort que plusieurs d’entre nous ont connue.Kéranroux ainsi que toutes les fermes qui en dépendaient fut donné à M. Gabriel de la Fruglaye par une demoiselle Claude du Parc . Celle-ci l’avait hérité de son neveu, François Gabriel du Parc, marquis de Guérande qui, à la faveur de divers héritages posséda un patrimoine immense mais mourut prématurément.Claude du Parc vivait à Morlaix, à peu près sans ressources et fut secourue à différentes reprises par Mme de la Fruglaye. La donation fut la marque de sa reconnaissance.Mme de la Fruglaye, née Sophie de Caradeuc de la Chalotais était la fille du procureur général du Parlement de Bretagne, bien connu de ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Province.

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Celui-ci s’était rendu célèbre par la résistance qu’il opposa au duc d’Aiguillon qui réclamait au Parlement, pour le roi Louis XV, des impôts jugés excessifs.Son attitude fut durement sanctionnée. Il fut enfermé à la Bastille puis au Château du Taureau et exilé dans le Sud-ouest de la France. Il ne recouvra sa liberté qu’à l’avènement de Louis XVI en 1774.C’est François Gabriel de la Fruglaye, son gendre, qui fit construire le château actuel, l’année précédente.Son fils, Charles Emile né en 1766, fut pendant longtemps maître de Kéranroux. Il fut d’abord officier de dragons puis émigra à la Révolution en 1792. Il rentra en France en 1802.Il s’occupa de recherches minéralogiques et à l’aide d’un mécanisme de son invention, actionné par la roue du moulin, il avait scié et poli les belles pierres qu’il avait découvertes pour orner la chapelle qu’il avait fait construire.Il transforma en prairie la portion du lit de la rivière qui en fut détachée lorsqu’elle fut canalisée et bordée d’une chaussée peu après 1772.C’est lui aussi qui fit ériger la haute croix de l’ancien cimetière. Il mourut en 1840, âgé de 83 ans, maire de Ploujean et député du Finistère.Il eut deux filles : Sophie et Marie la cadette. Celle-ci se voua à la dévotion et aux bonnes œuvres, restaura en 1834 l’ancien couvent de Cuburien et y installa des religieuses hospitalières.Sophie épousa le général de Champagny. Ils eurent deux fils : Paul et Henri.Paul sera propriétaire du domaine de 1863 à 1898.Il créa la ferme de Roz-ar-Méné dotée d’un cheptel sélectionné et d’un équipement conforme aux meilleures techniques de l’époque. A sa mort, en 1898, M. et Mme de Beaufort vinrent s’établir à Kéranroux dont ils avaient hérité. Mme de Beaufort, fille d’Henri de Champagny était la nièce de Paul mort sans enfant.Ils eurent trois enfants, une fille et deux garçons dont aucun ne se maria. La fille Louise mourut en 1923 âgée de 37 ans. Les deux fils furent tués à la guerre de 1914/18, Jean le 22 août 1914 à Maissin en Belgique, à l’âge de 26 ans, Xavier le 4 mai 1916 à Verdun, à l’âge de 25 ans. Leur sœur, Louise, bien connue des anciens de la paroisse de Ploujean pour le catéchisme qu’elle faisait dans la chapelle de Kéranroux, mourut en 1923. Elle aurait dû être la marraine de M. Xavier de Couessin

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La générosité de M. et Mme de Beaufort, et les malheurs qui les avaient frappés, avaient attiré la vénération et l’estime de l’ensemble de la population.Leur bois était ouvert à tous. Les fermiers lorsqu’ils se rendaient à pied à Morlaix passaient par le bois. Non seulement leur chemin s’en trouvait abrégé, mais l’agrément du cadre, l’ombrage dispensé par les arbres, réduisaient la fatigue.Les garçons du bourg trouvaient dans le bois des conditions idéales pour occuper leurs loisirs, conditions qu’aucun parc public avec ses règlements et ses interdits n’aurait pu leur procurer. Cinquante ou soixante après, ils en gardent un souvenir nostalgique.Tous les ans, les paroissiens se rendaient en procession à la chapelle du château pour les Rogations, le second dimanche du Saint-Sacrement et le 15 août.La dernière procession eut lieu le 15 août 1932. Mme de Beaufort mourut alors que les fidèles se trouvaient à la chapelle. M. de Beaufort mourut deux ans plus tard, le 22 novembre 1934. Il avait 78 ans.L’actuel propriétaire, M. de Couessin a conservé les belles traditions d’accueil de ses prédécesseurs.Qu’adviendra-t-il de Kéranroux ? Il serait souhaitable que le domaine qui a déjà subi quelques atteintes soit préservé !C’est un témoin du passé, de ces choses auxquelles on accorde de plus en plus de prix et il contribue à donner à Ploujean un charme qui contrebalance les effets d’in modernisme envahissant.

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Chapitre VIIILa Frérie qui fait suite à celle de Keroc’hiou s’appelait Frérie de Trégoneiz, du nom de la colline qui en constituait l’élément le plus caractéristique.Ce nom est actuellement oublié et on désigne les mêmes lieux par le terme de « Méné », forme trégoroise de Menez qui signifie « montagne », montagne à la mode de Bretagne, bien sûr. Comme les deux secteurs précédents, et ce sera le cas pour la plupart des autres, celui-ci est limité de trois côtés par des rivières : la rivière de Morlaix à l’Ouest, le ruisseau de l’Armorique au Sud et au Nord par un maigre ruisselet provenant du voisinage de Kersuté et aboutissant au bras de mer dit autrefois « étang de Suscinio ».Comme les autres aussi, ce secteur est raccordé par sa quatrième face au plateau central.Le Méné avait surgi lors du plissement hercynien qui, il y a plusieurs millions d’années, donna naissance au Massif armoricain.Il fut soumis pendant des temps géologiques à l’action de puissantes forces d’érosion ; glaciation, pluies, vents, et sa hauteur n’est plus que de 72 mètres alors qu’elle devait être de plusieurs centaines de mètres à l’origine.Les argiles provenant de la décomposition de ces roches granitiques vinrent se déposer dans la dépression voisine formant le plateau qui constitue la plus grande partie de notre territoire.Le « Méné » fut occupé par les hommes de la préhistoire et de l’âge des métaux. On en a confirmation par les installations diverses, souterrains, murettes, encore partiellement visibles au début du 20ème siècle ainsi que par les pierres taillées ou polies, les fragments de poterie qui s’y trouvaient et surtout par la cachette de Fondor découverte en 1870 près de la ferme de Coadesq comprenant une douzaine de haches en bronze à douille ou à talon et une pointe de lance ornée en pointillé sur la lame et autour des trous des rivets.Les Bretons qui, refoulés de l’île de Bretagne par les invasions des Angles et des Saxons, vinrent se réfugier ici au début des 5èmè et 6ème siècle, eurent de bonne heure à s’inquiéter des envahisseurs venant par mer. Les trouées présentées par les vallons offraient des voies de pénétration par l’intérieur et demandaient une surveillance attentive. C’est pourquoi des ouvrages défensifs furent établis dans le voisinage du débouché des ruisseaux, ouvrages qui, de transformation en transformation ont abouti aux

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manoirs que nous trouvons encore sur leurs emplacements, plus ou moins épargnés par le temps.Le manoir de l’Armorique datant du 16ème siècle, partiellement ruiné, fut transformé en ferme. Il a été récemment restauré et de ses imposants vestiges, par des aménagements bien conçus, on a su faire une plaisante demeure.La terre noble de l’Armorique fut pendant longtemps la plus importante de la paroisse. Ses seigneurs avaient le droit de meute, de basse et moyenne justice et la charge de prévôt de Morlaix.Le plus ancien que l’on connaisse, un Jouhan de Dinan avait épousé une sœur du connétable Duguesclin. Ce dernier, né vers 1380 mourut en 1380, précisions qui permettent de se situer dans le temps. Les archives ont conservé les noms de la plupart de ses successeurs L’un d’eux, Yves de Goesbriant, fut capitaine de Morlaix en 1558. C’est probablement lui qui fit construire le manoir partiellement rénové. Ses armoiries figuraient dans le grand vitrail de l’église qui fut détruit à la Révolution.Auprès du manoir, un château avec tourelles fut édifié en 1892. Le manoir de Suscinio, à l’autre extrémité de la Frérie date du 17ème siècle. Il a conservé à peu près tous ses éléments d’origine auxquels s’est ajoutée vers 1925 une construction flanquée d’une tourelle qui s’harmonisa avec le reste permettant de qualifier l’ensemble de « type délicieux de gentilhommière bretonne » selon l’expression de Louis Le Guennec.On connaît à peu près tous les possesseurs des lieux depuis 1661 jusqu’à nos jours.Le premier d’entre eux, Jules Bellin de la Fruitais fut probablement le constructeur du manoir. Cela ne fait pas de doute pour la chapelle dont une pièce d’archives nous fait savoir qu’elle fut bénite le 19 mai 1661 par le recteur de la paroisse «  noble messire Jean du Parc ».A la Révolution, le châtelain, un nommé Plousquellec de Kerprovost, émigra et le domaine fut saisi comme bien national.Il fut alors acquis par le célèbre corsaire Charles Cornic qui y passa la plus grande partie de ses vieux jours.Cornic était né à Morlaix en 1731, sous louis XV et y mourut en 1809, sous Napoléon Ier. Il fit une carrière glorieuse dans la Marine et infligea de cuisantes défaites aux Anglais.Resté très actif au temps de sa retraite, il effectua différents travaux destinés à améliorer la navigation dans la rivière de Morlaix. C’est lui qui

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fit construire le bâtiment aux structures de fortin, voisin du café du bas de la rivière.Le manoir resta dans la famille pendant plus de 100 ans. Au début du 20ème

siècle, il était habité par une de ses petites-nièces, Mme Alexandre, veuve de Charles Alexandre, écrivain morlaisien qui fut secrétaire de Lamartine en 1848 et député à l’Assemblée nationale qui devait organiser le gouvernement de la IIème République.Une famille de la Rocques s’y trouvait dans les années 1920-1930.La propriété fut ensuit vendue à un marchand de bois qui fit abattre tous les arbres du domaine à l’exception des hêtres de l’avenue menant à l’entrée du château. Ces hêtres devaient connaître le même sort quelques années plus tard.Cette destruction ne fut sans doute pas appréciée des corbeaux qui, à l’époque, fréquentaient encore ces parages et avaient bâti leurs nids dans les arbres du bois par centaines, sinon par milliers, trouvant là un calme propice à leur repos nocturne et à la réussite de leurs couvées. Depuis, le bois a repoussé et le Méné a retrouvé sa belle parure végétale.Le château fut acquis ensuite par un homme qui, comme Cornic, a laissé un nom dans l’histoire de la Marine, non dans la marine de guerre, mais dans la marine de commerce : Georges Philippart dont un paquebot qui portait son nom fit naufrage en 1930.Parmi les nombreuses victimes, se trouvait Albert Londres qui, à une époque où pourtant on était moins porté sur les superlatifs, était qualifié de « roi des reporters ».A la mort de Georges Philippart, le domaine fut acheté par la ville de Morlaix pour y établir le Lycée agricole où la première rentrée eut lieu en 1968.Deux ou trois autres maisons nobles du voisinage portaient aussi le nom de Suscinio. Les archives ont conservé le nom de la plupart de leurs possesseurs parmi lesquels on peut relever celui de Vincent Nouel de Suscinio dont la femme, née Marie de l’Estang, fut enterrée dans l’église de Ploujean le 5novembre 1680. les bâtiments furent transformés en ferme et seuls quelques détails de construction rappellent leur qualité de demeure seigneuriale.Situé également sur le territoire de la Frérie, mais plus éloigné de la mer, le château de Cosquérou, de construction plus récente a remplacé des manoirs disparus car on sait que les seigneurs avaient là leurs domaines dans des

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temps lointains : des Richard en 1427, des Estienne vers 1460, un Jehan de la Forest en 1503, un Denis de Trébriant qui mourut en 1725…Sur le flanc Ouest, le domaine de Poulhalec « le manoir aux saules », fut construit par la famille Cloarec dont deux membres furent maires de Ploujean : Paul et Henri, et l’un d’eux député du Finistère.Le bras de mer situé au Nord du Méné fut utilisé longtemps pour faire tourner un moulin. Une retenue fut réalisée par la construction d’un barrage qui ne laissait qu’un étroit passage du côté opposé au Méné par où la mer pouvait y pénétrer et où la retenait une vanne mise en place à marée haute. En s’écoulant ensuite par un étroit conduit, elle faisait tourner la roue du moulin. Le moulin existait encore vers les années 1920-30 et avait fonctionné jusqu’à la guerre 1914-18.Entre le Bas de la rivière et la rivière du Dourduff, le petit train parcourait sa dernière étape sur le territoire ploujeannais. Pour construire la voie, on dut édifier un mur du côté de la mer qui jusque-là venait battre le pied du Méné. La ligne occupait la totalité de l’espace intermédiaire. Elle franchisait l’embouchure de la rivière du Dourduff sur un pont qui fut construit à cette seule fin, le passage des piétons y était à peine toléré.Durant l’occupation allemande, un poste de défense contre avions (D.C.A.) fut établi au sommet du Méné. De solides blockhaus, enfoncés dans la masse du roc en garderont longtemps le souvenir, mais de nos jours notre Méné connaît un destin plus pacifique.De plaisantes demeures s’y sont édifiées et l’on souhaite que tous leurs occupants y trouvent leur « baradozic », « petit paradis » comme l’un d’entre eux qui, par ce mot, dont il a baptisé sa demeure, exprime la parfaite satisfaction, la « béatitude » qu’elle lui procure…

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Chapitre IX

Dans ce chapitre, nous engloberons deux « Fréries », celle de Kerbaul et celle de Poulhoat dont les limites respectives ne sont pas nettement définies.Leur territoire est compris dans un triangle formé, au Nord par la rivière du Dourduff, vers l’Est par la route de Morlaix à Plougasnou, à l’Ouest par le ruisseau de Kersuté qui, prenant sa source non loin du terrain d’aviation, va aboutir au fond du bras de mer appelé communément « étang de Suscinio ».Le Dourduff (en breton : dour du : eau noire) ne borde le secteur que sur une partie de son cours, du Dourduff en mer au Dourduff en terre, formant un long estuaire où pénètre la marée.Alors que la rivière de Morlaix est commune avec le Léon, avec le Dourduff nous pénétrons en territoire purement trégorois.Cette rivière prend sa source à Plouigneau, à quelques km du bourg et coupe, d’est en Ouest le Trégor finistérien, dit aussi « petit Trégor », traversant les communes de Plouégat-Guerrand et de Garlan et formant frontière entre Ploujean et Plouezoc’h à partir du hameau de Traon-Nevez situé en bordure de la route de Lanmeur.A chaque extrémité du bras de mer, soit au Dourduff en terre et en bordure de l’étang de Suscinio, de petits quais, en bonne maçonnerie, permettaient le débarquement de sable et de goémon que les cultivateurs venaient prendre avec leur charrette par les chemins y aboutissant. Ce sont les seuls ouvrages très portuaires qui y ont été réalisés.Il aurait pu en être autrement. Vers 1732, un projet très élaboré fut présenté à Louis XV en vue d’établir dans l’embouchure de la rivière un port de guerre et un arsenal qui auraient pu rivaliser avec ceux de Brest. Les arguments invoqués, malgré leur pertinence, n’emportèrent pas la décision du roi qui, à l’époque, avait d’autres emplois pour ses finances. Grâce à quoi le secteur a été préservé et nous pouvons y trouver bien des souvenirs du passé.La Frérie de Kerbaul, à l’Ouest comprenait deux hameaux, celui de Kerbaul et celui de Kersuté.Kerbaul qui groupait une dizaine de « feux » doit sans doute son nom à une chapelle dédiée à saint Paul dont il ne reste aucune trace.

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Des ossements humains trouvés sur les lieux semblent indiquer qu’il y eut là un cimetière et un lieu de culte, l’un n’allant pas sans l’autre autrefois.Il est certain qu’une communauté chrétienne y existait dès les premiers temps de l’immigration bretonne. On y trouve en effet une croix de type mérovingien. Bien qu’aucune datation précise ne soit possible, on peut lui attribuer une ancienneté de 13 à 14 siècles. Elle serait le plus ancien témoignage du culte chrétien à Ploujean et un des plus anciens de Bretagne.Faite d’une seule pierre, elle a une hauteur de 97 cm et une envergure de 85 cm Elle est dressée sur une pierre brute contre le bas d’un talus à l’entrée du village. Des vestiges encore plus lointains ont été découverts dans les parages : deux haches de pierre polie datant des hommes du néolithique, les premiers défricheurs de notre sol. Des restes de travaux défensifs, levées de terre formant enceinte, attestent qu’ici aussi, comme en d’autres points du rivage, il fallut se prémunir contre des attaques venues par mer.Le manoir qui abrita les seigneurs qui eurent par la suite la charge de la défense des lieux est partiellement conservé et son nom de Tourellou rappelle les tourelles de guet dont il était muni.Peu de noms sont restés attachés à ce domaine. On sait qu’une des fermes i appartenait aux Calloët de Lannidy et qu’une autre fut saisie comme bien national en 1792 sur une Communauté de religieuses de l’ordre des Minimes et achetée par Mathurin Cornic, frère du corsaire.L’autre partie de la Frérie de Kerbaul est constituée par un gros hameau comprenant les fermes de Kersuté, Pradennou, Kerdudé et Tréanton.Du manoir de Kersuté, principal édifice du hameau, il ne reste que le corps du bâtiment d’habitation aux amples proportions, bien caractéristiques des manoirs bretons de cette époque ainsi que quelques dépendances.On connaît le nom d’un bon nombre des seigneurs qui l’habitèrent. En 1446 une dame Aliette de Keresdudé, en 1529 François de la Bouessière, chevalier de Malte, en 1549 un membre de la famille de Kersulguen, en 1787, peu avant la révolution, Charles Marie de la Grandière, chef d’escadre qui commandait la Marine de Brest. Son fils aîné fut tué dans les Indes en 1782 et un autre mourut au Cap de Bonne Espérance en revenant de la recherche de « la Pérouse ». Le moulin seigneurial a disparu. Le souvenir en est conservé dans le nom d’une ferme « Coz-vilin » ce qui signifie « Vieux moulin »On a gardé aussi le souvenir d’une chapelle qui paraît avoir été dédiée à saint Antoine et

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devait être le lieu de culte du hameau d’où le nom de « Tréanton » : trêve ou petite paroisse d’Antoine.Une fontaine existait près de la chapelle ainsi qu’il était fréquent autrefois. Deux petites croix de pierre ont été conservées, provenant sans doute de la chapelle ou de la fontaine. Se rapportant à des temps plus lointains, une hache en pierre polie fut découverte lors de l’arasement d’un talus et n’a pas eu meilleur sort que les deux haches de Kerbaul. Prêtées pour des expositions scolaires, elles ne sont jamais revenues à leur point de départ.La Frérie de Poulhouet, ou Poulhouat, comprenait, outre quelques lieux-dits de médiocre importance, les domaines de Kéryvon et de Kérantour situés à chacune de ses extrémités. Poulhoat doit à sa situation médiane d’avoir donné son nom à la Frérie. La ferme, actuellement en ruines, succéda sans doute à un manoir, sans en avoir gardé un seul élément. C’était une terre noble ainsi qu’on peut le déduire du titre de « sieur de Poulhoat » que portait un certain Barnabé Godet, contrôleur des Droits à Morlaix qui signa, en qualité de parrain, un acte de baptême en 1708.Plus important fut le rôle tenu dans l’Histoire par Kérantour. Son nom vient d’une tour féodale qui dominait le passage qui s’était établi au fond du bras de mer du Dourduff, au premier gué de la rivière où les Romains construisirent un pont par où passait la voie reliant les ports militaires de Morlaix et de Primel. Cette voie suivait le tracé de la piste utilisée par les peuplades primitives pour leurs déplacements d’Est en Ouest. Cette tour succéda à différents postes de guet qui permettaient de surveiller à la fois la route et la rivière, celle-ci offrant un moyen de pénétration trop souvent utilisé par les pirates pour leurs raids dévastateurs dans la campagne environnante.Vers 1908, à l’époque où écrivait Louis Le Guennec, des vestiges de murailles étaient encore visibles. Les archives mentionnent le mariage en 1240 d’une Louise de Kérantour, dernière du nom, avec Grallon, seigneur de Gouesbriant. Au 16ème siècle, un autre de Gouesbriant, seigneur de l’Armorique fit l’acquisition du domaine et annexa le droit de basse, moyenne et haute justice qui y était attaché. C’est à cette époque, sans doute, que commença le déclin du château et que les pierres en provenant furent utilisées pour la construction d’une ferme.La date de 1662, gravée dans la pierre, au-dessus de la porte de l’ancienne maison d’habitation de la ferme semble en faire foi.

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Le manoir de Kéryvon, à l’autre extrémité de la Frérie, a connu un destin plus heureux. Datant sans doute du 16ème siècle, à en juger par son style, il a conservé l’essentiel de ses bâtiments et jusqu’à son jardin et ses hauts murs. Malgré la disparition de sa tour et de ses tourelles, il a gardé fière allure. La restauration qui vient d’en être faite lui donne l’assurance de durer encore longtemps.Des archives nous apprennent qu’un jean Guillosou en fut possesseur avant 1544. Au 17ème siècle, il appartenait à la famille Nouël de Penland. Les seigneurs qui l’habitaient à la Révolution, dont Le Guennec n’indique pas le nom, émigrèrent et ne revinrent jamais.C’est alors que le manoir fut transformé en ferme, situation qui se maintint jusqu’en 1979, soit près de 100 ans.Avant de partir pour l’exil, les châtelains avaient caché des objets précieux dans un bois, non loin d’un sentier descendant à la rivière. Vers 1898, des Anglais, munis de papiers leur donnant tout renseignement utile, explorèrent les lieux pendant 2 ou 3 jours, puis disparurent discrètement, emportant sans doute le trésor. Ils ne laissèrent après eux qu’une cavité cubique revêtue de dalles encore visibles vers 1920. Les fermiers se rappelèrent alors que lorsqu’ils abattaient du bois à proximité, le sol sonnait creux. Croyant qu’il s’agissait d’un simple terrier, ils n’eurent pas la curiosité d’en savoir davantage, ce qu’ils regrettèrent amèrement par la suite.Le secteur que nous venons d’évoquer est, dans sa face donnant sur le Dourduff, le coin de Ploujean où les transformations ont le moins sévi. Les bords de la rivière, des deux côtés qui ne sont desservis par aucune route, sont restés en l’état où les connurent les plus anciens occupants, tels aussi que purent les voir les Romains et tous les autres visiteurs plus ou moins bien intentionnés qui empruntèrent cette voie pour aboutir sur notre sol : site à recommander à tout amateur du passé conservé à l’état pur.

Chapitre X

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La Frérie de Kerdanot occupait un territoire compris entre la route de Plougasnou et celle de Lanmeuret. Elle était limitée au Nord par une partie de la rivière du Dourduff formant frontière avec Plouezoc’h depuis Le Dourduff en terre jusqu’aux environs de Traon-Nevez. Au Sud, elle aboutissait au voisinage du terrain d’aviation actuel.Ce secteur se distingue de ceux que nous avons pu voir précédemment par son éloignement de la mer. La marée n’y pénètre plus et o, n’y trouve pas les larges bras de mer qui rendaient difficiles les communications entre les deux rives, si bien que les populations restaient étrangères les unes aux autres.Ici les rives se rapprochent et les relations entre les populations des deux paroisses étaient du même type que celles qui s’entretenaient, en général, de village en village, se traduisant bien souvent par des mariages, entraînant des échanges de population dont on retrouve les traces dans les vieux registres.Autre conséquence de l’éloignement de la mer : la distance réduisant les périls, les manoirs qui le plus souvent avaient succédé à des ouvrages défensifs sont moins nombreux, mais la caractéristique principale du secteur était le grand nombre de moulins qui s’échelonnaient le long du Dourduff dont le cours n’était plus contrarié par la marée.Sur cette portion de la rivière longue d’environ 3 km, on ne comptait pas moins de 7 moulins dont 5 sur la rive ploujeannaise et 2 en Plouezoc’h.Sur les 5 moulins de Ploujean, 4 n’ont guère laissé de nom : Milin Kernoter, Milin C’houen, Milin Kleurat, Milin Coat-Morvan. De celui de Kleurat, des pierres subsistent que l’on peut encore situer. Elles ont retrouvé l’élément liquide, ou au moins son voisinage, dans une bâtisse située sur le quai de Tréguier, à Morlaix, à l’entrée de la rue Tristan Corbière.Seul s’est conservé à peu près intact, Milin Koz « Vieux moulin », situé à quelques centaines de mètres de la route de Lanmeur. Sur une des poutres est gravée la date de 1720. Ce moulin a don plus de 250 ans. Bien restauré par ses propriétaires actuels, il est en mesure de braver encore bien des siècles.Les manoirs étaient au nombre de 4 : Kerdanot, Coatmorvan, La Villeneuve, Traonfeunteuniou.

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Du manoir de Kerdanot, il ne subsiste que quelques pierres qui ont été utilisées dans la construction de la ferme actuelle. On connaît les noms de quelques-uns de ses occupants qui, en leur temps, furent des personnages considérables : en1550, un Guillaume Nouël, marchand à Morlaix, puis son gendre, Jean Coroller, sieur de Pen al Lan qui fut maire de Morlaix en 1607, sous le règne de Henri IV.Son fils, Yvon, fut également maire de Morlaix en 1641. Le dernier des occupants connus était un Philippe Coroller, sans doute fils du précédent qui, en 1675, sous Louis XIV, était sénéchal du marquis de Guerrand.Coatmorvan est le seul des manoirs à avoir conservé son caractère seigneurial d’autrefois. C’est une robuste construction avec son escalier extérieur en pierre et un tour surmontée d’un toit en forme de fer de hache. Depuis une date déjà lointaine et jusqu’à ces dernières années, il était en usage d’exploitation agricole.En 1524, 10 ans après la mort d’Anne de Bretagne, il était habité par Nicolas Péron, sieur de Kermorvan, puis lui succédèrent ses fils : Guillaume et Yves. Il fut transmis par alliance à un François de Coat ar Scour et à un Arel. Il fut acquis par la suite par un Ollivier de Lochrist et en 1681 par un du Parc de Kérévot.Du manoir de La Villeneuve, Kernevez en breton, à part le mur de clôture et un jardin, il ne reste que des éléments épars, réemployés dans des constructions plus récentes: portes cintrées, pierres ouvragées, chanfreinées et le tracé d’une allée longue de 500 mètres marquée par quelques arbres. Mais ce manoir devait avoir autrefois une importance que les vestiges apparents ne feraient pas soupçonner. Selon la croyance populaire, un souterrain en partait, aboutissant au Dourduff en mer, ou du moins à la rive ploujeannaise qui lui fait face et révélait un trésor fabuleux qui avait donné lieu au dicton : « Etre ar Guernevez hag an treiz zo a c’huz hag an dall breiz », c’est-à-dire, « entre la Villeneuve et le Dourduff en terre, il y a un trésor caché qu vaut la Bretagne ».L’existence de ce souterrain n’est pas vraiment une légende ; d’après une tradition qui s’est transmise fidèlement, il y a une centaine d’années, un veau disparut dans une excavation et on le retrouva du côté du Dourduff…Récemment, des recherches ont été faites et, sur les indications d’un radiesthésiste opérant à l’aide d’un pendule, des fouilles ont été entreprises qui ont permis de découvrir trois marches descendant dans le sol. Au-delà on ne trouve que de la pierraille apportée là pour boucher le souterrain. Les

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recherches qui représentaient un travail trop considérable ont été abandonnées momentanément. Les réactions du pendule dans le voisinage de l’excavation donneraient à penser qu’il y avait trois souterrains divergeant du même point. Quand ? Pourquoi ? Dans quel but ces souterrains ont-ils été creusés ? Rien ne permet de le dire, au moins dans le cadre actuel de nos connaissances.Sans doute furent-ils creusés bien avant que le manoir ne fut habité par une lignée de Blonsart dont le premier connu fut un Nicolas qui, en 1609, épousa Marie Le Dourgy, dame de Lambezre. Un de ses fils, François, fut maire de Morlaix en 1657 et mourut à la Villeneuve en 1691.La 4ème demeure seigneuriale de la Frérie était Traonfeunteuniou. Elle est la plus connue et à ce jour, la mieux conservée dans sa version la plus récente. Son nom signifie « Val des fontaines ». Il vient des sources qui jaillissaient dans le voisinage et formaient un ruisseau qui aboutit à la rivière du Dourduff.Le château actuel date du 18ème siècle. D’autres constructions le précédèrent certainement car on sait qu’il y eut là une demeure noble depuis une époque reculée. Une chapelle dédiée à Notre dame du Bon Secours s’élevait à proximité. Détruite pendant la guerre 1939-45 par les Allemands qui occupaient la propriété, elle a été reconstruite dans un style différent. Dans les abords, il y avait autrefois un moulin dont le souvenir s’est conservé dans le nom d’un bois, « bois du moulin à vent », et un champ : « park ar c’houldri ».En bordure de la route de Plougasnou, face à l’entrée du bois, se dressait une croix « croas ar goat » (croix du lierre) qui disparut lors de la dernière guerre. Non loin de cette croix on découvrit des haches de bronze qui sont exposées au musée de Morlaix.On connaît la suite presque ininterrompue des familles qui possédèrent le domaine depuis 1450, soit 27 ans avant la naissance d’Anne de Bretagne.La première avait pour chef un Mériadec de Guiscaznou. Une de ses descendantes, Marie de Guiscaznou, épousa un Philippe de Laforest et le bien resta dans la famille jusqu’en 1761. A cette date, il passa par mariage dans la famille de Trévou dont un descendant mourut le 19 mai 1788. Les enfants de ce dernier émigrèrent lors de la Révolution. L’un d’eux se noya le 22 janvier 1793, lendemain de la mort de Louis XVI, en voulant s’évader du château du Taureau où il avait été capturé lors d’une descente sur les côtes françaises. Un de ses frères fut fusillé à Auray après le débarquement

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des troupes royales à Quiberon en 1796. Un autre se fit rayer de la liste des émigrés et recouvra ses biens, sous l’Empire.Dans la seconde moitié du 19ème siècle, Traonfeunteuniou appartient à la famille Tixier Desmas de Saint Prix alliée à la famille De Jaille. Leur tombe se trouve au cimetière de Ploujean, près de la croix centrale.Au début du 20ème siècle, la propriété fut acquise par le futur maréchal Foch et reste dans la famille jusqu’en 1983.Foch fait partie de notre Histoire nationale et de nombreuses études lui ont été consacrées. On se bornera ici à rappeler quelques-uns uns des faits marquants de son existence.IlL naquit à Tarbes (Hautes Pyrénées) en 1851.Il fut pendant longtemps en garnison à Saint Brieuc où une rue porte son nom. C’est à cette époque qu’il «épousa une demoiselle Bienvenue, une bretonne, ce qui fut à l’origine de son attachement pour la Bretagne et de son désir d’y avoir une résidence.

En 1914, il commandait le 20ème Corps d’armée à Nancy. Comme le 19 juillet de cette année, il était venu à Ploujean passer ses congés, on pensait que les rumeurs de guerre provoquées par l’assassinat de l’archiduc, héritier d’Autriche à Sarajevo, étaient sans fondement, mais dès le 26 juillet, un télégramme le rappelait en urgence à Nancy.

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Foch eut un rôle déterminant dans la première victoire de la Marne et sa compétence, qui se confirma par la suite, l’imposa au choix des Alliés quand il fut question de créer un commandement unique des armées. Le 28 mars 1918, il fut investi du commandement suprême, et, en quelques mois, il mena ses troupes à la Victoire. Le 11 novembre 1918, dans le fameux wagon de l’Armistice, à Rethondes, il recevait la capitulation de l’Allemagne.Après la guerre, il revint tous les étés à Ploujean et les plus anciens d’entre nous se souviennent encore de l’avoir vu le dimanche à la grand-messe à laquelle il assistait régulièrement. Il mourut en 1929 et fut inhumé aux Invalides.Actuellement sa famille a rompu presque totalement ses attaches avec Ploujean. Il ne reste, pour matérialiser son souvenir, que son banc à l’église et son monument qui fut inauguré en 1933 par le général Weygand. A la messe qui précéda la cérémonie officielle, une allocution fut prononcée par M. Thomas, alors curé de Lannilis mais qui fut recteur de Ploujean après la guerre et qui entretenait avec le maréchal des relations très cordiales. Il était plus qualifié que quiconque pour exalter ses belles qualités morales et ses convictions religieuses.Le secteur que nous venons de parcourir rapidement, comme les précédents, nous fait constater bien des changements survenus, au cours des âges, dans les domaines des choses, des biens et des gens. Un peu du passé nous est apparu, marquant quelques étapes de notre petite histoire. Sachons gré à ceux qui, comme à La Villeneuve et à Milin Koz s’attachent à rechercher et à conserver les témoins de ce passé et aussi à lui redonner un peu de vie.

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Chapitre XI

Le secteur qui fait l’objet du présent chapitre comprenait quatre domaines seigneuriaux : Coat-Morvan, dont il a été question précédemment, Kermoal, Traon-Nevez, Coatgrall. C’est ce dernier qui a donné son nom à la Frérie, en raison sans doute de son importance. Son territoire est limité, à l’Ouest par le terrain d’aviation et le bois de Traonfeunteuniou, à l’Est par le ruisseau qui prenant sa source non loin de la chapelle Ste Geneviève se jette dans la rivière du Dourduff à l’endroit dit « les Trois Vallées » qui doit son nom à sa situation géographique.A part Traon-nevez Bihan, il se trouve donc sur la gauche de la route de Lanmeur quand on vient de Morlaix. Cette route, ouverte il y a100 ans environ, est parallèle au ruisseau et le longe d’assez près par endroit.Situé sur le versant est du plateau central, ce secteur est bien protégé des vents de mer, mais ne fut pas pour autant à l’abri des tempêtes de l’Histoire, à en juger par les événements dont il fut le théâtre.Coatgrall fut le siège d’une importante seigneurerie. Elle possédait en effet le droit de haute, moyenne et basse justice. Le droit de haute justice conférait la pouvoir de prononcer des peines de mort et de les mettre à exécution en pendant les condamnés aux fourches patibulaires dressées, bien en vue, dans une lande du domaine.Le souvenir s’en est conservé dans le nom de « park an justis » donné à cette parcelle de terre. Les fourches patibulaires servirent-elles souvent ? On aimerait à croire qu’elles servirent par leur effet dissuasif…La demeure du seigneur devait être en rapport avec sa qualité, sans doute un manoir du même type que les plus beaux de ceux qui ont été conservés à Ploujean. De la demeure même il ne reste rien. Un bâtiment qui remonterait à cette époque semble avoir été une chapelle ainsi que pourraient le faire penser la hauteur exceptionnelle d’une porte et le travail particulièrement soigné des pierres qui forment l’entourage.Un manteau de cheminée en granit réutilisé dans une construction assez récente porte la date de 1641, surmonté du monogramme du Christ et accompagné des lettres « A.M. » Ces lettres seraient les initiales d’Alain Morvan dont le nom a été donné à une des fermes issues de l’ancien domaine. Une autre porte le nom de Bazile Morvan. Cette pierre provient d’un ancien fournil et &était encore en place dans les années 1930…

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Remontant sans doute aussi au temps des anciens seigneurs, cinq niches aménagées dans un vieux mur : elles sont toutes semblables, hautes de 60 cm environ, longues de 45 et profondes d’autant. La partie supérieure, en forme de toit en deux versants, est formée de deux dalles de schiste s ‘appuyant l’une sur l’autre par leur rebord supérieur. La base est également faite d’une dalle de schiste. D’un type très rare, sinon unique, ces niches servirent à abriter, non des statues de saints, mais des ruches d’abeilles. Elles rappellent le temps où, en Bretagne, se faisait une grande production de miel dont une partie s’expédiait, par le port de Morlaix, vers les Flandres et les Pays-Bas.Des gens qui vécurent en ces lieux, on ne connaît que quelques-uns : au début du 15ème siècle le seigneur en était Jean de Guiscanou, descendant d’une branche cadette de la grande famille de Guizcanou qui avait de nombreuses possessions dans le Tréguier. Son petit-fils, prénommé Jean lui aussi était en 1481 « homme d’armes » du duc François II. En 1488, il prit part à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier où Charles VIII remporte la victoire qui préluda à l’annexion de la Bretagne à la France. En 1489, il était l’un des cent gentilshommes de l’hôtel d’Anne de bretagne. A ce titre, il fit sans doute partie de l’escorte de la duchesse, devenue reine de France, lors de son passage à Ploujean en 1505 pour se rendre en pèlerinage à Saint-Jean-du-Doigt.Vers 1530, le domaine fut vendu à la famille de Laforest de Kéranroux et resta pendant plus de trois siècles en possession de ses descendants. Vers le milieu du 19ème siècle, il fut acquis par les ancêtres du propriétaire actuel.Kermoal, le domaine voisin dut avoir aussi une certaine importance si l’on s’en rapporte à l’aspect du manoir converti en ferme avec ses dépendances au cours du 19ème siècle sous le nom de Kermoal Vras.En 1940, les Allemands en chassèrent les fermiers, utilisant la totalité des terrains pour y faire diverses installations et démolissant les bâtiments situés dans l’axe de la piste pour faciliter l’envol et l’atterrissage de leurs bombardiers.Le manoir était resté à peu près intact jusque là. Seule la tour qui flanquait la façade est avait été arasée au niveau du toit du bâtiment.Cette tour aux larges escaliers de pierre était si haute que, de son sommet, on pouvait apercevoir le Méné-bré, en direction de Guingamp à près de 40 km de distance. Le bâtiment avait grande allure : il était long de 18 mètres et large de 8 environ selon les mesures prises sur le plan cadastral. Les

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murs étaient faits de schiste bleu soigneusement équarri et un encadrement des portes et fenêtres était soigneusement ouvragé. Il semblerait qu’aucune photographie n’en ait été prise qui aurait permis d’en conserver le souvenir.A proximité, l’ancien jardin, le clos selon l’appellation courante, long de 60 mètres et large de 35 environ avait conservé ses hauts murs de clôture. Le fermier en avait fait un verger où 300 pommiers à cidre étaient en plein rapport en 1940. Les murs furent abattus et les pierres, ainsi que celles provenant du bâtiment, furent utilisées par les Allemands pour diverses constructions dans le voisinage. Les fondations du manoir, encore visibles il y a 5 ou 6 ans, sont actuellement envahies par une épaisse broussaille haute de plus de 2 mètres par en droits.Le domaine de Kermoal fut pendant longtemps la possession d’une branche cadette d’une ancienne et illustre famille de Kergournadec’h. Pierre de Kergournadec’h, sieur de Kermoal, figure, tout comme son voisin de Coatgrall, à la « montre » ou revue militaire à Lannion en 1481. Le duc François II se sentant menacé par le roi de France fit alors le recensement et le contrôle de ses troupes en vue d’améliorer leur armement et de les tenir prêtes à entrer en guerre, ce qui ne tarda pas.Ce seigneur devait lui aussi se trouver à Saint-Aubin-du-Cormier. En 1600, par mariage, le domaine passa aux De Toulbadou de Guiffes. Il appartint, par la suite, à la famille Du Parc, dont un membre, Yves du Parc, sieur de Kermoal, fut recteur de Ploujean de 1655 à 1671. Sa signature peut se voir sur les registres paroissiaux de cette époque qui sont conservés à l a mairie. Vers la fin du 17ème siècle le bien fut acquis par Charles Halluin, marchand de toile à Morlaix. On ignore qui en étaient les occupants à la Révolution. Il fut converti en ferme au cours du 19ème siècle.Deux autres fermes qui provenaient du morcellement du domaine en portèrent le nom. Kermoal ar Vuillennou et Kermoal Vian. La première fut totalement rasée pendant la guerre. Les propriétaires de Kermoal Vian, expulsés eux aussi comme leurs voisins, retrouvèrent les bâtiments de leur ferme plus ou moins endommagés et une grande partie de leurs terres avait été rendue inutilisable.En 1932, alors qu’ils procédaient à un arasement de talus, ils firent une trouvaille qui leur causa une vive émotion. Un coup de pioche brisa un pot de terre d’où s’échappèrent plusieurs dizaines de pièces de monnaie : 62 pièces d’or et 3 kilos de pièces d’argent, ce qui, vu la densité de l’argent qui est de 10.5, représente un volume d’environ un tiers de litre.

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Elles portaient les noms des rois de France : François Ier, Henri II, Henri III et ceux et reines d’Espagne de l’époque. Elles furent vendues, à l’exception de quatre données à des collectionneurs amateurs de Morlaix. Le prix qui en fut retiré était assez modique et n’entraîna guère de changement dans la condition de ces cultivateurs.Ces pièces n’étaient ni assez anciennes, ni d’un type assez rare pour atteindre des cotes élevées. Quand et par qui furent-elles enfouies ? Parmi les 4 pièces conservées, 2 au nom d’Henri III portent la date de 1588.On sait que la Bretagne tout entière connut de graves troubles entre 1587 et 1597. Ce furent les guerres de la Ligue mettant aux prises catholiques et protestants, aidés par leurs alliés respectifs, Espagnols et Anglais qui défendaient surtout leurs intérêts nationaux sur notre territoire.Les campagnes étaient sillonnées en permanence par des bandes armées par l’un ou l’autre parti, bandes auxquelles se mêlaient d’authentiques brigands, tel La fontenelle.Les épidémies et la famine qui en furent les conséquences causèrent de grands ravages dans la population. Bien souvent on était contraint de fuir sans toujours y parvenir comme ce fut les cas de celui qui enfouit les pièces découvertes en 1932. Qui était-il ? Sans doute le seigneur de Kermoal de l’époque, sans qu’on puisse en avoir la certitude.Traon-Nevez qui fut aussi le siège d’un seigneurerie, sans doute plus modeste, a été épargné par les événements. On ne connaît qu’un seul de ses possesseurs : Jean Baptiste d’Alençon, dont le nom figure sur un acte de baptême de 1694 sous le titre de seigneur de Traon-nevez.On peut penser qu’il eut comme demeure le manoir qui devint par la suite la maison d’habitation de Traon-nevez Bian qui présente en effet toutes les apparences d’un certain type de manoir breton : le long bâtiment à étage et à petites fenêtres et surtout les trois cheminées qui en étaient la caractéristique principale.Le secteur comprenait avant 1940 une quinzaine d’exploitations dont quelques-unes furent très prospères, mais aucune n’en subsiste. Les terres sont travaillées par des cultivateurs de la commune ou des communes voisines et les bâtiments sont occupés par les anciens fermiers ou transformées en résidences particulières ou en gîtes ruraux.C’est une nouvelle destinée qui commence pour le secteur et l’on souhaite que rien ne vienne l’assombrir.

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Chapitre XIILe présent chapitre va aborder l’étude des Fréries de Trougouar et de Mousterou.La première ne comprenait que deux domaines nobles : Trougouar et Pen an roz. La deuxième en comptait neuf : Mousterou, Créac’h Henvel, Kerozac’h, Coatmenguy, Kergariou, Le Launay, Coatcongoar et Penland.

Ceux qui connaissent le vieux Ploujean n’auront aucu,ne peine à situer le territoire occupé par ces Fréries, territoire qui va du ruisseau de Pen an roz, séparant Ploujean de Garlan, jusqu ‘aux approches du bourg de Ploujean, d’une part et jusqu’à La Madeleine d’autre part. Ces Fréries présentaient la particularité d’être, l’une la plus petite, l’autre la plus grande de la paroisse. Cette différence se reflète dans la place que Louis Le Guennec, dans son livre sur Ploujean, accorde à chacune d’elles : 8 lignes pour Trougouar, 10 pages pour Mousterou…Trougouar doit son nom à sa position géographique. Ce nom est formé de deux mots bretons : Tro est une forme contractée du mot Traon signifiant « Basse terre ou vallon » que l’on trouve également dans Traonfeunteuniou, souvent écrit Trofeunteuniou. Gouer, transformé en Gouar dans la prononciation courante signifie « ruisseau ». Tout près, en effet, circule le ruisseau de Pen an roz.Presque rien ne subsiste du vieux logis seigneurial.Le seul document où apparaisse le nom de Trougouar dans le passé est la publication de mariage, le 6 février 1604, de Mathurin du Val, sieur de Launay et de Lucrèce Quintin, dame de Trougouar.Le nom du domaine voisin, Pen an roz est également composé de deux mots bretons :Pen qui signifie « tête » et au figuré, bout, extrémité ou encore point élevé.Roz qui veut dire « colline », soit donc le haut de la colline ce qui définit bien sa position.Un seul de ses possesseurs d’autrefois nous est connu : Louis Jean Potonnier, sieur de Carpon qui y résidait en 1732.Le nom de Moustérou vient du breton « Mouster » dont il est sans doute le pluriel. Ce mot, qui est l’équivalent du français « moutier », signifie monastère et désigne, le plus souvent de petites communautés de moines.

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Ce terme se retrouve dans beaucoup de noms de lieux souvent sous la forme « Kermouster. » Il conserve le souvenir des moines qui y vécurent, s’adonnant au défrichement des terres, à la prière et assurant aussi, sans doute, le service du culte pour les populations du voisinage souvent éloignées du centre paroissial.Ces monastères furent nombreux en Bretagne dans les siècles qui suivirent l’arrivée des Bretons en Armorique. Ils disparurent pour la plupart lors des invasions normandes au 9ème siècle et ne furent pas rétablis par la suite, du moins dans la même forme.Selon une tradition qui n’est sans doute pas dénuée de fondement, un cimetière aurait existé dans le voisinage de la croix dite de Ste Geneviève. Cette croix se trouve au bord de la route qui passe non loin de la Maison Familiale de Kérozar.Moustérou comprenait deux demeures seigneuriales depuis longtemps transformées en fermes, distinguées par les qualificatifs de Huella et Izella, la plus haute et la plus basse.Mousterou Huella avait un manoir du 16ème siècle avec étage et fenêtres à meneaux et comportait une cour close. Une tourelle ronde abritait l’escalier de pierre menant à l’étage. Le tout était dans un état de grand délabrement jusqu’à ces dernières années.Les propriétaires actuels ont consolidé le bâtiment d’habitation et judicieusement aménagé l’intérieur. Ils durent toutefois sacrifier l’étage dont la remise en état aurait entraîné des frais exorbitants.Le même traitement a été appliqué, avec le même résultat, aux autres bâtiments, anciens eux aussi. Dans l’un d’eux, on pourrait reconnaître le manoir qui précéda celui du 16ème siècle et qui, cas exceptionnel, aurait été conservé au lieu d’être démoli pour servir à la construction du nouveau.On connaît le maître des lieux à certaines dates : en 1381, un nommé Jean Trologat, en 1427 (Jeanne d’Arc avait alors 15 ans) Jehan du Moustérou, en 1566, Guillaume Morcquin qui fut maire de Morlaix.En 1650 le bien fut acheté par un nommé Blanchard et passa ensuite dans d’autres familles par alliance ou par achat.Le vieux manoir Moustérou Izella, à en juger par son aspect plus fruste, devait être antérieur au 16ème siècle.Vers 1930, lors des travaux de consolidation, on démolit l’escalier extérieur en pierre qui conduisait à l’étage. Cette disparition jointe à une restauration

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trop soucieuse d’économie lui a fait perdre à peu près tout caractère de vieux logis.Les seuls possesseurs des lieux que l’on connaisse étaient, vers 1601, « noble François Le Garrec » et en 1680, la famille Rannou.Situé tout près du Moustérou, Créac’hHonvel était aussi un domaine seigneurial. A en juger par les pierres qui forment l’entourage des portes et des fenêtres, la construction du manoir pourrait dater du début du 17ème

siècle. A l’intérieur, on est frappé par la dimension de la cheminée, large de 2,50 mètres et par la hauteur du plafond soutenu par des poutres faites de puissants troncs d’arbre sommairement équarris.Les seigneurs des lieux possédaient le droit de basse et moyenne justice, ce qui les plaçaient à un rang assez élevé dans la hiérarchie nobiliaire.Le plus ancien que l’on connaisse, Jean Mériadec, remplissait vers 1400, des fonctions importantes à la cour du duc de Bretagne, Jean V. Sa famille posséda le domaine jusqu’à son acquisition par les Kervelguen au cours du17ème siècle.La chapelle Ste Geneviève fut construite sur un terrain dépendant de Créac’h-Honvel. Cette chapelle est au cœur d’un vaste secteur dont certains points sont éloignés du bourg. Elle constituait une sorte de relais qui transmettait jusqu’aux confins de la paroisse le rayonnement de l’église.De la chapelle dépendait la haute borne de granit située presque en face de la propriété de Kérozac’h. A sa partie supérieure, elle présente une niche grillagée qui abrite une statue en pierre de sainte Geneviève. Plus bas, une cavité autrefois fermée par une porte de fer recueillait les offrandes des fidèles pèlerins qui allaient pénétrer dans la terre sanctifiée par le voisinage de la chapelle.Tout près de cette borne, une maison coquettement entretenue occupe l’emplacement d’un ancien relais de la diligence qui faisait le service entre Morlaix et Lannion.Kérozac’h, dont l’orthographe actuelle est Kérozar, correspondant à la prononciation des non bretonnants, signifierait «lieu, demeure de l’époux.»En 1540, c’est-à-dire sous François Ier, Kérozac’h appartenait à Jean Quintin dont le fils Alain fut le père de Pierre Quintin (1569-1629). Ce Pierre Quintin, après avoir combattu dans les troupes de la Ligue, se fit dominicain. Il organisa des missions à travers la Bretagne, précédant en cette voie, Dom Michel Le Nobletz et le Père Julien Maunoir. Il contribua avec eux à maintenir et même à restaurer la foi chrétienne fortement

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ébranlée par les guerres de religion à la fin du 16ème siècle. Nous leur sommes redevables, pour une large part, de ce que nous appelons aujourd’hui, la « Foi des Anciens jours », « Feiz hon tadou koz »… De la famille Quintin, le domaine passa à lux Lesbarder. Le dernier des propriétaires avant la Révolution de 1789 était Jean François Guillotou de Kéréver. Il était chevalier de Saint Louis et capitaine au régiment Provence infanterie. Il émigra en Angleterre en 1795, prit part à la descente de Quiberon et fut tué sur la falaise.Les terres de Kérozar furent alors saisies comme « biens nationaux ».Le domaine fut acquis par un De Villers et passa ensuite à la famille Le Briz et, par alliance, au général Le Bon et à ses descendants. Il est actuellement le siège d’une Coopérative agricole.A Coatmenguy, rien ne rappelle que ce fut le siège d’une seigneurerie d’une certaine importance. Depuis longtemps il n’y avait plus là que de petites fermes. De puis la guerre 1939-45, certains bâtiments ont été transformés en maisons d’habitation.En 1465, 12 ans avant la naissance d’Anne de Bretagne, le maître des lieux était un Christian Le Garrec, premier syndic de Morlaix et député aux Etats de Bretagne.L’hôtel de famille qui se trouvait dans la grand-rue de Morlaix fut démoli vers 1900. Par alliance, le domaine passa à la famille de Trogoff vers 1490, puis se transmit aux Kermabon, aux Gueneles, aux Garbé puis aux Guillotou de Kéréver, seigneurs de Kérozac’h.Les seigneurs de Coatmenguy possédaient une chapelle dans l’église Saint Melaine de Morlaix. Elles y avaient leur banc et leurs tombes. Leurs armoiries étaient peintes sur la vitre de cette chapelle.Tout cela était l’indice d’une certaine qualité seigneuriale dont il ne reste aucune trace.Le domaine de Kergariou était compris entre l’actuelle route de Plougasnou et la route de Lanmeur, englobant la presque totalité de l’aérodrome.Le nom de Kergariou lui fut donné, croit-on, au 11ème siècle par le fondateur de cette seigneurerie, surnommé Cariou ou Gariou, parent de Riou, son père, seigneur cornouaillais, portant ce nom.Ce domaine le plus vaste de la Frérie, fut divisé, à une date qu’on ne peut préciser, en 4 fermes toutes d’une contenance supérieure à la moyenne communale.

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La ferme qui dépendait du vieux manoir fut entièrement absorbée, en 1936, par le terrain d’aviation et le manoir ainsi que ses dépendances fut totalement rasé.Des photos prises quelques semaines avant leur destruction et un tableau peint par un descendant de la famille de Kergariou ont permis d’en conserver une bonne représentation visuelle.Le manoir avait été construit en 1564 et avait subi de nombreuses dégradations : l’étage avait été supprimé et la tourelle d’escalier qui flanquait la façade est avait été arasée au niveau du toit. Les murs du jardin avaient été abattus et, de la chapelle, il ne restait aucune trace. Cette chapelle était dédiée à sainte Barbe ainsi que nous l’apprend un texte qui relate le mariage célébré le 21juillet 1665 de Jeanne Lollivier, fille du maître des lieux avec Jacques Penfeunteuniou.En raison de l’importance de la seigneurerie, les noms de ses possesseurs successifs ont été conservés, avec quelques lacunes cependant, depuis le 11ème siècle, date de sa création.Le fondateur, Guillaume de Kergariou, transmit le domaine à son fils Alain d’où il passa au fils de celui-ci prénommé Alain également, et qui nous est connu par une charte du 12ème siècle qui relate une donation faute par lui à l’église de Rennes.En 1248, son descendant, Guillaume de Kergariou participa, aux côtés de l ‘ancien duc de Bretagne, Pierre Mauclère, à la première croisade de saint Louis, ainsi qu’on l’a déjà vu.En 1442, un Philippe de Kergariou fut nommé par le Duc de Bretagne  « Capitaine de Morlaix ».En 1524, le roi François Ier, lors de son passage dans cette ville, accorda à Jean de Kergariou le privilège d’augmenter d’un troisième poteau ses « fourches patibulaires ».Ces fourches s’élevaient dans un champ appelé depuis « Park an Justicou » situé non loin de la Croix Rouge. Au début du 20ème siècle, en aménageant dans ces parages un vélodrome antérieur à celui de Kernéguez, on découvrit 3 blocs de pierre équarris, présentant en leur milieu un trou destiné à recevoir le pied des potences.C’est le fils de ce Jean de Kergariou qui fit construire le manoir détruit en 1936. Le fils de ce dernier, Alexandre de Kergariou fut gouverneur de la ville et du château de Morlaix pendant les troubles de la Ligue.

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IL mourut en 1592 et fut inhumé dans la chapelle Notre Dame, située dans l’ancien cimetière de Ploujean qui fut détruite en 1809. Lors des travaux de démolition, on retrouva la boîte de plomb où son cœur avait été enfermé.Vers 1650, le domaine fut vendu à Yvon Lollivier, seigneur de Lochrist, La Villeneuve et Coat an Frotter, en Lanmeur, époux d’Anne Marie Quintin. C’est le mariage de leur fille qui fut célébré en 1661 dans la chapelle du manoir.En 1675, le domaine fut vendu par un Lollivier à un du Parc, seigneur de Kerverzot et Kéranroux et demeura la propriété des descendants de cette famille jusqu’en 1920.La famille de Kergariou, à la différence de beaucoup d’autres, n’est pas éteinte. Nombreux sont encore de par le monde, ceux qui portent ce nom qui a pris naissance ici il y a bientôt 1000 ans.Dans les bâtiments actuels de Kerfraval, rien n’a conservé le caractère d’un logis seigneurial et les anciens occupants n’ont laissé aucun souvenir à Ploujean.Les archives nous ont conservé quelques noms : une nommée Marguerite Gillouard, fille de Jean et Jeanne de Coatmenguy, dame de Kerfraval, qui épousa vers 1440 un Jean Le Borgne, sieur de Park ar Provost et de Kervidou.Au 17ème siècle, le domaine fut acquis par Le Ségaler de La Villeneuve avant de passer par héritage à une famille Paytours de Kerjean : beaux noms peut-être, mais aujourd’hui bien effacés. Le domaine du Launay est situé à gauche de l’ancienne route de Morlaix à Garlan, dans la section de cette route qui porte le nom de rue de Kerfraval.La propriété, malgré sa faible étendue et la simplicité des bâtiments, offre un charme archaïque qui relève le caractère de ce secteur où l’urbanisation devient de plus en plus envahissante.Elle présente aussi cette particularité d’être habitée en permanence par son propriétaire qui perpétue ainsi une tradition familiale vieille de près de 3 siècles.On a conservé les noms des possesseurs des lieux depuis 1350. En 1701, le domaine fut acquis par Jacques Boudin de Longpré et se transmit à son fils Bernard. Une fille de celui-ci épousa un Provost Douglas de La Boixière, sieur de Boisbilly dont la fille épousa un De Blois de la Calande.

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Le fils de ce dernier, Aymar de Blois est particulièrement connu. Il naquit en 1760 et mourut en 1852, âgé de 92 ans, ayant vu se succéder, en France, une dizaine de régimes différents, de Louis XV à Napoléon III.Il prit part à la guerre d’indépendance de l’Amérique. En 1800, il se trouvait dans la diligence de Morlaix à Quimper où fut assassiné par d’anciens Chouans, Audren, évêque constitutionnel du finistère.A partir de 1825, il se consacra à des études très appréciées sur l’histoire de la Bretagne.Son fils, le général De Blois participa à la guerre de Crimée. L’un et l’autre sont inhumés dans la tombe familiale au cimetière de Ploujean.Par alliance, le domaine passa ensuite à un Bobierre de Vallières dont un petit-fils, Jean est l’actuel propriétaire. Son frère, Joseph mourut le 17 juillet 1940 des suites de blessures reçues au combat, une des victimes un peu trop oubliées peut-être des premiers temps de la guerre 1939-45.Non loin du Launay, se trouve Coatcongar dont le nom évoque le grand bois qui occupait une grande partie de la seigneurerie.La demeure actuelle est une grande bâtisse datant sans doute du premier quart du 19ème siècle. D’une construction antérieure, elle a conservé une porte encadrée de colonnes ioniques surmontées d’un fronton triangulaire. Un puits de style renaissance qui rappelle celui du château de Kerjean garde aussi le souvenir du passé. Quant aux éléments de fortification datant de la fin du 16ème siècle dont le portail de la cour, ils ont été détruits récemment pour faire place à la rocade qui mène du quartier de La Boissière à la route de Paris.Coatcongar, comme on le sait, est aujourd’hui le siège d’un centre de loisirs comprenant terrains de tennis et club hippique.Le nom de Coatcongar est connu depuis une date ancienne. Des archives font mention du seigneur de Coatcongar en 1380, soit au temps de la guerre de cent ans. Son petit-fils, Jean de Coatcongar, figure dans le registre de la Réformation, c’est-à-dire, le contrôle des titres de noblesse, de 1443.Le fils de celui-ci, Yvon de Coatcongar, fut enfermé à la Bastille par Charles VIII pour avoir participé à un complot anglo-breton en 1492 avec un autre seigneur ploujeannais, Nicolas de Coatenlhem.Sous le règne de François Ier, le domaine passa dans la famille Le Chevoir, par le mariage de Françoise de Coatcongar avec Pierre Le Chevoir, seigneur de Coadelan en Prat (Côtes d’Armor).

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Son fils, Guyon Le Chevoir, épousa Renée de Coatlogon qui, restée veuve avec sa fille Marie Le Chevoir, se remaria avec Hervé de Parcevaux, seigneur de Mézarnou en Plounéventer.C’est lors du pillage de ce château en 1596 que La Fontenelle enleva Marie Le Chevoir âgée de 13/14 ans et la fit conduire dans un couvent de Saint-Malo puis l’épousa plus tard.Par ce mariage, il devenait le maître de Coatcongar dont Marie était l’héritière.La Fontenelle avait pris une part très active aux guerres de Religion qui opposaient les partisans du roi Henri IV et les partisans du duc de Mercoeur, et s’était rendu tristement célèbre par sa férocité. La paix revenue, il ne tarda pas à comploter contre Henri IV qui le fit arrêter dans son château de Trébriant en Trémel. Conduit à paris il fut roué en place de Grève en 1602 âgé seulement de 27 ans.Marie Le Chevoir mourut quelques mois plus tard, rongée croit-on par la honte et le chagrin. Coatcongar passa ensuite dans diverses mains. Il fut acquis, dans la première partie du 19ème siècle, par la famille Puyo dont une fille, Angélique, épousa Edouard Corbière, écrivain et armateur, et fut la mère du poète Tristan Corbière qui naquit à Coatcongar en 1845. Après une courte existence tourmentée, Tristan mourut en 1875, totalement inconnu comme écrivain. On lui a rendu justice de puis, de multiples façons.Le propriétaire actuel du domaine est un descendant de la famille Puyo par une ancêtre maternelle.Outre les dix demeures nobles évoquées précédemment, le secteur en comportait deux autres : le Vieux Launay et Penland.Le Vieux Launay, « ar vern goz » en breton, est situ é entre l’avenue de Würselen et le collège Mendès-France.Le manoir, depuis longtemps transformé en ferme, a un aspect bien vétuste et il faut le considérer avec attention pour y reconnaître les marques d’une ancienne demeure noble ; la maison avec étage, la façade de pierres de taille, une grande porte et une fenêtre cintrée, mais surtout les hauts murs qui clôturaient le vaste jardin attenant aux bâtiments et qui sont conservé dans leur plus grande partie.On ne sait rien des seigneurs qui occupaient ces lieux autrefois. Leur histoire s’est peut-être confondue, de bonne heure, avec celle des seigneuries voisines.

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Le château de Penland se trouve un peu plus bas que la Croix-Rouge, presque à la jonction de la vieille route de Paris venant de la Madeleine et de la nouvelle, ancienne nationale 12.Le nom de Penland, « bout extrémité de la lande », lui venait de son emplacement au voisinage de l’immense lande de Langolvas qui faisait partie du domaine.Le logis, vaste construction prolongée par un haut pavillon à toit aigu, ne remonte pas à un passé lointain, mais au début du 19ème siècle apparemment.Plus ancien est certainement le mur de clôture du jardin, sans doute contemporain du premier seigneur et de ses successeurs, dont les archives ont conservé les noms.En 1580, sous Henri III, le domaine, qui appartenait jusque là à la famille de Kergariou, fut vendu à Dama Marie Quettier, veuve de Guillaume Nouël. Il passa ensuite à son fils Jean qui mourut en 1621, puis au fils de celui-ci, Martin Nouël, époux de Marie de Tervignon.Ces derniers vécurent sans doute des moments bien sombres : de leur temps, en effet, la peste sévit dans la région de Morlaix, faisant de nombreuses victimes parmi lesquelles, en 1628, à Penland même, la mère de Marie de Trévignon : Catherine Le Déougael.Le domaine se transmit ensuite par alliance à Tanguy Moysan, sieur de Leslec’h, puis à Jean Raison de la ville basse.Il fut vendu en 1753 à Jean Ledemours, sieur de Kervilien qui devint secrétaire du roi Louis XV en 1756.Après avoir appartenu à une famille Villart, le bien passa par alliance à la famille de Kerdrel dont un descendant, Henri, époux de Dame Mathilde de Lausanne en était le possesseur au début du 20ème siècle lorsque Louis Le Guennec visita la propriété où il admira les jardins bien entretenus, les beaux arbres et divers embellissements qu’on venait d’y effectuer.En raison de son importance, la seigneurie de Penland possédait des prééminences, c’est-à-dire des droits honorifiques dans deux églises de Morlaix.Dans l ‘église des Jacobins, transformée parla suite en musée, deux bancs portaient les armoiries de Nouël et de Trévignon. Ils étaient placés, l’un et l’autre du côté de l’Evangile, à gauche de l’autel, l’un près du deuxième pilier et l’autre sous la huitième arcade.

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Dans l’église de Saint Matthieu, la cinquième chapelle du côté de l’Evangile, dédiée à sainte Anne et saint Laurent, dépendait de Penland. Dans le vitrail figuraient deux écussons aux armes des Nouël et des Trévignon qui possédèrent le domaine de Penland pendant près de 200 ans, par eux-mêmes ou par leur descendance.Bancs et armoiries ont été détruits à la Révolution mais il serait encore possible de situer leurs emplacements.Sur le territoire de la Frérie de Moustérou s’élevaient autrefois de nombreuses croix. Une seule est demeurée intacte : la croix dite de Ste Geneviève, Croaz ar chapel en breton, dont il a été déjà parlé.Une autre croix, à Kroaz Lanveau du 16ème siècle a été démolie, mais toutes ses parties sont conservées. Le socle, dans lequel est encore fixée une partie du fût est visible à gauche de la route quand on va de Kérozar vers Trougouar, tout près des anciens ateliers Prigent.Les autres éléments sont à l’abri dans un bâtiment voisin et il serait donc possible de la remonter. Toutes les autres croix ont disparu, mais leur souvenir demeure dans quelques noms de lieux-dits : Croaz-Lannec, Kroaz ar Guiner, Kroaz an Iviller, la Croix Rouge.En raison de son éloignement du bourg, le secteur avait sur place ses artisans ruraux, auxiliaires indispensables des cultivateurs : un forgeron et un charron.La forge était située au lieu-dit Kroaz ar Guiner, sur la gauche de la vieille route de Morlaix à Lanmeur, à 300 mètres de l’entrée de la propriété de Kérozar.La maison du forgeron et la maison attenante, transformée en habitation, sont aujourd’hui les demeures de deux couples retraités.La forge était tenue depuis longtemps par des Merrer. Un acte de naissance de 1837, au nom de Pierre Merrer mentionne que son père François y était maréchal ferrand. Pierre y exerça la même profession et après lui, son fils Jean François qui naquit en 1868 et mourut en 1949.Celui-ci, surnommé « Jean Ig ar marechal bian », en raison de sa petite taille n’eut pas de remplaçant en ces lieux ; son activité fut annexée au charronnage voisin.Le charron, Jean Marie Prigent, originaire de Plourin s’établit à Ploujean vers 1905 et mourut en 1955. Ses fils maintinrent l’affaire pendant quelques années mais la mécanisation de l’agriculture ne tarda pas à détourner la clientèle vers d’autres fournisseurs.

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Bientôt un seul fils suffit avec l’aide d’un ouvrier à assurer les petites besognes que les cultivateurs du voisinage lui confiaient, cela pendant quelque temps encore.Les ateliers existent toujours, bien silencieux désormais et commencent à subir les dégradations qui ne tardent pas à s’abattre sur les bâtiments sans emploi.Le secteur avait aussi son moulin qui, prenant sa source à quelques centaines de mètres de la chapelle Ste Geneviève, descend vers Traon-Nevez.Le bâtiment, rude et robuste construction, est devenu résidence secondaire d’accès d’ailleurs difficile. Le moulin qui était désigné sous le nom de moulin de Kerc’honvel sur le plan cadastral de 1834 reçut par la suite le nom de Moulin Neuf et c’est sous cette appellation qu’il figure sur deux actes de naissance d’enfants nés dans ces lieux, l’un en 1863 et l’autre 1901.L’acte de 1863 est celui de Anne Marie Guillou qui épousa Jean Marie Réguer et qui fut la dernière meunière. L’autre est celui de leur fils François.Déjà, à sa naissance en 1901, le moulin avait cessé de fonctionner Mais pour y être né et y avoir passé sa jeunesse, François Réguer en a pris le surnom de « Patrick ar vilin », «  le petit gars du moulin » surnom qui lui est toujours donné par les anciens ploujeannais.Agé aujourd’hui de 85 ans et toujours solide, on lui souhaite de le porter encore longtemps.C’est sur le secteur de Moustérou que se trouve l’hippodrome de Morlaix aménagé au début du 20ème siècle dans la lande de Langolvas. A une époque où les distractions étaient rares sur place et les moyens de locomotion ne permettaient pas d’aller en chercher au loin, les courses de chevaux connurent un très grand succès. Le défilé qui suivait n’en était pas le moindre attrait.Des gens se massaient le long de la route de Paris pour voir descendre sur Morlaix les beaux attelages et les dames en grande toilette.Mais ce que les enfants de Ploujean appréciaient par-dessus tout, c’était la traversée du bois de Kérozar, autorisée ce jour-là, pour se rendre à l’hippodrome. La vue du château, de la serre remplie de fleurs, les rhododendrons aux fleurs éclatantes les émerveillaient.

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Mais la grosse attraction c’était le cygne de l’étang à la blancheur de neige et aux mouvements gracieux. Hélas, le plus souvent, il restait immobile, semblant dédaigner de se donner en spectacle.Volontiers les enfants lui auraient jeté des pierres pour le voir nager et peut-être même s’envoler. Ils s’en gardaient bien. Ne leur avait-on pas dit en effet, que le cygne, mis en fureur, et repérant infailliblement les coupables aurait foncé sur eux et d’un coup d’aile leur aurait cassé les jambes…Dans le secteur de Moustérou se trouve un lieu-dit dont le nom intrigue bien des gens. Pourquoi cette appellation de « Tunisie » donnée à un groupe de maisons situées en bordure de la route de Lanmeur ?C’était le nom qui fut attribué par son propriétaire à un café construit là autour des années 1880-90. La route de Lanmeur venait d’être ouverte et un aubergiste avisé, prévoyant qu’elle connaîtrait un trafic important s’établit sur ces lieux. Le café installé, il convenait de lui donner un nom. Par qui fut suggéré celui qui fut adopté ? C’était l’époque de la conquête de la Tunisie et on peut penser que le nom fut proposé par un marin, ou un soldat, la campagne terminée. Le café prospéra et resta ouvert jusqu’à la dernière guerre et fut occupé par les Allemands.Quelque peu endommagé par les bombardements il ne fut pas réparé et peu à peu s’écroula. Ses ruines se voient encore en face du restaurant « Le Rallye ».

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Chapitre XIII

Dans ce chapitre, nous étudions la dixième Frérie de Ploujean. Elle était désignée sous l’appellation de « Kerscau », ou « Kerscoff », nom de l’ancien domaine seigneurial qui en occupait sensiblement le centre.Son territoire s’étendait de la Fouasserie à Pencréac’h. Il comprenait, outre la Fouasserie, les domaines de Coatmeur, Troudousten, Pennanru, Coatserho et le Nec’hoat, dans la partie donnant sur la rivière de Morlaix et, vers l’intérieur, ceux de Porspoen, Kerscau, La Boissière et Kervezellec.La Fouasserie est un quartier situé au fond de la place du Pouliet formé de quelques dizaines d’habitations sises de part et d’autre du Jarlot. La population se partageait entre trois paroisses : St Matthieu, Plouigneau et Ploujean.La partie qui nous intéresse est séparée de Plouigneau par un simple ruisseau. Son nom assez insolite rappelle qu’autrefois on y fabriquait en abondance des « fouasses » sorte de gâteaux très proches du far breton.La farine était sans doute fournie par le moulin établi sur le Jarlot en cet endroit et dont le souvenir s’est conservé dans le nom de la rue du « Moulin se la Chèvre » qui relie le quartier à la rue de Paris.De la Fouasserie, en raison de la distance, on n’allait guère à Ploujean pour les offices religieux ordinaires, mais les cérémonies présentant un certain caractère officiel devaient obligatoirement se célébrer à l’église paroissiale.C’est ainsi que le 21 juin 1906, un enfant né le 18 fut conduit au bourg pour son baptême. Le vicaire de l’époque, Grégoire Le Séac’h, qui procéda à la cérémonie fut loin de se douter qu’il avait baptisé un futur évêque.L’enfant qui reçut le prénom de René Noël deviendrait plus tard Mgr Kérautret. Nommé évêque coadjuteur d’Angoulême en 1961, il en devint titulaire en 1965.Des raisons de santé le contraignirent à démissionner en 1975. Par la suite, il put remplir diverses fonctions dont, en dernier lieu, celle d’aumônier national de la Vie Montante ce qui valut à certains de ses compatriotes le plaisir de le voir et de l’entendre lors de leur pèlerinage à Rome en octobre 1982. Actuellement âgé de 80 ans, il réside à la maison Saint Joseph de Saint Pol de Léon.Le domaine de Coatamour, situé au-dessus de la Fouasserie, de l’autre côté de la route de Paris, fut, de bonne heure, entamé par les besoins

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d’expansion de la ville de Morlaix toute proche. On est bien renseigné, à partir d’une certaine date, sur les familles qui s’y succédèrent. En 1480, le domaine appartenait à Richard Quintin, époux de Jeanne de Coëtanlem qui fut anoblie en 1491 par la duchesse Anne de Bretagne ainsi que son fils François qui fut son héritier.Le fils de ce dernier, Christophe, épousa en 1522 Catherine de Kermerchou, fille d’une famille de Garlan. C’est en effet cette année que les Anglais, venus par surprise, saccagèrent la ville de Morlaix, faisant de nombreuses victimes dont le recteur de Ploujean, M Jehan Périou. Le bien qui était resté dans la famille jusqu’en 1160 fut vendu, à cette date, à Jean Oriot du Runiou, riche bourgeois Morlaisien à qui son immense fortune permit d’acquérir de nombreux domaines dont Keroc’hiou et Kervézellec en Ploujean et d’autres à Plouigneau, Plouezoc’h, Saint-Jean-du-Doigt, Guimaëc et ailleurs.Sa fille épousa vers 1750 Charles Joseph de Haudenau de Breugnon, chef d’escadre des armées royales, originaire d’Orléans.Au cours du 19ème siècle, la demeure fut habitée par la famille Derlong de Rosnay qui descendait d’un général d’Empire.La propriété fut acquise plus tard par le général Weygand. A la suite de son mariage avec la fille du général De Forsang de Kervolanger, en Garlan, il se montra désireux d’avoir une résidence en Bretagne, à l’exemple du maréchal Foch dont il fut le chef d’Etat-Major tout au long de la guerre de 1914-18.Décédé en 1965, à l’âge de 98 ans, il a sa tombe au cimetière Saint Charles. Actuellement Coatamour est la résidence de son fils Edouard, né en 1902.Le quartier de Troudousten est bâti sur les pentes de la rive droite d’un ruisseau qui, descendu des prairies du Launay, va se jeter dans la rivière de Morlaix non loin du bas de la rampe Saint Nicolas.Son nom a donné lieu à bien des interprétations. La plus valable sans être absolument convaincante semble être celle retenue par Louis Le Guennec. Le mot viendrait de « Traou doun stang » signifiant le « vallon de l’étang profond » ayant donné, par contraction, « trou » comme on l’a déjà vu pour Trougouar. Doun stang rappellerait l’étang qui, autrefois, formait la retenue d’eau servant à actionner le moulin seigneurial de Penanru.Troudousten fut autrefois le siège d’une seigneurie, si étonnant que ce la puisse paraître dans l’état actuel des lieux. Et pourtant la preuve est nette. Il y a là en effet un manoir du 16ème siècle, à peu près intact, comportant

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tous les éléments du genre : amples proportions, étage, fenêtres à meneaux, portes cintrées dont l’une comporte une accolade à forts reliefs présentant au sommet et à chaque extrémité des écussons nettement découpés.Une tour carrée abrite un escalier en pierre menant à l’étage. On a pu passer des centaines de fois tout près sans en soupçonner l’existence. Le manoir est totalement masqué par un immeuble, l’ancienne boucherie Guiziou qui lui est accolée.Il fut converti en ferme à une époque lointaine es terres qui en dépendaient se couvrirent peu à peu de constructions neuves et la ferme cessa d’exister en tant que telle vers 1950. On ne possède aucun renseignement sur les anciens maîtres des lieux.Le quartier avait aussi une chapelle dédiée à saint Sébastien. Elle fut détruite à la R&évolution et il n’en reste aucun souvenir, si ce n’est, peut-être, la statue de la Vierge portant l’Enfant Jésus dans ses bras nichée près de l’ancien lavoir, aujourd’hui comblé, qui bordait l’actuelle rue du maréchal Foch.Les archives paroissiales de Ploujean font mention de deux mariages qui furent célébrés dans cette chapelle, dont en 1714, celui de Jacques Denos avec Anne Dupleix, âgée de 16 ans, fille de François Dupleix, directeur de la manufactures des tabacs de Penanru.Le manoir de Penanru surplombe le vallon du ruisseau de Troudousten face aux rudes pentes de la rampe St Nicolas. C’est un édifice du 17ème siècle flanqué d’un pavillon carré et garni de lucarnes Renaissance. Un tour ronde à créneaux et deux tourelles aux hautes lucarnes pointues couvertes d’ardoise y mettent une touche de style troubadour. Le nom, bien que parfois orthographié avec un « e » final, ne se réfère nullement au mot français « rue ». Il serait intégralement breton et voudrait dire « le haut du ruisseau ».Ici, comme çà Coatamour, les archives nous renseignent sur la suite des possesseurs, à partir d’une certaine date tout au moins.Nicolas Coatanlem qui en était le maître vers 1490 avait pris part à la bataille de St aubin du Cormier dans les troupes bretonnes. Il ne put se résoudre au mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII qui devait inévitablement entraîner l’annexion de la Bretagne à la France.En 1492, il prit part à un complot pour protester contre ce mariage et fit appel à l’Angleterre pour soutenir sa cause, mais Charles VIII était sur ses

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gardes et Nicolas de Coatanlem fut emprisonné au Louvre puis amnistié, sans doute contre promesse de ne pas récidiver.Il se le tint pour dit et, par la suite, servit loyalement la monarchie. Il dirigea en personne, sur les chantiers du Dourduff, la construction de la célèbre caraque de guerre « La Cordelière », y consacrant même 10.000 écus de sa propre fortune. Un modèle réduit de ce bateau peur se voir dans l’église de St Jean du Doigt.Il possédait de grands biens acquis par le négoce et surtout la guerre de course.En 1518, il rédigea son testament qui comporte une liste interminable de dons à la plupart des églises et des sanctuaires de Morlaix et de sa région. Il n’eut garde d’oublier la chapelle St Sébastien à Troudousten. Une copie rigoureusement conforme de ce testament se trouve aux archives de Quimper sur un parchemin long de 4,50 mètres et large de 35 cm.Sa fille aînée, Marguerite, épousa Guillaume de Gouesbriand. Il s moururent sans descendance et le bien passa à Yves Quintin qui avait épousé Marie, sœur cadette de marguerite. Leur fils Gilles fut maire de Morlaix en1604. Vers 1670, les Quintin vendirent le domaine à la famille Bonnemetz qui fournit des maires à Morlaix pendant de nombreuses années.Vers 1700 le manoir et ses dépendances furent loués à la « ferme des tabacs ». Une manufacture y fut établie qui eut pour directeur, François Dupleix, originaire de Landrecies, dans le département du Nord. En 1736, la « Manu » fut transférée dans des bâtiments plus vastes, construits à partir de 1730 au clos Marrant, sur la rive gauche du port de Morlaix. Le 250ème

anniversaire de ce transfert a été commémoré tout récemment par de nombreuses manifestations dont les journaux ont abondamment parlé.La signature de François Dupleix apparaît à diverses reprises sur les registres paroissiaux de Ploujean et nous avons vu que sa fille Marie se maria dans la chapelle de Troudousten. Mais c’est son fils Joseph qui a donné au nom un éclat particulier. Joseph Dupleix était né à Landrecies en 1697 et, en 1699, vint avec sa famille à Ploujean qu’il quitta en 1715 pour se rendre aux Indes.En 1742, il fut nommé Gouverneur Général de la Compagnie des Indes. Il joua un rôle important qui justifie les honneurs qui lui furent rendus par la suite. En 1981, une corvette portant son nom fut mise en service. Il n’avait passé à Ploujean qu’une partie de son enfance et de sa jeunesse. Cela a paru

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suffisant pour que son nom fut attaché à la ville de Morlaix qui, ayant annexé Ploujean, a hérité de ses souvenirs et de ses gloires.C’est pour commémorer ce passé qu’une délégation d’une vingtaine de personnalités morlaisiennes fut invitée en octobre 1984 à visiter le bateau, de passage à Brest avant de rejoindre sa base à Toulon.

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Chapitre XIV

Le précédent chapitre se terminait sur l’évocation du fief de Penanru.Tout près, entre ce domaine et ce lui de Coatserho, se trouvait un monastère de capucins. Les capucins, religieux de l’ordre de saint François d’Assise se distinguaient des autres franciscains par le port d’un « capuce », capuchon plus ample et plus pointu.Le monastère clos de murs occupait un hectare environ. Il était séparé de Coatserho par une route qui a conservé le nom de « Chemin des Capucins ». Les murs de clôture ont été abattus et, des bâtiments pour la plupart détruits ou en ruines au début du 20ème siècle, il ne subsiste que quelques vestiges aménagés pour loger certains services de la Sous-Préfecture.Le couvent fut fondé en 1611 par René Barbier, seigneur de Kerjean en Saint Vougay et par son frère cadet, Léonard, qui y fit profession. Il fut édifié sur la terre du Styvel qui appartenait à leur mère, Catherine de Goesbriant.La première pierre fut posée par Philippe Emmanuel de Gondi, duc de Retz et la bénédiction fut donnée par le recteur de Ploujean qui était aussi chanoine de Tréguier.Les moines étaient généralement au nombre d’une vingtaine parmi lesquels on a retenu le nom de Frère Louis, de Morlaix, qui mourut en soignant les pestiférés en 1631.Le 20 mai 1790, en application d’un décret de l’Assemblée Constituante, un inventaire des lieux et du contenu fut dressé par Jean Steun, maire de Ploujean, en présence de Jean Denis de Trobriant, procureur de la commune. Il comportait un état des lieux, l’église et son cloître, les bâtiments conventuels, le cimetière, le jardin et le bois de haute futaie ainsi que le relevé de tous les objets de culte et des meubles, ustensiles et jusqu’aux pièces de lingerie.Il nous fait connaître aussi le nom des religieux qui étaient, à ce moment, au nombre de 9 : 8 moines et une religieuse portière. Deux autres ne sont pas mentionnés sur cet acte, mais on sait qu’ils appartenaient à ce couvent et qu’ils furent enfermés sur les pontons de La Rochelle où ils moururent en 1794.

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La fermeture du monastère fut ordonnée fin 1792 par le district de Morlaix et les moines qui avaient refusé de prêter le serment civique furent expulsés.L’un d’eux, le Père Mével de Roscoff, fut arrêté le 12 messidor (30 juin) 1794 dans le grenier d’une maison du quartier des halles où il célébrait la messe. Il fut guillotiné le 30 juillet de la même année, âgé de 65 ans, ainsi que des femmes qui lui avaient donné asile : deux vieilles dames, une jeune fille, Emilie de Forsans, et une blanchisseuse.En 1838, le couvent fut transformé en caserne. En 1870, on y logea les mobiles du Finistère en attendant leur départ pour le sinistre camp de Conlie près du Mans (Sarthe). Par la suite, les lieux devinrent propriété privée avant leur utilisation par la Sous-Préfecture. Nous allons maintenant nous diriger vers l’intérieur des terres où nous trouverons le fief de La Boissière, le plus important de la Frérie de Kerscourn. Nous reviendrons, dans le prochain chapitre, au voisinage de la rivière où les fiefs de Coatserho et du Nec’hoat ainsi que quelques autres de moindre importance nous conduiront aux abords de Kéranroux où s’achèvera notre périple autour de Ploujean.La Boissière, en breton Beuzit, transformé dans la prononciation en Veuzit ou Vuzut est un nom très répandu, non seulement en Bretagne mais dans la France entière. Il évoque le plus souvent d’anciens établissements romains. Le buis est une plante ornementale très appréciée des Romains qui, désireux de voir reconstituer un peu de leur environnement familier, l’avaient introduit jusque dans les provinces les plus reculées de l’Empire..Ce nom pourrait nous donner à penser que les romains occupèrent les lieux.Une première indication fut fournie par la découverte en 1780 dans les jardins de la propriété, d’une minuscule statuette en or, de provenance certainement romaine, une Vénus, ou plus exactement, semble-t-il, une déesse du silence qui se portait en pendentif. On pouvait la voir au musée de Morlaix où elle fut volée en 1981.Mais la confirmation péremptoire vint en 1985 par la découverte des fondations d’un établissement gallo-romain dans l’un des champs de l’ancienne ferme Crenn, lors de travaux de terrassement entrepris dans le lotissement dit de Kerscoff, récemment ouvert. Après une première fouille de reconnaissance, des mesures de sauvegarde ont été prises et l’étude systématique du site en a été remise à plus tard, ce qui permettra de l’explorer à loisir et d’en tirer le maximum de renseignements. Pour des

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détails, on pourra se reporter aux numéros de Ouest-France et du Télégramme du 25 juillet 1985. Ces vestiges sont bien la preuve qu’il y eut là un poste militaire autour duquel se développèrent d’autres activités. Il se trouvait en bordure de la route qui, à l’époque, menait du futur Morlaix à la pointe de Primel.Le poste était sans doute chargé de surveiller les routes du littoral. Placé sur un point élevé, il pouvait communiquer avec d’autres postes, tel que celui de bagatelle en Saint Martin des Champs, transmettre et recevoir des messages par moyens lumineux.Les vestiges se trouvaient en partie, dans un champ appelé « park ar c’houlm » « le champ du pigeonnier ». Le pigeonnier fut détruit entre 1908 et 1914. On ignore quel usage a été fait des pierres qui en sont provenues.Jusqu’au 15ème siècle, c’est-à-dire plus de 1000 ans après la fin de l’empire romain, rien ne nous est connu de l’histoire de ces lieux.On sait qu’en 1402, le fils d’un seigneur de la région de Pont-l’Abbé, Prigent de Kersulguen épousa Typhaine de La Boissière, héritière du domaine.La famille s’y maintint jusqu’à la Révolution de 1789, soit pendant près de 400 ans. Le fils de Prigent, Tanguy de Kersulguen fut bailli de Morlaix en 1451. Le fils de ce dernier, Jean, qui exerça la même fonction, épousa en 1482, Béatrice de Kéranborgne, d’une famille de Vieux-Marché, près de Plouaret dont le manoir subsiste toujours.Leur fils Pierre était gentilhomme ordinaire de la duchesse Anne de Bretagne qui le tenait en haute estime et accepta de loger chez lui lors de son pèlerinage à Saint-Jean-du-Doigt en 1505.Le petit-fils de Pierre, Michel, acheta vers 1635 le domaine de Kerc’honvel et de la sorte acquit des droits sur la chapelle Sainte Geneviève et put y apposer ses armoiries avec la devise « Lesses dire » » bien connue désormais des Ploujeannais qui se sont intéressés à la restauration de la chapelle. Il mourut le 5 septembre 1651 et fut enterré dans une tombe qui se dressait au milieu du chœur de l’église de Ploujean. Une de ses descendantes épousa un seigneur anglais du nom de Stappleton qui, en 1689, suivit dans son exil en France le roi Jacques II Stuart, détrôné par son gendre Guillaume d’Orange qui lui succéda sous le nom de Guillaume II. La famille Stappleton séjourna à laLa Boissière jusqu’à la Révolution et retourna alors en Angleterre.

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La famille de Kersulguen avait de nombreuses prééminences, telles que bancs, tombes, armoiries avec devise dans les vitraux, aussi bien dans l’église de Ploujean que dans celle de Notre Dame du Mur à Morlaix et dans la chapelle de Sainte Geneviève.Un écusson en granit portant les armoiries des Kersulguen fut acquis vers la fin du 19ème siècle par M. Le Vacher, gendre d’Edouard Corbière, qui le transporta dans sa propriété de Roc’h ar Brini. Il s’y trouve toujours dans un parfait état de conservation.Le domaine de la Boissière fut saisi comme bien national à la Révolution. Après être passé en diverses mains, il fut acheté, dans les premières années du 20ème siècle par la famille Cabioc’h qui s’y trouve toujours.Cette propriété qui n’est pas dépourvue d’un certain caractère, avec son pavillon à toit aigu et ses murs de clôture en partie conservés, fait figure de corps étranger dans un quartier de constructions neuves qui l’investissent de toutes parts et où les noms n’ont aucun rapport avec notre passé local.Il serait souhaitable que le manoir de la Boissière et les vestiges gallo-romains soient conservés avec soin, précieux témoins de notre histoire jaillie des profondeurs du passé.

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Chapitre XV

On ne franchit pas la route de Lanmeur et on se bornera aux anciens domaines de Coatserho, Porspoen et Kerscau.Le domaine de Coatserho, outre les fermes proches qui en dépendaient, couvrait une surface de 25 hectares plantés d’arbres et entouré d’un mur continu. L’enceinte bordait le quai de Tréguier, depuis le bas de l’actuelle avenue de la République jusqu’à la route de Lannion, puis suivait le tracé des actuelles rues de Porsmoguer, des Capucins et l’avenue de la République. Le mur existe toujours sur la moitié de sa longueur.Les deux manoirs du domaine sont toujours dans un bon état de conservation : l’un, plus proche de la ville, datant de 1750 environ, l’autre plus ancien, à l’extrémité Nord, de style Renaissance, flanqué de deux tours accolées, l’une ronde, l’autre cylindrique.Un e ferme se trouvait à l’intérieur et une autre à la périphérie, près du manoir Renaissance.Le premier seigneur connu, un Benoît de Coatserho, du 14ème siècle, était garde de la forêt de Cuburien pour le comte de Léon. Au 15ème siècle, le domaine appartenait à la famille du Plessis originaire de Pluzunet (Côtes d’Armor) qui s’y maintint pendant près de trois siècles. Deux de ses membres furent enterrés dans l’église de Ploujean.En 1740, le bien fut acquis par Jacques Guillaume Boudin de Tromelin. Il était le fils de Jacques Boudin, secrétaire du roi en 1701 qui fut anobli, en raison de sa charge, et acheta alors la seigneurie de Tromelin en Plougasnou, dont le manoir, près du Diben, est bien visible de la route.Le fils, Jacques Guillaume hérita du bien et le transmit à son propre fils Jacques Jean François Marie qui fut le général de Tromelin.Quelque temps après le décès de ce dernier, en 1842, la propriété fut acquise par Philippe de Saint Prix dont la famille possédait à l’époque le domaine de Traonfeunteuniou. Elle fut vendue en 1892 à une famille Tardieu de Malessye qui, semble-t-il la posséda jusqu’à sa vente à une Société Immobilière peu après 1920.Le général fut un personnage hors du commun.Le commandant Lachouque, en son temps le meilleur connaisseur de l’histoire du Ier Empire, l’avait jugé digne d’une copieuse biographie à

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l’égal des plus illustres. L’ouvrage, édité en 1959, se trouve à la Bibliothèque de Morlaix où il est à la disposition du public. On l’ a déjà rencontré dans des chapitres précédents où furent rappelés quelques épisodes de son existence mouvementée.Après avoir émigré, il combattit dans l’armée des princes, puis en Syrie aux côtés des Anglais. Il se rallia à l’Empire et, après une entrevue avec Napoléon Ier, fut promu capitaine. Il prit part à différentes batailles, dont celles de Wagram et de Waterloo, et joua un rôle important dans les négociations engagées avec l’Angleterre et ses alliés qui aboutirent à la Restauration de la Royauté.On peut dire de lui, selon la formule banale « qu’il était bien de chez nous ». Il est né à Ploujean et y passa toute son enfance. Il se maria à Saint Melaine de Morlaix. Il revint à Ploujean à la chute de l’Empire, fut maire de la commune et y mourut en 1842 et fut enterré dans le cimetière. Il a sa tombe près de la croix centrale.Le domaine de Kerscao, qui a donné son nom à la Frérie en raison de sa position ou peut-être de son importance passée, est situé entre les domaines de Coatserho, Porspoen, et celui de la Boissière.Le nom est orthographié, tantôt Kersceau, plus conforme à la prononciation traditionnelle, tantôt Kerscoff, forme adoptée par l’administration qui l’a attribué au nouveau quartier actuellement en cours d’achèvement.Le territoire comportait deux ou trois demeures nobles dont l’une devait occuper l’emplacement de l’ancienne ferme de Kersceau-vras où aucun bâtiment ne porte les marques d’un logis seigneurial.En d’autres points du secteur, quelques bâtiments, du reste assez simples, laissaient apparaître quelques éléments que l’on pourrait attribuer à de vieux manoirs : étages, escaliers extérieurs disparus actuellement, portes cintrées avec jambages moulurés….Au voisinage de l’actuel carrefour, formé par l’avenue de Truro et la route menant de Troudousten à la route de Lanmeur et aboutissant à Pipibol, existait un four qui était demeuré intact jusqu’à une époque récente. Il était peut-être le « four banal » dépendant d’un manoir voisin. La courbure de la voûte reste apparente dans la maçonnerie d’un des pignons de l’ancien fournil et deux pierres en saillie sur lesquelles reposait la voûte ont été conservées.Des seigneurs qui furent les maîtres de lieux, on connaît très peu de chose. Un document d’archives mentionne un Jean de Kersceau qui épousa vers

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1427, 50 ans avant la naissance d’Anne de Bretagne, une Marguerite Lelong.Vers 1500, un des domaines était propriété d’Yves Quintin époux de Marie Coatanlem et un autre Quintin fut maire de Morlaix en 1646.Nous avons assisté, cette fois encore, à quelques étapes de la marche de Morlaix dans sa conquête de Ploujean entraînant, comme à l’ordinaire, la disparition de précieux souvenirs du passé au grand regret des vieux Ploujeannais qui ont connu les lieux dans leurs jeunes années.

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Chapitre XVI

Morlaix, nid de corsaires…Par Michel Le Bars

Morlaix doit son implantation et son développement à sa situation géographique, à la mer qui remonte dans la ville. Aussi toute son histoire est liée à son port, à son négoce maritime. Exportation ou importation en ont fait le port le plus important de Basse Bretagne au Moyen Age, sa fortune, parfois son infortune. Le commerce y a pris des proportions considérables, lorsque, avec ou sans la bénédiction des rois de France, les navires Morlaisiens se livraient à la guerre de courses.Armés à Morlaix ou ailleurs, les bateaux corsaires, et l’on peut dire souvent pirates, se livraient, dans la manche et au-delà, à l’arraisonnement des navires étrangers. Parfois pris à l’abordage, ils ne retrouvaient leur liberté que contre la prise de leurs marchandises, payant une forte rançon pour l’équipage, ou encore, capturés, ils étaient amenés au port.On imagine l’animation extraordinaire, sur les quais, lors de la vente des prises effectuées sur les navires. Parallèlement, les corsaires prélevaient un pourcentage sur la valeur des marchandises qu’ils convoyaient pour les négociants. Tout cela n’était point sans risque. Des dizaines de bateaux corsaires n’ont jamais rejoint le port. Leurs équipages ont eu la mer pour linceul, d’autres ont péri dans les combats à l’arme blanche, lors des abordages.Des centaines de noms de capitaines au cours des siècles marquent cette épopée glorieuse et sanglante où l’on ne s’embarrassait pas de scrupules. Parmi ces héroïques capitaines, retenons quelques figures hors du commun qui jalonnent cette petite histoire.Jean Coatanlem, véritable écumeur des mers, armateur et corsaire à bord de la « Cuiller » ratissait la Manche à la fin du 15ème siècle. Excédés, les Anglais, principales victimes de ses exploits armèrent trois grands navires et toute une flottille pour venir à bout du Breton. Avant de prendre la mer, ils se rendirent en pèlerinage à Bristol et assistèrent à la messe de saint Georges. La flotte anglaise rencontra les navires de Coatanlem et le combat s’engagea. A un contre cinq, le hardi Breton prit tour à tour à l’abordage les vaisseaux ennemis, entra dans le

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port de Bristol, incendia la ville et emmena en otages les notables. Cela fit grand bruit de part et d’autre de la Manche.Le roi de France conseilla à Coatanlem de prendre le large avec ses navires et équipages. Le corsaire se mit alors à la disposition du roi du Portugal pour combattre les Turcs. Ses exploits lui valurent d’être fait Grand Amiral du Portugal et de finir paisiblement ses jours dans son palais à Lisbonne.Nicolas Coatanlem, neveu de Jean, fut aussi un armateur et un corsaire de premier plan. Homme cultivé et écrivant aussi bien le latin et l’anglais que le français ou le breton, il se montra un négociant avisé et un rude marin, commerçant avec l’Angleterre, la Hollande, l’Espagne, l’Italie, les pays méditerranéens. Selon le désir de Louis XII et de la reine Anne de Bretagne, il fit construire, de ses propres deniers, au Dourduff, « La Cordelière » pour lutter contre les Turcs. Mais une fois de plus, elle s’illustra contre les Anglais sous le commandement du valeureux Hervé de Porsmoguer ou Primauguet…En 1512, devant la Pointe Saint Matthieu, « La Cordelière » se mesura à la flotte anglaise. Pris sous les canons de la Régente, Porsmoguer n’hésita pas. Il fonça sur le navire ennemi, l’aborda, l’incendia, coulant avec lui. Environ 640 anglais et 500 bretons, brûlés ou noyés, disparurent dans les flots.Capturé sur les côtes du Léon en 1604, un vaisseau turc est amené à Morlaix.Louis XIV constitue une flotte de guerre bien armée modifiant de ce fait la guerre de courses des armateurs privés. Ils doivent déclarer leurs prises à l’Amirauté. Les blessés sont conduits à l’hôpital, les marchandises vendues aux enchères. Par lettre de marque, les corsaires ont le droit d’armer de canons, pierriers, fusils boucaniers et doivent parfois embarquer des soldats engagés. Il arrive que des navires soient parfois repris… Certains corsaires, véritables pirates s’emparent même des bateaux de leurs compatriotes.Le 20 novembre 1706, le morlaisien Lair, à bord de sa frégate, se glisse au milieu d ‘un convoi de 260 navires anglais escortés de 4 vaisseaux de guerre. Il capture quatre bateaux marchands qu’il ramène à Morlaix.Le 10 mai 1749, Nicolas Authon, rude corsaire, en baie de Plymouth, s ‘empare du « Truro » à la barbe des Anglais, et le ramène à notre port. Ironie du sort, aujourd’hui la ville de Morlaix est jumelée à celle de Truro.Le même Nicolas, ayant échappé à une terrible tempête les 13 et 14 février 1750, vint assister, avec tout son équipage en procession, pieds nus et en

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chemise, à une grand-messe d’action de grâce à la Collégiale Notre Dame du Mur : un spectacle qui ne devait pas manquer de pittoresque.Le 24 décembre 1747, après un rude combat contre l’Anglais, l’Alcide de Saint-Malo s’échouait sur un rocher et coulait. Il y eut 117 noyés. Accrochés à l’épave, 41 survivants furent sauvés et 29 autres gagnèrent le château du Taureau à la nage.Charles Cornic Duchêne, fils et petit-fils d’armateurs n’avait que 8 ans quand il embarqua comme mousse. A 15 ans il est second capitaine, à 16 ans, lieutenant. A 25 ans il commande « l’Agathe », puis « La Félicité », « Le Prothée ».Les prises se succèdent ainsi que les combats navals victorieux contre les vaisseaux de guerre anglais.Il est nommé inspecteur des constructions navales à Bordeaux où, en 1770, lors des inondations, il sauve, nourrit et héberge à ses frais 500 personnes. Charles fut envoyé à Terre Neuve, à Cayenne, se montrant aussi habile navigateur que corsaire. Nommé capitaine de Vaisseau, il se retira à Morlaix au château de Suscinio. Il y mourut à l’âge de 78 ans, en 1809, après avoir rendu des services considérables à la cité. Il a réalisé notamment le balisage de la baie, dressé des cartes marines, ouvert, au bas de la Rivière, une école d’Hydrographie et de navigation pour former les jeunes, tout cela sur sa fortune personnelle.Citons parmi les armateurs morlaisiens le père du célèbre écrivain Chateaubriand. Les richesses amassées à Morlaix lui ont permis d’acquérir le château de Combourg.Le dernier corsaire armé à Morlaix fut « Les trois amis » en 1820. En 1856, le Traité de Paris décrétait : « La Course est et demeure abolie… »

Face à l’Anglais : le Taureau

Après avoir pillé Cherbourg, en juin 1522, une flotte anglaise de 60 navires mouillait en rade de Morlaix le 30 juin. Sachant que les gentilshommes se trouvaient à Guingamp et les bourgeois à Pontivy, des soldats anglais, déguisés en marchands et paysans s’infiltrèrent dans la ville.Vers minuit, ils ouvraient les portes de la cité où s’engouffraient les soldats débarqués depuis le Bas de la Rivière. Les habitants s’enfuirent, terrorisés. Cependant quelques-uns résistèrent. Le matin, au prix de sa vie, le recteur

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de Ploujean parvint à baisser le pont-levis de la porte Notre Dame. Grand-rue, une héroïque femme ouvrait une trappe dans la cave, au bout d’un sombre couloir. Ainsi 80 pillards anglais tombèrent dans la rivière Le Jarlot et se noyèrent. Prise, la courageuse femme fut défenestrée et s’écrasa sur le pavé ainsi que ses complices réfugiés dans le grenier.Chargés de leur butin, les Anglais se dirigèrent vers leurs navires. Mais 600 soudards qui cuvaient leur vin dans les bois du Styvel dominant le port furent surpris par les gentilshommes rentrant à bride abattue de Guingamp pour secourir les Morlaisiens. Ce fut un carnage. La fontaine devint rouge du sang des Anglais.Après un second raid anglais qui eut lieu 10 ans plus tard, en 1532, pour éviter une garde fastidieuse aux entrées de la rade, à Pen an land, en Carantec et à la pointe de Barnenez en Plouezoc’h, les Morlaisiens construisirent à leurs frais un fort sur le rocher « le Taureau ». Ainsi, les vaisseaux voulant remonter à Morlaix passaient à portée d’arquebuse du fort où veillait une garnison et… trois bouledogues.A l’expiration de son mandat, le maire de Morlaix devenait, pour un an, gouverneur du « Taureau ». L’un d’eux, Guillaume du Plessis de Kerangoff refusa de quitter le fort où il demeura 11 années, arraisonnant les bateaux passant à sa portée, les rançonnant, incarcérant les huissiers venant le sommer de partir. Il effectua même des raids sur Morlaix, s’emparant de notables qui devaient payer rançon et même leur pension alimentaire de prisonniers. Il est vrai que du Plessis de Kérangoff se sentait protégé puisque le bon roi Henri lui écrivait «  Plumez, plumez la poule, mais sans la faire point crier ». Lasse, la ville de Morlaix versait une somme de 21.000 livres à l’usurpateur pour qu’il quitte le « Taureau ». Il débarquait à Morlaix avec tous les honneurs dus à son rang et se retirait, non sans morgue, dans son château de Coatserho.Construit en 1542, le château du Taureau devait être remanié par Vauban. Devenu prison d’Etat, il eut, entre autres, comme pensionnaires, La Chalotais, procureur du Parlement de Bretagne, durant la Révolution, des blancs, prêtres, religieux, nobles, puis des montagnards et, après 1848, le communard Blanqui etc.…Durant les années 1970-90, le château du taureau fut une prestigieuse école de voile et sert maintenant de base pour la plongée sous-marine, aux ornithologues de la baie,.

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Chapitre XVII

La guerre et l’occupation à PloujeanPar Yvonne Nicolas & Michel Le Bars

Il est bon de se remémorer…et d’ailleurs, impossible d’oublier. On s’en souvient comme d’un ouragan venu tout bouleverser, tout saccager, tout dévorer… Cinq années dont on ne voyait pas la fin et qui ont fortement marqué notre existence.Vous, les hommes, vous étiez un peu partout : au combat, sur les mers, en Angleterre, en Afrique, en Zone libre, prisonniers ou déportés en Allemagne ou simplement à Ploujean… mais à Ploujean c’était aussi la guerre !!Après la « drôle de guerre », rien à signaler, marquaient les journaux, ce qui n’empêcha pas plusieurs de perdre la vie, voici le 19 juin 1940.Une armada de guerriers, de motards, de tanks, de camions déferlent sur Morlaix. Est-ce possible ? Ce soir même, me trouvant près de la Poste, je vois, tel un épervier scrutant sa proie, un avion gris foncé, à croix gammée, survolant à rase motte le bourg de Ploujean, avant de prendre possession de notre terrain d’aviation.A partir de là, c’en est fait de notre liberté. Couvre-feu, réquisitions, perquisitions, « ausweiss » ou laissez-passer obligatoires, nous sommes en pays occupé et plus tard, en zone côtière interdite…La croix gammée flotte à la mairie et à la kommandantur (pour Ploujean à Ker-Per, chez le commandant Guizien). Les Allemands sont les maîtres et le font savoir. L’occupant s’installe partout et prend possession de tout ce qui l’intéresse. Le Mark devient la monnaie officielle !Nous sommes littéralement envahis : écoles, salles diverses, habitations jugées correctes pour eux, sont réquisitionnées. L’école publique se replie dans une baraque dans le bois près de chez Jean Guizien, l’école privée à Roz ar Méné. Dans notre petit bourg on entend passer les hordes de soldats, scandant « Aie hi, Aïe ho.. », et nous poursuivons en sourdine « bande de chameaux »… Les trois Kervoal sont évacués pour élargir le champ de visibilité de l ‘aérodrome. C’est dans une atmosphère lourde et dangereuse que nous vivons, chaque jour, chaque nuit, marqués par les passages

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d’avions anglais annoncés par deux sirènes, pourchassés par la D.C.A. installée sur le clocher de l’église et un peu partout.Très vite les denrées se raréfient, le Français qui le peut fait quelques réserves. Les soldats allemands sont friands des vêtements de femme qu’ils expédient à « Madame » en Allemagne. Bientôt les magasins sont vides ! Restrictions : cartes de pain, cartes d’alimentation et de textile, marché noir sont au menu quotidien. Plus de café, plus de sucre, plus de viande, plus de chocolat, plus d’essence, plus d’huile… On manque de tout car tout est réservé pour la guerre et pour l’armée allemande. Plus les mois passent, plus c’est dur ! On invente le café à l’orge, le ragoût sans viande, l’omelette sans oeufs !! On fabrique son savon, ses bougies et bien d’autres choses…Bref on se débrouille tant bien que mal. Posséder un vélo est une chance, presque un luxe. Ce sont de vieilles bicyclettes sorties des greniers et remises en état. Les bons vélos ont été réquisitionnés ou camouflés. Il en est de même des automobiles. Seules roulent à Ploujean, avec « ausweiss », l’auto rouge du recteur et la « Dedion-Bouton » de l’entrepreneur.La ville se ravitaille à la campagne et s’y fait des amis. C’est au moins la chance des plus dégourdis. Les saucissons, le morceau de lard, la livre de beurre, la douzaine d’œufs, troqués contre un tablier, un pantalon ou des cigarettes se promènent discrètement sur les chemins, dissimulés dans un vêtement sur les porte-bagages ou cachés au fond d’une voiture d’enfant…Le paysan est un peu privilégié en ce sens qu’avec un lopin de terre, deux vaches, un cochon, quelques poules et lapins, on est tout de même sûr de ne pas mourir de faim.Quand on le peut, on se marie quand même. Le jour de mon mariage, les jeunes de la noce décident d’aller danser au « Bas de la Rivière », à pied bien sûr. Surpris par le couvre-feu, ils passent la nuit dans un champ de Pen al Liorzou, cachés derrière les gerbes de blé dressées en petits tas.Les aviateurs anglais, rescapés d’attaques aériennes, sont réconfortés, soignés, cachés et dirigés clandestinement vers l’Angleterre. Vous vous rappelez ce parachutiste tombé dans les taillis de Pont Coz, arrivé à travers bois chez Yves Guéguen dans la maison aux coquilles, près de la Maison de Paille. Perché au haut d’un arbre puis dissimulé dans le tas de foin, il entendait les soldats allemands fouiller les alentours. Ils fouillèrent toutes les maisons sous les meubles, dans les cheminées. Ils étaient fous ! Ils avaient bien vu le parachutiste tomber.

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L’oppression est mal acceptée et la rébellion s’installe. Sabotages, tracts, grands V, croix de Lorraine se multiplient… Les Allemands sont agacés, menaçants et souvent dangereux. L’humour émerge pourtant de situations dramatiques : un dessin représentant deux cochons habillés en soldats allemands présentant les armes.On lit : « Nous manquons de beurre et de lait et pourtant nous sommes entourés d ‘une bande vaches »… On entend : « Autrefois je gardais les vaches, maintenant ce sont les vaches qui me gardent »…Tout cela soulève la colère de l’Allemand. Les rassemblements sont suspects, les bals sont interdits, et les « interdits » sont légion. Le mot « Verboten » devient familier. La population entend pourtant l’Appel du général de Gaulle qui passe de bouche à oreille…L’aérodrome nous a valu des bombardements trop fréquents, tel ce dimanche de Communion et de Confirmation. Après le carillon, les sirènes se sont mises à hurler. La D.C.A. est entrée en action et les bombes ont commencé à pleuvoir : Kerguiniou détruit et les alentours éclaboussés. Cinq bombes dans un champ de 70 ares à P. Jacq. Le dépôt de munitions recherché n’ avait pas été touché…Un autre dimanche encore : l’aérodrome. A Kerhallon, Jeanne Marie Teurnier tenait la bride de son cheval. Le cheval s’emballe, elle est tuée. Le 28 juin 1943, je me trouvais à bicyclette au niveau de Pen Créac’h quand j’entendis les sirènes. Les avions s’approchaient et avant Pont Coz j’ai compris qu’ils descendaient sur nous. Folle de peur, j’ai laissé mon vélo pour m’allonger dans le fossé. Le bon père Madec passant par-là, je l’ai supplié de rester avec moi. Il s’est allongé à son tour. Les bombes sifflaient, un chapelet de bombes était tombé autour du pigeonnier et un autre à Pen Créac’h sur la ferme Morvan, tuant la petite Lisa, 5 ans, et une vieille dame de 75 ans, venue chercher son lait. D ‘autres bombes étaient tombées sur le terrain d’aviation, mais on ne connaissait jamais le nombre de victimes.

Le 29 janvier 1943

Comment ne pas relater le bombardement de Morlaix qui fit plus de 80 morts, dont 39 enfants de 5 à 7 ans et leur institutrice.Ce 29 janvier 1943 reste la journée la plus meurtrière que connut l’histoire de Morlaix. En effet, si en 1522 et dix ans plus tard en 1532, les Anglais

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effectuèrent des raids sur Morlaix, pillant la ville, massacrant beaucoup d’habitants, ces raids furent moins meurtriers que le bombardement aérien.Or, ce 29 janvier, les bombes tuèrent en quelques minutes plus de 80 personnes dont plus de la moitié furent des enfants.Il était 14h15 lorsque la ville sortit en sursaut de sa torpeur sous les « Flacs » de la DCA. Quelques instants plus tard, les sinistres hurlements des sirènes appelaient la population à se mettre à l’abri. Et le drame se produisit, rapide comme l’éclair, bruyant comme le tonnerre !Une première vague de six avions piquant sur le viaduc ferroviaire lâcha ses bombes dans un fracas épouvantable. Alors que les nuages de fumée montaient dans un ciel d’azur, une seconde vague de six bombardiers larguait son chapelet achevant de meurtrir la ville. Tandis que les avions, leur terrible mission accomplie repartaient, l’un d’eux touché traînant en arrière, le drame, au fil des minutes, apparaissait dans toute son horreur.Quarante trois bombes étaient tombées: deux avaient atteint leur objectif touchant la quatrième arche du viaduc, côté Paris, et une pile. L’arche était coupée aux deux tiers. Mais les autres bombes avaient explosé sur l’église Saint Melaine et la sacristie, au Créou, au Carmel, au Calvaire, au cimetière St Charles (ou furent tuées des personnes venues à l’enterrement d’un petit garçon), place Thiers (aujourd’hui place des Otages), à Saint Martin et sur l’école Notre Dame de Lourdes, tout près du viaduc. C’est là que le drame atteint son paroxysme, les bombes s’étant écrasées sur la classe enfantine, tuant 39 petits enfants de 4 à 7 ans et leur institutrice, sœur St Cyr. D’autres furent blessés plus ou moins grièvement.Les secours s’organisèrent très rapidement dans les divers quartiers. A Notre Dame de Lourdes, les parents accouraient, affolés car la terrible nouvelle se répandit comme une traînée de poudre au quartier Saint Martin. Papas et mamans, fous de douleur, recherchaient dans les décombres des corps mutilés, tentaient de reconnaître le bambin qui, quelques heures plus tôt, faisait la joie de la maison ! Deux familles perdirent chacune un petit garçon et une petite fille. Plusieurs enfants ne purent être identifiés. Au cœur de la ville gisaient place Thiers des corps, des membres arrachés…Une quarantaine de blessés furent transportés au Collège de filles, au Château, qui servait d’hôpital, l’autre étant en grande partie réquisitionné par les occupants. La plupart des blessés, transportés par des véhicules roulant au gazogène et ne pouvant monter l’abrupte côte, étaient brancardés

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jusqu’au collège où, médecins et infirmières religieuses s’affairaient pour les sauver.Les cadavres mutilés , les blessés secourus, les hommes de la Défense passive et une armée de volontaires se mirent en devoir de déblayer la ville, rues Ange de Guernisac et de Ploujean, de fouiller les décombres des 20 immeubles totalement détruits, des 40 sérieusement endommagés sur les 150 touchés.Nous connaissons tous plusieurs victimes : Mme Grall, ancienne directrice d’école publique de Ploujean, M. Costa de Beauregard, maire de Plouézoc’h qui était chez son coiffeur… Quant au viaduc, il se trouvait inutilisable pour quelques jours, car dès le 8 février, sur une seule voie, le train pouvait encore passer au-dessus de la ville pour desservir le port et la base sous-marine de Brest.Un premier train venant de Brest s’arrêtait à Morlaix… Pour les Allemands, pas de problème : des camions étaient à la gare. Les quelques Français, dans l’obligation de voyager, descendaient la venelle de la Roche et remontaient, toujours à pied, l’autre versant pour monter dans le deuxième train à la barrière du Verger. Les ingénieurs allemands dépêchés à Morlaix firent réparer rapidement notre cher viaduc par l’entreprise Todt. Dix jours plus tard, le train circulait à nouveau sur lez pont, au ralenti et sur une seule voie.

Noël 1943 : une grenade, 60 otages

Terrible Noël que celui de 1943 pour les Morlaisiens. Dans la nuit du 24 au 25 décembre, lancé de la rue Gambetta, une grenade tombe sur l’ancien salon Quiviger, rue de Brest. Traversant la verrière, elle explose au milieu de la piste de danse où évoluent nombre de couples.Cette salle, réquisitionnée par les troupes d’occupation est devenue le Foyer de soldat, « Soldatenheim ». En cette nuit de Noël, loin de leur famille, nombre d’officiers, sous-officiers et soldats allemands, souvent accompagnés de « souris grises » ou « vertes », jeunes femmes allemandes de la Luftwaffe (armée de l’air) ou de la Wehrmacht (armée de terre) s’amusent, loin des théâtres des opérations militaires. Quelques françaises perdues collaborent aussi à leur façon, sans véritable méchanceté sans doute, avec les soldats ennemis occupant la « Mère Patrie ».

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Bruit fracassant que celui de la verrière se brisant et de la grenade explosant. Courte panique, l’idée de bombardement semblant plus vraisemblable que celle de l’attentat. Vite les Allemands se ressaisissent et portent secours aux blessés. Ils seront immédiatement transportés à l’hôpital militaire, installé dans l’ancien collège de jeunes filles, aujourd’hui collège du Château. Selon divers témoignages, difficiles à vérifier, car les troupes d’occupation se sont montrées fort discrètes en ce domaine, il y aurait eu 17 blessés, hommes et femmes, tant par la grenade que par la verrière. Mais il ne semble pas qu’il y ait eu un seul mort.En tout état de cause cet attentat a mis les Allemands en fureur Et ce qui était prévisible, et même évident, se produisit, c’est-à-dire une terrible répression contre la population civile. Ainsi le dimanche 26 décembre à l’aube, les troupes allemandes d’occupation, encadrées par des éléments de la sinistre Gestapo et de la feldgendarmerie, effectuaient une rafle massive en ville de Morlaix, arrêtant les hommes valides de 15 à 40 ans : créneau bien ciblé contre d’éventuels « terroristes ». Ainsi entre 6 heures et 8 heures du matin, c’est environ 400 hommes qui sont pris, les uns dans la rue, les autres à leur domicile, alors qu’ils n’étaient pas encore levés !En ce matinal dimanche, peu de monde se trouve dans les rues. Cependant Gilles Cam venait, avec sa carriole, tirée par un âne, livrer son lait. L’infortuné âne n’y comprend rien lorsqu’il voit son maître partir entre les soldats.Les officiers supérieurs allemands, les hommes de la Gestapo, manteaux de cuir noir et chapeaux mous, les photographes de l’armée allemande sont là et font le tri, apparemment au hasard, mettant de côté 60 hommes et ordonnant aux autres de rentrer chez eux, ce qu’ils font sans attendre. Soixante otages sont donc gardés. Encadrés par des soldats en arme, ils quittent la place Thiers (place des Otages), à peu près à la hauteur du kiosque, pour monter la ramper St Nicolas et par Coatserho, gagner l’aérodrome.Les otages sont conduits dans un vaste hangar où un officier allemand nomme le docteur Mostini responsable des prisonniers déclarant qu’il serait fusillé à la moindre tentative d’évasion. Les otages sont répartis dans trois baraquements, situés approximativement à l’endroit où a été érigée un stèle à leur mémoire au lieu-dit « Tunisie ».L’émotion est grande à Morlaix. Les autorités locales, le docteur Olivier Le Jeune, sénateur maire, le chanoine Boulic, curé de Saint Matthieu, le

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Pasteur, le Sous-Préfet, interviennent auprès de la Kommandantur pour demander la libération des otages. Cela ne pourrait se faire que si le coupable se dénonçait… Sous la pression des familles et des officiels, des visites sont autorisées pour apporter aux prisonniers vivres et vêtements, sous la surveillance vigilante des soldats.Et c’est dans l’anxiété que les 60 otages et leurs familles et amis passèrent une St Sylvestre bien sombre, alors pourtant qu’en ce 1er janvier 1944 se dessinait l’aube du débarquement et de la libération. Le lanceur de grenade ayant gardé le silence, les occupants décidaient de déporter en Allemagne les soixante otages morlaisiens. Le dimanche 2 janvier 1944, vers 8 heures, trois camions bâchés embarquent les otages et les conduisent à la gare où attendent trois wagons à bestiaux. La population, mystérieusement alertée par Jean Conseil, préposée PTT, a envahi la rue Gambetta et s’est massée devant la gare. Contenue par les soldats, les Morlaisiens assistent de loin à l’embarquement des prisonniers, par paquets de vingt, dans les wagons à bestiaux. Sans plus attendre, la plupart des habitants descendent les escaliers de la gare et se rassemblent au pied de la Mairie. Lorsqu’en fin de matinée s’ébranle le convoi et franchit le viaduc, la Marseillaise monte du fond de la vallée, puis le pathétique « ce n’est qu’un au revoir mes frères… ».Cet « au revoir » ne restera qu’un vœu pour 32 des Morlaisiens qui ne reviendront pas du camp de Buchenwald et ne reverront jamais leur bonne et paisible ville de Morlaix. Nombre d’autres rentreront épuisés, affaiblis et traîneront plusieurs années ou seulement quelques mois avant de quitter ce monde cruel !Mais à qui donc est dû ce terrible malheur qui a frappé tant d’innocentes victimes et plongé tant de familles dans l’angoisse ? Tous les morlaisiens ont le droit de savoir ! Né en 1923 à Scrignac, Jean Thépaut faisait partie des Francs Tireurs et Partisans. Deux semaines avant l‘attentat de Morlaix, accompagné de quelques comparses, il avait froidement abattu l’abbé Jean Marie Perrot, recteur de Scrignac, qui accompagné de son enfant de chœur regagnait, par un chemin creux, son presbytère.Jean Thépaut était, à vingt ans, cheminot au réseau breton des Chemins de Fer et avait une chambre rue Longue. C’est ainsi qu’il descendit par l’escalier du Temps perdu jusqu’à la rue Gambetta d’où il lança la grenade sur le Soldatenheim, rue de Brest, ce qui entraîna l’incendie de la maison

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de l’avocat Le Hir, l’arrestation de toute sa famille, puis la déportation des soixante otages. Quant au franc tireur, il prit dans la nuit le train de Paris.Après la libération, personne ne revendiqua, pas plus l’assassinat de Yan Var Perrot que l’attentat de Morlaix. Jean Thépaut s’engagea dans l’armée et fit les guerres d’Indochine et d’Algérie qu’il termina avec le grade de Capitaine. Jean Thépaut est aujourd’hui décédé.

Combien d’autres victimes de leur devoir !

Je pense encore à Yves Caroff tué à bout portant à Pen an Traon, chez le père Scornet, lui-même blessé à la jambe, un certain 1er janvier, et combien d’autres que j’oublie peut-être…Je n’oublie pas, bien sûr, ceux de Ploujean restés sir les champs de bataille, sur terre, sur mer et dans les airs. Il y a eu 55 victimes en tout sur l’ex commune de Ploujean.A 20 ans, certains ne pouvaient supporter l’Occupation, mais ils le payèrent cher !!François Le Mel et ses amis se préparent à rejoindre De Gaulle…Ils passent la dernière nuit à Gwaël Kaer et descendent le petit escalier étroit qui rejoint la route du Bas de la Rivière. Les Allemands les surprennent. Ils ont été dénoncés par un traître. Déporté, Le Mel fut libéré par les Russes en 1946 dans un tel état de faiblesse qu’il ne put rejoindre la France.Et voici le récit d’un départ malheureux du Dourduff dont vous connaissez la plupart des acteurs.15 décembre 1940 : Dix jeunes gens de la région morlaisienne décident de traverser la Manche. La pinasse qui doit les emmener en Angleterre est basée au Dourduff. C’est là que R. Lez Corre et 5 de ses camarades embarquent l’essence. Ils se laissent alors dériver, sans bruit, jusqu’à Kérarmel où les attend le reste de la troupe… Et c’est le départ. Ils sortent de la baie sans incident, l’un des passagers mettant la main sur le tuyau d’échappement pour amortir le bruit. Jusqu’à minuit, tout va bien. C’est alors que se lève la tempête. La chance leur tourne le dos : compas inutilisable, embrayage détraqué… Le 16, vers midi, ils aperçoivent une côte, une fumée dans le lointain. Pas de doute, c’est l’Angleterre. Scornet sort un drapeau tricolore frappé d’une Croix de Lorraine. Hélas, des soldats

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allemands les attendaient. Il jettent à l’eau les armes et atterrissent à Guernesey…Arrestation, emprisonnement, interrogatoires… Le 6 janvier 1941, ils sont transférés à Jersey et le 4 février transférés devant une cour martiale.François Scornet, né à Ploujean le 25 mai 1919, est condamné à mort. Roger Le Corre, né à Ploujean le 25 mars 1918, Roger Goasguen, né au Dourduff le 22 septembre 1921, Pierre Lourec, Fernand Guillard écopèrent de 15 ans de travaux forcés, Marcel Querrec de 8 ans. Les autres étaient condamnés à 5 ans de prison.François Scornet fut fusillé à Jersey le 17 août 1941.Il y eut de l’héroïsme sous toutes ses formes. J’ai toujours admiré le courage de M.Protard qui, surmontant son épreuve personnelle (il avait perdu son fils et son gendre au début des hostilités), consacrait son temps au colis, combien difficile du prisonnier. Avec le concours précieux de Mme du Halgouët et de la Croix Rouge Internationale, les colis partaient de Ploujean à destination des Stalags..1945… Les Allemands sont partis depuis longtemps, mais ce n’est pas fini. Traonfeunteuniou, occupé successivement par les Allemands, les Américains, les FFI, pillé, saccagé, est ouvert à tous les vents. Les gamins en profitent pour venir s’amuser. Un obus traîne… C’est tentant… Si on le lançait par la fenêtre…C’est chose faite. L’obus éclate, tuant François Kéruzec, 16 ans. L’empreinte de l’obus est toujours sur la marche. Avril 45 : les services de déminage sont débordés. Lassés de les attendre, Jean Marie Combot et Jean Steun, du bourg, entreprennent de déminer leurs champs. Ils ont bientôt fini. Hélas une des dernières mines explose. Il y a deux veuves et cinq orphelins en bas-âge…C’était tout cela la guerre à Ploujean et ailleurs : une tragédie épouvantable, un formidable élan de patriotisme, une résistance ardente et patiente qui oeuvrait dans l’ombre, des histoires cocasses et des débrouillardises invraisemblables…Mais la roue tourne. Le vainqueur, vaincu à son tour, est reparti chez lui. Courageusement on a rebâti et on a compris. Nous avons compris…Alsacien d’origine et parlant parfaitement l’allemand, M. Gaudiche, recteur de Ploujean en 1940, s’exprimait ainsi : « Il n’y a qu’une façon de faire cesser les rivalités franco-allemandes, c’est de faire l’Europe. Il faudra faire l’Europe ». Pour ces propos, certains le tenaient pour un « collabo ». C’était pourtant un patriote !

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A leur tour, nos enfants ont crié : « Plus de guerre, faisons l’Europe », l’Europe économique d’abord, « le Marché Commun ». L’un après l’autre, les Etats de l’Europe occidentale rentrent dans la Communauté…l’Europe Unie. L’ennemi d’hier est devenu notre ami d’aujourd’hui. Des colloques au sommet s’organisent et les Grands de ce monde commencent même à se donner la main…Nos petits-enfants apprennent la guerre 1939-45 sans plus d’intérêt que la guerre de Cent ans… Phénomène du temps qui passe… Puissent-ils ne jamais connaître de très grands cataclysmes !! Puisse le monde ne plus avoir à souffrir de quelques fanatiques, mais être protégé par des hommes d’intelligence et de cœur.

« Si tous les gars du monde devenaient de bons copainsEt marchaient la main dans la mainLe bonheur serait pour demain… »

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Chapitre XVIII

A l’école du « Sacré Charlemagne »Par Michel Le Bars

A l’école du sacré Charlemagne

« Vercingétorix, né sous Louis Philippe, battit les Chinois un soir à Rocroix… C’est lui qu’inventa la culture physique…M’sieur l’inspecteur, je connais tout ça par cœur !! »Bien sûr, la chanson humoristique est différente de l’Histoire et si nous connaissons cette dernière, « le sacré Charlemagne » n’y est pour rien parce que, de son palais d’Aix la Chapelle, vers l’an 800, il a ordonné que l’Europe entière qu’il gouvernait l’on apprit à lire et à écrire aux enfants, chacun dans la langue de son pays.Certes à cette époque, le latin était la langue supra nationale de l’Europe, la langue officielle indispensable non seulement aux clercs mais aussi aux grands de ce monde, aux juristes, aux marchands…Il est cependant certain que l’on n’attendit pas l’édit de Charlemagne pour promouvoir l’enseignement aux plus privilégiés, y compris dans les régions les plus reculées, Morlaix et ses environs notamment.Bien évidemment, ils étaient rares ceux qui purent s’instruire. Ces privilégiés appartenaient à la société des riches de l’époque : seigneurs, marchands aisés pouvant se payer un maître de lecture et d’écriture. Et puis surtout, l’enseignement se donnait dans les monastères pour former les clercs, moines prédicateurs partant sur les routes et les chemins si peu sûrs, pour baptiser, célébrer la messe, fonder les paroisses.Les documents manquent à peu près totalement, mais peut penser que l’instruction, à Morlaix était quasiment semblable à celle des autres régions. Il faut attendre le 15ème siècle pour trouver trace d’un embryon d’enseignement à Morlaix.A cette époque, les « scolastiques », maîtres d’école particuliers se trouvaient établis dans les différentes paroisses de la ville : Saint Matthieu, Saint Melaine, Saint Martin. Quant à Ploujean, bien entendu, il n’y a aucune archive sur la question. Il est intéressant de savoir que les « scolastiques » étaient rétribués sur les deniers publics et qu’ils étaient quasiment tous des clercs. Plus tard, au 16ème siècle, en 1592, la

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communauté de ville payait trois maîtres d’école des paroisses : Jean Larcher, prêtre, Hervé Le Mercier et Charles Cloer.Quatre ans plus tard ils sont quatre, choisis par les habitants, sans doute par les notables, établis chacun dans une paroisse et le quatrième au « collège Saint Nicolas » probablement une fondation particulière qui disparaîtra par la suite sans laisser de traces.Etait-elle implantée dans le quartier connu aujourd’hui sous le vocable de St Nicolas ? Rien ne permet de l’affirmer ou de l’infirmer.Autre point intéressant sur l’enseignement, dans ses balbutiements à Morlaix, qui démontre le souci des autorités de la Communauté de Ville et celui des religieuses travaillant à l’Hôtel-Dieu. Celui-ci était, avant le grand incendie qui le ravagea, dans la nuit qu 6 janvier 1731, implanté au cœur de la ville, sur ce qui est devenu la place de Viarmes et, ironie du sort, se trouvait dédié à Saint Efflam..Mais revenons à l’enseignement. Outre les malades, les impotents, les vieillards, l’Hôtel-Dieu recueillait aussi les petits orphelins et l’on trouve trace dans les comptes de la Communauté de Ville, de l’achat pour les enfants abandonnés d’alphabets et abécédaires. Voilà un acte qui honore grandement nos ancêtres à une époque où la grande masse du peuple ne savait ni lire ni écrire et n’attachait que peu d’importance au savoir, surtout pour des enfants sans famille et sans fortune, estimant qu’apprendre un métier était l’essentiel.Aussi, investir en 1601 des deniers publics pour l’enseignement des orphelins pouvait apparaître pour nombre de citoyens « donner des confitures aux cochons » et tout au moins un luxe inutile.Il convient, bien entendu de se placer dans le contexte et donc la mentalité de l’époque.

Le premier collège de Morlaix

La fondation du premier collège de Morlaix n’est pas due, comme presque partout dans l’Eglise, mais à un mécène particulier : François Le Bihan, seigneur de Pennelé, du Launay et autres lieux. Le 24 septembre 1597, il fait don à la Communauté des nobles bourgeois de Morlaix, de ses maisons de Créachjoly comprenant logis, colombiers, cours, jardins et pièces de terre pour y construire un collège. Il y met cependant des conditions qui deviendront plus tard une source de conflits, disputes, procès. Selon les

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dispositions du donateur, les régents seront de l’Eglise catholique, apostolique et romaine. Le seigneur de Pennelé aura lui-même le droit de nomination de l’un des régents. Ils devront être payés par la Communauté de ville. Aucun prêtre des paroisses ou chapelain ayant charge d’âmes ne sera admis comme régent, aucun livre entaché d’hérésie ne sera donné aux élèves…Le Prévôt de la Collégiale du Mur et les échevins devaient tous les trois mois effectuer une visite au collège qui devait être dirigé par un principal régent assisté de deux régents, d’un maître d’écriture et d’un bon maître d’arithmétique.Créachjoly, qui signifie « colline ensoleillée », à flanc de coteau sous le Carmel est proche du cœur de la ville. Henri IV, par lettre patente d’août 1601confirme la création du collège et lui accorde des subsides par le canal d’octrois prélevés par la Communauté sur les toiles. D’importants travaux d’aménagement et de construction sont effectués par la ville qui nomme les régents. L’ouverture du collège a lieu en 1603. Les Jésuites s’y intéressèrent. En 1619, les Pères Etienne et de Guernissac, députés de l’Ordre, vinrent à Morlaix traiter cette affaire qui cependant n’aboutit pas bien qu’ils aient déjà obtenu des privilèges.Dès 1605, le collège logeait quelques pensionnaires ainsi que les régents. Le premier prêtre devenu Principal fut, e, 1605, l’abbé Yves Laurans. Démissionnaire après une année d’exercice, il sera remplacé pendant 10 ans par Pierre de Batz. En 1616, lui succède Jean des Bois et, un an plus tard, Collebois qui y meurt au bout d’un an, si pauvre que la Communauté paya ses obsèques au prieur des Jacobins « attendu que notoirement il n’a laissé aucun meuble ni aucun bien pour y subvenir ».Les régents étaient donc payés par la Communauté de Ville mais parfois, la négligence du « miseur » ou le manque d’argent faisaient différer le versement des salaires ce qui entraînait bien des difficultés, procès, abandon de poste. Parfois aussi, le principal recevait la somme globale qu’il lui appartenait de répartir aux autres régents et maîtres. Encore des sources de conflits…A la mort su sieur Collebois, en 1622, l’abbé Blandin est nommé Principal du collège. Il devait y demeurer 34 ans, étant sans doute fort apprécié. Il connut pourtant bien des déboires avec les épidémies de peste en 1623, 1626, 1640. La première fois, M Blandin, avec quelques élèves, déserta la ville. Le régent Corre donna alors les cours dans la chapelle Saint Nicolas.

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Lors de la peste de 1640, Blandin étant principal, les Récollets de Cuburien avec le dévoué Père Boniface, vinrent soigner les élèves…En 1656, le sieur Quinist, un laïc, remplace l’abbé Blandin, sans doute décédé au cours de l’année scolaire. C’est à cette époque qu’il est mentionné que les élèves doivent payer une rétribution scolaire de 5 sols par an. En 1660, de nouveau, un prêtre, l’abbé Marc Le Dizeuls est nommé Principal, mais nommé peu après chanoine doyen de l’église royale collégiale du Mur, il ne peut, selon les conditions de la Fondation du Seigneur de Pennelé, cumuler les deux fonctions et doit quitter le collège.Son successeur fut un prêtre malhonnête. L’abbé Le Point, après avoir touché en 1663 la somme de 910 livres pour payer les régents et effectuer les travaux au collège prit la fuite avec le magot.Antoine Jacob de Villefort succède au prêtre escroc. Mais il a lui-même des démêlés avec l‘autorité municipale pour mauvaise gestion. Il reste pourtant principal et meurt en janvier 1679. Lui succède l’abbé Guillaume Le Gall, prêtre de Saint Matthieu. Il obtint que ses deux frères, Pierre, également prêtre de Saint Matthieu, et Gwénolé, marchand, puissent le remplacer dans la gestion du collège. L’abbé Pierre Le Gall succède donc à son frère Guillaume dans la direction pédagogique et le marchand Gwénolé assure la gestion. Une initiative, sage sans doute. Mais, en 1707, l’abbé pierre Le Gall démissionne et le marchand Gwénolé devient principal du collège bien qu’il ne sache pas le latin. Il faut savoir qu’à cette époque tout l’enseignement se faisait en latin ce qui amène les virulentes oppositions au Principal Gwénolé, et seulement plus tard son remplacement par l’abbé Lescun, prêtre de Saint Matthieu. Ce dernier mourut le 4 mars 1723 suite à une chute dans la cour, circonstances qui amenèrent une enquête de police…

Le prêtre Yves Carré lui succède. Sous son mandat, est enfin nommé un maître hydrographe, M. Berthelot de Lisle, en1730. A la mort de M. Carré, en1743, l’abbé Polazec, prêtre de Saint Melaine devient principal du collège de Morlaix. Il institue, pour la première fois, la distribution des prix. Sans doute, n’en aurait-il pas obtenu lui-même, du moins s’il faut en croire le seigneur de Pennelé, héritier de Le Bihan, qui accuse l’abbé Polazec de savoir à peine dire la messe et charge aussi son régent inférieur de totale ignorance. Il s’agit du tonsuré Béressay qui, à 50 ans, n’a pu accéder au sacerdoce. Le différend qui oppose le seigneur de Pennelé à la

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Communauté de la ville amène le remplacement de l’abbé Polazec par l’abbé François Le Got, prêtre de Saint Martin.

Interdit de parler Français au collège

Comme nous l’avons vu précédemment, le premier collège de Morlaix fut installé à Créachjoly dans une propriété donnée par le seigneur de Pennelé. Mais il est à la charge de la ville pour son entretien et son fonctionnement. La ville verse son salaire au Principal, et généralement par ce dernier, aux enseignants ou régents et au personnel. Les pensionnaires sont admis et doivent payer le gîte et le couvert. Cela est son affaire personnelle. A lui d’équilibrer le budget et de réaliser… des bénéfices. Trop souvent, il le fait sur le dos des élèves, plus préoccupé de gagner de l’argent que d’assurer logement décent et nourriture substantielle à ses pensionnaires. Ils ne furent d’ailleurs jamais plus de 60 et le nombre total des élèves ne dépassa pas 150.Parfois il y en eut à peine 50. On ne recevait pas d’élèves de moins de 9 ans. Pour être admis, il fallait savoir lire et écrire, connaître la grammaire, avoir des éléments de calcul, de catéchisme et de chant.Il y eut cependant en 1723 une école primaire recevant des enfants plus jeunes pour la préparation à l’admission au collège. Le cours complet des études était de 8 années, de la 7ème à la rhétorique et philosophie, du moins dans les années de splendeur du collège, ce qui ne fut pas toujours le cas.Chaque régent à au moins deux classes, parfois trois et même plus. Tout l’enseignement se fait en latin, langue noble et officielle. Il est vrai que la plupart des élèves deviennent prêtres, avocats, procureurs, sergents de ville, hommes de loi. Si, au début de ce siècle, il était interdit dans bien des écoles de parler breton, à cette époque il était aussi interdit de parle français au collège. Evidemment, seuls sont admis les garçons ! Pour les filles, les familles pouvaient des payer des professeurs particuliers. L’enseignement et l’instruction des filles n’apparaissaient pas très utiles pour l’ensemble de la population. L’essentiel était d’en faire des femmes sachant recevoir, élever des enfants, tenir leur maison dans le milieu bourgeois et la petite noblesse de la région. Cependant, les notables de la ville, les négociants et armateurs, quelques personnes de la noblesse pensaient qu’il serait tout de même bon d’instruire les jeunes filles, ne serait-ce que pour qu’elles

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puissent faire un bon mariage. C’est alors que l’on songea aux religieuses Ursulines, éducatrices et enseignantes réputées.Le 11 août 1638, quelques jours avant la naissance du futur Louis XIV, arrivèrent à Morlaix un groupe de religieuses dans des charrettes cahotantes, venant de leur communauté de Tréguier, pour s’installer à l’endroit où, 350 ans plus tard, elles sont toujours !Notons que, dès la création du couvent, les Ursulines accueillirent toutes les filles, sans aucune distinction sociale, tant celles des châteaux et manoirs que celles des villes et des campagnes. Soucieuses de l’éducation religieuse, de l’instruction, les religieuses acceptaient les élèves sans regarder si elles pouvaient payer l’école. Il faut le souligner, car les Ursulines avaient, depuis le début du siècle, la réputation d’une « école de riches », sans doute parce que nombre de jeunes filles d’un milieu bourgeois y étaient instruites. En 1970, après plus de 3 siècles d’enseignement, les Ursulines ont fermé leur école secondaire, dans le cadre de la nouvelle carte scolaire des établissements catholiques. Ce fut douloureux pour les religieuses, mais elles acceptèrent en se référant à la phrase de leur fondatrice, Sainte Angèle, qui écrivait vers 1500 : « Si selon les temps et les besoins, il est nécessaire de prendre des dispositions nouvelles et modifier les choses, faites-le ! »Aujourd’hui, sur la colline, le couvent est toujours là avec une école maternelle, un foyer d’accueil pour les scolaires et les jeunes travailleuses, un havre de paix et de repos pour les vacanciers, les journées de retraite, de réflexion, de prière. Une mission qui se poursuit sous une forme nouvelle répondant à notre époque.Mais revenons au collège de Créachjoly. Si les matières considérées comme principales étaient enseignées, d’autres étaient délaissées, telles l’histoire, la géographie, la littérature. En ces domaines, il fallait recourir aux livres rares où à des professeurs particuliers, ce qui coûtait cher. Pas de congé le mercredi, le jeudi ou le samedi ! Seul repos hebdomadaire, le dimanche, jour du Seigneur, avec généralement des contraintes religieuses : messe basse, grand-messe, salut du Saint Sacrement. Les internes, accompagnés du principal et des régents, se rendaient à saint Melaine ou encore à la Collégiale du Mur ou à Saint Matthieu. Les élèves avaient quelques jours de vacances pour Noël, Mi-Carême, Pâques. Quant aux grandes vacances, elles sembleraient bien courtes à nos écoliers

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d’aujourd’hui et de surcroît peu adaptées aux saisons. Elles s’étalaient du début septembre au 18 octobre, fête de la Saint Luc. Par classe, en commençant par les plus petites, les collèges partaient en vacances tous les cinq jours. Les aînés ne partant que le 7 octobre pour rentrer le 18 ! De bien courtes grandes vacances !Les prêtres des paroisses devenant régents devaient abandonner leurs fonctions ecclésiales. Le principal payait et engageait les régents selon son bon vouloir et sa conscience d’éducateur. Trop de principaux ont lésiné, ce qui leur permettait, ayant un budget global annuel de 900 livres généralement, de réaliser des bénéfices au détriment de l’enseignement.

Le collège de Créachjoly devient prison

Au 18ème siècle, les bâtiments du collège n’étant plus entretenus tombaient en ruine, au, point que, par sécurité, le collège fut fermé en 1752. Cela n’empêcha pas le principal Le Got de toucher pendant plusieurs années la somme de 910 livres pour faire fonctionner l’établissement ! En 1759, un ancien jésuite, l’avocat Tilly de Chefdubois, se montre un ardent défenseur de l’enseignement à Morlaix et propose de céder (mais pas gratuitement) son manoir de Pen an Ru en Ploujean pour y transférer le collège.Cette proposition n’a pas de suite, sans doute parce que l’ancien jésuite n’avait rien d’un mécène et, bien qu’il plaidât sa cause avec conviction, la Communauté de ville n’entendait pas non plus installer le collège sur la commune de Ploujean, puisque à cette époque Pen an Ru ne faisait pas partie de Morlaix.Signalons d’ailleurs qu’en 1969, le Lycée Tristan Corbière, héritier lointain du collège de Créachjoly, s’ouvrait à Kerveguen sur un terrain sis sur la commune de Plourin, sur l’initiative de la municipalité morlaisienne du Docteur LE Duc.Le collège de Créachjoly, fermé depuis 1762 avait donc toujours un principal rémunéré. L’abbé Le Got meurt en 1760 et, sa sœur probablement, Melle Le Got devient la concierge, gardienne des bâtiments déserts, durant une année. Lorsqu’elle démissionne, c’est la famille de Pierre Fiacre Troadec, demeurant à Coatamour en Ploujean, qui lui succède, bénéficiant aussi de la gratuité du loyer, mais sans émoluments.Après bien des tergiversations, le collège est reconstruit à Créachjoly selon les plans de l’architecte ingénieur Bernard de Landerneau. En 1788, un

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laïc, M. Geslain prend la direction du collège. Mais il n’est pas payé et doit se débrouiller. De surcroît, il lui est fait obligation de recevoir gratuitement les élèves externes des trois paroisses de la ville, présentant une attestation d’indigence émanant du curé de chaque paroisse, avalisée par l’autorité municipale. Quatre mois après l’ouverture, plus de 80 élèves bénéficient de la gratuité totale ce qui ne permet pas au Principal d’équilibrer son budget, bien que le collège compte 181 garçons de 6 à 15 ans. La communauté de ville consent donc des avances financières au principal Geslain, dont elle est entièrement satisfaite. Il lui est voté une pension annuelle de 300 livres qu’il aura d’ailleurs bien du mal à obtenir. Il devait pourtant sur cette somme, à laquelle s’ajoutait la pension des élèves, payer le salaire et le logement de quatre régents. Finalement la communauté de Villes se montra si intransigeante et avare que le principal Geslain donna sa démission. Il ne put même pas se faire rembourser l’achat de bancs, tables et aménagements divers. Il avait à ce moment deux régents, Gorffdir et Pichon, et le collège comptait 140 élèves.En 1791, le collège fut définitivement fermé, malgré tous les frais effectués six ans plus tôt pour sa reconstruction. Il n’aura fonctionné que trois ans dans les bâtiments neufs.Créachjoly devait connaître une autre destination moins glorieuse. Ce collège, qui n’était pas le bagne, devient une prison durant la période révolutionnaire. Le 6 mars 1792, le Conseil Municipal était invité par le District à trouver un local servant de prison à Morlaix. Elle le fut d’abord dans la Maison de Ville. Ce n’était pas pratique. La cohabitation s’avérait difficile, tant avec les édiles qu’avec les marchands. Deux ans plus tard, le 3 Prairial de l’an II (22 mai 1795), la prison des salles bases de la Maison commune est transférée à Créachjoly. Des barreaux sont scellés aux fenêtres. Les femmes sont d’abord incarcérées dans l’ancien collège, puis les hommes le 24 fructidor (10 septembre 1795). La prison qui survécut à la révolution compta jusqu’à 119 détenus en 1847, mais d’ordinaire, elle n’en avait qu’une soixantaine.En vain la Ville tenta de récupérer Créachjoly pour y rouvrir le collège. Finalement le Conseil général, en 1857, vote la reconstruction de la Maison d’Arrêt qui restera propriété de la Ville, cette dernière percevant un loyer. Lors de la dernière guerre, durant l’occupation allemande, Créachjoly devait recevoir des résistants arrêtés par la Feldgendarmerie ou la Gestapo.

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Il y avait toujours heureusement des gardiens français qui secoururent comme ils le purent les malheureux prisonniers.Le collège fermé en 1791, le Corps municipal n’estime pas judicieux de le rouvrir, se sachant concurrencé par celui du Léon, réorganisé par l’évêque de Saint Pol, Mgr de la Marche. Le célèbre collège du Kreisker était même maintenant subventionné par le Conseil général Révolutionnaire. Cependant, le 20 ventôse de l’an IV (10 mars 1795 ), la Ville décide de créer une école primaire. Le citoyen Trobert, professeur et maire de Saint Pol de Léon, est nommé instituteur en chef. Il engage, pour la lecture te la grammaire, le citoyen Pichon, ancien régent au collège, et pour l’écriture, le citoyen Floch. L’école primaire fonctionne dans un bâtiment proche des halles et reçoit des garçons de 6 à 14 ans. Il existe par ailleurs plusieurs écoles particulières, dont celle de M. Le Gall. Mais à Morlaix, il n’y a plus de collège officiel, et par décret impérial, la Ville doit donner des bourses pour des pensionnaires à Napoléonville, c’est-à-dire Pontivy, même si aucun morlaisien n’y est scolarisé. En conséquence, il est logique que la Ville cherche à réouvrir son Collège et envisage de le faire dans l’ancien couvent des Dominicains, aux Jacobins, pris par le Ministère de la Guerre pour y loger des troupes. Le projet n’aboutit pas.En 1815, on retrouve M. Geslain, ancien principal du collège, cette fois comme directeur de l’école primaire. Les cours particuliers et écoles privées prospèrent. En 1835, la commune de Morlaix compte25 écoles diverses et un millier d’élèves. Le département n’en totalise que 5600 sur 66000 enfants d’âge scolaire. Morlaix donnait l’exemple.Le Ministre de la Marine confie au citoyen Dreppe la direction d’une école d’hydrographie qui vient d’être créée. Elle se tient dans la sacristie de l’école Saint Melaine, le citoyen Dreppe étant logé au presbytère désaffecté y attenant. Deux de ses élèves étant admis à l’école polytechnique, le citoyen Dreppe prononce un discours fort civique dans les termes suivants : «  que l’enfant couvert des haillons de l’indigence ne craigne pas de s’adresser à moi ; il est aussi et plus particulièrement l’enfant de la Patrie, et si les lois de l’égalité me permettaient quelque préférence, elle serait pour lui ! » Le citoyen Dreppe est très honoré dans la ville, car il prépare les jeunes gens pour l’artillerie et le génie, les armées de la République, puis celles de Bonaparte en ayan grand besoin !

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L’école d’Hydrographie devient un véritable collège, car l »on y enseigne en l’an XIII, le français, le latin, l’histoire universelle, la géométrie, les mathématiques, l’astrophysique… Notre spationaute ploujeannais, Jean Loup Chrétien, y aurait eu sa place ! L’école d’hydrographie comptait 76 élèves, 3 professeurs et 3 répétiteurs.Dans le secteur privé, signalons aussi la construction, sur l’emplacement de l’ancienne Collégiale Notre Dame du Mur, effondrée en 1806, du pensionnant Notre Dame du Mur. Fondé par l’abbé Hennequin et M. Férec, il comptait en 1847 pour son seul établissement secondaire, 150 élèves et 5 professeurs.

Entre Créachjoly et Kernegues : le collège du Poan-Ben

Comme nous l’avons vu, le collège de Créachjoly a été acheté par le département pour en faire une prison. Après d’interminables discussions, la ville achète le terrain de Poan-Ben à Julien Mahé. Est-ce l’entrepreneur à qui l’on doit l’effondrement de la collégiale du Mur ou son frère ? Ce terrain était l’ancien jardin des jacobins. Il l’avait acquis comme bien national. Pour faciliter l’accès du groupe scolaire, la ville construit, enjambant le Jarlot un pont de pierre, reliant la rue de Paris à la belle allée de Poan-Ben, bordée de marronniers. Dans les anciens jardins des Dominicains sont édifiés, sur 135 mètres de long et 41 de profondeur les bâtiments du groupe scolaire, comprenant, au centre le Collège, de part et d’autre, l’école primaire des garçons et celle des filles. Si les bâtiments sont achevés en 1856, il faudra attendre octobre 1862 pour que le collège s’ouvre avec 24 élèves. Le 8 octobre, le curé de Saint Melaine avait béni les bâtiments et le 9, journée d’inauguration, une messe du Saint-Esprit fut célébrée à Saint Melaine en présence du Sous-Préfet, du Maire et de tout le Conseil, du principal et des professeurs en grand costume universitaire. Ils se rendaient ensuite en cortège au collège.Le retard de 6 années pour l’ouverture du collège est dû à l’inertie, pour le moins, de Mgr Sergent, évêque de Quimper qui, sollicité pour nommer un prêtre à la tête du collège, fit la sourde oreille. Le Conseil municipal souhaitait que le Principal fut un ecclésiastique, « c’était plus moral…et moins cher ».Sans doute l’évêché craignait-il un concurrence vis à vis du collège du Léon. Il mit encore les bâtons dans les roues pour la nomination d’un

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aumônier, prétextant que son avis n’avait pas été demandé : « l’on me demande un aumônier, je n’en ai pas. Si j’en avais, je n’en donnerais pas… »En conséquence, les élèves sont conduits à l’église Saint Melaine pour le catéchisme et les cérémonies religieuses, ce qui entraîne les récriminations des curés de Saint Matthieu et de Saint Martin !Finalement, en1864, l’évêque nomme l’abbé Letty aumônier du collège et une chapelle est aménagée. M. Borely est remplacé par l’abbé Rocques qui se montre fort libéral et ne craint pas d’adresser un blâme à l’aumônier coupable d’avoir fait signer, par les élèves, une pétition en faveur de la puissance temporelle du Pape.Apprécié de tous, ayant réussi à faire l’unanimité, l’abbé Rocques demeura à son poste jusqu’à sa retraite et fut remplacé, à la rentrée de 1871 par M. Boulanger. Lui aussi, homme intelligent, actif, énergique, poursuivit l’œuvre entreprise jusqu’à l’heure de la retraite en 1877. M. Rigolage lui succéda. Sommé de partir en 1881, il refusa et il fallut l’intervention académique pour le contraindre à quitter son poste…Il est vrai que M. Rigolage était contesté puisque le maire de la ville avait écrit au recteur d’académie: « De tous côtés, on se demande si les collèges sont faits pour les Principaux ou les Principaux pour les collèges. Nous avons, à Morlaix, une école importante tenue par les Frères de l’Institution Chrétienne et, pour combattre leur influence, nous avons besoin d’avoir une administration sérieuse et vigilante à la tête de notre collège. Le maintien de M. Rigolage équivaudrait à la ruine du collège. » Ah ! Laguerre scolaire...!M. Gourahel de Penarprat devint Principal le 29 septembre 1881. Il mourait le 5 février suivant et était remplacé par M. Legras qui devait demeurer Principal durant 29 années. Deux ans plus tard, le collège comptant 300 élèves, s’avérait trop petit. Faute de pouvoir l’étendre sur place, la Municipalité recherchait un nouvel emplacement. Celui du Château à 41 mètres au-dessus de la ville et où devait se construire plus tard le collège de filles et celui du calvaire furent envisagés. Finalement celui de Kernégues, sur une colline de 73 mètres fut retenu. La Ville avait acquis ce terrain d’un hectare le 15 juin pour y établir un cimetière et un champ de foire au prix de 85.000 francs. L’ancien collège du Poan-Ben, sans l’école primaire, fut vendu 100.000 Francs à l’Etat pour y installer les tribunaux civil et de commerce qui y sont toujours

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Le collège de Kernéguès, avec un bâtiment de 180 mètres de long, façade Nord, fut inauguré le 20 avril 1893 à 20 heures. Le total des dépenses, terrain et constructions, s’est élevé à 597.129 francs. Le collège municipal ne devait cesser de prospérer et s’agrandir au fil des années. En 1933 on y dénombrait 649 élèves dont la moitié d’internes. M. Henri Schlemmer en était le Principal. C’est lui qui a écrit l’histoire du collège dont je me suis largement inspiré.Avec l’occupation allemande, le collège est réquisitionné par la Luftwaffe et tout badigeonné d’un affreux camouflage. Un abri bétonné fut construit en face du collège et, dans l’enceinte du parc de Kernegues, les Allemands installèrent batteries de DCA et projecteurs, construisirent des baraquements. Les collégiens durent trouver refuge ailleurs ce qui était plus prudent et sage sur tous les plans.A la Libération, M. Léon Lebrument devenait Principal du collège, puis Proviseur lorsque l’établissement Lycée d’Etat. L’établissement de Kernéguès devenu trop exigu, le maire de Morlaix, le Docteur Jean Le Duc et son conseil ( Jean Salou était adjoint de Ploujean) décidait de la construction d’un grand lycée à Kervéguen et achetait, non sans bien des discussions et même procès, le terrain Lesteven, sur la commune de Plourin, faute d’emplacement sur celle de Morlaix. En 1969, le nouveau lycée s’installait à Kervéguen juste derrière Kernégues. Un LEP, Lycée d’Enseignement professionnel, venait compléter l’infrastructure. La suppression du collège de jeunes filles, au Château, devenu CEG, puis CES 1er cycle, augmenta considérablement les effectifs de l’ancien collège de garçons promu lycée. En 1987, M. Claude Quérec étant Proviseur, M. Lecoq directeur du LEP, l’établissement accueillait 1650 élèves dont 400 internes et 850 demi-pensionnaires avec un personnel de 300 enseignants, administratifs et services…Une grosse usine !! Recevant les lycéens de la Seconde à la Terminale et préparant 14 baccalauréats différents.A la rentrée de septembre 1988, le Lycée Tristan Corbière, prévu pour 1.400 élèves en comptait 1.827 et préparait 16 bacs. Le second cycle à Morlaix avec le lycée Notre Dame du mur, 600 élèves, approche les 3.000 lycéens, car il faut y ajouter les 300 élèves du Lycée agricole de Suscinio où l’enseignement supérieur a déjà sa place avec les BTS, deux années après le Bac et peut-être, dans un proche avenir, la création d’un IUT, Institut Universitaire de Technologie, fortement réclamé à Morlaix.

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En ce qui concerne le premier cycle, de la 6ème à la 3ème inclus, citons les collèges d’enseignement secondaire, CES, du Château, Mendès-France au Launay, Saint Joseph, saint Augustin, Tanguy Prigent à saint martin des Champs.Ajoutons l’établissement du Porsmeur, 480 élèves en CAP, BEP. Quant au primaire, on compte 13 écoles dont 2 à Saint Martin, 14 maternelles dont 2 à Saint Martin. De surcroît, n’oublions pas les SES, Section d’Enseignement Spécialisé, au Château, les IME, Instituts Médico Educatifs, d’Ar Brug, de Trévidy, des Genêts d’Or.Dans le cadre de la formation intellectuelle et professionnelle, il ne faut pas oublier le GRETA, annexé au Lycée Tristan Corbière, le CFPA, centre de Formation Professionnelle des Adultes, l’IPGE, Institut Professionnel de Gestion des Entreprises de la Chambre de Commerce, les cours de la Chambre des Métiers…En 1989, on peut affirmer que Morlaix scolarise environ 12.000 enfants, jeunes, enfants, collégiens, lycéens, étudiants et adultes.

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