guide de gouvernance et d'évaluation à l'usage des recteurs et

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DANS LA MÊME COLLECTION

DÉJÀ PUBLIÉS (2012)

Tome 1 Introduction à la gouvernance des universités

EN PRÉPARATION

Tome 2 Gouvernance stratégique et communication

Tome 3 Gouvernance de la mission d’enseignement et réforme LMD

Tome 4 Évaluation et démarche-qualité

Tome 5 Gérer une université au jour le jour

Tome 6 Le métier en quelques coups d’œil

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Première édition : 2012.

L’ensemble des documents disponibles dans ce guide ou sur le site Internet de l’Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire (IFGU) sont à la disposition des lecteurs et utilisateurs du guide dans un but non-commercial.

www.ifgu.auf.org

Toute utilisation d’une image ou d’une partie de texte portera comme référence :

Auteur du chapitre, « Titre du chapitre », in : J.-F. Denef et B. Mvé-Ondo (dir.), 2012. Recteur ou président d’université : être ou faire autorité ? Guide de gouvernance et d’évaluation à l’usage des recteurs et présidents d’universités ou d’institutions d’enseignement supérieur. Yaoundé, Montréal, Paris : Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire, Agence Universitaire de la Francophonie.

Tirage hors commerce réalisé à l'occasion du 14e Sommet de la Francophonie, Kinshasa (République démocratique du Congo), 12 - 14 octobre 2012.

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« On ne peut créer des institutions infaillibles, c’est-à-dire des institutions dont le fonctionnement ne dépende pas très largement des personnes qui en sont responsables. […] Les institutions sont comme des forteresses : elles ne remplissent leur fonction que si la garnison, c’est-à-dire l’élément humain, est valeureuse. »

KARL POPPER, Misère de l’historicisme, Plon, 1955.

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SOMMAIRE

Préface ..................................................................................................... 9

Avant-propos ........................................................................................ 11

Pourquoi un tel guide ? ............................................................................11

Comment utiliser ce guide ? ....................................................................12

Un site Internet en appui au guide ...........................................................12

Lettre ouverte à vous, nouveau recteur… .......................................... 15

ÊTRE OU FAIRE AUTORITÉ ? .................................................................... 15

Chapitre 1

La gouvernance de l’enseignement supérieur ................................... 17

1. OBJECTIFS DU CHAPITRE .................................................................... 17

2. BON À SAVOIR ................................................................................... 19

2.1. La gouvernance : essai de définition .................................................19

2.2. La gouvernance comme outil de la gouvernabilité ............................20

2.3. De la gouvernance à la gouvernance universitaire ...........................24

2.3.1. La question de la gouvernance universitaire comme conséquence de la crise et de la mondialisation ....................................................................24

2.3.2. Quelle université aujourd’hui : au-delà d’une approche disciplinaire ..27

2.4. Différents modèles de gouvernance des universités du Nord ...........28

2.5. La gouvernance dans les universités africaines francophones .........33

Les universités africaines : les grandes étapes de leur histoire ..................33

3. COMMENT FAIRE ? ............................................................................. 36

3.1 Organisation actuelle de la gouvernance universitaire en Afrique francophone .............................................................................................36

4. CONCLUSION : EN GUISE DE DÉPART .................................................... 40

Annexe ................................................................................................... 42

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HISTOIRE ET ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE RECTEUR .............................. 42

1. Histoire de la fonction de recteur dans la tradition francophone ...........43

2. Le rôle de recteur dans les universités anglo-saxonnes ...............44

Chapitre 2

Principes de base de la gouvernance dans l’enseignement

supérieur ............................................................................................... 47

INTRODUCTION ...................................................................................... 47

2. BON À SAVOIR .............................................................................. 49

2.1. Quelle vision pour l’enseignement supérieur ?..................................49

2.2. Un partenariat véritable entre l’État et l’université pour une vision cohérente de l’enseignement supérieur ...................................................50

2.2.1. Le rôle de l’État dans la politique de l’enseignement supérieur .........51

2.2.2. La gouvernance de l’enseignement supérieur privé ..........................54

2.3. Partenariat université-société civile ...................................................55

2.4. La nécessité d'un organisme externe de contrôle .............................56

3. COMMENT FAIRE ? ............................................................................. 58

3.1. Les principes directeurs de la gouvernance ......................................58

3.1.1. Une autonomie plus large .................................................................58

3.1.2. Une culture de la qualité et de l’évaluation ........................................58

3.1.3. Une culture du résultat (imputabilité) .................................................59

3.1.4. L’internationalisation de l’université ...................................................59

3.2. L’impact du cadre juridique et du modèle d’organisation des universités sur la gouvernance ................................................................59

3.2.1. Cadre légal de la gouvernance .........................................................61

3.2.2. Plusieurs formes d’organisation universitaire ....................................62

3.3. Les organes de gouvernance interne ................................................66

3.3.1. Le conseil de l’université ...................................................................67

3.3.2. Le recteur ou le président de l’université ...........................................70

3.3.3. Le conseil de direction ou conseil rectoral .........................................71

3.3.4. Le conseil scientifique .......................................................................71

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3.3.5. Les autorités académiques et les instances des facultés et instituts .72

3.3.6. Les liens entre les instances .............................................................72

3.4. Le pilotage ........................................................................................72

4. CONCLUSION PERSPECTIVES .............................................................. 74

Références du chapitre 1 ..................................................................... 76

Références du chapitre 2 ..................................................................... 77

Sigles et abréviations ........................................................................... 79

Présentation des auteurs de ce tome ................................................. 80

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PRÉFACE

La gouvernance des universités et, plus largement, des établissements de l’enseignement supérieur, est devenue aujourd’hui si complexe que les seules compétences scientifiques et pédagogiques de l’enseignant-chercheur appelé à leur direction ne sont plus suffisantes, à tel point qu’il est apparu indispensable à l’ensemble des acteurs de ce secteur d’échanger des informations et des bonnes pratiques à ce sujet.

En effet, depuis un peu plus d’une dizaine d’années, les pratiques de gouvernance universitaire (autoévaluation, évaluation externe, transparence, autonomie, reddition des comptes, évaluation des pratiques pédagogiques et de la recherche, etc.) ont fait l’objet de plusieurs tentatives de formalisation. Cet effort de partage des bonnes pratiques au sein des établissements d’enseignement supérieur s’est accentué avec la succession des crises universitaires de toutes sortes et la nécessité d’engager des réformes en profondeur.

C’est ainsi que, convaincue que l’échange de ces bonnes pratiques pouvait être bénéfique à l’ensemble des acteurs et partenaires de l’enseignement supérieur (étudiants, enseignants-chercheurs, agents techniques et administratifs, mais aussi syndicats, États et bailleurs de fonds, etc.), l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), en collaboration avec l’Association des Universités du Commonwealth (ACU) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), a créé et mis en place à Yaoundé, au Cameroun, en 2009, l’Institut Panafricain de Gouvernance Universitaire (IPAGU)1, dont l’objectif est de servir d’outil de référence et de cadre à de tels échanges. Le présent manuel trouve ici sa raison d’être et son utilité.

Pour le réaliser, une équipe d’experts a été mise au travail sous la double coordination de messieurs Jean-François Denef, fondateur et animateur de l’école des doyens de la Conférence Internationale des Doyens des Facultés de Médecine d'Expression Française (CIDMEF), et Bonaventure Mvé-Ondo, vice-recteur de l’AUF et créateur de l’IPAGU, devenu en 2012 l’IFGU. L’équipe des experts est composée d’universitaires ouverts au dialogue et bénéficiant d’une diversité d’expériences des systèmes universitaires. Elle a pour objectif, non pas de proposer un modèle unique de gouvernance universitaire, mais d’aider l’ensemble des cadres dirigeants de l’enseignement supérieur, tant dans les établissements eux-mêmes qu’au niveau des administrations et des autorités de tutelle, à mieux comprendre les enjeux et surtout à en posséder les instruments et l’ensemble des mécanismes.

Les grands axes de la gouvernance universitaire explicités dans ce guide sont les suivants : l’autoévaluation, l’évaluation externe, l’assurance-qualité, le leadership, l’éthique et la responsabilité sociétale, le rôle de l’équipe de direction et des instances, les relations entre les enseignants et les étudiants, entre l’université et le monde socioéconomique, l’internationalisation de

1. L'IPAGU, créé en 2009 et inauguré en 2010, a pris le nom d’Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire (IFGU) en 2012.

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l’enseignement supérieur, la gestion du patrimoine, la gouvernance des services de scolarité, etc. Ils vont être partagés dès maintenant par les principaux responsables des établissements.

Sans doute, certains trouveront ce guide assez général au point de manquer parfois de précisions utiles. Cette réaction est naturelle, étant données les spécificités de chaque institution universitaire. Toutefois, son mérite est de tenter une harmonisation des pratiques et de les éclairer. Enfin, ce manuel fera l’objet d’un réexamen régulier et, le cas échéant, d’une adaptation périodique suite à vos recommandations et remarques. Dans tous les cas, il s’agit d’une première dans l’espace francophone à laquelle l’Agence est heureuse de contribuer.

BERNARD CERQUIGLINI Recteur de l’AUF

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AVANT-PROPOS

Pourquoi un tel guide ?

Les problématiques de la gestion et de la gouvernance sont très présentes dans le monde de l’entreprise et, dès lors, les programmes de formation dans ces disciplines sont très fréquents dans les instituts de gestion des universités et les autres établissements de l’enseignement supérieur. Des formations parfois très coûteuses sont proposées par des instituts prestigieux.

En revanche, la problématique de la gouvernance de l’enseignement, et plus particulièrement celle des universités et institutions d’enseignement supérieur et/ou de recherche, est beaucoup plus embryonnaire, surtout dans le monde francophone.

Et pourtant, diriger et gérer (ce qui n’est pas exactement la même chose) de manière éthique et performante une université, un institut, une faculté ou un établissement d’enseignement supérieur devient jour après jour de plus en plus fondamental. Le nombre d’étudiants croît, tout comme leurs attentes et celles de la société. Les moyens logistiques, financiers et humains sont réduits ; les enseignants, les chercheurs et le personnel administratif et technique sont difficiles à motiver et à retenir…

Dans les dernières années, ateliers, séminaires et colloques traitant de la gouvernance des universités ont été organisés, tant dans les pays développés que dans les pays du Sud. Beaucoup de conférences ont été faites, d’articles ou livres ont été publiés qui, tous, sont en lien avec la gouvernance universitaire : les politiques de réformes proprement dites et la manière de les mettre en œuvre ; le partage des bonnes pratiques et d’une démarche de type « qualité » ; le renforcement des capacités des établissements et l’aide au renforcement du leadership des dirigeants des institutions. Tout cela suppose aussi de disposer des outils de recueil et d’analyse de données fiables et récentes, de concevoir et de mettre en œuvre des actions de sensibilisation, de formation et de développement d’une culture professionnelle de la gouvernance universitaire et, enfin, de mettre en œuvre sur une base volontaire des outils d’évaluation des institutions d’enseignement supérieur et plus généralement de l’ensemble de leurs acteurs.

Cependant, les documents de référence permettant à des responsables en place de trouver rapidement et facilement des idées, conseils, méthodes ou outils pouvant leur être utiles, restent rares, surtout en langue française.

C’est à cette lacune que ce guide de gouvernance des responsables de l’enseignement supérieur et universitaire souhaite répondre, fût-ce partiellement. Il a été écrit par des hommes et des femmes qui, tous et toutes, à un moment de leur carrière, ont assumé des fonctions de responsable dans le monde de l’enseignement supérieur. Ces derniers ont accepté de mettre leur expérience personnelle et leurs compétences à votre service, vous, responsable actuellement en charge dans des institutions de recherche ou de formation, que

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vous soyez recteur ou président d’université, directeur d’un institut de formation, doyen de faculté, etc.

Ces personnes, de formation et d’horizons très différents, ont porté leur regard sur leur fonction et à leur manière. Il est donc logique que le style de chaque chapitre soit spécifique et reflète la personnalité de son ou de ses auteurs.

Nous avons souhaité que chaque chapitre, chaque section, puisse être accessible sans que vous deviez relire telle ou telle autre partie. Ceci implique donc des redites, comme celles que l’on trouve souvent dans les guides des utilisateurs. Nous avons essayé de les limiter au strict minimum, mais elles sont le prix à payer pour rendre ce guide facile d’utilisation.

Comment utiliser ce guide ?

Ce guide n’a pas la prétention de couvrir de manière approfondie l’ensemble des problématiques liées à la gouvernance. Il se veut un outil simple, accessible et pratique. Il est construit de manière à répondre rapidement aux questions que se posent des responsables en place devant leurs tâches quotidiennes ou de leur permettre de prendre un peu de distance pour mieux organiser leur propre travail et celui de leurs proches collaborateurs. Il aborde donc des questions à la fois simples et fondamentales : Gouverner, pour quoi et pour qui ? Qu’est-ce qu’être un leader ? Comment se gérer soi-même et gérer son équipe rectorale ou de direction ? Et la pédagogie dans tout cela ? Comment motiver étudiants, enseignants, administratifs et chercheurs ? Comment engager la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat) ? Quid de l’assurance-qualité et de l’évaluation ? Bref, être ou faire autorité ?

Autant que faire se peut, chaque chapitre sera organisé en trois parties. La première, « Bon à savoir », permet de situer le contexte et donne quelques fondements des éléments de la problématique abordée. La seconde partie, « Comment faire ? », donne des pistes d’action ou de réflexion ou des outils pour voir son travail de manière plus critique. La troisième partie permet de conclure et de définir les aspects fondamentaux à retenir ou à mettre en œuvre.

Les deux premiers chapitres, qui forment le Tome 1, sont une réflexion plus approfondie des concepts de gouvernance et d’organisation des universités. Ensuite, les autres tomes seront plus pratiques.

Ce guide se présente surtout comme un service rendu aux responsables des universités et des institutions d’enseignement supérieur. À ce titre, nous, auteurs et éditeurs, permettons la copie des parties de ce guide pour un usage non-commercial interne aux institutions. Nous serions cependant heureux d’être tenus informés des utilisations des éléments du guide, afin d’en améliorer la forme et le fond pour répondre au mieux à vos besoins et à vos demandes.

Un site Internet en appui au guide

Le présent guide se complète d’un site interactif, dont le but est de créer une véritable communauté des responsables universitaires francophones intéressés à partager les bonnes pratiques et les expériences positives ou négatives en

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matière de gouvernance universitaire. Ce site permet de retrouver en version numérique l’ensemble des tomes du guide, ainsi que, pour ceux qui le souhaitent, des présentations sous forme d’images ou de schémas, de suivre des débats dans des forums de discussion et même de contribuer à la rédaction de documents de réflexion ou de dialogue. Ce site est géré par l’équipe des responsables de l’IFGU.

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LETTRE OUVERTE À VOUS, NOUVEAU RECTEUR…

ÊTRE OU FAIRE AUTORITÉ ?

Vous venez d’être désigné(e) ou élu(e)2 nouveau recteur ou président de votre université ou directeur d’une institution de recherche ou d’enseignement supérieur. Toutes nos félicitations, c’est certainement une marque de confiance et de reconnaissance envers votre personne et vos capacités.

Vous avez probablement, ces dernières années, déjà assuré des responsabilités comme doyen, responsable de programme, président de commissions, groupes de travail ou autre… Mais, aujourd’hui, vous voilà à la barre, au gouvernail… Aujourd’hui, vous êtes le premier, l’ultime responsable de votre institution ou université… Être recteur, président ou responsable de haut niveau, c’est un honneur, oui, sans doute, mais c’est aussi un métier avec de nouvelles exigences et de nouvelles contraintes, et c’est un service envers la communauté universitaire toute entière.

Votre cœur n’est-il pas partagé entre une fierté toute légitime de l’honneur rendu et un souci : celui de faire le mieux possible, mais comment ? Car la fonction de recteur est un défi.

Prenez, en lisant cette lettre ouverte, un peu de temps pour y réfléchir. Au moment où vous entamez votre mandat ou peut-être même avant de l’entamer, ne ressentez-vous pas qu’il serait utile d’identifier différentes facettes de votre tâche et peut-être quelques éléments-clefs de votre première année de présidence ou de rectorat ?

Votre nomination à la fonction de recteur ou de président fait de vous une autorité. Vous êtes maintenant une autorité. Notre but, à travers ce guide, est de vous aider à vous faire reconnaitre comme une personne compétente, dévouée à sa fonction, à qui on peut se confier et qui mérite respect et obéissance. Bref, nous voulons vous aider, à travers ce guide, à « faire autorité »…

Que vous ayez été désigné(e) ou élu(e), vous détenez une légitimité que vous confère votre nouvelle fonction, même si vous avez peut-être été en compétition avec d’autres membres de votre université, eux-mêmes soutenus par une partie plus ou moins importante de celle-ci. N’oubliez pas, vous êtes maintenant recteur ou président de toute l’université, de ceux qui vous étaient favorables, comme des autres. Veillez au bien de tous et de l’ensemble de l’institution.

Avez-vous une vision et des projets pour votre institution ? Si oui, tant mieux. Si non, ce sera une des premières choses à faire : élaborer, puis partager avec d’autres votre vision, leur montrer ce que vous voulez faire.

Avez-vous déjà pensé comment vous allez vérifier que vous gardez le bon cap ? Pensez-vous pouvoir vous évaluer vous-même et évaluer votre propre action ?

2. Les termes de recteur, président, doyen et directeur désigneront dans le présent guide les hommes et les femmes qui assument ces fonctions dans les institutions universitaires.

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Avez-vous des personnes capables de faire des suggestions, ou des remarques, même pas très agréables à entendre ?

Avez-vous une équipe autour de vous, des personnes sur qui vous allez pouvoir compter, à qui faire confiance et qui vont, avec vous, œuvrer pour le bien de votre institution ? Comment allez-vous créer un esprit d’équipe ?

Voilà quelques aspects de votre mission que nous voudrions partager avec vous à travers ce guide. Nous sommes là pour vous aider.

Ce que nous vous proposons est proche du modèle classique des universités, qui s’est construit au cours des siècles dans les pays développés. Est-ce le meilleur modèle pour ceux d’entre vous qui êtes des recteurs des universités du Sud ? C’est votre liberté et votre responsabilité de choisir les outils, modèles de relations, valeurs que nous allons partager avec vous et que nous vous proposons. À vous de prendre ou ne pas prendre, mais notre souci est d’au moins vous amener à vous poser des questions…

Encore toutes nos félicitations ; nous sommes heureux d’être avec vous pour vous aider à relever ce palpitant défi…

L’ÉQUIPE DE RÉDACTION

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Chapitre 1

LA GOUVERNANCE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉR IEUR

BONAVENTURE MVÉ-ONDO

1. OBJECTIFS DU CHAPITRE

Depuis près d'une dizaine d'années, partout dans le monde, l’enseignement supérieur est en évolution constante et se développe rapidement. Les pays ont connu d’indéniables avancées dans la création d’établissements d’enseignement supérieur, qu’il s’agisse d’établissements publics ou privés. Mieux, la contribution de l’enseignement supérieur au développement est aujourd’hui fortement admise par tous. Les établissements d’enseignement supérieur ne sont plus simplement des lieux de formation pour le savoir, ils ont un rôle à jouer dans la pertinence de leurs formations et dans la modernisation de leur fonctionnement comme dans l’accompagnement du développement social et économique des pays. Or, pour que cela reste possible, il importe plus que jamais qu’ils améliorent leur mode de gouvernance.

Mais, dans la plupart des pays, le développement de l’enseignement supérieur n’a pas nécessairement conduit à des changements en termes de qualité des formations ou de la recherche, ni permis une meilleure gouvernance des structures universitaires, ni même réduit de manière sensible les crises universitaires. Pire, il apparaît de plus en plus aujourd'hui que de nombreux problèmes que rencontrent les universités dans le monde, et plus parti-culièrement en Afrique, sont essentiellement liés à des questions de gouvernance : baisse de la qualité des formations, faux diplômes, grèves, années blanches, mauvaise perception de l’université par la société, corruption, équipements vétustes ou inadaptés, manque de moyens, insuffisance de profession-nalisation des enseignants-chercheurs et des personnels d’appui, etc. Bref, tous les domaines de la vie des universités ont un lien, à un moment ou à un autre, avec la gouvernance, qu’il s’agisse de la gouvernance politique, stratégique et institutionnelle, de la gouvernance académique, de la gouvernance administrative, de la gouvernance sociale ou même de la gouvernance numérique au moyen des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).

LES ÉTABLISSEMENTS

D’ENSEIGNEMENT

SUPÉRIEUR ONT UN RÔLE À

JOUER DANS LA

PERTINENCE DE LEURS

FORMATIONS, DANS LA

MODERNISATION DE LEUR

fonctionnement ET DANS LE

DÉVELOPPEMENT SOCIAL ET

ÉCONOMIQUE DES PAYS.

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La demande d’amélioration de la gouvernance de l'enseignement supérieur n'est pas la même selon les pays et les régions. D'une manière générale, dans les pays européens, il s'agit plutôt de renforcer l'autonomie des universités pour qu'elles disposent de masses critiques leur permettant de figurer dans les classements mondiaux. En France, par exemple, il s'est agi de redéfinir les rapports des universités avec l'État et l’administration centrale et les rapports des universités entre elles, autrement dit de renforcer « la direction et la gestion des universités » (Cour des comptes, 2005)3, pour plus d’efficience et d’efficacité, et de permettre ainsi à l’université de faire face aux défis posés par la concurrence internationale accrue entre universités.

Pour les pays du Sud, et plus précisément ceux d'Afrique, l'objectif est plutôt de renouveler la pertinence, l'efficacité et l'efficience des établissements d'enseignement supérieur et d'accroitre leur qualité, autrement dit de moderniser le cadre juridique, l'organigramme, les outils, les modes de décision et les orientations stratégiques.

Dans ce contexte, les conditions majeures, au-delà du nécessaire renforcement des moyens et du mode de désignation des autorités universitaires, qui nous semblent indispensables pour améliorer la gouvernance de l’enseignement supérieur sont les suivantes :

1. Établir le dialogue entre tous les acteurs et partenaires de la communauté universitaire et redonner du sens dans le fonctionnement des structures de concertation.

2. Assurer une gestion transparente de l’ensemble des ressources humaines, matérielles et financières.

3. Garantir la synergie entre les responsables et les structures d’appui au fonctionnement, ainsi qu’une large information sur le fonctionnement des structures à l’ensemble de la communauté universitaire.

Dans ce chapitre, nous aborderons les points suivants : histoire et évolution du concept de gouvernance ; définition et évolution de la gouvernance universitaire, notamment dans les universités du Nord et dans les universités africaines francophones.

3. Toutes les références bibliographiques sont consultables à la fin de l’ouvrage.

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2. BON À SAVOIR

2.1. La gouvernance : essai de définition

Le concept de gouvernance ne date pas d'hier. Comme l’attestent les dictionnaires, étymo-logiquement, le terme « gouvernance », dérivé de gouverner, est issu du latin gubernare, lui-même emprunté au grec kubernân. Dans la Grèce Antique, il se référait tout simplement au gouvernail ou à l’art de piloter un navire. Le mot « gouvernance » (art ou manière de gouverner) était employé en ancien français comme synonyme de gouvernement. Ainsi, le terme « gouverner », terme de navigation, fait référence à la maîtrise de l’embarcation, mais aussi à la connaissance de la mer, des vents, des courants, etc.

Montaigne a été l’un des premiers philosophes à évoquer la notion du gouvernement de soi et à lui donner un sens psychologique, longtemps oublié. De nos jours, ce sens réapparaît dans les formations au management des entreprises. Se gouverner, c’est exercer son emprise sur soi-même, c’est régir et administrer sa vie en fonction de certaines règles de conduite qu’on s’impose librement. En ce sens, et pour revenir au niveau de l’État, gouverner se réfère alors tout simplement au verbe maîtriser : le gouvernement dirige les affaires publiques d’un État au sein duquel il détient et exerce le pouvoir ; il lui sert en quelque sorte de gouvernail, l’oriente, le contrôle, lui imprime une certaine forme de conduite par ses lois, par son pouvoir de coercition, par le respect de son autorité. Mais la maîtrise renvoie aussi à un principe moral qui doit lier le gouvernement au peuple. C’est le contrat social ou la volonté du peuple que le gouvernement est censé mettre en œuvre. C’est ainsi que le concept de gouvernance est devenu synonyme de gouvernement.

Dans un contexte mondial marqué par des crises de toutes sortes (financières, économiques, sociales, politiques, etc.), le concept de gouvernance désigne désormais les nouveaux modes de pilotage et de régulation des structures et des institutions, modes de pilotage qui font appel à la participation des acteurs et à la responsabilité de tous les partenaires. On parle de gouvernance d’entreprise, de gouvernance internationale ou mondiale, de gouvernance locale, de gouvernance universitaire.

UNE BRÈVE HISTOIRE DU MOT « GOUVERNANCE »

Même courte, une histoire ne cesse pas pour autant d’être l’histoire. C’est ce qui s’observe au sujet de la gouvernance, quand bien même le mot [...] au 13e siècle, [...] était alors [...] synonyme de gouvernement. Ce qu’il est du reste toujours en anglais dans le Webster, l’art ou le processus de

gouvernement ». Et quant à la notion dans sa nébuleuse signification présente, elle emprunte

LE CONCEPT DE

GOUVERNANCE DÉSIGNE

LES MODES DE PILOTAGE

ET DE RÉGULATION DES

INSTITUTIONS ET LA

RESPONSABILISATION DE

TOUS LES ACTEURS.

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davantage à celle de caméralisme [...], un terme usité à partir du 18e siècle, en Allemagne surtout, pour désigner les « sciences camérales » du bon gouvernement. En France, le mot « police », dans son acception originelle, avait un sens analogue (contribuant au bien de la Cité), ambitionnant tout à la fois d’optimiser les ressources de l’État, de mieux satisfaire les besoins de la population et de servir la prospérité ou ce que nous assimilerions de nos jours au développement économique et social d’un pays. Objets d’érudition, ces filiations éloignées n’éclairent pas l’irruption du discours actuel sur la gouvernance. Sans lien les unes avec les autres et quelquefois antinomiques, les sources proches de l’idée contemporaine de gouvernance procèdent d’univers multiples, enchevêtrés et hétérogènes. Chronologiquement, la gouvernance d’entreprise (corporate governance) apparaît la première, dès la fin des années 1930. La gouvernance désigne alors les relations de coopération internes qui permettent à une entreprise de réduire ses coûts de transaction. Ensuite, après 1980, le concept est employé par les adeptes de la démocratie participative de proximité pour désigner les pratiques de fonctionnement qui s’appliquent dans des situations critiques de réduction budgétaire dans les municipalités. Puis, le terme est repris par les techniciens de la modernisation de la gestion publique, soit par des privatisations, soit avec l’appui de la société civile. À partir de 1989, les grandes institutions d’aide au développement, dont la Banque mondiale, lui accolent un qualificatif, « bonne ». On part alors du constat que la situation de détresse profonde que connaît nombre de pays peu avancés provient de leur mauvais gouvernement et de l’échec des politiques d’aide au développement. D’où les fameux plans d’ajustement structurel. Enfin aux années 2000, le concept est adopté par les acteurs des processus d’unification continentaux et, en premier lieu, par la Commission européenne pour promouvoir son autorité vis-à-vis des États membres de l’Union.

KAZANCIGIL, 2002

2.2. La gouvernance comme outil de la gouvernabilité

Après avoir été considéré comme synonyme de gouvernement, le concept de gouvernance, selon l’encyclopédie Wikipédia :

[…] désigne avant tout un mouvement de « décentrement » de la réflexion, de la prise de décision et de l'évaluation, avec une multiplication des lieux et acteurs impliqués dans la décision ou la co-construction d'un projet. Il renvoie à la mise en place de nouveaux modes de pilotage ou de régulation plus souples et éthiques, fondés sur un partenariat ouvert et éclairé entre différents acteurs et parties prenantes, tant aux échelles locale que globale et Nord-Sud.

WIKIPÉDIA, 2011

Bref, on le voit, la gouvernance est aujourd’hui un concept passe-partout qui ne concerne plus simplement les débats de la fin des années 80 sur la problématique du développement, mais porte plus encore sur les mécanismes de coordination et les processus de décision, l'objectif étant non seulement d'aider à réformer, mais aussi d'aider une société à repenser un mode de gestion et de gouvernance qui corresponde le mieux à ses défis. Il s’agit donc tout à la fois de l’art comme de la technique d’être gouverné (la gouvernabilité) et de gouverner (la gouvernementalité).

C’est le philosophe Michel Foucault qui, le premier, a mis en valeur l’opposition entre ces deux concepts majeurs : la gouvernabilité et la gouvernementalité.

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Pour lui, la gouvernabilité désigne « la capacité du peuple à accepter d’être gouverné » (Fregosi, 2008), alors que la gouvernementalité, néologisme qu’il a créé, désigne l’ensemble des tactiques de souveraineté dont dispose le gouvernement pour diriger la population.

Dans le cours qu’il avait donné en 1978 au Collège de France et qui était intitulé Sécurité, Territoire, Population, Michel Foucault établissait la genèse d’un savoir politique sur la population et les mécanismes qui permettent sa régulation (Foucault, 1993 ; Foucault, 1997). Pour lui, ce qui caractérise l’histoire de la France, c’est qu’elle est passée au 16e siècle d’un État territorial fonctionnant à la souveraineté (un roi règne sur un territoire auquel appartiennent des sujets), à un État où le gouvernement dirige directement une population. Il y a donc un déplacement dans l’accentuation de l’objet de la gestion de l’État. Cette nouvelle rationalité étatique a généré de nouveaux objectifs, de nouveaux problèmes et de nouvelles techniques dont le point central est la notion de gouvernement. Pour Foucault, la gouvernementalité permet de déconstruire le concept d’État et de montrer ce qu’il recouvre (Foucault, 1997). Pour lui, avec les temps modernes, on est passé d’une interrogation sur la légitimité de l’État, avec comme principe directeur la raison d’État et comme mécanisme de limitation un développement externe du droit, à une interrogation sur l’utilité de l’action de l’État guidée par une technique interne de limitation, l’économie politique, et par un lieu de vérification, le marché.

L’intérêt maintenant au principe duquel la raison gouvernementale doit obéir, ce sont des intérêts, c’est un jeu complexe entre les intérêts individuels et collectifs, l’utilité sociale et le profit économique, entre l’équilibre de marché et le régime de la puissance publique, c’est un jeu complexe entre droits fondamentaux et indépendance des gouvernés.

FOUCAULT, 2004

À partir de là, l’État est désormais tout à la fois un ensemble complexe d’institutions et de savoirs, mais aussi un processus doté d’une rationalité politique spécifique qui est masquée par les pratiques de gouvernement.

Avec la mondialisation, le concept de gouvernance évolue et porte désormais plutôt sur « le remodelage ou la réinvention de la gestion publique pour faire face aux nouveaux défis du développement » (Bationo, 2011 ; Canet 2004). Il concerne plus particulièrement les questions liées aux mécanismes nécessaires à la négociation des différents intérêts dans la société et entre les États. C’est ainsi qu’il est devenu un concept qui englobe une série de mécanismes et de processus susceptibles de maintenir et d’améliorer le fonctionnement du système, de responsabiliser tous les acteurs, y compris la population et de faire en sorte que tous les acteurs s’approprient le processus et même participent à la décision. Désormais, face au pouvoir d’en haut, non seulement les niveaux de responsabilité partagée se multiplient, mais encore les frontières entre le privé et le public, entre l’intérêt général et l’intérêt particulier, s'effacent progressivement. L’objectif est d’inventer de nouveaux modes d'élaboration des politiques publiques, centrés sur la négociation, tout comme de nouvelles manières de les mettre en

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œuvre, notamment par le biais de nouveaux paradigmes que sont la transparence, la participation, l’imputabilité4 et la responsabilisation (Canet, 2004).

Cette nouvelle définition de la gouvernance se trouve ensuite confortée dans les positions des institutions de Bretton Wood que sont la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI), mais aussi celles du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et même de l’Union Européenne (UE). Dans ce sens, la gouvernance est plus qu’un simple programme de gouvernement, elle est une autre manière de faire de la politique, un nouvel état d’esprit. Elle consiste à mettre en place les lois, les structures, les ressources, les règles administratives et les normes institutionnelles, afin de programmer et conditionner les services, leur régulation et leur contrôle au sein des organisations publiques ou privées souvent à une échelle qui dépasse le simple cadre national.

EXEMPLE : LES CINQ PRINCIPES DE BASE DE LA

GOUVERNANCE AU NIVEAU DE L’UNION EUROPÉENNE

Définition de la gouvernance : la notion de gouvernance désigne les règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence. […] Cinq principes sont à la base d'une bonne gouvernance et des changements : ouverture, participation, responsabilité, efficacité et cohérence. Chacun de ces principes est essentiel […] et est à la base de la démocratie et de l'état de droit dans les États membres. Ils s'appliquent à tous les niveaux de gouvernement, qu'il soit mondial, européen, national, régional ou local. Ils sont particulièrement importants pour l'UE si elle veut être en mesure de relever les défis […]. • Ouverture. Les institutions devraient fonctionner de façon plus transparente. Avec les États membres, elles devraient pratiquer une communication active au sujet de ce que fait l'UE et des décisions qu'elle prend. Elles devraient employer un langage accessible et compréhensible par le grand public. Cela revêt une importance particulière pour améliorer la confiance dans des institutions complexes. • Participation. La qualité, la pertinence et l'efficacité des politiques de l'UE dépendent d'une large participation des citoyens à tous les stades, de la conception à la mise en œuvre des politiques. L'amélioration de la participation devrait accroître la confiance dans le résultat final et dans les institutions qui produisent les politiques. La participation dépend de manière déterminante de l'adoption par les administrations centrales, pour la conception et la mise en œuvre des politiques de l'UE, d'une approche faisant précisément appel à la participation de tous. • Responsabilité. Il convient de clarifier le rôle de chacun dans les processus législatif et exécutif. Chaque institution de l'UE doit expliquer son action au sein de l'Europe et en assumer la responsabilité. Mais il faut aussi plus de clarté et une prise de responsabilité accrue de la part des États membres et de tous ceux qui participent à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l'UE, à quelque niveau que ce soit. • Efficacité. Les mesures doivent être efficaces et intervenir au bon moment ; elles doivent produire les résultats

4. Par imputabilité, nous entendons ici la responsabilité morale de tout cadre dirigeant d’une institution.

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requis, à partir d'objectifs clairs et d'une évaluation de leur impact futur et de l'expérience antérieure, là où elle existe. L'efficacité demande également que les politiques de l'UE soient appliquées de façon proportionnée, et que les décisions soient prises au niveau le plus approprié. • Cohérence. Les politiques menées et les actions entreprises doivent être cohérentes et parfaitement compréhensibles. L'UE a d'autant plus besoin de cohérence que l'éventail de ses tâches s'est étendu ; l'élargissement ira dans le sens d'une plus grande diversité ; les défis à relever, tels que le changement climatique ou l'évolution démographique, transcendent les limites des politiques sectorielles sur lesquelles l'UE a été bâtie ; les collectivités régionales et locales sont de plus en plus associées aux politiques de l'UE. La cohérence passe par la capacité d'imprimer une direction politique et par une prise de responsabilité affirmée de la part des institutions, afin de garantir une approche intégrée dans un système complexe.

Chacun de ces principes est important en soi. Mais ils ne peuvent pas être mis en pratique par des actions séparées. Les politiques ne peuvent plus être efficaces si elles ne sont pas élaborées, mises en œuvre et appliquées d'une manière plus participative. L'application de ces cinq principes renforce les principes de proportionnalité et subsidiarité. De la conception des politiques jusqu'à leur mise en œuvre, le choix du niveau d'intervention (du communautaire au local) et des instruments doit être proportionné aux objectifs visés. Avant de lancer une initiative, il est donc essentiel de vérifier systématiquement : a) qu'une intervention des pouvoirs publics est réellement nécessaire ; b) que le niveau européen est le plus adéquat ; c) que les mesures choisies sont proportionnées aux objectifs.

UNION EUROPÉENNE, Livre-Blanc, 2001

On le voit, la gouvernance est aujourd’hui au cœur de la plupart des programmes, des projets et, plus largement, des politiques de réformes des institutions et des politiques de coopération, tant au niveau national qu’aux niveaux régional et mondial. La quasi-totalité des acteurs institutionnels et non-gouvernementaux engagés dans ce secteur fait désormais appel aux problématiques liées à la gouvernance. Cette notion apparaît dans l’ensemble des documents de stratégie et est souvent présentée comme un défi à relever, comme une solution qui permettrait d’améliorer à la fois l’impact des politiques publiques et la situation économique, sociale, politique et environnementale des pays du Sud (de Sardan, 2009). Il s’agit donc d’un nouveau paradigme considéré comme une boîte à outils bien pratique. Les différents acteurs, selon leurs propres conceptions du terme, peuvent y trouver des éléments et des applications concrètes qui leur permettront d’engager toute une gamme de discussions et de programmes liés, de près ou de loin, à ce nouveau paradigme.

Pour conclure sur ce point, on peut faire nôtre la définition de Jean-Pierre Olivier de Sardan (2009). Pour lui, il faut éviter d’accoler un qualificatif au concept de gouvernance et la considérer « dans un sens purement descriptif et analytique, aussi empirique que possible ». Elle est alors et d’abord :

Une forme organisée quelconque de délivrance de biens et services publics ou collectifs selon des normes et logiques spécifiques. Chaque forme organisée de cette délivrance (chaque arrangement institutionnel), fonctionnant selon des normes particulières, et mettant en œuvre des logiques spécifiques, peut alors être considérée comme un « mode de gouvernance ».

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Ainsi, la gouvernance est « un processus par lequel des sociétés gèrent leurs affaires publiques en stimulant et en structurant un consensus normatif sous-jacent selon des règles fondées sur le sens du bénéfice mutuel ou réciproque ». Cette définition a l'avantage de sortir des positions idéologiques et de ne considérer que les faits et les pratiques.

2.3. De la gouvernance à la gouvernance universitaire

0n comprend aisément ce qu’il en est de la gouvernance universitaire. Celle-ci désigne désormais les nombreux processus, pour l’enseignement supérieur, de définition des objectifs (formation, recherche, service à la société), mais aussi de contrôle, d’évaluation et de gestion des établissements d’enseigne-ment supérieur. On le voit, l’application de ce concept dans l’enseignement supérieur n’est ni innocente, ni dénuée de sens. L’université, dans son fonctionnement comme dans sa gestion, n’est pas une simple structure d’autorité ; elle est engagée dans un espace local et mondial fait de concurrence et de recherche effrénée de financements. L’université est aussi en quête de sens ; sa gouvernance est diverse et doit nécessairement évoluer.

2.3.1. LA QUESTION DE LA GOUVERNANCE UNIVERSITAIRE COMME CONSÉQUENCE

DE LA CRISE ET DE LA MONDIALISATION

Les universités vivent aujourd’hui et plus que jamais dans un contexte où les attentes face à leur mission, à leur rôle et à leur contribution sont nombreuses et variées. Autrefois, les États leur demandaient d’assurer la formation et de faire en même temps de la recherche dans les disciplines auxquelles elles se consacraient. Aujourd’hui, on leur demande non seulement d’assumer leurs missions traditionnelles, mais encore et surtout d’assurer l’accessibilité du plus grand nombre au savoir, de contribuer au développement économique, social et culturel de leur pays ou région, et même de commercialiser les résultats de leurs recherches tout en s’inscrivant dans une démarche éthique faite de responsabilisation et d'imputabilité.

C’est pourquoi, depuis une quinzaine d'années, la gouvernance est au cœur des problématiques de développement de l'enseignement supérieur. Cette préoccupation s'est manifestée notamment dès les premières réductions budgétaires opérées dans les pays du Sud à l’occasion des premiers plans d’ajustements structurels qui ont mis en évidence l'importance des institutions elles-mêmes dans la gestion de la crise et bien sûr de leur quotidien. Dans un contexte de raréfaction des moyens et donc de leur nécessaire optimisation, il est désormais important non seulement de se préoccuper du contenu des politiques d'enseignement supérieur, mais également de la manière dont celles-ci sont élaborées et mises en œuvre, avec notamment la participation de l’État,

LES MISSIONS DE L’UNIVERSITÉ

ONT CHANGÉ. OUTRE LA

RECHERCHE ET

L’ENSEIGNEMENT, L’UNIVERSITÉ DOIT ASSURER

L’ACCESSIBILITÉ À TOUS ET

CONTRIBUER AU

DÉVELOPPEMENT SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET CULTUREL DE

SON PAYS.

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de la société civile, des acteurs du monde économique, mais aussi des enseignants et des chercheurs.

Cette évolution est perceptible dans les agences de coopération universitaire comme l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI), l’ACU et l'AUF. Pour l'ACDI, par exemple :

La réforme des universités, qui implique un changement de gestion interne, est actuellement une tendance forte un peu partout dans le monde, contribuant par le fait même à la construction de l’espace mondial de l’enseignement supérieur. De plus, nous pouvons dégager de l’analyse des mutations actuelles qui caractérisent les études supérieures, une tendance à une gouvernance axée sur les résultats et, dans le secteur de la recherche, une gouvernance qui tient compte des besoins sociaux et économiques. Les impacts de la mondialisation, l’utilisation des nouvelles technologies, la compétitivité interuniversitaire, l’économie du savoir, l’internationalisation de l’éducation supérieure, sont quelques-uns des facteurs externes récents qui obligent les universités à procéder à des transformations internes de leur gestion et à une révision de leur rôle.

BATIONO, 2011

Pour sa part, dès 2003, l’AUF, forte de la diversité de ses établissements membres et de la multiplicité des contextes dans lesquels ils sont insérés, a engagé, dans une logique à la fois partenariale et multilatérale, des actions spécifiques de coopération au profit des universités du Sud et de l’Est, fondées sur le dialogue, l’échange d’expertise et l’accompagnement en matière de gouvernance universitaire. Ce programme partait du principe que les universités ont un rôle déterminant à jouer dans le développement de leur pays par la prise en compte des besoins locaux et que l’amélioration durable de leur gouvernance ne peut se faire sur la simple duplication de ce qui se fait ailleurs. C’est ainsi que l’AUF a d’abord organisé un ensemble de séminaires et d’ateliers de formation pour les dirigeants des universités du Sud. Ces formations avaient pour but de les aider à développer des outils de gestion académique, de gestion stratégique, de gestion des biens et des services, qui prennent mieux en compte leurs spécificités et leurs contraintes en se fondant sur une démarche qualité prioritairement endogène. À travers le concept de gouvernance se posent par ailleurs les questions liées à l’harmonisation du système d'enseignement supérieur (LMD…), à l’évaluation, à l’accréditation, mais aussi les questions qui portent sur la gestion académique, la gestion stratégique, la gestion des biens et des services et l’assurance-qualité du changement. Et c’est à la suite de ces actions qu’a été créé en 2009, à Yaoundé (Cameroun), l’IPAGU, devenu depuis

LE CONCEPT DE GOUVERNANCE INTERPELLE SUR LES FAÇONS DE VIVRE ; LE FONCTIONNEMENT DE L’UNIVERSITÉ ; LA COORDINATION DES RESPONSABILITÉS

DE CHACUN ; LA PRISE EN COMPTE DE TOUTES LES VOIX

ET LES MODALITÉS DES PRISES DE DÉCISIONS FINALES.

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l’IFGU. Ce sont aussi ces thèmes qui seront abordés dans les chapitres successifs de ce guide.

À la lumière de ces définitions et actions engagées, la gouvernance universitaire apparaît désormais fondamentalement comme un processus (éthique et démocratique) implanté dans un cadre légal et règlementaire qui permet aux différentes parties prenantes de participer à la définition des objectifs de l’université, des moyens pour les atteindre, et de rendre compte des résultats obtenus.

La gouvernance universitaire

Valeurs

Définition des objectifs

Décisions

Actions

Résultats Imputabilité

Cadre légal et règlementaire ?

Processus de participation de tous ?

Moyens disponibles ?

Evaluation

AUTONOMIE

Figure 1. Les différentes étapes structurant la gouvernance universitaire : des valeurs défendues aux résultats obtenus.

En réalité, le concept de gouvernance interpelle sur les façons de vivre le fonctionnement de l’université, la coordination des responsabilités des uns et des autres, la prise en compte de toutes les voix qui peuvent se faire entendre au cœur de la communauté universitaire et les modalités de prises de décisions finales. Mais cette approche de la gouvernance de l’université n’est pas fermée, elle débouche plutôt sur toute une culture, sur des valeurs, sur une certaine façon de concevoir le « vivre-ensemble » d’abord au sein de l’université et ensuite au sein de nos sociétés, en somme, notre sens démocratique. Il apparaît ainsi que l’université moderne ne peut plus être fondée sur quelque totalitarisme que ce soit, car elle est d’abord et aussi le lieu de la formation des citoyens responsables pour demain.

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2.3.2. QUELLE UNIVERSITÉ AUJOURD’HUI : AU-DELÀ D’UNE APPROCHE

DISCIPLINAIRE

Dans ses réalités comme dans ses vécus, l'université n'est ni une structure unique, ni même particulière, elle est devenue diverse. De structure habilitée à délivrer le savoir qui se tenait en marge de la société, l'université, parce qu'elle est devenue le lieu de formation des cadres, a évolué pour prendre la mesure des nouveaux enjeux (le savoir comme clef du développement) et des nouveaux contextes (la mondialisation et la marchandisation des savoirs).

Certes, dans leur fonctionnement aca-démique, il est communément admis que toutes les universités se ressemblent. À titre d’exemple, elles disposent d'ensei-gnants, de chercheurs, d'étudiants, mais aussi de personnels administratifs et techniques. Mais ce qu'elles ont vérita-blement toutes en commun, quels que soient leurs disciplines et leur mode de gouvernance, c'est une sorte d'enfer-mement spécifique de chaque chercheur dans son domaine de compétence. Même si la mode est aujourd'hui au rapprochement entre les disciplines, à l’interdisciplinarité, à la transdisciplinarité ou à la multidisciplinarité, il reste toujours difficile de faire travailler ensemble, à quelques exceptions près, les tenants de telle ou telle discipline.

Cette situation que tous déplorent est souvent rejetée par les universitaires eux-mêmes et ses causes si diverses sont particulièrement difficiles à établir : jalousie, rareté des ressources dans tel ou tel domaine, contestation de la qualité de la formation dans telle ou telle discipline, problème de débouchés, volonté d’être le seul spécialiste en un domaine à pouvoir répondre aux questions posées, etc. La situation peut paraître si complexe pour ceux qui s’engagent dans le fonctionnement qu’ils ont parfois du mal à imaginer une gouvernance de pleine participation, une gouvernance où l’ouverture aux autres et la disponibilité des uns aux autres, au plan administratif comme au plan académique, doivent être des facteurs de collaboration plutôt que d'affrontement.

Comme le disait si bien le recteur René Chamussy de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, en 2010 :

Qu’il y ait des formations parentes, qu’il y ait des mondes semblables, mais des approches différentes, quoi de plus normal ? Et pourquoi ces proximités, ces parentés, ces liens ne seraient-ils pas (pour les universitaires) l'occasion de travailler ensemble ?

C'est donc en sortant des pesanteurs et des blocages que l'université peut retrouver sa vocation première de lieu où l'intelligence attire l'intelligence et par conséquent devenir un lieu d'excellence pour l'innovation et la créativité.

UNE DIFFICULTÉ COMMUNE AUX

UNIVERSITÉS : L’HYPER-FOCALISATION DE CHAQUE

CHERCHEUR SUR SON DOMAINE

SPÉCIFIQUE.

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On le voit, la gouvernance universitaire bien comprise doit aider à apaiser aussi ce type de conflits, tout comme elle doit permettre de redéfinir les curricula, les méthodes pédagogiques ; elle doit aussi aider les universités à s'insérer dans le nouveau contexte de l'internationalisation de l'enseignement supérieur et à mieux travailler avec les pouvoirs publics et les autres partenaires.

2.4. Différents modèles de gouvernance des universités

du Nord

Les modes de gouvernance des universités dans le monde sont très divers. D’une manière générale, on peut distinguer les universités qui se présentent comme des instruments de l’autorité politique des États (les universités d’État) et celles qui bénéficient d’une autonomie plus large qui leur permet de mener avec efficacité et efficience l’ensemble de leurs missions. Dans cette perspective, les universités du continent nord-américain sont souvent présentées comme des modèles. Elles tiennent d’ailleurs leur mode de gouvernance de celui des universités britanniques.

Figure 2. Les intérêts premiers des membres des universités sont différents…

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Pour le seul Royaume-Uni, par exemple :

Vingt-trois prix Nobel ont été obtenus depuis 1945 et, si l’on estime que le Royaume-Uni mène 4,7 % de la recherche mondiale, les chercheurs britanniques sont ceux qui ont, et de loin parmi les pays d’Europe, le plus grand nombre de publications et de citations dans des revues scientifiques internationales (plus de 8 % des publications mondiales et 11 % des citations). Par ailleurs, les meilleures universités du pays ont obtenu des rangs remarquables dans le dernier classement de l’Université d’État de Shanghai (11 universités classées parmi les 100 premières mondiales, dont 33 européennes classées). En outre, le Royaume-Uni est le second pays le plus attractif après les États-Unis, et la part des étudiants étrangers ne cesse d’augmenter. Enfin, c’est aussi l’un des pays de l’OCDE (avec le Japon, la Turquie et l’Irlande) où le taux d’obtention des diplômes de l’enseignement supérieur est le plus haut (83 % en 2003, sachant que la moyenne de l’OCDE est de 70 %, celle en France de 59 %).

PROST, 2006

Les raisons d’un tel succès sont connues, leurs conséquences aussi, notamment en ce qui concerne le coût élevé des frais de scolarité. Les universités britanniques sont des organismes légalement autonomes qui définissent leurs propres missions au sein d’un cadre déterminé par le gouvernement. Elles fixent non seulement leurs propres critères d’admission, le contenu des diplômes et des enseignements, leurs politiques de ressources humaines (recrutements, licenciements, contrats et salaires dans le cadre fixé par des conventions collectives), mais encore elles gèrent leur budget en toute indépendance. Toutefois, cette autonomie est assortie d’une très importante notion de responsabilité vis-à-vis du gouvernement et de certains organismes publics, et ce pour l’ensemble des aspects, administratifs comme académiques, de fonctionnement de l’établissement. Pour remplir ces obligations et répondre à la complexité croissante de la recherche et du marché mondial de l’enseignement, elles ont mis en place un cadre et des outils spécifiques de gouvernance.

EXEMPLE : LA GOUVERNANCE DE L’ENSEIGNEMENT

SUPÉRIEUR DANS LE ROYAUME-UNI

Le Royaume-Uni compte 169 établissements d’enseignement supérieur, dont 116 universités et 53 colleges d’enseignement supérieur. Ces établissements partagent un triple objectif, défini par le ministère de l’Éducation : permettre à chacun de développer ses compétences et d’accomplir son potentiel personnel et professionnel ; faire progresser la connaissance via l’érudition et la recherche ; contribuer au succès économique et à la diversité culturelle de la nation. Ces objectifs couvrent le champ d’activités traditionnel des universités, lieux d’enseignement et de recherche. Ils traduisent aussi le rôle central des universités dans une économie britannique fondée sur la connaissance. […] Les universités et les colleges d’enseignement supérieur sont des organismes légalement indépendants ne faisant pas partie du secteur public britannique. Cependant, ils sont définis et établis par une charte royale ou par un acte de loi, et la majorité, ou du moins une part très

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substantielle, de leur financement est composée de fonds publics. Le gouvernement, qui définit les grandes orientations de l’enseignement supérieur, exerce donc une influence sur l’ensemble du secteur. Seule une université fait exception : l’Université de Buckingham est totalement privée. L’indépendance légale des universités entraîne la complète autonomie pour le recrutement des personnels et des étudiants. Ainsi, les enseignants-chercheurs n’ont pas un statut de fonctionnaire, mais sont salariés des établissements. Tous les postes permanents (contrats de type CDI) sont nécessairement rattachés à une université et sont liés à une activité d’enseignement. Les seuls chercheurs à temps plein (plutôt rares au-delà de post-doctorat) sont employés sur un contrat temporaire (de type CDD) ou bénéficient d’une dispense provisoire. Le recrutement est assuré par chaque université, sur publication du profil recherché dans la presse et les sites spécialisés. Des conventions collectives encadrent la liberté de fixation des salaires, sauf pour le sommet de la hiérarchie, où la liberté est quasi-totale. La procédure d’admission des étudiants est centralisée par un organisme gouvernemental, l’Universities and Colleges Admissions Service, les universités restent libres de sélectionner les étudiants qu’elles souhaitent recruter. De leur côté, les étudiants peuvent choisir de présenter un dossier de candidature dans les (cinq) universités de leur choix. […] Les universités britanniques sont très diverses et comptent aussi bien des colleges très spécialisés, par exemple le Royal College of Art, des universités à la forte implication régionale et à vocation professionnelle comme le Royal Agricultural College, que des universités plus traditionnelles axées sur la recherche et de réputation internationale. […] Malgré leur diversité, les établissements d’enseignement supérieur britanniques partagent un certain nombre de caractéristiques communes : l’indépendance légale ; le statut de fondation (ou charitable status) : ce statut impose aux établissements un certain nombre de restrictions pour leur gestion financière (interdiction de réaliser des profits...), mais leur confère aussi certains avantages fiscaux ; l’existence d’un conseil d’administration (le Governing Body) qui détient la responsabilité finale de tous les aspects du fonctionnement de l’université. […] Les rôles et responsabilités des organes de gouvernance varient suivant qu’il s’agit d’institutions « post-92 » ou « pré-92 ». La gestion des institutions est assurée au niveau central par l’exécutif de l’université et généralement par des facultés, au niveau de la recherche et de l’enseignement. Là encore, les responsabilités peuvent varier suivant la catégorie d’université. Les universités « pré-92 » sont gouvernées grâce à trois assemblées.

Le Council (le conseil d’administration) : il joue un rôle-clef dans la conduite de l’institution, tout en restant à l’écart de sa gestion exécutive, car il supervise le fonctionnement et assure la planification stratégique de l’université. Il compte en moyenne 20 à 30 membres, dont la majorité sont des personnes extérieures à l’université. […] Le Council peut déléguer certains de ses pouvoirs à différents comités : finances, gestion du patrimoine, ressources humaines... Il nomme le vice-chancelier, directeur exécutif de l'institution. Il partage ce rôle avec le Senate, via l'existence d'un comité conjoint. Le conseil est présidé par le Chair of the Council qui est responsable des décisions et de la bonne conduite de ses débats et travaux. Le secrétaire général (Secretary ou Clerk to the Council) est quant à lui chargé de s’assurer de la validité des procédures suivies et d’informer la direction exécutive de l’université des travaux du conseil.

Le Senate (le sénat) : il est dirigé par le vice-chancelier; il supervise et oriente les activités académiques de l’université. Le Council doit consulter le Senate pour toutes ses décisions qui auraient des conséquences sur la recherche ou l’enseignement (par exemple la création ou la

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fermeture d’un département). Les membres du Senate, entre 50 et 100, sont choisis au sein de l’université à l’exception de certaines voix accordées à des institutions extérieures pour leurs compétences et leur connaissance du monde universitaire.

Le Court : cette assemblée ne contribue plus aujourd’hui à la conduite des affaires de l’université ni aux réflexions à long terme, mais tous les sujets liés à l’université peuvent y être débattus de façon très large dans une sorte de forum. Le Court peut comprendre jusqu’à 400 membres (en moyenne 200) ; ses attributions varient, mais sont essentiellement protocolaires, et couvrent en général l’étude du rapport et des comptes annuels de l’université, ainsi que la nomination du chancelier. Le rôle du Court est donc très limité dans la structure de gouvernance de l’université. Le Chancellor (le chancelier) est une personnalité extérieure qui dirige l’université, et assure la présidence du Court, mais dont le rôle reste largement cérémonial. Il s’agit très souvent d’une personnalité de haut rang issue du monde de l’entreprise ou des médias, qui représente l’université auprès du monde extérieur. À titre d’exemple, le chancelier de l’Université Cambridge est aujourd’hui le duc d’Édimbourg, élu à vie à ce poste. Dans les universités « post-92 », on retrouve bien l’équivalent du Chancellor, du Council et du Senate, nommés respectivement Board et Academic Board, mais pas du Court. L’exécutif de l’université est généralement composé du vice-chancelier, de ses adjoints (les Pro-Vice-Chancellor, Deputy Vice-Chancellor ou Principals) et d’un comité de direction. Quel que soit son titre, le vice-chancelier est le directeur exécutif et administratif de l’université, nommé par le Council ou le Board. […] La qualité de la gestion et de la gouvernance, ainsi que le degré d’autonomie des universités expliquent leur réactivité et leur capacité d’innovation, ainsi que leur aptitude à choisir les bonnes stratégies dans un environnement concurrentiel de plus en plus complexe. C’est parce que les universités disposent d’une gouvernance saine et solide qu’elles sont capables de répondre rapidement et de manière pertinente aux changements. D’autre part, la bonne gouvernance produit la confiance, qui attire les financements, à leur tour garants, dans une certaine mesure, de l’autonomie. Ainsi, même si la gouvernance et l’autonomie n’expliquent pas à elles seules les succès d’une université, elles s’enrichissent mutuellement et fournissent un cadre fertile à l’excellence, car toutes les conditions sont réunies pour entretenir la dynamique des succès académiques.

PROST, 2006

L’air du temps concerne donc bien la gouvernance des universités et son modèle dominant aujourd’hui est le modèle anglo-saxon ou plus globalement nord-américain. Et cela parce qu’il réussit à allier excellence, créativité et performance. En Europe, il a non seulement inspiré la fameuse réforme LMD pour l’harmonisation de l’architecture des diplômes et des cursus, mais encore il a assuré la mobilité des étudiants et des enseignants. Par exemple en France, avec la loi relative aux Libertés et aux Responsabilités des Universités (dite loi LRU), la gouvernance fait désormais partie du code général de l’éducation et devient un cadre majeur du fonctionnement des universités. C’est d’ailleurs dans ce sens que la Conférence des Présidents des Universités (CPU) française a mis au point un Guide méthodologique pour l'élaboration du tableau de bord stratégique du président d'université et de l'équipe présidentielle qui est, selon ses concepteurs, un « outil opérationnel au service de la gouvernance des universités » (CPU, 2010).

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LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS EN

FRANCE : DENSIFICATION ET AUTONOMIE

La loi dite LRU qui visait à décentraliser la gestion des universités tant en matière de finances que de personnel [...] a été votée pendant l’été 2007, mais elle a entraîné de fortes perturbations au sein des universités au cours de l’année 2009 au moment où le plan d’ensemble [...] est mieux apparu à travers des choix concernant le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Le projet à long terme du gouvernement était de réformer en profondeur la situation universitaire française caractérisée par la cohabitation d’universités nombreuses où vont les étudiants qui n’ont pu être pris dans les filières sélectives des grandes ou petites écoles. En ce qui concerne la recherche, il existait en France des établissements publics de recherche (CNRS ou d’autres), liés ou non aux universités, où se faisait la recherche à son plus haut niveau. Le gouvernement a voulu modifier le système et le rapprocher de la norme internationale en travaillant à la constitution d’un nombre restreint (une dizaine) de pôles importants associant des universités et des grandes écoles. En ce qui concerne la recherche, elle devait être pilotée par la demande par le biais d’une agence de moyens, l’Agence Nationale de la Recherche, (ANR) par qui passent tous les crédits de recherche à l’échelon français, le CNRS étant privé de ses moyens propres (sauf en ce qui concerne les gros équipements). Le paradoxe de la situation est le suivant : si le gouvernement a cherché à copier les modèles de gouvernance des universités anglo-saxonnes, il l’a fait d’une manière inexacte. Alors que ces universités sont gouvernées par un comité de petite taille qui met en œuvre les orientations prises par un sénat académique large, en France, le conseil d’administration de l’université et son président sont dotés de pouvoirs d’orientation et d’exécution qui sont très critiqués. En effet, le président est élu à la tête d’une liste qui, une fois majoritaire, dispose du pouvoir. L’expérience montre qu’il lui est possible d’en abuser et de ne pas tenir compte des avis des autres conseils, plus représentatifs des diverses composantes de l’université. Pour bien comprendre la situation française par rapport aux universités anglo-saxonnes qui ont toutes subi l’influence de la recréation de l’université allemande par Guillaume de Humboldt au début du 19e siècle, il faut revenir à l’époque de la Révolution. En France, l’évolution a été toute différente en ce sens que l’École polytechnique, créée en 1794, va assurer à ses anciens élèves une domination sur l’appareil d’État entre 1830 et 1880. Ce modèle de la « grande école » va faire que les élites françaises vont s’y recruter (écoles scientifiques, puis écoles de commerce ou de gestion) et que le modèle universitaire ne va concerner lors de sa recréation à la fin du 19e siècle que des enseignements professionnels de haut niveau pour les professions médicales, juridiques ou les professions d’enseignants de lettres ou de sciences. Cette situation va se prolonger jusqu’aux années 1960 où les bacheliers ne représentent que 10 % de la classe d’âge. La généralisation de l’enseignement supérieur va être permise par un taux de bacheliers égal aux deux tiers de la classe d’âge depuis plusieurs années et va se répercuter essentiellement sur l’université. Les grandes écoles ont connu une faible croissance ce qui fait qu’elles demeurent dans la société française le plus haut niveau de l’excellence scolaire. Du point de vue de la recherche, le CNRS va jouer le rôle que les grandes écoles jouent vis-à-vis de l’université. Cependant, les universités jusqu’à la fin des années 70 avaient le monopole du 3e cycle ce qui en faisaient des filières d’excellence : les diplômés des grandes écoles étaient obligés de s’inscrire à l’université pour préparer une thèse. Il y avait donc deux voies d’excellence : une professionnelle via les écoles et une scientifique via l’université. Malheureusement, le coût par étudiant qui dans le système français est pris en charge pour une grande part par l’État, est faible pour les étudiants d’université par rapport à celui des grandes

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écoles. La part supplémentaire qui est demandée aux étudiants est minime à l’université et très importante pour les grandes écoles.

ASSOCIATION FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE, 2010

Avant cette loi, les universités françaises étaient régies par le ministère et bénéficiaient d'une autonomie qui n’était le plus souvent que de forme. La loi LRU a eu pour but de renforcer leur autonomie en matière de gestion de leur masse salariale, de leur budget et de leur stratégie scientifique et pédagogique. Les universités françaises sont désormais autonomes pour le recrutement de leurs enseignants, de leurs étudiants et de leurs personnels. Elles peuvent aussi moduler les rémunérations et sont désormais identifiées comme des interlocuteurs à part entière par les entreprises et les collectivités territoriales. Grâce à cette autonomie, c'est la performance de l'ensemble du système universitaire qui va être améliorée. Et dans ce nouveau dispositif, c’est aussi la fonction du président de l’université qui change radicalement. Celui-ci devient le véritable patron de l’institution.

En réformant de manière radicale la gouvernance des universités, la France établit donc un nouveau partage des rôles et des responsabilités entre les établissements d’enseignement supérieur et le gouvernement, entre les mécanismes directeurs institutionnels centraux et les services décentralisés, et entre les établissements d’enseignement supérieur et leurs membres et parties prenantes. En fin de compte, ce qui est en jeu ici n’est rien moins que la compréhension du rôle de l’enseignement supérieur et des principes directeurs des établissements qui dispensent cet enseignement. Il s’agit donc d’un nouveau partage des tâches entre l’État, l’établissement, les sous-structures institutionnelles et l’individu qui prend en compte la crise du financement public et celle du financement des universités. Mais cette loi a vite trouvé ses limites sur la question du financement autonome dans des structures d'État.

2.5. La gouvernance dans les universités africaines

francophones

LES UNIVERSITÉS AFRICAINES : LES GRANDES ÉTAPES DE LEUR HISTOIRE

L’université moderne est une institution récente en Afrique noire. Elle fait partie de ces institutions que les colonisateurs ont exportées sur le continent africain. En Afrique noire francophone, on compte, relativement à l’histoire, trois types d’universités. Tout d’abord, celles de la première génération qui furent créées par les colonisateurs, entre 1950 et 1970, à Lubumbashi, Dakar, Abidjan, Yaoundé, Kinshasa, Kisangani et Brazzaville. Entièrement inspirées des modèles français et belge dans leur fonctionnement comme dans leur gouvernance, elles avaient une vocation régionale.

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EXEMPLE : L’UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

(UCAD)

L’UCAD illustre parfaitement le processus d’implantation du modèle métropolitain dans les colonies et son évolution parallèlement aux transformations politiques. L’école de médecine de Dakar, qui deviendra plus tard l’UCAD, est créée en 1921. Premier établissement d’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne francophone, elle n’est pas encore véritablement considérée comme une université, car elle ne dispense pas un enseignement pluridisciplinaire. Elle est en effet destinée à former les futurs médecins de la sous-région à leur sortie de l’École Normale Supérieure William Ponty. Cette situation ne changera pas malgré la création, en 1936, de l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN – actuel Institut Fondamental d’Afrique Noire), dont la mission était de constituer la « mémoire vivante » des peuples d’Afrique noire, en particulier ceux des territoires de l’AOF (Afrique Occidentale Française), dans le domaine des sciences humaines et naturelles. Mais ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale avec la mise en place de l’Institut d’Études Supérieures de Dakar, que l’UCAD devient, en 1957, la 18e université française. Après l’indépendance, un accord de coopération signé le 5 août 1961 en fait un établissement sénégalais sous tutelle française. En 1968, elle devient une université africaine après la décision de la France de retirer progressivement son assistance technique et surtout après les mouvements des syndicats étudiants et enseignants qui dénonçaient l’impérialisme, l’assimilation et la francisation des élites africaines au sein de l’UCAD.

Ainsi, au lendemain des indépendances, les États africains veulent conférer un rôle extrêmement important à l’enseignement supérieur dans leur processus de développement et créent un deuxième type d’universités. En effet, dès 1961, à Addis Abeba (Éthiopie), les États au sein de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) érigent l’éducation en un instrument du développement et, en 1962, à Tananarive (Madagascar), ils lui assignent une place essentielle en leur sein. L’université africaine va avoir pour ambition de devenir l’acteur primordial du devenir des nations africaines post-indépendance, puisqu’elle doit notamment contribuer à la naissance de leur souveraineté nationale et ce dans tous les domaines.

Mais la demande d’enseignement supérieur est déjà trop forte et les problèmes spécifiques de chaque État sont si particuliers que l’on va voir se créer, après les universités à vocation régionale qu’étaient Dakar, Abidjan et la Fondation de l’Enseignement Supérieur Centrale (FESAC) à Brazzaville, les universités nationales. C’est la période du nationalisme universitaire qui va s’achever au début des années 1990. Il en sera ainsi en 1969 de l’Université de la Centrafrique ; en 1970 au Togo de l’Université du Bénin à Lomé ; au Bénin de l’Université nationale du Bénin qui deviendra plus tard l’Université d’Abomey-Calavi ; au Gabon de l’Université nationale du Gabon à Libreville, l’ancêtre de l’actuelle Université Omar Bongo ; en 1973 au Niger de l’Université nationale du Niger ; en 1974 au Burkina de l’Université de la Haute Volta ; en 1981 en Mauritanie de l’Université de Nouakchott ; en 1984 en Guinée-Conakry, de l’Université de Conakry.

À partir de 1990, avec notamment la création de l’Université des Sciences et Techniques de Masuku (Franceville Gabon) et de l’Université Gaston Berger, c’est le tour des universités de troisième génération qui ont pour principale

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caractéristique de s’établir dans les provinces. Mieux, elles ont pour ambition de s’inscrire comme des universités de développement, c’est-à-dire de se situer au cœur du développement des régions et de prendre la pleine mesure de ces contextes.

Malgré cette évolution, l’université africaine traverse une crise profonde depuis 1990, notamment pour plusieurs raisons : la détérioration de la pertinence et de la qualité de la formation et de la recherche ; la dégradation des infrastructures et des équipements ; l’insuffisance du matériel pédagogique et de recherche ; la diminution des financements et les diverses confrontations entre les étudiants, les enseignants, les syndicats des personnels et l’administration des universités.

Ce qu’il est important de noter dans ce contexte de crise, c’est que si l’enseignement supérieur a été la priorité post-indépendance des pays, le discours des bailleurs de fonds, lui, a radicalement changé dans le courant des années 1970-1980, suivant l’impulsion de la Banque mondiale. En 1974, dans un de ses rapports, celle-ci critiquait la disproportion énorme entre les ressources allouées à l’enseignement supérieur et celles allouées au primaire en Afrique subsaharienne, et donnait la priorité à la scolarisation universelle qui était alors considérée comme le seul moteur du développement. C’est la phase des programmes « Éducation Pour Tous ». L’université n’est alors plus considérée comme la solution au problème de développement, mais comme un élément central de ce problème. Car non seulement ses formations ne sont pas adaptées aux contextes économiques, mais en plus elles coûtent cher. Cependant, en 1990, à Jomtien (Thaïlande), les pays du Sud vont tout de même faire pression sur la Banque mondiale, pour sauvegarder l’enseignement supérieur de manière plus explicite, insistant notamment sur la recherche et la dimension transfert de technologie. À partir des années 2000, la Banque mondiale est revenue sur ses positions et considère désormais l’enseignement supérieur comme un des acteurs du développement.

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3. COMMENT FAIRE ?

3.1 Organisation actuelle de la gouvernance

universitaire en Afrique francophone

D’une manière générale et à l’exception des universités privées et des écoles inter-États, les universités africaines francophones sont des universités d’État. Il s’agit même, dès l’origine, d’établissements où c’est l’État, seul ou avec ses partenaires, qui apporte toutes les ressources humaines, matérielles et financières et assure en même temps le fonctionnement au sein des instances délibérantes. À ce titre, hormis quelques-unes d’entre elles, ces universités ne disposent donc d’aucune réelle autonomie vis-à-vis de l’État. Cette vision diffère des décrets qui les ont créées. Théoriquement, il s’agit d’Établissements Publics de l’État à caractère Scientifique, Culturel et Technique (EPSCT) dotés de la personnalité morale, d’une autonomie scientifique et pédagogique, et d’une autonomie de gestion administrative et financière. Il s'agit aussi d'institutions récentes qui connaissent des problèmes de croissance et de maturité et où l'État intervient régulièrement.

Les principales missions de l’université africaine ne diffèrent pas de celles de toute université : la production et la transmission des connaissances, la formation des cadres dans tous les domaines, la recherche scientifique et la vulgarisation de ses résultats, l’élévation du niveau scientifique, technique et culturel des citoyens en général, la contribution au développement économique, social et culturel du pays, la valorisation des compétences dans tous les secteurs d’activités du pays, la formation professionnelle initiale et continue des personnels d’enseignement, d’encadrement, d’administration et de gestion du système éducatif et enfin la formation pédagogique des enseignants du supérieur. Il s'agit généralement d'institutions pluridisciplinaires, même si dans certains pays la création d'autres universités publiques s'est accompagnée du démembrement de l'université-mère. C'est le cas au Burkina Faso, au Mali et au Gabon.

Dans sa gouvernance, chaque université dispose d’instances délibérantes et dirigeantes qui sont généralement le conseil d’université, le conseil scientifique et la présidence ou le rectorat. Nous nous limiterons ici à décrire les grandes lignes des fonctions de chaque instance et des relations entre elles. Leur composition et leur fonctionnement seront décrits plus en détail dans le chapitre 2.

Le conseil d’université est composé d’environ 20 à 40 membres, dont la majorité représentent l’État et sont nommés par lui. Les autres membres de ce conseil sont choisis en fonction des règles propres à leurs structures. Leur désignation est aussi entérinée par décret pris en conseil des ministres. Le conseil assure la responsabilité de l’administration de l’université. Il est obligatoirement saisi de toutes les questions pouvant influencer le fonctionnement général de l’université. Il examine et approuve le budget et les comptes, et gère tous les biens meubles et immeubles de l’université. Il autorise le recrutement des agents contractuels propres à l’établissement, conformément

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à la réglementation en vigueur. Il fixe, s’il y a lieu, les tarifs généraux de cession de biens et services produits par l’université.

Le conseil d’université est souvent considéré comme l’instance qui délibère sur la définition de l’orientation générale de l’université. En réalité, dans la plupart des pays, il se réunit rarement et il est rarement engagé dans les situations de crise comme dans la nomination des responsables de l’université.

Le conseil scientifique est un organe consultatif de réflexion et de propositions à caractère académique. Il a en charge les activités académiques, pédagogiques et scientifiques de l’université et propose au conseil d’université des politiques de formation, de recherche, de documentation scientifique, ainsi que la répartition des moyens de la recherche. Placé sous la présidence du recteur ou du président de l’université, cet organe compte en principe plus d’une vingtaine de membres.

Le président (ou le recteur) est nommé par décret pris en conseil des ministres. Il est l’ordonnateur principal du budget de l’université et est assisté dans sa mission par un ou plusieurs vice-présidents ou vice-recteurs. Il est le véritable exécutif de l’université et son gestionnaire. Il doit aussi veiller à ce que les établissements mènent leurs activités académiques et de recherche. Il doit également présider les conseils de gestion et statuer, après avis des doyens de faculté et des directeurs d’instituts, sur les problèmes individuels relatifs aux inscriptions des étudiants.

Le fonctionnement de ces instances est essentiellement formel et la circulation du pouvoir (et donc des décisions) va du haut vers la base, ce qui complexifie la gouvernance des université. Depuis de nombreuses années, des réformes ont été engagées pour sortir du cycle infernal des crises et permettre aux autorités universitaires de mieux assumer leurs responsabilités. Souvent ces réformes n’ont pas atteint leur but.

EXEMPLE : ÉTAT DES LIEUX DE L’ENSEIGNEMENT

SUPÉRIEUR ET DE SON MODE DE GOUVERNANCE AU MALI

AVANT LA RÉFORME DE 2011

Dans tous les pays modernes, l'enseignement supérieur bien compris est [...] considéré comme un investissement pour l'avenir et non un boulet ou une simple dépense. Cela ne s’est pas fait sans mal. De multiples réformes ont été engagées qui ont permis de faire évoluer les habitudes, les comportements, les méthodes de travail et les modes d’organisation de ses structures.

1. L'enseignement supérieur au Mali : diagnostic et perspectives

UN DIAGNOSTIC LOURD L'enseignement supérieur au Mali traverse aujourd'hui une crise importante, enfoncé qu'il est dans des logiques et des postures d'une époque révolue, avec un cadre de gouvernance obsolète et dépassé où l'État est seul responsable alors que l'ensemble des acteurs (administration, enseignants, étudiants, personnels d'appui) se rejettent les responsabilités de la crise. Malgré les concertations nationales et les divers rapports d'experts, l'enseignement supérieur n'a pas vraiment

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pu ou n’a pas su se réformer pour améliorer son efficacité, son efficience et sa pertinence. Au-delà de la qualification avérée des nombreux acteurs, responsables et agents de ce secteur, le système reste tiré vers le bas, tant les mauvaises habitudes persistent et perturbent son fonctionnement, par un mode de gouvernance inefficace et une absence de vision stratégique. Le poids des habitudes, la prégnance du prisme local qui se situe souvent en dehors des normes internationales (« Nous, au Mali »), le poids des corporations étudiantes et enseignantes, plus habituées à imposer leurs revendications et leurs doléances qu'à dialoguer et faire valoir l'intérêt général et à avoir comme visée le véritable développement du pays, la tendance de la tutelle politique à réagir dans l'urgence et plus encore sous la dictature de l'urgence, tout cela a conforté la crise sans perspective réaliste d’en sortir à moins d’un coup de barre vigoureux. Il n’est pas utile de reprendre ici un diagnostic complet de l’état de l’enseignement supérieur malien ; l’inventaire a déjà été établi en d’autres lieux et à d’autres occasions. Les différents diagnostics de l’enseignement supérieur malien, depuis 1996 et surtout depuis 2002, ont abouti aux grandes conclusions suivantes : - La qualité n’est pas au centre des préoccupations. L’'enseignement supérieur attire les étudiants essentiellement par défaut et non pas vraiment par ce qui peut leur être proposé d'innovant et de réaliste quant à leur besoin de formation et de professionnalisation. - L’université n’est pas autonome et ses responsables sont sans autonomie et sans responsabilité réelle. - La faiblesse organisationnelle des structures est récurrente. Les décisions viennent uniquement du haut. Il en résulte, pour l’administration des universités, des responsabilités diffuses et des situations inacceptables. C’est ainsi, par exemple, que la gestion administrative, financière et des personnels est obsolète, sans réelle évaluation objective. Ici semblent jouer les affinités politiques et relationnelles. Tout cela aboutit à une administration qui n'est jamais véritablement responsable et engagée vers l'intérêt général. - L'Université de Bamako dispose d'infrastructures modernes, mais le plus souvent dépassées dans leur capacité d'accueil comme au titre des outils nouveaux de communication. Il n’y a ni bibliothèque générale, ni bibliothèques spécialisées dans les laboratoires et dans les départements, ni de réseau téléphonique privé interne ou de wifi, ni de système d'informations et d'outils d'aide à la décision. - Des acteurs sont divisés et déresponsabilisés parce que pas associés à son fonctionnement et à l'ensemble des décisions qui la concernent, notamment au travers de ses différentes instances. - La faible implication des partenaires locaux. Il y a une manifeste déconnexion des formations par rapport aux besoins de l'économie et de la société. Leur caractère théorique fait que l'université ne peut réellement jouer le rôle de guide social, ni celui de donner du service à ses apprenants. - Un manque général de vision et de stratégie à l’égard du développement du système d’enseignement supérieur. Ce sombre diagnostic pourrait être complété, si besoin était, par les blocages presque permanents suscités par les mouvements sociaux des étudiants et des professeurs ou encore par l’obsolescence des textes juridiques. Telle est donc la crise que traverse l'enseignement supérieur au Mali. Il s'agit d'une crise profonde, durable et dont tous les acteurs sont conscients, mais où ils sentent bien, tous autant qu'ils sont, la nécessité d'en sortir.

1.2. Un cadre juridique obsolète qui s’attache plus à valoriser les bonnes intentions et non à améliorer les pratiques de gouvernance et à asseoir une démarche fondée sur la responsabilité et l’imputabilité.

L’encadrement législatif actuel du système malien d’enseignement supérieur se définit comme un modèle d’autorité qui fonctionne du haut vers le bas et qui n’encourage pas la responsabilisation de

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ses acteurs. Il a bien servi le système à l’époque de la création de l’enseignement supérieur. La réalité actuelle et les exigences de l’enseignement supérieur ont changé tout comme les besoins de la société malienne. Des propos qui précèdent s’impose d’emblée une révision complète des législations encadrant l’enseignement supérieur, afin de mettre en œuvre les réformes.

BENNOUA et coll., 2011

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4. CONCLUSION : EN GUISE DE DÉPART

Vous l’aurez compris à la lecture de ce premier chapitre, la gouvernance ne se limite pas à une gestion, fût-elle performante, de l’université ou de l’institut d’enseignement supérieur. Elle ne se limite pas non plus à l’élaboration de lois ou de règlements et à leur mise en œuvre.

La gouvernance est avant tout un état d’esprit et une manière de travailler centrée sur l’excellence des institutions dans leurs trois missions fondamentales : enseigner, chercher, servir. Car prendre une respon-sabilité de direction d’une institution uni-versitaire ou de l’enseignement supérieur suppose de comprendre son histoire, son contexte, ses modes de fonctionnement, mais aussi ses limites et ses règles.

À travers une approche théorique de la gouvernance et un état des lieux des principaux modes de gouvernance des universités et leurs évolutions, nous avons ébauché les facettes multiples et riches de cet état d’esprit, nous avons montré comment l’évolution des statuts, des contextes locaux, économiques et politiques, a permis d’asseoir des modes spécifiques de gouvernance universitaire.

En guise de conclusion, et en préface aux prochains chapitres, voici sur un mode humoristique une proposition de charte du recteur ou président d’université, mais qui peut s’adresser à toute personne, doyen, directeur d’un institut ou d’une administration. À méditer et à appliquer progressivement dans les prochains chapitres de ce guide…

LA GOUVERNANCE

UNIVERSITAIRE DÉPASSE LA

GESTION ET L’APPLICATION

DES RÈGLES. ELLE EST AVANT TOUT UN ÉTAT

D’ESPRIT.

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La charte du recteur, président et cadre dirigeant d'université

Par sa droiture et ses qualités humaines, morales et scientifiques, il se distinguera Sur la base d’un programme, écrit et explicite, adressé à la communauté, il se présentera Une fois élu ou nommé, ce qu’il a dit, il fera ; ce qu’il a promis, il tiendra, et les engagements pris, fidèlement, il observera Pour que les responsabilités soient relayées et partagées, il organisera et déléguera Au service de la communauté toute entière, il se mettra Au devenir et à la prospérité de l’institution, et non à son propre présent et devenir, entièrement, il se consacrera Car la charge de recteur, un sens élevé du devoir et un oubli entier de soi exigera Son ego et ses envies intérieures, il combattra et ses intérêts, il oubliera La tentation du rectorat-tremplin, il surmontera Les acquis de notre université, il défendra À aucun moment, les libertés académiques et l’action syndicale, il n’entravera Les décisions des instances, et en premier celles du conseil scientifique, il appliquera Être, à la fois, ferme, aimable et ouvert, il devra En catalyseur, régulateur, modérateur, médiateur, il se comportera Les étudiants et tout le personnel enseignant-chercheur, administratif, technique et ouvrier, il respectera Toujours courtoisement, il leur parlera Ni blasphèmes, ni insultes, ni injures, jamais, il ne prononcera Être à l’écoute de tout le monde, sans distinction, il saura Des cercles de copinage et des lobbies, il s’écartera Des faux amis et des conseillers auto-déclarés sans scrupules, il se méfiera Ni ses amis, ni ses proches, ni quiconque, il ne favorisera À l’équité et à la transparence dans la répartition des deniers publics, scrupuleusement, il veillera Ainsi sur ce droit chemin, tout au long de sa mission, il se maintiendra La déprime et le mal-être pour lui-même, il préviendra Et c’est en bienheureux d’avoir accompli honnêtement son devoir qu’il partira L’université reconnaissante lui sera La Nation, parmi les bâtisseurs de sa prospérité, le comptera Et, même avec quelques petits grains de sable inévitables, respecté, estimé et regretté par ses collègues, il restera Et, pour toujours, dans leur cœur et dans le mien, il demeurera…

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ANNEXE

HISTOIRE ET ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE RECTEUR

Quel que soit le titre retenu dans une institution universitaire, à savoir recteur, président, chancelier, ou vice-chancelier, le terme de « recteur » désigne le plus haut responsable exécutif d’une université. Étymologiquement, le mot « recteur » (en latin rector) vient du latin regere, qui signifie « régir, diriger ». Le recteur désigne donc le directeur d’une université. À l'origine, dans les premières universités médiévales, il s’agissait d’un enseignant membre du clergé qui assurait la coordination de toutes les actions initiées au sein de l’université, à savoir : la formation, la recherche et les relations avec la société. Son appartenance au clergé soulignait le caractère presque sacré de sa fonction. Il en était de même au niveau académique, puisqu'il était choisi parmi les enseignants les plus gradés et donc les plus respectés de tous. C’est en cela qu’il donnait sens à l’université, mais aussi organisait au quotidien son fonctionnement et sa place dans la société. Son rôle était d’autant plus important que l’université ne désignait pas encore l’enseignement supérieur, comme aujourd'hui, mais une « association » qui, au départ, ne renvoyait à aucun contenu scolaire.

Sous l'Ancien Régime, le mot recteur désigne le chef d'une université. Au sein des confessions religieuses, il désigne le supérieur (ecclésiastique ou laïc) d'un collège ou d'une université ou le responsable d'une paroisse ou d’une mosquée. On le voit, la fonction a d’abord été religieuse. Il s’agit d’une fonction d’impulsion qu’incarne celui qui donne non seulement la direction, mais encore qui assure la signification même de l’institution. Et c’est peut-être ici que cette fonction retrouve toute sa complexité. C'est dans ce contexte qu'a émergé la figure de recteur président d'université, figure que résume bien le Pr Jean-François Denef qui compare la fonction de recteur avec celle, improbable, de berger d'un troupeau de chats. Le Pr Ivar Ekeland, ancien président de l'Université de Paris IX-Dauphine dans les années 1990, aimait à dire que « l'université est l'organisation la plus complexe que l'on puisse imaginer ».

Avec les changements intervenus dans l'enseignement supérieur au cours de la dernière décennie du 20e siècle et dont nous commençons à voir aujourd’hui les nouvelles configurations, notamment autour de l'autonomie de l’université par rapport au politique et à l’économique, la fonction de recteur est véritablement en train de changer, non seulement au plan historique, mais encore dans sa nature même. Tout cela en fonction du type d’université concernée (publique, privée), de son histoire comme du lieu où elle est installée (Nord, Sud).

Par exemple, le rôle de président de l'Université de Paris V d'aujourd'hui diffère non seulement du rôle qui était le sien avant la loi LRU, mais aussi est très différent de celui de président de l'Université d'État de Pennsylvanie et, à plus forte raison, de celui de recteur d’une université d’Afrique.

Ces différences proviennent du type et de la taille de l'établissement, de son emplacement géographique, de sa structure administrative, du type de contrôle mis en place pour évaluer son fonctionnement, de la nature du corps étudiant,

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mais aussi des habitudes culturelles et sociales, voire même du style de gouvernement du recteur.

1. Histoire de la fonction de recteur dans la tradition

francophone

En France, en 1261, était créée l’Université de Paris. Il s’agissait d’un établissement confessionnel dont l’enseignement faisait une place aux problèmes de la foi. Comme le soulignent A. Léon et P. Roche (1990) :

L’université est un corps à la fois ecclésiastique et laïc. Les étudiants, comme le personnel enseignant, doivent, en principe, appartenir à la religion catholique […] Le recteur, élu par les procureurs de la nation, remplit la double fonction de chef de la faculté des Arts et de représentant de toute l’université.

Il bénéficie à la fois de l’appui du pape et du roi face à l’évêque, alors chancelier, qui use de l’exclusion à l’encontre de la communauté des étudiants et des professeurs. Le recteur est à la fois un enseignant reconnu par ses pairs et un membre du clergé. Dès 1806, on assiste à la refondation du système éducatif par Napoléon et à la création de l'université impériale, c'est-à-dire une structure qui regroupe les six ordres d'écoles que sont alors les facultés, les lycées, les collèges, les institutions, les pensionnats, et les « petites écoles » (primaire). L’université est dirigée par un grand maître, nommé par l’empereur et subordonné au ministre de l’Intérieur. Le recteur préside le conseil de l’université et est secondé par un trésorier. Ses fonctions sont à la fois administratives, disciplinaires et pédagogiques.

À partir de la Restauration, l’autorité suprême de l’université est confiée au ministre des Affaires ecclésiastiques et de l’Instruction publique, qui devient alors grand maître et chancelier de l’université. Le recteur, qui assure alors la gestion quotidienne de l’université et de l’académie, prend le titre de vice-chancelier de l’université.

Après la seconde guerre mondiale, la France est divisée en circonscriptions administratives, que l’on appelle des académies. Chacune d’elle est dirigée par un recteur. Celui-ci, nommé par décret du président de la République en conseil des ministres, est responsable de la totalité du système éducatif dans l’académie. À ce titre, il représente le ministre de l’Éducation nationale et applique les directives ministérielles. Il prend le titre de chancelier des universités et dirige la chancellerie, c’est-à-dire l’administration des biens et charges indivis entre plusieurs établissements d’enseignement supérieur. En tant que chancelier des universités, il assiste ou se fait représenter aux séances des conseils d’administration des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et reçoit sans délai communication de leurs délibérations, ainsi que des décisions des présidents ou des directeurs, lorsque celles-ci ont un caractère réglementaire.

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Dans ce contexte, la gestion directe de l’université est placée sous l’autorité directe du doyen de faculté et du président de l’université. On le voit, en France, le recteur de l'académie est le représentant de l'État dans cette circonscription, alors que le recteur d'université, qui est employé dans la plupart des autres pays francophones, est l'homonyme du président de l'université.

Selon Jean-François Mela (1968), ancien président de l’Université Paris XIII, le vrai départ de ce qu’il a appelé « l’aventure des présidents » commence en 1968 avec la loi Edgar Faure, dont on a dit qu’elle donnait l’autonomie aux universités. Il s’agissait d’une autonomie encore bien limitée, mais elle constituait une rupture avec la conception « napoléonienne » de l’université. Jusque-là, les doyens de facultés étaient des primus inter pares sans beaucoup de pouvoirs, les questions essentielles étant réglées par l’État. Pour la première fois, les universités disposaient de vrais organes délibératifs et d'un « patron ».

2. Le rôle de recteur dans les universités anglo-saxonnes

Dans les autres régions du monde, notamment en Amérique du Nord, l’évolution de la fonction de recteur est quasiment la même. Au départ, il est obligatoirement un membre du clergé, la fonction de recteur n’en étant que la conséquence. La variété ici du titre du plus haut responsable d'une institution universitaire, qui va de recteur à chancelier, en passant par prévôt, principal et président, est le fait du mélange de différentes traditions, mais dont les principales proviennent des enseignements supérieurs anglais et écossais.

Au 19e siècle, du fait de la situation même des États nouvellement créés, la fonction de recteur ou président d’université va évoluer. Non seulement il préside les réunions du corps professoral et assure l'exécution de leurs décisions, mais encore il préside les cérémonies universitaires, y compris les prières quotidiennes et le culte religieux hebdomadaire, tout comme l’organisation des cours sur le christianisme. Plus encore, il s’assure de la qualité des enseignements donnés par les professeurs et leur offre du soutien. Dans tous les cas, il est chargé de la promotion des intérêts généraux de l'université. Son rôle de gestionnaire général ne l’empêche pas d’exercer également certains métiers, comme celui d’agriculteur ou de marchand de fruits et légumes et autres marchandises cultivées sur les terres de l’université par les étudiants. Mais quel que soit le titre, le rôle du président de l’université reste toujours le même : il est d'abord un enseignant modèle et, dans une moindre mesure, un administrateur.

Au 20e siècle, le pouvoir du président de l’université évolue. Il n'est plus le « sénior » parmi les professeurs, mais désormais et d’abord un représentant du conseil d'administration ou du pouvoir politique qui le désigne et d’où il tire sa légitimité. Selon les pays, en tant que représentant de l’université au conseil d'administration ou de l’État, le président est responsable du fonctionnement de l’université comme de sa moralité. Il doit aussi en assurer le développement et le lien avec la société.

La tâche du président ou de recteur d’une université privée ou confessionnelle devient plus complexe. En plus de ses responsabilités d’enseignant, de superviseur de la vie quotidienne et des principales cérémonies, il commence à

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s'impliquer dans le recrutement des étudiants, dans la création de nouveaux cursus et dans la collecte des fonds. Mais ces nouvelles fonctions ne sont pas faciles. D’ailleurs, la charge est si énorme (il est tout à la fois enseignant, parfois prêtre, conférencier, agriculteur, maçon, mais aussi administrateur financier, juriste, gestionnaire des biens immobiliers, etc.) que plusieurs présidents d’université démissionnent (à l’exemple de Mgr Simpson). Rappelons que Mgr Matthew Simpson, ami du président Lincoln, a été le premier président de l'Université Indiana Asbury de 1839 à 1848, université qui deviendra ensuite en 1884 l'Université de DePauw. Il terminera sa carrière comme évêque de l'église méthodiste quatre ans plus tard.

On le voit, la fonction de président évolue autour de trois grandes logiques : l’administration, la supervision et l’enseignement.

Mais peu à peu, les deux dernières fonctions vont de plus en plus être délaissées et le président ne va plus s’occuper que de l’administration et de la gestion financière et de la recherche des fonds.

À partir des années 1960 et surtout en raison de la forte demande sociale de l’enseignement supérieur aux États-Unis, le rôle de président d’université devient essentiellement administratif et financier, même si celui-ci varie d'une institution à une autre. En effet, les universités sont désormais différentes selon leur nombre d’étudiants, selon leur statut juridique (privé ou public), selon leur structure (mono ou pluridisciplinaire), selon leur mission (formation, formation et recherche ou recherche uniquement) selon les niveaux de formation assurés (universitaire ou postuniversitaire), selon son implantation géographique (ville principale, ville secondaire ou campagne) et sa situation historique. Tout cela a une forte influence sur le rôle du président de l’université.

Le président ou recteur est devenu finalement un véritable chef d’entreprise, engagé dans une quête sans fin de moyens financiers et déléguant les tâches administratives à ses collaborateurs (Wiseman, 1991). Son rôle est désormais d’assurer les interactions avec les anciens étudiants, les élus et les autorités locales, le gouvernement et les fondations philanthropiques. À ce titre, il est la personne la plus puissante et influente au sein de la communauté universitaire, il représente l'institution et s’assure des contributions de celle-ci à la société.

Aujourd’hui, le rôle de recteur ou de président est de plus en plus complexe. Il doit réunir plus que jamais toute une foule de compétences : des compétences de gestionnaire, des compétences interculturelles et de dialogue avec le monde socioéconomique local et international, des compétences en ingénierie de la formation classique et de la Formation Ouverte À Distance (FOAD), des compétences andragogiques pour la formation continue, des qualités d'animateur d’équipe et de la communauté universitaire en sus des compétences supposées dans le domaine pédagogique et scientifique. Enfin, le recteur ou le président d'université est aujourd'hui à la confluence de cinq logiques :

La logique hiérarchique qui fait qu’il est le supérieur hiérarchique de tout le personnel de l'université, que ce soit le personnel enseignant, le personnel scientifique, le personnel administratif ou le personnel technique d'appui.

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La logique collégiale qui fait qu’il ne peut fonder ses relations avec ses collègues enseignants sur une logique hiérarchique, mais sur une logique collégiale par laquelle il exerce une sorte de magistrature morale, mais non de type autoritaire.

Une logique politique du fait que les décisions importantes dans une université sont prises et votées en conseil d'administration et doivent ensuite, dans certains cas, être adoptées par le gouvernement, notamment dans sa loi des finances. Le recteur est à la fois l'interlocuteur de l'université vers le ministère et du ministère vers l'université ; il est l’interface.

Une logique de l'homme public dans la mesure où il est un « fusible » s’il commet une gaffe, s’il crée du mécontentement, s’il prend une position qui peut aller à l'encontre des intérêts corporatistes des étudiants ou des enseignants.

Et enfin une logique du temps. Le mandat du recteur est toujours très court et il peut même ne pas arriver à la fin de celui-ci. Mais cela ne doit pas le bloquer. On peut le comparer à un grand joueur d’échec qui joue plusieurs parties en même temps avec des joueurs différents, apparents et réels, individuels et collectifs. Dès qu’il a décidé d’un coup à une table, il la quitte pour se concentrer sur une autre partie, à une autre table.

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Chapitre 2

PRINCIPES DE BASE DE LA GOUVERNANCE DANS L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

BONAVENTURE MVÉ-ONDO, ÉDOUARD NGOU-MILAMA ET JEAN-FRANÇOIS DENEF

À méditer…

« Que reste-t-il à faire aux universités, sinon comprendre : qu’il nous faut rédiger des plans stratégiques ; qu’il nous faut étudier et maîtriser les procédures de financement et les conditions d’éligibilité ; qu’il nous faut faire montre d’une certaine capacité managériale ; qu’il nous faut surtout et davantage rechercher activement l’information utile au développement de notre secteur. Sans compter le nécessaire assainissement des mœurs au sein de la corporation aux fins d’assurer l’assurance- qualité. »

PR PRINCE KAUMBA LUFUNDA, ancien recteur

de l’Université de Lubumbashi5

INTRODUCTION

Travailler à l’amélioration de la gouvernance des universités, c’est non seulement chercher à les redynamiser en termes d’autonomie, de responsabilité publique, de planification, mais aussi renforcer leur liberté et leurs capacités en matière de formation et de recherche et donc leurs performances. La question n’est plus de savoir si l’on est pour ou contre, mais désormais quelles stratégies et quels cadres mettre en place pour permettre à l’université d’être mieux gouvernée et d’atteindre l’excellence.

Mais pour cela, il est nécessaire de définir une vision pour l’université fondée sur des valeurs à promouvoir ou à défendre. Il faut également négocier un partenariat clair et opérant avec l’État. Une politique nationale cohérente de l’enseignement supérieur est un élément indispensable pour asseoir ce partenariat et permettre le développement de l’excellence universitaire dans sa gouvernance et la mise en œuvre de ses missions. La recherche d’excellence

5. Cité par Jean-Émile Charlier, 2009.

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nécessite une autonomie et aussi une évaluation constante et objective du fonctionnement de l’université.

Avec un cadre juridique précis, définissant droits et devoirs de chacun, et des instances aux fonctions claires et acceptées par tous, l’université peut rechercher la qualité dans son organisation et ses missions. Ce sont ces différents aspects qui seront abordés dans ce chapitre.

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2. BON À SAVOIR

Dans un monde qui évolue rapidement et qui s’appuie sur des ressources humaines compétitives, colonne vertébrale de tout développement économique des nations modernes, il importe de dégager une nouvelle vision pour le système d’enseignement supérieur.

Les universités sont « des établissements qui fédèrent en leur sein la production (recherche), la conservation (publications et bibliothèques) et la transmission (études supérieures) de différents domaines de connaissance. Elles se distinguent en cela des écoles et des grandes écoles, qui sont centrées sur la seule transmission d’un domaine bien défini de la connaissance » (Wikipédia, 2011). Cette définition subit de nombreuses exceptions, certaines facultés étant appelées écoles et certains établissements d’enseignement supérieur développant aujourd’hui des programmes de recherche. Il convient aussi de rappeler, comme on l’a vu au chapitre précédent, que le mot universitas veut dire « communauté ».

2.1. Quelle vision pour l’enseignement supérieur ?

Tout établissement d'enseignement supérieur peut devenir un lieu d’excellence tout d'abord s'il s'engage de façon résolue dans un nouveau mode opératoire et établit une nouvelle chaîne de responsabilités ; ensuite si l'État accepte de jouer vis-à-vis de lui un nouveau rôle qui consiste à orienter sans asservir, à évaluer et accréditer sans infantiliser, à donner les moyens et à responsabiliser ses acteurs dans un cadre de confiance, autrement dit si l'État accepte de s'inscrire dans une véritable logique de partenariat et de décentralisation.

Dans ce contexte, l'État doit jouer pleinement son rôle de prescripteur des politiques de l'enseignement supérieur et de bailleur de fonds. À l'université toute entière ensuite d'être un acteur positif et responsable de cette politique et à la société enfin d’inscrire ses besoins, de bénéficier des résultats, mais aussi de les anticiper. Cela suppose que l’université fonde son action et ses pratiques sur les valeurs que sont l’efficience, l’efficacité, l’attractivité, l’engagement citoyen, le lien social, le dialogue et les échanges interculturels.

LA RAISON D’ÊTRE DE

L’UNIVERSITÉ : PRODUIRE, CONSERVER ET

TRANSMETTRE LE SAVOIR.

LA VISION D’UNE UNIVERSITÉ

DOIT ÊTRE DÉVELOPPÉE SUR

DES VALEURS TELLES QUE : • UNE NÉCESSAIRE ÉQUITÉ ET

ÉGALITÉ DES CHANCES POUR

LES CITOYENS ; • LE PLEIN RESPECT DES

DROITS DE L’HOMME ; • LA PROMOTION DES VALEURS

DE TOLÉRANCE ET DE LA

LIBERTÉ ACADÉMIQUE ; • LE SOUCI DE L’INNOVATION ET

DE LA RIGUEUR SCIENTIFIQUE ; • L’HONNÊTETÉ

INTELLECTUELLE.

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Sur la base de ces valeurs, les grandes missions des universités sont (Association des universités européennes, 2009) : la création de la connaissance, son partage et sa dissémination, l’esprit critique et la tolérance, l’ouverture d’esprit, la préparation des futurs citoyens à leur rôle dans la société et la réponse aux attentes de la société, tant au niveau individuel que collectif.

Par ailleurs, un nouveau système de gouvernance universitaire doit, plutôt que réprimer, offrir des cadres incitatifs afin d’orienter son évolution, encourager la multiplication des acteurs et se caractériser par sa souplesse, afin de lui permettre notamment de s’adapter aux défis que constituent le grand nombre d’étudiants, la multiplication des filières de formation et l’internationalisation de l’enseignement supérieur.

2.2. Un partenariat véritable entre l’État et l’université

pour une vision cohérente de l’enseignement supérieur

La nécessaire quête de l’excellence des universités appelle forcément une réécriture du partage des responsabilités respectives entre l’État et les établissements universitaires et donc la mise en place d’un nouveau cadre juridique. Dans cette perspective, et contre la position néolibérale, nous pensons que l'État doit demeurer responsable de la définition, de la planification, du développement, de la régulation et de l’orientation de l’enseignement supérieur selon les besoins socioéconomiques du pays. En partenariat avec la communauté scientifique, le monde du travail et les élus, il doit continuer à définir la politique nationale de l’enseignement supérieur et à mobiliser les moyens nécessaires dans le cadre d’une programmation pluriannuelle définie, afin de réaliser les objectifs qu'il s'est prescrits.

Définir les termes d’une politique nationale dans le domaine de l’enseignenent supérieur consiste à déterminer les objectifs du système, les cibles et les moyens de les atteindre, ainsi que les rôles respectifs des secteurs privé et public. Dans un monde idéal, la politique nationale propose une vision globale du rôle de ce secteur ; par ailleurs, à une époque où on assiste à une globalisation croissante de l’enseignement supérieur, la mise à jour régulière d’une telle vision s’avère particulièrement importante.

Figure 3. Le partenariat entre l’État et l’université représentée par son recteur.

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2.2.1. LE RÔLE DE L ’ÉTAT DANS LA POLITIQUE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Eléments d’une politique de l’enseignement supérieur

Réalités socio-économiques

et tâches professionnelles

Besoins de formation

Contexte local, national ou

internationalNormes et cadre

législatif

Offre de formation- Qualitative

- Quantitative

Société civile

Etat

Universités

Moyens disponibles?

Qualité ?

Partenaires

Figure 4. Les éléments impliqués dans la formulation de l’offre de formation.

Outre son rôle en termes de définition des politiques, l’État se doit d’élaborer des normes relatives au fonctionnement du secteur et des établissements d’enseignement, tant publics que privés. Il doit aussi piloter l'accréditation et le contrôle de la qualité de l’ensemble du secteur. Pour tout dire, dans le cadre de la réforme de la gouvernance, notamment dans les universités publiques africaines et francophones, il s'agit de passer non pas d'une situation où l’État fait tout (comme autrefois) à son désengagement, mais à une situation où il fait mieux, autrement dit du « trop d’État » au « mieux d’État ». Il s'agit là aujourd’hui d'une tendance mondiale. En adoptant une législation nouvelle, en matière de gouvernance de l’enseignement supérieur, chaque pays se dote désormais d’un cadre normatif qui encourage la flexibilité et l’innovation pour l’université. Le défi, c'est de ne pas gêner le fonctionnement de l'institution universitaire, mais, au contraire, de lui permettre, dans ses actions, de s’adapter aux exigences du changement, qu’elles soient d’origine locale, nationale ou internationale.

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La relation État-université doit se construire autour d’objectifs clairs et précis. L’État doit encourager le financement compétitif de l’université par appel d’offres. Il doit aussi pouvoir s’appuyer sur le partenariat public-privé en vue de répondre à des besoins en ressources humaines quantifiées par un projet stratégique et un plan de programmation. C’est ainsi que, à titre d’exemple, il devra établir un contrat pluriannuel avec les universités pour former, sur un horizon à définir, un nombre déterminé d’ingénieurs, de techniciens ou de médecins.

Pour cela, l’État devra non pas imposer, mais négocier avec les organes de direction des universités les moyens à mettre en œuvre au niveau des ressources humaines (postes budgétaires) et matérielles selon certains indicateurs importants en relation avec la pédagogie (rendement interne, tutorat, filières professionnelles, insertion), la recherche (publications et brevets, thèses, laboratoires) et la gouvernance (outils de gestion, perfectionnement des ressources humaines). La définition comme le choix de ces indicateurs pourront avoir lieu dans la phase de discussion et de programmation budgétaire.

Le rôle de l’État, via le ministère en charge de l’Enseignement supérieur, consistera par ailleurs à faire respecter par les organes compétents des universités, les dispositifs légaux promulgués, en particulier ceux concernant les missions dévolues aux organes des universités que sont les conseils (conseils d’administration, conseil d’université, conseil scientifique, conseil d’établissement, etc.), et l’application des règlements les concernant. L’État confèrera aussi aux universités toute l’autonomie nécessaire aux plans pédagogique, scientifique, culturel et administratif. Il leur permettra notamment de gérer leurs ressources humaines (statut propre), leurs finances et le patrimoine qu’il leur aura cédé, conformément aux lois en vigueur. Les universités disposeront ainsi d'une marge de manoeuvre importante liée à leurs propres modes de gouvernance. Enfin, l’État encouragera la création d’entreprises dans le domaine de l'innovation, ainsi que la participation des universités à des entreprises publiques ou privées, et la commercialisation de produits de leurs activités directement ou par la création de sociétés commerciales.

Il n’existe donc pas de modèle unique de législation nationale en la matière. On trouve dans tous les pays généralement un certain nombre d’éléments dont des

RÔLE DE L’ÉTAT : • DÉFINIR UNE POLITIQUE DE

L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

EN LIEN AVEC LES BESOINS

SOCIOÉCONOMIQUES DU PAYS. • MOBILISER LES MOYENS

NÉCESSAIRES DANS UNE

PROGRAMMATION

PLURIANNUELLE. • SUPERVISER

L’ACCRÉDITATION ET LE

SYSTÈME DE QUALITÉ.

L’OBJECTIF N’EST PAS « MOINS

D’ÉTAT », MAIS « MIEUX

D’ÉTAT ».

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dispositions relatives aux rôles, aux pouvoirs et aux responsabilités du ministère responsable de l’Enseignement supérieur, mais aussi au statut des universités publiques et privées, ainsi qu’aux normes de gouvernance applicables aux établissements publics. On trouve en outre souvent des dispositions relatives à la liberté académique ou aux franchises universitaires et à l’assurance-qualité.

La réglementation étatique autorisée par la loi couvre aussi des sujets tels que la création de nouveaux programmes de formation ou encore la gestion des acquisitions ou du patrimoine mobilier et immobilier des établissements, ainsi que les normes relatives à la passation des contrats et des marchés. Dans tous les cas, la nouvelle législation à mettre en place devra être adaptée à la réalité du pays concerné et être élaborée dans une perspective de long terme, afin d’éviter de procéder à des amendements fréquents.

En effet, le rôle de l’État et les pratiques varient énormément à cet égard d'un pays à un autre, d'une région à une autre. Alors que, dans certains pays, les universités sont entièrement sous le contrôle de l’État et que d’autres, à l’opposé, fonctionnent de façon essentiellement autonome, on peut estimer que le statut des établissements d’enseignement supérieur en Afrique francophone est la semi-autonomie quand ce n’est pas l’autogestion, avec en plus un handicap lié à une filiation affective entre le gouvernement et les responsables universitaires qu’il nomme. Nous avons montré plus haut comment cette dernière ne permettait pas à l'université de jouer pleinement son rôle d'acteur responsable du développement.

Figure 5. L’enjeu du pouvoir lors d’un changement de gouvernance, tensions entre démocratie et bureaucratie.

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L’expérience dans tous les continents démontre une tendance lourde à privilégier le modèle de l’autonomie, car c’est lui qui se révèle le plus apte à produire des universités dynamiques et réactives en termes de développement et capables de réagir et de s’adapter aux réalités et défis tant nationaux qu’internationaux. En effet, dans l’autonomie, l’État transfère ou délègue ses prérogatives à l’université, acteur public. Mais l'autonomie ne signifie pas pour autant absence de contrôle de l’État. Bien comprise, l’autonomie institutionnelle des universités implique en contrepartie le respect des principes de responsabilité et d’imputabilité. Dans ce contexte, cela veut dire que les universités devraient disposer désormais d’un certain nombre de pouvoirs précédemment dévolus à l'État et qui renforcent leur légitimité.

2.2.2. LA GOUVERNANCE DE L ’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ

L’importance de la place du privé au sein de tout système d’enseignement supérieur ne doit pas être sous-estimée. Les universités privées peuvent en effet réduire la pression sur le système public en général tout en suscitant une concurrence entre les établissements de niveau universitaire et en permettant un plus grand accès aux étudiants. Il va cependant de soi que la présence de l'enseignement supérieur privé ne peut ni ne doit se faire au détriment du secteur public, ni en marge d’une politique nationale en matière d’enseignement supérieur. C’est d’ailleurs l’ambition de nombreux pays africains de faire en sorte que le secteur privé héberge 20 % des effectifs étudiants dès 2015. Précisons enfin qu’il est difficile de savoir actuellement quelle part de la formation est assurée par ce secteur.

L’État peut et doit jouer enfin un rôle de détermination des paramètres d’encadrement des universités privées œuvrant sur son territoire. D’ailleurs, un des éléments innovants de la politique nationale de l’enseignement supérieur est aussi la place qui doit désormais être donnée à l’enseignement supérieur privé.

Deux approches sont envisageables relativement à la réglementation du secteur privé. La première, plus traditionnelle dans les pays d’Afrique francophone, est davantage orientée dans une logique de contrôle ou de coercition : on exige, par exemple pour obtenir une autorisation de création d’un établissement d’enseignement supérieur privé, une multitude de documents et de contraintes, plus souvent administratives et financières que scientifiques ou stratégiques, ou encore que les universités privées fonctionnent sur une base où il ne leur est pas possible de générer des profits. La seconde, nettement préférable, ne décourage en rien la mise sur pied d’établissements privés en facilitant leur accréditation tout en respectant des principes d’assurance-qualité et, surtout lorsque ces universités reçoivent des fonds de l’État, de responsabilité et d’imputabilité. Il est important que le gouvernement choisisse cette voie s’il veut favoriser l’émergence d’un secteur universitaire dynamique.

D'une manière générale, la tendance actuelle est de considérer que l'enseignement supérieur fait partie de ces zones « délicates » où l’État ne peut ni ne doit intervenir directement. Si l’État est parfaitement capable, dans ce secteur, d’intervenir pour réguler un certain nombre de matières, il ne doit le faire qu’avec une grande délicatesse en ce qui concerne certains sujets qui touchent

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des questions éminemment sensibles de la vie de l’université et qui sont pourtant nécessaires pour son plein épanouissement et son fonctionnement effectif. On pense, par exemple, aux questions impliquant la liberté académique des institutions et de ses membres. On pense aussi à la création de nouveaux programmes ; dans ce cas, il est tout à fait légitime que l’État puisse souhaiter, notamment à titre de bailleur, avoir l’occasion d’approuver la mise sur pied de nouvelles filières de formation, notamment afin d’assurer leur qualité éventuelle, ainsi que leur adéquation aux besoins de la société. On pense enfin à la mise sur pied de mécanismes relatifs à l’assurance-qualité. Ici, l’État n’est certes pas toujours le mieux placé pour s’assurer de la qualité, même s’il est directement intéressé par les résultats des évaluations. Mais il peut mettre en place des mécanismes internes ou faire appel à des agences internationales habilitées.

2.3. Partenariat université-société civile

Dans une vision globale des missions et de la gouvernance universitaires, un dialogue, voire un partenariat, entre université et société civile sont indispensables et complémentaires au partenariat université-État décrit ci-dessus.

Les facettes de ce dialogue université-société civile sont multiples et certaines d’entre elles seront décrites plus en détail dans d’autres chapitres. Il convient néanmoins de les évoquer ici pour présenter une vision complète des interactions université-partenaires.

Dans sa mission d’enseignement, l’université se doit d’être à l’écoute du monde professionnel qui acceptera ses jeunes diplômés. En effet, les professions évoluent dans leurs contenus, scientifiques et technologiques, mais aussi dans leurs modalités. Sans faire de l’université une école uniquement professionnelle, les enseignants se doivent d’adapter leurs enseignements aux évolutions profes-sionnelles, voire de les anticiper. Cela relève de la responsabilité sociale de l’université. Et que dire de la possibilité de stages en milieu professionnel ?

Le domaine de la recherche, fondamentale ou plus souvent appliquée, est une des pistes qui s’offrent aux enseignants-chercheurs pour répondre à des demandes locales parfois spécifiques. Citons par exemple l’agriculture et l’élevage, la sécurité alimentaire ou la santé. Les problèmes rencontrés dans l’environnement professionnel peuvent aussi devenir des sujets de thèse ou de mémoire des futurs diplômés.

Les enseignants-chercheurs peuvent aussi mettre leurs compétences à la disposition du monde professionnel en effectuant des missions d’expertise. À ce moment se pose la question de la place de ces missions, dans leurs activités

UN DIALOGUE PERMANENT

ENTRE UNIVERSITÉ ET SOCIÉTÉ

CIVILE :

• LES COMPÉTENCES

ATTENDUES POUR LES

NOUVEAUX DIPÔMÉS ;

• LES MISSIONS D’AVIS OU

D’EXPERTISE ;

• LES QUESTIONS DE

RECHERCHE.

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universitaires ou dans leur pratique privée, extra-universitaire. Cette deuxième hypothèse est bien connue dans les facultés de médecine, où l’équilibre entre la charge universitaire et la pratique privée est parfois difficile à gérer.

L’université est aussi, comme institution et par ses membres, un lieu de débat et d’information. Souvent, l’État ou les médias, ou des organisations nationales ou internationales font appel aux universités pour donner des éléments scientifiques ou des avis. Le lien avec les médias est ainsi parfois complexe et peut donner lieu à des dérapages.

2.4. La nécessité d'un organisme externe de contrôle

Dans ce contexte, on peut s'interroger sur l'organisme qui serait le mieux placé pour assurer cette fonction. Serait-ce l’université elle-même, l’État stricto sensu ou un organisme tiers ? Dans tous les cas, l’université doit se soucier au premier chef de son efficience et de son efficacité et disposer de mécanismes et procédures propres à assurer les impératifs de qualité dans le respect de ses responsabilités et des objectifs qui sont les siens. Mais cette démarche relève de l'autoévaluation qui, pour être valide à terme, renvoie nécessairement à une évaluation externe qui permet de vérifier si les objectifs préalablement définis ont été effectivement atteints. Autrement dit, l'État, en tant qu'orientateur des politiques, doit pouvoir s'inscrire dans cette logique. Il y va de sa crédibilité.

Dans cette situation, il nous paraît évident que si les décisions finales doivent relever de l’État, elles ne peuvent être prises qu’après avoir obtenu l’avis d’un organisme tiers autonome comme un Conseil National pour l’Enseignement et la Recherche (CNER), composé de plusieurs collèges et qui relève directement du ministère, voire même du chef de l’État.

Organe consultatif, un tel conseil pourrait être composé en majorité de personnes possédant une haute autorité morale et en provenance du milieu universitaire, tant national qu’étranger, mais aussi en provenance des bailleurs de fonds, de l’État, ainsi que des acteurs de la société civile. Il serait composé d’une douzaine de personnes. Il aurait pour mandat d’émettre des avis et recommandations au ministre pour tout ce qui concerne notamment la qualité scientifique et la pertinence sociale des projets de nouvelles filières ou de nouveaux programmes de formation que l’État est appelé à subventionner. Il aurait aussi pour mandat de vérifier l’application, par les établissements, de la politique d’assurance-qualité et du respect de la politique nationale en la matière (voir par exemple la déclaration du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur [CAMES] sur l’assurance-qualité dite « Déclaration de Bangui sur l'assurance-qualité dans l'enseignement supérieur »). Cette déclaration vient d’être prolongée

UN SYSTÈME D’ÉVALUATION

PUIS D’ACCRÉDITATION

INDÉPENDANT DE L’ÉTAT ET

DES UNIVERSITÉS, SUPERVISÉ PAR DES

PERSONNES EXPERTES, NATIONALES ET ÉTRANGÈRES, ET D’AUTRES PROVENANT DES

UNIVERSITÉS ET DE LA SOCIÉTÉ

CIVILE.

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par la signature d’un protocole d’accord entre le CAMES et le CRESAC (Centre Régional d’Évaluation en Éducation, Environnement, Santé et d’Accréditation en Afrique). Et enfin, il devrait veiller à la qualité et à la pertinence des plans stratégiques des établissements universitaires, ainsi qu’à leur adéquation à la stratégie nationale en matière d’enseignement supérieur.

Les avis et recommandations de ce conseil au gouvernement devraient normalement être rendus publics à moins que leur divulgation ne cause des torts particuliers aux établissements concernés.

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3. COMMENT FAIRE ?

3.1. Les principes directeurs de la gouvernance

Les principes directeurs de la nouvelle gouvernance devraient s’appuyer d’abord sur une vision classique de la mission de l’université : assurer la formation des compétences (savoir, savoir-faire et savoir-être), la promotion et la diffusion des connaissances scientifiques et techniques et contribuer au progrès économique et social du pays par la recherche, l’innovation et la valorisation du patrimoine culturel et humain du pays.

Pour cela, l’université se doit de prodiguer toutes sortes de formations diplômantes par diverses voies : initiale, continue, apprentissages en présentiel ou à distance, tout au long de la vie. Elle doit aussi adapter ses horaires et optimiser ses moyens humains et matériels pour répondre à ses objectifs, ainsi qu’aux orientations nationales, tout en demeurant au service des citoyens et de ses étudiants. Elle doit enfin préparer les jeunes à s’insérer dans la vie active, à se mettre au service de la société, à développer la recherche et l’innovation, ainsi qu’à encourager l’expertise.

3.1.1. UNE AUTONOMIE PLUS LARGE

Pour qu'elle fonctionne de manière sereine, il importe que l’université soit pleinement autonome, c’est-à-dire qu'elle dispose de ses moyens de façon responsable, et surtout que ses dirigeants, notamment parce qu'ils doivent rendre des comptes, soient désignés par un processus interne tout en évitant le piège du « nationalisme universitaire » mal compris. Il n’est pas superflu de dire que l’action de ces responsables universitaires doit aussi reposer sur les textes juridiques et réglementaires locaux, tirant leur légitimité sur le modèle des académies de référence et sur une jurisprudence universelle, textes validés par l’ensemble des partenaires régissant cette autonomie. Seul un tel cadre permettra à l’université de renverser la spirale de crises et de retrouver les standards internationaux. C’est aussi le seul moyen qui lui permettra d’accompagner, voire d’anticiper, le développement. Il s'agit d'un système global et holistique d’enseignement supérieur et de recherche où doivent coexister dans l'émulation l'enseignement supérieur public, privé et toutes formes de combinaisons ou de partenariats publics-privés.

3.1.2. UNE CULTURE DE LA QUALITÉ ET DE L ’ÉVALUATION

Pas d’enseignement supérieur digne de ce nom sans recherche permanente de la qualité. La qualité doit se situer au cœur de toute vision de l’enseignement supérieur. Elle doit devenir une préoccupation de tous les instants pour les dirigeants des établissements, ainsi que pour les enseignants et les étudiants. L’État, pour sa part, doit veiller à la qualité du système à tous les niveaux.

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Selon ce principe, le système de l’enseignement supérieur doit être soumis dans sa globalité à une évaluation régulière portant sur sa rentabilité interne et externe et touchant les aspects pédagogique, administratif (finances, gestion des ressources humaines, etc.) et de recherche. Cette évaluation comprendra des autoévaluations faites par chaque établissement et le sondage régulier des acteurs et partenaires représentant le secteur socioéconomique. Il s’agit là d’un véritable changement d’état d’esprit et même de culture. Enfin, les rapports issus de ces évaluations devront être diffusés auprès des autorités et des bailleurs et être communiqués largement à l’opinion publique.

Pour conforter cette recherche de la qualité, comme déjà évoqué plus haut, il est important de mettre en place une commission neutre et indépendante faisant appel à des pairs reconnus (nationaux et étrangers, publics et privés) chargée d’évaluer les universités.

3.1.3. UNE CULTURE DU RÉSULTAT (IMPUTABILITÉ)

L’autonomie ne peut venir sans le développement conséquent d’une culture axée sur les résultats et sur leur atteinte. Les établissements d’enseignement supérieur devront être intégralement imputables de leurs actions et de tout ce qu’ils font dans la poursuite de leur mission. Pour ce faire, il est important de mettre en place des mécanismes réguliers, afin de rendre concrète cette obligation d’imputabilité.

3.1.4. L’INTERNATIONALISATION DE L’UNIVERSITÉ

Enfin, la vision actualisée de l’université repose en bonne partie sur les standards et les façons de faire de la mouvance universitaire mondiale. Elle n’en ressortira que plus forte et ses diplômés mieux formés. Chaque université doit apprendre en se comparant aux meilleures, non seulement dans ses modes de gouvernance, mais aussi de façon générale sur son fonctionnement. Cet impact de l’international doit être ressenti tant au plan de la formation que de la recherche et représente la meilleure garantie du succès de la mise à niveau de tout système d’enseignement supérieur.

3.2. L’impact du cadre juridique et du modèle

d’organisation des universités sur la gouvernance

L’élaboration et la mise en place d’un nouveau cadre juridique pour une nouvelle gouvernance devraient s’articuler autour des quatre concepts-clés que nous venons de décrire : l'autonomie, la responsabilisation, l'imputabilité et l'internationalisation. Cet encadrement juridique devrait respecter les principes énoncés caractérisés par leur clarté et leur souplesse en évitant tout détail

PAS D’ENSEIGNEMENT

SUPÉRIEUR SANS UNE

RECHERCHE PERMANENTE DE

LA QUALITÉ COMPRENNANT

DES ÉVALUATIONS (INTERNES

ET EXTERNES).

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superflu ; son objectif principal demeure celui de responsabiliser les acteurs universitaires et de préparer une équipe apte à diriger l’université et à rendre des comptes.

Dans la plupart des pays, il ne s'agit pas d'une révolution, mais d'une évolution naturelle qui vise à renouveler les pratiques et les cultures de gouvernance en gardant le cap sur le long terme.

Les structures de gouvernance d’un établissement d’enseignement supérieur soulignent non seulement les modes d’interactions entre les diverses parties prenantes (État, recteur ou président, personnel, étudiants, enseignants, chercheurs, relations avec l’extérieur, etc.), mais encore mettent à nu les questions vitales de son fonctionnement : qui fait quoi, qui est responsable de quoi, devant qui et quels sont les moyens de responsabilisation mis en place ?

Alors que la démarche mondiale va dans le sens d'un renforcement de l'autonomie institutionnelle, les universités africaines francophones sont rarement des entités qui bénéficient pleinement d’une véritable autonomie. La plupart jouissent d’une autonomie partielle ou relative de gestion, notamment en ce qui concerne le fonctionnement courant hors salaires et charges du personnel et hors budget d’investissement, à l’exception des universités du Sénégal et bien sûr des universités privées. Cette autonomie de gestion est même encadrée parfois par la délocalisation de certaines structures de contrôle et du trésor de l’État dont les responsables et les agents sont affectés par l’État. Au plan de la gouvernance même de l’institution universitaire, le rôle de l’État est encore très déterminant.

Par ailleurs, à l’exception de quelques pays comme le Niger et le Bénin, où le recteur est élu par la communauté universitaire, dans les autres pays africains francophones, il est nommé par le chef de l’État ou en conseil des ministres, tout comme l’ensemble des responsables administratifs. La conséquence de tout cela est que l’université est identifiée comme un outil ou un simple service public de l’État qui doit en subir tout à la fois les mêmes contraintes et les mêmes enjeux (ethniques, sociaux, politiques, etc.) et y appliquer ses règles de fonctionnement. C’est l’une des raisons majeures des grèves et crises récurrentes que traversent ces établissements en ce que l’État est, par là-même, seul responsable devant lui-même.

C’est pourquoi, depuis de nombreuses années, parmi les principaux sujets de revendication de la communauté universitaire, la réforme de la gouvernance a été posée comme une des clefs de la modernisation des établissements d'enseignement supérieur. La plupart des acteurs internes et externes à l’université (enseignants, chercheurs, étudiants, mais aussi bailleurs de fonds) souhaitent que cette réforme passe par l'adoption de façons de faire éprouvées au niveau international et des pratiques positives qui existent dans ce domaine.

LES QUESTIONS VITALES

SONT : • QUI EST RESPONSABLE

DE QUOI ? • DEVANT QUI ?

• AVEC QUELS MOYENS ?

• ET COMMENT L’ÉVALUER ?

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Mais cela ne peut se faire sans trouver au préalable des réponses claires à un certain nombre de questions. À qui appartient l’université ? Si l’université devient pleinement autonome, devant l’importance de ses budgets, l’ampleur de ses projets immobiliers et mobiliers, qui sera vraiment responsable ? S’agit-il des membres de ses conseils (conseil d’administration, conseil d’université, conseil scientifique) ? S’agit-il des vérificateurs, des contrôleurs financiers ou même de l’agent comptable ? Le seul vrai responsable est-il le recteur, le conseil de l’université ou alors l’État ?

3.2.1. CADRE LÉGAL DE LA GOUVERNANCE

On le voit, la gouvernance des institutions universitaires ne va pas de soi. Elle n’est pas unique et ne saurait être la même partout. Sa réforme doit faire l’objet d’un large consensus. De plus, elle repose sur des cadres juridiques clairs et correspond à plusieurs formes d’organisations universitaires. Il s'agit d'un processus en marche et qui n’est jamais achevé et non, comme certains ont tendance à le croire, d’un état de fait.

EXEMPLES DE CADRES LÉGAUX RÉGISSANT LA VIE DES

UNIVERSITÉS

Au Québec, la loi de l’Université du Québec est différente de la charte de l’Université McGill ; la loi de HEC Montréal est différente de la charte de l’Université Bishop’s et de la loi de l’Université Laval ; la charte de l’Université de Montréal est différente de la charte de l’Université de Sherbrooke ; le cadre juridique des différentes constituantes de l’Université du Québec se ressemble, mais ce cadre est très différent de la charte de l’Université Concordia, de la loi de l’École Polytechnique. Malgré ces différences, toutes les institutions universitaires du Québec sont soumises au code civil du Québec, au code criminel et au code du travail. Ce qui n’empêche de constater… des différences et des ressemblances entre les différents cadres légaux propres à chacune des institutions universitaires du Québec. En France, il existe trois cadres légaux de base et plusieurs variantes dans le cas des grandes écoles. Les universités françaises sont des institutions publiques, elles sont un pan de la fonction publique française et leur gestion est très fortement centralisée au ministère de l’Éducation nationale. Les recteurs sont nommés par l’État, les postes de professeurs sont décidés par le ministère, les professeurs sont choisis par concours national. Les budgets sont décidés par le ministère et les institutions n’ont pas de conseils d’administration tels que nous les connaissons en Amérique. En conséquence, la gouvernance est fortement tributaire d’un contexte d’une fonction publique centralisée. Certaines institutions universitaires échappent à ce cadre général, car elles sont des écoles rattachées à un ministère spécifique. Dans leur cas, ce sont les règles du ministère de tutelle qui s’appliquent et non celles du ministère de l’Éducation nationale. L’École Polytechnique, l’École des Mines, l’École des Ponts et Chaussées et l’École Nationale d’Administration relèvent de ministères différents et elles sont gérées différemment. Ces différences sont particulièrement évidentes au niveau des ressources, des budgets ; leur gouvernance est fortement particularisée par la proximité avec le ministère de tutelle et par les avantages attachés au rôle qui est le leur (par exemple, les diplômés de ces écoles ont un accès privilégié à certains emplois). Il y a aussi les écoles de commerce dont la majorité ont été créées par les chambres de commerce

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locales ou régionales et qui, pour la plupart, relèvent juridiquement de ces chambres. Donc, le directeur, les professeurs et les autres membres du personnel sont des « employés de la chambre de commerce » ; les budgets sont en partie alloués par la chambre de commerce, les frais de scolarité sont habituellement fixés par les écoles, mais les immobilisations sont décidées par la chambre de commerce qui en demeure le propriétaire. Les diplômes sont ceux de l’école, mais le cadre de gestion des diplômes est négocié collectivement (par la Conférence des Grandes Écoles) avec l’Éducation nationale. On a ici une forme de gouvernance particulière : le partenaire principal est un groupe associatif qui reçoit une partie d’une taxe perçue auprès des entreprises et qui alloue les ressources au support des affaires en général, ce qui inclut la formation, donc les écoles. C’est une gouvernance qui ressemble à celle des collectivités locales, mais aussi à la gouvernance des entreprises privées françaises. En conséquence, la gouvernance est très différente de celle que l’on observe dans les universités françaises. Aux États-Unis, il y plusieurs cas de figure. Un survol révèle trois grandes catégories de cadres juridiques : un cadre pour les universités d’État (ce cadre n’est pas le même d’un État à l’autre) ; un cadre pour les universités dites « privées » et un cadre pour les institutions universitaires possédées et gérées par des groupes religieux (ex. : mormons, diocèses catholiques) ou des communautés religieuses (ex. : jésuites, maristes, écoles chrétiennes, etc.). On doit comprendre que la gouvernance n’est pas la même à l’intérieur de chacun de ces cas de figure.

3.2.2. PLUSIEURS FORMES D ’ORGANISATION UNIVERSITAIRE

Celui qui cherche à comprendre les universités en tant qu’organisations réalise rapidement que les chercheurs ont identifié une pluralité de conceptions des universités. Leurs études se réfèrent généralement à quatre modèles de base qui ont servi à inventer des modèles hybrides. Pour l’analyse et la présentation de toute cette typologie, nous nous sommes inspirés abondamment des travaux de Jean-Marie Toulouse et de Jean-Louis Darréon, Christine Musselin, Jean-Émile Charlier, Frédéric Moens, Jean Bernatchez et Cécile Deer.

Les universités sont des organisations sociales qui, sur certains continents, sont séculaires. Leurs modèles d’organisation sont variables. Certains auteurs, comme J.-L. Darréon (2003), estiment que tous les modèles d’universités peuvent être regroupés en les situant sur un axe dont une extrémité est le modèle du marché et l’autre le modèle d’arène politique (figure 6). Cette approche a l’avantage de simplifier, mais elle ne rend pas bien compte de la complexité de tout système universitaire. Elle occulte des modèles comme celui de l’université vue comme une communauté.

Cette approche de Darréon et Filâtre (2003) a surtout l’avantage de poser trois problématiques importantes :

l’objet de l’université comme division des fonctions, des tâches, dont la coordination est assurée par une production d’information (de savoirs de type II), destinés aux cercles de responsabilités et de pouvoir et établissant les enjeux sociétaux (universités et Indice de développement humain [IDH], université et objectifs du millénaire [OMD]) ;

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le débat structurel du modèle identitaire qui sous-tend l’organisation de l’université (plus ou moins proche du modèle de l’entreprise) ;

la temporalité de l’objet de ce débat aujourd’hui en Afrique.

Entreprise

Organisation professionnelle

Communauté de pairs

Forum de groupes de

pression

Où se situe mon université ?

Dimension politique Dimension modèle du marché

Figure 6. La classification du modèle social des universités adapté de Darréon (2003) et Toulouse (2007).

Jean-Marie Toulouse distingue quatre modèles de base d’universités qui sont :

l’université comme organisation professionnelle ;

l’université comme une communauté de pairs dont l’objectif est de développer et de partager le savoir ;

l’université comme une arène politique où un ensemble de groupes d’intérêts cherchent à actualiser leur plan d’action (il s’agit de l’université définie à partir du concept d’univers politiques) ;

et, enfin, l’université comme une entreprise qui agit dans un marché, utilise des ressources pour former des experts, des professionnels et pour développer des connaissances de pointe dans le but ultime de favoriser le bien-être économique et social de la société.

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Chacun de ces modèles d’universités se distingue par une logique différente qui conduit à des approches différentes de la gouvernance. Sans aller dans une description fine de chacun de ces modèles, l’auteur note que c’est la combinaison de leurs différences (de culture et de structures) qui explique leur variété.

LES QUATRE MODÈLES DE BASE D’UNIVERSITÉ SELON

JEAN-MARIE TOULOUSE

L’université comme une organisation professionnelle.

Selon cette conception, les opérations académiques sont au cœur de l’organisation et elles sont totalement contrôlées par les professeurs qui agissent en tant que professionnels et experts dans un domaine disciplinaire particulier. Les professeurs sont les experts du contenu [...], ils se définissent comme les spécialistes de ces contenus, ils appartiennent à des associations ou regroupements de professionnels associés à leur domaine de spécialité. En conséquence, l’enseignement et la recherche sont totalement contrôlés par ces professionnels. Vu sous un autre angle, on peut dire que chacun d’entre eux se comporte comme s’il était un entrepreneur à la tête de sa petite entreprise à l’intérieur de l’organisation professionnelle. Le rôle du gestionnaire dans ce modèle est de fournir et de gérer les ressources dont les professeurs ont besoin pour bien s’acquitter des fonctions centrales. Pour y arriver, ils développent des règles, des procédures et des normes qui respectent l’autonomie d’action des professeurs (et la liberté académique), mais qui assurent une efficacité, une efficience et la mise en place des supports associés à la mission de l’université (bibliothèque, stabilité des ressources financières, informatique, bâtiments) [...]. Les structures viennent cimenter ce système en prévoyant des routines de gestion et en ménageant des espaces réservés à la participation et à la coordination entre les professeurs et les gestionnaires (Mintzberg, 1976). Dans un tel système, la gouvernance est très fortement tributaire des codes de conduite, des codes d’éthique. Elle apparaît comme un code pour guider et juger les comportements souvent très individualistes des experts au centre de l’organisation. La gouvernance devient un certain rempart face à la double allégeance des professeurs : l’allégeance à leur domaine d’expertise et l’allégeance à l’institution. La définition de la gouvernance en sera donc une basée sur la conformité face à des normes. Ceux qui critiquent ce modèle mettent en évidence la difficulté de celui-ci à s’adapter à l’environnement, à sa lenteur et souvent à l’impossibilité de le changer.

L’université comme une communauté.

Décrire l’université comme une communauté, c’est affirmer que la vie universitaire est tributaire de relations entre pairs (des professeurs), tous égaux les uns par rapport aux autres, qui s’intéressent à un aspect ou l’autre de la science ou du savoir et qui cherchent à transmettre leur savoir à des étudiants (des disciples). C’est mettre en évidence une culture de partage, une culture participative, une gestion collégiale qui ressemble, sous plusieurs aspects, à une autogestion. Il est évident que, dans le modèle communautaire, la gestion est dominée par des pairs, des professeurs qui assument temporairement le rôle de gestionnaire espérant retourner le plus rapidement possible à leur enseignement, à leur recherche, après avoir agi comme primus inter pares pendant une courte période ou avoir « eu son tour » comme gestionnaire.

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Dans un tel système, la gouvernance est guidée par une culture de type participative, par la collégialité ; le succès en matière de gouvernance est mesuré à l’aune de la démocratie participative, à celle de l’autogestion. Les moyens pour assurer une bonne gouvernance seront choisis en regard de leur capacité à renforcer une culture qui valorise l’égalité, le consensus et les rapports interpersonnels compatibles avec une participation active dans toutes les instances de décision, participation qui doit permettre à la très grande majorité d’adhérer au consensus. Voilà pourquoi cette forme de gouvernance est appelée par certains une « gouvernance partagée » ; d’autres se demandent même si, dans un tel modèle, les questions de gouvernance se posent [...]. Ceux qui critiquent ce système mettent en évidence sa difficulté à gérer les conflits entre les pairs, la complexité et la lenteur des processus de décision qui mènent aux choix, aux orientations institutionnelles, et la tendance à favoriser le point milieu ou le compromis plutôt que l’excellence. D’autres, comme Darréon (2003), soulignent que cette conception peut amener l’universitaire à se transformer en « entrepreneur » de sa propre carrière, n’ayant de compte à rendre qu’aux pairs de sa discipline, et à affirmer que l’organisation universitaire doit se cantonner à des fonctions de logistique et d’intendance nécessaires à l’exercice de la profession d’universitaire. Dans le cadre de [...] la présente étude, nous avons rencontré des informateurs qui nous parlaient de leur institution comme d’une communauté dans laquelle ce qui compte ce sont les professeurs, le reste (les administrateurs, le personnel administratif, le conseil d’administration ou son équivalent) est un mal nécessaire avec lequel on doit vivre : plus on arrive à les contourner, plus on parvient à les éviter, mieux c’est pour l’institution, mieux c’est pour eux. Animés par une telle conception, certains ont ajouté que l’État n’a pas à demander des comptes aux universités ; son seul rôle est de fournir le financement nécessaire et les universités en feront ce qui leur semblera le mieux.

L’université comme une arène politique.

Décrire l’université comme une arène politique, c’est la décrire comme un lieu conflictuel dans lequel les divers groupes cherchent à maximiser leurs intérêts. Les professeurs continuent d’être le groupe le plus important, le groupe dominant, mais ils partagent l’espace ou le pouvoir avec tous les autres groupes : les étudiants, les chercheurs, les administrateurs, les employés professionnels et les employés de soutien ou de support. Chacun de ces groupes a ses préoccupations et l’art de gérer dans ce contexte est de s’assurer que toutes les parties prenantes » sont à la table de l’influence ou du partage. Notons aussi que dans cette conception, les membres ont un attachement plus fort à leur groupe d’appartenance qu’à l’université comme organisation. Dans une organisation de ce genre, la gouvernance est une gouvernance de type politique dans laquelle certains groupes dominent les autres en vertu de leur place dans la hiérarchie sociale ou en vertu de leur nombre ou de la force de leur groupe (associatif ou syndical). Il arrive aussi que la gouvernance repose surtout sur des alliances temporaires, circonstancielles ou permanentes pour contrôler le pouvoir. Ceux qui critiquent ce modèle soulèvent la question de la politisation de la vie universitaire, celle des conflits entre les diverses allégeances et celle de la difficulté à assurer la primauté du bien commun de l’université par rapport aux intérêts de chacun des groupes. Dans le cadre de cette réflexion sur la gouvernance des institutions universitaires du Québec, nous avons rencontré des informateurs qui nous ont parlé ainsi de leur institution : « Ici toutes les instances de décision sont des lieux pour poursuivre les négociations avec l’un ou l’autre des syndicats. Le plan d’action est toujours dirigé dans ce sens. Pour y arriver, l’ordre du jour préliminaire est examiné par chacun des groupes et les coalitions se forment avant la réunion. La réunion n’est plus un lieu d’échange, mais devient un lieu de rencontre entre eux et nous. » [...].

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L’université comme une entreprise dans un marché.

Décrire l’université comme une entreprise dans un marché, c’est situer l’université dans un contexte de concurrence pour obtenir les ressources financières, technologiques ou humaines. Dans cette approche, on perçoit les étudiants comme des clients qu’il faut attirer et retenir, les professeurs comme des ressources rares et mobiles ; on s’y préoccupe du positionnement de l’université dans le marché des universités de même type. La gestion est dominée par les questions de ressources (humaines, financières, immobilières, etc.), les questions d’efficience, d’efficacité et les questions associées à la performance de l’institution et des professeurs individuellement.

Selon cette conception, la gouvernance apparaît comme un moyen de renforcer l’efficience, un moyen d’éviter les conflits d’intérêts, un moyen d’atteindre la mission de l’institution universitaire. [...] Ceux qui critiquent ce modèle estiment que le concept de marché est inadéquat pour décrire les universités ; ils mettent en évidence la grande mobilité des professeurs les plus réputés, leur fidélité à leur carrière plutôt qu’à l’institution et la grande dépendance de ce modèle par rapport aux ressources. Ils allèguent que ce modèle repose sur un accès libre à des ressources illimitées. D’autres (comme Pelletier) soulignent que ce modèle fait de l’université une organisation à visée d’abord instrumentale, dont les orientations sont déterminées par des besoins particuliers, et notamment par le marché et ses demandes de formation très spécialisées ». Cette conception de l’université « considère le savoir comme une marchandise, une valeur-ajoutée à inscrire dans le circuit de la commercialisation ». Au-delà des différences entre les modèles de base on retrouve un point commun : la participation des professeurs. Tous les modèles s’appuient sur la participation active des professeurs à la gestion et aux décisions de leur institution. Ce qui varie, c’est le degré et la forme de la collégialité : le plus collégial est le modèle de communauté de pairs ; dans le modèle d’arène politique la collégialité est un outil dans un rapport de force ; dans les deux autres, le degré de collégialité se ressemble mais les formes varient : l’un est plus formel et l’autre plus circonstanciel.

JEAN-MARIE TOULOUSE, 2007

3.3. Les organes de gouvernance interne

Il est manifeste que la nouvelle gouvernance institutionnelle constitue aujourd'hui l’un des points d’orgue de la réforme des systèmes d’enseignement supérieur. Dans cette perspective, les établissements doivent se doter de principes de gouvernance, de processus et de mécanismes propres à assurer un fonctionnement autonome responsable et en toute imputabilité. Les pratiques positives en matière de gouvernance universitaire sont aujourd'hui bien établies et varient peu à travers le monde.

Elles ont trait aux instances dirigeantes et à leurs modes de fonctionnement.

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Les organes types de la gouvernance universitaire

Organe de gouvernance et de contrôle :Conseil de l’université (conseil d’administration)

Organes locaux ou spécifiques

Organe d’échange et de coordination

Conseil scientifique

Organe exécutif :Recteur (Président)et équipe rectorale

Administrations Facultés Ecoles …

Figure 7. Hiérarchie des organes de gouvernance universitaire.

3.3.1. LE CONSEIL DE L’UNIVERSITÉ

Le conseil de l’université (parfois appelé conseil d’administration) est l’organe principal de la gouvernance de l’établissement. Il le représente et est directement responsable, auprès du ministre ou du gouvernement, du respect des obligations légales et réglementaires. De façon générale, c’est lui qui décide des grandes orientations de l’établissement, autorise les transactions majeures et adopte les budgets.

De façon plus spécifique, le conseil exerce les droits et pouvoirs de l’université, sauf ceux dévolus à d’autres instances (conseil scientifique, conseil de faculté ou d'institut, de département ou de laboratoire) et adopte les statuts, les règlements, ainsi que les orientations et les politiques générales. Il crée les unités académiques ou les facultés et nomme les chefs de départements. Il détermine les conditions d’emploi, y compris de rémunération des dirigeants et de l'ensemble du personnel, et nomme les vérificateurs des comptes. Il adopte les budgets de fonctionnement et d’investissement, les états et autres rapports financiers et octroie les contrats. En outre, le conseil de l’université a la responsabilité générale de coordonner l’enseignement et la recherche. Il adopte les règlements pédagogiques et délivre les diplômes, définit les règles relatives à la carrière et aux conditions de travail et de rémunération des professeurs, des personnels de recherche et des autres enseignants. Dans certains pays, cet organisme effectue aussi la nomination des professeurs et se prononce sur leur

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promotion à l'instar du CAMES en Afrique ou du Conseil National des Universités (CNU) en France.

Au plan plus qualitatif, le conseil de l’université a pour responsabilités essentielles de protéger la mission, les valeurs et l’héritage de l’université ; de maintenir une grande intégrité fiscale et financière ; d’être un modèle pour la conduite de ses affaires, la désignation de ses membres et la définition de sa performance. Il a pour fonction de s’assurer que les étudiants reçoivent bien une formation de haute qualité. Il doit aussi gérer efficacement le processus de choix du recteur (ou du président), définir et fixer le mode d’évaluation de sa performance et, de façon générale, appuyer le recteur dans ses efforts pour remplir la mission de l’université, pour développer son plan stratégique et pour en assurer la mise en œuvre.

Les membres du conseil

La taille que ce conseil doit avoir pose souvent question. Il faut en effet, d’une part, qu’il y ait suffisamment de membres, afin que tous les points de vue puissent être représentés. Mais il s’agit, d’autre part, d’éviter qu’il y ait tellement de monde que la discussion devienne difficile, voire impossible. La pratique un peu partout à travers le monde est de réduire la taille du conseil de l’université de façon à le rendre plus efficace (de 12 à 25 personnes au maximum). Il est admis qu’un certain nombre de personnes doit provenir de l’intérieur de l’université (membres « internes » : enseignants, membres des personnels, étudiants), alors que d’autres proviennent de l’extérieur de l’établissement (membres « externes » : représentants de l’État, du milieu des affaires et des milieux socioéconomiques, etc.).

Il est délicat de déterminer en quelle proportion la composition du conseil doit être partagée entre ses membres internes et externes. Là encore, les bonnes pratiques internationales pointent vers une répartition 40/60 entre les membres internes et les membres externes. Cette combinaison assure une présence significative de membres internes, tout en laissant un certain contrôle aux membres externes qui, par la variété de leurs expériences et la diversité de leurs perspectives, peuvent enrichir le processus de prise de décision.

Par ailleurs, la durée des mandats des membres du conseil d’université est habituellement de trois ans. On s’arrange en général pour que le tiers des membres soient renouvelés chaque année. Les mandats doivent être renouvelables au moins une fois. L’expérience montre que le risque est réel en cas de renouvellement de plusieurs mandats successifs, car le conseil devient alors en quelque sorte captif d’un ou plusieurs de ses membres qui siègent depuis longtemps. C’est pourquoi nous recommandons que le mandat d’un membre ne puisse être renouvelé qu’une fois.

La désignation des membres du conseil est une question délicate. Et ici il ne semble pas y avoir de modèle unique. Les membres internes peuvent être élus directement par leurs bases respectives, comme en France, ou être désignés par une instance interne (l’assemblée générale, habituellement) ; cette éventualité doit être préférée, puisqu’elle permet une meilleure circulation des personnes et des idées entre les instances universitaires.

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De leur côté, les membres externes peuvent être, soit nommés par le gouvernement (sur recommandation de l’établissement ou non), soit cooptés par le conseil (sur recommandation du sous-comité chargé de la gouvernance du conseil qui motive sa proposition), soit par un mélange des deux. Il existe aussi une troisième solution qui offre l’avantage d’une plus grande autonomie par rapport à l’État, tout en garantissant une présence significative de ses représentants (qui peuvent être soit des fonctionnaires de l’État, soit des personnes en provenance d’autres secteurs de la société). Les personnes nommées par le gouvernement peuvent l’être proprio motu ou sur recommandation du sous-comité de gouvernance du conseil.

Enfin, il est crucial de comprendre que les règles de bonne gouvernance veulent qu’une fois nommées, ces personnes, qu’elles soient membres internes ou externes du conseil, cessent de représenter leur groupe d’appartenance initial au profit de la loyauté aux intérêts supérieurs de l’institution dans son ensemble. Cela signifie par exemple que les enseignants ou les étudiants qui y siègent ne peuvent plus, pendant la durée de leur mandat, demeurer membres de leur syndicat ou de leur association.

Dans tous les cas, il est fortement recommandé que la présidence du conseil de l’université soit confiée à un membre externe qui ne doit en aucun cas être le recteur ou le président de l’établissement. Il est tout aussi recommandé que les membres du conseil de l’université ne reçoivent pas de rémunération pour l’exercice de cette fonction, qu’ils soient soumis à un code d’éthique strict qui prohibe tout conflit d’intérêt et, enfin, qu’ils suivent un programme de formation à la suite de leur désignation initiale.

Les groupes de travail du conseil

Afin de soutenir le conseil d'université dans son travail et de l’aider à travailler de manière plus efficace et consensuelle, le conseil, dans l’exercice de ses responsabilités, doit se doter d’un certain nombre de groupes de travail ou de commissions, au moins sur les sujets suivants : gouvernance et éthique, ressources humaines, contrôle et vérification, gestion du patrimoine, finances et investissements.

Chaque groupe de travail est constitué d’un certain nombre de membres du conseil (5 à 8). Ils sont habituellement choisis en fonction de leurs affinités ou de leurs intérêts avec l’objet du groupe de travail. Les groupes de travail du conseil lui font rapport par écrit sur une base régulière – ou de façon ad hoc à l’égard de certains dossiers.

Le bureau exécutif du conseil

Pour faciliter le travail du conseil, il peut être envisagé, en particulier pour les établissements plus importants en taille, que le conseil choisisse de déléguer une partie de ses pouvoirs à un bureau. L’existence de ce bureau exécutif du conseil est particulièrement utile lorsque l’établissement, par sa taille ou son budget, est complexe à gérer et lorsque des décisions de nature plus technique ou parfois plus « routinières » (contrats de recherche, appels d’offres, décisions relatives au suivi du budget, colation des grades, etc.) doivent être prises par le conseil.

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Il est particulièrement utile que les décisions courantes soient alors confiées, par délégation du conseil, au bureau exécutif, composé de 5 à 7 membres dudit conseil (internes/externes : 40/60). Le bureau exécutif prend les décisions et en réfère au conseil si besoin est, notamment dans les dossiers les plus importants ou les plus politiques. Dans tous les cas, le bureau transmet, sur une base périodique, un rapport écrit au conseil, qui peut alors entériner les décisions arrêtées par le bureau.

3.3.2. LE RECTEUR OU LE PRÉSIDENT DE L’UNIVERSITÉ

L’établissement est sous la responsabilité du recteur et de son équipe de direction qui comprend un certain nombre de vice-recteurs (ou vice-présidents) et, dans certains cas, un secrétaire général. Le mode de désignation du recteur n'est pas simple. Il varie énormément d’un pays à l’autre et même au sein d’un même pays, comme au Canada par exemple. Dans certains pays, le recteur est nommé par décret du chef de l’État ou par le ministre, avec ou sans consultation. C'est le cas actuellement dans de nombreux pays d'Afrique. Dans d'autres encore (Niger, Bénin, etc.), il est nommé à la suite d’une élection tenue par le conseil d'administration de l’établissement ou encore d’une élection générale à laquelle participent tous les enseignants. Dans un cas comme dans l'autre, le choix est en quelque sorte automatisé et il n'est pas toujours évident que le meilleur candidat ou la meilleure candidate soit ainsi désigné(e). Parfois, le recteur peut être nommé par le ministre, avec ou sans consultation préalable, ou encore à partir d’une liste de candidatures proposées par le conseil de l’université.

La solution la plus saine pour que l'université fonctionne selon des principes d'autonomie est indiscutablement que la nomination du recteur soit effectuée par le conseil de l'université au terme d’un processus interne. Un comité, dont les membres sont issus des principaux groupes de la communauté universitaire et dont certains sont par ailleurs membres du conseil, assume la procédure de sélection et propose le candidat à la nomination du conseil. La première étape de ce processus interne pourrait être de définir les enjeux et les défis majeurs du prochain mandat rectoral. Cette approche – qui est de plus en plus courante à

travers le monde – permet d’identifier des personnes qui, non seulement

possèdent la crédibilité académique nécessaire, mais aussi ont des compétences en gestion, compétences qui sont de plus en plus requises pour occuper cette fonction. Les vice-recteurs peuvent eux aussi être nommés par le conseil, par exemple sur recommandation du groupe de travail sur les ressources humaines (ou de gouvernance) ou encore d’un comité ad hoc. La structure de l’équipe de direction peut varier considérablement entre les établissements. Il revient au conseil, en collaboration avec le recteur, d’en fixer la composition et le fonctionnement, souvent à partir des priorités institutionnelles.

Enfin, l’une des tendances est aujourd’hui de séparer la fonction de recteur (l’exécutif) de celle du président du conseil d’administration de l’université.

LE RECTEUR ET SON ÉQUIPE

SONT LES RESPONSABLES

EXÉCUTIFS ULTIMES DE

L’UNIVERSITÉ.

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3.3.3. LE CONSEIL DE DIRECTION OU CONSEIL RECTORAL

Le conseil de direction constitue une instance-clef au sein de la gouvernance universitaire. Il regroupe une petite équipe ou l'éxécutif autour du recteur, alors que le conseil stratégique regroupe, à côté du recteur, des vices-recteurs et du secrétaire général de l’université, certains directeurs de département et doyens, ainsi que des représentants des étudiants. Traditionnellement, le rôle du conseil de direction est d'être saisi de toutes les questions de nature académique au sens large (par exemple, grandes orientations ou projets majeurs), politique de la recherche (création de centres de recherche), normes d’admission et d’inscription des étudiants et programmes d’étude, règlements pédagogiques et règles d’octroi des diplômes. Le conseil de direction peut aussi être impliqué dans les questions corporatives, telles que la modification des statuts, la création ou la modification d’unités académiques. Enfin, il peut être appelé à déterminer certaines règles relatives au statut du personnel enseignant, administratif et de service.

3.3.4. LE CONSEIL SCIENTIFIQUE

Organe consultatif dans la gouvernance de l’université, le conseil scientifique a pour rôle de discuter des orientations et de la mise en œuvre de la politique scientifique. Celle-ci porte notamment sur les projets et activités de recherche, la formation doctorale, la répartition des crédits de recherche, mais aussi la documentation scientifique et technique. Le conseil fait des propositions sur les questions qui relèvent de sa compétence et les transmet au conseil de l’université qui, en définitive, décide.

D’une manière générale, ce conseil est composé de membres de droit (recteur, vice-recteurs, doyens, directeurs d’instituts), de membres élus qui représentent les différents collèges de personnels (enseignants, chercheurs), ainsi que de doctorants et de personnalités extérieures à l’université, mais qui peuvent être des enseignants et des chercheurs en poste dans d’autres universités.

Le nombre des membres de ce conseil varie de 20 à 40, dont 60 à 80 % sont les représentants des enseignants et des chercheurs, 10 à 15 % pour les doctorants et 10 à 30 % pour les personnalités extérieures.

Au plan des instances, certaines universités disposent d’autres organes pour renforcer la démocratie interne, par exemple, en France, le Conseil des Études et de la Vie Universitaire (CEVU). Un tel conseil est appelé à émettre des vœux sur les orientations des enseignements (formation initiale et continue), sur l’orientation des étudiants, la validation des acquis, l’insertion professionnelle. Enfin, il joue un rôle important sur l’organisation des activités culturelles, sportives, sur la vie associative et syndicale des étudiants au sein des campus, mais aussi sur l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Dans tous les cas, il s’agit d’un organe consultatif.

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3.3.5. LES AUTORITÉS ACADÉMIQUES ET LES INSTANCES DES FACULTÉS ET

INSTITUTS

Les universités possèdent un certain nombre d’autorités et d’instances au sein des facultés et instituts. Idéalement, le mode de désignation du doyen de la faculté est de même nature que celui du recteur. Dans ce cas aussi, un processus au sein duquel les membres de la communauté de l'établissement sont consultés régulièrement par un comité et se prononcent par vote consultatif semble préférable, afin de recommander au conseil la meilleure personne pour assumer cette importante fonction.

Il est par ailleurs important que le conseil de faculté puisse traiter de la question de la candidature de personnes externes au département ou à l’université ; l’expérience démontre que l’arrivée d’un doyen en provenance de l’extérieur est en effet souvent susceptible de provoquer des changements salutaires et de susciter une dynamique intéressante. Le comité consultatif en vue de la recommandation d’un doyen doit demeurer léger et être constitué de deux membres désignés par l’assemblée de la faculté, de deux membres de l’extérieur ou en provenance du conseil de l'université ; il peut être présidé par le recteur ou par un vice-recteur dûment désigné. À cet effet, il produit pour le conseil un rapport écrit et motivé qui analyse l’état de la faculté et de ses perspectives, énonce des recommandations sur les priorités du prochain décanat et au sujet de la personne la plus apte à exercer les fonctions de doyen.

3.3.6. LES LIENS ENTRE LES INSTANCES

Il n’est pas inintéressant de prévoir qu’un certain nombre de personnes fassent partie de plus d’une instance universitaire. C’est ainsi que les membres du conseil de direction doivent être membres du conseil de l'université et observateurs au conseil, ainsi qu’au bureau du conseil, que certains membres peuvent être désignés par le conseil scientifique pour siéger au conseil de l’université sur des postes qui leur sont réservés et que, inversement, certains membres du conseil de direction ou du conseil scientifique soient désignés pour siéger au conseil de l'université, et ainsi de suite. Cette approche permet d’assurer une meilleure compréhension entre les instances et une plus grande sensibilité aux dimensions académiques ou administratives des dossiers. Ces liens sont habituellement prévus par les statuts des établissements.

3.4. Le pilotage

Les différentes instances ou structures décrites ci-dessus ont pour but de faire vivre l’université et de réguler l’ensemble de ses missions fondamentales, directement ou par délégation à des personnes ou des groupes de personnes. Ces différents aspects du pilotage de l’institution seront décrits en détail dans les chapitres suivants. Citons-en rapidement quelques-uns :

la vie académique : la recherche, l’enseignement et les services ;

la gestion des ressources humaines, y compris le recrutement, l’évaluation, les promotions, voire les sanctions ;

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la gestion de la logistique académique et administrative : scolarité, patrimoine mobilier et immobilier, matériel scientifique, administratif, laboratoires, bibliothèques, etc. ;

le budget, la gestion financière ;

l’audit, l’évaluation et la recherche de la qualité ;

la représentation et le dialogue avec la société, l’internationalisation, etc.

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4. CONCLUSION PERSPECTIVES

Le 21e siècle a été déclaré par l’UNESCO millénaire des savoirs. Pour cette raison, les enjeux de l’éducation sont immenses. Cette dernière est la clef pour l’atteinte de l’ensemble des objectifs de ce millénaire et, par-dessus tout, du développement humain durable. Autour de ces enjeux, le management pertinent des ressources liées au projet éducatif et donc sa meilleure gouvernance vont constituer des éléments majeurs de sa réussite, de sa maîtrise.

Mais, pour y parvenir, cette gouvernance devra à tout moment être évaluée. Cette évaluation sera indispensable pour déclarer ou non l’accréditation des structures et des établissements, la qualité et l’efficience de leurs formations comme de l’ensemble de leurs services. Leur imputabilité et leur redevabilité sociale nous interpellent tous.

Dans tous les cas, un processus d’engagement fort des acteurs (État, partenaires au développement, mais aussi communauté universitaire, société civile, monde socioéconomique, etc.) sur un tel projet doit conduire à un fonctionnement cohérent, à des modalités organisationnelles opérantes.

On l’a dit et redit, la vocation de l’université, c’est d’abord et avant tout de générer du savoir et de créer une communauté d’apprenants. Elle est le lieu où l’intelligence attire l’intelligence. Et ceux qui sont chargés de la diriger (ministère, rectorat, décanat, etc.), pour être efficaces, doivent tenir compte de cette communauté. C’est dire que les autorités échoueront dans leur mission si elles laissent de côté les intérêts des « universitaires ». La nouvelle gouvernance de l’enseignement supérieur doit arriver à fusionner la mission de l’université et tous les moyens d’intervention, plutôt que de substituer l’une à l’autre.

• UNE VISION CLAIRE ; • UN MANAGEMENT

PERTINENT ; • UNE ÉVALUATION À TOUT

MOMENT ; • UN ENGAGEMENT FORT DES

ACTEURS…

ÉLÉMENTS DE SAGESSE

LA VÉRITÉ FAIT ROUGIR LES YEUX, MAIS NE LES CASSE PAS. CABRI DÉJÀ MORT N’A PAS PEUR DU COUTEAU.

SI TU VOIS UN SERPENT SUR UNE BICYCLETTE, C'EST QU'IL A TROUVÉ

UN MOYEN DE PÉDALER SANS LES PIEDS.

QUAND LE SAGE LUI MONTRE LA LUNE, LE SOT NE VOIT QUE LE DOIGT.

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Dans de nombreux cas, la réflexion sur la gouvernance, tout comme sur les pratiques y afférentes, ne devra pas se limiter à faire du neuf avec du vieux, tant les mauvaises habitudes sont tenaces. Il s'agira d'opérer une rupture nette, une véritable révolution copernicienne à tous les niveaux, qu'il s'agisse du niveau des principes, de celui de la méthodologie ou de celui des relations entre les structures.

Mais une telle rupture ne sera pas possible sans des hommes et des femmes engagés, déterminés, formés et stimulés, amoureux du mieux-être de tous et soucieux d'un avenir meilleur pour la jeunesse de leur pays. Elle ne sera pas possible sans des hommes et des femmes à identifier dans les ministères, dans les établissements, dans l’administration et dans les entreprises et la société, que ce soit à l’intérieur du pays ou à l’extérieur. Elle ne sera pas possible sans des hommes et des femmes capables de sortir de leurs « certitudes » et qui ont le sens de l’écoute, de l’observation et aussi la capacité de travailler pour l’intérêt général. Elle ne sera pas possible, enfin, sans des responsables politiques, des enseignants, des étudiants, des acteurs de la société civile et du monde économique, bref sans des hommes et des femmes de bonne volonté qui peuvent s’engager dans une dynamique de changement et non dans un simple toilettage, sans des hommes et des femmes ayant l'amour de l'enseignement supérieur et de leur pays.

Figure 8. L’université est hétérogène et formée d’enseignants-chercheurs plus préoccupés par le développement de leur propre discipline ou par leurs

étudiants que par le pilotage de l’institution… (vision d’artiste !)

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RÉFÉRENCES DU CHAPITRE 1

Bibliographie

Chamussy, R, 2010. Université, gouvernance et démocratie. Publications de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth.

Foucault, M., 1993. Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-1978), Paris : Gallimard/Seuil, Collection « Hautes Études ».

Foucault, M., 1997. Il faut défendre la société. Cours au Collège de France (1975-1976), Paris : Gallimard/Seuil, Collection « Hautes Études ».

Foucault, M., 2004. Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris : Gallimard/Seuil, Collection « Hautes Études ».

Fregosi, R., 2008. Gouvernabilité et gouvernance globale : défis théoriques et politiques. Traduction de l’article: “Gobernabilidada y gobernanza global : desafios teóricos y políticos” in « II Escuela Chile-Francia, Transformaciones del Espacio Público », Ed. Universidad de Chile.

Kazancigil, A., 2002. La gouvernance : itinéraires d’un concept. in santiso, J. « À la recherche de la démocratie ». Ed. Karthala.

Sitographie (en date de septembre 2012)

Association Française De Sociologie, 2010. Universities in crisis. www.isa-sociology.org/universities-in-crisis/?p=354

Bationo, S.-W., 2011. La contribution des conseils d’administration à la gouvernance des universités : de l’expérience de l’université du Québec à Chicoutimi à la proposition d’un modèle efficace pour l’Université de Koudougou au Burkina Faso. Mémoire de Master, Université Senghor. www.ipagu.org

Bennoua, M., Frémont, J., Mvé-Ondo, B, 2011. Rapport d’évaluation sur la gouvernance de l’enseignement supérieur au Mali. Rapport réalisé par l’IPAGU. www.ipagu.org

Canet, R., 2004. Qu’est-ce que la gouvernance ? Conférences de la Chaire MCD. www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/canet-mars-2004.pdf.

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Conférence des Présidents d'Université, 2010. Guide méthodologique pour l'élaboration d'un tableau de bord stratégique du président et de l'équipe présidentielle. www.scoop.it/t/eportfolio-gouvernance-pilotage/p/1212149817/guide-methodologique-pour-l-elaboration-du-tdb-strategique-du-president-d-universite-et-de-l-equipe-presidentielle.

Cour Des Comptes, 2005. Rapport de la Cour des Comptes sur la Gouvernance des universités, France. www.ccomptes.fr/fr/CC/.../RPA/Suite4-gouvernance-universites.pdf.

De Sardan, J.-P.-O., 2009. Les huit modes de gouvernance locale en Afrique. www.institutions-africa.org/.../20091130-appp-working-paper-no-4-.

Mela, J.-F., 1968. Profession président. Image des mathématiques. http://images.maths.cnrs.fr/Profession-president.html.

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Union Européenne, 2001. Livre blanc sur la gouvernance européenne. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2001/com2001_0428fr01.pdf.

Wiseman, 1991. The changing role of the President in Higher Education. www.newfoundations.com/OrgTheory/Rile721.html.

RÉFÉRENCES DU CHAPITRE 2

Bibliographie

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Bernatchez, J, 2003. L’expérience québécoise des contrats de performance entre l’État et les universités. In Darréon, J.-L. et Filâtre, D. Les universités à l’heure de la gouvernance. Sciences de la société, n°58, février 2003. Presses universitaires du Mirail, Toulouse.

Charlier, J-E., Croché, S. et Ndoye, A.-K., 2009. Les universités africaines francophones face au LMD. Academia Bruylant.

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Charlier, J.-E. et Moens, F, 2003. Gérer les universités en Belgique francophone. In Darréon, J.-L. et Filâtre, D. Les universités à l’heure de la gouvernance. Sciences de la société, n°58, février 2003. Presses universitaires du Mirail, Toulouse.

Darréon, J.-L. et Filâtre, D., 2003. Les universités à l’heure de la gouvernance. Sciences de la société, n°58, février 2003. Presses universitaires du Mirail, Toulouse.

Deer, C, 2003. Changements politiques et évolution des pratiques de gouvernance universitaire en Angleterre. In Darréon, J.-L. et Filâtre, D, 2003. Les universités à l’heure de la gouvernance. Sciences de la société, n°58, février 2003. Presses universitaires du Mirail, Toulouse.

Ferlie, E., Musselin, C. et Andresani, G., 2008. The Steering of Higher Education Systems: a Public Management Perspective. In “Higher Education”. 56(3): pp 325-348, Springer.

Musselin, C., 2001. La longue marche des universités françaises. PUF.

Naudet, J.-D., 2012. Les réformes de l’aide au développement en perspective de la nouvelle gestion publique. Agence Française de Développement. Document de travail n°119, février 2012.

Toulouse, J.-M., 2007. Rapport de recherche sur la gouvernance des institutions universitaires. Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, HEC Montréal.

Sitographie (en date de septembre 2012)

Toulouse, J.-M. Gouvernance des universités : un mal nécessaire. www.tableetudiante.qc.ca/wp-content/uploads/2011/02/memoire_taceq_final.pdf

Toulouse, J.-M. Rapport de recherche sur la gouvernance des institutions universitaires. www.igopp.ca/IMG/pdf/17_Rapport_de_recherche_sur_la_gouvernance_des_institutions_universitaires.pdf

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SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ACDI Agence Canadienne de Développement International (Canada)

ACU Association des Universités du Commonwealth

ANR Agence Nationale de la Recherche (France)

AOF Afrique Occidentale Française

AUF Agence universitaire de la Francophonie

CAMES Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur

CEVU Conseil des Études et de la Vie Universitaire (France)

CIDMEF Conférence internationale des doyens des facultés de médecine d'expression française

CIUF Conseil Interuniversitaire Francophone de Belgique

CNER Conseil National pour l’Enseignement et la Recherche

CNRS Centre National de la Recherche Scientifique (France)

CNU Conseil National des Universités (France)

CPU Conférence des Présidents des Universités (France)

CRESAC Centre Régional d’Evaluation en Education, Environnement, Santé et Accréditation

EPSCT Établissements Publics de l’État à caractère Scientifique, Culturel et Technique

FESAC Fondation de l’Enseignement Supérieur Centrale

FMI Fonds Monétaire International

FOAD Formation Ouverte À Distance

IFAN Institut Fondamental d’Afrique Noire

IFGU Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire

IPAGU Institut Panafricain de Gouvernance Universitaire, devenu l’IFGU en 2012

LMD Licence-Master-Doctorat

LRU Loi relative aux Libertés et aux Responsabilités des Universités

OUA Organisation de l’Unité Africaine

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

TIC Technologies de l’Information et de la Communication

UE Union Européenne

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture

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PRÉSENTATION DES AUTEURS DE CE TOME

Bonaventure Mvé-Ondo est actuellement vice-recteur à l’AUF. C’est dans ce cadre qu’il a créé l’IPAGU, devenu en 2012 l’IFGU, dont il a été le premier directeur.

Il a été, entre autres, directeur du bureau Afrique au sein de la même agence et recteur de l’Université Omar Bongo de Libreville. Il est professeur de philosophie à la faculté des Lettres et Sciences humaines de ladite université. Il a publié de nombreux articles et ouvrages.

Édouard Ngou-Milama est vice-recteur de

l’Université des Sciences de la Santé du Gabon et doyen honoraire de sa faculté de Médecine.

Il est professeur titulaire depuis 1998 et membre académique expert en pédagogie de nombreux organismes nationaux et internationaux (CIDMEF, AUF, CAMES).

Il a participé et participe encore à de nombreuses réflexions stratégiques sur les problèmes liés à l’enseignement supérieur au Gabon ou au niveau international.

Jean-François Denef est professeur ordinaire à la faculté de Médecine et de Dentisterie de l’Université Catholique de Louvain. Il est pro-recteur honoraire de son université et président honoraire de la commission universitaire au développement du Conseil Interuniversitaire Francophone de Belgique (CIUF).

Il a été l’animateur de nombreux ateliers d’initiation à la gouvernance, appelés « École des doyens », au sein de la CIDMEF.