gohier et alli

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 Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.  Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Article  « La construction identitaire de l'enseignant sur le plan professionnel : un processus dynamique et interactif »  Christiane Gohier, Marta Anadón, Yvon Bouchard, Benoît Charbonneau et Jacques Chevrier Revue des sciences de l'éducation , vol. 27, n° 1, 2001, p. 3-32.  Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :  URI: http://id.erudit.org/iderudit/000304ar DOI: 10.7202/000304ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos .erudit.org/fr/ usagers/politique-dut ilisation/ Document téléchargé le 16 juillet 2015 07:38

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A identidade profissional docente

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  • rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l'Universit de Montral, l'Universit Laval et l'Universit du Qubec

    Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. rudit offre des services d'dition numrique de documents

    scientifiques depuis 1998.

    Pour communiquer avec les responsables d'rudit : [email protected]

    Article

    La construction identitaire de l'enseignant sur le plan professionnel: un processus dynamiqueet interactif

    Christiane Gohier, Marta Anadn, Yvon Bouchard, Benot Charbonneau et Jacques ChevrierRevue des sciences de l'ducation, vol. 27, n 1, 2001, p. 3-32.

    Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :

    URI: http://id.erudit.org/iderudit/000304ar

    DOI: 10.7202/000304ar

    Note : les rgles d'criture des rfrences bibliographiques peuvent varier selon les diffrents domaines du savoir.

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  • Revue des sciences de lducation, Vol. XXVII, no 1, 2001, p. 3 32

    La construction identitairede lenseignant sur le plan professionnel :

    un processus dynamique et interactif

    Christiane Gohier 1 Marta AnadnProfesseure Professeure

    Universit du Qubec Montral Universit du Qubec Chicoutimi

    Yvon Bouchard Benot Charbonneau et Jacques ChevrierProfesseur Professeurs

    Universit du Qubec Montral Universit du Qubec Hull

    Rsum Ce texte prsente un modle dynamique et interactif de construc-tion de lidentit professionnelle de lenseignant, faisant appel des dimensionspyschologiques aussi bien que sociologiques. Ce modle est sous-tendu parune dfinition de lidentiti professionnelle de lenseignant et de ses diversescomposantes auxquelles sont associes les qualits professionnelles requisesde lenseignant. Des entrevues semi-diriges ralises auprs de deux groupesdenseignantes, le premier, compos denseignantes du primaire, le second,denseignantes ayant galement une exprience denseignement en forma-tion des matres, permettent dilluster le caractre dynamique et interactif dela construction identitaire qui se manifeste par les processus de remise enquestion, de changement et de rsolution de problmes.

    Introduction

    Lenseignement est en voie de professionnalisation. Ractualis par divers critseuropens et amricains (Perron, Lessard et Blanger, 1993; Huberman, 1993, Perre-noud, 1993; Holmes Group, 1995; Altet, 1994; Gauthier, Desbiens, Malo, Martineauet Simard, 1997; Tardif et Gauthier, 1999), le dbat entourant ce processus faittat de discussions entre chercheurs et thoriciens, mais aussi entre praticiens,comme en tmoignent les rencontres organises par le Conseil pdagogique inter-disciplinaire du Qubec favorisant la cration dun ordre professionnel des enseignants.

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  • 4 Revue des sciences de lducation

    Ce processus de professionnalisation se reflte galement dans la rforme desprogrammes de formation des matres qui a eu cours au milieu des annes 1990et qui a mis laccent sur la dimension professionnelle de lacte denseigner et surles comptences attendues des tudiants-matres la fin de leur formation initale(Ministre de lducation, 1994).

    La question de la professionnalisation de lenseignement renvoie par ailleurs celle de lidentit professionnelle et de sa construction, pour lenseignant, au mo-ment de sa formation initiale aussi bien que dans lexercice de sa profession. Or,sil est fait mention de comptences attendues et de pratiques rflexives, dans lesdbats thoriques et politiques, il est peu question de dfinition de lidentit profes-sionnelle, au-del des exercices de qualification de lacte professionnel et encoremoins du processus constitutif de cette identit. En ayant pour objectif de contri-buer la rflexion sur ces questions, nous exposons, dans un premier temps, unmodle de construction de lidentit professionnelle de lenseignant et du futurenseignant que nous avons labor, en identifiant ses sources et sa spcificit ; nousproposons, dans un deuxime temps, une dfinition de lidentit professionnellede lenseignant et de ses diverses composantes en regard desquelles sont ensuitemises au jour les qualits professionnelles qui en dcoulent; enfin, le caractre dyna-mique et interactif de la construction identitaire propre ce modle est illustr laide dentrevues effectues auprs de deux groupes denseignantes du primaireayant un parcours professionnel diffrent.

    La profession enseignante : pour un modle de constructionde lidentit professionnelle

    Le modle

    Le modle de construction de lidentit professionnelle de lenseignant etdu futur enseignant que nous proposons repose sur une conception de lidentitprofessionnelle qui ne saurait tre rduite une identit socialement partage avecles membres dun groupe exerant une occupation, soit-elle ou non profession-nelle. Pour quun individu la reconnaisse comme sienne, lidentit professionnelledoit tre intgre lidentit quon peut appeler globale de la personne (Gohier,1997b, 1998). Si ce ntait pas le cas, comment pourrait-on en effet exiger de lensei-gnant, comme le fait le Conseil suprieur de lducation, par exemple, quil soitautonome, fasse preuve de rflexivit et ait une comptence thique ? Commentun enseignant qui naurait qu matriser un rpertoire de connaissances et de com-portements pourrait-il faire des choix ? Ces questions ont autant de rsonancesdans nos socits contemporaines, pluriethniques, o lon est loin de la mono-culturalit et des pratiques univoques et consensuelles quelle entrane. Mme l,

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    luniformit est loin dtre totale, puisque lenseignant doit ajuster sa pratique enfonction des sous-groupes socioconomicoculturels qui composent la socit, desindividus qui les constituent ou encore de populations ayant des problmes socio-affectifs ou cognitifs. Il doit galement articuler son projet personnel professionnelavec le projet ducatif des acteurs quil ctoie et, plus globalement, avec les projetsducatifs nationaux et locaux.

    Cest dans la tension entre la reprsentation quil a de lui-mme commeenseignant, qui participe de celle quil a de lui-mme comme personne et de cellequil a du groupe des enseignants et de la profession, dans linteraction entre le jeet le nous, que le futur enseignant aussi bien que lenseignant en exercice peuventconstruire et reconstruire une identit professionnelle. Des dimensions psycho-individuelles aussi bien que sociales de la construction identitaire sont mises enuvre par les processus conjugus didentisation, ou de singularisation, et didenti-fication, ou dappartenance (Tap, 1980a, 1980b) 2, qui se manifestent par laller etretour constant, chez lenseignant, entre la connaissance de soi et le rapport lautre.Cest cette dialectique interactionnelle qui provoquera des moments de remise enquestion, moteurs de la dynamique du processus de construction identitaire. Cesmoments de remise en question, sils sont provoqus par le choc de la rencontreavec lautre (lve, direction de lcole, collgue), sont aussi souvent possibles grce lui, au sens o cest souvent en tablissant une relation de confiance/contigut(Winnicott, 1975) avec un autre collgue, par exemple, que lenseignant trouveralimpulsion ncessaire pour amorcer des remises en question, dont on sait quelpoint elles sont dsquilibrantes.

    Ces moments de crise, caractriss par lexploration, lengagement et lauto-valuation (Marcia, Waterman, Matteson, Archer et Orlofsky, 1993), renforcent lessentiments de congruence, de comptence, destime de soi et de direction de soiqui sont au cur dune identit professionnelle affirme. Ces moments de remiseen question ont certes une incidence sur les choix queffectuera lenseignant parrapport sa pratique, sur sa reprsentation de lui comprenant ses connaissances,croyances, attitudes, valeurs, conduites, habilets, buts, projets, aspirations et dugroupe des enseignants comprenant les savoirs de la profession, les idologieset les valeurs ducatives, le systme ducatif, la dontologie et les demandes sociales.Cest travers ce processus, dynamique et interactif, caractris par un compromisentre les demandes sociales et son affirmation de soi, que son identit profession-nelle se transformera, potentiellement tout au long de sa carrire, et quil pourracontribuer la redfinition de sa profession avec ses collgues et partenaires.

    Les lments du modle propos, que nous nous sommes contents desquisserici, ont t exposs en dtail dans dautres travaux (Gohier, Anadn, Bouchard,Charbonneau et Chevrier, 1997, 1999a, 1999b, 2000). Il peut tre schmatis ainsi.

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  • 6 Revue des sciences de lducation

    Figure 1 Processus de construction de lidentit professionnelle de lenseignant

    Le modle : ses sources, sa spcificit

    Ce modle se distingue dautres conceptions de la construction identitaire,sur le plan professionnel, en ce quil fait appel des dimensions psychologiquesaussi bien que sociologiques, de manire intgre. Dautres modles, comme celui,souvent cit, de Dubar (1996), reconnaissent lexistence de deux ples dans laconstruction identitaire. Selon Dubar, lidentit professionnelle est une identitsociale caractrise par larticulation entre deux transactions, lune interne lin-dividu, lidentit pour soi, lautre externe, lidentit pour autrui. Lidentit poursoi, relevant du processus biographique, est une transaction subjective entrelidentit hrite et celle qui est vise, et que la personne revendique comme sienne.Lidentit pour autrui, relevant du processus relationnel, est une transaction objec-tive entre les identits attribues par autrui et les identits incorpores. Lidentitsociale est compose des deux identits.

    On voit cependant que la transaction dite subjective , si elle prsupposeune capacit de lindividu faire des choix, demeure dans un registre sociologiquedidentification des catgories juges attractives ou protectrices (Dubar, 1996,p. 116), sans quune dimension proprement psychologique ne soit invoque.

    Identification

    Reprsentation de moicomme enseignant

    Reprsentation de moicomme personne

    Je

    Reprsentation des enseignantset de la profession pour moi

    Nous

    PossiblesPriv/public

    Actuelles

    Interaction

    Exploration

    valuation(auto-allo)

    Engagement

    veil

    Sentiment de : congruence comptence estime de soi direction de soi

    Sentimentde contigut

    Identisation

    Sentiment de singularitdautonomie

    Nouvel tat identitaire

    tat identitaire

    Sentimentdappartenance

    Les enseignantset la profession

    savoirs de la profession idologies ducatives

    et valeurs systmes normatifs

    et dontologie demandes sociales

    Moi comme personne

    connaissances croyances, attitudes, valeurs

    conduites, habilets buts, projets, aspiration

    Affirmation de soi (auto-attribution)

    Compromis/contin

    uit

    Compromis/co

    opration Pressions sociales (attributions)

    Rupture

    Rupture

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    Dubar lui-mme confirme cela en disant reconnatre la division du Soi (les deuxples identitaires) comme une ralit originaire de lidentit, mais pour linstallerdans le social, pour comprendre les identits et leurs ventuelles dchirures commedes produits dune tension ou dune contradiction interne au monde social lui-mme(entre lagir instrumental et communicationnel, le socitaire et le communautaire,lconomique et le culturel, etc.) et non dabord comme des rsultats du fonction-nement psychique et de ses refoulements biographiques (Dubar, 1996, p. 112).

    Dautres conceptions de la construction de lidentit professionnelle, se ratta-chant plus particulirment au courant interactionniste, supposent une dialectiqueentre le sujet et le monde de la socialisation professionnelle. Par exemple, Sikes,Measor et Woods (1985) dcrivent des stades dans le dveloppement de la carrireprofessorale en identifiant les moments de crise comme moteur principal de ce dve-loppement. Lidentit professionnelle de lenseignant est une identit ngocieen fonction des contraintes de lenvironnement professionnel et des intrts dela personne. Celle-ci essaie de faire face (cope) ces contraintes en utilisant diversesstratgies, qui vont de leur refus leur intriorisation totale, mais rsultent sou-vent en un compromis stratgique impliquant un mlange dajustementintrioris et de redfinition stratgique qui permet au sujet datteindre ses butspartiellement redfinis (Sikes, Measor et Woods, 1985, p. 236).

    Tout en tant daccord avec la dimension interactionniste de cette approche,au sens large dune interrelation entre la personne et son environnement social,et avec limportance de la crise comme moteur de dveloppement identitaire, onpeut cependant dplorer son manque de clart quant aux spcificits qui font delindividu cet acteur en constante interaction avec son environnement. On trouvedj cette lacune dans la conception du Soi de Mead, dont les auteurs se rclament.Mead (1963) reconnat deux instances dans la constitution du Soi, soit le Moi,constitu par le regard des membres du groupe dappartenance, de lautrui signi-ficatif, et le Je qui sapproprie un rle spcifique dans cette communaut. Or,comme le soutient Touraine, en commentant luvre de Mead, lensemble duMoi et du Soi forme la personnalit , et la thse centrale de Mead est que lecontenu de lesprit nest que le dveloppement et le produit dune interactionsociale . Le Je se distingue du Moi par sa libert de ragir positivement ou nga-tivement aux normes sociales intriorises par le Moi. Mais les raisons de la rsistanceaux injonctions dun autrui gnralis ne sont pas claires. Il semble que la sim-ple existence de lindividualit explique les dcalages frquents entre lacteurparticulier et les normes gnrales (Touraine, 1992, p. 310). L encore, ce quichappe la dimension sociale de la construction identitaire nest pas bien identi-fi dans le construit thorique.

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  • 8 Revue des sciences de lducation

    un modle plus gnral de la construction identitaire, comme celui de Tap(1980a, 1980b), qui na pas t conceptualis par rapport lidentit professionnelle,mais qui fait tat des deux ples identitaires, nous avons emprunt les conceptsdidentisation et didentification, parce quils sont dfinis assez largement poursignifier linextricable dialectique entre le processus de singularisation et didenti-fication. Notre modle intgre par ailleurs, dune part, plusieurs autres lmentsrelatifs lidentit professionnelle (sentiments de comptence et dappartenance,reprsentations de la profession, etc.) et, dautre part, les notions de congruenceet de contigut quon ne trouve pas dans la conception de lidentit personnellede Tap (qui met en jeu lidentisation et lidentification). Tap (1996) identifie en effetsix caractristiques dans la construction et la dynamique de lidentit, soit la conti-nuit, la cohrence du moi, lunicit (singularit), la diversit (plusieurs personnagesdans une mme personne), laction (ralisation de soi par) et lestime de soi. Bienque nous soyons daccord avec plusieurs de ces lments, notre position diverge decelle de Tap, qui se rapproche de celle dErikson, en ce que nous privilgions leconcept de congruence, avec soi un moment prcis de son histoire personnelle,plutt que celui de cohrence reli au sentiment dtre le mme (sameness diraitErikson), ainsi que celui de contigut plutt que de continuit, faisant rfrenceau lien de confiance instaur entre deux personnes (Gohier, 1989, 1990), donc lexprience cognitive aussi bien quaffective du sujet.

    La dimension psychologique de la construction identitaire de notre modlepuise donc diffrentes sources, dont la phnomnologie exprientielle et la psy-chanalyse humaniste. la premire, nous empruntons le concept de congruence,dvelopp entre autres par Rogers, et lide de limportance du ressenti des situa-tions et de leur symbolisation par la personne (Cormier, 1993). la seconde,limportance de la dynamique affective, en partie inconsciente, se manifestant, entreautres, dans le rapport de contigut avec lautre, dynamique constitutive du moi,du sentiment du droit exister, donc crer. Ce rapport, fondamental, de conti-gut, nvacue pas la prsence et la ncessit de rapports conflictuels dans la formationde lidentit du sujet-acteur social, mais il rige les fondations identitaires consti-tues par le sentiment didentit.

    Cette dimension psychologique a pour pendant et corollaire une dimensionsociologique de la construction identitaire, reflte par le vocable dacteur social,qui sapparente, dans sa conception, la sociologie du sujet de Touraine, tout ensen dmarquant. Touraine, tout en sinspirant de linteractionnisme symbolique,dont il souligne les limites, comme on la vu, thorise un sujet dabord et avant toutdfini par son libre arbitre, m par son inconscient et la force non apprivoise dudsir, lui permettant dopposer un droit de veto aux forces incontrles du pouvoir,et, par l, de devenir un acteur social. Sil fait appel des lments psychologiquesdans sa conception du sujet, cest surtout linconscient freudien que Touraine

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  • La construction identitaire de lenseignant sur le plan professionnel... 9

    fait rfrence, en rejetant toute forme dintrospection qui, selon lui, conduit aunarcissisme (Touraine, 1992, p. 245).

    Tout en se rapprochant de la conception tourainienne de lacteur social, notreconception du sujet sen diffrencie par les lments psychologiques que nous venonsde mentionner et en ce que, pour nous, lintrospection est au contraire un momentessentiel de lanalyse et de la connaissance de soi, sans lequel le rapport lautre(tout autre, individu aussi bien que socit) est impossible. Aussi proposons-nousdaller au-del dun modle sociologique du sujet (Gohier, Anadn, 2000), enprivilgiant, comme nous lavons dit dentre de jeu, un modle psychosociolo-gique intgr du sujet. Ce modle est par ailleurs un modle de construction delidentit professionnelle de lenseignant. Il renvoie une dfinition de lidentitprofessionnelle de lenseignant que nous prsentons maintenant.

    Pour une dfinition de lidentit professionnelle de lenseignant

    En fonction de ce qui prcde, on peut caractriser le processus de constitu-tion et de transformation de lidentit professionnelle de lenseignant comme unprocessus dynamique et interactif de construction dune reprsentation de soi entant quenseignant, m par des phases de remise en question, gnres par des situa-tions de conflit (internes ou externes lindividu) et sous-tendu par les processusdidentisation et didentification. Il est facilit par des liens de contigut avec lautreet vise laffirmation des sentiments de congruence, de comptence, destime de soiet de direction de soi. Ce processus, qui dbute ds la formation du futur matre,mne la construction et, virtuellement, la transformation de la reprsentationque la personne a delle-mme comme enseignant tout au long de sa carrire.

    Ce processus de construction identitaire se fonde une conception de liden-tit professionnelle de lenseignant. Pour la cerner, il faut connatre les lmentsquinclut la reprsentation de soi comme enseignant. Si on se reporte au modle,on peut voir que celle-ci est tributaire la fois de la reprsentation que lenseignanta de lui, comme personne, et de celle quil a des enseignants et de la profession.Ces deux types de reprsentations recouvrent divers lments quon peut tenterde circonscrire, sans prtendre lexhaustivit.

    La reprsentation de soi comme personne se rapporte aux connaissances, auxcroyances, aux attitudes, aux valeurs, aux habilets, aux buts, aux projets, aux aspi-rations que la personne se reconnat ou sattribue indpendamment de son contexteprofessionnel ou, tout le moins, dans un sentiment daffirmation de sa singula-rit par rapport limposition de normes professionnelles.

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  • 10 Revue des sciences de lducation

    Le deuxime type de reprsentations porte sur les enseignants et la professionenseignante ou, plus justement, sur le rapport que lenseignant et le futur enseignantentretiennent avec les enseignants et la profession enseignante, lequel est consti-tu de divers lments, soit le rapport au travail, aux responsabillits, aux apprenants,aux collgues et au corps enseignant ainsi qu lcole comme institution sociale.Dans le dbat actuel sur la professionnalisation de lenseignement, ces diffrents l-ments confortent la conception de lenseignement en tant que profession requrant,entre autres, autonomie, rflexivit, et comptence thique. Cest ce que donne voir un bref examen de ces diffrents ordres de rapports.

    Le rapport au travail

    On peut dfinir lenseignant comme un professionnel de lducation/appren-tissage 3. Les deux termes sont indissociables puisque lenseignant est un spcialistedes stratgies ducatives ayant pour but de favoriser des apprentissages, voire lamatrise mme des processus dapprentissage chez lautre. Lenseignement est un ser-vice public, visant le bien-tre de la collectivit en contribuant au dveloppementdes personnes qui vont composer et gouverner la socit de demain, assurant ainsisa prennit, et idalement, dans une socit dmocratique, favorisant laccs pourle plus grand nombre une meilleure qualit de vie. Lacte ducatif est par ailleursun acte complexe (Perrenoud, 1993 ; Conseil suprieur de lducation, 1991) complexe, rflexif et interactif selon les termes du Conseil suprieur de lducation(1991) requrant la matrise de plusieurs savoirs, tant thoriques que pratiques,et de plusieurs habilets. Savoirs pdagogiques et didactiques, savoirs disciplinaires,connaissances dans le domaine de lvaluation des apprentissages, habilets relation-nelles, sens de lthique en sont autant dexemples. Cest dailleurs dans un rapportde responsabilit, et ce, plusieurs gards, que lenseignant assume sa fonction.

    Le rapport aux responsabilits

    Lenseignant est responsable, envers la socit, de lducation de ses membres.Il est imputable de ses actes. La notion dimputabilit est dailleurs de plus enplus prsente dans nos socits utilitaristes, qui malheureusement linterprtentsouvent de manire trop comptable. Car si lenseignant, et plus largement le sys-tme ducatif, doit rendre compte de ses actes auprs du gouvernement, notammenten tant que reprsentant de la socit et bailleur de fonds publics, cest surtout entermes de qualit de la formation et daide lapprentissage quil doit le faire, etnon en termes de rentabilit, dans le vocabulaire dsormais pass dans le langagecourant de rapports cot/production. La responsabilit quil a envers la socit doitau contraire lamener rflchir sa fonction sociale et lorientation quil veut

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  • La construction identitaire de lenseignant sur le plan professionnel... 11

    lui donner. Dans cet acte de rflexion, il peut participer la dfinition ou redfini-tion de sa profession, tant un acteur de la professionnalisation et non un simplepion sur lchiquier de sa mise en place. Car la professionnalisation dun mtierest un processus dynamique auquel participent les acteurs de la profession et nonpas la ritration en tous points conformes dun modle professionnel fig, ferm(Anadn, 1999 ; Gohier, Anadn, Bouchard, Charbonneau et Chevrier, 1999a).Cest le caractre rflexif de laction ducative qui en fait une profession et nonun rpertoire, souvent trop vite institutionnalis, dactes entirement dfinis.

    La responsabilit de lenseignant sexerce dabord et avant tout lgard dellve ou de ltudiant. Il est responsable de la qualit de sa formation et aussi dunrapport avec lui dans lequel il nabusera pas de son pouvoir, que ce soit sur le planintellectuel par lendoctrinement, entre autres, ou sur le plan affectif ou sexuel,par la sduction (Gohier, 1999). Cette responsabilit de matre/adulte (ayant lamatrise de son savoir ou de son champ dexpertise), lenseignant ne peut lexercerque sil est un vritable ducateur qui se soucie du dveloppement global de lapersonne. Il ne peut lavoir que sil assortit son action pdagogique de considra-tions dordre thique et dontologique (Gohier, 1997a ; Gaudreau, Turgeon, Garnieret Buissonnet, 1999).

    La responsabilit de lenseignant envers llve se double de celle quil a enversle parent, tuteur de lenfant, responsabilit au sens de pouvoir rpondre de ses actesenvers les parents lorsquils le demandent. Il reste que cest lapprenant qui est aucur de laction ducative.

    Le rapport aux apprenants

    Comme certains lont dj dit, sous forme de boutade, la finalit premire delenseignant, comme spcialiste de lducation/apprentissage, cest sa disparition.Il peut considrer sa tche acheve lorsque llve est devenu suffisamment autonomepour poursuivre un processus de formation continue, qui, on le sait, dure toute lavie. Paradoxalement, cest en instituant une relation de qualit avec llve quilatteindra ce but, car laction ducative repose sur la relation pdagogique quentre-tient une personne avec une autre afin de favoriser son dveloppement. Limportancede cette relation nest plus dmontrer, mme au dbut du troisime millnaire,dans une socit caractrise par la mondialisation et la globalisation des marchset par la prpondrance des technologies de la communication qui envahissent tousles domaines, y inclus celui de lducation. Tout en prconisant une adaptation delducation cette nouvelle civilisation, ce monde du virtuel, lUNESCO recon-nat aussi la prminence de la relation pdagogique (Brunswick et Danzin, 1998).

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  • 12 Revue des sciences de lducation

    Outre laspect affectif, cette relation met en jeu dautres dimensions. On oublietrop souvent de parler de la relation intellectuelle qui sinstaure entre lenseignantet llve. En donnant linformation requise ou en lorientant vers des pistes desolution ou vers les outils ncessaires pour les trouver, lenseignant permet llvede retracer la connaissance, voire de la rinventer, et, ultimement, de participer sa construction. En mettant en uvre un ensemble de savoirs, disciplinaires, pda-gogiques et didactiques, autant thoriques quissus de la pratique ou de laction(Tardif, 1993 ; Gauthier et al., 1997), lenseignant peut atteindre cet objectif, quiest en somme lultime finalit de lducation.

    On ne saurait non plus taire le rle de modle que peut jouer lenseignantpour llve. Lenseignant exerce une inflluence sur llve par son comportement etpar les valeurs quil vhicule, mme dans les pdagogies actuelles non directives ouplus centres sur llve. Davantage de cette manire, peut-tre, puisquil ne faitplus figure dautorit absolue et extrinsque, mais plutt daccompagnateur surles chemins du savoir, llve compagnon risquant dautant dintrioriser les valeursquelles lui semblent intrinsques, partie intgrante de son propre cheminement.

    Mais bien que lenseignant soit en dernire instance seul avec ses lves danssa classe, il nest pas lunique acteur sur la scne de lducation. Bien dautres instanceset bien dautres personnes y jouent un rle important. Le ministre de lduca-tion, la direction de lcole, les commissions scolaires, autant dintervenants quiont voix au chapitre en ce qui concerne les orientations ducatives, les programmesscolaires et la formation des matres. Mais, au quotidien, cest le rapport la direc-tion de lcole et aux collgues qui uvrent dans son tablissement qui sont aucur de la vie professionnelle de lenseignant.

    Le rapport aux collgues et au corps enseignant

    Dans sa conception de la professionnalit enseignante, le Conseil suprieurde lducation (1991) met laccent sur cette caractristique du travail de len-seignant, en optant pour un professionnalisme collectif et ouvert qui fait appel [...] une ouverture de chaque enseignant ou enseignante la concertation avecses collgues ainsi qu la participation la vie et aux orientations de ltablissement(p. 26). Outre le rapport privilgi avec certains collgues avec qui les enseignantstablissent des collaborations de travail (Gohier et al., 1999b), cette collgialit sestconcrtise par la mise en place des conseils dtablissement (Harvey, 1999) issusde la rforme de lducation prconise par la ministre Marois (Gouvernementdu Qubec, 1997). Lenseignant entretient galement des rapports avec lensemblede ses collgues tant en lien avec des regroupements syndicaux et un ordre profes-sionnel. Le travail de collaboration qui en dcoule rejoint cette autre dimensionde lidentit professionnelle quest le rapport la socit.

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    Le rapport lcole comme institution sociale

    Le projet ducatif est le lieu nvralgique dexpression du mandat social dvoluaux enseignants et de sa rappropriation par les acteurs de lducation. Lenseignantparticipe llaboration du projet ducatif spcifique son tablissement, celui-ci sin-srant dans un projet ducatif socital plus gnral, dfinissant les grandes lignesdirectrices de laction ducative. Se manifeste l un des lments de profession-nalit de lenseignant, dans sa participation la formulation des finalits ducativesqui vont se traduire par des plans daction spcifiques au sein de ltablissementdans lequel il uvre. Il est en cela un partenaire, avec dautres acteurs sociaux,dans la prise de dcision concernant les orientations ducatives privilgier. Ainsi,mme sil reoit son mandat de la socit, puisque la mission premire de lensei-gnant est de former des citoyens conformes aux finalits quelle met de lavant, ilcontribue, en retour, la redfinition constante de ce mandat.

    Lexamen des composantes de la reprsentation de soi comme enseignantnous conduit formuler la dfinition de lidentit professionnelle de lenseignantcomme suit. Il sagit de la reprsentation que lenseignant ou le futur enseignantlabore de lui-mme comme enseignant. Elle se situe lintersection de la reprsenta-tion quil a de lui comme personne et de celle quil a de son rapport aux enseignantset la profession enseignante. Cette reprsentation porte sur les connaissances, lescroyances, les attitudes, les valeurs, les conduites, les habilets, les buts, les projetset les aspirations quil sattribue comme siens. La reprsentation quil a de son rap-port aux enseignants et la profession enseignante porte sur son rapport son travail,comme professionnel de lducation/apprentissage, ses responsabilits, aux appre-nants, aux collgues et autres acteurs impliqus dans lcole comme institution sociale.

    On peut par ailleurs se demander quelles qualits ces diverses composantes delidentit professionnelle requirent de la part de lenseignant. Cest ce que nousexaminons maintenant.

    Les qualits requises de la part de lenseignant

    Le rapport soi comme personne ou, en termes synthtiques, la connaissancede soi requiert une capacit introspective qui demande une mise distance avec soi.Cette mise distance est rendue possible grce un esprit rflexif capable dauto-valuation. La psychologie au XXe sicle, de quelque allgeance quelle soit, la bienmontr, la connaissance de soi contre la tendance naturelle et inconsciente dela personne projeter sur lautre ses propres manques et lacunes. Tous les outils quenous a lgus la psychologie, sans ncessairement entrer dans une dmarche thra-peutique, peuvent tre utiles cet exercice dexamen de soi , du simple regard

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    introspectif la narration autobiographique. On retrouvera par ailleurs la compo-sante connaissance de soi dcrite un peu plus loin.

    Quant au rapport aux enseignants et la profession, on a vu quil compor-tait plusieurs lments. Il est difficile de mettre terme terme les qualits requisespour chacune de ces composantes, non pas parce quil est impossible de les identi-fier, mais plutt parce que plusieurs composantes font appel des qualits similaires.Aussi ferons-nous lexercice, mais en identifiant les recoupements possibles.

    Dans la section rapport au travail, nous avons vu que lenseignant tait un pro-fessionnel de lducation/apprentissage et que lenseignement tait un acte complexe,rflexif et interactif, ce qui se reflte dans les autres composantes de lidentit, plusparticulirement dans le rapport aux apprenants. Lenseignement requiert donc lamatrise de nombreux savoirs, dont plusieurs ont t mentionns : savoirs discipli-naires, pdagogiques et didactiques dordre thorique et pratique et lacquisitionde plusieurs comptences, dont la capacit rflexive. Cest en analysant constam-ment sa propre pratique, en ayant une distance par rapport celle-ci, et en larajustant que lenseignant exerce sa fonction en qualit de professionnel. Cettecapacit analytique se double dun sens praxologique qui permet de faire le pontentre la thorie et la pratique et deffectuer des choix. Pour ce faire, lenseignantdevra exercer son jugement. Hare (1993) 4 dfinit le jugement comme la capacitdvaluer de faon critique linformation disponible, les raisons qui sont invoquespour soutenir un point de vue plutt quun autre lors dune prise de dcision.Rflexion, analyse, jugement sont donc ncessaires pour effectuer des choix pro-prement ducatifs, qui ne reposent pas uniquement sur un rapport dmotivitaux vnements et aux choses.

    Ces comptences ou capacits ne peuvent par ailleurs sexercer sans lautonomiede lenseignant. Autant certains gards et dans une certaine mesure, il devra agirde concert avec ses collgues, autant il doit pouvoir fonctionner de faon indpen-dante, en prenant des dcisions dont il assume la responsabilit. Enfin, le rajustementconstant de ses pratiques implique la capacit sautovaluer. Pour ce faire, il devrapar ailleurs avoir une bonne connaissance de soi, comme nous lavons vu.

    Dans la section rapport aux responsabilits, on a vu que la responsabilit delenseignant, en tant que professionnel, envers le public et en tant que matre/adulte,envers lenfant, devait sexprimer, entre autres, par la prise en compte de consid-rations dordre thique dans lexercice de sa fonction. Pour ce faire, il doit avoir uneconnaissance des rgles dontologiques rgissant sa profession. Ces rgles, statuantsur les devoirs du professionnel envers le client (respect, intgrit, etc.), quellessoient codifies par un ordre professionnel ou non, ne sont par ailleurs pas suffisantespour assurer une pleine comptence thique chez lenseignant. Il faut dabord et

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    avant tout dvelopper un sens thique chez celui-ci, soit une comprhension delimportance de ces questions dans lexercice de ses fonctions. Si les rgles donto-logiques stipulent les devoirs que lenseignant a envers llve et envers sa profession,elles ne circonscrivent en effet pas tout le domaine de lthique qui englobe, defaon plus gnrale, la rflexion sur la conduite humaine. Or, on le sait, toutes lesconduites humaines ne sont pas codifies et ne doivent certainement pas ltre. Ensus de sa propre conduite, lenseignant devra jauger celle de llve, qui devra par-fois tre sanctionne. Les situations qui appellent une rflexion dordre thique tantvaries, il est important que lenseignant dveloppe une capacit rflchir auxdilemmes dordre thique qui se prsentent, au cas par cas, sous la forme de ladlibration thique, par exemple (Racine, Legault et Bgin, 1991).

    Dans la section rapport aux apprenants, on a mentionn limportance de larelation pdagogique, quelle soit dordre intellectuel, affectif ou moral, au sens largedu terme, faisant rfrence linfluence que peut exercer lenseignant, en tantque porteur de valeurs, sur llve, comme modle au sens fort ou faible duterme. Pour instituer cette relation, lenseignant devra faire preuve dune capacitrelationnelle, soit tre capable dentrer en relation avec lautre. Cette capacit semanifeste par des qualits dempathie et dcoute, comme lont fait valoir les pda-gogues humanistes, mais galement par cette autre qualit quils ont dnommecongruence. Or, la congruence, comprise comme cohrence ou concordance, chezun individu, entre le dire, le faire et le penser est impossible raliser sans unebonne connaissance de soi, quon a vue dans la composante reprsentation de soi.On rejoint ici galement la capacit sautovaluer dj releve dans la sectionrapport au travail. Cette connaissance de soi exige que la personne soit capabledintrospection, et aussi quelle connaisse les mcanismes dordre psychologiquequi rgissent les relations interpersonnelles, notamment ceux dintrojection et deprojection qui aident faire le partage entre ce qui appartient soi et ce qui appar-tient lautre dans lunivers complexe de la relation. Mais cette connaissance desoi ne devrait pas se limiter la dimension psychologique et affective de la relationpdagogique. Elle devrait aussi toucher les dimensions intellectuelle et moralede la personnalit, par une connaissance, dune part, des capacits et des limitesintellectuelles de chacun et, dautre part, des valeurs quil vhicule souvent de faonimplicite et quil doit rendre explicites. Cette connaissance de soi facilitera dailleursles relations quil tablira avec ses collgues.

    En rfrence la section Le rapport aux collgues et au corps professoral, outreles comptences relationnelles qui viennent dtre voques, lenseignant devrapossder un sens de la collgialit, de partage et de rapport avec ses collgues,lequel sera gnr entre autres par un sentiment dappartenance ce groupe. Cesentiment dappartenance peut lui-mme tre dvelopp par la formulation dob-jectifs communs dans le cadre du projet ducatif, par exemple, mais galement

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    par lexercice de la mise en commun des pratiques pdagogiques aussi bien quedes difficults rencontres en situation denseignement. Cette mise en communrequiert une comptence dialogique, savoir une capacit discuter avec ses pairset arriver, lorsque cela est ncessaire, des dcisions consensuelles. Cette collgia-lit se manifeste aussi par la capacit travailler en quipe sur des projets communs,dordre scolaire aussi bien que parascolaire, comme on la relev. Mais les collguesne sont pas les seuls acteurs de lducation avec qui lenseignant doit engager undialogue. Il doit interagir avec tous les intervenants du monde de lducation, aupremier chef ceux qui ont un lien avec ltablissement dans lequel il uvre.

    la section Le rapport lcole comme institution sociale, on a vu que le pro-jet ducatif tait le lieu nvralgique de la rencontre du mandat que la socit donnaitaux enseignants et de leur participation la dfinition ou redfinition de ce man-dat. Pour pouvoir intervenir dans la formulation de ce projet, lenseignant doit avoirune connaissance des demandes sociales qui lui sont adresses et, plus largement,de la culture dans laquelle sinsre lcole, comme institution sociale. Ce nest eneffet quen connaissant le contexte et les enjeux des demandes de la socit enverslcole quil pourra prendre des dcisions claires sur les orientations ducativeset pdagogiques privilgier. Pour prendre part cette discussion, il lui faudraacqurir une comptence argumentative. Pallascio, Angenot, Lafortune, Nachbaueret Gosselin (1999) insistent sur limportance, pour lenseignant, de saffirmerprofessionnellement, cest--dire de dfendre ses choix, ventuellement par lex-pression dun engagement au service dune situation problmatique par laquellele pdagogue se sent rejoint et concern, qui le pousse assumer une respons-abilit, lexercer, se compromettre, et qui devient ainsi progressivement pourlui lobjet dune vritable cause mobilisatrice (p. 60).

    Les qualits identifies ici peuvent tre mises en rapport avec deux lmentsstructurels essentiels au processus de construction identitaire sur le plan profession-nel, soit les mcanismes didentisation et didentification. On retrouve en effet dansles qualits numres la prsence constante et concomitante de la connaissancede soi et du rapport lautre. Une synthse des qualits numres, mme si elleest rductrice, taie ce constat.

    Rapport soi : capacit introspective, rflexive, dautovaluation.

    Rapport au travail : savoirs, capacit rflexive, capacit faire le transfert entrela thorie et la pratique, capacit analytique, capacit faire des choix, juge-ment, autonomie, capacit sautovaluer.

    Rapport aux responsabilits : connaissance des rgles dontologiques, sensthique, dlibration thique.

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    Rapport aux apprenants : capacit relationnelle, empathie, coute, congruence,connaissance de soi, capacit introspective, connaissance des mcanismes psycho-logiques, connaissance de ses capacits et limites intellectuelles et de ses valeurs.

    Rapport aux collgues: collgialit, sentiment dappartenance au groupe, comp-tence dialogique, capacit travailler en quipe.

    Rapport la socit travers lcole : connaissance des demandes sociales, dela culture, capacit saffirmer, comptence argumentative.

    Sous chaque composante se retrouvent des lments qui font rfrence laconnaissance de lautre (lve, collgue, socit) et la capacit dentrer en relationavec cet autre (capacit relationnelle et dialogique entre autres) qui a, en retour, desinfluences sur soi (culture, savoirs, demandes sociales, appartenance au groupe).Ce rapport lautre fait aussi appel au retour sur soi, la connaissance de soi (capa-cit introspective, valeurs, capacits et limites intellectuelles). Ceci vient conforterlide que dans les lments qui composent lidentit professionnelle et qui con-courent sa construction, les ples identitaires didentisation et didentificationsont prsents. Autrement dit, les mcanismes de la construction identitaire se refl-tent dans les qualits requises dans lenseignement comme profession, ce qui confortelide que lidentit professionnelle ne saurait tre uniquement une identit sociale-ment donne (par le groupe des enseignants ou, plus largement, par la socit),mais est compos de ce quon peut appeler lidentit personnelle (que la personne,sattribue comme telle) et de lidentit sociale de la personne et fait appel desdimensions psycho-individuelles et sociales dans sa constitution.

    Ainsi, le processus de construction de lidentit professionnelle, par la mise enuvre conjugue des processus didentisation et didentification et du rapport dia-lectique soi et lautre, est essentiellement de nature dynamique et interactive.Son caractre dynamique est largement tributaire des phases de crise et de remiseen question vcues par les enseignants. Cet aspect de la dynamique identitaire estillustr par lanalyse dentrevues faites auprs de deux groupes denseignantes.

    Lidentit professionnelle, un processus dynamique et interactif : remises en question, changements et rsolutions de problmes

    Dans le modle que nous proposons, les moments de crise et de remise enquestion se traduisent plus particulirement par le processus dveil, dexploration,dengagement et dvaluation. En amont et en aval, ce processus est facilit par, ety conduit, un rapport de contigut, ou relation de confiance, avec lautre le plussouvent un pair et est motiv par un malaise sur le plan des sentiments de con-gruence, de comptence, destime de soi et de direction de soi, qui sont renforcs

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    lissu de la crise, au moment de sa rsolution. Deux sries dentrevues, lune rali-se auprs de vingt enseignantes du prscolaire et du primaire 5, lautre, auprs deonze enseignantes ayant uvr, concurremment ou subsquemment, au prsco-laire ou au primaire et en formation des matres6, permettent de montrer le caractrercurrent de ce processus dans la construction identitaire des enseignants, en met-tant au jour les moments de remise en question, ses causes et la faon de rsoudrela crise ou damener des transformations. Ces deux groupes denseignantes ontt cibls afin dillustrer la pertinence de notre modle auprs denseignantes ayantun parcours professionnel diffrent. Or, le modle sest rvl pertinent dans lesdeux cas, bien quon puisse noter des diffrences dans lexpression de lexprienceprofessionnelle, les enseignantes avec une exprience en formation des matres ayantd systmatiser leur propre pratique et le modle prdagogique qui la sous-tendpour la transmettre aux futurs matres en devenant, en fait, des modles pour ceux-ci sur le plan de la formation pratique, ce que les enseignantes ayant une exprienceexclusivement au primaire nont pas eu faire.

    Les enseignantes du prscolaire et du primaire

    Les remises en question

    Dans la premire srie dentrevues, les enseignantes avaient une expriencede quatre trente-deux ans. Dans quatre cas seulement, cependant, lexpriencese situait moins de dix ans et elle tait de vingt-six ans et plus pour plus de lamoiti des sujets. Il va sans dire que les remises en question, allant du doute jusqula crise majeure pouvant affecter le maintien dans la profession, sont plus ou moinsaccuses selon les personnes et selon lexprience professionnelle. Outre la crise vcuelors de lentre dans la profession, les remises en question majeures paraissentsouvent aprs plusieurs annes dexercice (dix ou quinze). Ce qui est rcurrenttoutefois chez les enseignantes, cest la prsence de moments de remise en ques-tion et leur importance sur la redfinition de leur pratique, celle-ci saccompagnantdun retour plus global sur soi, sur ses capacits, ses limites, sa personnalit, pourune meilleure connaissance de soi. Une enseignante affirmera que les changementsles plus importants quelle a vcus sont dus une meilleure connaissance delle-mme :

    [...] parce que un moment donn, la commission scolaire X, on a faitbeaucoup de croissance personnelle, des choses pour grandir. Des pro-grammes pour dvelopper le ct socioaffectif de lenfant.[...] On a vcua beaucoup, et moi, a ma appris me connatre [...] me sentir plus scurel-dedans (H4, 442-447) 7.

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    Une autre dira que des changements relatifs la tche et au niveau densei-gnement lont [...] aide aller voir plus lintrieur de moi, toutes mes capacits(H3, 623-624). Une autre encore associe ses changements dordre professionnel des changements plus globaux en tant que personne. Par exemple, en parlant decertaines formations qui lont aide, mais aussi [...] cest tout le bagage que jaiaussi l, tu sais, tout ce que je suis en tant que personne (C2, 385-386). Puis,en parlant de son exprience avec des enfants ayant des troubles de comportement : Je pense quen tant que personne, moi a ma fait avancer [...] (472-473). Ellesent quelle sera dornavant capable de faire face toutes sortes de situations (477).Une autre enseignante affirme que les changements vcus sur le plan professionnelet les formations quelle a reues lont aide avoir confiance en elle, lont aide [...] moi personnellement aussi (C1, 553).

    Laffirmation de lexercice priodique de la remise en question est par ailleursrcurrente, comme on la mentionn

    [...] puis, je fais des remises en question avec mes lves aussi, parce quema gestion de classe me permet a, on se remet en question une fois parsemaine. Quest-ce qui a mal t ? On se fait de lautovaluation, alors moiaussi, je me remets en question avec eux... (C0, 322-327). Je me remets enquestion toute la journe, les interventions que jai eues, je me remets enquestion tout le temps (H4, 570-572) ; alors, cest plus des remises en ques-tion quotidiennes ou hebdomadaires [dans le sens de] est-ce que jai pris labonne dcision et est-ce que je veux changer ? (M4, 457-459).

    Les causes de la remise en question

    Ces remises en question sont par ailleurs provoques par diffrents facteurs,dont le changement de type dtudiants (clientle) ou de niveau denseignement,qui crent un dsquilibre . Ainsi, certaines enseignantes feront-elles allusion lintgration dans leur classe denfants handicaps ou avec des problmes de compor-tement comme dclencheurs de remises en question et de transformations sur le plande leur approche pdagogique ou relationnelle. Une enseignante, par exemple,relate ainsi son exprience lorsque des enfants avec des problmes de comporte-ment ont t intgrs dans sa classe :

    [...] les enfants en troubles de comportement, mme moi, cette anne, jaideux enfants dficients et quand tu travailles avec ces enfants-l, il faut quetu changes [...] dans ta faon denseigner [...]. Jai chang mon approche,je pense, jenseigne plus avec des mthodes stratgiques [...] je travaille beau-coup plus avec du matriel concret (C2, 417-428).

    La confrontation avec ces enfants, ou plutt avec leurs difficults, mme si ellea t difficile au dbut, la force se transformer :

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    [...] je trouve que, ces enfants-l a a peut-tre t comme des cadeaux,comme des enfants qui mont fait avancer, perdre un tas dillusions, deprjugs [...] (450-453). [...] il me semble que a ma appris enseigner,a ma appris aller les chercher [...] (464-465).

    Une autre attribue en partie son volution lintgration denfants avec desproblmes de comportement. Elle se sent par ailleurs toujours en formation :

    Et tant et aussi longtemps que je me dis que je suis en formation, que jenai rien appris, cest--dire que je ne suis pas la fin de mes apprentissages,je pense que je serai capable de grandir avec les enfants. Je trouve a super,[parce que sinon] souvent on rentre dans une routine et on fait les chosessans rflchir. La journe o je naurai plus rien apprendre, cest la journeo je vais sortir, a cest clair (H1, 611-620).

    Une enseignante fait le mme constat propos de lintgration de handicapsphysiques (H4, 517-520). Une autre voque par ailleurs son passage du primaire la maternelle comme ayant cr [...] un dsquilibre, cest agrable (H2, 514),une exprience positive parce quelle lui a permis de se remettre en question.

    Dautres mentionnent des crises ou des problmes dus des msententes avecla direction de lcole, dans ces cas, juge trop autoritaire et trop conservatrice :

    [...] jtais tombe sur un directeur qui exigeait que toutes les tables soientplaces dans le mme sens, une bonne enseignante avait toujours des plantesvertes, des affaires dbiles. Ctait un bon concierge, le concierge de lcoletait plus pdagogue que le directeur (M1, 722-725).

    Elle songe alors quitter la profession, mais en ne voyant pas trop ce quellepourrait faire. Elle dcide alors de se donner dautres dfis, et elle fait un certificaten intervention sociale. Elle choisit cette avenue pour pouvoir :

    [...] rinvestir ce que japprenais quand mme. L, tout dun coup, a mavaitchapp toutes ces annes-l, mais les parents narrivent pas tous avec le mmebagage... comment on fait pour intervenir auprs des familles qui sont plusen difficults (738-741).

    Une autre fait aussi tat de problmes avec des directions trop autoritaires etpas assez soutenantes :

    [...] ce que jai vcu comme graves difficults, cest avec une direction, un moment donn, qui contrlait tout tout tout, donc tu navais pas demarge de manuvre [...] (R1, 858-860).

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    Elle dit alors stre rsigne ne pas affronter ces personnes et avoir mieuxfonctionn par la suite avec des personnes qui lui laissaient plus de latitude. Ellerevendique son autonomie :

    [...] je pense que je suis assez grande pour me poser des questions [...] jepense que quand tu es enseignant, tu dois savoir aussi ce que tu as faire,je pense que cest important davoir cette qualit-l. Je pense quil faut treautonome, mais pour avancer, pour cheminer. (941-945).

    Dautres enseignantes diront avoir vcu des moments de remise en ques-tion non pas cause de problmes vcus ou de changements subis, mais pluttfaute den avoir, au sens o cest le sentiment de rptition ou de routine danslexercice de la tche qui a gnr une crise, les amenant mettre en doute lechoix de leur profession. Une enseignante affirmera par exemple quaprs unepriode de six ou sept ans :

    L javais fait le tour de la question puis a ne prsentait plus de dfi. Cestl que jai commenc au bac (599-601).

    Une autre, aprs quinze ans dexprience, songe quitter le mtier :

    [...] je me souviens trs bien, [aprs] quinze ans dexprience. Je sais paspourquoi, il y a eu un creux un moment donn. Peut-tre que je sentaisun peu trop la routine.[...] puis, je me disais pourquoi pas infirmire ? [...] je pourrais changer encore. Je suis bien contente de ne pas lavoir fait[...] jai trs vite rpondu non (M3, 599-608).

    Quand on lui demande comment elle a rsolu cette crise, elle dit lavoir faiten sintressant tous les projets scolaires et parascolaires qui se prsentent, con-cours darts plastiques, exposition de sciences, etc., parce que :

    [...] je sens lintgration des matires [...] (617). Cest comme a que jaicontinu ; puis plus jamais, jai remis a en question, comment, justementen faisant des projets, en fonctionnant par projet (625-627).

    Les principales causes de remises en question identifies par ces enseignantessont donc les changements dans la tche: niveau ou clientle (particulirement avecdes problmes de comportement ou des handicaps), les conflits avec la directionde lcole et laspect routinier de la tche aprs quelques annes dexercice.

    Les faons de rsoudre la crise ou damener des transformations

    Le dernier extrait concerne les moyens mis en uvre pour dpasser la remiseen question ou encore pour rsoudre le problme ou la crise. Comme on a pu le

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    voir dans certains extraits qui prcdent, la dernire enseignante cite, linstardautres collgues, va en effet modifier son approche pdagogique en se centrantdavantage sur llve et en fonctionnant par projets. Pour ce faire, ces enseignantesfont souvent mention de formations quelles suivent, soit ponctuellement, en rela-tion daide, par exemple, formations offertes par le milieu ou par luniversit, ou, plus long terme, en sinscrivant des programmes universitaires de certificat oude matrise. linverse, ces formations peuvent tre les dclencheurs du change-ment. Une enseignante affirme en ce sens que cest un certificat en animation quilui a donn une approche diffrente de sa relation avec lapprenant (C3, 95-97).Une autre dit quelle a fait un certificat en intervention sociale qui la amene se questionner sur la condition des femmes dans la socit, puis dans lenseigne-ment au prscolaire et au primaire, questionnement qui a fait lobjet dune matrise(M1, 751-757). Elle a ensuite poursuivi sa dmarche par des tudes doctoralesquelle a abandonnes, faute de temps. Une autre affirme avoir suivi des formationset essay des approches pdagogiques nouvelles, tout en essayant, avec les annes,de crer un quilibre avec les acquis, en fonction de son exprience (R4, 525-543).Dautres font rfrence une formation continue qui seffectue moins en termesde cours crdits que de lectures et douverture aux innovations pdagogiques etde curiosit pour [...] tout ce quil y a comme nouveaut au niveau pdagogique,au niveau de la philosophie, de la psychologie pour enfant (H2, 81-83).

    Quand on analyse le profil de formation des enseignantes, on constate que lagrande majorit des enseignantes (15) ont suivi des formations, aprs la forma-tion initiale ; ces formations vont du certificat en franais, ou dans divers domaines, la matrise et au dbut de scolarit de doctorat (dans deux cas), en passant pardes cours la carte (informatique, relation daide, langue), suivis par souci deperfectionnement ou simplement pour la culture gnrale. Ces formations cor-respondent un cheminement que chacune choisit en fonction de ses besoins.Certaines ont eu des congs de maternit et ont d se mettre jour leur retour.Une enseignante parle de son parcours comme tant non linaire (C3, 132), cequi caractrise en fait la majorit des enseignantes, mme lorsquelles ont moinschang de niveau, cause des formations suivies et des transformations relatives leur pratique pdagogique. Le fait quil y ait peu de possibilits de mobilitprofessionnelle pour les enseignantes ne signifie pas quil ny ait pas de transforma-tions sur le plan de leur identit professionnelle et de leur pratique professionnelle,mais que celles-ci seffectuent selon un parcours propre chacune, selon les moyensquelle se donne pour faire face aux changements ou encore pour en susciter et releverde nouveaux dfis (C1, 458), renforant par l le sentiment de comptence.

    La formation continue nest pas la seule voie emprunte pour explorer dessolutions aux problmes ou de nouvelles avenues correspondant un dsir dechangement. Une autre voie rside dans ltablissement de rapports privilgis

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    avec certains collgues, soit sous forme de collaboration de travail (planificationde lenseignement, change de matriel pdagogique, laboration de projets sco-laires ou parascolaires), ou simplement sous forme dchanges et de discussion surles problmes vcus. Une enseignante dit avoir surmont les difficults vcueslors de son entre en fonction en sinspirant dune enseignante dexprience quitait un modle pour elle (C3, 453) et surtout en discutant avec une collgue amieavec qui elle dbutait dans lenseignement (C3, 464-469). Une autre identifiecomme un moment de transformation important, celui o elle a quitt la cam-pagne pour enseigner en ville, ayant alors surtout apprci le fait davoir :

    [...] des collgues avec qui je pouvais changer, ce que je navais pas vcu ;jai trouv a extraordinaire. L, ma tche mest parue moins lourde ; onchangeait, je navais pas besoin de tout faire [...]. Je pense que si jtaisreste vraiment isole comme a, jaurais peut-tre eu le got dabandon-ner dune certaine faon (H0, 538-548).

    Une autre souligne limportance davoir appris travailler en quipe, ce quoi elle ntait pas dispose au dpart et quelle juge maintenant essentiel Et,anne aprs anne, cest la quatrime anne que je travaille en quipe avec certainsprofesseurs, ce que je navais pas prvu [...] (M2, 665-667).

    Une autre encore parle de changements importants survenus au moment dela fusion de deux commissions scolaires lui ayant permis de rencontrer une ensei-gnante de mme niveau avec laquelle elle a fait plusieurs projets (R3, 1009 et ss).Une enseignante qui a chang souvent dcole et dordre denseignement, parcequelle tait remplaante, affirme pour sa part avoir pu sadapter aux changementsen sachant sentourer, poser des questions aux collgues et travailler en quipe (R2,680-692). En fait, limportance de lchange entre collgues est souligne par lamajorit des enseignantes comme lindique cet autre extrait :

    [...] il y avait les enseignantes aussi, on changeait entre nous, je trouve quela complicit par dyade [...] ou par triade, des groupes de deux ou de trois,cest vraiment merveilleux [...] Faut avoir de la complicit et du respect (R4,552-563).

    Le sentiment de contigut ou le rapport de proximit avec des pairs paratdonc un des paramtres essentiels aux transformations identitaires sur le plan pro-fessionnel, modifiant le rapport au travail et aux apprenants des enseignants.

    Quant au rapport aux collgues, il peut tre vcu sur un autre mode, celui dela confrontation/affirmation, selon ce quen dit une enseignante qui a eu une exp-rience de dlgue syndicale qui la aide dans son affirmation professionnelle :

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    [...] je me suis habitue un moment donn dfendre les points de vuedes autres, dfendre aussi mes points de vue, prendre une confiance [...]a te donne une force (C1, 298-305).

    Elle dit avoir appris saffirmer travers sa confrontation avec des collgues(une en particulier) (C1, 469-473).

    Enfin, lexploration des avenues possibles lors dune remise en question ne sauraitse faire sans un retour sur soi, sans un regard introspectif qui amne lenseignante prendre la juste mesure de ses capacits, de ses gots, de ses limites, de ses valeurs,donc de son rapport lenseignement. Cest ce quon a vu dans certains extraits,lorsquune enseignante par exemple en parlant de ses remises en question affir-mait : On se fait de lautovaluation, alors moi aussi je me remets en question aveceux [...] (C0, 326-327) ; ou encore cette autre que des changements dans la tcheont amene [...] aller voir plus lintrieur de moi toutes mes capacits (H3,623-624) ; et celle-ci affirmant que les transformations taient dues principalement des cours [...] de croissance personnelle, des choses pour grandir [...] et moia ma appris me connatre [...] (H4, 443-446).

    La formation continue, la collaboration avec les collgues et la connaissancede soi sont les principaux moyens mis en uvre par les enseignantes pour explorerde nouvelles avenues aprs une priode de remise en question, ce qui renforce leurssentiments de congruence, de comptence, destime de soi et de direction de soi.Les enseignantes qui ont une exprience denseignement en formation des matresvivent-elles le processus de remise en question de la mme faon ou peuvent-ellesnous apprendre autre chose sur celui-ci ? Cest ce que nous voyons maintenant.

    Les enseignantes ayant une exprience en formation des matres

    Dans la deuxime srie dentrevues, comme il a t mentionn, les entretiensont t raliss auprs de 11 enseignantes ayant une exprience concurrente ousubsquente en formation des matres. Ces enseignantes avaient une expriencedenseignement au prscolaire ou au primaire variant de dix trente-deux ans, etune exprience denseignement luniversit de un six ans, soit comme chargede cours ou professeure invite (en prt de service de la commission scolaire), enlien avec la formation pratique. Ces enseignantes se distinguent des prcdentesen ce quelles possdent toutes (sauf une) un diplme de matrise et que troisdentre elles ont commenc ou poursuivent des tudes doctorales. On retrouvebeaucoup de similitudes avec leurs consurs du point de vue des remises en ques-tion, des changements vcus et du processus de transformation.

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    Les similitudes

    Lextrait suivant illustre de faon typique limportance des remises en ques-tion, du recours la formation et du retour sur soi :

    La crise, cest important... Le doute, le questionnement, cest important pourchanger, pour trouver des nouveaux moyens, pour aller plus loin. [...] jensortais trs stimule puis avec des dcouvertes nouvelles (C6F, 936-941).

    Une formation de mise jour et la dcouverte de la pdagogie centre surllve (Summerhill) lont beaucoup marque ainsi que la dcouverte de tout cequi concernait le dveloppement de la personne.

    [...] ctait le dveloppement de la personne, ctait les dbuts et cest l quejai remis en question le plus ce que je faisais, lintrt me dvelopper moi-mme, changer quelque chose. Jtais une personne timide, trs renfermesur moi-mme. Alors, cest l que jai commenc mouvrir (962-969).

    On relve galement les modifications de tche ou dordre denseignementcomme facteurs ou dclencheurs de changements, comme le souligne une enseignantequi dit avoir vcu bien des changements (de classes, dcoles), donc beaucoupde rvolutions (C5F, 919). Elle ajoute que [...] quand il y a un changementde tches, a a toujours t [...] des temps trs forts de remise en question (1112-1114) et quil [...] faut, comme enseignant, demeurer en apprentissage. [...] Il ya des choses quon acquiert, il y a des choses qui deviennent plus solides, il y a desconvictions qui sinstallent aussi, puis en mme temps, il faut rester lafft (929-934) ; ou cette autre qui a ressenti beaucoup dinsatisfaction en changeantde classe (4e, 5e, 6e), se sentant incomptente

    [...] je me sentais incomptente en musique, par exemple, en sciences humaines,en sciences de la nature, en religion, en arts plastiques, en ducation phy-sique et jtais insatisfaite de moi ces niveaux-l, il me semblait que jtaisjamais suffisamment bien prpare (H5F, 735-740).

    Elle se perfectionne alors en enseignement du franais langue seconde etenseigne la mme matire plusieurs niveaux : Et a, jai trouv a trs trs satis-faisant parce que l je me sentais comptente (H5F, 758-759).

    Les diffrences

    On observe ici une diffrence avec le premier groupe denseignantes, la foissur le plan du rapport avec les collgues et, plus largement, avec le milieu densei-gnement au prscolaire et au primaire. Plusieurs voquent en effet des difficultsvcues dans ce milieu quelles jugent souvent conservateur et qui ne les a pas appuyes

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    dans lapproche pdagogique plus novatrice quelles pratiquaient ou dans des pro-jets quelles voulaient dvelopper. Par exemple, cette enseignante dit avoir trouvdifficile le fait que, dans le milieu, beaucoup ne croient pas rellement au potentieldes enfants en difficult (C5F, 855 et ss). Elle dit avoir d apprendre dvelopperun certain dtachement et une certaine distance par rapport lopinion ou la faonde fonctionner de ses collgues : Alors jai d travailler trs fort par rapport a.Dtre capable daccepter que les gens ninterviennent pas comme moi (962-964).Elle dit avoir appris [...] ddramatiser au lieu dtre en raction motive [..] (965-966), par souci que ces ractions ne se rpercutent pas sur les lves. Parailleurs, lorsquelle ne se sentait pas appuye par les collgues ou le milieu, ellecentrait son attention sur les enfants qui lui renvoient du feed-back positif : Cestles enfants qui me faisaient sentir que ctait correct, parce quils me donnaient desfeed back positifs par rapport lapproche que javais (1541-1543).

    Dautres enseignantes vont dans le mme sens, dont une qui dit avoir vcudes difficults dans un milieu favorisant peu les innovations pdagogiques ou unefaon diffrente de fonctionner :

    [...] moi en dbut danne [...], jinvite les parents venir en classe quand ilsle veulent, ils sont les bienvenus. Et l, une enseignante du 2e cycle est venueme voir pour me dire que je navais pas le droit de faire a, que si je faisais a,ctait des prcdents et quelle aussi devrait faire a et que... les parentsavaient pas leur place dans lcole (M5F, 909-916). Les crises que jai vcuesdifficilement taient bien plus lies au contexte ou lentourage (965-966).

    Elle a peu de rapports avec ses collgues, mais sa force de caractre et des convic-tions profondes quant la relation pdagogique lui permettent de continuer fonctionner tel quelle lentend : En mme temps, cest des croyances profondesqui me font dire quil faut continuer, doucement, faire face (1005-1007).

    Une autre enseignante sest sentie observe par ses collgues lorsquelle a com-menc aborder des approches moins conventionnelles. Elle a quand mme poursuividans cette voie un certain temps: Jtais cohrente avec moi, mais je me question-nais ; je me disais que peut-tre que ce nest pas comme a ou peut-tre que je nedevrais pas, mais finalement, mes ides reprenaient le dessus [...] (R5F, 726-730).Rcemment, elle a quitt lenseignement primaire pour enseigner luniversit, titre de charge de cours et en vue de poursuivre des tudes doctorales, linstardune autre enseignante (M6F).

    Les faons de rsoudre la crise ou damener des transformations

    Les enseignantes qui nont pas t soutenues par leur milieu ont d faire preuvede beaucoup dautonomie dans lexercice de leurs fonctions. Quand le milieu ne

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    les confortait pas dans leur approche, elles valuaient leur pratique par les ractionset le rendement des lves, comme la mentionn une des enseignantes prcdem-ment cite : Cest les enfants qui me faisaient sentir que ctait correct, parce quilsme donnaient des feed-back positifs par rapport lapproche que javais (C5F, 1541-1543). Cest ce quexprime aussi une autre enseignante en disant que le feed-backdes enfants et leur performance lont confirme dans son approche (M5F, 696 et ss).

    Cest donc surtout en faisant preuve dautonomie, en valuant leur pratiquepar le feed-back des lves et en poursuivant leur formation, ce qui les a conduites sinvestir dans la formation des matres, que ces enseignantes ont rsolu la crisequelles vivaient par rapport leur mtier denseignante. Toutes les enseignantesde ce groupe nont cependant pas vcu de problmes aussi majeurs, mais elles onttoutes suivi diffrentes formations, ce qui a fortifi leur sentiment de comptence,et parfois exerc dautres fonctions que celle denseignante, pour viter la routine.Aprs avoir suivi une formation en langue seconde, cette enseignante sentait toute-fois toujours un besoin de changement et est alle enseigner trois ans en Afrique. son retour, elle a t choisie pour tre agente de dveloppement pdagogique(ADP) au ministre de lducation.

    Jai dcouvert plein dhorizons, comme ADP, javais le droit de faire toutle perfectionnement que je voulais, on avait le droit de participer tousles congrs, on tait invit tous les colloques qui se donnaient au Qubec.Jai eu deux excellents collgues qui mont fait lire, qui mont duque eta a t vraiment pour moi une dcouverte, ces deux annes comme agentede dveloppement pdagogique. Je suis revenue enseigner un an et l, jaivraiment essay plein de nouvelles choses (H5F, 803-813).

    Elle a labor un guide pdagogique et dit avoir fait des confrences, publides livres (886-887). Toute la valorisation qui est venue avec a aussi, cest devenuplus stimulant lenseignement comme tel (887-889). Puis elle a t conseillrepdagogique, directrice adjointe et elle a commenc enseigner luniversit, cedont elle se dit trs contente (902 et ss). Elle identifie la routinisation (909) commelennemi numro un de lenseignant.

    La routine est dailleurs contre par la varit des expriences professionnelleset par louverture de nouveaux horizons par des formations diverses. De l dcouleune valorisation par le regard des autres (pairs et communaut ducative). Cestce quexprime une autre enseignante lorsquelle parle de ses tudes de matrise :

    [...] a a vraiment t un beau cadeau que je me suis offert et a na paschang ma philosophie de lducation, mais a ma permis dvoluer dansma pense, dans lesprit de synthse, dans [...] tre capable de communiquerce que je fais, mettre des mots aussi sur ce que je fais, dtre capable de lecommuniquer dautres et a a t beaucoup valoris, autant par ma com-mission scolaire que personnellement dans mon travail (H6F, 407-415).

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    Elle affirme par ailleurs que le fait de faire une matrise a chang sa pratiqueavec les enfants parce quelle a fait une recherche-action [...] qui a donn des stra-tgies, des moyens pour mieux respecter les diffrences des enfants la maternelle(421-424).

    Bref, la deuxime srie dentrevues avec les enseignantes-formatrices vientconfirmer plusieurs lments relevs dans la premire srie. Cela met davantageen vidence lautonomie et laffirmation professionnelles, limportance de lallo-valuation par les lves et de la valorisation par les pairs ou par le milieu ducatifque procurent lobtention dun diplme de matrise ou la ralisation de certainesactivits professionnelles (dveloppement pdagogique, confrences, etc.).

    Conclusion

    Quelle conclusion peut-on tirer de la prsentation des deux sries dentrevuesau regard de la construction identitaire de lenseignant et sur le plan professionnel ?On a vu que lidentit professionnelle de lenseignant consiste en la reprsentationquil labore de lui-mme en tant quenseignant et quelle se situe au point dinter-section engendr par la dynamique interactionnelle entre les reprsentations quila de lui-mme comme personne et celles quil a des enseignants et de la professionenseignante. Celles-ci portent sur son rapport son travail, comme professionnelde lducation/apprentissage, ses responsabilits, aux apprenants et aux collguesainsi quau corps enseignant et aux autres acteurs engags dans lcole commeinstitution sociale. On a galement vu que ces composantes de lidentit font appel la matrise de certaines qualits professionnelles, sous forme de comptences, desavoirs, dhabilets. Ces qualits, considres sous langle de la construction delidentit professionnelle, renvoient dans le modle que nous proposons aux proces-sus didentisation et didentification mis en uvre dans la construction identitairedans un mouvement caractris par le dynamisme et linteraction.

    Cest ce que confirme lanalyse des entrevues sous langle du processus deremise en question et dexploration qui sont les moteurs de la transformationidentitaire. On note en effet limportance et la rcurrence des moments de remisesen question chez tous les sujets. Les modes dexploration de nouvelles avenues etde transformation sont diffrents, mais consistent globalement dans le recours la formation continue, la collaboration avec les collgues, au retour sur soi (meilleureconnaissance de soi), lauto et lallovaluation, au dveloppement de lauto-nomie et lexercice de diverses fonctions qui, avec la diplomation de deuxime,voire de troisime cycle, entranent un sentiment de valorisation. Les remises enquestion et lexploration de nouvelles avenues, ncessaires de lavis de toutes lesenseignantes, renforcent en retour les sentiments de congruence, de comptence,

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    destime de soi et de direction de soi qui, sur le plan professionnel, sont au curde la construction identaire.

    Ce que montre par ailleurs ce court priple dans la construction identitairedenseignantes, cest limportance de lexploration de nouvelles avenues pour favoriserla construction de lidentit professionnelle, dont on ne peut penser quelle estdfinie une fois pour toutes par des paramtres rigides. Bien quelle se situe dansun contexte social et professionnel qui posent certaines balises, lidentit profes-sionnelle est un processus en constante volution, sous limpulsion de lenseignantqui est le principal acteur de sa transformation. Comme laffirme une enseignante,cest la routinisation qui est le pire ennemi de lenseignant. Lidentit profes-sionnelle rsulte de dsquilibres successifs et non dune stabilit inaltrable. Ellene consiste pas en la ritration du mme, dun modle fig, mais dans la trajec-toire dun individu travers les diffrents visages quelle peut prendre. Cest celaquon appelle lautonomie professionnelle.

    NOTES

    1. Sauf pour lautrice premire, responsable du projet, lordre des auteurs respecte lordre alphab-tique. Les premiers travaux relis cette recherche ont t raliss grce une subvention duFonds de dveloppement acadmique du rseau de lUniversit du Qubec (FODAR). Ils ontpu tre poursuivis grce une subvention du Conseil de recherche en sciences humaines duCanada (CRSH 410-99-1519).

    2. Les concepts didentisation et didentificaton ont t emprunts Pierre Tap et appliqus ici la construction de lidentit professionnelle. En peu de mots, lidentisation est le mcanismepar lequel lindividu tend se singulariser, se distinguer des autres, et lidentification est celuipar lequel la personne se reconnat des ressemblances avec ses diffrents groupes dappartenance.Ces processus sont dialectiquement et inextricablement lis.

    3. Nous retenons la dyade ducation/apprentissage pour signifier que lacte ou laction ducativedborde lenseignement en classe, puisquil peut tre effectu en contexte non scolaire et quilinclut les finalits ducatives et les fondements axiologiques qui sous-tendent lacte denseigner.

    4. Dans What Makes a Good Teacher, Hare (1993) identifie ce quil dsigne comme des vertusou des qualits que devrait possder lenseignant en tant que personne, allguant quon sentient trop souvent, dans la documentation actuelle, la dtermination de comptences mesurables qui refltent une conception trop mcaniste de lenseignant qui, selon lui, doitfaire montre des qualits suivantes: humilit, courage, impartialit, ouverture desprit, empathie,enthousiasme, jugement et imagination. Hare accorde aussi au jugement une place capitaledans lexercie du mtier denseignant.

    5. Ces entrevues, semi-diriges, ont t menes en 1997 auprs denseignantes du prscolaire etdu primaire dans diverses rgions du Qubec, soit Montral, Hull, Chicoutimi et Rimouski.Ces enseignantes ont t choisies en fonction de leur vcu respectif diversifi, afin de voir silon retrouvait une trame de fond dans leur cheminement professionnel, au-del des singu-larits de leurs expriences individuelles. La mthode de lanalyse de contenu thmatique at utilise pour analyser ces entrevues, dont on a rendu compte ailleurs (Gohier et al., 1999b),dune faon plus dtaille, par la mise au jour dlments relatifs la conception de la profes-sion et de lidentit professionnelle de ces enseignantes.

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    6. Ces entrevues semi-diriges ont t ralises en 1998. Les personnes ont t choisies sur la basede leur double exprience, au prscolaire ou au primaire, et luniversit. Certaines occupaientconcurremment les deux fonctions, dautres enseignaient luniversit, mais nexeraient plusau primaire. La mthode danalyse de contenu thmatique a galement t utilise. Ces entre-tiens ont t analyss par Gohier et al. (1998) sous langle du sentiment de continuit ou derupture vcu, sur le plan de lidentit professionnelle, eu gard lexercice de la double fonction.

    7. La lettre numrote renvoie au sujet et les chiffres aux lignes des entrevues cites.

    Abstract This article begins by presenting the dynamic and interactive model of teachersconstruction of personal identity as related to both psychological and sociological dimen-sions. The underpinning of this model is a definition of teachers professional identity andthe various components associated with the required professional qualities. The authorsanalyse the results of semi-directed interviews of two groups of teachers the first groupcomprising of primary level teachers, the second group of teachers with experience in teachertraining. These results illustrate the dynamic and interactive nature of identity construc-tion as shown by the process of self-questioning, of change, and of problem resolution.

    Resumen El texto comienza presentando un modelo dinmico e interactivo de la construc-cin de la identidad profesional del docente, el cual hace referencia a las dimensionespsicolgicas y sociales del proceso. El modelo presentado implica una definicin espec-fica de la identidad profesional y de los diversos componentes que estn asociados a lascualidades docentes. Son presentadas tambin, entrevistas semi-dirigidas llevadas cabo condos grupos de profesionales de la enseanza : uno compuesto de maestros de escuelas pri-marias y otro de docentes que han tenido experiencia en la formacin de maestros. El anlisispermite ilustrar el carcter dinmico e interactivo de la construccin de la identidad pro-fesional docente, la cual se manifiesta en los procesos de cuestionamiento, de cambio y deresolucin de problemas especficos.

    Zusammenfassung In diesem Beitrag wird zunchst ein dynamisches und interaktivesModell zur Erfassung der beruflichen Identitt von Lehrern vorgelegt, das sich sowohl psycho-logischer als auch soziologischer Dimensionen bedient. Dieses Modell wird gesttzt durcheine Definition der beruflichen Identitt des Lehrers sowie der verschiedenen Komponenten,die mit den beruflichen Fhigkeiten des Lehrers in Zusammenhang gebracht werden. Ineinem zweiten Ansatz werden locker gefhrte Interviews hinzugezogen, die an zwei Lehrer-gruppen durchgefhrt wurden: Die erste bestand aus festangestellten Grundschullehrerinnen,die zweite aus Lehrerinnen, die ebenfalls ber eine Ausbildung im Grundschulbereichverfgen. Die Interviews illustrieren den dynamischen und interaktiven Charakter der Identi-ttskonstruktion, die sich in der eigenen Infragestellung sowie im Entwicklungsprozessund im Problemlsungsverhalten manifestiert.

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