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Gavroche Le Parisien universel N°9 Semaine du 17 au 23 février 2011 M 011 - Gavroche hors-série : 3 € ISCPA - Institut des Médias LE BUSINESS DE  LA MORT Assurances, banques :  gare aux pièges 4 Auto : Genève pour rebondir 4 Force Ouvrière : force obscure 4 France-Mexique : la culture en otage

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Le magazine des étudiants en presse écrite

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Page 1: Gavroche 9

GavrocheLe Parisien universel

N°9 Semaine du 17 au 23 février 2011

M 011 - Gavroche hors-série : 3 €ISCPA - Institut des Médias

LE BUSINESS DE LA MORT

Assurances, banques :  gare aux pièges

4 Auto : Genève pour rebondir

4 Force Ouvrière : force obscure

4 France-Mexique : la culture en otage

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Gavroche - 17 février 2011

Sommaire

2

GavrocheRédaction : 9 rue Alexandre Parodi, 75010 Paris

Directeur de la publication : Michel Baldi

Directeur de la rédaction : Erwan Benezet

Rédacteur en chef : Laetitia Reboulleau

Secrétaire de rédaction : Pascal Golfier

Maquettiste : Benoît Magistrini, Antoine Delthil

Journalistes : Alexandre Benhadid, Alexandra Bresson, Yann

Casseville, Wilfried Corvo, Antoine Delthil, Pascal Golfier,

Audrey Loussouarn, Benoît Magistrini, Valentin Marcinkowski,

Laetitia Reboulleau, Laurence Riatto, Emmanuelle Ringot,

Clémentine Santerre

Au rythme d’une marche funè-bre, la rédaction de Gavrochesigne son dernier numéro. Leglas sonne et il est temps de sedemander : what’s next ? L’ar-gent des défunts se perd dansun système mal organisé(p4 - 7). L’année culturelleFrance-Mexique se meurt àpetit feu, à l’image de FlorenceCassez (p16-17), du font de sacellule. Et des pères sont as-sassinés par des desperados(p22). Même le sport est enberne, puisque le FrenchyTony Parker n’a pas été sélec-tionné pour le All Star Game(p18) et que les Français nebrillent pas par leurs perfor-mances en ski (p19). La justicen’est pas non plus dans sameilleure période (p15). Heu-reusement, tout n’est pas noir.Même si l’économie du Japonva mal (p12–13), le pays s’ac-croche, et le secteur automo-bile essaye de conserver unéquilibre précaire (p8–10). Ta-chons de rester positif : HECrelance le e-business avec sanouvelle chaire (p11), les gensne se mangent plus entre eux(hormis pour l’art) (p21), et lacollection Que sais-je ? nousréchauffe avec 100 mots sur lasexualité (p20). Souriez, à dé-faut de manger les pissenlitspar la racine, vous pourrezbientôt les cueillir.

p.3 Perspectivesp.4 à 7 Dossierp.14 Politiquep.15 Justice

Dossierpages 4-7Succession, gare aux banqueset assurances !Par Benoît Magistrini

Economiepages 8-10Genève, salon de la relance?Par Wilfried Corvo

Politiquepage 14Force Ouvrière, la perte devitesse continue. Par Audrey Loussouarn

Culturepages 16-17L’affaire Cassez menacel’année du Mexique en FrancePar Alexandra Bresson

Sportpage 18Tony Parker, grand absentdu All-Star Game.Par Yann Casseville

Portraitpage 24Annecy au carrefour desépoques.Par Antoine Delthil

Edito

Photo de couverture : DR

p.16 à 17 Sociétép.18 à 19 Sportp.20 à 23 Culturep.24 Portrait

DR

DR

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DR

Laetitia Reboulleau, rédactrice en chef

Page 3: Gavroche 9

Gavroche - 17 février 2011

Perspectives

3

C’est un vautour, un oiseau de malheur. Ou tout du moins, c’est la représentation qu’on se fait de lui. Il se fait connaître sous le nom d’embaumeur, thanatopracteur,

ou plus simplement de croque-mort. Spécialiste de la mise en bière, il est celui qui accompagne nos proches sur le chemin du repos éternel. Certaines professions

ont très mauvaise réputation. Croyance populaire, imaginaire collectif, différence d’univers… Les raisons sont nombreuses pour cataloguer une profession

sous de mauvais auspices. La profession de croque-mort est particulièrement touchée, de nombreuses personnes ayant peur de la mort. Un cliché que certains ont

tenté de changer, notamment les concepteurs de la série Six Feet Under, présentant de façon humoristique une famille de croque-morts. Mais comme le chantait

Brassens, «Non les brav's gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux ». Or les employés des pompes funèbres ont pour rôle de préparer le «dernier voyage »

des défunts. Une route mortuaire qui rebute le plus grand nombre, et donne naissance aux clichés, aux blagues de mauvais goût, voire dans le pire des cas à un rejet

sociétal. La dénomination de la profession en elle-même à de quoi rebuter : croque-mort. Un terme qui, selon les explications, viendrait des crocs servant à tracter les

morts de la peste, ou encore au fait que l’embaumeur était supposé mordre le pied du défunt pour s’assurer de sa mort. La définition la plus simple étant que le terme

« croquer » signifie « faire disparaitre les morts ». Si on en croit l’imaginaire populaire, les croque-morts dormiraient dans des cercueils, auraient le teint cadavérique,

collectionneraient les symboles ésotériques… Bref, autant de symboles qui tendent à effrayer. Et à faire oublier le caractère d’accompagnement des pompes funèbres,

qui encadrent aussi bien le défunt que sa famille et ses proches. Un véritable métier de relations humaines, décrié car méconnu.

Par Laetitia Reboulleau

DR

une réputation mortelle

« C’est l’histoired’un Croque-mortqui entre dans unbar et Commande

une bière… »

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Gavroche - 17 février 2011

4

Dossier

DR

A qui profitela mort?

Si le décès d’un aïeul est souvent un moment de tristesse, il s’accompagne également de lourdes charges pour

les proches du défunt. Croque-morts, assureurs, banquiers… Il faut rester vigilant malgré une période

de deuil déstabilisante. Erreurs de la banque en défaveurdes héritiers, retard de transmission des fonds sur le compte de succession, recherches à reculons des

bénéficiaires des assurances-vie, confusion entre le clientdécédé et un homonyme... Si le sort du défunt reste

peut-être encore à déterminer, c’est l’Enfer qui commencepour ceux qui restent.

Page 5: Gavroche 9

5

Gavroche - 17 février 2011

Dossier

Plus de 22 millions de

contrats pour 1 265

milliards d’euros en

France, les assurances-vie re-

présentent une machine de

guerre où intentions crapu-

leuses ou simples oublis

passeraient facilement ina-

perçues. L’argent en déshé-

rence, qui dort sagement car

«n’ayant pas trouvé preneur»

serait presque un appel du

pied. Les sommes non récla-

mées sont placées à la Caisse

des Dépôts et Conciliation dix

ans après le décès. Si aucun

n’ayant droit ne se déclare

dans les trente ans après le

décès, les sommes sont rever-

sées dans les caisses de l’Etat.

Mais le manque de transpa-

rence des assureurs et les

écarts de chiffres des orga-

nismes compétents ont de

quoi lever des interrogations.

SanctionsinsuffisantesL’intérêt de trouver les desti-

nataires des assurances-vie

est limité, voire très limité. Le

coût engendré par les éven-

tuelles recherches, sur le plan

administratif ou au niveau de

la charge supplémentaire de

travail, a de quoi démotiver

les assureurs-enquêteurs. « Ils

s’approprient les actifs à l’aban-

don, accuse maître Alain

Bousquet, président de la Fé-

dération nationale des asso-

ciations contre les abus

bancaires. Les sommes sont in-

jectées discrètement sur les

comptes des actionnaires, dans

des bonus ou dans divers inves-

tissements ». Les menaces en-

gendrées par la loi du

sénateur Hervé Maurey de

2010 ne sont pas suivies d’ef-

fets car la mise en application

est compliquée: aucun

contrôle, aucun délai, donc

aucune réelle obligation…

« Les sanctions sont insuffi-

santes et les lois promulguées

sont de la poudre aux yeux,

continue Me Bousquet. Aux

Etats-Unis, la sévérité de la Jus-

tice est beaucoup plus dissua-

sive. Au final, banques et

assureurs continuent leur pra-

tiques en toute impunité ». De

plus, quelle preuve y a-t-il

que l’assuré soit mort ou vi-

vant si la tenue des registres

est laborieuse ? Si la banque

ne joue pas l’intermédiaire,

tout bloque. Les demandes

d’identification par les assu-

reurs restent souvent lettre

morte: sur 470000 demandes,

seules 50000 réponses, pas de

quoi distinguer les morts des

vivants. Depuis décembre

2007, les assureurs ont néan-

moins accès, sur demande, au

Répertoire national d'identi-

fication des personnes phy-

siques (RNIPP) un fichier

géré par l'Insee et qui permet

de constater les décès.

Plus detransparenceLe doute est important sur

les sommes en jeu : 800 mil-

lions d’euros selon la Fédéra-

tion française des sociétés

d’assurances (FFSA), près de

cinq milliards selon les cabi-

nets privés, pour les seuls

contrats d’assurance en dés-

hérence ! L’Agira (Associa-

tion pour la gestion des

informations sur le risque

des assurances), préfère ta-

bler sur la fourchette basse.

Le dispositif, chargé de la re-

cherche de contrat d’assu-

rance non réclamé, a permis

de détecter 100 000 bénéfi-

ciaires pour quelques 550

millions d’euros en 2010.

L’Agira 2 a répondu favora-

blement, en un an seule-

ment, à 26000 demandes

pour plus de 320 millions

d’euro. Preuve que la re-

cherche des assureurs n’est

pas sans faille.

Cette réticence, les cabinets

privés de recherche de béné-

ficiaires la reconnaisse, et

l’absence de « boom d’acti-

vité » suite à la loi est un

signe qui ne trompe pas. La

société Capitaux-Recherche-

Déshérence propose depuis

2006 ses services aux assu-

reurs, en s’appuyant sur les

archives du cabinet de gé-

néalogie Coutot-Roehrig,

mais l’activité n’est pas floris-

sante malgré la législation

mise en place. « Pour les assu-

reurs, externaliser n’est pas

plus attractif, ironise Me Alain

Bousquet. Pourquoi faire des

dépenses alors qu’il n’y a aucun

risque à ne pas en faire? » g

L’argent des assurances-vie a-t-il vocation à finir dans la poche des héritiers? Frais supplé-mentaires et manne financière moindre, les assureurs ont tout intérêt à ne pas restituer lesactifs à leurs destinataires. Les contrats en déshérence sont pointés du doigt, avec une effi-cacité relative. Par Benoît Magistrini

Assurancessous risques

«Les sommes sont injectéesdiscrètement sur les comptes des

actionnaires ou investies»

Loi Maurey, adoptéeau Sénat, 29 avril 2010

• Obligation pour les compa-gnies d’assurance de s’informerannuellement du décès éven-tuel de l’assuré pour touscontrat de plus de 2000€.• Publication annuelle du nom-bre de contrats en déshérenceet le montant de leurs encours,par les quatre grandes famillesprofessionnelles de l’assuranceet de la mutualité (FFSA,FNMF, Gema, CTIP).• Parution par les assureurs dubilan des démarches de re-cherche des bénéficiaires et lessommes versées à ceux trouvés.

La Caisse des Dépôts et Consignation, créée en 1816, réceptionne les actifs en déshérence au bout de 10 ans et joue le rôle d’intermédiaire pendant 20 ans.

DR

Page 6: Gavroche 9

Gavroche - 17 février 2011

6

Dossier

Successions,

Des centaines de

coups de fil… Pour

rien. Depuis sep-

tembre 2007, la Caisse

d'épargne de Carhaix, en

Bretagne, ne daigne pas ré-

pondre à Nathalie, 40 ans. Sa

mère était titulaire de plu-

sieurs comptes à la Caisse

d'épargne et au Crédit mu-

tuel. Son décès, durant l'été

2007, a engendré le proces-

sus habituel : certificat d'hé-

rédité, acte notarié envoyé

aux banques, etc. Mais tout

bloque chez l'Ecureuil. Le

transfert des 5 719 euros des

comptes de la mère à celui de

sa fille unique ne se fait pas.

Dès lors, la méthode dite de

l'autruche est appliquée. Le

directeur de l'agence esquive

les demandes formulées par

l'héritière. Dans le même

temps, des courriers concer-

nant les comptes de la per-

sonne décédée continuent

d'être envoyés au domicile

de celle-ci. Des frais de ges-

tion de dossier de succession

sont prélevés en octobre

2008, « sans justification », es-

time l'héritière. Le PEA de la

défunte pose particulière-

ment problème, car il s'effon-

dre en 2008, lui qui est prin-

cipalement composé

d'actions Natixis, dont la

Caisse d'épargne est l'un des

actionnaires.

Les banques auxabonnés absentsClôturer un compte bancaire

après un décès coûte cher.

Ainsi, pour 3 500 euros

d'avoirs, il en coûte 140 euros

à LCL ou au Crédit agricole,

100 euros à La Banque pos-

tale et 87,50 euros à la Société

générale. Si les avoirs sont

plus importants, le plafond

flirte avec les 700 euros dans

la plupart des banques. Mais

que cachent les sommes

ponctionnées ? LCL invoque

« de lourdes recherches et le

poids de la paperasse adminis-

trative». «Faux», rétorque Me

Alain Bousquet, avocat et

président de la Fédération

nationale des associations

contre les abus bancaires, ces

opérations leur prennent

«quelques secondes en général».

La gratuité de la clôture d'un

compte, imposée par l'arrêté

du 8 mars 2005, ne s'est pas

étendue aux comptes de dé-

funts. En outre, « les banques

modifient les tarifs sans préve-

nir les clients, ce qui est

contraire au droit des contrats,

s'insurge Me Bruno Courtet,

l’avocat de Nathalie. La fixa-

tion des prix devrait se faire

opération par opération. Mais,

pour de petites sommes, per-

sonne ne prend la peine de

contester ».

« L'erreur est humaine,

concède la fille de la défunte,

mais, au bout d'un moment, la

banque aurait dû réagir. Sinon,

elle commet une faute ». Pour

son avocat, Me Bruno Cour-

tet, contacté seulement en

novembre 2009, « l'objectif

des banquiers est de garder

l'argent des défunts le plus

longtemps possible pour qu'il

continue de fructifier. Dans le

cas présent, je ne crois pas à

une mauvaise volonté délibérée.

Je penche plutôt pour de l'in-

compétence pure et simple ».

L'assignation au tribunal de

commerce de Morlaix a

néanmoins réveillé la

banque. Sa proposition de

règlement, le 25 juin 2010,

pour solder le dossier (6 200

euros, sans justification du

montant), ne satisfait cepen-

dant pas l'héritière, détermi-

née à poursuivre l'affaire

pour le principe.

Des erreurs lourdesde conséquencesLa mort d'un compagnon

peut déstabiliser une per-

sonne en situation de fai-

blesse. Brigitte, 59 ans,

ancienne informaticienne a

affronté deux cancers et deux

pontages. Depuis quelques

années, elle se trouve de sur-

croît handicapée par des

pertes de mémoire. Co-titu-

laire d'un compte-joint à La

Banque postale, celui-ci était

L’enterrement ne signifie pas forcément la fin : Oublis, manque de communication, frais de succession excessif,... Les galères ne font que commencer.

Un décès est presque toujours compliqué par de multiples formalités administratives etcomptes bancaires de la personne défunte ne fait pas exception. La ténacité est une qualitéritage. Par Benoît Magistrini

DR

Des frais de succession prohibitifs

Les frais bancaires sont excessifs ! Ce n’est pas un scoop… Et ceux concernant les clôtures de compte lors desphases de successions ne dérogent pas à la règle. Les banques se font d’ailleurs régulièrement taper sur lesdoigts par Bruxelles. Certains frais pourtant passent entre les faisceaux du radar européen. Pour les successions,les grilles tarifaires existent et ne sont pas illégales, même si elles dérangent les associations de luttes contre lesabus bancaires (ACABE, AFUB, FNACAB). Première remarque, la gratuité des clôtures de compte (depuis 2005)n’a pas impacté le prix des clôtures de comptes des défunts. Mais surtout, que cachent les sommesponctionnées ? Concrètement, le notaire signale à la banque le décès. Dès lors, celle-ci sera chargée de geler lescomptes à la date du décès, ainsi que de rechercher les différents livrets, PEA, coffre-fort… présents. Le notairepourra ensuite avoir une vision « fixe » afin de procéder au partage des biens. La mission du service chargé dessuccessions sera alors de procéder aux transferts d’actifs puis de clôturer définitivement les comptes du défunt.Avec l’informatisation surdéveloppée, cela ne prend donc guère de temps pour exécuter ces missions, simples etrépétitives. Pour justifier les tarifs allant parfois jusqu’à plus de 700 euros (pour les clients défunts ayant degrosses sommes d’avoirs), les banques invoquent de lourdes recherches et le poids de la paperasse administra-tive. « Des formalités qui ne prennent en réalité que quelques secondes », selon Maître Alain Bousquet, présidentdu FNACAB et avocat.Au vu du temps d’action pour la clôture du compte par le banquier - 30 sec selon Maître Bousquet - une fermeturede compte chez LCL contenant 5000 € d’actifs à la date du décès serait facturé 140 €, soit 16 800€/h pour labanque !

Page 7: Gavroche 9

7

Gavroche - 17 février 2011

Dossier

alimenté par la pension de re-

traite de son compagnon.

Lorsque il décède, le 2 janvier

2010, Brigitte réagit tardive-

ment. Ce n'est que le 26 jan-

vier que la retraité demande

la clôture du compte, dont

elle est désormais l'unique ti-

tulaire. Surprise : la banque

refuse, notamment parce que

le défunt a souscrit un crédit

peu avant sa mort pour ache-

ter une petite voiture et un ca-

napé. Un cadeau empoisonné

pour Brigitte, qui n'est pas co-

signataire de l'emprunt.

Comme si cela ne suffisait

pas, sa carte bancaire, qui lui

a été volée, est utilisée pour

des achats importants de jeux

vidéo sur Internet, malgré

une opposition formulée,

selon elle, « dans les délais ».

De fil en aiguille, elle se re-

trouve interdite bancaire.

Pour elle, un comportement

assimilable à de l'abus de fai-

blesse « est indéniable de la part

de La Banque postale ». Pour

cette dernière, au contraire,

« il ne faut pas tirer de conclu-

sion hâtive, tout est organisé en

interne pour éviter les conflits».

Après l'intervention de l'As-

sociation contre les abus des

banques européennes

(Acabe), La Banque postale a

finalement accepté la de-

mande de fermeture du

compte joint, celui-ci étant

créditeur au moment de la

première requête de Brigitte.

Abus de faiblesse350 euros pour une paire de

tennis et des tee-shirts à Go

Sport, la dépense est surpre-

nante de la part de cette dame

de 95 ans qui vit à Alger. De

même que l'achat répété de

billets d'avion dans les mois

précédant son décès, fin 2007.

Pour l'agence LCL de la vieille

dame, il ne fait aucun doute

que Gaétan, son seul héritier

testamentaire, titulaire d'une

procuration sur le compte de

sa belle-mère, s'est rendu cou-

pable d'abus de faiblesse en

menant grand train avec l'ar-

gent de celle-ci durant les der-

niers mois de sa vie. L'homme

«a bien voyagé», écrit ainsi la

banque dans une lettre en-

voyée au procureur de la Ré-

publique, en février 2008.

Cette correspondance entraî-

nera une enquête policière im-

pliquant jusqu'à Tracfin, la

cellule française de lutte anti-

blanchiment. Le processus de

succession sera bloqué sur ré-

quisition judiciaire. L'explica-

tion de Gaétan est toute autre.

Très attachée à sa maison en

Algérie, où elle a vécu jusqu'à

sa mort, sa belle-mère n'était

plus autonome, justifiant ainsi

les allers-retours Paris-Alger (il

dispose des factures) qu'il a ef-

fectués pour l'y rejoindre. «Je

pense avoir assuré au mieux son

confort matériel et moral», af-

firme-t-il, accusant la banque

d'excès de zèle. «Le signalement

de la banque n'est pas condamna-

ble, rapporte le notaire Jean-

Michel Chataing, mais les

formes sont pour le moins inap-

propriées». Selon LCL, « il est de

la responsabilité des conseillers

bancaires d'être vigilants, mais

c'est à Tracfin de distinguer le vrai

du faux». Pour Me Daniel Ri-

chard, l'avocat de Gaétan, « la

responsabilité contractuelle de

LCL est engagée. Nous attendons

la deuxième audience. Les gens de

LCL seront entendus le 22 sep-

tembre 2010. Ils ne s'étaient pas

présentés fin juin».

Confusion surhomonymeEn août 2008, lorsque leur

père décède, ses trois filles re-

çoivent sur le compte de suc-

cession 16000 euros

provenant de la clôture d'un

livret A de La Banque postale.

Six mois plus tard, mauvaise

surprise : la banque leur ré-

clame cette somme.

L'explication tient à une re-

grettable homonymie. La

banque a soldé le livret A d'un

autre client portant le même

nom que leur père. Ayant réa-

lisé son erreur, elle a rem-

boursé les 16000 euros au vrai

possesseur avant de se retour-

ner contre les héritières. «C'est

la procédure normale, se justifie

l'établissement. Ce genre de mé-

prise est très rare et résulte avant

tout d'une erreur humaine».

Pour les héritières, le choc est

rude. Mais c'est surtout le trai-

tement désinvolte de la part

du service des successions qui

les dérange: «Le prénom et le

nom avaient été vérifiés, raconte

Caroline, l'une des trois sœurs,

mais pas la date et le lieu de nais-

sance, qui auraient pu différencier

les deux clients». Elles ont aussi

l'impression d'être soupçon-

nées: «On nous dit que nous au-

rions dû nous rendre compte de

l'erreur. Or, notre père étant un

adepte des placements, cette

somme n'avait rien d'étonnant».

Autre preuve, selon les sœurs,

de la «mauvaise organisation

de la banque»: celle-ci n'a ré-

clamé le remboursement qu'à

deux d'entre elles. De son côté,

Caroline a souscrit un prêt sur

quatre ans consenti à taux

zéro par La Banque postale

pour rembourser le tiers de la

somme. Mais elle en fait une

question de principe : elle re-

fuse de payer les timbres pour

l'envoi des chèques de rem-

boursement du prêt.

David contreGoliathLa vigilance est de mise pour

les héritiers et batailler ferme

semble être la seule alterna-

tive pour résoudre les

conflits. Certains ont les

moyens de lutter, d'autres,

peu autonomes ou affaiblis

psychologiquement, n'ont

pas les mêmes ressources fi-

nancières et les mêmes ré-

flexes. Eternelle illustration

du combat entre le pot de

terre et le pot de fer. « Les

banques jouent sur du velours

en posant des conditions sur-

abondantes», explique Me Da-

niel Richard, avocat

spécialisé dans la défense des

épargnants. « Ralentir le pro-

cessus de succession est l'occa-

sion pour les banques de générer

de la trésorerie et d'engranger

des commissions», estime Syl-

vie Badin, la présidente de

l'Acabe.

Serge Maître, avocat et prési-

dent de l'Association française

des usagers des banques, s'in-

surge pour sa part contre

« l'opacité pratiquée et

[contre] l'incapacité technique

des agences bancaires. On

constate davantage de pro-

blèmes de succession au-

jourd'hui qu'il y a dix ans.

Mais il ne faut pas tout mettre

sur le dos des banques, il n'y

a pas d'organisation fraudu-

leuse». «Les trois quarts des

problèmes concernant les suc-

cessions résultent en fait d'er-

reurs de la part des

plaignants», rétorque un

porte-parole de LCL. Les

banques seraient donc res-

ponsables dans 25% des cas.

Un pourcentage pour lequel il

n'y a pas lieu de se vanter. g

financières qui alourdissent encore la peine éprouvée par les proches. Le traitement desessentielle pour démêler l'imbroglio de certains dossiers, et parvenir à débloquer un hé-

gare aux banques

«Ralentir le processus de successionest l'occasion pour les banques de

générer de la trésorerie»

Des défauts de transparence

Chargé des affaires ayant attrait aux successions, le service du mêmenom répond au besoin des banques de gérer la transition. Recenser lesavoirs dans les comptes souscris, les geler, en informer les héritiers etl’administration fiscale, les transférer puis les clôturer. Vraie responsabi-lité donc, pour un service dont le silence d’outre-tombe laisse songeur.Les questions sur les coûts de fonctionnement ou les effectifs restentlettre-morte. Pourtant pour fixer les tarifs des frais de successions, latransparence devrait être de mise. LCL, dont le service de successionest centralisé sur deux sites en France, estime que « les démarcheslourdes, les huissiers, l’aspect réglementaire, la recherche des bénéfi-ciaires d’assurance-vie spécifiquement chez nous (ce qui est le rôle desassureurs depuis le 17 décembre 2007),… génèrent des coûts impor-tants. Chez LCL nous avons un suivi personnalisé puisque les héritierspeuvent directement joindre le service de succession ». De son côté, la Société Générale incorpore le service de successiondans des pôles, au nombre de huit sur le territoire. Pour une gestion aucas par cas, les centralisations ne semblent pas indiquées, mais « celaévite une méconnaissance de ce type de dossier, qui sont parfois lourdet compliqué, surtout lorsque le défunt possédait un nombre d’avoirs im-portant », explique la Société Générale. Pour les banques mutualistes,comme la Caisse d’Epargne, la gestion se fait par région (ou groupe-ment de régions) et les agences mettent en relation. Pour les associa-tions de lutte contre les abus bancaires qui regrettent l’omerta, lesrelations avec les agences sont insuffisantes. « La méconnaissance desemployés en agence empêche un fonctionnement personnalisé qui per-mettrait d’éviter les contentieux réguliers, analyse Alain Bousquet. Fina-lement rien ne bouge dès que ça bloque, les conseillers sontimpuissants ».Bien sûr, dans la majorité des cas les dossiers de successions ne blo-quent pas. Mais les cas particuliers posent problèmes. « Il n’y a pas l’ex-pertise nécessaire, explique Sylvie Badin, et traiter au cas par cas coûteplus cher que de réformer l’ensemble ».

Succession, mode d’emploi

Le plus rapidement possible après le décès, les héritiers devront présenter à la (ou aux) banque(s) du défunt uneattestation notariée de succession ou un certificat d'hérédité - gratuit dans les mairies qui en délivrent -, accompa-gnés dans les deux cas d'une copie du livret de famille, ainsi que les coordonnées du notaire.En cas d'absence de réclamation d'un ayant droit, les avoirs sont transférés à la Caisse des dépôts au bout de dixans. Trente ans après le décès, les sommes sont versées dans les caisses de l'Etat.Le compte joint n'est pas soumis aux mêmes règles que les comptes individuels. Il continue de fonctionner, am-puté toutefois de la part réservataire destinée aux héritiers. Ces derniers peuvent demander à la banque par lettrerecommandée avec accusé de réception (ou en passant par le notaire) de le bloquer.Les personnes pensant être bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie, mais qui ne savent pas dans quel établis-sement ce compte est ouvert, peuvent gratuitement faire valoir leur droit de recherche de bénéficiaire devant l'or-ganisme agréé : Agira, 1, rue Jules-Lefebvre, 75431 Paris Cedex 09.Les frais d'obsèques peuvent être partiellement payés par la banque sur les avoirs des comptes du défunt, à hau-teur de 3 050 euros, sur présentation d'une facture.

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Gavroche - 17 février 2011

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Politique

Genève, le salon

Dans moins de deux

semaines, certains

constructeurs auto-

mobiles joueront leur avenir.

La crise mondiale est passée

par là et les immatriculations

ont massivement reculé en

2009 par rapport à 2008 pour

des groupes comme Porsche

(-28 %), Mercedes (-14,2 %)

ou BMW (-13,9 %), même

s’ils ont su se reprendre.

D’autres constructeurs ont

plus de difficultés. Et les dif-

férents plans de relance arri-

vent progressivement à leur

terme. Depuis le 1er janvier,

les pays européens retirent

chacun à leur tour la prime à

la casse. Tant décriée par cer-

tains spécialistes de l’auto-

mobile, elle n’était vouée,

selon eux, qu’à retarder

l’échéance d’une importante

crise qui pesait déjà sur le

marché automobile. Ce plan

presque exclusivement euro-

péen a été utilisé par qua-

torze pays de l’Union

Européenne (mais aussi au

Japon) et est encore prolongé

par huit d’entre eux.

Les effets de la prime à la

casse paraissent pour l’instant

plutôt bénéfiques. D’autant

plus qu’ils sont à lier avec

l’augmentation de la valeur

écologique tant chez les

constructeurs automobiles

que chez les consommateurs

dans leur façon de renouveler

leur voiture. En France, grâce

au bonus/malus écologique,

les émissions moyennes de

CO2 sont passées de 140g à

134g par véhicule et par kilo-

mètre, soit -4,5% en 2009. Un

effet palpable chez certains

constructeurs : Volkswagen

présentera sa Up! GolfVII

électrique et BMW dévoilera

sa Megacity, entre autres

voitures électriques ou hy-

brides. Le secteur automobile

s’est donc relancé. Cette va-

leur environnementale sem-

ble presque devenir l’argu-

ment principal dans la réus-

site de la prime à la casse.

Cependant, cela reste un coût

non-négligeable pour les

constructeurs. La consé-

quence est qu’en France, les

clients se sont surtout concen-

trés sur les petites voitures.

Une façon de profiter des

avantages de la prime à la

casse et du bonus/malus éco-

logique en atténuant les in-

convénients du prix de

l’électrique.

Au niveau mondial, la re-

lance a aussi eu lieu. Après

avoir plus que flirté avec la

zone rouge, General Motors

(GM) a pu se relever, forte-

ment subventionné par un

Etat américain impliqué au

sens propre comme au figuré.

Cela n’empêche pas le groupe

américain d’afficher des

ventes en baisse de 5,9% de

voitures neuves pour les par-

ticuliers pour l’année 2010. A

coup de «concept cars», mo-

dèles à succès et automobiles

en instance d’être commercia-

lisées, le Salon de Genève est

l’occasion rêvée et presque le

dernier espoir pour GM et

d’autres de se relever. En

Suisse, ce ne sera plus l’heure

de jouer la montre. g

Du 3 au 13 mars prochains se tient le 81e Salon automobile de Genève. Entre « conceptde constater l’influence de l’électrique sur les modèles à venir. La crise a déteint sur le secteur

Caradisiac

La Ferrari FF sera une des stars du salon de Genève qui se tiendra du 3 au 13 mars. La remplacante de la 612 Scaglietti est un break de chasse qui a de quoi surprendre les amoureux du Cheval Cabré.

Saab :Saab n’est pas passée loin du gouffre. Subissant de plein fouet la crise mondiale et les

difficultés de son groupe détenteur, General Motors, la marque suédoise a sauvé sa peau

en rentrant chez Spyker. « Un concept car est en préparation sous la direction du nouveau

designer, Jason Castriota, transfuge de Pininfarina », déclare Claude Makowski, représen-

tant de la marque nordique en France. Sur cette nouveauté, le mystère reste entier même

si on entend parler d’une concurrente de Mini inspirée de la Saab 9-2. Une Saab cabriolet

9-3 en série limitée, à l’occasion du premier anniversaire du rachat par Spyker, sera aussi au ren-

dez-vous lors du salon helvétique. Le break 9-5 Estate sera aussi présent sur le salon en Suisse avec un

modèle 9-3 rénové. Cependant, Saab reste en pleine reconstruction. «C’est laborieux, il a fallu tout redémarrer.

Notamment, le processus général que gérait General Motors auparavant », explique Claude Makowski. La marque

vise haut avec pour objectif 80000 ventes pour 2011 alors que l’année 2010 a été très compliquée avec moins de

32000 voitures vendues.

DR

Saab 9-3 Cabriolet

Page 9: Gavroche 9

9

Gavroche - 17 février 2011

Politique

cars», nouveaux modèles et voitures actuellement en vente, les visiteurs auront l’occasionautomobile, mais ce marché a su se remettre à niveau en 2010. Par Wilfried Corvo

Lancia Ypsilon

DR

de la relance

Volvo :Le constructeur suédois Volvo devrait présenter à Genève une V60

Diesel hybride « plug in », qui devrait être commercialisée dans la

foulée. Comme toute bonne hybride, elle ne sera pas 100% électrique

mais ses émissions de CO2 ne devraient pas dépasser les 50 grammes

par kilomètre, couplées à une consommation de seulement 1,9 litre

pour 100km. Volvo suit une tendance qui semble se confirmer depuis

l’année dernière. Les constructeurs automobiles prennent de plus en

plus en compte l’aspect environnemental dans leurs projets, avec en

point de mire la maîtrise d’un marché en devenir. Ancienne filiale de

Ford, la marque nordique a été rachetée par le constructeur chinois

Geely. Pourtant, les ventes de la marque avaient augmenté de 12,2%

l’année précédente. Pas assez pour aider son ancienne maison-mère,

Ford, qui enregistrait une baisse de 13,2% selon le rapport du Comité

des constructeurs français de l’automobile (CCFA). Une preuve que

Volvo ne semble pas maître de son destin.

Lancia :Au Salon de Genève, la principale attraction pour Lancia sera la nouvelle version du modèle

Ypsilon. A l’occasion de sa dernière année de commercialisation, la marque italienne s’est

dirigée vers un modèle différent. Les modifications principales sont à noter avec des

optiques plus allongées et une grille de calandre qui passe à l’horizontale. Les

design est plus masculin et sportif que celui de la génération précédente. A

l’origine la Lancia Ypsilon est un rebadgeage (réutilisation d’un modèle

d’une autre marque sous un autre nom) de l’Autobianchi A112,

mythique citadine italienne qui fut commercialisée jusqu’en

1986. Les principaux autres modèles de la marque diffè-

rent de l’esprit Lancia. Le rapprochement avec Chrysler

a été «décidé par Olivier François, le directeur fran-

çais de Lancia», explique Philippe Maury, représen-

tant de la marque. Olivier François devient directeur

de la marque américaine, dont Lancia possède les

parts à hauteur de 20%. «Ce chiffre devrait monter

jusqu’à 35%», ajoute Philippe Maury. Les voitures de

la marque resteront sous le nom de Chrysler dans le

marché anglophone. En Europe (sauf Royaume-Uni), la

«300C» de Chrysler deviendra la Lancia Thema, accom-

pagné par la Lancia «Grand Voyager».

Mitsubishi :Pour Genève, Mitsubishi se prépare à présenter un

prototype polyvalent. La Concept Global Small doit

inspirer cette citadine que le manufacturier japo-

nais devrait commercialiser en 2012 avec l’Asie en

ouverture. La marque aux trois diamants s’est éga-

lement appliquée sur l’aspect environnemental. La

consommation moyenne de dioxyde de carbone ne

devrait pas excéder les 90 grammes par kilomètre.

La marque asiatique fait également partie de celles

qui ont fortement subie la crise (-17,2% d’immatri-

culation en 2009). Au point de devoir se retirer du

rallye Paris-Dakar, quelques années après s’être

déjà retiré du championnat du monde de rallye

WRC, où les différentes générations de Mitsubishi

Lancer faisaient pourtant merveille.

Volvo V60 hybride «plug in»

Mitsubishi Global Small Concept

DR

DR

Page 10: Gavroche 9

Gavroche - 17 février 2011

10

Economie

2010, le redémarragedu marché auto

Comme au casino, la

roue tourne toujours

en économie, mais

c'est surtout de savoir dans

quel sens qui compte. Après

être passé sous le tunnel de

la crise, le marché automo-

bile a retrouvé de la vigueur

au début de l’année 2010.

Sans garantir une véritable

sortie de crise, les décisions

des instances politiques

étaient la condition sine qua

none pour que certains

constructeurs ne mettent pas

la clé sous la porte au même

titre que certaines entre-

prises du secteur bancaire.

BMW en a fait l’expérience

avec un taux d’immatricula-

tions positif selon le CCFA à

+6,2 % en 2010 (- 15,5 % en

2009). GM reste dans le néga-

tif mais fait mieux que l’an-

née précédente en passant de

-9,2 % en 2009 à -5,8 % en

2010, moins plombé par sa fi-

liale Saab (- 59,1% en 2009

mais -19,6 % en 2010). Qua-

torze pays de l’UE ont utilisé

la prime à la casse. Cette

prime, allant de 500 euros à

2 500 euros, a permis à ces

pays de renouveler leur parc

automobile. Par exemple, en

France, les voitures ont

maintenant sept ans d'an-

cienneté en moyenne. Le suc-

cès le plus flamboyant est

celui de l'Allemagne dont les

immatriculations avaient

augmenté de 40 % en début

d'année 2009. Son parc auto-

mobile était le plus vieux

d'Europe. Mais plafonné à

5 millions d'euros, les Alle-

mands ont été les premiers

à ne plus dispenser cette

prime. Une réussite qu’il faut

donc nuancer car les effets

d’une relance ne sont pas

éternels et la pérennisation

du secteur automobile doit

de nouveau se faire de ma-

nière structurelle. D'autres

ont persévéré mais les ac-

teurs du secteur automobile

craignaient déjà l'effet boo-

merang. Aux Etats-Unis,

dans le même temps, le gou-

vernement américain a dé-

cidé de fournir un soutien de

poids au groupe General

Motors en pleine crise. Un

bien pour un mal, peut-être,

car ces aides sont un coût

que GM devra bien rembour-

ser un jour. Mais pour l'ins-

tant, le marché semble

répondre favorablement à

ces soutiens.

Double impactPourtant, les effets de la

prime à la casse sont large-

ment visibles. Au début de

l’année 2010, l’éphémère

ministre de la Relance fran-

çais, Patrick Devedjian, avait

loué les chiffres en 2009

en France, considérant

« qu’elle avait atteint tous ses

objectifs » avec 600 000 primes

à 1 000 euros remboursées

avant une baisse progressive

du remboursement courant

2010 puis sa disparition to-

tale. Ce chiffre passera le

million à la rentrée 2010

pour un coût total de plus

d’un milliard d’euros pour

l’Etat à la fin de l’année. En

Europe également, l’effet

s’est senti sur le marché mais

le plus dur reste de le péren-

niser. Pour les détracteurs de

la prime à la casse, c’est son

coût qui pose problème.

Outre son financement, un

autre phénomène s’est déve-

loppé : c’est la prise en

compte de l’aspect environ-

nemental par les construc-

teurs et les acheteurs.

Objectif CO2En plus de la prime à la casse,

la France a aussi mis en place

le bonus/malus écologique.

Et les consommateurs en ont

profité. Sur les deux der-

nières années, les émissions

de CO2 ont diminué de 12%.

Une fenêtre dans laquelle

semblent vouloir se glisser

quelques constructeurs. Les

concepts cars sont de plus en

plus nombreux à prendre en

compte l’aspect écologique.

Avec les prévisions sur le pé-

trole dont la planète man-

quera obligatoirement, les

constructeurs automobiles

semblent avoir bien compris

que l’avenir du secteur pas-

sera par l’électrique. g

Entre prime à la casse en Europe et soutien de poids aux Etats-Unis, 2010 aura été l'annéede la relance pour l’automobile qui a pris la crise de plein fouet. Dans ce contexte, certainsconstructeurs ont retrouvé des couleurs pendant que d'autres n'ont pu que limiter la casse.Point positif : l’environnement prend une place plus importante. Par Wilfried Corvo

DR

Le siège de General Motors à Détroit a été un colosse au pied d’argile pendant l’intégralité de la crise économique.

La relance en chiffres

Les chiffres du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) de2010 démontrent que le marché automobile a été dopé. En dehors de l’Eu-rope, les immatriculations des particuliers sont en large augmentation, et enparticulier chez les émergents, avec l’Argentine (+40,5%), la Chine (+33,2%)et l’Inde (+31,3%) en tête. En 2009, seul le couple Asie/Océanie était dansle positif à +21,7% (+55% pour la Chine). Le marché automobile américainest également dans le positif (+5,2%). Cependant, le plus grand constructeurdu pays, General Motors a été sauvé de la faillite par le gouvernement amé-ricain, qui a pris 60% des parts du groupe en 2009. Aujourd’hui, GM est denouveau coté en bourse. En Europe, l’effet relance est relatif. L’an dernier, letaux de nouvelles immatriculations a diminué de -4,8%. Les grandes marquesfrançaises se portent plutôt bien. Peugeot-Citroën est en baisse de seulement-1,1% alors que Renault est à +5,9%. Par contre en Italie, c’est une très mau-vaise année pour Fiat (-18,7%), avec l’effet Fiat 500 qui s’amenuise.

Page 11: Gavroche 9

Economie

Dix ans après l’explo-

sion de la bulle In-

ternet, l’e-business

a finalement réussi le tour de

force de s’imposer dans

l’économie traditionnelle.

Loin derrière les Etats-Unis

dans la course à l’innovation

web, la France tente de com-

bler son retard, en mettant

notamment l’accent sur

l’enseignement auprès des

jeunes générations et futurs

entrepreneurs. Le 7 février

dernier, HEC Paris a ainsi

lancé une nouvelle formation

accélérée spécifiquement

tournée vers l’entreprenariat

sur Internet. « La création

d'une chaire de commerce élec-

tronique orientée vers l'inno-

vation, démontre l'ambition

d’HEC Paris de former de fu-

turs managers et entrepreneurs

dans l'économie numérique »

explique Bernard Ramanant-

soa, directeur général du

groupe HEC Paris. Cette

nouvelle formation s’inscrit

dans la continuité de l’an-

nonce faite au mois de dé-

cembre dernier, par trois

grands pontes de l’e-busi-

ness : Jacques-Antoine Gran-

jon (Vente-privee), Xavier

Niel (Free) et Marc Simoncini

(Meetic).

Une école spécialiséeLes trois hommes déclaraient

l’ouverture d’une nouvelle

école : l’EEMI (Ecole Euro-

péenne de Métiers de l’Inter-

net), spécialisée dans les

métiers de web. Cette école a

prévu d’ouvrir ses portes à la

rentrée prochaine, et il est

déjà possible de s’inscrire au

concours d’entrée via son site

internet*. HEC Paris emboîte

donc le pas en lançant sa

nouvelle chaire. Son certifi-

cate (formation théorique ac-

célérée) est ouvert dès le

mois d’avril, aux étudiants

de dernière année d’HEC

Paris ou titulaire d’un MBA

pour une centaine d’heures

de cours en deux mois. Le

programme a déjà recueilli

plus d’une centaine d’ins-

criptions. « Dans notre forma-

tion en master entreprenariat,

on survole un peu l’économie

numérique, cette chaire est un

complément d’apprentissage

pour ceux qui veulent entre-

prendre sur Internet », ex-

plique Vincent Juhel,

étudiant à HEC Paris et l’un

des premiers inscrits.

Toile saturée« Dans le e-business, toutes les

données de l’entreprenariat sont

chamboulées. Plus de rapidité,

plus de compétition, un retour

sur investissement plus rapide,

la formation doit être spéciali-

sée » explique Guillaume Sa-

lomon, co-fondateur du site

AJStage.com et étudiant à

HEC Paris. Le risque est donc

de pousser les néo entrepre-

neurs à faire du web pour

faire du web. La toile est

saturée de sites qui ouvrent

tous les jours notamment en

proposant un « nouveau »

service de B2C (des entre-

prises aux consommateurs).

Un grand nombre d’entre eux

échouent mais l’investisse-

ment de base étant beaucoup

moins important que dans

l’innovation industrielle, ces

revers font au final partie in-

tégrante du bon fonctionne-

ment de l’e-business.

« Internet permet de repenser

tous les métiers, de les actuali-

ser, de répondre à des demandes

qui n’auraient pas pu exister il

y a dix ans. Il faut réadapter

notre monde au web », ex-

plique Vincent Juhel. L’ave-

nir économique tend à se

tourner complètement vers

le virtuel, et il est donc natu-

rel que les écoles françaises

s’attèlent à former au mieux

les futurs entrepreneurs aux

techniques spécifiques à l’e-

business, pour que l’innova-

tion française puisse un jour

espérer rivaliser avec ses

concurrents américains.

Il faut dire que HEC Paris a

mis les petits plats dans les

grands pour rendre la forma-

tion la plus attractive possi-

ble. Gratuite, ouverte à une

poignée de privilégiés (sur

dossier), elle est aussi et

surtout parrainée par des

pointures de l’économie nu-

mérique. En plus des trois

fondateurs de l’EEMI qui

ont répondu présent, s’ajou-

tent Pierre Kosciusko-Mori-

zet (Priceminister) et Steve

Rosenblum (Pixmania).

Modèles de réussiteTous les cinq sont donc les

heureux premiers parrains

de la chaire « Digital Innova-

tion for Business ». En plus de

certains cours qu’ils dispen-

seront, ils se sont engagés à

verser près de 270 000 € par

an et ce pour une durée de

trois ans.

Après la vague d’innova-

tions industrielles qui a révo-

lutionné l’économie jusqu’en

1995, les entrepreneurs ont

finalement pris d’assaut le

monde virtuel avec succès.

Malgré l’éclatement de la

bulle spéculative Internet en

mars 2000, certains sites web

français sont devenus au-

jourd’hui des modèles de

réussite. Meetic, lancé en

2001, réalisait par exemple

un chiffre d’affaire de 133,6

millions d’euros en 2008. De

même, Priceminister, pre-

mier site d’e-commerce en

France, lancé lui-aussi en

2001, a été racheté par Raku-

ten, le plus important site

de vente en ligne japonais

pour 200 millions d’euros.

Une valorisation exception-

nelle pour Priceminister qui

a permis à Pierre Kos-

ciusko-Morizet, son fonda-

teur, d’assurer sa place au

panthéon des e-entrepre-

neurs. Un parcours sédui-

sant qui fait sûrement déjà

rêver ses premiers élèves. g

* www.eemi.com

L’ère de l’e-entreprenariatHEC Paris lance ce mois-ci la première chaire e-business en France. Objectif : former des étudiants de la prestigieuseécole de commerce aux spécificités de l’économie sur Internet. L’entreprenariat sur le web a finalement peut-être unavenir en France. Par Emmanuelle Ringot

Gavroche - 17 février 2011

11

Le risque: pousser les néo entrepre-neurs à faire du web pour faire du web

Top 10 des sitesfrançais les plusvisités

1)Orange.fr (12,000,000 de

visiteurs uniques)

2) Free.fr (9 100 000 de

visiteurs uniques)

3) Leboncoin.fr (8 100 000

de visiteurs uniques)

4) Commentcamarche.net

(7 400 000 de visiteurs

uniques)

5) Pagesjaunes.fr (7 400 000

de visiteurs uniques)

6) Dailymotion.com

(6 200 000 de visiteurs

uniques)

7) Laredoute.fr (6 200 000

de visiteurs uniques)

8) Sfr.fr (6 200 000 de

visiteurs uniques)

9) Linternaute.com (6 100 000

de visiteurs uniques)

10) Meteofrance.com

(5 600 000 de visiteurs

uniques)

*source adplanner by google

DR

L’expansion de l’économie dur internet a poussé l’école HEC Paris à en faire une filière spécialisée.

Page 12: Gavroche 9

Gavroche - 17 février 2011

12

Economie

Médaille de bronzepour le Japon

Plus de 22 000 repas ont été servis en 2009 par les Restos du Coeur.

C’est désormais officiel, le Japon n’est plus la deuxième économie du monde. La faute àune Chine toujours plus riche et désormais deuxième. L’archipel nippon ne semble paspouvoir lutter contre la puissance chinoise en Asie. Par Valentin Marcinkowski

Le Japon devait domi-

ner l’économie du

XXIe siècle, c’est en

tout cas ce que prédisaient

bon nombre d’économistes

dans les années 1980. Trois

décennies plus tard, il n’en

est rien. Pis, l’Empire du So-

leil Levant a vu le rival histo-

rique chinois lui ravir la place

de deuxième économie mon-

diale que le pays détenait de-

puis 1968. En publiant les

chiffres de sa croissance an-

nuelle pour 2010, Tokyo

montre un peu plus ses fai-

blesses et consacre la supré-

matie économique de Pékin

sur l’Asie. Un gouffre de près

de 400 milliards de dollars

sépare désormais les deux

pays (5 879 milliards de dol-

lars pour la Chine contre

5 474 milliards pour le

Japon). Paradoxalement, l’ar-

chipel nippon a enregistré

une croissance de 3,9 % en

2010. Un score honorable

après une année 2009 difficile

- où le PIB avait chuté de

6,3%- mais qui ne peut sou-

tenir la comparaison avec la

Chine et ses +10,3 %. Le PIB

par habitant des Japonais

reste cependant plus de dix

fois supérieure à celui de la

Chine.

Tel un aveu d’impuissance, le

ministre de l’Economie japo-

nais Kaoru Yosano n’a pu que

saluer, le 14 février 2011, « la

progression rapide de l’économie

chinoise» et souhaite « amélio-

rer les relations amicales entre le

Japon et la Chine sur le plan éco-

nomique ». Confronté à une

demande intérieure très fai-

ble, le renouveau de l’écono-

mie nippone passe par les

exportations et donc par la

Chine, premier partenaire

commercial de l’archipel. In-

concevable il y a encore

quelques années pour les Ja-

ponais, l’idée de se vassaliser

toujours plus à l’Empire du

Milieu pour sortir du ma-

rasme semble désormais iné-

luctable. g

La Chine est désor-

mais la deuxième

puissance écono-

mique mondiale au

détriment du Japon

sur l’année 2010.

Qu’est-ce que cela

vous inspire ?

Evelyne Dourille-

Feer. C’est un non-

événement puisque

cela a été acté dès le

deuxième trimestre

de l’année dernière.

Je trouve pourtant

extraordinaire que la Chine n’ait pas dépassé le

Japon plus tôt. Les Nippons se préparaient depuis

plusieurs années à cette éventualité. Ils ont pris une

grosse claque quand ils se sont aperçus que la mon-

tée en puissance de la Chine allait les faire reculer

de la 2e à la 3e place. Aujourd’hui, les mentalités ont

changé et cette idée est plutôt bien acceptée.

La Chine peut-elle imposer sa domination sur le

continent asiatique ?

Je ne pense pas que tout soit joué en Asie. Les Chi-

nois veulent montrer leur puissance et commettent

quelques maladresses qui pourraient leur coûter

cher, notamment sur la question nord-coréenne. Le

risque pour la Chine serait de voir tout le continent

asiatique se souder sans elle. De son côté, le Japon

aspire à vivre en circuit fermé. Le pays continuera

ses exportations pour financer l’achat de matières

premières. Le seul facteur qui pourrait inquiéter

Tokyo, et pas seulement, c’est que la Chine produit

95 % des terres rares nécessaires à la confection des

appareils électroniques. Pékin a déjà bloqué l’ap-

provisionnement à plusieurs reprises par le passé

et cela peut pénaliser l’économie japonaise.

Quelles mesures comptent prendre le gouverne-

ment de gauche, en place depuis 2009, pour relan-

cer la consommation intérieure ?

Le parti démocrate japonais a été élu sur un pro-

gramme simple : faire de la politique au service des

gens. En vingt ans, le pays a traversé diverses crises

qui ont entraîné de nombreuses dérèglementations,

notamment sur le marché du travail. La gauche

souhaite remettre l’humain au centre de l’économie

en aidant les plus précaires. Le but est de recentrer

la demande sur l’intérieur en augmentant le pou-

voir d’achat avec des transferts sociaux. L’idée sem-

ble plutôt bonne mais la pression internationale

pour réduire la dette japonaise (194 % du PIB)

risque de changer la donne.

Pourquoi le Japon n’a pas été attaqué comme la

Grèce malgré une dette abyssale ?

A la différence des Grecs, les Japonais maîtrisent

leur dette puisqu’ils en détiennent près de 95 %. Or,

il est impossible de spéculer sur seulement 5 %.

Plus de 50 % de cette dette est détenue par les insti-

tutions financières publiques du pays. C’est un pro-

blème qui les concernent eux et seulement eux.

En raison de cette dette, existe-il un risque de voir

les agences de notation dévaluer la note du

Japon ?

Il faut bien différencier deux choses : la notation à

court terme et la notation à long terme. Sur le court

terme, le Japon a la meilleure note qui existe,

preuve qu’on lui fait encore confiance. Pour le long

terme, Standard & Poor’s est la seule agence à avoir

dévaluer la note du Japon de AA+ à AA- à la fin du

mois de janvier 2011. Globalement, le pays n’a rien

à craindre de ce point de vue même si le FMI s’est

servi de ce prétexte pour appeler les Japonais à as-

sainir leurs finances au plus vite. Dans ce cas, le

gouvernement devra faire des coupes dans les dé-

penses publiques pas vraiment en adéquation avec

le programme social sur lequel il a été élu. Le bud-

get 2011 va bientôt être voté et pour l’instant, il

semblerait que la part consacrée au social soit main-

tenu comme il avait été décidé avant la dégradation

de la note. g

Propos recueillis par Valentin Marcinkowski

Evelyne Dourille-Feer : «Le Japon aspire à vivre en circuit fermé»,

docteur en Economie, japonologue et économiste au CEPII.

Malgré un taux de croissance de 3,9% en 2010, la Bourse de Tokyo et l’économie japonaise dans son ensemble nepeuvent rien face à la montée en puissance chinoise qui dépasse les 10% de croissance du PIB.

DR

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Page 13: Gavroche 9

13

Gavroche - 17 février 2011

Economie

Page 14: Gavroche 9

Politique

Les salariés ne fontplus confiance auxsyndicats. La preuve,

38 % des non syndiqués ontle sentiment que les cen-trales ne comprennent pasles salariés (sondage de laDirection de l'Animation dela Recherche des Études etdes Statistiques d’octobre2004). Alors que faire pourdépasser la barre des 10 %de syndiqués ? Force Ou-vrière (FO) s'est mis en têted’atteindre de nouveau cetobjectif lors de son 22e

congrès qui se tient à Mont-

pellier jusqu'à samedi. Latroisième force dans lemonde syndical derrière laCGT et la CFDT a réuni ses2700 délégués pendant qua-tre jours pour tenter de fixerles objectifs des trois pro-chaines années.En perte de vitesse, – FO aperdu cinq points aux élec-tions prud’homales entre

1997 et 2008 et était à la li-mite de perdre la SNCF,EDF-GDF et la Poste -, le syn-dicat prévoit de mettre enavant sa diversité politiquepour débattre des grands su-jets futurs comme la paritéhommes-femmes dans lesentreprises ou les problèmesde discrimination. Le syndi-cat, de tradition anarcho-ré-formiste, compte autant detrotskistes que de partisansde l’UMP. Il envisage d’enfaire un atout, un gage d’in-dépendance et pour cela,prend le parti de ne faire au-

cune allusion à 2012. Etquand il est question de laprésence de lepénistes dansle syndicat, le secrétaire gé-néral de FO-cadres Eric Peresréfute : « Nous avons une va-

leur commune, celle de la Répu-

blique. Le FN ne l’a pas et par

conséquent FO ne doit compter

aucun de leur sympathisant ».Pour remédier au recul évi-

dent de Force Ouvrière, lesyndicat mise tout sur laproximité. Pour le secrétairegénéral, « il faut prendre

conscience des réelles souf-

frances des salariés. Les reven-

dications ont changé et les

moyens de les exprimer égale-

ment. Les syndicats ne sont

plus les seules instances à pou-

voir les défendre ». Autant defacteurs qui font obstacles àl’intronisation de FO dans lesentreprises. Entre autres, lacentrale compte bien remet-tre au goût du jour l’impor-tance des syndicats dans lesentreprises en luttant contrel’abstentionnisme dans lesvotes des syndicats et contrele désengagement de l’Etatquant au soutien des organi-sations syndicales.

Force Ouvrière dufuturLa question ne semble paspour autant préoccuper Jean-Claude Mailly. Dans une in-terview pour Les Echos, ill’affirme : « FO est sur une

pente ascendante, n'en déplaise

à ceux qui rêvent d'une bipola-

risation du syndicalisme».Prin-cipal point de discorde avecle gouvernement, la loi sur lareprésentativité d’août 2008.Signée par le duo CGT-CFDTet par le MEDEF, elle prévoitun vote dans chaque entre-prise pour définir quellesorganisations syndicales de-vront représenter les em-ployés. Pour Eric Peres, laréforme pose un réel pro-blème de démocratie. « Le

syndicat doit désormais obtenir

10 % des voix aux élections pro-

fessionnelles dans une entre-

prise. Les syndicats moins

importants que CGT ou CFDT

sont écrasés et perdent ainsi

leur place dans les sociétés »,s’insurge-t-il. L’enjeu seraainsi de convaincre les nonsyndiqués de s’engager dansces élections pour qu’ilspuissent se retrouver dansune organisation syndicalequi leur ressemble et pour-quoi pas chez Force Ou-vrière. « On s’étonne ensuite

qu’il y ait un sentiment général

de manque de représentativité.

Cette réforme ne fait que reculer

le syndicalisme en France »,conclut Eric Peres.

L’équipe actuellerenouveléeLes PME sont les plus tou-chées par cette réforme. Lerisque majeur demeure dansl’apparition de nouveauxconflits et dans la transfor-mation des syndicats en ap-pareils politiques. Et ilsétaient déjà bien partis pour.Le but par la suite sera égale-ment de percer davantagedans les boîtes privées où FOcompte déjà 60 % de syndi-qués. Stratégie pour peserdans la politique sociale, lacentrale cherche à s’imposerprincipalement dans les dé-bats sur la protection sociale,l’emploi du service public ouencore sur les retraites. Riende nouveau depuis les réso-lutions du congrès de 2007.FO cependant l’affirme : ledialogue sur la réforme desretraites de novembre der-

nier n’est pas clos. Pour le re-nouvellement de l'équipe,aucun suspense à avoir. Surles douze membres du bu-reau de FO, un seul se voitremplacé. Bernard Devy, lespécialiste des Retraitespasse ainsi le flambeau à Phi-lippe Pihet, patron de l'uniondu Rhône. Pour ce qui est del'élection de la tête de la cen-trale, le troisième mandat deJean-Claude Mailly est as-suré par l'absence de concur-rence. Cela change de 2007.Pourtant, un des objectifs de-puis le dernier congrès étaitde renouveler l’équipe où lescadres vieillissent et sem-blent de moins en moinscomprendre les réalités surl’emploi des jeunes parexemple. Selon Eric Peres,« ces changements s’opèreront

dans les prochaines années

notamment en 2013 où auront

lieu les élections de représen-

tativité ».En attendant, FO espère bienjouer la carte de la tranquil-lité et de la confiance. Riende mieux selon le syndicatpour attirer de nouveauxadhérents. g

FO, une Force OubliéeLe 22e congrès de Force Ouvrière (FO) a débuté lundi dernier à Montpellier. Le but est de réaffirmer les objectifsdu syndicat pour les trois ans à venir. Pas si facile pour FO qui perd en auditoire et en crédibilité. Par AudreyLoussouarn

Gavroche - 17 février 2011

14

Force Ouvrière, qui organise son 22e congrès, est en perte de vitesse depuis quelques années.

DR

« Les revendications ont changéet les moyens de les exprimerégalement »

Réforme des retraites, bête noire de FO :

Réunis à Lille en juin 2007, les

délégués du 20ème congrès

de FO annonçaient déjà dans

leur résolution générale leur

revendication prioritaire pour

les trois années suivantes.

Force Ouvrière voulait ainsi lut-

ter contre les économies de

substitutions comme l’épargne

retraites qui affaiblissent les

« régimes de retraite par répar-

tition pour développer la capi-

talisation ». Tout ce que met

désormais en œuvre la ré-

forme des Retraites de novem-

bre dernier. Au moment des

revendications contre cette loi,

le syndicat n’avait pas réussi à

imposer ses journées de ras-

semblements. Aujourd’hui, il

reste cependant persuadé qu’il

pourra la faire annuler.

Page 15: Gavroche 9

justice

Des « carences mani-

festes » ont été

constatées dans le

traitement du cas Tony Meil-

hon. C’est ce qu’a déclaré Mi-

chel Mercier, ministre de la

justice, lundi 14 février à la

suite de l’étude du rapport

de l’IGS sur l’accompagne-

ment du meurtrier présumé

de Laetitia Perrais. Ce rap-

port met en avant des dis-

fonctionnements dans la

transmission des directives

entre le juge d’application

des peines (JAP) et les ser-

vices pénitentiaires d’inser-

tion et de probation (SPIP).

Alors que le JAP notifiait

l’urgence de la saisie des ser-

vices pénitentiaires dès juin

2009, après une condamna-

tion en récidive de Tony

Meilhon, ils ne le sont qu’en

novembre 2009. Et lorsque

Tony Meilhon sort de prison

le 24 février 2010, le conseil-

ler d’insertion et de proba-

tion (CIP) en charge de son

dossier, surchargé de travail,

décide de « prioriser » d’au-

tres cas estimés plus sensi-

bles. Résultat : le CIP ne

rencontre pas Tony Meilhon,

pas plus que le service

médico-psychiatrique qui

s’occupait de lui. Les infor-

mations circulent mal, voire

pas, entre les services et le

SPIP ne prend aucune me-

sure particulière.

Une «responsabilitécollective»Ce sont donc principalement

les services pénitentiaires qui

sont mis en cause par le rap-

port de l’IGS, même si le

garde des sceaux a parlé de

«responsabilité collective». Bien

que blanchis, les magistrats

restent mobilisés après plu-

sieurs jours de report des au-

diences non-urgentes dans

plus de 70 circonscriptions. Si

le gel des audiences a été levé

avec la diffusion des conclu-

sions sur le rapport d’inspec-

tion, les magistrats n’en ou-

blient pas moins les

interventions du président

Nicolas Sarkozy ni le manque

de moyens auquel ils doivent

faire face.

«La phrase de Nicolas Sarkozy

réclamant que des coupables

soient punis parmi les magis-

trats, alors même que le rapport

n’était pas encore étudié, a été la

goutte d’eau qui a fait déborder le

vase», explique Julie Couty,

substitut du procureur au tri-

bunal de grande instance de

Pontoise (95). Une déclaration

vécue comme une attaque di-

recte du président, qualifié

avec humour de «multi-réci-

diviste» par le juge Trévidic

le7février dernier puisqu’il

avait déjà eu des mots avec la

magistrature. Et le mouve-

ment déclenché par cette dé-

claration perdure puisque

mardi 15 février, les princi-

paux syndicats de la magis-

trature ont appelé à appliquer

stricto sensu toutes les procé-

dures prévues par la loi afin

de mettre en lumière la pénu-

rie de moyens de la justice.

«Par ce procédé, tout en

continuant notre travail, nous

voulons mettre en avant l’empi-

lement législatif parfois contra-

dictoire de ces dernières années et

l’impossibilité de suivre certaines

directives par manque d’argent et

de personnel», reprend la subs-

titut du procureur. Ce

manque de moyens est bien le

centre du problème puisque,

selon Marie-Odile Bertella-

Geoffroy, membre du syndi-

cat FO magistrats, il se trouve

à l’origine des «responsabili-

tés individuelles qui ont été

identifiées» dans l’affaire Lae-

titia. Impossible donc, pour

elle, de mettre en cause des

personnes qui ne sont pas en

mesure d’effectuer, au quoti-

dien, leur travail correcte-

ment. Dans le département

du Val d’Oise (95), comme en

Loire-Atlantique (44), un CIP

s’occupe de 120 à 130 dossiers.

S’il doit tous les traiter équita-

blement, cela revient à passer

sept minutes par mois sur

chaque cas. Le tri devient

donc indispensable pour les

conseillers, au risque de ne

pas détecter la dangerosité

potentielle d’individus ou

de négliger les procédures

de suivi.

Un suivi négligéQuant au JAP, il est en

charge d’environ 1200 dos-

siers en permanence. Une

somme de travail impossible

à supporter, à tel point que

certaines mesures ne sont

parfois même plus requises.

« Aujourd’hui, on est bien

conscient par exemple que les

suivis pour les procédures

de mise à l’épreuve sont très

longs à mettre en place »,

illustre Julie Couty. Alors

même qu’il s’agit d’une me-

sure souvent utile permet-

tant d’éviter l’incarcération

et de désengorger des pri-

sons françaises surpeuplées.

« Tout doit être revu en termes

de moyens dans la chaîne pé-

nale, afin que le système puisse

fonctionner correctement », in-

siste Marie-Odile Bertella-

Geoffroy.

Or c’est le président de la Ré-

publique qui est censé, selon

l’article 5 de la Constitution,

être le garant de la justice en

lui donnant les moyens d’agir.

La frustration monte donc

d’autant plus dans les rangs

des magistrats qui se sentent

à la fois délaissés et visés à

tort. Dans ce contexte, les cinq

millions d’euros et les 400

postes de greffiers promis par

Michel Mercier afin de palier

en urgence aux manques les

plus criants des tribunaux

font bien pâle figure. g

Les magistrats prônentl’excès de zèle

Le garde des sceaux Michel Mercier rendait public, le 14 février dernier, le contenu du rapport de l’Inspection Gé-nérale des Services (IGS) sur l’affaire Laetitia. Ses conclusions mettent en cause les services pénitentiaires mais in-nocentent les magistrats qui, solidaires, poursuivent leur protestation contre le manque de moyens de la justice.Par Pascal Golfier

Gavroche - 17 février 2011

15

Les magistrats poursuivent leurs protestations.

DR

3 questions à Maître Sophie Millot, avocate pénaliste au barreau de Paris.

Les avocats soutiennent-ils les magistrats dans leurs protestations ?

Dans l’ensemble oui, et j’étais d’ailleurs à la manifestation du jeudi 10 février. Il est inadmissible que le président

cherche des coupables au lieu de trouver des solutions aux manques de moyens de la justice, que ce soit en

termes d’argent, de personnel ou de temps.

Comment ces pénuries influent sur le fonctionnement de la justice ?

Les juges sont surchargés de travail et certaines mesures deviennent quasi inapplicables. Les travaux d’intérêts

généraux par exemple sont de moins en moins requis. L’incarcération en détention provisoire devient « normale »

car plus simple qu’un contrôle judiciaire. Alors même qu’elle est souvent inadaptée et surtout, conçue comme une

procédure exceptionnelle ne concernant que des mis en examen jugés dangereux.

L’arrivée de jurés populaires pour des affaires correctionnelles, comme le souhaite Nicolas Sarkozy,

sera-t-elle une aide ?

Je ne pense pas car il sera difficile pour les gens de s’intéresser à des affaires parfois très complexe. En plus, les

magistrats sont des professionnels du droit, c’est leur métier. Ce qui n’est pas le cas de civils. Et puis cela revient

à expliquer au peuple qu’il serait peut-être plus compétent que les juges. Au contraire, pour moi une telle mesure

participe à créer une mauvaise image de la justice auprès des gens.

Page 16: Gavroche 9

Gavroche - 17 février 2011

16

Société

L’année du Mexique

Le verdict a fait l’effet

d’un coup de massue

pour la France. Le

pourvoi en cassation de Flo-

rence Cassez a été refusé le

jeudi 10 février, la condam-

nant définitivement à 60 ans

de prison. Les réactions de la

famille de la Française de 36

ans accusée de complicité

d’enlèvements ne se sont pas

faites attendre. Sa mère jette

le premier pavée dans la

mare en demandant l’annu-

lation pure et simple de l’an-

née du Mexique en France,

partenariat culturel entre les

deux pays. « Il est impensable

de fêter le Mexique en France ! »

déclarait Charlotte Cassez,

lors d'une conférence de

presse dans le cabinet de son

avocat français à Lille. Mise

en place le 27 mai 2010 par

Bernard Kouchner, l’année

du Mexique en France se de-

vait d’être grandiose. Plus de

300 manifestations ont été

mise en place dans divers

domaines : cinéma, arts de la

scène, expositions patrimo-

niales, littérature, échanges

universitaires et acadé-

miques, sciences et tech-

niques dans de nombreuses

villes françaises de février à

décembre 2011. La demande

de Charlotte Cassez a rapi-

dement pris de l’ampleur,

notamment à la suite de dé-

clarations de plusieurs poli-

tiques sur le sujet. Michèle

Alliot-Marie, ministre des

Affaires étrangères, a an-

noncé qu'elle ne participerait

à aucune manifestation de

l'année du Mexique et a dé-

noncé un « déni de justice »,

François Baroin, porte parole

du gouvernement, évoque

quant à lui un « point de cris-

pation » entre Paris et

Mexico. A Lille, l’exposition

Drôle d’estampes, calaveras et

caetera labellisée année du

Mexique en France, a été an-

nulé sous la demande de son

maire Martine Aubry dès le

lendemain de l’annonce du

jugement, avant même que

Nicolas Sarkozy n’accueille

les parents de Florence Cas-

sez à l’Elysée le 14 février.

« Personnellement j’aurais pré-

féré que l’exposition soit main-

tenue tout en y réservant un

espace à Florence Cassez mais je

suis solidaire, alors je com-

prends la décision de la mairie

de l’annuler. Florence Cassez

est originaire de Lille, ses pa-

rents habitent dans la région,

Martine Aubry se devait

d’agir », déclare Alain Buyse,

commissaire de l’exposition.

Le pire ce seraitl’oubliLe président de la Répu-

blique, en contact régulier

avec la Française incarcérée,

se retrouve maintenant dans

une situation compliquée :

lui qui prévoit une réforme

du système monétaire inter-

national, a demandé à son

homologue mexicain Felipe

Calderon de travailler sur

cette question avec la chan-

celière allemande Angela

Merkel en vue de la pro-

chaine réunion du G20. Un

G20 dont le Mexique pren-

dra la tête en 2012. Mais pa-

rallèlement, avec l’affaire

Cassez, celui-ci se trouve

dans l’obligation de saisir la

Cour internationale de Jus-

tice de La Haye ou la Cour

interaméricaine des droits

Emprisonnée depuis plus de cinq ans à Tepepan, Florence Cassez défraye toujours la chro-française est inébranlable. Nicolas Sarkozy demeure son principal défenseur, au point

Florence Cassez est emprisonnée à Tepepan au Mexique depuis 2005.

Ladepeche.f

r

Page 17: Gavroche 9

17

Gavroche - 17 février 2011

Société

de l’homme au Costa Rica.

Face au refus constant du

Mexique de transférer Flo-

rence Cassez en France, le

boycott de l’année France -

Mexique se devait de repré-

senter le moyen le plus ra-

pide et direct pour montrer

un désaccord politique.

Pourtant la principale inté-

ressée ne se dit pas du tout

favorable à cette idée. Pour

elle, l’année du Mexique en

France est le meilleur

moyen d’aborder son cas.

« Le pire, ce serait l'oubli », a-

t-elle déclaré. C’est donc en

accord avec la famille Cas-

sez que Nicolas Sarkozy a

décidé de maintenir les ma-

nifestations de l’année du

Mexique en France et même

de les dédier à la Lilloise.

La culture en otageMais, le 14 février, à peine la

décision de maintenir le par-

tenariat culturel prise, le

gouvernement mexicain an-

nonce quelques heures plus

tard son retrait de l'organisa-

tion. « A la lumière des déclara-

tions du président Sarkozy, le

gouvernement du Mexique

considère que n'existent pas les

conditions pour que l'année du

Mexique en France soit menée

à bien de manière appropriée et

que soit mis en œuvre l'objectif

pour lequel elle avait été

conçue », indique le ministère

des Affaires Etrangères

mexicain. « Le gouvernement

mexicain estime qu'il n'est pas

sain de lier un cas pénal avec

un évènement culturel. Consé-

quence : le financement mexi-

cain pour les multiples

manifestations en France est en

suspens tant qu’on n’aura pas

le mot de la fin au grand désar-

roi de certains organisateurs

qui ont attendu février pour

leur inauguration », explique

Miguel Gleason, président

de l’association culturelle

Mexique en France. Lancée

officiellement le 3 février au

Musée d’Orsay mais com-

mencée dès janvier 2011,

l’année du Mexique en

France ne pouvait preste-

ment pas être annulée par

Nicolas Sarkozy, l’idée d’un

partenariat émanant de la

France dès l’année 2009 alors

que Florence Cassez était

déjà emprisonnée. De son

côté, le Mexique souffle le

chaud et le froid en se disant

finalement prêt à participer

à la seule condition que les

autorités françaises renon-

cent à la lier à l'affaire Flo-

rence Cassez. « Nous sommes

là, nous sommes prêts, nous

avons déjà commencé à organi-

ser quelques événements, si on

respecte les conditions par les-

quelles nous avons été invités »,

a affirmé mardi 15 février

l'ambassadeur du pays en

France, Carlos De Icaza. Les

manifestations se déroulant

depuis janvier ou dans les

prochaines semaines sont

presque assurées d’avoir

lieu. « Le financement de cette

année mexicaine dépendant en

grande partie du mécénat d’en-

treprises comme Air France,

Axa ou encore Schneider Elec-

tric rien n’est totalement

perdu » annonce Pascal San-

gnier, directeur du lycée

Louis Gailloux de Rennes

qui doit accueillir du 16 au

26 février la Semaine du

goût labellisée année du

Mexique en France.

Les organisateursdans l’attenteL’exposition d’ouverture à la

Pinacothèque de Paris Les

masques de Jade Mayas qui ou-

vrira ses portes le 1er mars

sera accessible au public

quoiqu’il advienne mais

pour les manifestations com-

mençant à partir de fin fé-

vrier les organisateurs

attendent avec impatience

les décisions des chefs

d’Etats. « Cela représente des

enjeux économiques pour notre

festival et nos partenaires, toute

une équipe l’a préparé depuis

un an alors si j’annonce qu’il

n’aura pas lieu je pense que ce

sera dramatique, socialement et

psychologiquement » déclarait

sur France Inter Eric Bou-

zannet, le président du festi-

val Travelling Mexico &

Junior qui rend hommage au

cinéma mexicain du 23 fé-

vrier au 1er mars 2011. Les

visites d’écrivains, de chan-

teurs ou d’acteurs mexicains

pourraient également être

suspendues. « Il y a trente in-

vités prévus et les billets

d’avion sont réservés depuis

longtemps, précise Séverine

Létondu responsable en

communication de l’associa-

tion Clair obscur en charge

du festival Travelling, « C’est

comme préparer un mariage

puis apprendre au dernier mo-

ment que la mariée ne viendra

pas ». Toute une saison cultu-

relle est également en jeu

dans les musées car certaines

œuvres proviennent des col-

lections de l’Etat mexicain.

« Tous les tableaux de l’exposi-

tion Frida Kahlo au Musée de

L’Orangerie ont été entière-

ment envoyés depuis le

Mexique mais il y a toujours un

risque qu’ils soient « repris »,

Quant à l’exposition consacrée

à Diego Rivera au même musée,

l’envoi de tableaux est pour

l’instant au point mort », af-

firme Miguel Gleason. Du

côté du musée de Saint-Ro-

main-en-Gal qui présentera

Les cultures antiques de Vera-

cruz, l’une des expositions

les plus attendues, le person-

nel n’a pour l’instant reçu

aucune consigne d’annula-

tion. « Cette exposition a été

déjà installée en collaboration

avec trois spécialistes mexicains

et doit ouvrir ses portes dans

trois jours donc elle reste bien

programmée », assure la direc-

trice du Musée. Ce conflit

politico-culturel n’est pas

sans précédent en France. La

sortie en 1990 du livre de

Gilles Perrault Notre ami le

Roi, dans lequel l’auteur dé-

nonçait les exactions du ré-

gime d’Hassan II, alors que

la France s'apprêtait à rece-

voir ce dernier avait provo-

qué l’annulation de l’Année

du Maroc en France. Reste à

savoir si le Mexique ira à son

tour jusqu’au bout de ses

convictions… g

nique. Si la question de sa culpabilité reste encore en suspens, le soutien de la communautéde risquer l’annulation de l’année du Mexique en France. Par Aléxandra Bresson

en France menacée

L’année du Mexique en France doit se dérouler de février à décembre 2011.

Florence Cassez, cinq ans déjà

En Mars 2003, Florence Cassez originaire de Lille, décide de vivre au Mexique. Après un an sur place, elle rencon-tre Israel Vallarta, qui se dit vendeur de voiture, et s’installe avec lui dans un ranch. Le 8 décembre 2005, ce derniersoupçonné de diriger un gang responsable d’une dizaine d’enlèvements et d’un meurtre, est arrêté avec sa com-pagne sur une autoroute par la police. Le couple est une nouvelle fois arrêté le lendemain, au ranch, devant la télé-vision mexicaine qui diffuse en direct la reconstitution. Si Vallarta a reconnu les faits, il a toujours affirmé que sacompagne n’avait rien avoir avec ses agissements. Le 27 avril 2008, la Française, reconnue coupable d’enlève-ment, d’association de malfaiteurs et de possession d’armes, est condamnée à 96 ans de prison. Un an plus tard,la peine est réduite à 60 ans grâce à un appel mais le président mexicain Calderon refuse son transfèrement enFrance. L’année 2010 représentait un espoir pour Florence Cassez car le parquet mexicain a reconnu que la policementait sur la réalité de l’arrestation et qu’un témoin à charge affirme avoir avoué son nom sous la torture. Elé-ments qui n'étaient apparus ni au procès initial ni au procès en appel. Les avocats de Florence Cassez en profitentpour déposer un pourvoi en cassation qui sera rejetée le jeudi 10 février, rendant la condamnation définitive. LaFrançaise a reçu deux soutiens notables : celui de l'Eglise catholique du Mexique et celui d'un ancien procureur gé-néral fédéral. Tous les deux ont affirmé croire en son innocence. Mais pour la majorité des mexicains Florence Cas-sez est coupable. L’enlèvement et la séquestration étant des délits très graves dans ce pays, plusieurs partispolitiques réclament même la peine de mort. La présidente de l’association Alto al Secuestro (Halte aux enlève-ments) Isabel Miranda de Wallace a elle-même toujours condamné Florence Cassez : « Je suis sûre à 100% qu’elleest coupable. Elle a habité avec Israel Vallarta qui a reconnu plusieurs enlèvements. Puis David Orozco, l’un desmembres du gang l’a désigné comme l’une des responsables ». De son côté, la Française a toujours clamé son in-nocence et a même écrit un livre, A l’ombre de ma vie : prisonnière de l’Etat Mexicain sorti en février 2010.

«Les visites d’écrivains, de chanteursou d’acteurs mexicains pourraientêtre suspendues»

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10

1

Page 18: Gavroche 9

Sport

Les sélections pour le

All-Star Game an-

noncées, Tony Par-

ker, sans crier au scandale,

ne pouvait cacher qu’il

espérait être de la fête à Los

Angeles : « Je suis bien évi-

demment déçu ». Une sélec-

tion qui n’avait rien

d’utopique. Le Français

donnait d’ailleurs deux ar-

guments qui auraient pu

faire pencher la balance en

sa faveur. « Je réalise le meil-

leur début de saison de ma car-

rière et à côté de ça, San

Antonio caracole en tête avec le

meilleur bilan de son histoire ».

« Il est le meneur de jeu de la

meilleure équipe et produit ses

meilleures stats, sa sélection

était clairement possible », ac-

quiesce Florent de Lamber-

terie, journaliste pour

l’hebdomadaire BasketNews.

Thomas Félix, du magazine

BAM, mensuel spécialisé

dans le basket américain, est

encore plus affirmatif. « Il

méritait, c’est sûr ! »

Plus fort quejamaisTP déroule actuellement le

basket le plus abouti de sa

carrière. 17,3 points, 6,7

passes et 3,1 rebonds, le tout

en 33 minutes de jeu, ce qui

fait de lui le meneur le plus

rentable de la ligue. Surtout,

qu’il soit dans un bon jour

ou non, sa production est

constante. Alors qu’il débu-

tait d’ordinaire ses saisons

rincé par les étés passés à

batailler dans le monde en-

tier avec l’équipe de France,

Parker a décliné l’invitation

des Bleus en juillet dernier

pour se reposer. Aussi la

mobylette – le surnom sou-

vent donné aux joueurs de

petite taille qui vont très

vite – a commencé 2010-11 la

poignée dans le coin, sans

jamais baisser de régime.

« Tony est remarquable, com-

mentait récemment Jacques

Monclar, ancien joueur de

l’équipe de France et désormais

consultant vedette du groupe

Canal. Il n’a jamais été aussi en

phase avec son jeu qu’en ce mo-

ment. Puis physiquement, il est

vraiment impeccable. Pour

moi, il a le rendement d’un

joueur All-Star ».

D’autant plus que si les sta-

tistiques individuelles ne

veulent pas tout dire, l’in-

croyable début de saison de

son équipe de San Antonio

plaidait également en faveur

de TP. Premiers de la NBA

après plus de 50 matches,

avec cinq victoires d’avance

sur Boston, jamais les Spurs

n’avaient ainsi régné sur la

ligue dans leur histoire,

pourtant riche de succès

(champions en 1999, 2003,

2005 et 2007).

Pourquoi Parkern’a-t-il pas étésélectionné ?Aujourd’hui, Tony Parker

est donc le meneur de la

meilleure équipe, celui par

qui chaque action com-

mence, celui qui dicte le

tempo et dirige ses coéqui-

piers. Pourtant, ses avan-

tages sont devenus des

inconvénients au moment

des sélections pour le All-

Star. Les Spurs invincibles ?

TP n’est pas le seul garant

du jeu des Texans. Ainsi les

fans (qui élisent les titulaires

du All-Star Game, une spé-

cificité américaine) ont pré-

féré voter pour Tim Duncan,

la légende encore en activité

des Spurs ; les entraîneurs

(qui votent eux pour les

remplaçants) ont choisi la

troisième lame du trident

texan, l’Argentin Manu Gi-

nobili.

« Duncan est en net retrait

cette année mais il est incon-

tournable de par ce qu’il repré-

sente, c’est la figure du club, et

Ginobili est dans la forme de sa

vie, c’est lui qui fait gagner les

matches, qui met les shoots im-

portants », analyse Laurent

Sallard, journaliste pour le

site de la Ligue Nationale de

Basket (française). « Il y a un

avantage et un inconvénient

pour le All-Star à être dans la

meilleure équipe de la ligue,

commente Pascal Legendre,

directeur de la rédaction de

Maxi-Basket, le mensuel

français de référence dans le

basket. Tu peux être pris parce

que ton équipe tourne bien,

mais en même temps, il n’y a

que 12 places dans une équipe,

faut-il en donner trois à la

même équipe ? » « Il y a aussi le

fait que les supporters aux

Etats-Unis ne sont pas ultra

fans de Tony, et San Antonio,

ce n’est pas L.A., les Texans ne

bénéficient pas de la même

hype », reprend Florent de

Lamberterie.

Enfin, et c’est sûrement le

point qui a le plus porté pré-

judice à TP, le poste de me-

neur de jeu est ultra

concurrentiel. « Des meneurs

en NBA, actuellement, il y en

a en quantité, et beaucoup sont

de qualité. Ils sont une demi-

douzaine à être très forts, Par-

ker n’est ni en-dessous, ni

au-dessus », estime Pascal Le-

gendre. Ainsi Chris Paul et

Deron Williams seront à

L.A., pas Tony, ni Steve

Nash ou Monta Ellis, tout

aussi méritants.

Mais le principal est ailleurs.

Quelques heures après l’an-

nonce des sélections, Tony

se fendait de 21 points dans

la victoire à l’arrachée des

Spurs… à Los Angeles. « Je

laisse l’épisode du All-Star

Game derrière moi. Le plus im-

portant à mes yeux est d’em-

mener San Antonio le plus

haut possible ». Paul et Wil-

liams peuvent faire la

bringue à L.A. ce week-end,

eux n’ont aucun titre dans

leur besace, quand Tony en

a déjà raflé trois. Et en juin

prochain, les équipes qui

ont le plus de chances de

soulever le trophée de

champion ne sont pas les

Hornets de Paul ou les Jazz

de Williams, mais bien les

Spurs de Parker. g

Tony Parker, star maispas All-Star

Ce week-end se déroule au Staples Center de Los Angeles le All-Star Game de la NBA, un match qui oppose lesmeilleurs joueurs du championnat américain de basket-ball. Bien qu’au top de sa forme, le Français Tony Parkern’a pas été sélectionné pour cette grand-messe annuelle. Dommage, oui ; scandaleux, non. Par Yann Casseville

Gavroche - 17 février 2011

18

Tony Parker n’est pas All-Star, mais il garde les yeux rivés sur son principal objectif : le titre de champion NBA.

DR

«Il est le meneur de jeu de lameilleure équipe, sa sélection était

clairement possible»

TP en 10 dates

• 17 mai 1982 : naissance à Bruges (Belgique).

• Saison 1998-99 : 22,1 points de moyenne avec le Centre Fédéral,

meilleur marqueur français de Nationale 1 (3e niveau) à 17 ans.

• Saison 1999-00 : débute sa carrière professionnelle au PSG Racing.

• Eté 2000 : champion d’Europe avec l’équipe de France juniors.

• 27 juin 2001 : sélectionné par les San Antonio Spurs pour jouer en NBA.

• 15 juin 2003 : premier Français champion NBA (il le sera de nouveau en

2005 et 2007, étant même élu meilleur joueur de la finale 2007).

• 2005 : prolonge aux Spurs pour 66 millions de dollars sur 6 ans.

• 25 septembre 2005 : médaillé de bronze avec les Bleus au championnat

d’Europe.

• 2006 : premier Français sélectionné pour le All-Star Game.

• 30 octobre 2010 : prolonge son contrat avec les Spurs pour 50 millions

de dollars sur 4 ans. Il est aujourd’hui le sportif français le mieux payé.

Page 19: Gavroche 9

Sport

Elisabeth Georgl estune grande. Aprèsdeux titres au JO de

Vancouver en 2010, elleconfirme sa grande forme ens’imposant lors des deuxépreuves majeures deschampionnats du monde etdémarre fort en réussissantun brillant hold up auSuper G devançant l’Améri-caine Julia Mancuso de seu-lement deux centièmes puisréitère l’exploit une semaineplus tard en Descente enprenant une demi-seconde àla star américaine LindsayVonn. Cette dernière, piquéeau vif et déçue par sa mo-deste 7e place en Super G, apréféré quitter l’aventure al-lemande pour se concentrersur la Coupe du monde2011. Chez les hommes, l’Ita-lien Christof Innerhofer s’estaffiché comme la révélationde ces championnats dumonde. Après une saison2010 peu brillante, l’Italienrevient en force en rempor-tant l’or au Super G et lebronze à la Descente, et l’ar-gent au Super Combiné.« Épuisé » mais « heureux » ilvoit ses trois médailles,toutes de métal différent« comme si j’avais gagnétrois médailles d’or ». LeNorvégien Aksel Lund Svin-dal conserve son titre enSuper Combiné et se rassureaprès une semaine délicate(abandon en Super G et 5e

place dans la Descente). In-touchable lors des deuxcourses, Il devance finale-ment l’Italien Innerhoferd’une seconde et un cen-tième. Benjamin Raich, dit« le métronome » et ancienspécialiste de la discipline,se retrouve une fois de plusau pied du podium en raisond’une très mauvaise perfor-mance lors de la descente. Ilconserve pour autant toutesces chances pour lesépreuves de Géant, vendredi

et de Slalom, dimanche. Ildevra faire attention au re-tour du Croate Ivica Kostelic(médaillé de bronze enSuper G) qui a promis de re-venir en grande forme pources épreuves techniques. Cesuspens efface fort heureuse-ment le spectacle grand gui-gnol de l’américain BodeMiller qui passe complète-ment à côté de ses cham-pionnats. Après avoir passé30 minutes à « refroidir » seschaussures juste avant le sla-lom du Super Combinélundi dernier, il chute aubout dès la deuxième porte àla manière de Marion Rol-land au JO de Vancouver en2008.

L’équipe de Francese cherche encoreAlors que la France est qua-trième mondial de toutel’histoire du ski en nombrede médailles remportées, leconstant est triste, mais bienlà. À mi-parcours dans leschampionnats du monde,aucun Français n’a réussi à sehisser sur le podium. C’estd’autant plus frustrant que

l’équipe de France avait biendémarré la saison d’hiver2010-2011. Jean BaptisteGrange s’est placé à trois re-prises sur le podium desépreuves de Slalom et chezles femmes, Tessa Worleyavait réussi le même exploitsur les épreuves de Géant.Après sept jours de compéti-tion sur le sol allemand, leton est tout autre. Aucunfrançais n’a réussi pour l’ins-tant à terminer dans les cinqpremiers à l’issue d’uneépreuve. Chez les hommes,Seul Johan Clarey réalise uneperformance honorable et seplace 8e à l’issue de la Des-cente. Adrien Théaux, blesséà l’aine après sa chute dans laDescente, a dû déclarer for-fait pour le Super Combiné.Il ne pourra pas rechausserles skis avant une dizaine dejours. Julien Lizeroux (vicechampion du monde de ladiscipline) a lui aussi déclaréforfait avant l’épreuve en rai-son d’une même chute dansla Descente. Il n’est pas sûrqu’il participe au slalom di-manche prochain. « Je ne lâ-

cherai rien jusqu’au bout »

a-t-il lancé tout en assurantqu’il participerait à l’épreuve« uniquement si les coaches

estiment que je suis compéti-

tif ». Quant à Jean-BaptisteGrange, il peut espérer unemédaille en Slalom si JulienLizeroux vient à manquer àl’appel. Constat plus dur en-core pour les Françaises qui,elles, cantonnent aux 15 pre-mières places (Margot Bailletfinit 14e et Marie Marchand-Arvier 15e du Super Com-biné) En Super G, IngridJacquemod s’effondre et ter-mine 17e. Fabien Saguez, di-recteur technique national del’équipe de France féminineaffiche clairement sa décep-tion : « On ne peut qu’être déçu

de ces premiers résultats ».Selon lui c’est l’attitude « trop

attentiste » du groupe et « le

manque de motivation » dansl’équipe qui explique ladéconfiture des bleus. « Il

faut retrouver la dynamique

d’avant le début de la compéti-

tion » martèle- t-il. Il veutrester confiant et pense tou-jours que l’équipe « a toutes

ces chances sur les épreuves

techniques ».

Les étoilesmontantesTous les espoirs de médaillesreposent sur les jeune loups,et louves du ski français.Tessa Worley, 21 ans, devrafaire face à l’immense pres-sion qui repose sur sesépaules jeudi lors de l’épreuvetechnique de Géant. Fort heu-reusement, la Savoyarde nesera pas la seule représentantetricolore en piste. Elle trou-vera l’appui de NastasiaNoëns (troisième du Slalomde Flachau le 11 janvier der-nier) aura elle aussi toutes ceschances après l’abandon del’Américaine Lindsey Vonn.Chez les hommes, les géan-tistes Cyprien Richard et Gau-thier de Tessières, tenterontd’apporter la première mé-daille dans l’épreuve paréquipe de ce mercredi. Cy-prien Richard pourrait aussicréer la belle surprise de cetteannée en s’imposant di-manche sur le Géant. Il a sumontrer qu’il pouvait rivaliseravec les plus grands en se his-sant déjà sur la premièremarche du podium lors duGéant d’Adelboden. g

Mondiaux de ski alpin, lesoutsiders à l’honneur

Après six jours de glisse sur les pistes de Garmisch-Partenkirchen en Allemagne, l’heure du premier bilan a sonné.Et c’est l’Autriche qui se place en tête du classement des médailles de ces championnats du monde grâce à son hé-roïne en or Élisabeth Georgl. La Norvège et l’Italie sortent la tête de l’eau grâce à leurs leaders Svindal et Innerhofer.Ce n’est pas le cas de la France, bon bonnet d’âne de la compétition.... Par Alexandre Benhadid

Gavroche - 17 février 2011

19

Depuis Michaela Dorfmeister en 2001, aucune Autrichienne n’avait remporter la Descente des Mondiaux. Elisabeth Goergl brise le signe indien.

DR

Page 20: Gavroche 9

Culture

Un Que sais-je ? inti-

tulé Les 100 mots de

la sexualité peut

surprendre ou amuser.

Presses Universitaires de

France (PUF) n’en est pour-

tant pas à son coup d’essai.

Un Dictionnaire de la por-

nographie avait ainsi déjà

été publié en 2005. Pour ce

nouvel opus, la maison

d’édition fondée en 1921

par un collège de profes-

seurs, fait cette fois-ci appel

au psychanalyste et ensei-

gnant à l’université Paris

Diderot Jacques André,

avec qui elle avait déjà tra-

vaillé pour Les 100 mots de la

psychanalyse. L’universitaire

(voir interview) a recruté

douze collaborateurs pour

ce projet. La sexualité sou-

lève beaucoup de ques-

tions. Elle est toujours

difficile à aborder surtout

dans un support qui a pour

but affiché l’éducation. Loin

des clichés trash, Jacques

André et son équipe expli-

quent les mots qui jalon-

nent la sexualité d’un

adulte. Le choquant fist

fucking flirte avec l’éloge de

la chevelure. Plus que la dé-

finition, c’est l’origine, la si-

gnification et les références

culturelles qui l’entourent

qui sont mises en valeur.

Certains termes comme bo-

nobo ou post coïtum animal

triste, peuvent faire sourire,

mais les explications appor-

tées sont toujours riches et

légitiment leur place dans

ce « lexique ». Les 100 mots

de la sexualité dévoile l’art

des mots (et) du sexe. Il dé-

montre que cul et culture

peuvent harmonieusement

s’assembler pour le plaisir

des lecteurs polissons. g

Eros s’invite dans la collection«Que sais-je?»

Le grand public, habitué à en voir de toutes les couleurs à la télévision, au cinéma, dans les magazines ou la littéra-ture, peut-il encore s’étonner de propos libertins? Oui peut-être, lorsque ces derniers s’immiscent là où ils ne sontpas attendus. Comme dans un ouvrage des Presses Universitaires de France par exemple… Par Clémentine Santerre

Gavroche - 17 février 2011

20

Jacques André, le directeur de cet ouvrage ex-

plique, un sourire en coin, la naissance de ce Que

sais-je? original.

Qui est à l’initiative du projet?

Les PUF (Presses universitaires de France) ont pris

l’initiative. Ils m’ont appelé car Les 100 mots de la psy-

chanalyse avaient bien marché. Ils voulaient étoffer

cette collection. De plus, ils s’étaient déjà penchés sur

la thématique de la sexualité avec le Dictionnaire de

la pornographie par exemple. Au départ, je n’avais

pas très envie. J’ai pourtant accepté et décidé de réu-

nir un groupe de douze personnes.

Comment avez-vous sélectionné

vos collaborateurs?

Je les connaissais tous ! Certains

faisaient partie de mes anciens

étudiants, d’autres font partie de

mon association APF (Associa-

tion Psychanalytique de France).

Les critères de sélection : une

bonne écriture, de l’humour et de

la culture. Chaque mot doit être

décrit en peu de lignes alors que

beaucoup méritent plus. Il fallait,

donc, être concis et percutant.

Comment s’est passé le travail

d’équipe?

On a tout fait collectivement. La

répartition s’est faite selon les en-

vies. Le mot jalousie a été beau-

coup demandé, par exemple, il

faut dire que l’on a plusieurs

femmes dans l’équipe (rire). Il n’y

avait pas de gène parce que l’on

est tous psychanalystes. On se

pose la question du lien entre la sexualité, les mots

et la violence verbale.

Comment avez-vous choisi les différents mots?

Il fallait une liste imaginative et fantaisiste. Quand

on choisit, on exclut forcément. Moi, par exemple,

j’aurais bien aimé mettre le mot « foutre » qui a été

beaucoup utilisé. Il y en a certains un peu désuets

comme fleur bleue et d’autre plus modernes comme

back room ou fist fucking.

Y-a-t-il des valeurs éducatives?

Ce livre est là pour combler une curiosité de savoir

plus que dans un but réellement éducatif. Les mots

sont connus, mais ils sont découverts différemment.

Ce n’est pas un dictionnaire ! On apprend le sens et

l’histoire. Il y a de multiples savoirs sur la sexualité.

On cite Foucault, Freud … Il s’adresse à un public

large. On ne va pas le mettre entre toutes les mains.

Il peut être lu par quelqu’un en fin d’adolescence

comme par un octogénaire.

Est-ce donc un livre sérieux ou ludique?

C’est un condensé. D’un côté, c’est sérieux car il y a

beaucoup de travail sur le sens, l’histoire, l’étymolo-

gie. Et de l’autre, c’est ludique car on a pris beaucoup

de plaisir à le faire. L’humour est très présent, mais

ce n’est pas juste un recueil des blagues.

Quel est votre mot préféré?

Je les aime tous beaucoup. Je ne saurais pas en choi-

sir un. Il y a back room, bonobo, chevelure, cul, ex-

tase mystique, fellation ... J’aime bien poil aussi.

Propos recueillis par Clémentine Santerre

Extraits

Migraine : « Tête prise, elle est imprenable ».

Missionnaire, levrette, 69 … : « Le 69 est au coït ce que la

métaphore est au sens propre, un détournement, tout un

poème ».

Poils (épilation) : « La femme nue était « à poil », elle ne

l’est plus, l’heure est à l’épilation ».

Bonobo : « Que les hommes « baisent comme des bêtes »,

c’est une chose, mais que les animaux fassent l’amour

comme des hommes… »

Fiasco (impuissance) : « Le fiasco est pour l’homme une vé-

ritable autocastration, Narcisse blessé se replie sur lui-

même, abandonné à son angoisse ».

Jacques André : « Il fallait une listeimaginative et fantaisiste»

Page 21: Gavroche 9

Culture

En 1993, Claude Lévi-

Strauss écrivait dans

La Repubblica : «Nous

sommes tous des cannibales.

Après tout, le moyen le plus sim-

ple d’identifier autrui à soi-

même, c’est encore de le

manger». Un choc pour l’Oc-

cident où le cannibalisme a

mauvaise réputation et où

manger son prochain ne se

fait pas. A travers une cen-

taine d’œuvres réalisées

par une trentaine d’artistes

(dont près de la moitié

sont des femmes), Tous canni-

bales aborde la cruauté de

l’anthropophagie avec délica-

tesse ! Jeannette Zwingenber-

ger, historienne de l’art et

commissaire de cette exposi-

tion propose ainsi d’explorer

l’imagerie du cannibalisme

en infiltrant le dernier des ta-

bous à travers des œuvres

historiques (ouvrages illus-

trés, textes enluminés, gra-

vures) mais également des

créations d’artistes contempo-

rains, comme Oda Jaune, Jana

Sterbak, Wangechi Mutu, ou

encore Wim Delvoye. Ces

derniers ont puisé dans

toutes sortes d’histoires, de la

mythologie grecque en pas-

sant par les récits des explo-

rateurs du Nouveau Monde,

ou encore les ogres et géants

des contes enfantins (Hansel

et Gretel revisités par Frédé-

rique Loutz).

Avec la femme melon (Patty

Chang) ou l’homme à la tête

de gruyère (Gilles Barbier) en

passant par les femmes maki

(Aida Makoto), l’homme ser-

pent (Suehiro Maruo) ou en-

core la femme louve (Pillar

Albaracin), Jeanette Zwin-

genberger souhaitait interpel-

ler le public mais surtout lui

ouvrir l’esprit à défaut de

l’appétit ! « J’ai voulu à travers

cette exposition donner à la chair

une valeur différente de celle

qu’on s’en fait en général, ex-

plique-t-elle. La chair n’est pas

abjecte ni dégoutante. C’est une

matière extraordinaire qui per-

met de créer et d’imaginer des

œuvres incroyables». Quelques

œuvres se démarquent nette-

ment par leur originalité. Au

détour d’une cimaise, il est

par exemple possible de dé-

couvrir l’une des pièces les

plus brutales de l’exposition,

réalisée par Adriana Varejâo :

des entrailles rouge sangui-

nolentes viennent déchirer un

mur de carrelage blanc. Le

dégoût est sans doute le pre-

mier sentiment qui vient à

l’esprit mais après quelques

secondes de réflexion, la qua-

lité et la précision de l’œuvre

prennent le dessus et l’envie

viendrait presque au specta-

teur de toucher cet organe

monstrueux. L’artiste Michel

Journiac a quant à lui apporté

une touche cocasse au travers

de l’une de ses œuvres les

plus emblématiques : La

Messe pour un corps, une re-

cette de boudin composée à

partir de son propre sang.

Pour lui, la chair n’est plus

transfigurée, mais représente

une «viande consciente sociali-

sée ». Une œuvre également

controversée puisqu’elle réin-

terprète le sang de l'Alliance

et le «Prenez et mangez en tous,

car ceci est mon corps», célèbre

passage de La Cène dans la

Bible. Traiter d’un sujet syno-

nyme d’horreur et d’interdit

était risqué, voire osé mais le

pari est au final réussi. «Avec

toute la violence d’un monde

parfois cruel et les préjugés, il

était temps de présenter au pu-

blic un sujet tabou et sujet à po-

lémique mais qui à la fois peut

susciter contre toute attente, à

travers certaines œuvres plus

subtiles, de la joie et du partage.

C’est pour cela que j’ai écarté les

représentants d’une scène qu’on

pourrait qualifier de gore et

choisi des artistes qui abordent

l’anthropophagie avec finesse»,

explique encore la commis-

saire de l’exposition.

Tous cannibales est finalement

un bel échantillon de notre

monde actuel, hommes,

femmes, chair et sang où le

«Mange-moi» est à prendre ici

au pied de la lettre. g

Mange ton prochainJusqu’au 15 mai, la fondation La Maison rouge, située dans le quartier Bastille à Paris, accueille l’exposition,Tous cannibales. Plongée au cœur des représentations de l’anthropophagie à travers les arts plastiques. ParLaurence Riatto

Gavroche - 17 février 2011

Adriana Varejâo, Azuleria Branca em Carne Viva, 2002, huile sur toile, Polyuréthane sur aluminium, bois collection de la fondation Cartier, Paris

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gn

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Gilles Barbier, Polyfocus III, 2001, collection privée, Paris ; courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris

Aida Makoto, Mi-Mi Chan

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Laure

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Gavroche - 17 février 2011

22

Culture

A voir également àpartir du 23 février

127 heuresDe Danny Boyle, avec JamesFranco et Kate Mara

Aventurier de l’impossible, alpi-niste expérimenté, Aron Rals-ton aime relever les défis etdécide de partir pour une ran-donnée dans les gorges del’Utah, et d’ajouter à son ta-bleau les plus beaux sommetsde la région… Jusqu’à qu’il seretrouve coincé, un rocher em-prisonnant son bras, au fondd’un canyon reculé. Déshydra-tation, hypothermie... ne voyantpas les secours arriver, c’estseul qu’il va devoir faire face.

SanctumDe Alister Grierson, avec RichardRoxburgh et Rhys Wakefield

Frank McGuire, plongeur ex-pert, part explorer les dange-reuses grottes immergéesd’Esa ‘ala, dans le Pacifiquesud, en compagnie de son filsJosh et du milliardaire Carl Hur-ley, qui finance l’expédition.Leur périple est perturbé parune tempête tropicale qui lesforce à s’enfoncer dans le laby-rinthe sous-marin. Perdus dansun monde inconnu et dange-reux, aux décors incroyables,arriveront-ils à trouver uneissue à temps ?

Never say neverDe Jon Chu, avec Justin Bieberet Miley Cyrus

A 16 ans, Justin Bieber a déjàdroit à sa biographie sur grandécran, et en 3D s’il vous plait !Son enfance, son parcours, lanaissance de cet incroyablephénomène, bref, l’ascensionincroyable et fulgurante de lababy star qui possède au-jourd’hui autant de fans quedes artistes confirmés. De sesdébuts à Stratford au Canada,aux concerts à guichet fermépartout dans le monde, décou-vrez l’intimité de celui pour quirien n’est impossible, et ne disjamais « jamais ».

Le western selon les CoenLes frères Coen se lancent dans une nouvelle adaptation du roman deCharlie Portis, un western dont l’héroïne, une fillette de 14 ans interprétéepar Mattie Ross, cherche à venger son père, abattu par un bandit. ParLaetitia Reboulleau

Une gamine de 14 ans

remettant en place

un vieux cowboy, et

partant en quête du meur-

trier de son père : telle est

l’histoire de Mattie Ross et de

Rooster Cogburn, héros de

True Grit. L’histoire d’une

traque à travers le « far

west », dans laquelle s’invite

un nouveau protagoniste :

LaBoeuf, un Texas Ranger

chasseur de tête qui brigue

la prime pour la capture

de l’assassin.

Le western est un genre ciné-

matographique qui, après

avoir connu un âge d’or, est

devenu une sorte de rendez-

vous récurrent sûr des salles

obscures. Cette nouvelle

adaptation du roman de

Charlie Portis était donc une

surprise, et a reçu un fervent

accueil de la part de tous

ceux qui se languissaient des

westerns. Mais True Grit était

également attendu au tour-

nant. Contrairement à No

Country for Old Men, réalisé

de manière relativement mo-

derne, Ethan et Joel Coen ont

choisi de traiter True Grit de

façon plus classique. Le défi

était de taille, étant donné

que le roman de Charlie Por-

tis avait déjà fait l’objet

d’une adaptation (Cent Dol-

lars pour un Shérif) par Henry

Hathaway en 1969, avec

John Wayne dans le rôle

principal. Rôle pour lequel il

avait d’ailleurs obtenu l’Os-

cars du Meilleur Acteur. Il ne

s’agissait donc pas de faire

un remake de Cent Dollars

pour un Shérif, mais bel et

bien de proposer une nou-

velle version du roman. Un

pari réussi : True Grit est un

western de qualité. Le scéna-

rio respecte l’empreinte du

livre, même si les Frères

Coen appliquent clairement

leur patte. On retrouve aussi

bien leurs qualités de réali-

sateurs (humour, applica-

tion, sens du détail…) mais

également leur principal dé-

faut. Car si True Grit reste un

bon film, il traîne parfois en

longueur. Trop de scènes

d’introduction, trop de dia-

logues explicatifs, bref, des

passages durant lesquels un

spectateur n’affectionnant

pas particulièrement le

genre western risque de s’en-

nuyer fermement.

La véritable force de True

Grit se trouve dans son cas-

ting. Hailee Steinfeld, qui in-

terprète le rôle de Mattie

Ross, la jeune héroïne, est la

révélation de ce film, dans

son tout premier rôle. Ethan

et Joel Coen renforcent la per-

sonnalité décidée du person-

nage romanesque, et donnent

à la jeune fille, par le biais de

dialogues de qualité, une vé-

ritable maturité. Jeff Bridges,

également à l’affiche de Tron

Legacy de Joseph Koniski, est

décidément dans une phase

d’héritage, puisqu’il reprend

le rôle de Rooster Cogburn,

autrefois incarné par l’osca-

risé John Wayne. Un défi de

taille, encore une fois, mais

également un rôle pour le-

quel l’acteur semblait fait.

Son interprétation, alliée à sa

voix bourrue et à la dégaine

de cowboy vieillissant le ren-

dent à la fois détestable, mais

terriblement attachant. Matt

Damon incarne quant à lui

un Texas Ranger plus vrai

que nature, faisant presque

de l’ombre à Chuck Norris.

Avec True Grit, les Frères

Coen ont choisi de travailler

de manière sobre, autant

dans la réalisation que dans

les dialogues et les décors. Un

western classique qui n’est

pas sans rappeler la grande

époque du western, celle des

John Ford, Sergio Leone et

autres Clint Easwood. En

salle le 23 février 2011. g

Le film des Frères Coen est candidat à dix os-cars. La cérémonie aura lieu dans la nuit du 27au 28 février :

-Meilleur film-Meilleur réalisateur-Meilleur acteur (Jeff Bridges)-Meilleure actrice dans un second rôle (Hailee Steinfeld)-Meilleure adaptation-Meilleurs décors-Meilleure photographie-Meilleur mixage sonore-Meilleur montage sonore-Meilleurs costumes

True Grit ne devait pas être un re-make de Cent Dollars pour un Shérif

La jeune Mattie Ross n'a pas peur, à 14 ans, de parcourir le Far West.

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Page 23: Gavroche 9

Gavroche - 17 février 2011

23

Culture

Quatre ans après

White Chalk, on re-

trouve avec délice la

voix douce-amère de la chan-

teuse britannique PJ Harvey,

remontée plus que jamais

contre son pays aux accents

belliqueux. Celle qui se définit

elle-même comme «un objet

non identifié» a semble-t-il dé-

finitivement abandonné le

rock brutal et direct de ses dé-

buts. Elle revendique au-

jourd’hui une indépendance

musicale, plus aboutie. Et cela

se sent : entre ces rythmes

folk, rock et jazzy, la maîtrise

de l’ensemble est toujours

aussi surprenante. Avec sa

voix cristalline unique,

presque enfantine, PJ Harvey

confie toute l’ambivalence

qu’elle éprouve à l’égard de

son pays. De l’amour à la

haine, elle décrit « la chute de

cet empire sur lequel le Soleil ne

se couche jamais». Le contraste

est saisissant entre ses plai-

doyers froids et cinglants

contre la guerre et sa musique

aux accents celtiques volup-

tueux (l’album a été enregistré

dans une vieille église perchée

en haut d’une falaise de Cor-

nouailles). Tout ceci excite

l’oreille et ne peut que séduire

tout musicien averti et amou-

reux des beaux textes. Pour-

tant, même si l’on se laisse vo-

lontiers envoûter par ces

rythmes de guitare acous-

tique chère aux Pixies, et cette

atmosphère générale très

Brian Eno, l’écoute de l’album

passe en un éclair : à peine 35

minutes d’écoute pour 12

pistes. Peut-être préférerez-

vous donc vivre « l’expé-

rience» PJ Harvey en concert

en vous ruant sur les der-

nières places de sa tournée

française... g

PJ Harvey – Let England Shake

Prix : 14,99€. Label : Universal

Music

Par Alexandre Benhadid

Plaidoyer pour la paix

Thérapie Littéraire

L’enjomineur, 1794 – Tome 3, de PierreBordageAprès Les guerriers du silence et Griots célestes, les deux

séries qui ont fait connaître Pierre Bordage et ses talents

de conteur, la trilogie de L’enjomineur plonge le lecteur

dans la Révolution Française. En pleine Terreur, les

mystères sur la naissance du personnage principal,

vont enfin se lever dans ce dernier tome tandis que

Cornuaud ne peut se défaire de la malédiction qui le

pousse à participer aux tueries les plus atroces. Quand

la magie souligne la perte des idéaux révolutionnaires.

Prix : 8€, édité chez J’ai Lu Fantasy

Aponi, de Frédéric StanilandAponi décrit le destin croisé de deux hommes aux

quêtes différentes mais qui finiront par se rejoindre.

C’est l’été 2012. La fin du monde est annoncée pour

le 21 décembre, six mois plus tard. Jean-Paul, jour-

naliste pour Worldnews, mobilise alors ses quatre

amis les plus proches pour mener l’enquête. En

Aveyron, Marcel découvre enfin la vérité sur la na-

ture de sa vie après des années de rites amérindiens.

Une vérité qui va le dépasser et se lier peu à peu à

l’enquête de Jean-Paul…

Prix : 20€, édité chez Laura Mare

Planète à louer, de YossSuccession de nouvelles aux personnages récur-

rents, Planète à louer dépeint une Terre qui, après

avoir frôlé la destruction totale au fil des guerres,

est devenue un paradis pour touristes aliens. Un pa-

radis où les humains, dominés, contrôlés, privés de

leurs libertés n’ont plus leur place et ne cherchent

qu’à fuir comme Buca, la prostituée ou Moy, l’artiste

métis. Yoss présente ici une critique à peine camou-

flée de Cuba, son pays d’origine et de résidence, où

les extra-terrestres prennent la place du dictateur.

Prix : 19,50€, édité chez Mnémox

L’imaginaire médical dans le fantastiqueet la science-fiction, de Guy Goffette etLauric GuillaudLa médecine se trouve souvent au centre des récits de

science-fiction, qu’il s’agisse de faire face à des virus

mortels inconnus ou d’imaginer des implants bioniques

ultra-perfectionnés. Mais d’où vient ce besoin de fan-

tasmes médicaux toujours plus fous alors que la méde-

cine ne fait que se perfectionner? Cette étude tente d’y

répondre tout en explorant l’ensemble des phénomènes

décrits dans les grands classiques de la science-fiction.

Prix : 40€, édité chez Bragelone

Un bond dans le futur. Ou bien est-ce dans le passé? Les auteurs de science-fiction transportent le lecteur ailleurs,au fil des pages de leurs romans. Vers des mondes parfois proches du notre mais aux repères si différents. Entrerêves, fantasmes et imaginaire débridé, passez du côté «alternatif». Par Pascal Golfier

Daphné – Bleu VeniseLauréate du prix Constantin en 2007, la disciple

de Benjamin Biolay choisit le jour de la Saint Va-

lentin pour sortir son quatrième album aux mélo-

dies gentilles et mélancoliques. Daphné assume

pleinement ses rêves naïfs. Un joli cadeau pour

tous les amoureux qui rêvent, comme elle, de ten-

dres étreintes romantiques sur les ponts de Venise.

Prix : 13,99€. Label : V2 Music

Alexandre Tharaud - SonatesLe pianiste désacralise Scarlatti et transpose sa

musique écrite au début du XVIIIe siècle pour cla-

vecin. Le résultat? 18 sonates comme 18 chapitres

du journal intime qu’Alexandre Tharaud livre à

ses auditeurs. Au-delà de la virtuosité évidente,

c’est, comme le disait Chopin, « le cœur et l’âme»

du pianiste qui s’exprime sous ses doigts.

Prix : 15,99€. Label : EMI/Virgin Classics

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Portrait

«Le lac d’Annecy,

enchanteur, défi-

nit l’idéal de

l’art » écrivait Eugène Sue

dès 1852, dans le roman La

Marquise Cornelia d’Alfi.

Considéré comme « le plus

pur d’Europe », le plan d’eau

s’étend sur 27 km². Symbole

absolu de la cité annécienne,

il a été peint par les maîtres

Cézanne et Turner, excusez

du peu. Ceint par les som-

mets des massifs alpins des

Bauges et des Bornes, il

constitue l’un des paysages

français les plus singuliers.

Bateaux de croisières, péda-

los et skis nautiques s’y cô-

toient. « On aime beaucoup la

nature, donc pour nous c’est un

gros plus », estime François

Bonnin, jeune retraité habi-

tant la ville limitrophe d’An-

necy-Le-Vieux.

Sa femme Francine, an-

cienne institutrice, voit avant

tout en cette préfecture de

50 000 habitants « une ville à

taille humaine ». « Il n’y a pas

que la nature ici, plaide t-elle.

On est très bien lotis du point

de vue du cinéma. Il y a plu-

sieurs salles d’art et d’essai, et

le Festival du Film d’Anima-

tion tous les ans en juin, dont

l’écho est mondial ».

Contrairement au Nord de

la région Rhône-Alpes

(Lyon, Saint-Etienne…), la

Haute-Savoie possède un

passé industriel très limité,

ce qui fait d’Annecy une

ville assez bourgeoise. Cela

se ressent sur les prix de

l’immobilier. Dans certains

quartiers en bordure du lac

(notamment la très chic ave-

nue d’Albigny), le mètre

carré atteint 9000 euros.

C’est autant que le prix

moyen dans le 1er arrondis-

sement de Paris, d’après les

chiffres de la Chambre des

Notaires.

Influence italienneLe lac joue évidemment un

rôle majeur dans la hauteur

des prix à Annecy, et condi-

tionne même la disposition

architecturale de la vieille

ville, construite autour de

canaux se jetant dans le plan

d’eau. Le principal s’appelle

le Thiou. Ce réseau de ca-

naux vaut à la ville le sur-

nom flatteur de « Venise des

Alpes ». Plus abordable que

les bords de lac, le quartier

témoigne mieux du riche

passé de la ville, à travers les

architectures variées qui le

composent. La région, autre-

fois Duché de Savoie, n’a été

annexée par la France que

par un décret de 1860 (An-

necy a fêté fin 2010 les 150

ans du rattachement).

Elle appartenait auparavant

au Royaume de Piémont-

Sardaigne, d’où une in-

fluence transalpine que l’on

devine à certains bâtiments

anciens comme la mairie, de

style sarde.

D’autres lieux d’exception

font la renommée de la ville.

Citons l’Imperial Palace,

hôtel-restaurant-casino-salle

de congrès donnant sur le

lac d’Annecy, et construit au

début du XXe siècle. A deux

pas de là, s’étend le Pâquier,

promenade paysagère de

sept hectares ou les habi-

tants se massent chaque

année pour admirer le feu

d’artifice tiré pour la Fête

du Lac.

Le projet olympique pour

2018 y inclut l’installation

provisoire sur les lieux

d’une structure de 42 000

places, pour les cérémonies

d’ouverture et de clôture et

les remises de médailles. Pas

vraiment du goût d’une par-

tie de la population. « Les an-

néciens sont très attachés au

Pâquier, rappelle Francine

Bonnin, et cela pourrait bien

coûter sa place au maire ac-

tuel » (Le Nouveau Centre

Jean-Luc Rigaut, ndlr).

A l’image de sa position

entre lac et montagne, An-

necy se trouve prise entre

poids du passé et projets à

long terme. g

Annecy soit-ilLe weekend dernier, les onze membres du comité d’évaluation du CIO pour les Jeux Olympiques 2018 ont visitéAnnecy, ville candidate. La préfecture de Haute-Savoie, plantée dans un cadre magnifique, a conservé une identitémulticulturelle acquise au fil des siècles. Pourtant, l’incertitude demeure quant à son adéquation avec les projetsolympiques. Par Antoine Delthil

Gavroche - 17 février 2011

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Le lac d’Annecy, surplombé par le massif alpin des Bauges, participe au prestige de la ville.

La rivière du Thiou traverse la vieille ville et se jette dans le lac.

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