gavroche 9
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Le magazine des étudiants en presse écriteTRANSCRIPT
GavrocheLe Parisien universel
N°9 Semaine du 17 au 23 février 2011
M 011 - Gavroche hors-série : 3 €ISCPA - Institut des Médias
LE BUSINESS DE LA MORT
Assurances, banques : gare aux pièges
4 Auto : Genève pour rebondir
4 Force Ouvrière : force obscure
4 France-Mexique : la culture en otage
Gavroche - 17 février 2011
Sommaire
2
GavrocheRédaction : 9 rue Alexandre Parodi, 75010 Paris
Directeur de la publication : Michel Baldi
Directeur de la rédaction : Erwan Benezet
Rédacteur en chef : Laetitia Reboulleau
Secrétaire de rédaction : Pascal Golfier
Maquettiste : Benoît Magistrini, Antoine Delthil
Journalistes : Alexandre Benhadid, Alexandra Bresson, Yann
Casseville, Wilfried Corvo, Antoine Delthil, Pascal Golfier,
Audrey Loussouarn, Benoît Magistrini, Valentin Marcinkowski,
Laetitia Reboulleau, Laurence Riatto, Emmanuelle Ringot,
Clémentine Santerre
Au rythme d’une marche funè-bre, la rédaction de Gavrochesigne son dernier numéro. Leglas sonne et il est temps de sedemander : what’s next ? L’ar-gent des défunts se perd dansun système mal organisé(p4 - 7). L’année culturelleFrance-Mexique se meurt àpetit feu, à l’image de FlorenceCassez (p16-17), du font de sacellule. Et des pères sont as-sassinés par des desperados(p22). Même le sport est enberne, puisque le FrenchyTony Parker n’a pas été sélec-tionné pour le All Star Game(p18) et que les Français nebrillent pas par leurs perfor-mances en ski (p19). La justicen’est pas non plus dans sameilleure période (p15). Heu-reusement, tout n’est pas noir.Même si l’économie du Japonva mal (p12–13), le pays s’ac-croche, et le secteur automo-bile essaye de conserver unéquilibre précaire (p8–10). Ta-chons de rester positif : HECrelance le e-business avec sanouvelle chaire (p11), les gensne se mangent plus entre eux(hormis pour l’art) (p21), et lacollection Que sais-je ? nousréchauffe avec 100 mots sur lasexualité (p20). Souriez, à dé-faut de manger les pissenlitspar la racine, vous pourrezbientôt les cueillir.
p.3 Perspectivesp.4 à 7 Dossierp.14 Politiquep.15 Justice
Dossierpages 4-7Succession, gare aux banqueset assurances !Par Benoît Magistrini
Economiepages 8-10Genève, salon de la relance?Par Wilfried Corvo
Politiquepage 14Force Ouvrière, la perte devitesse continue. Par Audrey Loussouarn
Culturepages 16-17L’affaire Cassez menacel’année du Mexique en FrancePar Alexandra Bresson
Sportpage 18Tony Parker, grand absentdu All-Star Game.Par Yann Casseville
Portraitpage 24Annecy au carrefour desépoques.Par Antoine Delthil
Edito
Photo de couverture : DR
p.16 à 17 Sociétép.18 à 19 Sportp.20 à 23 Culturep.24 Portrait
DR
DR
DR
DR
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Laetitia Reboulleau, rédactrice en chef
Gavroche - 17 février 2011
Perspectives
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C’est un vautour, un oiseau de malheur. Ou tout du moins, c’est la représentation qu’on se fait de lui. Il se fait connaître sous le nom d’embaumeur, thanatopracteur,
ou plus simplement de croque-mort. Spécialiste de la mise en bière, il est celui qui accompagne nos proches sur le chemin du repos éternel. Certaines professions
ont très mauvaise réputation. Croyance populaire, imaginaire collectif, différence d’univers… Les raisons sont nombreuses pour cataloguer une profession
sous de mauvais auspices. La profession de croque-mort est particulièrement touchée, de nombreuses personnes ayant peur de la mort. Un cliché que certains ont
tenté de changer, notamment les concepteurs de la série Six Feet Under, présentant de façon humoristique une famille de croque-morts. Mais comme le chantait
Brassens, «Non les brav's gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux ». Or les employés des pompes funèbres ont pour rôle de préparer le «dernier voyage »
des défunts. Une route mortuaire qui rebute le plus grand nombre, et donne naissance aux clichés, aux blagues de mauvais goût, voire dans le pire des cas à un rejet
sociétal. La dénomination de la profession en elle-même à de quoi rebuter : croque-mort. Un terme qui, selon les explications, viendrait des crocs servant à tracter les
morts de la peste, ou encore au fait que l’embaumeur était supposé mordre le pied du défunt pour s’assurer de sa mort. La définition la plus simple étant que le terme
« croquer » signifie « faire disparaitre les morts ». Si on en croit l’imaginaire populaire, les croque-morts dormiraient dans des cercueils, auraient le teint cadavérique,
collectionneraient les symboles ésotériques… Bref, autant de symboles qui tendent à effrayer. Et à faire oublier le caractère d’accompagnement des pompes funèbres,
qui encadrent aussi bien le défunt que sa famille et ses proches. Un véritable métier de relations humaines, décrié car méconnu.
Par Laetitia Reboulleau
DR
une réputation mortelle
« C’est l’histoired’un Croque-mortqui entre dans unbar et Commande
une bière… »
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4
Dossier
DR
A qui profitela mort?
Si le décès d’un aïeul est souvent un moment de tristesse, il s’accompagne également de lourdes charges pour
les proches du défunt. Croque-morts, assureurs, banquiers… Il faut rester vigilant malgré une période
de deuil déstabilisante. Erreurs de la banque en défaveurdes héritiers, retard de transmission des fonds sur le compte de succession, recherches à reculons des
bénéficiaires des assurances-vie, confusion entre le clientdécédé et un homonyme... Si le sort du défunt reste
peut-être encore à déterminer, c’est l’Enfer qui commencepour ceux qui restent.
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Gavroche - 17 février 2011
Dossier
Plus de 22 millions de
contrats pour 1 265
milliards d’euros en
France, les assurances-vie re-
présentent une machine de
guerre où intentions crapu-
leuses ou simples oublis
passeraient facilement ina-
perçues. L’argent en déshé-
rence, qui dort sagement car
«n’ayant pas trouvé preneur»
serait presque un appel du
pied. Les sommes non récla-
mées sont placées à la Caisse
des Dépôts et Conciliation dix
ans après le décès. Si aucun
n’ayant droit ne se déclare
dans les trente ans après le
décès, les sommes sont rever-
sées dans les caisses de l’Etat.
Mais le manque de transpa-
rence des assureurs et les
écarts de chiffres des orga-
nismes compétents ont de
quoi lever des interrogations.
SanctionsinsuffisantesL’intérêt de trouver les desti-
nataires des assurances-vie
est limité, voire très limité. Le
coût engendré par les éven-
tuelles recherches, sur le plan
administratif ou au niveau de
la charge supplémentaire de
travail, a de quoi démotiver
les assureurs-enquêteurs. « Ils
s’approprient les actifs à l’aban-
don, accuse maître Alain
Bousquet, président de la Fé-
dération nationale des asso-
ciations contre les abus
bancaires. Les sommes sont in-
jectées discrètement sur les
comptes des actionnaires, dans
des bonus ou dans divers inves-
tissements ». Les menaces en-
gendrées par la loi du
sénateur Hervé Maurey de
2010 ne sont pas suivies d’ef-
fets car la mise en application
est compliquée: aucun
contrôle, aucun délai, donc
aucune réelle obligation…
« Les sanctions sont insuffi-
santes et les lois promulguées
sont de la poudre aux yeux,
continue Me Bousquet. Aux
Etats-Unis, la sévérité de la Jus-
tice est beaucoup plus dissua-
sive. Au final, banques et
assureurs continuent leur pra-
tiques en toute impunité ». De
plus, quelle preuve y a-t-il
que l’assuré soit mort ou vi-
vant si la tenue des registres
est laborieuse ? Si la banque
ne joue pas l’intermédiaire,
tout bloque. Les demandes
d’identification par les assu-
reurs restent souvent lettre
morte: sur 470000 demandes,
seules 50000 réponses, pas de
quoi distinguer les morts des
vivants. Depuis décembre
2007, les assureurs ont néan-
moins accès, sur demande, au
Répertoire national d'identi-
fication des personnes phy-
siques (RNIPP) un fichier
géré par l'Insee et qui permet
de constater les décès.
Plus detransparenceLe doute est important sur
les sommes en jeu : 800 mil-
lions d’euros selon la Fédéra-
tion française des sociétés
d’assurances (FFSA), près de
cinq milliards selon les cabi-
nets privés, pour les seuls
contrats d’assurance en dés-
hérence ! L’Agira (Associa-
tion pour la gestion des
informations sur le risque
des assurances), préfère ta-
bler sur la fourchette basse.
Le dispositif, chargé de la re-
cherche de contrat d’assu-
rance non réclamé, a permis
de détecter 100 000 bénéfi-
ciaires pour quelques 550
millions d’euros en 2010.
L’Agira 2 a répondu favora-
blement, en un an seule-
ment, à 26000 demandes
pour plus de 320 millions
d’euro. Preuve que la re-
cherche des assureurs n’est
pas sans faille.
Cette réticence, les cabinets
privés de recherche de béné-
ficiaires la reconnaisse, et
l’absence de « boom d’acti-
vité » suite à la loi est un
signe qui ne trompe pas. La
société Capitaux-Recherche-
Déshérence propose depuis
2006 ses services aux assu-
reurs, en s’appuyant sur les
archives du cabinet de gé-
néalogie Coutot-Roehrig,
mais l’activité n’est pas floris-
sante malgré la législation
mise en place. « Pour les assu-
reurs, externaliser n’est pas
plus attractif, ironise Me Alain
Bousquet. Pourquoi faire des
dépenses alors qu’il n’y a aucun
risque à ne pas en faire? » g
L’argent des assurances-vie a-t-il vocation à finir dans la poche des héritiers? Frais supplé-mentaires et manne financière moindre, les assureurs ont tout intérêt à ne pas restituer lesactifs à leurs destinataires. Les contrats en déshérence sont pointés du doigt, avec une effi-cacité relative. Par Benoît Magistrini
Assurancessous risques
«Les sommes sont injectéesdiscrètement sur les comptes des
actionnaires ou investies»
Loi Maurey, adoptéeau Sénat, 29 avril 2010
• Obligation pour les compa-gnies d’assurance de s’informerannuellement du décès éven-tuel de l’assuré pour touscontrat de plus de 2000€.• Publication annuelle du nom-bre de contrats en déshérenceet le montant de leurs encours,par les quatre grandes famillesprofessionnelles de l’assuranceet de la mutualité (FFSA,FNMF, Gema, CTIP).• Parution par les assureurs dubilan des démarches de re-cherche des bénéficiaires et lessommes versées à ceux trouvés.
La Caisse des Dépôts et Consignation, créée en 1816, réceptionne les actifs en déshérence au bout de 10 ans et joue le rôle d’intermédiaire pendant 20 ans.
DR
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Dossier
Successions,
Des centaines de
coups de fil… Pour
rien. Depuis sep-
tembre 2007, la Caisse
d'épargne de Carhaix, en
Bretagne, ne daigne pas ré-
pondre à Nathalie, 40 ans. Sa
mère était titulaire de plu-
sieurs comptes à la Caisse
d'épargne et au Crédit mu-
tuel. Son décès, durant l'été
2007, a engendré le proces-
sus habituel : certificat d'hé-
rédité, acte notarié envoyé
aux banques, etc. Mais tout
bloque chez l'Ecureuil. Le
transfert des 5 719 euros des
comptes de la mère à celui de
sa fille unique ne se fait pas.
Dès lors, la méthode dite de
l'autruche est appliquée. Le
directeur de l'agence esquive
les demandes formulées par
l'héritière. Dans le même
temps, des courriers concer-
nant les comptes de la per-
sonne décédée continuent
d'être envoyés au domicile
de celle-ci. Des frais de ges-
tion de dossier de succession
sont prélevés en octobre
2008, « sans justification », es-
time l'héritière. Le PEA de la
défunte pose particulière-
ment problème, car il s'effon-
dre en 2008, lui qui est prin-
cipalement composé
d'actions Natixis, dont la
Caisse d'épargne est l'un des
actionnaires.
Les banques auxabonnés absentsClôturer un compte bancaire
après un décès coûte cher.
Ainsi, pour 3 500 euros
d'avoirs, il en coûte 140 euros
à LCL ou au Crédit agricole,
100 euros à La Banque pos-
tale et 87,50 euros à la Société
générale. Si les avoirs sont
plus importants, le plafond
flirte avec les 700 euros dans
la plupart des banques. Mais
que cachent les sommes
ponctionnées ? LCL invoque
« de lourdes recherches et le
poids de la paperasse adminis-
trative». «Faux», rétorque Me
Alain Bousquet, avocat et
président de la Fédération
nationale des associations
contre les abus bancaires, ces
opérations leur prennent
«quelques secondes en général».
La gratuité de la clôture d'un
compte, imposée par l'arrêté
du 8 mars 2005, ne s'est pas
étendue aux comptes de dé-
funts. En outre, « les banques
modifient les tarifs sans préve-
nir les clients, ce qui est
contraire au droit des contrats,
s'insurge Me Bruno Courtet,
l’avocat de Nathalie. La fixa-
tion des prix devrait se faire
opération par opération. Mais,
pour de petites sommes, per-
sonne ne prend la peine de
contester ».
« L'erreur est humaine,
concède la fille de la défunte,
mais, au bout d'un moment, la
banque aurait dû réagir. Sinon,
elle commet une faute ». Pour
son avocat, Me Bruno Cour-
tet, contacté seulement en
novembre 2009, « l'objectif
des banquiers est de garder
l'argent des défunts le plus
longtemps possible pour qu'il
continue de fructifier. Dans le
cas présent, je ne crois pas à
une mauvaise volonté délibérée.
Je penche plutôt pour de l'in-
compétence pure et simple ».
L'assignation au tribunal de
commerce de Morlaix a
néanmoins réveillé la
banque. Sa proposition de
règlement, le 25 juin 2010,
pour solder le dossier (6 200
euros, sans justification du
montant), ne satisfait cepen-
dant pas l'héritière, détermi-
née à poursuivre l'affaire
pour le principe.
Des erreurs lourdesde conséquencesLa mort d'un compagnon
peut déstabiliser une per-
sonne en situation de fai-
blesse. Brigitte, 59 ans,
ancienne informaticienne a
affronté deux cancers et deux
pontages. Depuis quelques
années, elle se trouve de sur-
croît handicapée par des
pertes de mémoire. Co-titu-
laire d'un compte-joint à La
Banque postale, celui-ci était
L’enterrement ne signifie pas forcément la fin : Oublis, manque de communication, frais de succession excessif,... Les galères ne font que commencer.
Un décès est presque toujours compliqué par de multiples formalités administratives etcomptes bancaires de la personne défunte ne fait pas exception. La ténacité est une qualitéritage. Par Benoît Magistrini
DR
Des frais de succession prohibitifs
Les frais bancaires sont excessifs ! Ce n’est pas un scoop… Et ceux concernant les clôtures de compte lors desphases de successions ne dérogent pas à la règle. Les banques se font d’ailleurs régulièrement taper sur lesdoigts par Bruxelles. Certains frais pourtant passent entre les faisceaux du radar européen. Pour les successions,les grilles tarifaires existent et ne sont pas illégales, même si elles dérangent les associations de luttes contre lesabus bancaires (ACABE, AFUB, FNACAB). Première remarque, la gratuité des clôtures de compte (depuis 2005)n’a pas impacté le prix des clôtures de comptes des défunts. Mais surtout, que cachent les sommesponctionnées ? Concrètement, le notaire signale à la banque le décès. Dès lors, celle-ci sera chargée de geler lescomptes à la date du décès, ainsi que de rechercher les différents livrets, PEA, coffre-fort… présents. Le notairepourra ensuite avoir une vision « fixe » afin de procéder au partage des biens. La mission du service chargé dessuccessions sera alors de procéder aux transferts d’actifs puis de clôturer définitivement les comptes du défunt.Avec l’informatisation surdéveloppée, cela ne prend donc guère de temps pour exécuter ces missions, simples etrépétitives. Pour justifier les tarifs allant parfois jusqu’à plus de 700 euros (pour les clients défunts ayant degrosses sommes d’avoirs), les banques invoquent de lourdes recherches et le poids de la paperasse administra-tive. « Des formalités qui ne prennent en réalité que quelques secondes », selon Maître Alain Bousquet, présidentdu FNACAB et avocat.Au vu du temps d’action pour la clôture du compte par le banquier - 30 sec selon Maître Bousquet - une fermeturede compte chez LCL contenant 5000 € d’actifs à la date du décès serait facturé 140 €, soit 16 800€/h pour labanque !
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Gavroche - 17 février 2011
Dossier
alimenté par la pension de re-
traite de son compagnon.
Lorsque il décède, le 2 janvier
2010, Brigitte réagit tardive-
ment. Ce n'est que le 26 jan-
vier que la retraité demande
la clôture du compte, dont
elle est désormais l'unique ti-
tulaire. Surprise : la banque
refuse, notamment parce que
le défunt a souscrit un crédit
peu avant sa mort pour ache-
ter une petite voiture et un ca-
napé. Un cadeau empoisonné
pour Brigitte, qui n'est pas co-
signataire de l'emprunt.
Comme si cela ne suffisait
pas, sa carte bancaire, qui lui
a été volée, est utilisée pour
des achats importants de jeux
vidéo sur Internet, malgré
une opposition formulée,
selon elle, « dans les délais ».
De fil en aiguille, elle se re-
trouve interdite bancaire.
Pour elle, un comportement
assimilable à de l'abus de fai-
blesse « est indéniable de la part
de La Banque postale ». Pour
cette dernière, au contraire,
« il ne faut pas tirer de conclu-
sion hâtive, tout est organisé en
interne pour éviter les conflits».
Après l'intervention de l'As-
sociation contre les abus des
banques européennes
(Acabe), La Banque postale a
finalement accepté la de-
mande de fermeture du
compte joint, celui-ci étant
créditeur au moment de la
première requête de Brigitte.
Abus de faiblesse350 euros pour une paire de
tennis et des tee-shirts à Go
Sport, la dépense est surpre-
nante de la part de cette dame
de 95 ans qui vit à Alger. De
même que l'achat répété de
billets d'avion dans les mois
précédant son décès, fin 2007.
Pour l'agence LCL de la vieille
dame, il ne fait aucun doute
que Gaétan, son seul héritier
testamentaire, titulaire d'une
procuration sur le compte de
sa belle-mère, s'est rendu cou-
pable d'abus de faiblesse en
menant grand train avec l'ar-
gent de celle-ci durant les der-
niers mois de sa vie. L'homme
«a bien voyagé», écrit ainsi la
banque dans une lettre en-
voyée au procureur de la Ré-
publique, en février 2008.
Cette correspondance entraî-
nera une enquête policière im-
pliquant jusqu'à Tracfin, la
cellule française de lutte anti-
blanchiment. Le processus de
succession sera bloqué sur ré-
quisition judiciaire. L'explica-
tion de Gaétan est toute autre.
Très attachée à sa maison en
Algérie, où elle a vécu jusqu'à
sa mort, sa belle-mère n'était
plus autonome, justifiant ainsi
les allers-retours Paris-Alger (il
dispose des factures) qu'il a ef-
fectués pour l'y rejoindre. «Je
pense avoir assuré au mieux son
confort matériel et moral», af-
firme-t-il, accusant la banque
d'excès de zèle. «Le signalement
de la banque n'est pas condamna-
ble, rapporte le notaire Jean-
Michel Chataing, mais les
formes sont pour le moins inap-
propriées». Selon LCL, « il est de
la responsabilité des conseillers
bancaires d'être vigilants, mais
c'est à Tracfin de distinguer le vrai
du faux». Pour Me Daniel Ri-
chard, l'avocat de Gaétan, « la
responsabilité contractuelle de
LCL est engagée. Nous attendons
la deuxième audience. Les gens de
LCL seront entendus le 22 sep-
tembre 2010. Ils ne s'étaient pas
présentés fin juin».
Confusion surhomonymeEn août 2008, lorsque leur
père décède, ses trois filles re-
çoivent sur le compte de suc-
cession 16000 euros
provenant de la clôture d'un
livret A de La Banque postale.
Six mois plus tard, mauvaise
surprise : la banque leur ré-
clame cette somme.
L'explication tient à une re-
grettable homonymie. La
banque a soldé le livret A d'un
autre client portant le même
nom que leur père. Ayant réa-
lisé son erreur, elle a rem-
boursé les 16000 euros au vrai
possesseur avant de se retour-
ner contre les héritières. «C'est
la procédure normale, se justifie
l'établissement. Ce genre de mé-
prise est très rare et résulte avant
tout d'une erreur humaine».
Pour les héritières, le choc est
rude. Mais c'est surtout le trai-
tement désinvolte de la part
du service des successions qui
les dérange: «Le prénom et le
nom avaient été vérifiés, raconte
Caroline, l'une des trois sœurs,
mais pas la date et le lieu de nais-
sance, qui auraient pu différencier
les deux clients». Elles ont aussi
l'impression d'être soupçon-
nées: «On nous dit que nous au-
rions dû nous rendre compte de
l'erreur. Or, notre père étant un
adepte des placements, cette
somme n'avait rien d'étonnant».
Autre preuve, selon les sœurs,
de la «mauvaise organisation
de la banque»: celle-ci n'a ré-
clamé le remboursement qu'à
deux d'entre elles. De son côté,
Caroline a souscrit un prêt sur
quatre ans consenti à taux
zéro par La Banque postale
pour rembourser le tiers de la
somme. Mais elle en fait une
question de principe : elle re-
fuse de payer les timbres pour
l'envoi des chèques de rem-
boursement du prêt.
David contreGoliathLa vigilance est de mise pour
les héritiers et batailler ferme
semble être la seule alterna-
tive pour résoudre les
conflits. Certains ont les
moyens de lutter, d'autres,
peu autonomes ou affaiblis
psychologiquement, n'ont
pas les mêmes ressources fi-
nancières et les mêmes ré-
flexes. Eternelle illustration
du combat entre le pot de
terre et le pot de fer. « Les
banques jouent sur du velours
en posant des conditions sur-
abondantes», explique Me Da-
niel Richard, avocat
spécialisé dans la défense des
épargnants. « Ralentir le pro-
cessus de succession est l'occa-
sion pour les banques de générer
de la trésorerie et d'engranger
des commissions», estime Syl-
vie Badin, la présidente de
l'Acabe.
Serge Maître, avocat et prési-
dent de l'Association française
des usagers des banques, s'in-
surge pour sa part contre
« l'opacité pratiquée et
[contre] l'incapacité technique
des agences bancaires. On
constate davantage de pro-
blèmes de succession au-
jourd'hui qu'il y a dix ans.
Mais il ne faut pas tout mettre
sur le dos des banques, il n'y
a pas d'organisation fraudu-
leuse». «Les trois quarts des
problèmes concernant les suc-
cessions résultent en fait d'er-
reurs de la part des
plaignants», rétorque un
porte-parole de LCL. Les
banques seraient donc res-
ponsables dans 25% des cas.
Un pourcentage pour lequel il
n'y a pas lieu de se vanter. g
financières qui alourdissent encore la peine éprouvée par les proches. Le traitement desessentielle pour démêler l'imbroglio de certains dossiers, et parvenir à débloquer un hé-
gare aux banques
«Ralentir le processus de successionest l'occasion pour les banques de
générer de la trésorerie»
Des défauts de transparence
Chargé des affaires ayant attrait aux successions, le service du mêmenom répond au besoin des banques de gérer la transition. Recenser lesavoirs dans les comptes souscris, les geler, en informer les héritiers etl’administration fiscale, les transférer puis les clôturer. Vraie responsabi-lité donc, pour un service dont le silence d’outre-tombe laisse songeur.Les questions sur les coûts de fonctionnement ou les effectifs restentlettre-morte. Pourtant pour fixer les tarifs des frais de successions, latransparence devrait être de mise. LCL, dont le service de successionest centralisé sur deux sites en France, estime que « les démarcheslourdes, les huissiers, l’aspect réglementaire, la recherche des bénéfi-ciaires d’assurance-vie spécifiquement chez nous (ce qui est le rôle desassureurs depuis le 17 décembre 2007),… génèrent des coûts impor-tants. Chez LCL nous avons un suivi personnalisé puisque les héritierspeuvent directement joindre le service de succession ». De son côté, la Société Générale incorpore le service de successiondans des pôles, au nombre de huit sur le territoire. Pour une gestion aucas par cas, les centralisations ne semblent pas indiquées, mais « celaévite une méconnaissance de ce type de dossier, qui sont parfois lourdet compliqué, surtout lorsque le défunt possédait un nombre d’avoirs im-portant », explique la Société Générale. Pour les banques mutualistes,comme la Caisse d’Epargne, la gestion se fait par région (ou groupe-ment de régions) et les agences mettent en relation. Pour les associa-tions de lutte contre les abus bancaires qui regrettent l’omerta, lesrelations avec les agences sont insuffisantes. « La méconnaissance desemployés en agence empêche un fonctionnement personnalisé qui per-mettrait d’éviter les contentieux réguliers, analyse Alain Bousquet. Fina-lement rien ne bouge dès que ça bloque, les conseillers sontimpuissants ».Bien sûr, dans la majorité des cas les dossiers de successions ne blo-quent pas. Mais les cas particuliers posent problèmes. « Il n’y a pas l’ex-pertise nécessaire, explique Sylvie Badin, et traiter au cas par cas coûteplus cher que de réformer l’ensemble ».
Succession, mode d’emploi
Le plus rapidement possible après le décès, les héritiers devront présenter à la (ou aux) banque(s) du défunt uneattestation notariée de succession ou un certificat d'hérédité - gratuit dans les mairies qui en délivrent -, accompa-gnés dans les deux cas d'une copie du livret de famille, ainsi que les coordonnées du notaire.En cas d'absence de réclamation d'un ayant droit, les avoirs sont transférés à la Caisse des dépôts au bout de dixans. Trente ans après le décès, les sommes sont versées dans les caisses de l'Etat.Le compte joint n'est pas soumis aux mêmes règles que les comptes individuels. Il continue de fonctionner, am-puté toutefois de la part réservataire destinée aux héritiers. Ces derniers peuvent demander à la banque par lettrerecommandée avec accusé de réception (ou en passant par le notaire) de le bloquer.Les personnes pensant être bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie, mais qui ne savent pas dans quel établis-sement ce compte est ouvert, peuvent gratuitement faire valoir leur droit de recherche de bénéficiaire devant l'or-ganisme agréé : Agira, 1, rue Jules-Lefebvre, 75431 Paris Cedex 09.Les frais d'obsèques peuvent être partiellement payés par la banque sur les avoirs des comptes du défunt, à hau-teur de 3 050 euros, sur présentation d'une facture.
Gavroche - 17 février 2011
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Politique
Genève, le salon
Dans moins de deux
semaines, certains
constructeurs auto-
mobiles joueront leur avenir.
La crise mondiale est passée
par là et les immatriculations
ont massivement reculé en
2009 par rapport à 2008 pour
des groupes comme Porsche
(-28 %), Mercedes (-14,2 %)
ou BMW (-13,9 %), même
s’ils ont su se reprendre.
D’autres constructeurs ont
plus de difficultés. Et les dif-
férents plans de relance arri-
vent progressivement à leur
terme. Depuis le 1er janvier,
les pays européens retirent
chacun à leur tour la prime à
la casse. Tant décriée par cer-
tains spécialistes de l’auto-
mobile, elle n’était vouée,
selon eux, qu’à retarder
l’échéance d’une importante
crise qui pesait déjà sur le
marché automobile. Ce plan
presque exclusivement euro-
péen a été utilisé par qua-
torze pays de l’Union
Européenne (mais aussi au
Japon) et est encore prolongé
par huit d’entre eux.
Les effets de la prime à la
casse paraissent pour l’instant
plutôt bénéfiques. D’autant
plus qu’ils sont à lier avec
l’augmentation de la valeur
écologique tant chez les
constructeurs automobiles
que chez les consommateurs
dans leur façon de renouveler
leur voiture. En France, grâce
au bonus/malus écologique,
les émissions moyennes de
CO2 sont passées de 140g à
134g par véhicule et par kilo-
mètre, soit -4,5% en 2009. Un
effet palpable chez certains
constructeurs : Volkswagen
présentera sa Up! GolfVII
électrique et BMW dévoilera
sa Megacity, entre autres
voitures électriques ou hy-
brides. Le secteur automobile
s’est donc relancé. Cette va-
leur environnementale sem-
ble presque devenir l’argu-
ment principal dans la réus-
site de la prime à la casse.
Cependant, cela reste un coût
non-négligeable pour les
constructeurs. La consé-
quence est qu’en France, les
clients se sont surtout concen-
trés sur les petites voitures.
Une façon de profiter des
avantages de la prime à la
casse et du bonus/malus éco-
logique en atténuant les in-
convénients du prix de
l’électrique.
Au niveau mondial, la re-
lance a aussi eu lieu. Après
avoir plus que flirté avec la
zone rouge, General Motors
(GM) a pu se relever, forte-
ment subventionné par un
Etat américain impliqué au
sens propre comme au figuré.
Cela n’empêche pas le groupe
américain d’afficher des
ventes en baisse de 5,9% de
voitures neuves pour les par-
ticuliers pour l’année 2010. A
coup de «concept cars», mo-
dèles à succès et automobiles
en instance d’être commercia-
lisées, le Salon de Genève est
l’occasion rêvée et presque le
dernier espoir pour GM et
d’autres de se relever. En
Suisse, ce ne sera plus l’heure
de jouer la montre. g
Du 3 au 13 mars prochains se tient le 81e Salon automobile de Genève. Entre « conceptde constater l’influence de l’électrique sur les modèles à venir. La crise a déteint sur le secteur
Caradisiac
La Ferrari FF sera une des stars du salon de Genève qui se tiendra du 3 au 13 mars. La remplacante de la 612 Scaglietti est un break de chasse qui a de quoi surprendre les amoureux du Cheval Cabré.
Saab :Saab n’est pas passée loin du gouffre. Subissant de plein fouet la crise mondiale et les
difficultés de son groupe détenteur, General Motors, la marque suédoise a sauvé sa peau
en rentrant chez Spyker. « Un concept car est en préparation sous la direction du nouveau
designer, Jason Castriota, transfuge de Pininfarina », déclare Claude Makowski, représen-
tant de la marque nordique en France. Sur cette nouveauté, le mystère reste entier même
si on entend parler d’une concurrente de Mini inspirée de la Saab 9-2. Une Saab cabriolet
9-3 en série limitée, à l’occasion du premier anniversaire du rachat par Spyker, sera aussi au ren-
dez-vous lors du salon helvétique. Le break 9-5 Estate sera aussi présent sur le salon en Suisse avec un
modèle 9-3 rénové. Cependant, Saab reste en pleine reconstruction. «C’est laborieux, il a fallu tout redémarrer.
Notamment, le processus général que gérait General Motors auparavant », explique Claude Makowski. La marque
vise haut avec pour objectif 80000 ventes pour 2011 alors que l’année 2010 a été très compliquée avec moins de
32000 voitures vendues.
DR
Saab 9-3 Cabriolet
9
Gavroche - 17 février 2011
Politique
cars», nouveaux modèles et voitures actuellement en vente, les visiteurs auront l’occasionautomobile, mais ce marché a su se remettre à niveau en 2010. Par Wilfried Corvo
Lancia Ypsilon
DR
de la relance
Volvo :Le constructeur suédois Volvo devrait présenter à Genève une V60
Diesel hybride « plug in », qui devrait être commercialisée dans la
foulée. Comme toute bonne hybride, elle ne sera pas 100% électrique
mais ses émissions de CO2 ne devraient pas dépasser les 50 grammes
par kilomètre, couplées à une consommation de seulement 1,9 litre
pour 100km. Volvo suit une tendance qui semble se confirmer depuis
l’année dernière. Les constructeurs automobiles prennent de plus en
plus en compte l’aspect environnemental dans leurs projets, avec en
point de mire la maîtrise d’un marché en devenir. Ancienne filiale de
Ford, la marque nordique a été rachetée par le constructeur chinois
Geely. Pourtant, les ventes de la marque avaient augmenté de 12,2%
l’année précédente. Pas assez pour aider son ancienne maison-mère,
Ford, qui enregistrait une baisse de 13,2% selon le rapport du Comité
des constructeurs français de l’automobile (CCFA). Une preuve que
Volvo ne semble pas maître de son destin.
Lancia :Au Salon de Genève, la principale attraction pour Lancia sera la nouvelle version du modèle
Ypsilon. A l’occasion de sa dernière année de commercialisation, la marque italienne s’est
dirigée vers un modèle différent. Les modifications principales sont à noter avec des
optiques plus allongées et une grille de calandre qui passe à l’horizontale. Les
design est plus masculin et sportif que celui de la génération précédente. A
l’origine la Lancia Ypsilon est un rebadgeage (réutilisation d’un modèle
d’une autre marque sous un autre nom) de l’Autobianchi A112,
mythique citadine italienne qui fut commercialisée jusqu’en
1986. Les principaux autres modèles de la marque diffè-
rent de l’esprit Lancia. Le rapprochement avec Chrysler
a été «décidé par Olivier François, le directeur fran-
çais de Lancia», explique Philippe Maury, représen-
tant de la marque. Olivier François devient directeur
de la marque américaine, dont Lancia possède les
parts à hauteur de 20%. «Ce chiffre devrait monter
jusqu’à 35%», ajoute Philippe Maury. Les voitures de
la marque resteront sous le nom de Chrysler dans le
marché anglophone. En Europe (sauf Royaume-Uni), la
«300C» de Chrysler deviendra la Lancia Thema, accom-
pagné par la Lancia «Grand Voyager».
Mitsubishi :Pour Genève, Mitsubishi se prépare à présenter un
prototype polyvalent. La Concept Global Small doit
inspirer cette citadine que le manufacturier japo-
nais devrait commercialiser en 2012 avec l’Asie en
ouverture. La marque aux trois diamants s’est éga-
lement appliquée sur l’aspect environnemental. La
consommation moyenne de dioxyde de carbone ne
devrait pas excéder les 90 grammes par kilomètre.
La marque asiatique fait également partie de celles
qui ont fortement subie la crise (-17,2% d’immatri-
culation en 2009). Au point de devoir se retirer du
rallye Paris-Dakar, quelques années après s’être
déjà retiré du championnat du monde de rallye
WRC, où les différentes générations de Mitsubishi
Lancer faisaient pourtant merveille.
Volvo V60 hybride «plug in»
Mitsubishi Global Small Concept
DR
DR
Gavroche - 17 février 2011
10
Economie
2010, le redémarragedu marché auto
Comme au casino, la
roue tourne toujours
en économie, mais
c'est surtout de savoir dans
quel sens qui compte. Après
être passé sous le tunnel de
la crise, le marché automo-
bile a retrouvé de la vigueur
au début de l’année 2010.
Sans garantir une véritable
sortie de crise, les décisions
des instances politiques
étaient la condition sine qua
none pour que certains
constructeurs ne mettent pas
la clé sous la porte au même
titre que certaines entre-
prises du secteur bancaire.
BMW en a fait l’expérience
avec un taux d’immatricula-
tions positif selon le CCFA à
+6,2 % en 2010 (- 15,5 % en
2009). GM reste dans le néga-
tif mais fait mieux que l’an-
née précédente en passant de
-9,2 % en 2009 à -5,8 % en
2010, moins plombé par sa fi-
liale Saab (- 59,1% en 2009
mais -19,6 % en 2010). Qua-
torze pays de l’UE ont utilisé
la prime à la casse. Cette
prime, allant de 500 euros à
2 500 euros, a permis à ces
pays de renouveler leur parc
automobile. Par exemple, en
France, les voitures ont
maintenant sept ans d'an-
cienneté en moyenne. Le suc-
cès le plus flamboyant est
celui de l'Allemagne dont les
immatriculations avaient
augmenté de 40 % en début
d'année 2009. Son parc auto-
mobile était le plus vieux
d'Europe. Mais plafonné à
5 millions d'euros, les Alle-
mands ont été les premiers
à ne plus dispenser cette
prime. Une réussite qu’il faut
donc nuancer car les effets
d’une relance ne sont pas
éternels et la pérennisation
du secteur automobile doit
de nouveau se faire de ma-
nière structurelle. D'autres
ont persévéré mais les ac-
teurs du secteur automobile
craignaient déjà l'effet boo-
merang. Aux Etats-Unis,
dans le même temps, le gou-
vernement américain a dé-
cidé de fournir un soutien de
poids au groupe General
Motors en pleine crise. Un
bien pour un mal, peut-être,
car ces aides sont un coût
que GM devra bien rembour-
ser un jour. Mais pour l'ins-
tant, le marché semble
répondre favorablement à
ces soutiens.
Double impactPourtant, les effets de la
prime à la casse sont large-
ment visibles. Au début de
l’année 2010, l’éphémère
ministre de la Relance fran-
çais, Patrick Devedjian, avait
loué les chiffres en 2009
en France, considérant
« qu’elle avait atteint tous ses
objectifs » avec 600 000 primes
à 1 000 euros remboursées
avant une baisse progressive
du remboursement courant
2010 puis sa disparition to-
tale. Ce chiffre passera le
million à la rentrée 2010
pour un coût total de plus
d’un milliard d’euros pour
l’Etat à la fin de l’année. En
Europe également, l’effet
s’est senti sur le marché mais
le plus dur reste de le péren-
niser. Pour les détracteurs de
la prime à la casse, c’est son
coût qui pose problème.
Outre son financement, un
autre phénomène s’est déve-
loppé : c’est la prise en
compte de l’aspect environ-
nemental par les construc-
teurs et les acheteurs.
Objectif CO2En plus de la prime à la casse,
la France a aussi mis en place
le bonus/malus écologique.
Et les consommateurs en ont
profité. Sur les deux der-
nières années, les émissions
de CO2 ont diminué de 12%.
Une fenêtre dans laquelle
semblent vouloir se glisser
quelques constructeurs. Les
concepts cars sont de plus en
plus nombreux à prendre en
compte l’aspect écologique.
Avec les prévisions sur le pé-
trole dont la planète man-
quera obligatoirement, les
constructeurs automobiles
semblent avoir bien compris
que l’avenir du secteur pas-
sera par l’électrique. g
Entre prime à la casse en Europe et soutien de poids aux Etats-Unis, 2010 aura été l'annéede la relance pour l’automobile qui a pris la crise de plein fouet. Dans ce contexte, certainsconstructeurs ont retrouvé des couleurs pendant que d'autres n'ont pu que limiter la casse.Point positif : l’environnement prend une place plus importante. Par Wilfried Corvo
DR
Le siège de General Motors à Détroit a été un colosse au pied d’argile pendant l’intégralité de la crise économique.
La relance en chiffres
Les chiffres du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) de2010 démontrent que le marché automobile a été dopé. En dehors de l’Eu-rope, les immatriculations des particuliers sont en large augmentation, et enparticulier chez les émergents, avec l’Argentine (+40,5%), la Chine (+33,2%)et l’Inde (+31,3%) en tête. En 2009, seul le couple Asie/Océanie était dansle positif à +21,7% (+55% pour la Chine). Le marché automobile américainest également dans le positif (+5,2%). Cependant, le plus grand constructeurdu pays, General Motors a été sauvé de la faillite par le gouvernement amé-ricain, qui a pris 60% des parts du groupe en 2009. Aujourd’hui, GM est denouveau coté en bourse. En Europe, l’effet relance est relatif. L’an dernier, letaux de nouvelles immatriculations a diminué de -4,8%. Les grandes marquesfrançaises se portent plutôt bien. Peugeot-Citroën est en baisse de seulement-1,1% alors que Renault est à +5,9%. Par contre en Italie, c’est une très mau-vaise année pour Fiat (-18,7%), avec l’effet Fiat 500 qui s’amenuise.
Economie
Dix ans après l’explo-
sion de la bulle In-
ternet, l’e-business
a finalement réussi le tour de
force de s’imposer dans
l’économie traditionnelle.
Loin derrière les Etats-Unis
dans la course à l’innovation
web, la France tente de com-
bler son retard, en mettant
notamment l’accent sur
l’enseignement auprès des
jeunes générations et futurs
entrepreneurs. Le 7 février
dernier, HEC Paris a ainsi
lancé une nouvelle formation
accélérée spécifiquement
tournée vers l’entreprenariat
sur Internet. « La création
d'une chaire de commerce élec-
tronique orientée vers l'inno-
vation, démontre l'ambition
d’HEC Paris de former de fu-
turs managers et entrepreneurs
dans l'économie numérique »
explique Bernard Ramanant-
soa, directeur général du
groupe HEC Paris. Cette
nouvelle formation s’inscrit
dans la continuité de l’an-
nonce faite au mois de dé-
cembre dernier, par trois
grands pontes de l’e-busi-
ness : Jacques-Antoine Gran-
jon (Vente-privee), Xavier
Niel (Free) et Marc Simoncini
(Meetic).
Une école spécialiséeLes trois hommes déclaraient
l’ouverture d’une nouvelle
école : l’EEMI (Ecole Euro-
péenne de Métiers de l’Inter-
net), spécialisée dans les
métiers de web. Cette école a
prévu d’ouvrir ses portes à la
rentrée prochaine, et il est
déjà possible de s’inscrire au
concours d’entrée via son site
internet*. HEC Paris emboîte
donc le pas en lançant sa
nouvelle chaire. Son certifi-
cate (formation théorique ac-
célérée) est ouvert dès le
mois d’avril, aux étudiants
de dernière année d’HEC
Paris ou titulaire d’un MBA
pour une centaine d’heures
de cours en deux mois. Le
programme a déjà recueilli
plus d’une centaine d’ins-
criptions. « Dans notre forma-
tion en master entreprenariat,
on survole un peu l’économie
numérique, cette chaire est un
complément d’apprentissage
pour ceux qui veulent entre-
prendre sur Internet », ex-
plique Vincent Juhel,
étudiant à HEC Paris et l’un
des premiers inscrits.
Toile saturée« Dans le e-business, toutes les
données de l’entreprenariat sont
chamboulées. Plus de rapidité,
plus de compétition, un retour
sur investissement plus rapide,
la formation doit être spéciali-
sée » explique Guillaume Sa-
lomon, co-fondateur du site
AJStage.com et étudiant à
HEC Paris. Le risque est donc
de pousser les néo entrepre-
neurs à faire du web pour
faire du web. La toile est
saturée de sites qui ouvrent
tous les jours notamment en
proposant un « nouveau »
service de B2C (des entre-
prises aux consommateurs).
Un grand nombre d’entre eux
échouent mais l’investisse-
ment de base étant beaucoup
moins important que dans
l’innovation industrielle, ces
revers font au final partie in-
tégrante du bon fonctionne-
ment de l’e-business.
« Internet permet de repenser
tous les métiers, de les actuali-
ser, de répondre à des demandes
qui n’auraient pas pu exister il
y a dix ans. Il faut réadapter
notre monde au web », ex-
plique Vincent Juhel. L’ave-
nir économique tend à se
tourner complètement vers
le virtuel, et il est donc natu-
rel que les écoles françaises
s’attèlent à former au mieux
les futurs entrepreneurs aux
techniques spécifiques à l’e-
business, pour que l’innova-
tion française puisse un jour
espérer rivaliser avec ses
concurrents américains.
Il faut dire que HEC Paris a
mis les petits plats dans les
grands pour rendre la forma-
tion la plus attractive possi-
ble. Gratuite, ouverte à une
poignée de privilégiés (sur
dossier), elle est aussi et
surtout parrainée par des
pointures de l’économie nu-
mérique. En plus des trois
fondateurs de l’EEMI qui
ont répondu présent, s’ajou-
tent Pierre Kosciusko-Mori-
zet (Priceminister) et Steve
Rosenblum (Pixmania).
Modèles de réussiteTous les cinq sont donc les
heureux premiers parrains
de la chaire « Digital Innova-
tion for Business ». En plus de
certains cours qu’ils dispen-
seront, ils se sont engagés à
verser près de 270 000 € par
an et ce pour une durée de
trois ans.
Après la vague d’innova-
tions industrielles qui a révo-
lutionné l’économie jusqu’en
1995, les entrepreneurs ont
finalement pris d’assaut le
monde virtuel avec succès.
Malgré l’éclatement de la
bulle spéculative Internet en
mars 2000, certains sites web
français sont devenus au-
jourd’hui des modèles de
réussite. Meetic, lancé en
2001, réalisait par exemple
un chiffre d’affaire de 133,6
millions d’euros en 2008. De
même, Priceminister, pre-
mier site d’e-commerce en
France, lancé lui-aussi en
2001, a été racheté par Raku-
ten, le plus important site
de vente en ligne japonais
pour 200 millions d’euros.
Une valorisation exception-
nelle pour Priceminister qui
a permis à Pierre Kos-
ciusko-Morizet, son fonda-
teur, d’assurer sa place au
panthéon des e-entrepre-
neurs. Un parcours sédui-
sant qui fait sûrement déjà
rêver ses premiers élèves. g
* www.eemi.com
L’ère de l’e-entreprenariatHEC Paris lance ce mois-ci la première chaire e-business en France. Objectif : former des étudiants de la prestigieuseécole de commerce aux spécificités de l’économie sur Internet. L’entreprenariat sur le web a finalement peut-être unavenir en France. Par Emmanuelle Ringot
Gavroche - 17 février 2011
11
Le risque: pousser les néo entrepre-neurs à faire du web pour faire du web
Top 10 des sitesfrançais les plusvisités
1)Orange.fr (12,000,000 de
visiteurs uniques)
2) Free.fr (9 100 000 de
visiteurs uniques)
3) Leboncoin.fr (8 100 000
de visiteurs uniques)
4) Commentcamarche.net
(7 400 000 de visiteurs
uniques)
5) Pagesjaunes.fr (7 400 000
de visiteurs uniques)
6) Dailymotion.com
(6 200 000 de visiteurs
uniques)
7) Laredoute.fr (6 200 000
de visiteurs uniques)
8) Sfr.fr (6 200 000 de
visiteurs uniques)
9) Linternaute.com (6 100 000
de visiteurs uniques)
10) Meteofrance.com
(5 600 000 de visiteurs
uniques)
*source adplanner by google
DR
L’expansion de l’économie dur internet a poussé l’école HEC Paris à en faire une filière spécialisée.
Gavroche - 17 février 2011
12
Economie
Médaille de bronzepour le Japon
Plus de 22 000 repas ont été servis en 2009 par les Restos du Coeur.
C’est désormais officiel, le Japon n’est plus la deuxième économie du monde. La faute àune Chine toujours plus riche et désormais deuxième. L’archipel nippon ne semble paspouvoir lutter contre la puissance chinoise en Asie. Par Valentin Marcinkowski
Le Japon devait domi-
ner l’économie du
XXIe siècle, c’est en
tout cas ce que prédisaient
bon nombre d’économistes
dans les années 1980. Trois
décennies plus tard, il n’en
est rien. Pis, l’Empire du So-
leil Levant a vu le rival histo-
rique chinois lui ravir la place
de deuxième économie mon-
diale que le pays détenait de-
puis 1968. En publiant les
chiffres de sa croissance an-
nuelle pour 2010, Tokyo
montre un peu plus ses fai-
blesses et consacre la supré-
matie économique de Pékin
sur l’Asie. Un gouffre de près
de 400 milliards de dollars
sépare désormais les deux
pays (5 879 milliards de dol-
lars pour la Chine contre
5 474 milliards pour le
Japon). Paradoxalement, l’ar-
chipel nippon a enregistré
une croissance de 3,9 % en
2010. Un score honorable
après une année 2009 difficile
- où le PIB avait chuté de
6,3%- mais qui ne peut sou-
tenir la comparaison avec la
Chine et ses +10,3 %. Le PIB
par habitant des Japonais
reste cependant plus de dix
fois supérieure à celui de la
Chine.
Tel un aveu d’impuissance, le
ministre de l’Economie japo-
nais Kaoru Yosano n’a pu que
saluer, le 14 février 2011, « la
progression rapide de l’économie
chinoise» et souhaite « amélio-
rer les relations amicales entre le
Japon et la Chine sur le plan éco-
nomique ». Confronté à une
demande intérieure très fai-
ble, le renouveau de l’écono-
mie nippone passe par les
exportations et donc par la
Chine, premier partenaire
commercial de l’archipel. In-
concevable il y a encore
quelques années pour les Ja-
ponais, l’idée de se vassaliser
toujours plus à l’Empire du
Milieu pour sortir du ma-
rasme semble désormais iné-
luctable. g
La Chine est désor-
mais la deuxième
puissance écono-
mique mondiale au
détriment du Japon
sur l’année 2010.
Qu’est-ce que cela
vous inspire ?
Evelyne Dourille-
Feer. C’est un non-
événement puisque
cela a été acté dès le
deuxième trimestre
de l’année dernière.
Je trouve pourtant
extraordinaire que la Chine n’ait pas dépassé le
Japon plus tôt. Les Nippons se préparaient depuis
plusieurs années à cette éventualité. Ils ont pris une
grosse claque quand ils se sont aperçus que la mon-
tée en puissance de la Chine allait les faire reculer
de la 2e à la 3e place. Aujourd’hui, les mentalités ont
changé et cette idée est plutôt bien acceptée.
La Chine peut-elle imposer sa domination sur le
continent asiatique ?
Je ne pense pas que tout soit joué en Asie. Les Chi-
nois veulent montrer leur puissance et commettent
quelques maladresses qui pourraient leur coûter
cher, notamment sur la question nord-coréenne. Le
risque pour la Chine serait de voir tout le continent
asiatique se souder sans elle. De son côté, le Japon
aspire à vivre en circuit fermé. Le pays continuera
ses exportations pour financer l’achat de matières
premières. Le seul facteur qui pourrait inquiéter
Tokyo, et pas seulement, c’est que la Chine produit
95 % des terres rares nécessaires à la confection des
appareils électroniques. Pékin a déjà bloqué l’ap-
provisionnement à plusieurs reprises par le passé
et cela peut pénaliser l’économie japonaise.
Quelles mesures comptent prendre le gouverne-
ment de gauche, en place depuis 2009, pour relan-
cer la consommation intérieure ?
Le parti démocrate japonais a été élu sur un pro-
gramme simple : faire de la politique au service des
gens. En vingt ans, le pays a traversé diverses crises
qui ont entraîné de nombreuses dérèglementations,
notamment sur le marché du travail. La gauche
souhaite remettre l’humain au centre de l’économie
en aidant les plus précaires. Le but est de recentrer
la demande sur l’intérieur en augmentant le pou-
voir d’achat avec des transferts sociaux. L’idée sem-
ble plutôt bonne mais la pression internationale
pour réduire la dette japonaise (194 % du PIB)
risque de changer la donne.
Pourquoi le Japon n’a pas été attaqué comme la
Grèce malgré une dette abyssale ?
A la différence des Grecs, les Japonais maîtrisent
leur dette puisqu’ils en détiennent près de 95 %. Or,
il est impossible de spéculer sur seulement 5 %.
Plus de 50 % de cette dette est détenue par les insti-
tutions financières publiques du pays. C’est un pro-
blème qui les concernent eux et seulement eux.
En raison de cette dette, existe-il un risque de voir
les agences de notation dévaluer la note du
Japon ?
Il faut bien différencier deux choses : la notation à
court terme et la notation à long terme. Sur le court
terme, le Japon a la meilleure note qui existe,
preuve qu’on lui fait encore confiance. Pour le long
terme, Standard & Poor’s est la seule agence à avoir
dévaluer la note du Japon de AA+ à AA- à la fin du
mois de janvier 2011. Globalement, le pays n’a rien
à craindre de ce point de vue même si le FMI s’est
servi de ce prétexte pour appeler les Japonais à as-
sainir leurs finances au plus vite. Dans ce cas, le
gouvernement devra faire des coupes dans les dé-
penses publiques pas vraiment en adéquation avec
le programme social sur lequel il a été élu. Le bud-
get 2011 va bientôt être voté et pour l’instant, il
semblerait que la part consacrée au social soit main-
tenu comme il avait été décidé avant la dégradation
de la note. g
Propos recueillis par Valentin Marcinkowski
Evelyne Dourille-Feer : «Le Japon aspire à vivre en circuit fermé»,
docteur en Economie, japonologue et économiste au CEPII.
Malgré un taux de croissance de 3,9% en 2010, la Bourse de Tokyo et l’économie japonaise dans son ensemble nepeuvent rien face à la montée en puissance chinoise qui dépasse les 10% de croissance du PIB.
DR
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ntin M
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inkow
ski
13
Gavroche - 17 février 2011
Economie
Politique
Les salariés ne fontplus confiance auxsyndicats. La preuve,
38 % des non syndiqués ontle sentiment que les cen-trales ne comprennent pasles salariés (sondage de laDirection de l'Animation dela Recherche des Études etdes Statistiques d’octobre2004). Alors que faire pourdépasser la barre des 10 %de syndiqués ? Force Ou-vrière (FO) s'est mis en têted’atteindre de nouveau cetobjectif lors de son 22e
congrès qui se tient à Mont-
pellier jusqu'à samedi. Latroisième force dans lemonde syndical derrière laCGT et la CFDT a réuni ses2700 délégués pendant qua-tre jours pour tenter de fixerles objectifs des trois pro-chaines années.En perte de vitesse, – FO aperdu cinq points aux élec-tions prud’homales entre
1997 et 2008 et était à la li-mite de perdre la SNCF,EDF-GDF et la Poste -, le syn-dicat prévoit de mettre enavant sa diversité politiquepour débattre des grands su-jets futurs comme la paritéhommes-femmes dans lesentreprises ou les problèmesde discrimination. Le syndi-cat, de tradition anarcho-ré-formiste, compte autant detrotskistes que de partisansde l’UMP. Il envisage d’enfaire un atout, un gage d’in-dépendance et pour cela,prend le parti de ne faire au-
cune allusion à 2012. Etquand il est question de laprésence de lepénistes dansle syndicat, le secrétaire gé-néral de FO-cadres Eric Peresréfute : « Nous avons une va-
leur commune, celle de la Répu-
blique. Le FN ne l’a pas et par
conséquent FO ne doit compter
aucun de leur sympathisant ».Pour remédier au recul évi-
dent de Force Ouvrière, lesyndicat mise tout sur laproximité. Pour le secrétairegénéral, « il faut prendre
conscience des réelles souf-
frances des salariés. Les reven-
dications ont changé et les
moyens de les exprimer égale-
ment. Les syndicats ne sont
plus les seules instances à pou-
voir les défendre ». Autant defacteurs qui font obstacles àl’intronisation de FO dans lesentreprises. Entre autres, lacentrale compte bien remet-tre au goût du jour l’impor-tance des syndicats dans lesentreprises en luttant contrel’abstentionnisme dans lesvotes des syndicats et contrele désengagement de l’Etatquant au soutien des organi-sations syndicales.
Force Ouvrière dufuturLa question ne semble paspour autant préoccuper Jean-Claude Mailly. Dans une in-terview pour Les Echos, ill’affirme : « FO est sur une
pente ascendante, n'en déplaise
à ceux qui rêvent d'une bipola-
risation du syndicalisme».Prin-cipal point de discorde avecle gouvernement, la loi sur lareprésentativité d’août 2008.Signée par le duo CGT-CFDTet par le MEDEF, elle prévoitun vote dans chaque entre-prise pour définir quellesorganisations syndicales de-vront représenter les em-ployés. Pour Eric Peres, laréforme pose un réel pro-blème de démocratie. « Le
syndicat doit désormais obtenir
10 % des voix aux élections pro-
fessionnelles dans une entre-
prise. Les syndicats moins
importants que CGT ou CFDT
sont écrasés et perdent ainsi
leur place dans les sociétés »,s’insurge-t-il. L’enjeu seraainsi de convaincre les nonsyndiqués de s’engager dansces élections pour qu’ilspuissent se retrouver dansune organisation syndicalequi leur ressemble et pour-quoi pas chez Force Ou-vrière. « On s’étonne ensuite
qu’il y ait un sentiment général
de manque de représentativité.
Cette réforme ne fait que reculer
le syndicalisme en France »,conclut Eric Peres.
L’équipe actuellerenouveléeLes PME sont les plus tou-chées par cette réforme. Lerisque majeur demeure dansl’apparition de nouveauxconflits et dans la transfor-mation des syndicats en ap-pareils politiques. Et ilsétaient déjà bien partis pour.Le but par la suite sera égale-ment de percer davantagedans les boîtes privées où FOcompte déjà 60 % de syndi-qués. Stratégie pour peserdans la politique sociale, lacentrale cherche à s’imposerprincipalement dans les dé-bats sur la protection sociale,l’emploi du service public ouencore sur les retraites. Riende nouveau depuis les réso-lutions du congrès de 2007.FO cependant l’affirme : ledialogue sur la réforme desretraites de novembre der-
nier n’est pas clos. Pour le re-nouvellement de l'équipe,aucun suspense à avoir. Surles douze membres du bu-reau de FO, un seul se voitremplacé. Bernard Devy, lespécialiste des Retraitespasse ainsi le flambeau à Phi-lippe Pihet, patron de l'uniondu Rhône. Pour ce qui est del'élection de la tête de la cen-trale, le troisième mandat deJean-Claude Mailly est as-suré par l'absence de concur-rence. Cela change de 2007.Pourtant, un des objectifs de-puis le dernier congrès étaitde renouveler l’équipe où lescadres vieillissent et sem-blent de moins en moinscomprendre les réalités surl’emploi des jeunes parexemple. Selon Eric Peres,« ces changements s’opèreront
dans les prochaines années
notamment en 2013 où auront
lieu les élections de représen-
tativité ».En attendant, FO espère bienjouer la carte de la tranquil-lité et de la confiance. Riende mieux selon le syndicatpour attirer de nouveauxadhérents. g
FO, une Force OubliéeLe 22e congrès de Force Ouvrière (FO) a débuté lundi dernier à Montpellier. Le but est de réaffirmer les objectifsdu syndicat pour les trois ans à venir. Pas si facile pour FO qui perd en auditoire et en crédibilité. Par AudreyLoussouarn
Gavroche - 17 février 2011
14
Force Ouvrière, qui organise son 22e congrès, est en perte de vitesse depuis quelques années.
DR
« Les revendications ont changéet les moyens de les exprimerégalement »
Réforme des retraites, bête noire de FO :
Réunis à Lille en juin 2007, les
délégués du 20ème congrès
de FO annonçaient déjà dans
leur résolution générale leur
revendication prioritaire pour
les trois années suivantes.
Force Ouvrière voulait ainsi lut-
ter contre les économies de
substitutions comme l’épargne
retraites qui affaiblissent les
« régimes de retraite par répar-
tition pour développer la capi-
talisation ». Tout ce que met
désormais en œuvre la ré-
forme des Retraites de novem-
bre dernier. Au moment des
revendications contre cette loi,
le syndicat n’avait pas réussi à
imposer ses journées de ras-
semblements. Aujourd’hui, il
reste cependant persuadé qu’il
pourra la faire annuler.
justice
Des « carences mani-
festes » ont été
constatées dans le
traitement du cas Tony Meil-
hon. C’est ce qu’a déclaré Mi-
chel Mercier, ministre de la
justice, lundi 14 février à la
suite de l’étude du rapport
de l’IGS sur l’accompagne-
ment du meurtrier présumé
de Laetitia Perrais. Ce rap-
port met en avant des dis-
fonctionnements dans la
transmission des directives
entre le juge d’application
des peines (JAP) et les ser-
vices pénitentiaires d’inser-
tion et de probation (SPIP).
Alors que le JAP notifiait
l’urgence de la saisie des ser-
vices pénitentiaires dès juin
2009, après une condamna-
tion en récidive de Tony
Meilhon, ils ne le sont qu’en
novembre 2009. Et lorsque
Tony Meilhon sort de prison
le 24 février 2010, le conseil-
ler d’insertion et de proba-
tion (CIP) en charge de son
dossier, surchargé de travail,
décide de « prioriser » d’au-
tres cas estimés plus sensi-
bles. Résultat : le CIP ne
rencontre pas Tony Meilhon,
pas plus que le service
médico-psychiatrique qui
s’occupait de lui. Les infor-
mations circulent mal, voire
pas, entre les services et le
SPIP ne prend aucune me-
sure particulière.
Une «responsabilitécollective»Ce sont donc principalement
les services pénitentiaires qui
sont mis en cause par le rap-
port de l’IGS, même si le
garde des sceaux a parlé de
«responsabilité collective». Bien
que blanchis, les magistrats
restent mobilisés après plu-
sieurs jours de report des au-
diences non-urgentes dans
plus de 70 circonscriptions. Si
le gel des audiences a été levé
avec la diffusion des conclu-
sions sur le rapport d’inspec-
tion, les magistrats n’en ou-
blient pas moins les
interventions du président
Nicolas Sarkozy ni le manque
de moyens auquel ils doivent
faire face.
«La phrase de Nicolas Sarkozy
réclamant que des coupables
soient punis parmi les magis-
trats, alors même que le rapport
n’était pas encore étudié, a été la
goutte d’eau qui a fait déborder le
vase», explique Julie Couty,
substitut du procureur au tri-
bunal de grande instance de
Pontoise (95). Une déclaration
vécue comme une attaque di-
recte du président, qualifié
avec humour de «multi-réci-
diviste» par le juge Trévidic
le7février dernier puisqu’il
avait déjà eu des mots avec la
magistrature. Et le mouve-
ment déclenché par cette dé-
claration perdure puisque
mardi 15 février, les princi-
paux syndicats de la magis-
trature ont appelé à appliquer
stricto sensu toutes les procé-
dures prévues par la loi afin
de mettre en lumière la pénu-
rie de moyens de la justice.
«Par ce procédé, tout en
continuant notre travail, nous
voulons mettre en avant l’empi-
lement législatif parfois contra-
dictoire de ces dernières années et
l’impossibilité de suivre certaines
directives par manque d’argent et
de personnel», reprend la subs-
titut du procureur. Ce
manque de moyens est bien le
centre du problème puisque,
selon Marie-Odile Bertella-
Geoffroy, membre du syndi-
cat FO magistrats, il se trouve
à l’origine des «responsabili-
tés individuelles qui ont été
identifiées» dans l’affaire Lae-
titia. Impossible donc, pour
elle, de mettre en cause des
personnes qui ne sont pas en
mesure d’effectuer, au quoti-
dien, leur travail correcte-
ment. Dans le département
du Val d’Oise (95), comme en
Loire-Atlantique (44), un CIP
s’occupe de 120 à 130 dossiers.
S’il doit tous les traiter équita-
blement, cela revient à passer
sept minutes par mois sur
chaque cas. Le tri devient
donc indispensable pour les
conseillers, au risque de ne
pas détecter la dangerosité
potentielle d’individus ou
de négliger les procédures
de suivi.
Un suivi négligéQuant au JAP, il est en
charge d’environ 1200 dos-
siers en permanence. Une
somme de travail impossible
à supporter, à tel point que
certaines mesures ne sont
parfois même plus requises.
« Aujourd’hui, on est bien
conscient par exemple que les
suivis pour les procédures
de mise à l’épreuve sont très
longs à mettre en place »,
illustre Julie Couty. Alors
même qu’il s’agit d’une me-
sure souvent utile permet-
tant d’éviter l’incarcération
et de désengorger des pri-
sons françaises surpeuplées.
« Tout doit être revu en termes
de moyens dans la chaîne pé-
nale, afin que le système puisse
fonctionner correctement », in-
siste Marie-Odile Bertella-
Geoffroy.
Or c’est le président de la Ré-
publique qui est censé, selon
l’article 5 de la Constitution,
être le garant de la justice en
lui donnant les moyens d’agir.
La frustration monte donc
d’autant plus dans les rangs
des magistrats qui se sentent
à la fois délaissés et visés à
tort. Dans ce contexte, les cinq
millions d’euros et les 400
postes de greffiers promis par
Michel Mercier afin de palier
en urgence aux manques les
plus criants des tribunaux
font bien pâle figure. g
Les magistrats prônentl’excès de zèle
Le garde des sceaux Michel Mercier rendait public, le 14 février dernier, le contenu du rapport de l’Inspection Gé-nérale des Services (IGS) sur l’affaire Laetitia. Ses conclusions mettent en cause les services pénitentiaires mais in-nocentent les magistrats qui, solidaires, poursuivent leur protestation contre le manque de moyens de la justice.Par Pascal Golfier
Gavroche - 17 février 2011
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Les magistrats poursuivent leurs protestations.
DR
3 questions à Maître Sophie Millot, avocate pénaliste au barreau de Paris.
Les avocats soutiennent-ils les magistrats dans leurs protestations ?
Dans l’ensemble oui, et j’étais d’ailleurs à la manifestation du jeudi 10 février. Il est inadmissible que le président
cherche des coupables au lieu de trouver des solutions aux manques de moyens de la justice, que ce soit en
termes d’argent, de personnel ou de temps.
Comment ces pénuries influent sur le fonctionnement de la justice ?
Les juges sont surchargés de travail et certaines mesures deviennent quasi inapplicables. Les travaux d’intérêts
généraux par exemple sont de moins en moins requis. L’incarcération en détention provisoire devient « normale »
car plus simple qu’un contrôle judiciaire. Alors même qu’elle est souvent inadaptée et surtout, conçue comme une
procédure exceptionnelle ne concernant que des mis en examen jugés dangereux.
L’arrivée de jurés populaires pour des affaires correctionnelles, comme le souhaite Nicolas Sarkozy,
sera-t-elle une aide ?
Je ne pense pas car il sera difficile pour les gens de s’intéresser à des affaires parfois très complexe. En plus, les
magistrats sont des professionnels du droit, c’est leur métier. Ce qui n’est pas le cas de civils. Et puis cela revient
à expliquer au peuple qu’il serait peut-être plus compétent que les juges. Au contraire, pour moi une telle mesure
participe à créer une mauvaise image de la justice auprès des gens.
Gavroche - 17 février 2011
16
Société
L’année du Mexique
Le verdict a fait l’effet
d’un coup de massue
pour la France. Le
pourvoi en cassation de Flo-
rence Cassez a été refusé le
jeudi 10 février, la condam-
nant définitivement à 60 ans
de prison. Les réactions de la
famille de la Française de 36
ans accusée de complicité
d’enlèvements ne se sont pas
faites attendre. Sa mère jette
le premier pavée dans la
mare en demandant l’annu-
lation pure et simple de l’an-
née du Mexique en France,
partenariat culturel entre les
deux pays. « Il est impensable
de fêter le Mexique en France ! »
déclarait Charlotte Cassez,
lors d'une conférence de
presse dans le cabinet de son
avocat français à Lille. Mise
en place le 27 mai 2010 par
Bernard Kouchner, l’année
du Mexique en France se de-
vait d’être grandiose. Plus de
300 manifestations ont été
mise en place dans divers
domaines : cinéma, arts de la
scène, expositions patrimo-
niales, littérature, échanges
universitaires et acadé-
miques, sciences et tech-
niques dans de nombreuses
villes françaises de février à
décembre 2011. La demande
de Charlotte Cassez a rapi-
dement pris de l’ampleur,
notamment à la suite de dé-
clarations de plusieurs poli-
tiques sur le sujet. Michèle
Alliot-Marie, ministre des
Affaires étrangères, a an-
noncé qu'elle ne participerait
à aucune manifestation de
l'année du Mexique et a dé-
noncé un « déni de justice »,
François Baroin, porte parole
du gouvernement, évoque
quant à lui un « point de cris-
pation » entre Paris et
Mexico. A Lille, l’exposition
Drôle d’estampes, calaveras et
caetera labellisée année du
Mexique en France, a été an-
nulé sous la demande de son
maire Martine Aubry dès le
lendemain de l’annonce du
jugement, avant même que
Nicolas Sarkozy n’accueille
les parents de Florence Cas-
sez à l’Elysée le 14 février.
« Personnellement j’aurais pré-
féré que l’exposition soit main-
tenue tout en y réservant un
espace à Florence Cassez mais je
suis solidaire, alors je com-
prends la décision de la mairie
de l’annuler. Florence Cassez
est originaire de Lille, ses pa-
rents habitent dans la région,
Martine Aubry se devait
d’agir », déclare Alain Buyse,
commissaire de l’exposition.
Le pire ce seraitl’oubliLe président de la Répu-
blique, en contact régulier
avec la Française incarcérée,
se retrouve maintenant dans
une situation compliquée :
lui qui prévoit une réforme
du système monétaire inter-
national, a demandé à son
homologue mexicain Felipe
Calderon de travailler sur
cette question avec la chan-
celière allemande Angela
Merkel en vue de la pro-
chaine réunion du G20. Un
G20 dont le Mexique pren-
dra la tête en 2012. Mais pa-
rallèlement, avec l’affaire
Cassez, celui-ci se trouve
dans l’obligation de saisir la
Cour internationale de Jus-
tice de La Haye ou la Cour
interaméricaine des droits
Emprisonnée depuis plus de cinq ans à Tepepan, Florence Cassez défraye toujours la chro-française est inébranlable. Nicolas Sarkozy demeure son principal défenseur, au point
Florence Cassez est emprisonnée à Tepepan au Mexique depuis 2005.
Ladepeche.f
r
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Gavroche - 17 février 2011
Société
de l’homme au Costa Rica.
Face au refus constant du
Mexique de transférer Flo-
rence Cassez en France, le
boycott de l’année France -
Mexique se devait de repré-
senter le moyen le plus ra-
pide et direct pour montrer
un désaccord politique.
Pourtant la principale inté-
ressée ne se dit pas du tout
favorable à cette idée. Pour
elle, l’année du Mexique en
France est le meilleur
moyen d’aborder son cas.
« Le pire, ce serait l'oubli », a-
t-elle déclaré. C’est donc en
accord avec la famille Cas-
sez que Nicolas Sarkozy a
décidé de maintenir les ma-
nifestations de l’année du
Mexique en France et même
de les dédier à la Lilloise.
La culture en otageMais, le 14 février, à peine la
décision de maintenir le par-
tenariat culturel prise, le
gouvernement mexicain an-
nonce quelques heures plus
tard son retrait de l'organisa-
tion. « A la lumière des déclara-
tions du président Sarkozy, le
gouvernement du Mexique
considère que n'existent pas les
conditions pour que l'année du
Mexique en France soit menée
à bien de manière appropriée et
que soit mis en œuvre l'objectif
pour lequel elle avait été
conçue », indique le ministère
des Affaires Etrangères
mexicain. « Le gouvernement
mexicain estime qu'il n'est pas
sain de lier un cas pénal avec
un évènement culturel. Consé-
quence : le financement mexi-
cain pour les multiples
manifestations en France est en
suspens tant qu’on n’aura pas
le mot de la fin au grand désar-
roi de certains organisateurs
qui ont attendu février pour
leur inauguration », explique
Miguel Gleason, président
de l’association culturelle
Mexique en France. Lancée
officiellement le 3 février au
Musée d’Orsay mais com-
mencée dès janvier 2011,
l’année du Mexique en
France ne pouvait preste-
ment pas être annulée par
Nicolas Sarkozy, l’idée d’un
partenariat émanant de la
France dès l’année 2009 alors
que Florence Cassez était
déjà emprisonnée. De son
côté, le Mexique souffle le
chaud et le froid en se disant
finalement prêt à participer
à la seule condition que les
autorités françaises renon-
cent à la lier à l'affaire Flo-
rence Cassez. « Nous sommes
là, nous sommes prêts, nous
avons déjà commencé à organi-
ser quelques événements, si on
respecte les conditions par les-
quelles nous avons été invités »,
a affirmé mardi 15 février
l'ambassadeur du pays en
France, Carlos De Icaza. Les
manifestations se déroulant
depuis janvier ou dans les
prochaines semaines sont
presque assurées d’avoir
lieu. « Le financement de cette
année mexicaine dépendant en
grande partie du mécénat d’en-
treprises comme Air France,
Axa ou encore Schneider Elec-
tric rien n’est totalement
perdu » annonce Pascal San-
gnier, directeur du lycée
Louis Gailloux de Rennes
qui doit accueillir du 16 au
26 février la Semaine du
goût labellisée année du
Mexique en France.
Les organisateursdans l’attenteL’exposition d’ouverture à la
Pinacothèque de Paris Les
masques de Jade Mayas qui ou-
vrira ses portes le 1er mars
sera accessible au public
quoiqu’il advienne mais
pour les manifestations com-
mençant à partir de fin fé-
vrier les organisateurs
attendent avec impatience
les décisions des chefs
d’Etats. « Cela représente des
enjeux économiques pour notre
festival et nos partenaires, toute
une équipe l’a préparé depuis
un an alors si j’annonce qu’il
n’aura pas lieu je pense que ce
sera dramatique, socialement et
psychologiquement » déclarait
sur France Inter Eric Bou-
zannet, le président du festi-
val Travelling Mexico &
Junior qui rend hommage au
cinéma mexicain du 23 fé-
vrier au 1er mars 2011. Les
visites d’écrivains, de chan-
teurs ou d’acteurs mexicains
pourraient également être
suspendues. « Il y a trente in-
vités prévus et les billets
d’avion sont réservés depuis
longtemps, précise Séverine
Létondu responsable en
communication de l’associa-
tion Clair obscur en charge
du festival Travelling, « C’est
comme préparer un mariage
puis apprendre au dernier mo-
ment que la mariée ne viendra
pas ». Toute une saison cultu-
relle est également en jeu
dans les musées car certaines
œuvres proviennent des col-
lections de l’Etat mexicain.
« Tous les tableaux de l’exposi-
tion Frida Kahlo au Musée de
L’Orangerie ont été entière-
ment envoyés depuis le
Mexique mais il y a toujours un
risque qu’ils soient « repris »,
Quant à l’exposition consacrée
à Diego Rivera au même musée,
l’envoi de tableaux est pour
l’instant au point mort », af-
firme Miguel Gleason. Du
côté du musée de Saint-Ro-
main-en-Gal qui présentera
Les cultures antiques de Vera-
cruz, l’une des expositions
les plus attendues, le person-
nel n’a pour l’instant reçu
aucune consigne d’annula-
tion. « Cette exposition a été
déjà installée en collaboration
avec trois spécialistes mexicains
et doit ouvrir ses portes dans
trois jours donc elle reste bien
programmée », assure la direc-
trice du Musée. Ce conflit
politico-culturel n’est pas
sans précédent en France. La
sortie en 1990 du livre de
Gilles Perrault Notre ami le
Roi, dans lequel l’auteur dé-
nonçait les exactions du ré-
gime d’Hassan II, alors que
la France s'apprêtait à rece-
voir ce dernier avait provo-
qué l’annulation de l’Année
du Maroc en France. Reste à
savoir si le Mexique ira à son
tour jusqu’au bout de ses
convictions… g
nique. Si la question de sa culpabilité reste encore en suspens, le soutien de la communautéde risquer l’annulation de l’année du Mexique en France. Par Aléxandra Bresson
en France menacée
L’année du Mexique en France doit se dérouler de février à décembre 2011.
Florence Cassez, cinq ans déjà
En Mars 2003, Florence Cassez originaire de Lille, décide de vivre au Mexique. Après un an sur place, elle rencon-tre Israel Vallarta, qui se dit vendeur de voiture, et s’installe avec lui dans un ranch. Le 8 décembre 2005, ce derniersoupçonné de diriger un gang responsable d’une dizaine d’enlèvements et d’un meurtre, est arrêté avec sa com-pagne sur une autoroute par la police. Le couple est une nouvelle fois arrêté le lendemain, au ranch, devant la télé-vision mexicaine qui diffuse en direct la reconstitution. Si Vallarta a reconnu les faits, il a toujours affirmé que sacompagne n’avait rien avoir avec ses agissements. Le 27 avril 2008, la Française, reconnue coupable d’enlève-ment, d’association de malfaiteurs et de possession d’armes, est condamnée à 96 ans de prison. Un an plus tard,la peine est réduite à 60 ans grâce à un appel mais le président mexicain Calderon refuse son transfèrement enFrance. L’année 2010 représentait un espoir pour Florence Cassez car le parquet mexicain a reconnu que la policementait sur la réalité de l’arrestation et qu’un témoin à charge affirme avoir avoué son nom sous la torture. Elé-ments qui n'étaient apparus ni au procès initial ni au procès en appel. Les avocats de Florence Cassez en profitentpour déposer un pourvoi en cassation qui sera rejetée le jeudi 10 février, rendant la condamnation définitive. LaFrançaise a reçu deux soutiens notables : celui de l'Eglise catholique du Mexique et celui d'un ancien procureur gé-néral fédéral. Tous les deux ont affirmé croire en son innocence. Mais pour la majorité des mexicains Florence Cas-sez est coupable. L’enlèvement et la séquestration étant des délits très graves dans ce pays, plusieurs partispolitiques réclament même la peine de mort. La présidente de l’association Alto al Secuestro (Halte aux enlève-ments) Isabel Miranda de Wallace a elle-même toujours condamné Florence Cassez : « Je suis sûre à 100% qu’elleest coupable. Elle a habité avec Israel Vallarta qui a reconnu plusieurs enlèvements. Puis David Orozco, l’un desmembres du gang l’a désigné comme l’une des responsables ». De son côté, la Française a toujours clamé son in-nocence et a même écrit un livre, A l’ombre de ma vie : prisonnière de l’Etat Mexicain sorti en février 2010.
«Les visites d’écrivains, de chanteursou d’acteurs mexicains pourraientêtre suspendues»
Su
ite
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Sport
Les sélections pour le
All-Star Game an-
noncées, Tony Par-
ker, sans crier au scandale,
ne pouvait cacher qu’il
espérait être de la fête à Los
Angeles : « Je suis bien évi-
demment déçu ». Une sélec-
tion qui n’avait rien
d’utopique. Le Français
donnait d’ailleurs deux ar-
guments qui auraient pu
faire pencher la balance en
sa faveur. « Je réalise le meil-
leur début de saison de ma car-
rière et à côté de ça, San
Antonio caracole en tête avec le
meilleur bilan de son histoire ».
« Il est le meneur de jeu de la
meilleure équipe et produit ses
meilleures stats, sa sélection
était clairement possible », ac-
quiesce Florent de Lamber-
terie, journaliste pour
l’hebdomadaire BasketNews.
Thomas Félix, du magazine
BAM, mensuel spécialisé
dans le basket américain, est
encore plus affirmatif. « Il
méritait, c’est sûr ! »
Plus fort quejamaisTP déroule actuellement le
basket le plus abouti de sa
carrière. 17,3 points, 6,7
passes et 3,1 rebonds, le tout
en 33 minutes de jeu, ce qui
fait de lui le meneur le plus
rentable de la ligue. Surtout,
qu’il soit dans un bon jour
ou non, sa production est
constante. Alors qu’il débu-
tait d’ordinaire ses saisons
rincé par les étés passés à
batailler dans le monde en-
tier avec l’équipe de France,
Parker a décliné l’invitation
des Bleus en juillet dernier
pour se reposer. Aussi la
mobylette – le surnom sou-
vent donné aux joueurs de
petite taille qui vont très
vite – a commencé 2010-11 la
poignée dans le coin, sans
jamais baisser de régime.
« Tony est remarquable, com-
mentait récemment Jacques
Monclar, ancien joueur de
l’équipe de France et désormais
consultant vedette du groupe
Canal. Il n’a jamais été aussi en
phase avec son jeu qu’en ce mo-
ment. Puis physiquement, il est
vraiment impeccable. Pour
moi, il a le rendement d’un
joueur All-Star ».
D’autant plus que si les sta-
tistiques individuelles ne
veulent pas tout dire, l’in-
croyable début de saison de
son équipe de San Antonio
plaidait également en faveur
de TP. Premiers de la NBA
après plus de 50 matches,
avec cinq victoires d’avance
sur Boston, jamais les Spurs
n’avaient ainsi régné sur la
ligue dans leur histoire,
pourtant riche de succès
(champions en 1999, 2003,
2005 et 2007).
Pourquoi Parkern’a-t-il pas étésélectionné ?Aujourd’hui, Tony Parker
est donc le meneur de la
meilleure équipe, celui par
qui chaque action com-
mence, celui qui dicte le
tempo et dirige ses coéqui-
piers. Pourtant, ses avan-
tages sont devenus des
inconvénients au moment
des sélections pour le All-
Star. Les Spurs invincibles ?
TP n’est pas le seul garant
du jeu des Texans. Ainsi les
fans (qui élisent les titulaires
du All-Star Game, une spé-
cificité américaine) ont pré-
féré voter pour Tim Duncan,
la légende encore en activité
des Spurs ; les entraîneurs
(qui votent eux pour les
remplaçants) ont choisi la
troisième lame du trident
texan, l’Argentin Manu Gi-
nobili.
« Duncan est en net retrait
cette année mais il est incon-
tournable de par ce qu’il repré-
sente, c’est la figure du club, et
Ginobili est dans la forme de sa
vie, c’est lui qui fait gagner les
matches, qui met les shoots im-
portants », analyse Laurent
Sallard, journaliste pour le
site de la Ligue Nationale de
Basket (française). « Il y a un
avantage et un inconvénient
pour le All-Star à être dans la
meilleure équipe de la ligue,
commente Pascal Legendre,
directeur de la rédaction de
Maxi-Basket, le mensuel
français de référence dans le
basket. Tu peux être pris parce
que ton équipe tourne bien,
mais en même temps, il n’y a
que 12 places dans une équipe,
faut-il en donner trois à la
même équipe ? » « Il y a aussi le
fait que les supporters aux
Etats-Unis ne sont pas ultra
fans de Tony, et San Antonio,
ce n’est pas L.A., les Texans ne
bénéficient pas de la même
hype », reprend Florent de
Lamberterie.
Enfin, et c’est sûrement le
point qui a le plus porté pré-
judice à TP, le poste de me-
neur de jeu est ultra
concurrentiel. « Des meneurs
en NBA, actuellement, il y en
a en quantité, et beaucoup sont
de qualité. Ils sont une demi-
douzaine à être très forts, Par-
ker n’est ni en-dessous, ni
au-dessus », estime Pascal Le-
gendre. Ainsi Chris Paul et
Deron Williams seront à
L.A., pas Tony, ni Steve
Nash ou Monta Ellis, tout
aussi méritants.
Mais le principal est ailleurs.
Quelques heures après l’an-
nonce des sélections, Tony
se fendait de 21 points dans
la victoire à l’arrachée des
Spurs… à Los Angeles. « Je
laisse l’épisode du All-Star
Game derrière moi. Le plus im-
portant à mes yeux est d’em-
mener San Antonio le plus
haut possible ». Paul et Wil-
liams peuvent faire la
bringue à L.A. ce week-end,
eux n’ont aucun titre dans
leur besace, quand Tony en
a déjà raflé trois. Et en juin
prochain, les équipes qui
ont le plus de chances de
soulever le trophée de
champion ne sont pas les
Hornets de Paul ou les Jazz
de Williams, mais bien les
Spurs de Parker. g
Tony Parker, star maispas All-Star
Ce week-end se déroule au Staples Center de Los Angeles le All-Star Game de la NBA, un match qui oppose lesmeilleurs joueurs du championnat américain de basket-ball. Bien qu’au top de sa forme, le Français Tony Parkern’a pas été sélectionné pour cette grand-messe annuelle. Dommage, oui ; scandaleux, non. Par Yann Casseville
Gavroche - 17 février 2011
18
Tony Parker n’est pas All-Star, mais il garde les yeux rivés sur son principal objectif : le titre de champion NBA.
DR
«Il est le meneur de jeu de lameilleure équipe, sa sélection était
clairement possible»
TP en 10 dates
• 17 mai 1982 : naissance à Bruges (Belgique).
• Saison 1998-99 : 22,1 points de moyenne avec le Centre Fédéral,
meilleur marqueur français de Nationale 1 (3e niveau) à 17 ans.
• Saison 1999-00 : débute sa carrière professionnelle au PSG Racing.
• Eté 2000 : champion d’Europe avec l’équipe de France juniors.
• 27 juin 2001 : sélectionné par les San Antonio Spurs pour jouer en NBA.
• 15 juin 2003 : premier Français champion NBA (il le sera de nouveau en
2005 et 2007, étant même élu meilleur joueur de la finale 2007).
• 2005 : prolonge aux Spurs pour 66 millions de dollars sur 6 ans.
• 25 septembre 2005 : médaillé de bronze avec les Bleus au championnat
d’Europe.
• 2006 : premier Français sélectionné pour le All-Star Game.
• 30 octobre 2010 : prolonge son contrat avec les Spurs pour 50 millions
de dollars sur 4 ans. Il est aujourd’hui le sportif français le mieux payé.
Sport
Elisabeth Georgl estune grande. Aprèsdeux titres au JO de
Vancouver en 2010, elleconfirme sa grande forme ens’imposant lors des deuxépreuves majeures deschampionnats du monde etdémarre fort en réussissantun brillant hold up auSuper G devançant l’Améri-caine Julia Mancuso de seu-lement deux centièmes puisréitère l’exploit une semaineplus tard en Descente enprenant une demi-seconde àla star américaine LindsayVonn. Cette dernière, piquéeau vif et déçue par sa mo-deste 7e place en Super G, apréféré quitter l’aventure al-lemande pour se concentrersur la Coupe du monde2011. Chez les hommes, l’Ita-lien Christof Innerhofer s’estaffiché comme la révélationde ces championnats dumonde. Après une saison2010 peu brillante, l’Italienrevient en force en rempor-tant l’or au Super G et lebronze à la Descente, et l’ar-gent au Super Combiné.« Épuisé » mais « heureux » ilvoit ses trois médailles,toutes de métal différent« comme si j’avais gagnétrois médailles d’or ». LeNorvégien Aksel Lund Svin-dal conserve son titre enSuper Combiné et se rassureaprès une semaine délicate(abandon en Super G et 5e
place dans la Descente). In-touchable lors des deuxcourses, Il devance finale-ment l’Italien Innerhoferd’une seconde et un cen-tième. Benjamin Raich, dit« le métronome » et ancienspécialiste de la discipline,se retrouve une fois de plusau pied du podium en raisond’une très mauvaise perfor-mance lors de la descente. Ilconserve pour autant toutesces chances pour lesépreuves de Géant, vendredi
et de Slalom, dimanche. Ildevra faire attention au re-tour du Croate Ivica Kostelic(médaillé de bronze enSuper G) qui a promis de re-venir en grande forme pources épreuves techniques. Cesuspens efface fort heureuse-ment le spectacle grand gui-gnol de l’américain BodeMiller qui passe complète-ment à côté de ses cham-pionnats. Après avoir passé30 minutes à « refroidir » seschaussures juste avant le sla-lom du Super Combinélundi dernier, il chute aubout dès la deuxième porte àla manière de Marion Rol-land au JO de Vancouver en2008.
L’équipe de Francese cherche encoreAlors que la France est qua-trième mondial de toutel’histoire du ski en nombrede médailles remportées, leconstant est triste, mais bienlà. À mi-parcours dans leschampionnats du monde,aucun Français n’a réussi à sehisser sur le podium. C’estd’autant plus frustrant que
l’équipe de France avait biendémarré la saison d’hiver2010-2011. Jean BaptisteGrange s’est placé à trois re-prises sur le podium desépreuves de Slalom et chezles femmes, Tessa Worleyavait réussi le même exploitsur les épreuves de Géant.Après sept jours de compéti-tion sur le sol allemand, leton est tout autre. Aucunfrançais n’a réussi pour l’ins-tant à terminer dans les cinqpremiers à l’issue d’uneépreuve. Chez les hommes,Seul Johan Clarey réalise uneperformance honorable et seplace 8e à l’issue de la Des-cente. Adrien Théaux, blesséà l’aine après sa chute dans laDescente, a dû déclarer for-fait pour le Super Combiné.Il ne pourra pas rechausserles skis avant une dizaine dejours. Julien Lizeroux (vicechampion du monde de ladiscipline) a lui aussi déclaréforfait avant l’épreuve en rai-son d’une même chute dansla Descente. Il n’est pas sûrqu’il participe au slalom di-manche prochain. « Je ne lâ-
cherai rien jusqu’au bout »
a-t-il lancé tout en assurantqu’il participerait à l’épreuve« uniquement si les coaches
estiment que je suis compéti-
tif ». Quant à Jean-BaptisteGrange, il peut espérer unemédaille en Slalom si JulienLizeroux vient à manquer àl’appel. Constat plus dur en-core pour les Françaises qui,elles, cantonnent aux 15 pre-mières places (Margot Bailletfinit 14e et Marie Marchand-Arvier 15e du Super Com-biné) En Super G, IngridJacquemod s’effondre et ter-mine 17e. Fabien Saguez, di-recteur technique national del’équipe de France féminineaffiche clairement sa décep-tion : « On ne peut qu’être déçu
de ces premiers résultats ».Selon lui c’est l’attitude « trop
attentiste » du groupe et « le
manque de motivation » dansl’équipe qui explique ladéconfiture des bleus. « Il
faut retrouver la dynamique
d’avant le début de la compéti-
tion » martèle- t-il. Il veutrester confiant et pense tou-jours que l’équipe « a toutes
ces chances sur les épreuves
techniques ».
Les étoilesmontantesTous les espoirs de médaillesreposent sur les jeune loups,et louves du ski français.Tessa Worley, 21 ans, devrafaire face à l’immense pres-sion qui repose sur sesépaules jeudi lors de l’épreuvetechnique de Géant. Fort heu-reusement, la Savoyarde nesera pas la seule représentantetricolore en piste. Elle trou-vera l’appui de NastasiaNoëns (troisième du Slalomde Flachau le 11 janvier der-nier) aura elle aussi toutes ceschances après l’abandon del’Américaine Lindsey Vonn.Chez les hommes, les géan-tistes Cyprien Richard et Gau-thier de Tessières, tenterontd’apporter la première mé-daille dans l’épreuve paréquipe de ce mercredi. Cy-prien Richard pourrait aussicréer la belle surprise de cetteannée en s’imposant di-manche sur le Géant. Il a sumontrer qu’il pouvait rivaliseravec les plus grands en se his-sant déjà sur la premièremarche du podium lors duGéant d’Adelboden. g
Mondiaux de ski alpin, lesoutsiders à l’honneur
Après six jours de glisse sur les pistes de Garmisch-Partenkirchen en Allemagne, l’heure du premier bilan a sonné.Et c’est l’Autriche qui se place en tête du classement des médailles de ces championnats du monde grâce à son hé-roïne en or Élisabeth Georgl. La Norvège et l’Italie sortent la tête de l’eau grâce à leurs leaders Svindal et Innerhofer.Ce n’est pas le cas de la France, bon bonnet d’âne de la compétition.... Par Alexandre Benhadid
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Depuis Michaela Dorfmeister en 2001, aucune Autrichienne n’avait remporter la Descente des Mondiaux. Elisabeth Goergl brise le signe indien.
DR
Culture
Un Que sais-je ? inti-
tulé Les 100 mots de
la sexualité peut
surprendre ou amuser.
Presses Universitaires de
France (PUF) n’en est pour-
tant pas à son coup d’essai.
Un Dictionnaire de la por-
nographie avait ainsi déjà
été publié en 2005. Pour ce
nouvel opus, la maison
d’édition fondée en 1921
par un collège de profes-
seurs, fait cette fois-ci appel
au psychanalyste et ensei-
gnant à l’université Paris
Diderot Jacques André,
avec qui elle avait déjà tra-
vaillé pour Les 100 mots de la
psychanalyse. L’universitaire
(voir interview) a recruté
douze collaborateurs pour
ce projet. La sexualité sou-
lève beaucoup de ques-
tions. Elle est toujours
difficile à aborder surtout
dans un support qui a pour
but affiché l’éducation. Loin
des clichés trash, Jacques
André et son équipe expli-
quent les mots qui jalon-
nent la sexualité d’un
adulte. Le choquant fist
fucking flirte avec l’éloge de
la chevelure. Plus que la dé-
finition, c’est l’origine, la si-
gnification et les références
culturelles qui l’entourent
qui sont mises en valeur.
Certains termes comme bo-
nobo ou post coïtum animal
triste, peuvent faire sourire,
mais les explications appor-
tées sont toujours riches et
légitiment leur place dans
ce « lexique ». Les 100 mots
de la sexualité dévoile l’art
des mots (et) du sexe. Il dé-
montre que cul et culture
peuvent harmonieusement
s’assembler pour le plaisir
des lecteurs polissons. g
Eros s’invite dans la collection«Que sais-je?»
Le grand public, habitué à en voir de toutes les couleurs à la télévision, au cinéma, dans les magazines ou la littéra-ture, peut-il encore s’étonner de propos libertins? Oui peut-être, lorsque ces derniers s’immiscent là où ils ne sontpas attendus. Comme dans un ouvrage des Presses Universitaires de France par exemple… Par Clémentine Santerre
Gavroche - 17 février 2011
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Jacques André, le directeur de cet ouvrage ex-
plique, un sourire en coin, la naissance de ce Que
sais-je? original.
Qui est à l’initiative du projet?
Les PUF (Presses universitaires de France) ont pris
l’initiative. Ils m’ont appelé car Les 100 mots de la psy-
chanalyse avaient bien marché. Ils voulaient étoffer
cette collection. De plus, ils s’étaient déjà penchés sur
la thématique de la sexualité avec le Dictionnaire de
la pornographie par exemple. Au départ, je n’avais
pas très envie. J’ai pourtant accepté et décidé de réu-
nir un groupe de douze personnes.
Comment avez-vous sélectionné
vos collaborateurs?
Je les connaissais tous ! Certains
faisaient partie de mes anciens
étudiants, d’autres font partie de
mon association APF (Associa-
tion Psychanalytique de France).
Les critères de sélection : une
bonne écriture, de l’humour et de
la culture. Chaque mot doit être
décrit en peu de lignes alors que
beaucoup méritent plus. Il fallait,
donc, être concis et percutant.
Comment s’est passé le travail
d’équipe?
On a tout fait collectivement. La
répartition s’est faite selon les en-
vies. Le mot jalousie a été beau-
coup demandé, par exemple, il
faut dire que l’on a plusieurs
femmes dans l’équipe (rire). Il n’y
avait pas de gène parce que l’on
est tous psychanalystes. On se
pose la question du lien entre la sexualité, les mots
et la violence verbale.
Comment avez-vous choisi les différents mots?
Il fallait une liste imaginative et fantaisiste. Quand
on choisit, on exclut forcément. Moi, par exemple,
j’aurais bien aimé mettre le mot « foutre » qui a été
beaucoup utilisé. Il y en a certains un peu désuets
comme fleur bleue et d’autre plus modernes comme
back room ou fist fucking.
Y-a-t-il des valeurs éducatives?
Ce livre est là pour combler une curiosité de savoir
plus que dans un but réellement éducatif. Les mots
sont connus, mais ils sont découverts différemment.
Ce n’est pas un dictionnaire ! On apprend le sens et
l’histoire. Il y a de multiples savoirs sur la sexualité.
On cite Foucault, Freud … Il s’adresse à un public
large. On ne va pas le mettre entre toutes les mains.
Il peut être lu par quelqu’un en fin d’adolescence
comme par un octogénaire.
Est-ce donc un livre sérieux ou ludique?
C’est un condensé. D’un côté, c’est sérieux car il y a
beaucoup de travail sur le sens, l’histoire, l’étymolo-
gie. Et de l’autre, c’est ludique car on a pris beaucoup
de plaisir à le faire. L’humour est très présent, mais
ce n’est pas juste un recueil des blagues.
Quel est votre mot préféré?
Je les aime tous beaucoup. Je ne saurais pas en choi-
sir un. Il y a back room, bonobo, chevelure, cul, ex-
tase mystique, fellation ... J’aime bien poil aussi.
Propos recueillis par Clémentine Santerre
Extraits
Migraine : « Tête prise, elle est imprenable ».
Missionnaire, levrette, 69 … : « Le 69 est au coït ce que la
métaphore est au sens propre, un détournement, tout un
poème ».
Poils (épilation) : « La femme nue était « à poil », elle ne
l’est plus, l’heure est à l’épilation ».
Bonobo : « Que les hommes « baisent comme des bêtes »,
c’est une chose, mais que les animaux fassent l’amour
comme des hommes… »
Fiasco (impuissance) : « Le fiasco est pour l’homme une vé-
ritable autocastration, Narcisse blessé se replie sur lui-
même, abandonné à son angoisse ».
Jacques André : « Il fallait une listeimaginative et fantaisiste»
Culture
En 1993, Claude Lévi-
Strauss écrivait dans
La Repubblica : «Nous
sommes tous des cannibales.
Après tout, le moyen le plus sim-
ple d’identifier autrui à soi-
même, c’est encore de le
manger». Un choc pour l’Oc-
cident où le cannibalisme a
mauvaise réputation et où
manger son prochain ne se
fait pas. A travers une cen-
taine d’œuvres réalisées
par une trentaine d’artistes
(dont près de la moitié
sont des femmes), Tous canni-
bales aborde la cruauté de
l’anthropophagie avec délica-
tesse ! Jeannette Zwingenber-
ger, historienne de l’art et
commissaire de cette exposi-
tion propose ainsi d’explorer
l’imagerie du cannibalisme
en infiltrant le dernier des ta-
bous à travers des œuvres
historiques (ouvrages illus-
trés, textes enluminés, gra-
vures) mais également des
créations d’artistes contempo-
rains, comme Oda Jaune, Jana
Sterbak, Wangechi Mutu, ou
encore Wim Delvoye. Ces
derniers ont puisé dans
toutes sortes d’histoires, de la
mythologie grecque en pas-
sant par les récits des explo-
rateurs du Nouveau Monde,
ou encore les ogres et géants
des contes enfantins (Hansel
et Gretel revisités par Frédé-
rique Loutz).
Avec la femme melon (Patty
Chang) ou l’homme à la tête
de gruyère (Gilles Barbier) en
passant par les femmes maki
(Aida Makoto), l’homme ser-
pent (Suehiro Maruo) ou en-
core la femme louve (Pillar
Albaracin), Jeanette Zwin-
genberger souhaitait interpel-
ler le public mais surtout lui
ouvrir l’esprit à défaut de
l’appétit ! « J’ai voulu à travers
cette exposition donner à la chair
une valeur différente de celle
qu’on s’en fait en général, ex-
plique-t-elle. La chair n’est pas
abjecte ni dégoutante. C’est une
matière extraordinaire qui per-
met de créer et d’imaginer des
œuvres incroyables». Quelques
œuvres se démarquent nette-
ment par leur originalité. Au
détour d’une cimaise, il est
par exemple possible de dé-
couvrir l’une des pièces les
plus brutales de l’exposition,
réalisée par Adriana Varejâo :
des entrailles rouge sangui-
nolentes viennent déchirer un
mur de carrelage blanc. Le
dégoût est sans doute le pre-
mier sentiment qui vient à
l’esprit mais après quelques
secondes de réflexion, la qua-
lité et la précision de l’œuvre
prennent le dessus et l’envie
viendrait presque au specta-
teur de toucher cet organe
monstrueux. L’artiste Michel
Journiac a quant à lui apporté
une touche cocasse au travers
de l’une de ses œuvres les
plus emblématiques : La
Messe pour un corps, une re-
cette de boudin composée à
partir de son propre sang.
Pour lui, la chair n’est plus
transfigurée, mais représente
une «viande consciente sociali-
sée ». Une œuvre également
controversée puisqu’elle réin-
terprète le sang de l'Alliance
et le «Prenez et mangez en tous,
car ceci est mon corps», célèbre
passage de La Cène dans la
Bible. Traiter d’un sujet syno-
nyme d’horreur et d’interdit
était risqué, voire osé mais le
pari est au final réussi. «Avec
toute la violence d’un monde
parfois cruel et les préjugés, il
était temps de présenter au pu-
blic un sujet tabou et sujet à po-
lémique mais qui à la fois peut
susciter contre toute attente, à
travers certaines œuvres plus
subtiles, de la joie et du partage.
C’est pour cela que j’ai écarté les
représentants d’une scène qu’on
pourrait qualifier de gore et
choisi des artistes qui abordent
l’anthropophagie avec finesse»,
explique encore la commis-
saire de l’exposition.
Tous cannibales est finalement
un bel échantillon de notre
monde actuel, hommes,
femmes, chair et sang où le
«Mange-moi» est à prendre ici
au pied de la lettre. g
Mange ton prochainJusqu’au 15 mai, la fondation La Maison rouge, située dans le quartier Bastille à Paris, accueille l’exposition,Tous cannibales. Plongée au cœur des représentations de l’anthropophagie à travers les arts plastiques. ParLaurence Riatto
Gavroche - 17 février 2011
Adriana Varejâo, Azuleria Branca em Carne Viva, 2002, huile sur toile, Polyuréthane sur aluminium, bois collection de la fondation Cartier, Paris
Ser
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ant
21
Gilles Barbier, Polyfocus III, 2001, collection privée, Paris ; courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris
Aida Makoto, Mi-Mi Chan
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Culture
A voir également àpartir du 23 février
127 heuresDe Danny Boyle, avec JamesFranco et Kate Mara
Aventurier de l’impossible, alpi-niste expérimenté, Aron Rals-ton aime relever les défis etdécide de partir pour une ran-donnée dans les gorges del’Utah, et d’ajouter à son ta-bleau les plus beaux sommetsde la région… Jusqu’à qu’il seretrouve coincé, un rocher em-prisonnant son bras, au fondd’un canyon reculé. Déshydra-tation, hypothermie... ne voyantpas les secours arriver, c’estseul qu’il va devoir faire face.
SanctumDe Alister Grierson, avec RichardRoxburgh et Rhys Wakefield
Frank McGuire, plongeur ex-pert, part explorer les dange-reuses grottes immergéesd’Esa ‘ala, dans le Pacifiquesud, en compagnie de son filsJosh et du milliardaire Carl Hur-ley, qui finance l’expédition.Leur périple est perturbé parune tempête tropicale qui lesforce à s’enfoncer dans le laby-rinthe sous-marin. Perdus dansun monde inconnu et dange-reux, aux décors incroyables,arriveront-ils à trouver uneissue à temps ?
Never say neverDe Jon Chu, avec Justin Bieberet Miley Cyrus
A 16 ans, Justin Bieber a déjàdroit à sa biographie sur grandécran, et en 3D s’il vous plait !Son enfance, son parcours, lanaissance de cet incroyablephénomène, bref, l’ascensionincroyable et fulgurante de lababy star qui possède au-jourd’hui autant de fans quedes artistes confirmés. De sesdébuts à Stratford au Canada,aux concerts à guichet fermépartout dans le monde, décou-vrez l’intimité de celui pour quirien n’est impossible, et ne disjamais « jamais ».
Le western selon les CoenLes frères Coen se lancent dans une nouvelle adaptation du roman deCharlie Portis, un western dont l’héroïne, une fillette de 14 ans interprétéepar Mattie Ross, cherche à venger son père, abattu par un bandit. ParLaetitia Reboulleau
Une gamine de 14 ans
remettant en place
un vieux cowboy, et
partant en quête du meur-
trier de son père : telle est
l’histoire de Mattie Ross et de
Rooster Cogburn, héros de
True Grit. L’histoire d’une
traque à travers le « far
west », dans laquelle s’invite
un nouveau protagoniste :
LaBoeuf, un Texas Ranger
chasseur de tête qui brigue
la prime pour la capture
de l’assassin.
Le western est un genre ciné-
matographique qui, après
avoir connu un âge d’or, est
devenu une sorte de rendez-
vous récurrent sûr des salles
obscures. Cette nouvelle
adaptation du roman de
Charlie Portis était donc une
surprise, et a reçu un fervent
accueil de la part de tous
ceux qui se languissaient des
westerns. Mais True Grit était
également attendu au tour-
nant. Contrairement à No
Country for Old Men, réalisé
de manière relativement mo-
derne, Ethan et Joel Coen ont
choisi de traiter True Grit de
façon plus classique. Le défi
était de taille, étant donné
que le roman de Charlie Por-
tis avait déjà fait l’objet
d’une adaptation (Cent Dol-
lars pour un Shérif) par Henry
Hathaway en 1969, avec
John Wayne dans le rôle
principal. Rôle pour lequel il
avait d’ailleurs obtenu l’Os-
cars du Meilleur Acteur. Il ne
s’agissait donc pas de faire
un remake de Cent Dollars
pour un Shérif, mais bel et
bien de proposer une nou-
velle version du roman. Un
pari réussi : True Grit est un
western de qualité. Le scéna-
rio respecte l’empreinte du
livre, même si les Frères
Coen appliquent clairement
leur patte. On retrouve aussi
bien leurs qualités de réali-
sateurs (humour, applica-
tion, sens du détail…) mais
également leur principal dé-
faut. Car si True Grit reste un
bon film, il traîne parfois en
longueur. Trop de scènes
d’introduction, trop de dia-
logues explicatifs, bref, des
passages durant lesquels un
spectateur n’affectionnant
pas particulièrement le
genre western risque de s’en-
nuyer fermement.
La véritable force de True
Grit se trouve dans son cas-
ting. Hailee Steinfeld, qui in-
terprète le rôle de Mattie
Ross, la jeune héroïne, est la
révélation de ce film, dans
son tout premier rôle. Ethan
et Joel Coen renforcent la per-
sonnalité décidée du person-
nage romanesque, et donnent
à la jeune fille, par le biais de
dialogues de qualité, une vé-
ritable maturité. Jeff Bridges,
également à l’affiche de Tron
Legacy de Joseph Koniski, est
décidément dans une phase
d’héritage, puisqu’il reprend
le rôle de Rooster Cogburn,
autrefois incarné par l’osca-
risé John Wayne. Un défi de
taille, encore une fois, mais
également un rôle pour le-
quel l’acteur semblait fait.
Son interprétation, alliée à sa
voix bourrue et à la dégaine
de cowboy vieillissant le ren-
dent à la fois détestable, mais
terriblement attachant. Matt
Damon incarne quant à lui
un Texas Ranger plus vrai
que nature, faisant presque
de l’ombre à Chuck Norris.
Avec True Grit, les Frères
Coen ont choisi de travailler
de manière sobre, autant
dans la réalisation que dans
les dialogues et les décors. Un
western classique qui n’est
pas sans rappeler la grande
époque du western, celle des
John Ford, Sergio Leone et
autres Clint Easwood. En
salle le 23 février 2011. g
Le film des Frères Coen est candidat à dix os-cars. La cérémonie aura lieu dans la nuit du 27au 28 février :
-Meilleur film-Meilleur réalisateur-Meilleur acteur (Jeff Bridges)-Meilleure actrice dans un second rôle (Hailee Steinfeld)-Meilleure adaptation-Meilleurs décors-Meilleure photographie-Meilleur mixage sonore-Meilleur montage sonore-Meilleurs costumes
True Grit ne devait pas être un re-make de Cent Dollars pour un Shérif
La jeune Mattie Ross n'a pas peur, à 14 ans, de parcourir le Far West.
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Culture
Quatre ans après
White Chalk, on re-
trouve avec délice la
voix douce-amère de la chan-
teuse britannique PJ Harvey,
remontée plus que jamais
contre son pays aux accents
belliqueux. Celle qui se définit
elle-même comme «un objet
non identifié» a semble-t-il dé-
finitivement abandonné le
rock brutal et direct de ses dé-
buts. Elle revendique au-
jourd’hui une indépendance
musicale, plus aboutie. Et cela
se sent : entre ces rythmes
folk, rock et jazzy, la maîtrise
de l’ensemble est toujours
aussi surprenante. Avec sa
voix cristalline unique,
presque enfantine, PJ Harvey
confie toute l’ambivalence
qu’elle éprouve à l’égard de
son pays. De l’amour à la
haine, elle décrit « la chute de
cet empire sur lequel le Soleil ne
se couche jamais». Le contraste
est saisissant entre ses plai-
doyers froids et cinglants
contre la guerre et sa musique
aux accents celtiques volup-
tueux (l’album a été enregistré
dans une vieille église perchée
en haut d’une falaise de Cor-
nouailles). Tout ceci excite
l’oreille et ne peut que séduire
tout musicien averti et amou-
reux des beaux textes. Pour-
tant, même si l’on se laisse vo-
lontiers envoûter par ces
rythmes de guitare acous-
tique chère aux Pixies, et cette
atmosphère générale très
Brian Eno, l’écoute de l’album
passe en un éclair : à peine 35
minutes d’écoute pour 12
pistes. Peut-être préférerez-
vous donc vivre « l’expé-
rience» PJ Harvey en concert
en vous ruant sur les der-
nières places de sa tournée
française... g
PJ Harvey – Let England Shake
Prix : 14,99€. Label : Universal
Music
Par Alexandre Benhadid
Plaidoyer pour la paix
Thérapie Littéraire
L’enjomineur, 1794 – Tome 3, de PierreBordageAprès Les guerriers du silence et Griots célestes, les deux
séries qui ont fait connaître Pierre Bordage et ses talents
de conteur, la trilogie de L’enjomineur plonge le lecteur
dans la Révolution Française. En pleine Terreur, les
mystères sur la naissance du personnage principal,
vont enfin se lever dans ce dernier tome tandis que
Cornuaud ne peut se défaire de la malédiction qui le
pousse à participer aux tueries les plus atroces. Quand
la magie souligne la perte des idéaux révolutionnaires.
Prix : 8€, édité chez J’ai Lu Fantasy
Aponi, de Frédéric StanilandAponi décrit le destin croisé de deux hommes aux
quêtes différentes mais qui finiront par se rejoindre.
C’est l’été 2012. La fin du monde est annoncée pour
le 21 décembre, six mois plus tard. Jean-Paul, jour-
naliste pour Worldnews, mobilise alors ses quatre
amis les plus proches pour mener l’enquête. En
Aveyron, Marcel découvre enfin la vérité sur la na-
ture de sa vie après des années de rites amérindiens.
Une vérité qui va le dépasser et se lier peu à peu à
l’enquête de Jean-Paul…
Prix : 20€, édité chez Laura Mare
Planète à louer, de YossSuccession de nouvelles aux personnages récur-
rents, Planète à louer dépeint une Terre qui, après
avoir frôlé la destruction totale au fil des guerres,
est devenue un paradis pour touristes aliens. Un pa-
radis où les humains, dominés, contrôlés, privés de
leurs libertés n’ont plus leur place et ne cherchent
qu’à fuir comme Buca, la prostituée ou Moy, l’artiste
métis. Yoss présente ici une critique à peine camou-
flée de Cuba, son pays d’origine et de résidence, où
les extra-terrestres prennent la place du dictateur.
Prix : 19,50€, édité chez Mnémox
L’imaginaire médical dans le fantastiqueet la science-fiction, de Guy Goffette etLauric GuillaudLa médecine se trouve souvent au centre des récits de
science-fiction, qu’il s’agisse de faire face à des virus
mortels inconnus ou d’imaginer des implants bioniques
ultra-perfectionnés. Mais d’où vient ce besoin de fan-
tasmes médicaux toujours plus fous alors que la méde-
cine ne fait que se perfectionner? Cette étude tente d’y
répondre tout en explorant l’ensemble des phénomènes
décrits dans les grands classiques de la science-fiction.
Prix : 40€, édité chez Bragelone
Un bond dans le futur. Ou bien est-ce dans le passé? Les auteurs de science-fiction transportent le lecteur ailleurs,au fil des pages de leurs romans. Vers des mondes parfois proches du notre mais aux repères si différents. Entrerêves, fantasmes et imaginaire débridé, passez du côté «alternatif». Par Pascal Golfier
Daphné – Bleu VeniseLauréate du prix Constantin en 2007, la disciple
de Benjamin Biolay choisit le jour de la Saint Va-
lentin pour sortir son quatrième album aux mélo-
dies gentilles et mélancoliques. Daphné assume
pleinement ses rêves naïfs. Un joli cadeau pour
tous les amoureux qui rêvent, comme elle, de ten-
dres étreintes romantiques sur les ponts de Venise.
Prix : 13,99€. Label : V2 Music
Alexandre Tharaud - SonatesLe pianiste désacralise Scarlatti et transpose sa
musique écrite au début du XVIIIe siècle pour cla-
vecin. Le résultat? 18 sonates comme 18 chapitres
du journal intime qu’Alexandre Tharaud livre à
ses auditeurs. Au-delà de la virtuosité évidente,
c’est, comme le disait Chopin, « le cœur et l’âme»
du pianiste qui s’exprime sous ses doigts.
Prix : 15,99€. Label : EMI/Virgin Classics
Portrait
«Le lac d’Annecy,
enchanteur, défi-
nit l’idéal de
l’art » écrivait Eugène Sue
dès 1852, dans le roman La
Marquise Cornelia d’Alfi.
Considéré comme « le plus
pur d’Europe », le plan d’eau
s’étend sur 27 km². Symbole
absolu de la cité annécienne,
il a été peint par les maîtres
Cézanne et Turner, excusez
du peu. Ceint par les som-
mets des massifs alpins des
Bauges et des Bornes, il
constitue l’un des paysages
français les plus singuliers.
Bateaux de croisières, péda-
los et skis nautiques s’y cô-
toient. « On aime beaucoup la
nature, donc pour nous c’est un
gros plus », estime François
Bonnin, jeune retraité habi-
tant la ville limitrophe d’An-
necy-Le-Vieux.
Sa femme Francine, an-
cienne institutrice, voit avant
tout en cette préfecture de
50 000 habitants « une ville à
taille humaine ». « Il n’y a pas
que la nature ici, plaide t-elle.
On est très bien lotis du point
de vue du cinéma. Il y a plu-
sieurs salles d’art et d’essai, et
le Festival du Film d’Anima-
tion tous les ans en juin, dont
l’écho est mondial ».
Contrairement au Nord de
la région Rhône-Alpes
(Lyon, Saint-Etienne…), la
Haute-Savoie possède un
passé industriel très limité,
ce qui fait d’Annecy une
ville assez bourgeoise. Cela
se ressent sur les prix de
l’immobilier. Dans certains
quartiers en bordure du lac
(notamment la très chic ave-
nue d’Albigny), le mètre
carré atteint 9000 euros.
C’est autant que le prix
moyen dans le 1er arrondis-
sement de Paris, d’après les
chiffres de la Chambre des
Notaires.
Influence italienneLe lac joue évidemment un
rôle majeur dans la hauteur
des prix à Annecy, et condi-
tionne même la disposition
architecturale de la vieille
ville, construite autour de
canaux se jetant dans le plan
d’eau. Le principal s’appelle
le Thiou. Ce réseau de ca-
naux vaut à la ville le sur-
nom flatteur de « Venise des
Alpes ». Plus abordable que
les bords de lac, le quartier
témoigne mieux du riche
passé de la ville, à travers les
architectures variées qui le
composent. La région, autre-
fois Duché de Savoie, n’a été
annexée par la France que
par un décret de 1860 (An-
necy a fêté fin 2010 les 150
ans du rattachement).
Elle appartenait auparavant
au Royaume de Piémont-
Sardaigne, d’où une in-
fluence transalpine que l’on
devine à certains bâtiments
anciens comme la mairie, de
style sarde.
D’autres lieux d’exception
font la renommée de la ville.
Citons l’Imperial Palace,
hôtel-restaurant-casino-salle
de congrès donnant sur le
lac d’Annecy, et construit au
début du XXe siècle. A deux
pas de là, s’étend le Pâquier,
promenade paysagère de
sept hectares ou les habi-
tants se massent chaque
année pour admirer le feu
d’artifice tiré pour la Fête
du Lac.
Le projet olympique pour
2018 y inclut l’installation
provisoire sur les lieux
d’une structure de 42 000
places, pour les cérémonies
d’ouverture et de clôture et
les remises de médailles. Pas
vraiment du goût d’une par-
tie de la population. « Les an-
néciens sont très attachés au
Pâquier, rappelle Francine
Bonnin, et cela pourrait bien
coûter sa place au maire ac-
tuel » (Le Nouveau Centre
Jean-Luc Rigaut, ndlr).
A l’image de sa position
entre lac et montagne, An-
necy se trouve prise entre
poids du passé et projets à
long terme. g
Annecy soit-ilLe weekend dernier, les onze membres du comité d’évaluation du CIO pour les Jeux Olympiques 2018 ont visitéAnnecy, ville candidate. La préfecture de Haute-Savoie, plantée dans un cadre magnifique, a conservé une identitémulticulturelle acquise au fil des siècles. Pourtant, l’incertitude demeure quant à son adéquation avec les projetsolympiques. Par Antoine Delthil
Gavroche - 17 février 2011
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Le lac d’Annecy, surplombé par le massif alpin des Bauges, participe au prestige de la ville.
La rivière du Thiou traverse la vieille ville et se jette dans le lac.
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