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  • HI S TO IRE DU MO I N E

    RABBAN YOUSSEF BOUSNAYA

    P A R S O N D I S CI PLE

    JE A N B A R -KA LDO U N

    TRADU ITE DU S YRIA Q L'

    E

    Cl . —B . C H A B O T

    Ex tra i t de /a

    RE VUE DE L'

    ORIEN T CHRÉTÆN

    PA R I S

    A . P ICARD E T F I LS , ÉDITE U R S

    82, rue B onap arte , 82

  • PRÉEA CE

    I . A ssémani , dans sa B z‘

    b l z‘

    ot/zeca reprodui t

    a ins i le passage (2) du Ca ta logue des E cr iva ins syrz‘

    cns deEbed-Jésus consacré à Jean Bar—

    ,

    Kaldoun

    53

    3a& Lo ‘,Ài ; oo'

    ,o

    «z lié—15 9 | IÎ5KII.o

    I l tradu it Johannes Bar Caldon composui t magnumlibrum Quæs tz

    onum, i tem , al terum Pulchri tudin is pul

    chri tudinum et Mercaturæ monachatus .

    En note , à propos du deuxième vers , i l aj oute Magnumliorum Quœs t z

    onum , i d est theolog ico— polemicum , in quocontroversias fidei E chellens is et Hott ingerus exv i tioso codice legunt L—J—mu g p î p m , i ngens columen z

    nscrz‘

    p lum

    B usna ia , nulle sensu .Nous savons auj ourd ‘ hu i que les prem iers éd i teurs avai ent

    rai son et que la critique d‘

    A sséman i est en défaut ici , commeen beaucoup d

    '

    autres endroi ts . Le L ivre de Housnuya n’

    estautre chose que l

    intéressant ouvrage ascétique dont nous pub lions maintenant la traductionI l . M a nuscr i t . La copie dont j e me sui s servi pour cette

    traduction a été exécu tée à Rome , au moi s de j uin de l‘

    année1897 , par le R . P . Samuel Giami l, procureur général du patriar

    ( 1 ) T . I ll, part . I , p . 3 65 .(2) Ch . C LXXX I I .( 3 ) C f . J. —B . Cu.mor, N o tes sur quelques p o ints dc l‘Hi stoire de la li ttéra ture sy

    r iaque (Revue Sém i t i que , p . 3 53 )

  • n PRÉFAC E .

    che de Babylone pour les C haldéens ; el le a été fai te su r le manuscri t syriaque n° 467 de la B i b l i o thèque Vaticane . Vo ici ceque le cop i ste m

    écri t au suj et de ce dern ier Ce manuscri t

    vient de Mossoul ; i l a été acheté a l a fami l le des patriarches

    nestori ens portant l e su rnom de B elt Mamma , qu i habite actuellement à Alqosh

    ,près du monastère de Rabban Hormi z d.

    Le manuscr i t a été complété dans quelques parties d ’après unautre codex que po ssède notre couvent de Mar Hormi z d, et qu i

    a dû être l u i —méme copié sur le présent manu scri t alors qu ’ i létai t encore complet. Le présen t manuscri t

    ,d ’après la note finale

    ,

    a été écri t dans le couvent de Mar E l ias,en l

    an 1 055 de Jésus

    Chri st Je n’

    en connai s aucun autre exemp laire dans toute

    la

    1 11 . O bjet . Ce manuscri t contient, comme nous le verrons ,l

    h isto i re d’

    un moine , honoré comme un saint parm i le s nestori en s , appelé Joseph , e t surnommé B ousnaya , du nom de la

    région dans laquel le i l v i t le j our . Ce personnage naqu it vers

    869 , au‘ vi l lage de Bei t- ‘ E dra i non loin de Mossou l . Aprés

    avoi r aidé sa mère, restée veuve,à élever ses troi s frères et sa sœur ,i l parti t au célèbre couvent de Ra bban Hormi z d, où i l devint led i sciple de R. Maranz eka . I l ava it alors trente ans . Ayant menéla v ie commune pendant quatre ans , i l se reti ra ensu ite dans unecel lu le pour y v ivre en sol itaire . Pui s , su r l e consei l de sond irecteur

    ,i l se m it à étud ier l

    Écri ture . I l refusa constamment lesévêchés auxquels on vou lai t l

    élever, et s’

    enfu i t dans l a montagne .

    P lu s tard i l se m i t sous l a d irection de R . S houbhali sho‘

    qu i ha

    bi tai t le couvent de I sho‘

    yah b , dans le Be i t- N ouhadra . Ses tro i sfrères embrassèrent la v ie monastique . Le cadet ,Gabriel , mourutsupérieur du couvent de Mar Abraham de Bei t-Çayaré .Rabban Youssef fut alors atti ré dan s ce couvent par Rabban

    Mousha . I l pratiquai t la vi e monastique depu i s une trentained ’années . R . Mousb a l e contraign i t de s

    adonner à l a d i rectiondes moines . I l accepta cette charge avec une grande répugnance ,à cau se de son amour pou r le s i lence ; mais i l s

    acqui tta de ce

    devo ir avec beaucoup de zèle .Les enseignements de ce p ieux personnage , recuei l l i s par l

    auteur

    ,son d i scip le

    , forment la plu s grande et l a plus intéressan te

    ( 1 ) Ce t te da te es t erronée ; i l faut l ire 1 180 . (C f. p . “214 n .

  • PRÉFACE . 1u

    partie de l’

    ouvrage . C’

    est l’

    exposé méthodique des doctrinesascétiques qu i avaient cours a cette époque . Nous y reviendrons

    tout àJF heure .

    Les vi sion s de R . Joseph , les miracles qu 11 aurait opérés ,l eloge de ses vertus , occupent auss i une large place dans le

    récit .Chemin faisant

    ,l

    auteur fourni t quelques renseignementssu r d ivers mo ines avec lesquel s Joseph B ousnaya fut en rapport ,sur quelques cou

    '

    vents de la région de Mossou l et notammentsu r celu i de Bei t— Çayarè dans lequel i l termina sa vie , à l

    âge de

    1 10 ans , le 4 septembre 979 .

    I V . L’

    auteur . Nous ne savions rien de Jean Bar-Kaldoun,

    auteur du réci t . L ’ouvrage que nous avons tradu i t nous permetde fixer d ’une manière certaine l

    époque à laquel le i l vivait,pu is

    qu ’ i l se présente a nous comme le d isciple de R . Joseph et qu’

    i lass ista a sa mort . I l ne nous donne aucun détai l sur lui -mêmeou sur sa famil le . Incidemment nous apprenons qu

    i l avai tun frère au service du ro i de Perse , c

    est -à-d ire du B ai lam , cequi donnerai t à croi re qu

    i l étai t originaire de cette région . JeanBar-Kaldoun possédai t la langue arabe et la langue syriaque ;mais la première lu i étai t plu s fami l ière , comme i l nous le dit

    hüq nà n e .

    I l a écri t son l i vre a l a demande des moines du couvent deBei t—Çayarè , qu i désiraient conserver le souvenir des vertu s etdes enseignements de R . Joseph , et i l l

    a dédié a son ami Rabban Élias

    ,sans doute le supérieur du monastère .

    Le style en est assez médiocre , parfo i s un peu obscur . I l nesaurai t prendre rang parmi les bonnes productions l i ttérairesdes Syriens ; mais i l a d

    autres méritesNou s nous sommes efforcé de donner de cet ouvrage une tra

    duction fidèle et complète , sans r ien retrancher n i rien aj outer ,et en conservant autant que poss ible le tour de phrase et la couleurori entale de l

    original . Cependant, en certain s passages oùl

    auteur accumule les anti thèses et se l ivre a des j eux de motsque notre langue ne pouvai t reprodu i re , et particul ièrement dansles introductions ph i losophiques et quelque peu métaphysiquesqu

    i l place en tète de chaque chapi tre , nous avons dû , pour plusde clarté , nous écarter , parfo is , d

    une traduction rigoureusement l ittérale qu

    on serai t eudroit d ’exiger dans un travai l ph i

  • 1v PRÉ FACE .

    lologi que , mai s qu i étai t inu ti l e pour l i ntel l igence des idées del

    auteur , que nous croyons avo i r touj ours fidèlement renduesquant au sens sinon quant aux expressions .V . Doctrine a scéti que . Nous ne connaisson s aucun autre

    ouvrage , d’

    origine orien tale , qu i montre pl us clairement quecel u i - ci l

    idée que les moines orientaux se fai sa ient de la v ie spir ituel le , ou qu i en expose les principes avec au tant de préci s ionet de méthode .

    Le chap itre V I I I consti tue un tra i té d’

    ascéti sme un ique en songenre et très remarquable pour le temps et l e l ieu dan s le squel si l a été rédigé . I l peut serv i r à m ieux comprendre les œuvres desécr ivains ascétiques tel s que Isaac de Nin ive , Jean d

    A pamée ,J ean Saba . Ceux — c i professent a peu près les mêmes doctrines

    ,

    mai s i ls les exposent dans des chap itres séparés dont le sensest souven t d iffici le à. sai s ir s i on ne les rattache à un système

    complet .

    Se lon notre auteu r , l a perfection de l’

    homme cons i ste dans lacontemplation ( Ô sœpia ) des choses d ivines . C

    est l e principe fon

    damental de tout le système . Dès lors , tou s les efforts de ceuxqu i veulent acquér i r la perfection do ivent tendre à se rendre ca

    pables de la contemplation . C’

    est la ce qu i consti tue le labeur

    ardu de l’

    ascéfi sme .

    O r, l’

    homme est composé de tro i s é léments le corps , l ame etl ’espr it . De là , l a trip le opération par laquel le l

    homme s’

    élève

    success ivement à l a perfection . A chaque opération correspondun degré d i fférent de la science (7vôctç) et un mode di fféren t d econtemplation cel le des êtres corporel s d

    abord , pu i s cel le desanges

    ,enfin cel le de la D ivin i té .

    Chaque Opération comporte p lusieurs états ou degrés ; el l e ases vertus spéciales et ses exercices particul iers . L

    auteur en

    parle à d iverses repri ses et résume ses ense ignements dans le

    D iscours généra l qu i termine le chapi tre V I I I . Nous ne pouvonsles synthétiser ici , sans nous exposer à dépasser les l imi tesd

    une Préface mai s nous devons d ire un mot du fondement

    même du systeme .La d iv is ion de l ’homme en tro is parties corp s , aime et esp ri t ,

    n ’est point propre à notre au teur . O n l a trouve chez beaucoupde Pères de l

    Ég li se . Quelques écrivains ont cru qu’

    el le étai t le

    résu l tat d’

    une interprétation mal fondée des passages de l’

    Écri

  • PRÉ FACE .

    ture où i l est question de l ame et de l’

    espri t Mai s i l n ’est pasdouteux qu ’ i l fai l le l

    attri buer à l’ influence des doctrines plato

    n iciennes . Quoi qu’

    i l en so it de l’

    opinion personnel le de Platon,

    i l est certain que ses d isciples di stinguaient tro i s éléments dansla nature humaine le corp s l

    âme (eux—

    â, principe sensi ti f) et l

    esp ri t (m süp.a , vcüç , principe intel lectuel ) . Ces deuxdern iers termes répondent à peu près à ce que les Scolastiques ,a la su ite d

    A ri s tote , appel lent l a partie inférieure et la partiesupérieure de l

    âmeDe fait , le système ascétique des O rientaux , fondé sur ce prin

    cipe , ne diffère pas sensiblement du système généralement admisen O ccident depu is le moyen âge . Les Scolastiques ont établ i lad i stinction des tro is voies purgative , i l l uminative et uni tive ( 3 ) ,déjà clairement indi quée dans les écri ts du pseudo —A réopagi teet tous les théologi ens postérieurs l

    ont adoptée . Cette dénomi

    nation est obj ecti ve , basée sur la fin . Notre auteur au contrai repropose une divi s ion purement subj ective , fondée sur la naturedu principe ; mais i l est faci l e de voi r que sous des noms di fférents 1es deux systèmes sont d

    accord dans leurs l ignes principales .

    V I I . O n a publ i e en ces dern iers temps pl usi eurs ouvragesrelati fs aux mo ines orientaux et le moment n

    est pas éloigné

    ( 1 ) Par exemple , dans le N ouveau Testament , Heb r . , w, 12 ôt ixvoôp evo;p epwuoü ‘i’U XŸIÇ xa i 7tveôp aroç . C f . XV, 44 ; I Th ess . , v , "23 , e tc.(2)

    —Voir de plus amples déta i l s sur ce suj e t . dans notre d isserta t ion DcS . I saaci N iniv i tæ v i ta , scr ip ti s et doctri na ( part . I I , p . 73 et( 3 ) C f . SUAREZ , De sta tup erfect . , li b . I , cap . x… , 8 7.(4) N otamment De Cœtesti h i erarch ia , cap . g 2 ; et cap . vu, 3 3 .(5) N ous c i terons, parm i les p lus récen ts, les ouvrages suivants ayant tra i t au

    monach isme syrienJ. — B . CHA B OT, De S . I sa aci N i n i v i tæ v i ta , scr ip ti s et doctri na ; Pari s, 1892.E .-A . ! A L L I S Bocca , The B ook of Governors ; The H i storia mona st ica of Tho

    mas , b i shop of Marge ; Londres, 1893 .E . -A . ! A L L I S BUDGE , The life of Ra bban Hormi z d; Berl in , 1894.J — B . CHA B OT, Le L i vre de la Cha s tete' de Jésus-denah , év . de B a ssorah , Rome , 189 6.J .-B . CHA B OT, Vi e de Jésus — S a bran écri te p ac

    '

    sus — yahb d’

    A dia bêne ; Pari s , 1897.P . B E DJA N

    ,P a radi sus P a trum (Acta M art . e t Sanct . , t . V I I ) ; Paris , 1897.

    D. Curues nr Burma , The Laus iacH is tory of P a ttadius, t . 1 ; Londres, 1898.J . -B . CHA B OT, Hegutæ mona sticæ, sæcuto seæto, a b A braham et Dadjesu condi tæ ;

    Rome , 1898.Pour une b ib l iograph ie plus complè te

    ,e t spéc i a lemen t pour le monach isme

    égypt ien , voir LADEUZ E . É tude sur le ce'nob i ti sme p akôm ien ; Louva in, 1898,p . 3 79— 3 86.

  • V I PRÉFACE .

    où l’

    on aura enfin sou s la main tou s les documents qu i permet

    tront d’

    écri re une étude consciencieuse sur les or ig ines et ledéveloppement du monach i sme en O rient .

    Le réc i t de Jean Bar-Kaldoun fut composé à l epoque où ce développement é tai t arr i vé a son terme , alors que les monastères

    qu i devaient être b ientôt ru inés par les 1nvas 1ons mongole etturque

    ,étaient encore flori ssants . I l méri te d

    obten i r une place

    a côté de ces ouvrages , tant a cause de son caractère original

    qu’

    à cau se des nombreux détai l s qu’i l nous fourn it sur les prati

    ques de la v ie monasti que chez les nestor iens a la fin du xc s iècle .

    J. — B . CHABOT .

  • TA B LE DE S MATI ÈRE S

    INTRODUCT IONCHA P ITRE I Du pays de Rab b an Youssef ; de que l v i l lage I l é ta i t ;des parents fidè les qui lui donnèren t le j our e t l’é levèren t ; de sa condui te dans le monde e t de sa sort ie du monde pour emb rasser le monach i sme

    CHAP ITRE I I . Rab b an Y ousse f qui t te la v i e commune pour en trer dan s unecel lule son départ pour a l l er trouv er R . Isho ’ de Kouma teh son app lica t ion aux sc iences d iv ines ; comment, ayan t é té cho is i plus ieurs fo i spour l’ép iscop at , i l s ’y refusa toujours . .

    CHAP ITRE I I I . Rab b an Yousse f h ab i te dans une cel lule ; lab erus auxquel s_i l s

    y adonne ; son départ pour a l ler trouv er R . S houb halish o ’ ; ses frères e t sa mère p rennent auss i le sa in t h ab i t

    CHAP ITRE IV . Dudépart de Rab b an Y ousse f p our le couvent de Mar Ab rah amde Be i t—Çayarè

    CHAP I TRE V . Que Rab b an Mousb a le pressa i t de s’adonner à la grandeoeuvre de la d irect ion ; comment D ieu lui fi t v iolence jusqu’à. ce qu’i ll

    eù t a ccepté e ; comment, après l ’avo ir accep tée , i l y trava i l la lab orieusement e t offri t à D ieu sur de nomb reux nav ires le profi t de son négoce .

    CHA P ITRE VI . Des s i gnes et des prod iges que le Se i gneur opéra p ar Rab b anYousse f ; de la v i s ion d iv ine qui lui fut concédée ; de sa pa t ience , de saconstance et de son hum i l i té ; de sa grande ch ari té et de son ab ondantem iséri corde

    CHAP ITRE V I I . Des act ions glorieuses des Père s qui v écuren t en mèmetemps que Rab b an Youssef ou un p eu avan t lui e t don t i l parla i t

    1 . Rabban Y ohannan de I le leph ta , p . 2 . R . Y ônan, di smp le de R . Y oh annan,p . 1 00 . 3 . D’un mo ine i l lustre du couven t de R . HO l’ ID I Zd, p . 1 0 1 . ’4 . R . I sho '—B a rN oun, p . 1 03 . 5. R . I sho ’ de Kouma teh , p . 1 06. 6. R . S h oub h a li sh o ', p . 1 1 0 .7 . R . Mousba du couv ent de B e 1 t-Çayarè , p . 1 1 3 . 8. R . 'A d S h 0 ' de Dasen , p . 1 3 8.

    9 . R . Mar-A tq en , surnommé Ç arôka , p . 1 h 1 . 1 0 . R . Y oh annan de Da sen , p .1 1 . R . Gabri e l l e S acn stam , p . 1 50 . 1 2 . D i scours ré sumé qui fa I t conna ître d ’une

    mamere généra le ce qui con cerne le couvent de Bmt-Çayarè e t que lques -uns desfrere s qui y s on t, p . 155.

    CHAP ITRE V I I I . De la man iere don t Rab b an Yousse f instrui sa i t ceux qui luicon fia ien t leurs âmes . Commen t, p a r la sc ience , i l p rena i t som d ’eux

  • V I I I TAB LE DES MAT IÈRE S .P age s .

    se lon la déb i l i té de notre époque dern i ère qui s’avance e t approch e de la

    N ov i c i a t du com ent, p . 1 77 . — De la tonsure , p . 1 78. De la v i e commune apre sla tonsure , p . 1 78. V i e de s reclus, p . 1 83 . Lecture du N ouveauTe stament,p . Heure de T i erce , p . Heure de S exte , p . 1 85. Heure de N one ,p . 1 86. O ffice du som, p . 1 87 . O ffice des Comp h e s , p . 1 87 . O ffice de l ’acti onde grâces ,

    p . 1 88. O ffi ce de l a nui t, p . 1 89 . Psaumes duma l… , p . 1 90 . Dusdence ,p . 1 96. Du jeûne , p . 1 99 . Du na z i réa t , p . 201 . De l ’O ffice , p . 201 . De lam i l l e , p . 202. De la lecture , p . 202. De la p n ère , p . 203 . Des p ém tence s e tde s génuflex ions , p . De l ’hum i l i té , de la mansuétude , de la b én i gn ité , dumépri s de so i —même , p . 2où . De la pauvre té , p . 205. De la m i sér1corde , p . 205.De la chari té , p . 206. Des vertus , p . 207 . DI S C O U I’ S généra l sur le s di fférentsé tats dans le sque l s le mo ine prat ique la V i e a scét ique , p . 208. (O pérat ion du corp s .p . 208 ; de l 'âme , p . 21 0 ; de l ’esp r1 t, p . S upp l ique de l ’écrh a in au leeleur, p . 222.

    CHAP ITRE IX . De l ’arri vée de la b arque de Rab b an Youssef au port qu’ilava i t en vue depui s le commencement , e t de son départ vers son M a î tredans le l ieu où h ab i ten t les sa ints

    ,en fants de la lum i ère .

    N OUVE LLE A POLOGIE DE L ’AUTEURCLAU S ULE S DU M A NU S CR IT .ÉP ILOGUE S

    I NDE X DE S N OMS P ROPRE S

  • V I E DU MO I N E

    RA B B A N YO U S S E F B O U S N A YA

    AVEC L ’A I DE DE N OTRE-SE IGNE UR JESU S -CHR I ST , NOUS COMMENÇONSA ECR IRE LE RÉC IT DES OEUVRES D IV INES ET ADM IRAB LE S DU TI I A UMA TU RGE RABBAN Y O USS E F , S U RN O MMÉB O U S N A Y A , D U NOM DE B ABOUSA SON V I LLAGE , REDIGÉ DANS UN STYLE S IMPLE PAR JEANDE KALDOUN , SON D I SC IPLE . QU E N OTRE— S E IGN E U R ,N O U S A IDEDANS SES M I SER I CORDES .

    I N TRO DU CTIO N

    Un théologien versé dans la connai ssance des mystères d ivins a défini affirmé et établ i dans son di scours que quand leSeigneur veu t une chose , tou te la création concourt à son accompli ssement , et quand le Seigneu r ne veut pas une chose ,toute la création concourt à l

    empêcher . S i cela est vrai , etcela est vrai , comme le Seigneur tout-pu i ssant l

    a défini par saparole en d isant ( l ) Sans moi personne ne peut rien fai rei l n ’y a donc personne qui pu is se al ler à l

    encontre , c’

    est— à — direempêcher ce que veut le Seigneur , même en y mettant beaucoup

    d’

    hab i leté , ou faire ce qu’

    i l ne veut pas , même en y appl iquanttous ses soins .Moi —mème , misérable , ai éprouvé cela plusieurs foi s , O

    Rabban E l ias,mon véri table ami , plein de vertus , façonné aux

    choses divines,et avancé dans les choses spiri tuel les , prêtre et

    moine fervent,ayant une intel l igence expérimentée , qui j oui s

    spiri tuel lement et insatiablement de s subl imes contemp lations !J ’avais beaucoup agi et travai l lé pour ne pas imposer à ma

    ( 1 ) Cf. Johan . , xv , 5.

  • 2 V I E D U MO INE RAB BAN YOU SSE F B O U S N A Y A

    miséra ble personne le laborieux fardeau de cette affai re que tudemandes de moi . I l y a déjà longtemps , l e b ienheureux Rabban I sho ‘ , prêtre et moine d i l igent , su rnommé le N isi b ien ,m ’avai t adressé de pressantes i nstances pour que j

    entrepri sse

    ce que tu me demandes d’

    accompl i r par obéi ssance . Je n’

    avaispo int consenti , à sa demande , a m

    imposer ce fardeau ; non paspar arrogance ou dans un espri t de désobé i ssance , à. Dieu neplai se ! mai s a cause de la su bl imité et de l ’élévation du sujet ,qu i surpasse mes moyens , à mo i m i sérable qu i en su i s tou t àl ’opposé , et au ss i pour qu

    une s i bell e h i sto i re ne soi t pas

    sou i l lée , profanée et dénigrée par la vi le parol e d’

    un homme

    inculte et ignare comme mo i .Ce bienheureux , qu i hab ite maintenant parm i les j ustes , me

    pressait ardemment , dans la ferveu r de sa chari té , de me mettrea cette œuvre . Mai s cons idérant sa grandeur et sa glo i re , j e

    pensai s que j e n’

    avai s l es talents nécessaires pou r ce travai l

    arti stique, n i par l a nature n i par l’

    éducati on ; j e songeai s quej e n ’étai s pas digne du don de la grâce qu i a coutume d

    ac

    complir de tel les choses par le moyen des hommes purs . Je lu irépondai s en le suppl iant [et en disant] Dél ivre — moi du fardeau de cette affai re importante qui ne me convient point . E tle temps s ’écou le sans que j

    obé i sse à sa demande ple ine d’

    af

    fection pour moi . Souvent , i l m’

    adressa i t des reproches et me

    d i sait dans la l iberté de son affecti on O servi teu r négl igent ,d i sciple dont l

    affection est corrompue , qui i gnore ce qu’

    exige

    l ’amour de son maî tre ! n’

    as— tu pas honte de cette désobéi ssance

    et de cette rébel l ion ? As— tu oubl ié la dette de l’

    éducation que tu

    do i s à ce père béni ? Car tu fai s en sorte que l e souven i r de lav i e de ton maître , de ton père , de ton i nsti tu teur dans les chosesd ivi nes

    ,so i t l ivré à l

    oubl i ! E t moi , à cau se de mon insuffisance et de mon inhabi leté , j e ne me lai ssai pas persuader de

    l a sorte,et j e m

    ab s tins j usqu’

    à présent de faire cela .Mais to i , mon véri table ami , que j

    honore , m’ayant entendu

    raconter souvent , quand nous étion s réuni s ensemble ou avecnos frères

    ,les actions glor ieuses de ce père sp iri tuel que notre

    d iscours fera connaî tre s’

    i l est possi ble , tu as i nsi sté avec lesbienheureux frères , en me disant Le bienheureux parm i lessaints

    ,dont la mémoi re doi t être conservée , Rabban I sho

    , avai t

    néanmo ins quelque consolat ion , bien que tu n’

    eusses pas consenti

  • PAR JEAN BAR— IÇA LDO U N . 3

    a la demande qu I l te faisai t de mettre par écri t le réci t de lavie de son maître ; car bien des foi s i l s

    étai t trouvé avec Ra bbanYoussef, i l avai t j ou i de sa conversation et avai t eu le plai si rde sa vue glorieuse ; i l connaissai t parfa 1 tement et sa grandeuret la subl imité de ses œuvres divines . Mai s nous qu i n ’avonspoint été j ugés dignes de le vo ir , quel le consolation auronsnous et commen t connaî trons—nous sa vi e , sinon dans le tableaude ses louanges d ivines que tu nou s peindras en quelque l ivreI l est vrai , nous nou s réj oui ssons maintenant de ce que tu nou sracontes de vive vo ix ; mais bientôt , avec le temps , cela seraoubl ié et l e souven i r même en sera perdu pour ceux qu i vi endrout après nous ; de sorte que nous et ceux qu i viendront aprèsnous , seron s privés de l

    avantage de connaître les actions dece Père . I l ne convient pas a des enfants de lai sser ains i tomberdans l ’oubl i l e souveni r de leurs parents .

    Pour mo i , ayant conscience que j’

    étai s incapable de cette affai re , et que j e n

    étai s point tel que les frères me supposaient,j e

    ne me lai ssai pas convaincre par ces paroles . Mai s le Seigneur

    qui fai t tou t ce qu’

    i l veu t , bien plus , que tout ce qu’ i l veu t

    exi ste par cela seu l qu ’ i l l e veut , ne permit pas que tu cessassesde me soll iciter . Pou r qu ’ i l n e restât aucune excuse

    _

    à ma rés i s

    tance , tu me dis Nou s ne te demandons po int un d i scoursélevé , mais de nou s écri re dans un style simple , selon la na iveté de ta science , les actions i l lu stres de ce Père spi ri tuel .En voyant l ’ instance de tes demandes , j e me su is rappelé ce

    que j ’ai d i t plu s haut que le Seigneur su sci te a ins i des agentspour procurer l

    accomp li ssement de ce qu’ i l veut amener à

    l’

    existence ; j’

    ai éprouvé et parfaitement reconnu dans mon espri t que personne ne peut rési ster à l a volonté de Dieu ; en moise sont élevés et m ’ont frappé ces fouets et ces aigui l lons irrésisti bles que ceux-là seu l s qu i les on t expérimentés en euxmémes connai ssent bien , et i l s m

    ont contraint d’

    accompli rcette œuvre conformément au dessein providentiel . J ’ai auss iété encouragé par ce que tu m

    as di t Nous connaissons toninsuffisance , ton ignorance des E critures ; mais parle — nous danscette histo i re su r le ton s imple de la narration . Je me lai ssaipersuader et je r ésolus de me plonger dans cet océan insondableplacé devant moi . E t s i j e n ’en pui s sortir en nageant habi lement

    ,j e considère qu ’ i l vaut mieux pour moi ètre blâmé des

  • 4 V I E DU M O INE RAB BAN YOU SSE F E O U S N A Y A

    savants par ignorance , que de rési ster à l a volonté de D ieu parl a désobéi ssance . Cependant , l e s sages , famil iers de D ieu , quiconnai ssent bien les secrets mystères de sa providence

    ,ne j ettent

    pas un blâme ou une accu sation inconvenante sur cel u i parl equel Di eu veu t faire accompl i r une chose

    ,alors même qu

    i lest a moitié id iot et insensé . I ls savent et comprennent que celane dépend pas de la volonté d

    un homme , mais que l e Seigneurl u i -méme veu t qu

    il en so i t ain si , et que l’

    homme n ’a point al u i demander pourquo i i l accompl i t des choses subl imes e tglorieu ses par les ignorants . I l s savent également qu ’ i l est inconvenant , i ndécent et injuste pour une créature don t la scienceest l imitée , de ,j uger le Créateur qu i agi t selon les di spos i tionsde sa sagesse et de d i re Pourquoi cela? Pourquo i ains i?Pourquo i pas comme cela ? S i l es savants instru its dans lesdoctrines profanes , qu i n

    on t que la sagesse et l a sc ience de schoses extéri eures , en arr ivent parfo i s a blâmer et a reprendreles intermédiaires ignorants et privés de l

    autor ité de l a parole ,c

    est qu’

    i l s ignorent les mystères de l a Prov idence , que connaissent les premiers , ceux qui évi tent l e b lâme .Donc , l a v iolence cachée de ces aigu i l lon s dont ai parl é s

    est

    fai t senti r en moi et m’

    a entraîné de force , alors que j e ne voul ais pas , â inettre et con signer par écri t le réci t des acti on sglori euses de ce Père i l lu stre parm i les saints

    ,Rabban Youssef.

    Je ne fera i po int attention au blâme inconsidéré qu i me viendrades savants , mais j

    obé irai en cela a l a volonté de D ieu , et j el

    accomplira i réel lement avec l’aide du Chri st qu i me fort ifie .

    J e su i s persuadé et j e sai s que troi s desseins secrets serontains i réal i sés et mani festés . Premièrement , l e souveni r dusaint ne sera point oubl i é , et beaucoup qu i méditeront son h i sto i re admirable dans la chari té et la ferveur d ivine , ne serontpoint privés dusecours qu i y est caché . Deuxièmement , j e sera ipeu t— être agréabl e au Seigneur qu i veutm an i fester et révélerà tous mon ignorance et ma simplici té , pou r a ins i d ire si gnéesde moi , non pas en vue du mépri s ou de la con fusion qu ime conviennent , mais pour l

    uti l i té de ma mi sérable personne ,de peur que j e ne m

    enorgue i lli sse de la bonne opinion que leshommes on t de moi , ou que j e pense que j e sui s réel lementquelque chose , comme i l arr ive aux j eunes gens insensés qu is

    enorguei lli ssent dans leur ignorance dès qu’on les loue en

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  • 6 V I E D U MO INE RABBAN Youssur B O U S N A Y A

    Seigneur Je bâti rai sur ce fondement , avec cette espérancepar l aquelle l

    homme peu t faire que les choses imposs ibles de

    v iennent poss i bles , des murs semblables aux fondements , car

    j’

    apportera i dans la construction de ce palai s admi rable ce se

    cours pu i ssant qu i m’

    au ra aidé dans la constructi on des premiers secouru dans cel le des seconds et , avec son concours , je couronnerai l

    ’éd ifice par l a chari té supérieure a tout ,c

    est— à -d i re Dieu qu i est le véri table auteur de tout .I l conv ient encore de fa ire savo ir , dans cette introduction , que

    j e ne me propose pas seulement d ’écri re la v ie et les triomphesde Rabban Youssef,mai s au ss i les action s glorieu ses de quelquessaints contemporains , ou un peu antérieurs , dont j e l u i ai entenduparler , ains i que tum

    as engagea l e fai re , O bienheureux frère Desorte que cette h i stoire sera comme un paradi s de dél icesple in de fru its spi r ituel s . Je fai s connaî tre cela ic i , afin que personne ne me blâme d

    avo ir fait entrer dans cette h i stoire la vied

    au tres Pères , sachant que j e ne l’

    ai fa i t que pou r obé i r à ceuxdont j e reçoi s les conse i l s . Je me su i s préparé â cela et j

    y ai

    songé d’

    avance , selon la volonté de Celu i qu i opère toutechose d

    après le dessein de son intel l igence . Ce ne sera po intun dé faut , mais plu tôt un grand profit , et un secours pourceux qu i rencontreront ce traité spi ri tuel . La glo i re de cej ard in délectable sera d ’autant mieux connue que les arbresfru i tiers et odori férants , donnant de s fru its variés et exhalant des parfums dél i cieux , y seront plus nombreux ; et leshommes j ou i ront davantage de ses bien faits et profiterontplu s de ses avantages . S i un j ard in matériel mérite d

    être l ouépour le grand nombre de ses arbres , â comb ien plus forterai son doi t—ou célébrer le s louanges du j ard in intel lectuel , ren

    ( 1 ) C f . Matth . , N M , —22 ; M arc . , .\ I . 23 .C . -â—d . fondements .

    ( 3 ) C .-â-d. des murs .(4) Pour b ien comprendre l’allus ion de l

    auteur, i l faut se rappe ler qu’i l ex istedan s la l i ttéra ture syriaque un ouvrage int i tul é le P aradi s des P ères , composéauV I I

    c s i ècle p ar ‘Anan- ish o’, et renferman t un grand nomb re d’

    h i s to ires de sa intset de sol i ta ires , â l ’im i tat ion des ouvrages ana logues de Pa l lad ins e t de sa int Jérôme qu’ i l a d ’a i l leurs fondus dans le s ien . Ce t ouvrage v ient d ’é tre pub l i é parM

    .Bed

    _ian . C fr. la note de M . Budge dans l’

    H i s to ire monas t ique de Thomas deM arga ( The B ook of Governors , Londres, 189 3 , t . I I , p . Dav i d de Be i t Rabb an, au

    tre écriva in nestorien du V IH" s i ècle , composa auss i un tra i té semb lab leint i tul é Le p eti t P a radi s (C f. A S S IZI I \N I , B i b l . , or. , 111,

  • PAR JEAN BAR— KALDOUN . 7

    fermant le souvenir des saints , d’

    après la multi tude de ses arbres sp iri tuels et en même temps de ses fru its et de ses parfums ?

    L ’un donne un goût dél icieux , selon son espèce , et l’

    autre procure une saveur di fférente selon la si enne , l

    un produit un parfum agréable l

    autre en di ffère par la suavité du sien . Cetteh i sto i re est donc comparab le â un beau et dél ic ieux jard in soita un j ard in matériel , varié dans le goût des fru its de ses arbres ,soi t au j ardin inte l lectuel des anciens Pères . Je l ’appelle inte llectuel parce que ses arbres nous parlent par le moyen del

    encre , comme on parle par la langue , organe de la parole .E t s ’ i l convient de le d i re , disons qu

    on reti rera beaucoup

    p lus d’

    avantages de notre Paradi s que de celu i des anci ensP ères car [ceux dont nou s parlons) sont apparus dans untemps où règnent totalement le relâchement et la négl igence ,O ù on voi t les s ignes précurseurs de la fin du monde , où l afo i a di sparu et où la chari té s ’est refroidie ( I ) , comme desastres au mi l i eu des ténèbres très profondes , véri tables luminaire s qui ont éclairé l

    ’obscuri té de notre épo que ténébreuse .Tu doi s auss i savoi r , O bienheureux frère , que j e ne retrace

    pas toutes les actions glorieu ses du saint , mai s seu lement unepeti te partie , et que j e ne décri s pour ains i d ire qu

    une gouttede l

    océan de ses vertus et de ses perfections qu i surpassent laparole et surtout ma fai ble sc ience .Je ne do i s pas non pl us oubl ier , mes frères , que celu i qui

    écri t l ’hi stoire des saints a besoin d’

    une vis ion spiri tuel le pourvoi r d

    abord leurs actions , pu i s les méditer dans son espri t etenfin les consigner par écri t autant qu

    i l peut . Mais moi , misérable , qu i su i s privé de cette intu ition sp iri tue l le , commentconnaîtrai —je , pour les écri re , les secrets de cet homme init i éaux mystères du Chri st ? Cependant , j

    écrira i et j e ferai conna i

    tre â votre chari té ce que j’ai appri s de temps en temps de

    Rabban Youssef lu i —mème e t ce que j’

    ai vu de mes propresyeux pendant le temps que j e fus avec lu i . Les choses qu i sepassèrent en secret

    ,lorsqu ’ i l v ivai t dans la sol i tude la plu s pro

    fonde,cel les dont i l ne m

    a point parlé , j e les abandonne a l ascience du Chri st Notre — Seigneur , dont j

    imp lore et j e demandela grâce .

    ( l ) Matth . , xx1v ,

  • 8 V I E D U M O INE RAB BAN \ 0 U S S E F B O U S N A Y A

    O to i dont la bonté est infinie , absorbé en toi , mon esprittota lement hébété s

    est agi té en lu i-mème et a été rempl i deconfus ion â cau se de to i , l e bi en fai teur un iverse l ; et alors j e mesui s détourné de tout pour al ler vers to i , l e rénovateur de tou t ,dont l

    amour s’

    étend a tout . Tu es le témoin qu i connaî t toutechose comme el le est ; so i s témoi n que ce n

    est aucunement parma volonté que j

    ai parlé de to i , admirable en tout , ovéri té su

    prème , ô viv ificateur un iversel , au point qu’ i l n ’y a absolument

    rien qu i v ive ou se réjou i sse , s i ce n’

    est en toi , qu i e s touj oursl e même , tout en tou s et en chacun , selon le témoignage souvera inement vra i de ton E vangéli ste ( l ) . Glo ire so i t a to i , de toutepart , maintenant que tu sauves tou t , et quand sera renouvelétotalement l

    U nivers touj ours et touj ours de la part de tou s etde l a part de chacun Amen ! O ui , notre Seigneur et notreD ieu , j e te suppl ie et je te demande de te faire mon compagnon dans la route que j

    entreprends pour ce négoce donnemoi , Seigneur , d

    év i ter tou s‘

    l es adversa ires qu i s’

    y rencontrent , qu i y tendent des embûches , qu i s

    y couchent â l’

    a f

    fût , cherchant à fai re péri r de toute façon . Ne permets pas ,Seigneur , que leu r dés i r se réal ise . Aide -moi , Se igneur ! E taprès être parvenu au but de mon d iscours , j en reviendraila bouche pleine de louange , ayant su r la langue une actionde grâce pou r l e double b ienfa it que tu m

    auras procuré et

    d’échapper de cette route pér i l leuse et d

    accompl ir mon négoce s elon le desse in de tes m iséricordes . Seigneur , tu connai s ma double faiblesse secours-mo i doublement . Amen !

    Mon Sei gneur et mon Dieu ! attendri s mon cœur endurc i parles eaux de ta sc ience qui conna î t tout , afin qu

    i l fasse j ai l l ir les

    paroles de la volonté , avec tes saints . Amen ! Seigneur D ieu , qu ias coutume de faire paraî tre l es mervei l le s de ta sagesse d

    uneman ière invrai semblable , par ta miséricorde , montre la grandeur de ta sc ience dans mon ignorance ,_ â l aquel le r ien en moine peut être comparé . Amen ! J

    a i commencé , Se igneu r , avec tonespérance , pour accomp l ir par to i ta volonté . Amen ! Accorde

    ( 1 ) Cf. Johan , I , xv , p a ss im.(2) Traduct ion un p eu l ib re de ce passage dans lequel lemême mot revient v ingt

    c inq fo i s !( 3 ) C

    est un usage fréquent chez les auteurs syriens de comparer un trava i ld i ffic i le au voyage lo inta in d’un négoc ian t .

  • PAR JEAN BAR-KALDOUN . 9

    moi , mon Seigneur et mon Di eu , de prendre quelque chose detoi dans les saints , ne fût-ce qu

    une peti te goutte , car el le su ffit ,venant de toi , pour calmer l a soi t d

    un grand nombre , pour fairetressai l l i r de j oie et enivrer les âmes . Donne — moi , Seigneur , lapermission de prendre chez toi une petite miette de la table detes saints , pour rassasier les affamés avec toi , l e pain de vie .Amen ! Je su is persuadé , Seigneur , que tout ce que tu fais vien tde toi sans cause et que tu n

    as pas besoin de la prière que tu metsdans la bouche des demandeurs mai s ton amour le veut ainsi etcommande qu

    on t’

    offre d’

    abord ce qu i t’

    appartient , pour donnerensu ite de toi-mème ce qu i est à to i ; et cela est de nouveau unsignem ani festant ton amour infini . Permets-moi donc de t’offri r quelque chose qu i est â toi et de prendre en to i quelquechose qu i t

    appartient . Amen ! Je sai s aussi , mon Seigneu r etmon Dieu , que sans to i personne ne peut rien fai re ; cependant ,Seigneur , tu fai s toute chose comme tu veux et comme tu sai sd

    avance . O ui , Seigneur , comme tu sai s et comme tu veux ! etbien plus , comme tuas suet comme tuas voulu , selon l

    immensi té de ta science et de ta volonté . Accompli s ce que tu désires ;car j e ne sai s n i quo i n i comment demander . Soi s indulgentpour ton servi teur et pardonne- lu i d

    oser parler devant to i dechoses qui le surpassent ; dans tes mi séri cordes , rends-le dignede tes b ienfai ts . Qu

    avec l e narrateur ( l ) et par ses prières ,Notre — Seigneur rende l ’écrivain et le lecteur d ignes d

    être aveclu i dans son royaume . Amen !

    ( l ) Avec Rab b an Yousse f qui est censé avoir raconté à. l ’auteur tout ce q uece lui -c i a inséré dans son l i vre .

    F IN DE LA PR IERE .

  • CHAPITRE PRE MIE R

    DU PAYS D E RAB BAN Y OU SSE F ; DE QUE L V I LLA GE I L ETA I T ;DES PARENTS F IDÈLES QU I LU I DONNÈRENT LE JO UR ET L ’ELEV ÈRE N T ; D E SA CONDU ITE DANS LE MONDE ET DE SA SORT I ED U M ONDE POUR EM BRAS SER LE M O N A C I I I S M E . S E ICN E U R ,A I DE — NOUS DANS TES M I SER I CORDES !

    Celu i qu i marche”

    dans un chem in impraticable rencontrebeaucoup d

    obstacles , et parfoi s même i l n’

    arrive pas au butqu

    i l vou lai t atteindre ; celu i qu i marche dans la voie aplan ie dont les di fférents sentiers ont été fou lés aux p ieds parle passage fréquent de ceux qui ont une grande expérience ,trouve des po ints de repère placés devant lui , dans les traces

    de ceux qui ont marché précédemment dans la même voie ; etpour ains i dire avec eux et , en leur compagnie , i l atte int sansgrande peine le but qu

    i l s’

    étai t fixé et pour lequel i l supportai tles fatigues de la route .

    O r, i l a paru uti le a tous ceux qu i ont entrepri s d ecri re desh i sto ires de faire connaî tre d

    abord le pays , l e v i l lage , le s pa

    rents d’

    un homme , comme i ls l’

    ont appri s eux-mêmes des L ivressaints . I l nous convient donc auss i de fai re connaî tre le payse t le vi l lage de Rabban Youssef, les parent s qu i l u i ont donnéle j ou r et par lesquel s i l fu t élevé , afin de ne pas retrancher decette h i stoi re les actions i l lustres de se s parents , véritablesfidèles .

    Ce n’

    est pas que notre pays ou notre vi ll age nous aj ou tequelque chose a l

    ’égard de Dieu , qu I l nous rapproche ou nouséloigne de sa famil iari té ; mais i l a plu ains i a notre guidesouverainement sage . En réal i té , i l n

    y a qu’

    un seu l l ieu pour

    tou s,duquel nous sortons , dans lequel nous nous mouvons

    et nou s sommes,dans lequel nous habi ton s , dans leque l nous

  • V I E DE RA RRA N B O U S N A Y A PAR J EAN BAR-KA LDO L‘ N . I l

    vivons et nous nous agi tons , et nous retournons habi ter danscelu i d

    où j’

    ai di t que nous sortions ; non pas de la nature commele proclament les discip les impies du Grec Pythagore

    , â

    Dieu ne plaise ! mais bien du l ieu glorieux de D ieu où toutretourne , d

    où tout provi ent et dans lequel tout habite . Quecelu i qu i l i t comprenne ( l ) !Ma i s i l convient de parler du pays et du vi llage de Rabban

    Youssef, comme nous avons promis .

    I l étai t du pays fameux de Bei t-‘

    E dra i . B a-‘

    Adra (2) est le nomd ’un vi llage connu et célèbre du pays qu i s

    appel le , dans sonensemble , B a-B ousna . Ce pays étai t habité par des hommesfidèles e t craignant D ieu ; i l étai t orné des beautés divines dela foi orthodoxe (3 ) et même des beautés profanes et sensibles ,et on n

    y trouvait aucun mélange des ténèbres de l ’erreur qu iprodui t le mensonge au suj et de DieuPar la prescience de Dieu qui connaî t toute chose avant qu ’elle

    ex iste , et qu i savai t quels frui ts i l devait produi re , et combien i lserai t h onorable devant Dieu par sa fidél i té , son père reçut unnom qui l u i convenait et lu i était parfaitement adapté . I l s

    appelai t Y aq ira Précieux en véri té ; en vérité honoré ! A qui convenait ce nom de précieux mieux qu

    à cet homme honoré ,orné de toutes les œuvres de vertu , qu i l aissa après lu i dan s lemonde des fru i ts préci eux aux yeux de Dieu , des trésors raisonnab les et de grand prix , par lesquel s i l fut honoré en cemonde et dans celu i a ven ir?

    Sa mère s’

    appelai t‘

    A mrounah E l le auss i avai t reçu cenom par la providence de cette science un iversel le . En vérité ,el le fut doublement un cénacle ; un cénacle de la foi véri

    ( l ) La th éorie ob scure de l ’auteur sent fortement le pan thmsme, e t ex i gera i tpour être b ien comprise des expl icat ions qu’ i l s ’est d ispensé de nous donner.(2) B ei t—

    E dra i et E u-‘

    A dra son t les deux formes , la prem i ère syriaque et la seconde arab e , du même nom propre . Ce v i l lage ex i ste encore actue l lement . I l es ts i tué ‘a l’E st de M ossoul . C f . I I O F F MA \‘ X , A ussuge aus syr . A lsten p ers i sc/zerM i trtyrer, p . 298.( 3 ) C ’est-â-d ire nestorienne . L ’auteur, en effet , appartena i t à cette secte .(4) Al lus ions aux Syriens j acob i tes, c ’est-â-d ire monoph y s i tes , qui éta i ent a lors

    nomb reux dans les env irons .(5) L’auteur joue i c i sur les mots ; Y a q i ra , S i gn i fie en effet h onoré , p re

    cieuæ.

    (6) L’auteur fa i t un nouv eaujeu de mots en rattach ant ce nom a la rac ine syriaque

    cmdr qui s i gn i fie ha b i ter, demeurer ; mai s en réa l i té i l para ît de forme arab e .

  • 12 V I E DU M O IN E RABBAN YOU SSE F B O U S N A Y A

    table , et le cénacle des i l lus tres enfants ( 1 ) qu i sorti rent d’el l e

    et apparurent dans l e monde et , par l a lumière de leurs lampes ,i l l um inèrent la sa inte Egl i se . Tu es b ienheureuse

    ,

    ‘ A mrounah !

    bienheureuse en véri té ! car tu as été le cénacle des j u stes quisont sorti s de to i par l

    union avec ton mari Y aq îra couple

    heureux et précieux devant Dieu , dont la prescience et la

    sagesse qu i connaî t tout a procu ré l’

    union et l’

    association ! Cecoup le bén i étai t j uste aux yeux de Dieu e t tous les deux marcha ient devan t lu i dans la sainteté , sans reproche . L

    amour dumonde ne l es empêcha it pas de pratiquer la vertu . I l s n ’étaientdans le monde que par leur ex i stence passagère , et par l eursœuvres , i l s imitaient les Pères j ustes et saints ; i l s s

    éleva ient

    au— dessu s du monde par l eur espri t qu i étai t fixé en Dieu ; i l saimaient les pauvres et sou lageaient les affl igés , dans l a cra inteparfaite de Dieu . Quel est le pauvre dont la faim n

    ’a pas été ras

    sas iée par eux ? Quel est l’

    opprimé ou l’

    affligé qu i n’a pas trouvé

    dans leur ma ison un soulagement â sa pe ine ou a son affl iction ?

    Rabban You ssef me racontai t lui -mème beaucoup de chosesadmirables a l eur suj et . I l me d i sai t qu

    aucun indigent n’

    entrai t

    dans l eu r vi l l age sans qu ’ i l s subv inssent à sa nécess i té . I l s d i s

    tri buaient de la nourr iture à tou s les pauvres de leur v i l lage .Ce couple bén i accompl i ssait ces choses dans un amour parfaitet d ’un commun accord ; bien qu

    eux— mêmes , comme lespauvres , vécussent de leu r travai l . I l s procuraien t â l

    égl i se deleu r vi l lage tout ce dont el le avai t beso in , comme la far inel ’hu i le des lampes et le reste ; et même le prêtre et l e maî tred ’école attachés â cette égl i se demeuraient près d

    eux , dans leurmaison . Pendant l ’été , au moment où on rentrai t la récolte dansle grenier , son père Y aq îra examinai t lui -mème et mettai t decôté des ép i s qu

    i l cho i s is sait , pour autant qu’

    i l étai t besoin

    de far ine â l’

    égl i se dans toute l ’année . I ls ava ient , di sait R .

    Youssef, une grande chambre dans laquel le i l s mettaient cesépi s que son père broyai t de ses propres mains pour en fairela farine de toute l

    année ; et i l accompl issai t cela avec grand

    ( 1 ) Le I I I S . porte‘

    amoudê , colonnes peut ètre l’

    auteur, poursui van t sonjeu de mots , a va i t— i l écri t : 'oumar ié cénob i tes Le mot en fants par leque lnous tradui sons ne rend donc que la pensée et non l ’expre ss ion de l

    auteur.(2) Le mot nes/z ip ha s i gn i fi e en généra l fleur de farine ma i s i l semb le p ar

    le contex te que l’auteur l ’emplo ie spéc ia lemen t pour dés igner la farine dest inée àla confect ion ( I I I pa in euch ari st i que .

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  • 1 4 V I E D U M O INE RA RRA N YOUSSEF RO U S N A Y A

    ne s’

    amoindri t pas i l s prirent et firent manger aux affamés dufroment réservé pour la farine de l

    égl i se . Un j ou r , i l appel a sacompagne bénie et l u i d it Le sabbat a été fait pour l ’hommeet non l ’homme pour le sabbat ( l ) ; les oblations et l es sa

    crifices sont offerts pour les hommes ; tes yeux voient l es afflic

    t ions auxquel les l a fam ine a rédu i t les gens ; va , ma sœur , apporte c inq mesures (2) du froment réservé pou r la farine del ’égl ise qu i est dans la chambre , et fai sons — le s moudre pou r

    les pauvres .Cette femme fidèle et possédant la véri table es pérance alla

    prendre cinq mesures de froment de la chambre et les donna à son

    saint mari . I l l u i demanda une seconde fo i s cinq autre s mesureset e l le les lu i donna ; i l s firent la même chose une troi sième fo i set ensu ite b ien des fo i s encore . Cette femme fidèle , qu i possé

    dait l a fo i qu i transporte les montagnes , fai sai t d’

    abord l es igne de l a croix sur la chambre , chaque foi s qu

    el le al lai t ychercher du froment ; pui s el le prenai t ce qu

    el le avait à pren

    dre . O r, l orsqu’

    el le retournait derechef pour prendre du fro

    ment , e l le trouvait l a chambre ple ine et sans aucune diminu

    tion . Cela se passa bien des foi s . Son mari , voyant que le nombrede mesures du froment étai t dépassé de beaucoup , fu t très surpri s ; car el l e ne lu i avai t rien d i t et e l le l u i donnai t du blé

    autant qu’

    i l en demandai t . I l reconnut que cela tenai t du prodigeet que la main de Dieu mul tip l iait l e froment , afin de procurerains i quelque sou lagement aux pauvres et aux affamés par lamain du j uste . I l appela sa femme et lui d it Quel est doncce fait merve i l leux que j e voi s au suj et du froment? La chambrecontient tant ; et tu en as rapporté beaucoup plus du double .

    Qu’

    est—ce que cela ? di s- le moi . — S a femme l u i répondi t : Nedemande ri en et ne me force pas a fai re connaî tre cette chose .

    Demande—moi autant de froment que tu en désires et j e te l’

    apporterai . Son mari repri t N

    éprouve pas de crain te àme dire la véri té , car le mari et la femme ne font qu

    un corps ,selon la parole du Sauveur fais—mo i donc connaître la réal i té de cette affaire , afin que nous la réglions comme i l Conv ientAlors e lle l u i appri t que Dieu avai t répandu sa bénédiction sur

    ( 1 ) M arc I I ,(2) Le nom de mesure e st qa ba , gr.( 3 ) C f. Ma t th . , 3 .

  • PAR J EAN BAR —KALDOUN . 15

    ce froment et que , quel le que fut l a quanti té qu’

    el le en reti rât del a chambre , quand elle y retournai t de nouveau el le la trouvai tpleine . I l admira ce prodige et glorifia Dieu , dont les misericordes sont immenses , pour son b ien fai t a leu r égard . I l d it âsa femme Admire ce mystère et loue Dieu pour sa bonté envers nous . Pendant tout l ’h iver que régna

    '

    la di sette , i l s di stribuèrent aux pauvres de ce froment de bénédiction , de sorte queles habi tants du vi l lage s

    étonnaient et d i saient O ù doncYaq îra prend - i l tant de froment pour le di stri buer et l e fai remanger aux pauvres?

    Rabban Youssef apprit cela de sa mère après le décès de sonpère . Après la mort de son père , i l bâti t a ses frères une maisongrande et spacieuse quand i l s y eurent transporté leur mobil ier , i l entra dans la maison où se trouva i t la chambre au froment ;i l démoli tcette chambre et la j eta par terre . Sa mère

    ,en le voyant

    la détru i re , poussa des cri s et lu i d it Hélas , mon fi l s ! qu’as

    tu fai t? tu as commis auj ourd’

    hu i comme un crime . Rabban Youssef lu i demanda pourquoi . Fai s —moi connaî tre la véri té , dit- i l , sinon j e la démol i s tout entière . Alors sa mère ,par contrainte , lu i fi t connaî tre le miracle qu i s

    ’étai t accomplidans cette chambre .

    E t moi , misérable écrivain , j e prends le Seigneur à témoinque j e rapporte , tel que j e l

    ai entendu de la bouche de R . Youssef, le prodige que le Seigneur a accompl i par ces fidè les . Mai sen quoi , mes frères , ce prodige di ffère— t- i l de celu i qu

    opéra leSeigneur au temps du prophète E l ie quand i l fi t en sorteque la fari ne ne d iminuât pas dans l ’outre de la veuve qui avai trassasié le prophète ? E t s

    i l convient de le di re,nous d i rons que

    celu i- là est plus grand que celui - ci ; car celu i— ci a été opéré parun prophète de l

    E spri t [Saint] et dans un temps où l’on voyait

    des prodiges ; celu i — lâ par des personnes plongées dans les labeurs sécul iers , attachées au monde , appl iquées

    ‘a l ’éducationde leurs enfants , et dans un temps où les prodiges sont rares .Je ne doi s pas non plu s oubl ier que l ’ordre du di scours de

    manderait autant que poss ible qu’

    après avoir consigné un fai tdans l

    histoire , on écri v i t à l a sui te son éloge et qu’on y ajoutât

    des comparai sons t irées des L ivres saints , ains i que l ’ont fait la

    ( 1 ) Cf. I I I Reg XV I I .

  • 16 V I E DU M O INE RAB BAN YOUS SEF B O U S N A \‘ A

    plupart des b iographes des saints ; car , â chaque fait qu I I Sécrivi rent

    ,i l s aj ou tèrent sa louange et des comparai sons oppor

    tunes tirées des saints L ivres . Pour moi , j e m’

    ab s t iendra i de

    cel a pour deux rai sons la prem ière , parce qu’

    en véri té j en ’ai point l a faci l i té de langage n i l a sc ience suffisante ; l aseconde , de peur que cette h i stoi re ne devienne fast id ieuse , etne sorte de l a l im ite que j e me su i s proposée en vou lant la fai recourte . D

    ai l leurs , quiconque le dés ire trouvera cela dans leshisto ires antérieures rédigées par des hommes savants et i l l u stres . I l n

    est point nécessaire que nous écrivi ons ce qu’

    ont déjàécri t les autres . Je veux écrire la vie d

    un saint et les actions

    glorieuses de quelques saints ses contemporain s , et non pas lefai re paraître ou l e glori fier par le moyen des autres . Nou s parlon s s implement pour les gens simples comme nous ; que celu i

    a qu i p lai ra notre réc i t le l i se ; que celu i dont la sc ience lu i estbien supéri eure le lai sse pour les gens s imples comme nous etqu

    ’ i l prie char itablement pou r moi .

    Revenons donc au fi l dud i scours , et rentrons dans le chem ind

    où nou s sommes sorti s .

    Ce rej eton bén i dont nou s parlons pr i t donc racine de parents au ssi saints . Y aq îra avai t quatre fi l s et une fi l le ; RabbanYoussef étai t son aîné . Son père s

    occupai t de lu i avec tou t lesoin que do ivent les parents à l

    éducati on de leurs enfants . I l l u i

    donna un maî tre cé lèbre , qu i restai t avec lu i dans la maisonpour l

    instruire so igneusement . Le maître s’

    occupa de lu i jus

    qu’

    à ce qu’

    i l fût instru i t , capable et bri l lant dans la doctrine

    d ivine .Dieu , selon son desse in m iséricord ieux , transporta le père de

    R . You ssef, du l i eu qu i n’

    étai t point le s ien dans la patrie véri tab le et lai ssa ses frères encore j eunes ayant besoin d

    ’un edu

    cateur qu i pri t so in d’

    eux . Rabban Youssef étant l’

    aîné de sesfrères pri t sur lu i l e so in et le souci de leur éducation ; i l s

    adonna

    à un l abeur et a un travai l ass idu s et l es é leva dans la crain tede Dieu j usqu

    à ce q u’

    i l s fussent devenus des j eunes gens ayantl a force de travai l ler pour se suffire à eux -mêmes .Leur sœur étai t p lus jeune que ses frères ; el le étai t rempl i e

    de la crainte de Dieu et très chaste . Rabban Youssef l’

    a ima i t

    beaucoup à cau se de son affection pour les pauvres . I l racontai t d ’el le que , dès son enfance , elle éta i t rempl ie d

    affection

  • PAR JEAN BAR-KALDOUN . 17

    pour les pauvres , et que du vivant même de leur père , el len ’étai t pas sati sfaite de ce que cel u i - c i faisai t à leur égard ,mais e l le prenait en cachette ce qu ’el le pouvai t trouver et le don

    nai t à Rabban Youssef pour qu’

    i l en fi t l’aumone aux pauvres .

    Quand R . Youssef eut élevé ses frères et sa sœur , comme j’

    ai

    di t ,’

    i l ressenti t en lu i les bons mouvements que Dieu notreCréateur a placés dans notre nature et qu i fon t que nou s aimonsce qu i est b ien et détestons ce qu i est mépri sable ; ces mouvements l e pressèrent j usqu

    à ce qu’

    il fut arrivé à dé te ster lemonde et tout ce qu I l renferme ; i l éloigna de ses pensées mêmeses frères et sa mère . I l al la trouve r cel le- ci et lu i d i t Mamère , voici que , par le secours de Notre-Seigneur , tes enfantssont devenus des hommes ; pour moi , j e veux monter au couventdes moines et prendre l

    habit monacal . Sa mère se m it âpleurer et lu i d i t avec douleu r Mon fi l s , tant que j e vivrai ,

    je ne te lai sserai point fai re cela . Rabban Yous sef se tinttranqui l le j usqu

    à ce qu ’ i l trouvât l ’occasi on de faire ce qu ’i l désirait . Comme i l méditai t la lo i spiri tuel le des préceptes deNotre-Seigneur et considéra i t en lu i-mème l a parole dite parNotre-Seigneur ( l ) Celu i qui ne qu itte pas ses parents , sesfrères , etc . le feu d ivin que Jésu s Notre-Seigneur a j eté dansle cœur des siens s

    allumai t et s’

    enflammai t en l u i de plu s enplus . I l ne put y rés i s ter ; i l sortit pendant la nui t sans quepersonne y fi t attent ion et monta au saint couven t de RabbanHormi z d Son frère cadet , nommé Gabrie l , qu i étai t auss ipossédé du feude Jésu s , comprenant ce qu

    ’ i l avai t fai t , couruta sa su ite au couvent ; i l entra même dans la congrégati onavant lu i .La mère , veuve et affl igée , courut au couvent , pleurant , se

    lamentant , arrachant ses cheveux blancs , â cau se de ces deuxaigles vigoureux qui s ’étaient envolés de ses mains . Devant toutela congrégation , el le sais it Rabban Youssef de ses deux mainset , poussant des cri s de dou leur en présence de toute cette sainte

    ( 1 ) C f. Luc. , 26.(2) Le couv en t de Rab b an Horm i z d ex i ste encore aujourd ’hui , i l est s i tué dans la

    montagne en tre Alqosh et Mossoul . (C f. HO PRI I A N N , op . , ci t . , p . C ’est leprinc ipa l centre de la v i e monast ique ch ez les Cha ldéens ca thol i que s . I l y a unequaranta ine de re l ig ieux et la congrégat ion porte le nom de S . Horm i z d. La v i ede S . Hormi z d

    , par un moine nommé Sergius , a été pub l i ée en syriaque parM . Budge (Berl in , Cf . Th e B ook of Governors , t . I , p . CLV I I et sui v .

  • 18 V I E DU M O INE RABBAN YOUSSE F B O U S N A Y A

    congrégati on , el le demandai t aux b ienheureux d’

    avoir p itié

    d’

    el le . Les »moines pr ièrent Rabban Youssef de retourner avecsa mère abandonnée .

    Dans sa science éclairée , i l ne crut pas devo ir l ai sser samère dans l

    affl iction et la grande douleur qu’

    el le éprouvai t ,et i l su ivi t l e conse i l que lu i donnait la congrégation . I l revintavec sa mère au vi l lage . Son frère Gabri e l ne se la issa pasfl échir par la a ppl ication de sa mère ; i l resta au m i l ieu deceux qu i menaient la v ie commune et pri t l e sa in t habit dumonachi sme . Sa mère s

    en consola en pensant qu’

    el le posséd ai t

    un soutien dans son fi l s a îné qui revenai t avec El le . Rabban

    Youssef ne cessai t de demander continuel lement â Dieu par lapr ière de mettre dans le cœur de sa mère l a pen sée de consent ir â son départ pour le couvent . Notre— Seigneur , qu i savait cequ i devait lu i adven i r , et qu

    i l étai t un vase d’

    élection pou rl ’honneur de son saint nom insp ira à sa mère une v ive terreur contre laquel le el le ne put ten ir ; el le craign it le Seigneu r ,redou ta son j ugement , et ne put rés i ster a l a volonté de Di eu .Quelques j ours après l eur retour du couvent , une nu i t , elle seleva agitée et rempl ie de l a crainte que Notre-Seigneur avai texci tée en elle ; el le se rend i t près de R . Youssef, dans l e l ieuoù celu i-ci éta i t couché , el l e l

    éve i lla en toute hâte et l u i di tavec effro i Lève-toi , mOn fi l s , et va en paix au couvent . Quele Seigneur Di eu soi t avec toi ; qu

    i l trace la route devant to iet te condu i se au but bén i que tu veux atteindre ; qu

    i l t’

    aide , tefort ifie et prenne soin de toi , tous les j ours de ta v ie ; qu

    i lconsole mon affl i cti on par son espérance et me donne la patienceau m i l ieu de la grande dou leur de votre séparation .Rabban Youssef se leva , l

    embrassa avec grande j oie , ets

    empressa de parti r pour le couvent, admirant et glorifiant

    Dieu pour ce qu i s ’était passé . I l entra dans le sa int couventde saint Rabban Hormi z d et y fut reçu avec j o ie par cette con

    grégat ion bén ie . I l s’adouna a l a v ie commune selon la règle ,

    et commença â accompl i r avec ardeur , cou rage et appl i cation ,tout ce qu i lu i étai t prescri t ou ordonné selon la crainte de Dieu .

    I l y avait dans ce couven t un v iei l lard grand par ses œuvreset subl ime par ses qual i tés louables et divines . I l éta i t renommé

    ( 1 ) Cf. Act . A post . , 1x, 15.

  • PAR J EAN BAR-KALDOUN . 19

    et fameux pour ses man 1eres de combattre les ennemis qu i serencontrent dans la voie du monach i sme . I l s

    appelai t RabbanMaranz eka ( l ) . Rabban Youssef se rendit près de ce b ienheureux viei l l ard et lu i confia la barque de son âme pure pourqu ’i l la condui s i t selon l

    i nspiration de la grâce , leur d i rectri cea tous les deux . I l se fit son d isciple et se d i rigea selon sonconsei l . Rabban Maranz eka l

    accuei lli t avec j oie et en fi t sonfam i l ier . I l lu i appri t comment i l faut se condui re dans la pratique de la vie commune ; et lu i fit voi r que l fondement i l convenait d ’établ i r pour la construction de sa citade lle , c

    ’est-â-direl

    obéissance simple qu i engendre l’

    humi l i té , ornement de toutes les vertus , sans laque l le i l n

    y a point de vertu possi ble .I l le muni t du vi atique de ses pri ères et le renvoya a la communauté .

    R . Youssef ne s é cartai t en ri en des préceptes de ce viei l lard ,pas même dans les choses qu i parai ssaient de peu d’importance . ll pratiqua la vie commune entièrement , dans tou s sesOffices et ses règles vertueuses . I l acqu it une obé issance parfaite qu i se soumettai t non seu lement aux préceptes et auxstatuts , mais encore aux plu s peti tes choses même étrangèresaux pratiques de la vie commune . I l accompl issait avec empressement tou t ce qu

    on lu i prescrivait , et al lai t même au-devantdes avi s , avec la plu s grande mansuétude , hum i l i té , paix etrégulari té . I l s

    exerçai t a parler humblement avec tout lemonde ; i l ne lai ssait point son regard errer çà et là sa démarche étai t parfaitement réglée ; i l ne se couchai t jamai s âterre

    ,mais , quand i l prenai t un peu de sommei l , c

    était appuyécontre le mur . O n ne le vi t j amai s j oyeux outre mesure , n i nonplus profondément tri ste . I l s

    exerça i t ass idûment au j eûne ; i lj eûnai t j usqu ’au soi r avec une m i sérable nourriture dont i lprenait trop peu . Jamais i l ne rompit son abstinence depu i sson entrée dans la vie commune ; i l se privai t non seulementdes mets agréables , mai s même d

    ’un simple plat cu i t et de légumes . I l ne cessait de réciter l

    o ffice n i j our n i nu it . Pendant lanuit , i l se tenait seu l a part, priait et vei l lai t jusqu

    ’au momentde l’office commun des cénob ites .Rabban Youssef me racontait que bien des foi s , pendant la

    ( 1) Ce nom s ign i fie : Dominus nos ter o ici t .

  • 20 V I E DU M O INE RA E RA N YOUS S E F B O U S N A Y A .

    nu it, voulant se recuei l l i r en lu i -mème pour prier , i l cherchai t

    à s’

    i soler ; mais , partou t où i l al la i t , i l trouvai t des cénob i tesse tenant là en prière ; même en al lant au mi l ieu de la montagne i l y trouva it quelque cénob i te qu i réci ta it l

    office . Cela lecontra ignait à sorti r momentanément hors du couvent pour accomp lir son office et sa vei l l e . R . Youssef fai t a ins i connaî tre

    par son réci t la ferveur des cénob i tes qu i v iva ient en ce tempslâ et leurs labeurs .Tou s les cénob ites s

    attachaient à. lui , et i l leu r apprenaitles psaumes et les cantiques . Chaque fo is qu

    i l donnai t uneleçon à quelqu

    un , i l commençait par l u i d i re humblementPardonne-moi , mon frère pu i s i l l

    instrui sai t avec tout le

    zèle de son ardente char i té .I l accompl i t avec cette ardeur tout le cycle de l a v ie com

    mune . Aux troi s années fixées et régul ières , i l en aj ou ta uneautre , su r le conse i l du viei l lard son maître . Tou s les mo inesse réj ou i ssaient en l u i et l e bén i ssaient . En le contemplant etl

    admirant i l s d isaient Que dev iendra donc cet homme de

    D ieu?

    I l embrassa la vie commune a l’

    âge d ’envi ron trente ans .Après qu

    i l eut mené la v ie cénobi tique pendant quatre ans ,son maî tre lu i consei lle de se retirer dans une cel l u le ; et i l sem i t en devo ir de le faire selon le consei l du v iei l lard .

    F I N DU CHAP ITRE PREM IER .

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  • 22 V I E D U M O INE RABBAN TO U S S E P B O U S N A Y A

    ration est l a pratique du si lence et de la sol i tude dans la perfection monacale , qu i élève l

    homme au delà de toute mesureet l

    uni t au Chri st Notre—Seigneur , de sorte que l’homme de

    vi en t [nu avec ] le Chr ist Notre- Se igneur qu i s’

    est o ffert l u imème en sacrifice pour tou s a Dieu son Père .

    Toutefoi s l e travai l de la première opération , cel u i de l’

    é

    tude , est l e maî tre et le chemin qu i condu i t à l a seconde , cel lede la sol i tude dans une cel lu le ; mai s cela n

    arr ive pas à toutl e monde . O n trouve en effet quelques-uns seulement d

    entre

    les Pères qu i étaient accompl is à ce double point de vue dela science et de la perfection monacale . Celu i qu i possède lesdeux est réputé parfait . Je déclare qu

    un homme ne peut être

    parfai t dans l e monach i sme sans la sc ience , et j e proclameparfait ce lu i en qu i les deux choses sont réun ies . Mais comment osé—je d ire cela? pu i squ

    un grand nombre de Pèresétaient des hommes simples quant à la science et ignorantsquant a l a doctrine des E cri tu res , comme par exemple , AbbaAnton ios , Abba Makarios , Abba Paulos et d

    autres qu i commeeux , dans leur s impl ici té , acqu i rent la perfection sp i ri tuel lesupérieure à toutes l es doctrines , au monde et a tout ce qu

    i lren ferme . Pourtant , j

    appel l e parfai t celui qu i a acqu is lesdeux qual i tés , a insi que sont appelés les saints Pères danslesquel s on les trouve réunies , comme par exemple MarE vagrius , Abba Marcos , ce mo ine à qu i les anges apportaientla commun ion de l

    autel à cause de sa grandeur , ou encoreMar Grégo ire , Mar Bas i le , Mar Iwani s Mar l

    I nterprète

    ces colonnes de l’

    Egli se , ces docteurs parfaits , cesmoines‘

    accom

    pl i s . laborieux , remarquables par l’

    une et l’

    autre qual ité .

    Celu i que Dieu a j ugé d igne de cette double opération porteen lui l e nombre parfait des d ix talents , qu i sont acqui spar un labeur doublant les cinq prem iers ; avec les c inq produ itspar ceux— ci on arrive au nombre total et complet de d ixI l faut se rappeler ce que j

    ai d it p lu s hau t l’

    homme estdouble par sa constitution . O r, par l

    étude de la doctrine

    ( I ) S . Jean Ch rysostome .(2) Th éodore de Mop sues te, auque l les N estoriens donnent le t i tre d

    l nterp re‘

    le

    des L ivres sa ints par excel lence .( 3 ) Al lus ion a la parab ole évangél i que Mat th . , xxv . La même i dée es t exprimée

    par sa int Grégoi re pape Gem inatus autem quinarius denarium perfici t(Homi t . in E ua ng . )

  • PAR JEAN BAR— KALDOUN . 23

    d ivine , l’homme de Dieu travai l le sur ses sens extérieurs j us

    qu’

    à ce qu’

    i ls soient parfaits , et i l offre en quelque sorte unsacrifice au roi qu i est au dedans de lu i , a l

    image de Dieu ; parle monachi sme , en

    °

    travai llant dans la sol i tude de la cel lule ,l ’homme de l

    E spri t travai l le su r ses sen s intérieurs j usqu’à

    ce que ces cinq [talents] et les cinq autres soient réuni s par unl ien , qui est Dieu , et i l offre à Celu i qu i est au— dedans de luimême des oblations et des sacrifices non pas d ’animaux n ides sens extérieurs , mai s b ien des sacrifices intel lectuel s etsp i ri tuels , supérieurs â l

    ’univers .Dieu , dans sa prescience essentiel le , avait départi d

    avance àl ’homme admirable dont nous racontons l

    h isto ire cette perfection et cette union des d ix talents ; dans sa sagesse , i l l

    avait destiné a cette double opération productrice de la perfection , autant que le Seigneur lu i-mème avai t voulu et commei l savai t qu ’ i l serai t avantageux pou r lu i .Quand Rabban Youssef eut accompl i le labeur de la vie

    commune , comme j e l’

    ai di t plu s haut , et qu’ i l voulut s

    enal ler dans une cel lu le , i l o ffri t un sacrifice au Dieu qu i le for tifia i t ; i l fi t une vei l le et implora la prière de ses pères et frèresspi ri tuels ; pu i s , muni dusecours des prières que tous firent pourlu i , i l parti t pour sa cel lu le .En ces j ours-là , le vi ei l l ard béni Rabban Maranz eka quitta

    la vie temporel le pour al ler vers son Maître , a qui i l étai tagréable , ceint du diadème de la perfection sp i rituel le et ornéde toutes les vertus d ivines . I l mourut dans une profondeviei l lesse , âgé de cent cinquante ans . Que sa mémoire soi t enbénédiction , et que ses prières nous protègent tous ! Amen .Quand Rabban Youssef v i t qu ’ i l étai t privé de son maître ,

    le viei l lard bén i aux cheveux blancs,i l ne voulut pas se di

    riger par sa propre volonté ; mais , peu de temps après , i l al latrouver Rabban Isho ‘ , surnommé de Koumateh Ce bienheureux était un des di sciples de Rabban Y ohannan (2) de

    ° He

    lepta et i l s ’étai t formé a l a vi e monastique dans le couvent

    ( 1 ) Cette voca l i sat ion est donnée par le M s . La pos i t ion de ce l ieu est déterm inéep ar le contexte .(2) I l sera longuemen t quest ion plus b as de ce mo ine .( 3 ) Gros v i l lage à l’E st de M ossoul . C f. HOFF M AN N , A ussage aus syri sch . A k ten

    p ers i scher M ürtyrer , p . 224 .

  • 24 V I E D U M O INE RABBAN YOU SSEF B O U S N A Y A

    de Rabban Hormi z d. Lorsque mouru t son maî tre RabbanY ohannan , dont nou s parlerons pour faire connaî tre ses

    œuvres glori euses , Rabban Isho‘

    qu itta le couven t et s’

    enalla su r une des montagnes , du côté du Nord , appelée mon

    tagne de Koumateh de là i l fut appelé Rabban Isho ‘ de Koumateh , du nom de la montagne sur laquelle i l hab itai t . I l y demeura pendant de longues années ; pui s , devenu âgé e t infirme ,i l descendi t au couvent de saint Rabban A phnimaran où i l

    termi na le cours de son l abeur divin .

    C’

    est vers ce père sp iri tuel que s’

    en alla Rabban Youssef. I ll u i fi t conna ître toute sa vie et l u i demanda consei l pour hab i terdans l a sol i tude . O r, Rabban I sho

    avai t cette coutume que chaque foi s que quelqu’un l

    interrogeai t sur une affaire quelconque ,i l l u i fa i sai t cette réponse Attends-mo i , mon fi l s , j e prierai ,et j e te d i rai ce que m

    ordonnera le Christ . I l d i t la mêmechose à Rabban Youssef. Rabban Isho ‘ pria donc , et l e Sei

    gneur l u i fi t connaî tre que Rabban Youssef étai t un vase destinéâ l a foi s à la double opération de l

    in struction et dumonachi sme ,et que la volonté duSeigneur étai t qu ’ i l s

    appli quât d’

    abord aux

    doctrines des L ivres saints , et qu’ i l abordât ensu ite la grande

    œuvre de la sol itude parfaite . Rabban Isho ‘ lu i di t donc S ache , mon fi l s , que la volonté du Seigneur est que tu t

    appliques

    d’

    abord a l’

    étude de la doctrine d ivine et qu’

    ensu i te tu entresdans la sol i tude d

    une cel l u le . Rabban Youssef, craignant

    d’

    étre empêché de fai re ce qu I l dés irait , en se l ivrant à l’

    étude ,d i t à Rabban I sho

    J e désire , Seigneur , habiter dan s la soli tude ; pourquo i donc m

    ordonnes- tu d ’étud ier : ce qu i est inuti l e pou r la vie sol i tai re ? Rabban Isho

    lu i répondi t Necrains point ; c

    est l’

    affai re du Seigneur ; cel a est d i sposé pourton b ien ; aie confiance en Dieu et so i s sans crainte ; j e

    '

    te promets que ton dési r de la sol i tude sera réal i sé et s

    accomp lira ;

    tu hab i teras dans ta cel lul e et tu y avanceras dans les œuvres del a sol i tude ; soi s persuadé , mon fi l s , que j e t

    ai parlé au nom duSeigneur . Muni du viatique de ses prières , [Rabban Youssef] revint à son couvent , accep tant avec empressement l

    ordredu saint .

    Comme Rabban Youssef bri l lai t dé j à par son instruction ,

    ( 1 ) Ce nom s i gni fie Redu1: i t Dominus noster . — S ur la place de ce couventH O F F M AN N , op . ci t. , p . 213 ; B U DC E , Th e B ook of Governors , t . I I , p . 123 .

  • PAR JEAN BAR-KALDOUN . 25

    ainsi que j e l’

    ai montré plus haut , i l accompl it son dési r en peude temps .I l y ava i t dans le couvent un viei l lard vertueux et très âgé ,

    appelé Rabban S ergui s . I l avai t occupé la chaire de la doctrinedans le monastère de Mar Gabriel de Mossou l . Après avoirrempl i ce poste pendant longtemps , après y avo i r travai l lé ets

    être rendu uti le par son enseignement pendant de longuesannées i l résolut de s

    adonner au monach isme et i l vint a ce couvent avec son d i sciple nommé Rabban S helimôn , qu i lu i auss ibri l lai t par sa doctrine . I l s furent reçus tou s les deux dans lecouvent à la grande joie des moines . I l s y étaient comme untrès précieux trésor , et tous les deux parvinrent , dans le monach i sme , a un subl ime degré de sainteté .Rabban Youssef alla trouver ces bienheureux et s

    appliqua à

    l’

    étude sous leur d irection , j usqu’à ce qu ’ i l —eût appri s toute la

    doctrine d ivine . I l surpassa en science la plupart des docteurs .

    I l réci tai t par cœur tous les l ivres de l ’A nci en et du Nouveau Testament ; i l récitait au ssi les trente — troi s tomes de l

    I nterprète I )comme i l récitait les Psaumes . Je prends le Christ à témoin

    que j’ai appri s cela de sa propre bouche . 11 me le raconta dans

    cette c irconstanceUn j our que j e me tenai s devant lu i , écoutant ses sa intes paro

    les , i l récita par cœur de nombreux passages du prophète I saïe .J ’étai s dans l

    étonnement et j e me d i sai s en moi—même Je sai sque quand un moine est digne de s

    appl iquer aux opérations del

    ’âme et de travai l ler aux œuvres intel lectuel les , i l ne peut l i rel es E cri tures . Comment donc ce viei l lard d igne même des opérations de l

    esprit (2) peut- i l conserver toutes ces sentences danssa mémoire? Je supposai s qu

    i l étai t appl iqué aux opérationsde l ’âme depuis plus de quarante ans et j e l u i d i s : Je sai s ,Maître , qu

    i l y a plus de quarante ans que tu n’

    as lu les l ivres ;

    ( 1 ) Les ouvrages de Th éodore de M O p sueste , qui furen t tous tradui ts du grec ensyriaque, et pour la p lupart du v ivan t même de l’auteur (mort en Que lques-uns sont parvenus jusqu’à nous , entre autres, le célèb re Commenta ire surl’Evang i le se lon sa in t Jean que nous v enons d ’éd i ter (Commenta rius TheodoriM op sues ten i i n E vangel ium D. Johann i s , i n li bros VI I p arti tus, t . I , Paris ,(2) O n expl i quera plus lo in la th éorie des auteurs ascét i ques orientaux qui ,

    sans doute d’aprè s les princ ipes ph i losoph i ques des néop la ton iciens , cons i dèrentl ’œuvre de la perfect ion comme répart ie en tro i s degrés success i fs l ’opéra t iondu corp s , cel le de l’âme et ce l le de l ’esp r i t .

  • 26 V I E DU M O INE RAB BAN YOUS S E F B O U S N A Y A

    comment donc ces sentences sont-elles conservées dans ta mémoire ? I l me répond i t Sache , mon fi l s , qu

    i l y a plu s dec inquante ans que j e n

    ai lu les E cri tures . Mai s ces paroles sontfixées dans mon esprit parce que j e l es ai récitées fréquemment . Sache , mon fi l s , que j

    ai réci té tout l’

    A ncien et le Nouveau Testament devant la cro ix en me tenant debout , commeon réci te l es psaumes ; et a chaque sentence , j

    ajouta i s a lleluiaet de même pour les trente— tro i s tomes de l

    I nterprète et pour

    le traité de la Providence de MarDiodore ( I ) . J’

    étud ia i s trentefoi s chaque manuscri t et ensu ite j e le réci tai s .Je repri s Comment , Maître , avec l

    intens i té de tes facu l tésava is- tu besoin de travai l ler trente fo i s su r un manuscr i t?

    I l me répondit Excuse-mo i , mon fi l s ; après avoir étud iécinq foi s un manuscri t , j e le possédais par cœur ; mais j e m

    ’étai simposé de l

    étudier autant de foi s pou r pouvo i r le réci ter parfa itement et ne pas l

    oubl ier .Je prends de nouveau le Chri st a témoin , par ma v ie , que

    j’

    a i entendu ces choses de Rabban Youssef lu i-même , qu ime le s a racontées dans son affection [pour moi] , et j e les a ifa i t connaî tre â votre ch ari té mes frères . afin que vou s sach iez

    comb ien ce b ienheureux a travai l lé , pou r l’

    amour du Chri st ,dans la doctrine des L ivres sa ints , et ce qu

    ’i l a été capable defai re en face de ce labeur ardu et souverainement di ffici le .

    Au m i l ieu de son appl ication a l’étude i l ne s ’affranch issai t ja

    mais des règles de l’

    office ; mai s i l l’

    accompli ssai t avec toute laperfection convenable , aux sept heu res fixées par les Pères , demême que les ve i l les ardues , l es longues stations qu

    on y pratique , l es incl inai son s et les prostrations qu i se rencontrent dansles offices , l es génuf1exions fréquentes et prolongées ; et cela au

    po int qu’

    i l récitai t , comme j’a i d i t , tous les Livres saints debou t

    devant la cro ix ajoutan t a llelui a a la fin de chaque verset . B iendes fo i s pendant tout son office , a chaque partie des anti ennes ,des hymnes ou des

    ,

    leçons , i l fai sai t des incl inai sons protondes et continuel les , des prostrations nombreuses et fréquentesains i que des génuflexions pro longées .I l ne rompi t j amai s le jeûne prolongé j usqu ’au soi r , ni

    l’

    ab st inence ; i l ne se perm i t jamais d’al ler a la cel l u le des

    ( l ) Diodore de Tarse . le ma i tre de S . Jean Ch rysostome e t de Théodore deMop sueste . qui es t regardé comme le père du nestorian ismo.

  • PAR JEAN E A R— KALDOUN . 27

    frères , ni â ceux-ci de ven ir à. l a si enne , excepté qu 1 1 serendai t à cel les de Rabban S ergui s et de Rabban S helimôn .Ainsi s

    é levai t ce bienheureux —par un travai l redoublé . — Gloireâ l a Vertu toute-pu i ssante dont la capacité est tel le qu

    ellecommunique â la fa iblesse humaine la force d

    agir courageusement et vigoureusement au-dessus de la nature !Après la mort de Rabban S ergui s , que sa mémoire soi t

    en bénédiction ! Rabban Youssef étai t contrain t d ’al ler aumonastère de Mar Gabri el

    \de Mossou l . I l s

    y rendait constamment , près de l

    i l lu stre Rabban’

    A bdi sho’

    surnommédjaoun ( I ) , qui étai t alors le docteur [du couvent] . I l restai tplusieurs j ours près de lu i et revenait â sa cel lu le .En tant que pauvre volontai re , i l ne possédai t ab so

    ment rien ; quand i l voulai t témoigner quelque honneur a son

    professeur , i l prenai t , comme i l me l’a d it lu i-même , un fa

    got du boi s de la montagne , a peu près la charge d’

    un âne ,et le portai t au docteur , sur son dos . depui s le couvent j u squ

    au M onas tère S up e'

    rieur car i l «étai t robuste , vigoureux et d ’une parfaite consti tution .Quand i l entrai t au couvent , s i le docteur li sai t dans sa

    chaire , et qu’

    on lu i di t Rabban Youssef B ousnaya arrive i l se tai sai t, et ne li sai t plus j usqu

    ’à ce que celu i-cifût entré dans sa cel lule ; car i l craignai t de l ire tandi s queRabban Youssef l

    écouta i t . Ce dernier s’

    adonna avec tant desoin et si entièrement â l ’étude , qu

    i l en contracta une violente malad ie du foie . I l continua jusqu

    â ce qu’

    i l eût appri stoute la doctrine des Livres saints et tout le droit canonique de sorte qu ’ i l surpassait en science tous les docteursde cette époque .

    P lus ieurs fois i l fut demandé par les évêques et l es fidèlespour être mis a la tête d ’une égl i se . I l n ’y consenti t pointnon pas qu

    i l mépri sât la charge pastorale qui fut d’

    abordportée par les Apôtres et qu i est leur héritage , mai s parceque son humil ité ne lui . permettai t pas de s

    ’y élever n i de

    ( 1 ) Ce nom s ign i fie S ervus Jesu.(2) Mot arab e dés i gnan t une colora t ion . I l peut s ign i fi er ê tre noir , rouge, ou

    blanc.

    ( 3 ) Autre dés ignat ion du couvent de Sa in t Gab rie l de M ossoul .(4) L i ttéra lement la const i tut ion de l’Eglise

  • 28 V I E D U MO INE RABBAN YOUS SE F B O U S N A Y A

    penser qu I l valut quelque chose et fût apte à’

    une œuvregrande et d istinguée ; et auss i parce que le don accordé auxmo ines qu i v ivent dans la sol i tude au mi l ieu de leur cel l u leest incompatibl e avec la fréquentat ion des hommes , l e commerce et les autres affaires i nhérentes au gouvernement .

    Chacun , d’

    ai l leu rs , a reçu de D ieu un don l’

    un d’

    une ma

    n 1ere , l’

    autre de l’

    autreDu temps de R . Mousb a , i l fu t élu métropol i ta in de la

    v i l le de Çoba mais i l n’

    accepta po int . I l fut cho i s i uneseconde foi s -pour l

    épi sc0 pat de Had i ta Les fidè les avaientdécl aré qu

    on ne leur imposerait pas d’

    autre chef que RabbanYoussef. Le métropol i ta in de Mossou l l e fit mander par écritpar l ’ interméd iaire de Mar

    A bdi sho’

    l e cathol icos , qu iétai t alors évêque de Ma

    altia , et i l lu i prescr ivit , par la parole de D ieu , de

    se rendre près de lu i à Mossou l .Rabban You ssef, dans sa sagesse , ne se montra pas rebel le

    a l a règle ecclés iastique , et se soumi t â l’

    ordre de l’

    évêque et

    au commandement qu’

    i l l u i donnait ; i l parti t avec l’

    évêque

    pour Mossoul . Le métropol i tain avec les fidèles de Had ita etde Mossou l le prièrent de prendre sur lu i la lourde charge de

    l’

    ép i scopat ; mais i l n’

    y consentit po int .Le vénérable prélat lu i enj o ignit par la parole de D ieu de

    se soumettre et de s’

    appl iquer à l’

    œuvre pour laquel le i l étai télu . Alors Rabban Youssef, se levant en présence du métro

    poli tain et des fidèles assemblés , d i t au vénérable prélatS i tu me contrains â cela et s i tu m

    y obl iges , i l arriverade deux choses l ’une ou bi en j e m

    enfuirai dans un endro i t où personne ne pourra me vo ir , s i j

    en pu i s trouverl

    occasion ; ou b ien , s i j e ne pu i s m’

    enfuir, j e me j etterai dansle T igre pour y périr ; et des deux façon s le Se igneur tedemandera compte de ma perte : Quand le métropol i ta invi t sa résolution de se faire péri r , i l l e congéd ia en paix pourqu

    i l retournât a sa cel lule .

    Une autre fo i s i l fut élu pour les habi tants de N ouhadra ,

    ( l ) 1 Cor . , vu, 7.

    (2) N is i b e .

    ( 3 ) V i l le ép i scopa le des N estoriens, s i tuée sur la ri ve gauch e duT i gre, un p euau-dessous de l ’emb ouchure du grand Zab .

    A bdi sh o‘

    l e r, qui éta i t auparavant évêque de Ma‘ alt ia , fut élucath ol icos en

    l’

    an 953 . (Cf. B A R I I E RRE U S , Chron . cool . , 11,

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  • CHAPITRE I I I

    RAB BAN Y O US SEF HAB ITE DAN S UNE CE LLULE ; LAB E UR S A U X QI L S ’Y ADONNE ; SON DEPART POUR ALLER TROUVERS HO U RHA L I S HO

    ; SE S FRERE S ET SA MERE PRENNENTS A INT HARIT . QU E N OTRE-SE IGNE UR NOUS A I D E ! AM EN .

    Quand le D ieuadorable , notre Créateur , voulu t, dans sa sagesse , amener à l

    ex i stence la créature rai sonnable,i l l a créa

    ,

    se lon son bon plai s ir , de deux sortes i l en fit une parti e spiri tuel le et sans corps , et une autre partie corporel le et l iéeà. un corps grossier .

    La prem ière , c’

    est-â-dire les saints anges , fut placée etétabl ie par Dieu son Créateur en hau t , dans u