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FOLIO ET MAINTENANT ?

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Magazine d'informations et d'actualité

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FOLIO

ET MAINTENANT ?

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2 - Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011

Rédactrice en chef : Marie Aubazac Secrétaire de rédaction : Nicolas Gil Maquettiste : Nicolas Gil Rédaction : Marie Aubazac, Coline Benaboura, Marine Chapelle, Nicolas Gil, Benoît Jacquelin, Claire Monnerat, Jérémie Nadé, Lauriane Rialhe, Natacha Verpillot.

EditoL’espoir

Un pays. Deux présidents. Quatre mois d’attente et de manoeu-vres. Le drame ivoirien vient, en partie, de se dénouer, lundi, avec l’arrestation de Laurent Gbagbo. La Côte d’Ivoire a désor-mais un seul Président, reconnu internationalement : Alassane Ouattara. Le plus difficile commence pourtant : la pacification.

Alassane Ouattara a parfaitement saisi l’importance des allianc-es internationales. Il a compris que, même si sa victoire dans les urnes risquait d’être confisquée, sa reconquête sur le terrain de-vait être encore plus légitime que le vote lui même. A partir de là, le rôle de Paris a été déterminant. Dès le lendemain de l’élection, avec la reconnaissance immédiate du nouveau Président. Aux Na-tions unies, où la France a fait adopter des textes décisifs. Au-près des instances africaines, pour isoler financièrement Gbagbo. Sur le terrain, enfin, au mo-ment de l’encerclement final. Un rôle si important qu’il y a des chances qu’il reste associé à l’installation du nouveau pouvoir, aux yeux de la population ivoirienne. Bien sûr, les uns dis-ent que Laurent Gbagbo a été arrêté par l’ONU, les autres par les forces du nouveau Prési-dent Alassane Ouattara, mais beaucoup de rumeurs affirment que ce sont les Forces Spécial-es Françaises, qui ont présidé à son arrestation, ainsi qu’à celles de son épouse et de son fils.

Toujours est-il que, qui que ce soit qui ait mit fin au règne sanglant de Laurent Gagbo, il fallait le faire, pour laisser une chance à la Côte d’Ivoire de se rétablir, en commençant par se réunifier.

Mais si l’arrestation de Gbagbo donne raison à la stratégie déployée depuis qua-tre mois. Elle ne peut, toutefois, faire oublier les populations civiles victimes de massacres, notamment à Abidjan et dans l’ouest du pays. Dans les deux camps, des crimes ont été commis. Alassane Ouattara a promis de faire juger tous les respon-sables, quel que soit leur bord. C’est là que va maintenant se jouer sa légitimité.

L’espoir reste fragile, les clivages profonds et les blessures ouvertes. Même si une ma-jorité d’Ivoiriens sont sans doute soulagés. Il reste évidemment beaucoup à faire pour Alassane Ouattara. Après avoir gagné la guerre, il va devoir gagner la paix en effa-çant les stigmates de tueries, où ses partisans ont aussi été mis en cause. C’est en se compor-tant en homme d’état et en se montrant capable de réconcilier les Ivoiriens que Ouatt-ara justifiera le soutien qui lui a été apporté. Il lui revient donc de donner corps à cet espoir, en oeuvrant immédiatement à la réconciliation. Une mission des plus difficiles.

Marie Aubazac

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FOLIO

ET MAINTENANT ?

A LA UNE

Après onze ans de règne, le président Laurent Gagbo a finalement abandonné le pouvoir sous la pression des forc-es de son opposant Alas-sane Ouattara, et de la coalition France/ONU. Retour sur quatre mois de conflits, et le flou qui entoure le futur de la na-tion ivoirienne.

A lire en page 4.

FrancePrésidentielles 2012 : la pochette surprise des candidatsA bitentôt un an de l’élection, de nouveaux prétendants font leur apparition. Petit tour d’horizon de ceux que l’on n’attendait peut-être pas........8

POLITIQUEImmigration : l’espace Schengen vacilleRome a décidé d’octroyer des titres de séjour provisoires aux migrants de l’île Lampedusa. Les autres pays européens montrent les dents.................................12

SOCIÉTÉEt l’écologie « ZAPA » les classes sociales les plus fragiles…La France s’apprête à expéri-menter des LEZ. Une mesure légitime mais injuste.............14

ENVIRONNEMENTGaz de schiste : le trésor empoisonnéC’est le nouveau cheval de bataille des écologistes. Une énergie qui pourrait faire ou-blier le nucléaire. Et pourtant, le sujet divise le monde.......16

ECONOMIEBruxelles et le FMI volent au secours du PortugalAprès la Grèce et l’Irlande, le Portugal a finalement accepté lui aussi l’aide financière de l’Union européenne et du FMI. Un aveu d’impuissance du gouvernement ?..............20

MÉDIASMédias sociaux, outils citoyens ? A Bahreïn, un blogueur empris-onné a été libéré grâce à des soutiens exprimé via Twitter. Gros plan sur le rôle qu’ont joué ces nouveaux médias dans les mouvements de révolte du monde arabe.............22

Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011 - 3

Laurent Gbagbo, lors de son arrestation lundi 11 avril / © TCI

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Folio n°7 - Événement- 4

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Folio n°7 - Événement - 5

Le nouveau départ ? Après des dizaines de semaines de conflit, la nouvelle est tombée ce lundi 11 avril : Laurent Gbagbo, président ivoirien sor-tant, a enfin été arrêté. Une nouvelle qui marque la fin de la crise traversée par le pays, mais le flou demeure toutefois sur le futur de la nation. Au coeur de tout, un pays : la France. Analyse et explications.

uatre mois. C’est le temps qu’il aura fallu a Lau-rent Gbagbo pour être écarté du pouvoir en Côte d’Ivoire. Quatre longs

mois de guerre, qui ont à nouveau plongé le pays dans le chaos, trois ans après la fin de la première crise polit-ico-militaire.

Rappel des faits En 2004, l’Accord politique de Oua-gadougou avait ramené un semblant de paix entre les forces rebelles qui occupaient le nord, et les forces du pouvoir de Laurent Gbagbo qui con-trôlaient le sud. Une décision qui per-mettait de mettre fin aux massacres, aux viols, à toutes ces exactions com-mises durant la crise. Par la suite, la volonté de tirer un trait sur ce sombre passé semblait clair par l’organisation

d’élections démocratiques, destinées à ramener une unité en Côte d’Ivoire. Si les votes se passent dans le calme, les résultats ont des conséquences désas-treuses. Le 2 décembre 2010, la Com-mission électorale indépendante proc-lame la victoire d’Alassane Ouattara, avec 54,1% des voix, des chiffres con-firmés par l’ONU. En face, le Conseil Constitutionnel donne Laurent Gbag-bo vainqueur, avec 51,45% des voix. Assis par cette décision, le président refuse alors de quitter le pouvoir. Va s’ensuivre un conflit pour acquérir le pouvoir. Si Laurent Gbagbo s’est à ce point entêté pour garder ce qui était sien, c’est essentiellement parce que le Conseil Constitutionnel reste l’autorité suprême en matière électo-rale, ce qui lui conférait, selon la loi ivoirienne, la légitimité du pouvoir. Seul problème, les membres de ce

Côte d’Ivoire :

Par Nicolas Gil

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ÉVÉNEMENT ➢

6 - Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011

Conseil sont pour la plupart désignés par le Président,

et donc majoritairement des proches. C’était là l’argument principal des pro-Ouattara, et ce qui a tout déclenché : comment parler de démocratie lorsque ceux qui la font ne sont pas im-partiaux ? A partir de là, il n’a pas fallu longtemps pour que le pays sombre à nouveau dans la violence et les conflits. Jour après jour, on pouvait suivre le mouvement d’aller et de retour des forces en présence, les villes tombaient à tour de rôle dans les mains des pro-Gbagbo ou des pro-Ouattara. Le conflit était dans l’impasse, et les derniers cités commençaient à manquer cruellement de ressources.

Le rôle de la FranceLe 5 avril 2011, on apprend qu’une intervention française va être mise en place, validée par les Nations Unies. Dans les jours qui suivent, des héli-coptères de la force Licorne, conjointement avec la mission de l’ONU dans le pays (ONU-CI), ouvrent le feu sur la rési-dence du président sortant. Le but : « mettre hors d’état de nuire les armes lourdes utilisées par les forces spéciales de Laurent Gbagbo contre les populations et contre les Casques bleus de l’ONU », selon le porte-parole de l’ONUCI, Hamadoun Touré. L’origine d’un telle interven-tion est à chercher dans le cadre des accords de défense signés entre les deux pays le 24 août 1961. Du moins, c’est ce qui semblerait être le plus évident. Pourtant, lors de son interven-tion au journal de 20h de France 2, toujours le 5 avril, le minis-tre des Affaires étrangères Alain Juppé n’a qu’évoqué que le fait que Laurent Gbagbo n’avait pas

respecté le verdict des urnes, et que des actions avaient été en-treprises à la demande du se-crétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon. Précisant bien, par la même occasion, que la France n’était pas en guerre, mais avait volonté de protéger les civils d’une part, et la dé-mocratie en Afrique de l’autre. Une position résolument défen-sive, donc, mais qui repose sur un équilibre fragile. Il s’agissait de ne pas ingérer de manière trop appuyée dans les affaires du pays, sous peine de voir Lau-rent Gbagbo agiter le spectre de l’ancienne puissance colonial-iste. En effet, si de nombreux citoyens saluaient la décision française, beaucoup d’autres n’y voyaient qu’une volonté im-périaliste : installer le président qu’ils ont choisi, pour rétablir un contrôle sur le pays, peu im-porte les pertes. Pour certains, c’est le fantôme de la présumée responsabilité dans le génocide rwandais qui refait surface.

Et maintenant ?Au final, après douze jours de bataille à Abidjan, les forc-es françaises, appuyées par l’ONUCI, ont permis de faire tomber le président sortant. Après avoir marché sur la corde raide toute la semaine, elles ont obtenu gain de cause. Les ivo-iriens, eux, l’ont malheureuse-ment payé au prix fort. Pillage, racket, insécurité, précarité, rien n’a été épargné à ceux qui se sont trouvés sur la route du con-flit. Le 2 avril, un communiqué annonce la découverte de char-niers à Toulepleu, Blolequin et Guiglo, trois villes de l’ouest du pays. S’il est encore trop tôt pour dénombrer les morts, nul doute que le chiffre sera terrible. Alassane Ouattara a d’ores et

déjà annoncé la création d’une commission nommée « Vérité et réconciliation », pour « faire la lumière sur les massacres » survenus ces derniers mois en Côte d’Ivoire. Quant à Laurent Gbagbo, le nouveau président a également demandé une procé-dure judiciaire à son encontre, ainsi qu’à celle de son épouse et de ses collaborateurs. « Il leur sera réservé un traitement digne, et leurs droits seront respectés », a-t-il promis, ap-pelant les ivoiriens à s’abstenir de « tout acte de vengeance » pour que revienne durablement la paix. Et la France dans tout cela ? Benoît Hamon, le porte-pa-role du PS, a notamment souhaité que le gouvernement « précise les conditions d’engagement » du-rable de la force Licorne en Côte d’Ivoire. Les partisans de Gbagbo, de leur côté, crient à l’ingérence, soutenant que leur élu a été arrêté par les forces françaises, ce que dément fermement Paris. Si le rôle de l’Hexagone dans le futur de la Côté d’Ivoire ne peut pour l’heure que relever de conjonctions, il est clair que tous souhaitent la même chose que le président Ouattara : « une nouvelle ère d’espérance ».

Quel rôle pour la France ? Libératrice des Ivoiriens, ou simple volonté impérialiste ?

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Côte d’Ivoire : Le nouveau départ

Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011 - 7

e 17 juillet 1990, à Abidjan, c’est là que tout a com-mencé. Laurent Gbagbo représente à cette époque un immense espoir de dé-

mocratisation pour les Ivoiriens. Il a alors 45 ans. Historien, syndicaliste, fils de policier, il commence à s’imposer comme une figure de l’opposition contre le parti unique de Félix Hou-phouët-Boigny, le « père de la nation ».

Un quinquennat de 11 ans L’ancien professeur d’histoire était à la tête de l’Etat ivoirien depuis 2000. Il accède à la présidence, dans des conditions, comme il l’avouera lui même, « calamiteuses », à l’issue d’un scrutin dont ont été exclus l’ex-chef de l’Etat Henri Konan Bédié et Alas-sane Ouattara. Pendant cette décennie, l’économie a stagné, les infrastructures se sont détériorées, la pauvreté a gagné du terrain. Mais l’aura et la confiance en lui-même de Laurent Gbagbo sont intactes. L’homme est rusé, ce qui lui vaut le surnom de « boulanger », pour son art de rouler ses adversaires dans la farine. En 2002, Laurent Gbagbo est victime d’un coup d’Etat mené par une partie de l’armée. La situation tourne au conflit entre le sud pro-gou-

vernemental et le nord tenu par les re-belles. En novembre 2004, il échoue à reconquérir militairement le nord mais se pose en héros de la fierté africaine, face à la France qui vient de détruire son aviation après le bombardement meurtrier d’une position française.

Un patrioteA cette époque, Laurent Gbagbo joue la carte du patriotisme en s’en prenant à la France, ancienne puissance coloniale. En campagne pour sa réélection, puis dans sa lutte pour conserver sa prési-dence, Laurent Gbagbo est resté fidèle à la carte du patriotisme et du nation-alisme. Il continue d’accuser la France d’avoir soutenu la rébellion en 2002. Lors de sa campagne électorale fin 2010, le visage de Laurent Gbagbo s’étale sur tous les murs d’Abidjan avec, pour slo-gan: « Laurent Gbagbo, cent pour cent pour la Côte d’Ivoire ». Un sous-enten-du visant à ternir l’image de son rival, le nordiste Ouattara, dont les parents sont originaires du Burkina Faso voisin.

Le goût du pouvoirSon mandat prenant théoriquement fin en 2005, le président, qui gouverne avec son clan, dirigée par sa femme Simone, s’arrange pour faire reporter

d’année en année le scrutin présiden-tiel et manœuvrer pour se maintenir au pouvoir à tout prix. L’élection sera repoussée six fois. Pour dresser des listes électorales définitives, argu-mente le président. Signataire avec les rebelles de Guillaume Soro d’un ac-cord de paix en 2007, il est néanmoins contraint, sous la pression de l’ONU, d’accepter la tenue d’une présidentielle pour 2010. En novembre, le scrutin a enfin lieu. Ouattara sort gagnant. Lau-rent Gbagbo ne s’y résoudra pas. Il n’a sans doute pas cru que les électeurs de l’ancien président sudiste Bédié obé-iraient à ses consignes de vote au deux-ième tour. Pas non plus voulu admettre que les Ivoiriens aspiraient au calme après des années d’incertitude. Il se moque bien du résultat des élections, seul le symbole exposé aux médias l’intéresse. Il reste au pouvoir en ga-rant de l’indépendance du pays. Après quatre mois de conflit, il rend les armes face aux forces de son rival, soutenues par la communauté internationale.

Devenu président par les urnes en 2000, Laurent Gbagbo a été perverti par son goût du pouvoir. Pourtant, à la fin des années 1990, à Paris, il partici-pait avec d’autres opposants africains à une conférence, au siège du Parti socialiste français. Le thème: « Peut-on utiliser la violence contre les dic-tateurs africains ? » Certains étaient pour, contrairement à Gbagbo, qui ne croyait qu’au pouvoir des urnes. Dix ans après, pour qu’il « quitte » le pouvoir, il aura fallu le chasser… par les armes. « Il sera traduit devant la justice pour les crimes qu’il a com-mis, ainsi la Côte d’Ivoire, devrait être délivré de son cauchemar » : ce sont les mots du représentant de la Côte d’Ivoire à l’ONU. Mais pas sûr que les pro-Gbagbo l’entendent de cette oreille. La Côte d’Ivoire a peut être retrouvé un président, mais la crise ivoirienne n’est certainement pas finie.

Marie Aubazac

Laurent GbaGbo : portrait d’un président déchu

L’ex-président lors d’un meeting en décembre 2010 / © Jonas O

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Folio n°7 - France- 8

Présidentielles 2012 :La pochette surprise des candidats

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Folio n°7 -France - 9

Présidentielles 2012 :La pochette surprise des candidats

Par Coline Benaboura et Lauriane Rialhe

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FRANCE

Il est écolo. Il est médiatique. Il a parcouru le monde, il veut maintenant s’inscrire dans le paysage politique français. Nicolas Hulot a annoncé sa candidature aux primaires écologistes mercredi, en direct de Sevran, en Seine-Saint-Denis. Et maintenant ?

En 2007, Nicolas Sarkozy signait le Pacte écologique proposé par Nicolas Hulot / © Philippe Wojazer / Reuters

La vedette d’Ushuaïa est candi-dat, c’est officiel, au grand dam de certains qui lui reprochent de ne faire que « surfer sur l’effet

Fukushima », dixit Stephane Lhomme, le président de l’Observatoire du nuclé-aire et également candidat aux primaires d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV). En 2007, Nicolas Hulot avait rapidement retiré sa candidature après l’obtention de la signature du Pacte écologique par la plupart des candidats des partis de “gou-vernement”, dont Nicolas Sarkozy. Sans plus d’influence aujourd’hui sur nos poli-tiques, va-t-il rester voguer dans la galère jusqu’au bout cette fois-ci ?

Le Roseau plie mais ne rompt pasChez EELV, ils ont des raisons de trem-bler. Dès la mi-mars, selon un sondage Ifop, Nicolas Hulot apparait comme le candidat favori pour représenter EELV, et obtient 60% des voix des personnes interrogées, contre 28% pour Eva Joly. Et

au sein même d’EELV, les sympathisants expriment à 66% préférer Nicolas Hulot à l’ancienne juge d’instruction.Certains auraient dès lors essayé de lui mettre des bâtons dans les roues. Nico-las Hulot demandait notamment le recul des primaires écologistes, idéalement jusqu’au mois de septembre, le temps pour lui de s’organiser un minimum et de réviser ses dossiers. Echec pour lui, les primaires auront bien lieu au mois de juin, et Nicolas Hulot aura beau se fâcher tout rouge, il lui faudra reprendre ses couleurs verdoyantes pour s’armer face aux cri-tiques qui vont redoubler de puissance.

La Fondation, pas franchement nette On peut dire que Nicolas Hulot s’était déjà préparé aux premières attaques. Au début de l’année, il affirmait : « Dans l’hypothèse où je me présenterais, je peux vous assurer que toutes les précautions seraient prises pour re-specter l’indépendance de la Fonda-

tion, qui est, et doit rester, totalement apolitique », écrivait-il. Pourtant, le 2 février dernier, celui qui longtemps a été catalogué « écologiste de droite », se faisait épingler sur plusieurs points par un rapport parlementaire, qui a passé au crible « les modes de financement et de gouvernance des associations de protec-tion de la nature et de l’environnement ». Pour faire court, on retrouve notamment au conseil d’administration de la Fonda-tion Nicolas Hulot : TF1, EDF et L’Oreal. Nonce Paolini, PDG de TF1 a précisé, que si Nicolas Hulot s’annonçait candidat pour 2012, il suspendrait son contrat avec la chaîne. Quant aux deux autres : « les activités particulières de ces groupes sem-blent problématiques sans les dimensions environnementales. EDF est une entre-prise de pointe dans le secteur nucléaire. Quant à L’Oréal, elle est classée parmi les groupes de cosmétiques dont les produits font l’objet de test sur les animaux », peut-on lire dans le rapport.

Nicolas Hulot veut entrer dans la cour des grands

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Présidentielles 2012 : la pochette surprise des candidats

Le bateau centriste penche à tribord

C’est l’heure d’afficher les premières ambitions. Jean-Louis Borloo la semaine dernière sur France 2, Dominique de Villepin en fin de semaine : les ex-membres de la majorité, mis à l’écart, veulent rivaliser avec l’actuel président, candidat probable de l’UMP.  Chacun souhaite porter son projet, et, pour ce faire, tous deux dérivent vers le centre, au grand dam du chef  du MoDem, François Bayrou...

Le très surveillé Jean-Louis Borloo annonçait il y une semaine qu’il quittait la majorité UMP pour créer

un nouveau parti, son « nouveau centre ». Un compromis, selon lui, entre le PS et l’UMP. Il compte sur sa popularité pour faire aboutir son projet, censé voir le jour d’ici cet été. En effet, selon un sondage IFOP pour le JDD, 37 % des in-terrogés considèrent qu’il incarne le mieux les valeurs du centre. L’ancien ministre de l’écologie aurait donc tort de ne pas croire en son indépendance. Reste à savoir comment la nébuleuse centriste va réagir à ces ambitions non dis-simulees... Car des ambitions, ce n’est pas ce qui manque côté centristes. Fran-çois Bayrou a d’ailleurs vivement réagi. Ex-UDF et grand défenseur

du centre, il a jugé que le candidat Borloo « manquait de crédibilité » dans son néo-rôle de centriste. Selon lui, l’opération de commu-nication menée par Jean-Louis Borloo vise à « ramener le cen-tre dans la majorité », comme si celui-ci ne penchait que du côté droit de l’échiquier politique… Une inclinaison qui ne risque pas de s’infléchir avec l’entrée en course de Dominique de Villepin, qui devrait présenter son projet au Press Club en cette fin de semaine. Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je faisFrançois Bayrou, qui craint de ne plus pouvoir tirer la couverture centriste vers lui, dénonce les combinaisons et les manœuvres des anciens membres de la ma-jorité pour priver le centre poli-tique de son indépendance et

de sa capacité à représenter une alternative politique. Le prési-dent du MoDem, qui ne cesse de revendiquer son indépendance politique, commence pourtant à placer ses pions, en profitant du scandale des autorisations pour l’exploitation du gaz de schiste, signées par Jean-Louis Borloo, à l’époque ministre de l’Écologie. Un scandale qui ternit le plan de communication du nouveau can-didat centriste, mais qui permet à François Bayrou certains rap-prochements... Interrogé sur la candidature de Nicolas Hulot pour les écologistes, il a d’ailleurs dé-claré qu’ils pourraient « travailler ensemble ». Un François Bayrou qui entend rester seul capitaine du bateau centriste et indépendant, mais qui pense « qu’il n’y aura pas de reconstruction du pays di-rigée par une seule sensibilité ».

Le centre s’agrandit mais Francois Bayrou veut rester capitaine de son navire / © MAXPPP / Benoit TESSIER

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12 - Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011

POLITIQUE

Immigration : L’espace Schengen vacille

Cette annonce faite jeudi dernier par le ministre de l’Intérieur italien, Roberto Maroni, a fait

l’effet d’une bombe à Paris. Des suites des révolutions arabes, plus de 25 000 migrants, essentielle-ment tunisiens, auraient investi les terres italiennes depuis janvier. C’est sous les traits du ministre de l’Intérieur français, Claude Guéant, que Paris a exprimé son refus ca-tégorique de « subir » des vagues d’immigrations venant d’Italie, sous l’œil vigilant de Bruxelles. Le conflit ouvert entre Rome et Paris rend compte des fragilités des accords communautaires euro-péens, autrefois qualifiés de « suc-cès ». Vendredi pourtant, les deux pays européens ont voulu signifier un certain apaisement. Roberto Maroni et son homologue français ont convenu d’un premier accord à Milan. Les deux pays se sont en-gagés à passer, ensemble, les côtes

tunisiennes au peigne fin pour limiter l’immigration illégale. Un accord qui s’est avéré superflu, puisque la France reconduit désor-mais les Tunisiens en Italie plutôt que dans leur pays. Lundi, à l’issue de la réunion des Vingt-Sept au Luxembourg, les pays européens ont emboîté le pas à la France. Ils prévoient d’accroître les contrôles pour empêcher la venue des tu-nisiens sur leurs territoires et com-mencent à renvoyer eux aussi des Tunisiens vers l’Italie.

Tensions diplomatiquesSi le gouvernement de Berlusco-ni fait des efforts pour accueillir depuis janvier les milliers de Tu-nisiens, mais aussi des Libyens, en situation irrégulière ou en dan-ger dans leur pays, il n’entend pas pour autant gérer seul ces afflux massifs. En trois mois, la popula-tion de l’île de Lampedusa a dou-blé, et la cohabitation avec les riv-

erains devient problématique. Ses appels à l’Union Européenne, re-nouvelés samedi, sont restés vains. « Soit l’Europe est une chose rée-lle et concrète, soit elle ne l’est pas et, dans ce cas, mieux vaut suivre chacun son chemin, en laissant tout le monde à sa propre politique et à son égocentrisme », a souli-gné le chef du Conseil italien. Sil-vio Berlusconi remet au goût du jour une faille de l’Europe, mais aussi de Schengen. De son côté, la France ne voit pas du même œil la décision italienne. Pour elle, pas question d’être solidaire en accue-illant des clandestins, ce « cadeau empoisonné » intervenant au mo-ment même où Paris souhaite con-tenir l’immigration illégale, mais aussi légale. L’Italie, agacée par l’hostilité du gouvernement fran-çais, a signifié que s’il n’acceptait pas de jouer le jeu, il n’avait qu’à quitter l’espace Schengen. Si l’on peut comprendre la France, qui,

Confronté à un afflux d’immigrés clandestins sur l’Ile de Lampedusa, Rome a décidé, jeudi, d’octroyer des titres de séjour provisoires aux migrants. Une décision qui n’est pas au goût de tout le monde.

Par Natacha Verpillot

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Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011 - 13

comme l’Allemagne, n’a pas la capacité d’accueillir ces immigrés et qui se veulent plus ferme sur l’immigration clandestine, on peut également concevoir la position de l’Italie, qui se retrouve dans une situation complexe et qui n’a cessé d’appeler les membres de la zone à l’aide. Il faut cependant faire preuve de relativisme, puisque, même si ces permis de séjour don-nent lieu à une libre circulation des migrants, ces derniers doivent répondre à des obligations pour pénétrer dans les pays membres de l’espace Schengen, à savoir être capables de présenter des passeports valides et disposer de moyens de subsistance suffisants. Claude Guéant n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler. Cette dern-ière obligation pourrait être une raison valable pour la France de

renvoyer les Tunisiens…en Italie ! D’autre part, les titres de séjours temporaires délivrés par les Ital-iens ne sont valables que trois mois, après quoi les migrants se-ront en situation irrégulière et dev-ront quitter les pays de l’espace Schengen. L’inquiétude de Paris et Berlin est également partagée par la Belgique et la Suisse, desti-nations souhaitées par la majorité des migrants.

Les fragilités de SchengenCes tensions diplomatiques rendent compte d’une réalité : l’hypocrisie des politiques et le manque de solidarité entre les pays européens. En effet, depuis l’ouverture des frontières, les États signataires ont toujours fait l’éloge de cette convention. Tant que celle-ci était bénéfique avec la

libre circulation des marchandises et des capitaux, cela ne posait de problème à personne. Cependant, dès lorsqu’un pays membre met en application l’octroi de visas à des milliers de migrants, le tor-chon brûle. Ici encore, on constate que les pays européens manquent de cohésion et refusent de col-laborer sur certains sujets. Même problème de solidarité au niveau économique. Cet épisode rend compte d’une chose : les autres pays de l’Union européenne et de Schengen entendent laisser l’Italie assumer seuls le coût de ce « tsu-nami humain ». Par ailleurs, on relève également que si la conven-tion de Schengen est un système efficace quant à l’ouverture des frontières internes, sa faiblesse réside dans la perméabilité de ses frontières extérieures.

Des immigrants tunisiens arrivés sur l’île de Lampedusa / © Reuters

Page 14: Folio n°7

14 - Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011

SOCIÉTÉ

uestion écologie, la France est loin d’être aux avant-postes. Des LEZ (Low Emis-sion Zone), mises en

œuvre dans plusieurs villes eu-ropéennes depuis une dizaine d’années déjà, offrent des résu-ltats probants. La Suède, avant-gardiste en matière d’écologie, est le premier pays européen à se lancer dès 1996. L’Allemagne en 2007 et le Royaume-Uni en 2008 emboîtent alors le pas. Aujourd’hui, 180 zones sont re-censées à travers huit pays eu-ropéens : l’Autriche, la Répub-lique Tchèque, le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni. La taille des LEZ est variable selon le contexte local. Il existe des LEZ concernant uniquement une petite partie du centre-ville comme à Illsfeld en Allemagne, ou englobant la totalité d’une métropole comme à Londres. L’objectif est le même : réduire la pollution atmosphérique pour respecter les valeurs limites de la réglementation européenne, rela-tives au dioxyde d’azote NO2 et aux particules PM10. L’étude de l’ADEME constate qu’au sein de ces LEZ, la réduction des émissions directes des véhicules est significative : les baisses

Et l’écologiE ‘‘ZAPA’’ lEs clAssEs sociAlEs lEs Plus frAgilEs…En Europe, dix pays ont expérimenté des LEZ interdisant l’accès des véhicules les plus polluants dans les agglomérations. La France s’apprête à suivre le mouvement. Une mesure légitime, mais aussi radicale qu’injuste.

Par Marine Chapelle

Panneau d’entrée d’une LEZ à Londres / © DR

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Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011 - 15

d’émissions les plus importantes sont celles en particules fines (jusqu’à -40% en Suède contre -10% pour le dioxyde d’azote). Les impacts sur la qualité de l’air sont variables mais conséquents. Dans tous les cas, des réductions sont observées sur les concentra-tions en dioxyde d’azote et en particules PM10. Dans le cas de l’Allemagne, la LEZ a permis de diminuer de quatre jours le nom-bre de jours de dépassement de la valeur limite journalière en parti-cules PM10. La plus grande zone de transports propres au monde se situe à Londres. De quoi jus-tifier sa réputation de leader dans les politiques de transports écologiques et durables.

Légitimité et finalité des ZAPACette expérimentation prévue sur trois ans par la Loi dite Grenelle II viserait Paris, Saint-Denis, Clermont-Ferrand, Nice, Greno-ble, Lyon, Aix-en-Provence et Bordeaux. Elle établit quatre ca-tégories de véhicules, classés de A (très polluants) à D, pour les deux-roues, les voitures particu-lières, les utilitaires, les poids-lourds et les bus. Les mauvais élèves sont les voitures construites avant septembre 1997, et les deux-roues d’avant juin 2004. Concrète-ment, des pastilles seront mises

sur les véhicules pour graduer leur vertu, en termes de pollution de l’air. On attribuera de 1 à 4 étoiles le véhicule le plus pollu-ant à celui qui l’est le moins. Les ZAPA trouvent leur légitimité dans de multiples constats sani-taires alarmants. En effet, la pol-lution de l’air par les particules serait la cause de 42.000 morts prématurées chaque année, et de 30% des allergies respiratoires. De bonnes intentions, tant sani-taires qu’écologiques, mais à quel prix ?

Les foyers modestes touchés de plein fouetLes ZAPA « zappent » ainsi les classes sociales les plus modestes. Une injustice qui pénalise ceux possédant les véhicules les plus anciens et n’ayant pas les moy-ens de renouveler leur vieille voiture par un véhicule flambant neuf ! Rouler dans une voiture qui consomme beaucoup, et dont la sécurité laisse à désirer, relève non d’un choix mais d’un budget limité. Les critiques ont immé-diatement fusé pour dénoncer cette classification radicale et ar-bitraire. Franck Marlin, député-maire d’Etampes (UMP), estime qu’« on demande encore une fois aux Français de mettre la main au porte-monnaie pour acheter

des véhicules plus récents. Et, comme toujours, ce sont les plus modestes qui vont payer la note ». En effet, seuls les véhicules diesel les plus anciens et les moins coû-teux pourraient être concernés par la ZAPA, tandis que les véhicules récents les plus puissants, les plus consommateurs d’énergie fossile et les moins adaptés à la ville y échappent. Ainsi, le conducteur d’une belle Porsche peut s’offrir le luxe de boire un verre au bord d’une terrasse en ville tandis qu’un artisan au volant d’un vieil utilitaire ne pourrait venir réparer un évier chez son client. Une sélection paradoxale et injuste. Ainsi, ne seraient essentielle-ment touchées que les catégories sociales les plus vulnérables. En plus de pénaliser directement les citadins, cette mesure toucherait ceux qui résident à plusieurs di-zaines de kilomètres et qui ne jou-issent pas de transports en com-mun adaptés et suffisants pour se rendre sur leur lieu de travail. Il faudrait alors renforcer et étendre leur développement. Et quand on regarde les aléas causés par les grèves des transports en commun, la hausse des titres de transports et l’insécurité qui règne dans les zones sensibles, on est en droit de penser qu’ils ne sont guère une solution fiable et alternative.

En France, 20 millions de véhicules sont immatriculés avant 1997 et 49,8% sont des diesels. Une proportion d’exclus non négligeable / © DR

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Le trésor empoisonné

Gaz de schiste

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Le trésor empoisonné

Gaz de schiste

Par Benoît Jacquelin

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ENVIRONNEMENT

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Depuis quelques semaines, la vague écologiste surfe sur les gaz de schiste. Une question qui divise dans le monde entier, car, au-delà de la viabilité, ou non, du gaz de schiste, c’est celle du renouvellement du parc énergétique qui est en jeu.

Le 6 avril dernier sor-tait au cinéma Gasland, un documentaire sur les conséquences de

l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis. Ce film de Josh Fox aux images marquantes a même été diffusé en avant-première le 31 mars au conseil général d’Ile-de-France. Peut-être fera-t-il pencher la balance.

En France, l’exploitation n’aura pas lieu...L’an dernier, le ministère français de l’écologie donnait ses premiers permis d’exploration couvrant un peu plus d’1% du territoire. Des études caduques : le 29 mars derni-er, la ministre de l’Écologie, Nath-alie Kosciusko-Morizet, déclarait à l’Assemblé Nationale : « Que les choses soient claires: il est hors de question d’exploiter en France les gaz de schiste au moyen de procé-dés d’extraction qui auraient une incidence écologique désastreuse.

Ce serait un retour en arrière par rapport à tout ce que nous avons fait et voulu ensemble ».Une déclaration qui se veut apai-sante face à une mobilisation con-tre l’exploitation des gaz, crois-sante depuis le début de l’année.Pour le moment, l’avenir des gaz de schiste en France dépend de deux rapports sur leur impact environnemental. Les résultats devraient être connus le 31 mai prochain. D’ici là, aucun forage ne pourra avoir lieu.

...mais à l’étranger c’est une au-tre questionEn France, il est probable que l’exploitation des gaz ne se pro-duise jamais. Du moins, pas tant que les techniques n’auront pas évolué. Dans le reste du monde, après les Etats-Unis et le Canada, c’est au tour de la Pologne d’envisager d’exploiter ses ressources en gaz de schiste. Le premier ministre polo-nais, Donald Tusk, déclarait mardi

29 mars lors d’une conférence à Varsovie que son pays était « dé-terminé à ce que les recherches et l’exploitation du gaz de schiste deviennent un fait ». Selon lui, l’exploitation du gaz de schiste s’inscrirait « dans la stratégie de la sécurité énergétique de l’ensemble de l’Europe, donc de la Pologne ». En 2010 d’ailleurs, le pays s’était asso-cié à un programme américain de re-cherches sur cette source d’énergie. Des autorisations auraient même déjà été délivrées à plusieurs grands gaziers internationaux pour lancer des forages en terre polonaise.

Le gaz de schiste se veut une énergie de transition dans l’attente du dével-oppement des énergies « vertes », et c’est bien là tout son paradoxe. Car il pollue. L’industrie des gaz de schiste nécessite entre 3,8 et 26,5 millions de litres d’eau par frac-turation. Selon diverses sources, comme l’Agence américaine de protection de l’environnement ou des sources internes à l’industrie citées par le New-York Times, entre 25 à 50% de l’eau utilisée pour la fracturation remonterait à la surface. Une eau bien souvent entreposée dans des bassins ou-verts et soumise à l’évaporation...

A l’heure où le gaz naturel est prôné par de nombreux pays indus-trialisés comme l’énergie de tran-sition en attendant les énergie pro-pres, le gaz de schiste permettrait d’agrandir considérablement les réserves mondiales. Pourtant, ce gaz, tel qu’il est actuellement ex-ploité, est presque aussi polluant que le pétrole lui même.

Manifestation anti-schiste en France / © DR

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Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011 - 19

Gaz de schiste : le trésor empoisonné

L’exploitation du gaz de Schiste est étudiée en France. Quels en seraient les dangers ?Les procédés nouveaux comme l’hydrofracturation et le forage directionnel, qui sont utilisés dans l’exploitation du gaz de schiste, sont extrêmement impactants pour l’environnement, le paysage et la santé humaine. Les réserves sont faibles, et cette activité ne fera que perpétuer notre addiction au pétrole et au gaz. Sans compter qu’elle sera responsable de nou-velles émissions de gaz à effet de serre.

Existe-t-il une alternative au gaz de schiste ?Il existe bien sur une alterna-tive pour obtenir du gaz, mais le gouvernement ne veux évidem-ment pas en entendre parler : c’est la fermentation des déchets. Ceci éviterait en plus au méthane de se retrouver dans l’atmosphère.

Pensez-vous que le gou-vernement pourrait renoncer au gaz de schiste, sachant que la ministre de l’Ecologie Nath-alie Kosciusko-Morizet a sus-pendu les travaux d’exploration

dans le Sud de la France, dans l’attente des conclusions d’un rapport remis le 31 mai ?Il s’agissait d’une pure conjonc-tion électorale avant les élections cantonales. Le gouvernement tient toujours de beaux discours sur les énergies renouvelables, mais il a autorisé la prospection pour le gaz de schiste, qui constitue le summum de l’énergie fossile pol-luante. NKM a affirmé que les mé-thodes utilisées en Europe seront différentes de celles employées aux Etats-Unis, mais cela semble impossible au niveau technique.

3 questions à ... Dominique Hitz, élu d’Europe Ecologie, conseiller général du huitième canton de Lyon.

© D

R

Propos recueillis par Marie Aubazac

Le gaz de schiste désigne le gaz naturel, plus précisément le mé-thane qui se trouve dans une for-mation de roche sédimentaire. Ce gaz formé il y a environ 350 millions d’années provient des restes de plantes et d’animaux enfouis. Emprisonné dans les espaces poreux entre sédiments, ce gaz ne fait pas partit des res-sources dites conventionnelles. En effet, il est emprisonné un peu partout dans de petits es-paces sur de grandes étendues, et, pour l’en faire sortir, il faut fracturer le schiste à l’aide d’une eau enrichie en additifs sous pression.

Gaz de schiste : Mode d’emploi

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José Socrates, le Premier min-istre portugais, aura essayé de tenir le plus longtemps possi-ble. Mais après plusieurs mois

de défiance face à l’Union europée-nne, sa démission (il assure l’intérim jusqu’aux élections législatives du 5 juin) suite au quatrième plan d’austérité refusé par le Parlement et la baisse de la note souveraine du Portugal par l’agence Moody’s de A3 à Baa1, le Premier ministre portugais s’est résolu à demander une aide financière à Bruxelles et au Fonds monétaire international (FMI). L’annonce est tombée mer-credi 6 avril, le Premier ministre ex-pliquant que cette aide était devenue indispensable « au nom de la dignité nationale ».

Une situation devenue intenableAprès la Grèce et l’Irlande, la petite nation ibérique est donc aussi tombée dans les filets du marché, embourbée dans une double crise, financière et politique. Le couperet financier a surpris un pays qui vit depuis des mois dans la crainte d’une telle situ-ation. L’opération de sauvetage ne faisait plus aucun doute : tôt ou tard, le Portugal devait accepter. Mais la plupart des politiques pensaient que le pays pourrait tenir jusqu’aux élec-tions anticipées de juin, et qu’entre temps, le gouvernement demanderait

seulement une aide extraordinaire de l’Union européenne. Mais si José Socrates s’est battu jusqu’au bout, il n’a rien pu faire face aux pressions des banques nationales. Car ce sont ces dernières qui ont accéléré la dé-cision. Dans les jours précédents, les rumeurs ne faisaient qu’enfler. Faute de liquidités, plus question de prêter un sou à l’Etat. Mais l’aide in-ternationale n’est pas forcément vue sous un mauvais jour par la popula-tion. Selon un sondage publié jeudi 7 avril par le Jornal de Noticias, 39% des Portugais sont opposés à un sauvetage, mais la même propor-tion y est favorable. Une situation qui s’explique, selon le chroniqueur du journal José Manuel Fernandes, par « l’écœurement populaire face à la classe politique ». Beaucoup de Por-tugais préfèrent en effet que ce soit un organisme étranger qui gère la discipline budgétaire du pays, plutôt que leurs propres élus qui ont montré leurs limites.

Un plan d’aide assorti d’une cure d’austéritéLe conseil des ministres de l’Economie et des Finances (Ecofin) de l’UE et les banquiers centraux européens, réunis le 9 avril en Hon-grie à Gödöllö, ont annoncé que le plan financier mis sur pied pour le Portugal devrait représenter environ

80 millions d’euros. Il sera condi-tionné entre autres à « un ambitieux programme de privatisations », a in-diqué le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn. Il s’agira « d’un dispositif multi-an-nuel, le plus probablement sur trois ans », a-t-il précisé. Il a également rappelé qu’en échange de l’aide financière extérieure, le Portugal devrait s’engager sur un assainisse-ment de ses finances publiques, ainsi qu’à des réformes structurelles. Le programme d’austérité budgétaire devrait être adopté d’ici la mi-mai, « en impliquant les principaux par-tis politiques portugais », a pour sa part indiqué le chef de file des min-istres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker. Ceci afin d’être « mis en place rapidement après la formation d’un nouveau gou-vernement ».Malgré le début de la reprise économique, le Portugal, troisième pays de la zone euro à demander une aide internationale, montre que l’Europe ne s’est pas encore remise de la crise, et que certains pays restent fragiles. D’autres membres pourraient d’ailleurs égale-ment demander une aide similaire. L’Espagne notamment, est considérée par les marchés comme un prochain candidat potentiel. Les dominos n’ont peut-être pas encore fini de tomber.

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ÉCONOMIE

Bruxelles et le FMI volent au secours du Portugal

Après la Grèce et l’Irlande, le Portugal a finalement accepté lui aussi l’aide financière de l’Union européenne et du FMI. Une demande qui montre l’échec du gouvernement face à la crise, et signifie une cure d’austérité encore plus importante que celle connue par le pays jusqu’à maintenant.

Par Jérémie Nadé

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Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011 - 21

Malgré tous les efforts réalisés, José Sacrates a du se résoudre à faire appel au FMI / © DR

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A Bahreïn, un blogueur emprisonné a été libéré grâce à des soutiens exprimés via le réseau Twitter. Gros plan sur le rôle qu’ont joué ces nouveaux médias dans les mouvements de révolte du monde arabe. Médias sociaux : manipulation de la population ou arme contre les dictateurs ?

Médias sociaux : Outils citoyens ?

Par Claire Monnerat

e blogueur bahreïni Mo-hammed El-Maskati, con-nu dans la blogosphère sous le nom d’ « Emoodz », a été arrêté le 30 mars et libéré le

7 avril grâce à une mobilisation mas-sive des internautes qui lui ont exprimé leur soutien sur Twitter. Ils ont mené une réelle campagne de solidarité, ap-puyée par des organisations internation-ales de défense des droits de l’homme. « Emoodz » fait partie des blogueurs très influents à Bahreïn. Avant d’être arrêté, il n’hésitait pas à commenter les événements récents dans son pays et le monde arabe. La famille royale Al Khalifa s’est pourtant organisée pour faire face à la contestation. Une cam-pagne Internet a été largement diffusée pour discréditer les cyberactivistes : des

photos de blogueurs et autres leaders d’opinions sur le web, avec en légende les mentions « traîtres » ou « dangere-ux radicaux ». D’après Reporters Sans Frontières (RSF), l’interpellation de Mohamed El-Maskati est intervenue après des menaces d’un membre de la famille royale sur Twitter. C’est sur ce même réseau que des messages de soutien ont été publiés (voir ci contre) de la part de ses proches, de simples in-ternautes, mais aussi du Centre pour les Droits de l’Homme de Bahreïn ou en-core de RSF. Toute cette mobilisation aura finalement été payante, puisque Mohammed El-Maskati a été libéré jeudi 7 avril. Comme lui, de nombreux blogueurs, estimés trop dangereux par le pouvoir, ont été arrêtés. Et la famille royale a rai-

son de craindre l’influence d’Internet et des nouveaux médias dans le mouve-ment de contestations. Facebook, Twit-ter, Youtube, blogs : toutes ces nou-velles formes de « médias sociaux » sont le point commun des successions de révoltes dans le monde arabe.

Médias sociaux : révolte et manipu-lation17 décembre 2010. Mohamed Bouazi-zi est vendeur ambulant sans autori-sation à Sidi Bouzid en Tunisie. Sa marchandise lui est confisquée. Le jeune homme tente de s’immoler par le feu en plein centre-ville en signe de protestation. Le fait divers aurait pu en rester là. Pourtant, cette tenta-tive de suicide publique est le point de départ des protestations qui ont gagné

MÉDIAS

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Folio n°7 - Semaine du 7 au 14 avril 2011 - 23

l’ensemble du pays en quelques jours. Le vecteur de ce mouvement : Internet. Des messages d’appel à la révolte se sont répandus via les réseaux sociaux. Facebook plus particulièrement s’est imposé aux jeunes Tunisiens. Appels aux manifestations, vidéos et photos de la répression de Ben Ali … Le mouve-ment s’est très rapidement propagé. Le 27 décembre, les manifestations ont gagné Tunis. Le 4 janvier, Mohamed Bouazizi meure de ses brûlures, dev-enant un martyr pour les Tunisiens. Le 14 janvier, Ben Ali fuit son pays sous la pression du peuple. Le phénomène ne s’arrête pas aux frontières puisqu’il gagne rapidement d’autres pays, l’Egypte en premier. Entre le 22 et le 26 février, quatre hommes ont tenté de s’immoler publiquement. Les rassem-blements du mouvement de protesta-tion se sont une nouvelle fois organisés via les réseaux sociaux. L’accès à Twit-ter et à Facebook a finalement été blo-qué fin janvier – ce qui n’empêchera pas le départ d’Hosni Moubarak le 11 février.

Tunisie, Egypte, Syrie, Libye, Algé-rie Pour tous ces mouvements de révoltes dans le monde arabe, les réseaux so-ciaux ont joué un rôle crucial de diffu-sion de l’information et de rassemble-ment. Certaines dictatures ont anticipé le risque que peuvent représenter ces nouvelles plateformes. La Chine, par exemple, a mené une furieuse cam-pagne de répression politique en février dernier, par crainte d’une contamination des révoltes. Pékin aurait, en quelques semaines, arrêté, condamné ou mis en résidence surveillée près de 200 écri-vains, blogueurs, artistes, journalistes et pro-démocrates. La Chine fait partie des pays les plus répressifs sur Internet aux côtés de la Russie, l’Iran ou encore la Biélorussie. Si le web peut servir les révoltes, il peut aussi être un allié pour les dictateurs. Ainsi, ces pays n’en sont plus seulement à filtrer les sites, mais lancent également des cyberat-taques ou s’adonnent à la propagande en ligne. Au Soudan, les services se-

crets ont lancé sur Internet des appels à de fausses manifestations juste pour voir qui descendrait dans la rue et ar-rêter les protestataires. Les autorités chinoises demandent aux compagnies qui hébergent des sites de censurer les contenus anti-gouvernementaux. Par exemple certains mots comme « jas-min », « Tunisie », « Egypte » ou en-core « démocratie » étaient prohibés des forums de discussions. La Chine ou la

Russie pratiquent aussi la propagande sur Internet, qui peut se révèler une arme redoutable. La technique consiste à salir la réputation d’un blogueur qui s’en prendrait au pouvoir. Plutôt que de supprimer son post, les autorités vont le discréditer, insinuer que ce mécon-tent agit pour le compte de la CIA, de l’Occident… Une méthode qui peut parfois être beaucoup plus efficace que la censure.

Exemples de Tweets envoyés / © Twitter

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