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Fiche 213 – Les instances d’intégration assurent-elles toujours la cohésion sociale ? Sociologie Acquis de première : Socialisation, capital social, sociabilité, anomie, désaffiliation, 2.1 - Quels liens sociaux dans les sociétés où s'affirme le primat de II – Intégration, conflit, changement social Introduction – Une crise des instances d’intégration ? Les instances d’intégration sont l’ensemble des lieux, des institutions autour desquelles se nouent les liens sociaux. Il y a plusieurs instances d’intégration : famille, école, travail, citoyenneté Jusqu'aux années 1960, la famille, l'école et le travail étaient des institutions stables qui pouvaient donc protéger l'individu. Or aujourd'hui, ces institutions semblent précaires et instables. En effet, il y a eu une

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Fiche 213 – Les instances d’intégration assurent-elles toujours la cohésion sociale ?

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Sociologie

Acquis de première : Socialisation, capital social, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociauxNotions : cohésion sociale

2.1 - Quels liens sociaux dans les sociétés où s'affirme le primat de l’individu ?

II – Intégration, conflit, changement social

Introduction – Une crise des instances d’intégration ?

Les instances d’intégration sont l’ensemble des lieux, des institutions autour desquelles se nouent les liens sociaux. Il y a plusieurs instances d’intégration : famille, école, travail, citoyenneté

Jusqu'aux années 1960, la famille, l'école et le travail étaient des institutions stables qui pouvaient donc protéger l'individu. Or aujourd'hui, ces institutions semblent précaires et instables. En effet, il y a eu une désinstitualisation  : les individus refusent de se voir imposer des modèles, du fait de la montée de l'individualisme. Ainsi, les instances d'intégration semblent ne plus pouvoir assurer aujourd'hui la cohésion sociale.Or, l’individualisme n’est pas forcément un phénomène négatif, même du point de vue de l’intégration sociale.

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I. Une crise de la famille ?

A. La famille : une instance essentielle d’intégration sociale

C’est dans la famille que se passe une bonne partie de la socialisation primaire des individus : les normes et les valeurs en vigueur dans la société y sont transmises la famille est aussi un réseau d’entraide et de solidarité qui contribue à la cohésion sociale.

1. La famille, acteur majeur de la socialisation

La famille est un agent de socialisation dont l’action est directe ; c’est une fonction explicite de la famille 

.La famille est l’agent essentiel de la socialisation primaire :

C’est la première socialisation que l’individu subit dans son enfance, et grâce à laquelle il devient un membre de la société.

Traditionnellement on considère que la socialisation primaire exercée pendant l’enfance joue un rôle essentiel puisque l’enfant étant plus malléable, intériorise les modèles de comportement

la famille transmet le langage, les mœurs, les rôles sociaux. Elle permet donc d’acquérir la culture qui permet à l’individu de s’intégrer au groupe

2. La famille constitue un réseau de solidarité.

La famille implique un ensemble d’obligations et de droits réciproques permanents entre ses membres, tant sur le plan légal que sur le plan affectif. C’est notamment la relation entre parents et enfants, bien plus durable que la relation de couple par exemple, ou encore la relation entre grands-parents et petits-enfants, avec ce qu’elle implique souvent en termes d’échange de services ou de transferts financiers.

Quel est l’impact de ces liens sur l’intégration ? Comme le travail, la famille est un « échelon intermédiaire » entre la société et l’individu, où celui-ci peut prendre place, donner du sens à sa présence parce qu’elle s’insère dans un tissu de relations de proximité. La famille est en fait un «  lieu », un espace de partage où la solidarité prend une dimension concrète. La famille est souvent, pour l'individu, le premier recours en cas de difficultés, mais aussi un recours pour organiser au mieux sa vie matérielle (par exemple, la garde des enfants par les grands-parents, occasionnellement ou régulièrement).

Le réseau de parenté constitue donc un groupe intermédiaire qui a 2 fonctions essentielles : une fonction de protection : la parenté protège l’individu contre les risques de la vie sociale, en

apportant une aide financière, une disponibilité en temps une fonction d’insertion dans la société

B. Une crise du modèle familial traditionnel

1. Constat

Jusqu’aux années 70 le modèle familial est basé sur un couple marié pour la vie avec de nombreux enfants. La famille est donc très stable. Ce modèle a alors plusieurs caractéristiques :

jeune âge au mariage des conjoints (les hommes se marient en moyenne plus tard que les femmes) nombre d’enfants élevé assurant le renouvellement des générations (supérieur à 2.1 enfants par femme) taux de divorces faible.

Par rapport à ce modèle familial considéré comme la norme, la maternité solitaire, le concubinage, le divorce sont considérés comme déviants. Mais, à partir des années 70, tous les pays européens quelques soient leur culture, leur tradition, leur religion connaissent une rupture. Le modèle dominant semble alors entrer en crise: baisse du nombre de mariages, hausse du nombre de divorces, baisse du nombre de naissances, augmentation du nombre de naissances hors-mariage

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2. Explications

Cette remise en cause de la famille s’explique par la montée de l’individualisme. Elle s’inscrit dans un mouvement général de sécularisation et de privatisation de la vie conjugale et de

dénégation de la légitimité de toute autorité à légiférer en matière de rapports personnels.

3. Quelles conséquences sur l’intégration   ?

Cette crise contribue au risque d’exclusion : du fait de l’isolement, de la perte de sociabilité, de soutien et d’intégration qu’elle provoque. Ne pas appartenir à un tissu de relations familiales, à un réseau de sociabilité et de solidarité privée

est ainsi construit comme un risque : un risque solitude.

Elle engendre aussi un appauvrissement : en effet le fait pour un enfant de vivre dans une famille monoparentale augmente par 3 le risque d'être pauvre par rapport à une famille où il y a un couple.

La réduction de la taille des familles, conséquence des divorces et du plus petit nombre d’enfants, diminue de manière mécanique le nombre de personnes avec qui l’individu a des liens familiaux. Cela signifie que la solidarité familiale sera limitée à un nombre réduit de personnes. La diminution du nombre de mariages et la hausse des naissances hors mariage montrent aussi ce qu’on peut appeler une désinstitutionnalisation de la famille : elle est de moins en moins une institution normée (toutes les familles ont les mêmes formes), et repose de plus en plus sur les choix des individus. Rester ensemble ne va plus de soi, et le lien familial est plus fragile.

La socialisation et le contrôle social qu’exerçait la famille, c’est-à-dire transmettre des normes et des valeurs et veiller à leur respect, sont plus difficile à exercer, parce que, dans une société individualiste, la tolérance et l’épanouissement personnel sont devenu primordiaux.

C. Une crise d’un modèle familial et non de la famille

1. De nouvelles formes familiales

On constate symétriquement l’invention de nouvelles formes familiales 

Selon H Tincq : «  les divorces sont trois fois plus nombreux aujourd’hui qu’au début des années 60. Mais après le divorce on se remarie ou, le plus souvent, on cohabite. Cela donne les fameuses familles recomposées c’est à dire les situations d’après divorce quand le couple est multiplié par deux et que les enfants ont deux foyers de référence. Comme l’explique M Segalen «  plutôt que soustraction, il y a alors abondance de parents. L’enfant ne dispose plus d’un père mais de deux pères, un père biologique et un père social  ».

Le PACS qui est basé sur une autre conception de la famille : un couple plus fragile et moins durable (le PACS se conclut et se dénoue plus rapidement que le mariage) un couple n’est pas obligatoirement composé de deux individus de sexe différents

2. Un attachement fort à la famille

La famille demeure aujourd’hui un point d’ancrage d’une société en crise. Les individus investissent énormément dans la famille : 9 français sur 10 considèrent que la famille est la valeur essentielle. Cet attachement se remarque avec les demandes des couples homosexuels pour l'autorisation du mariage et de l'adoption.

Conclusion

Parler aujourd’hui de crise de la famille comme un fait accompli n’est pas aussi évident que l’on pouvait a priori le penser : Certes les indicateurs démographiques sont dans le rouge, les signes d’un trouble profond se multiplient. Mais

la famille apparaît plus que jamais comme la valeur de référence, au plan individuel comme au plan collectif.

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Nous assistons aujourd’hui à la disparition d’un modèle (celui qui a dominé durant les trente glorieuses). Mais le nouveau modèle qui est en train de se construire n’a pas encore imposé sa cohérence. Ces flottements se traduisent donc par la recherche de nouveaux équilibres.

II. Une crise de l’école   ? (cf t hème 1.2 Comment rendre compte de la mobilité sociale?)

A. Le rôle intégrateur de l’école

Avec la famille, l’école joue un rôle important dans la socialisation des futurs citoyens. Elle contribue à l’intégration sociale des membres de la société en transmettant des normes et des valeurs, en favorisant l’épanouissement individuel et en préparant l’entrée dans la vie active.

1. Le rôle traditionnel de l’école : la transmission d’une culture commune .

L’«école républicaine», construite au cours de la 3è République, en particulier avec les lois de Jules Ferry rendant la scolarité obligatoire, a pour objectif de donner à tous les français des bases communes.

Elle a imposé la langue française au détriment des langues régionales de manière très systématique. Elle a valorisé la science et la raison, et à travers elles, l’idée d’une culture universelle dépassant les

particularismes religieux. Elle a diffusé tout un ensemble de valeurs patriotiques (les grandes dates de l’histoire de France, les «grands

hommes», le drapeau français, la Révolution française, etc) qui ont contribué à construire réellement la Nation française

Une des valeurs véhiculée par l’école est l’égalité des chances. L’école se veut méritocratique. La démocratisation scolaire est donc un objectif. ( cf fiche 1222)

Les enfants avaient donc à la fois une langue, des références culturelles et des racines historiques communes, quelle que soit leur origine sociale, régionale, religieuse ou ethnique.

2. La construction des individus.

L’école doit permettre à l’enfant de développer sa personnalité, de s’épanouir, donc de construire son identité personnelle, par définition différente de celle des autres enfants.

Cela peut paraître paradoxal de dire que la construction de l’identité individuelle concourt à l’intégration sociale, mais le paradoxe n’est qu’apparent. Emile Durkheim avait déjà souligné que l’individu était nécessairement une construction sociale : ce n’est que dans un cadre social, par opposition avec les autres et plus généralement dans l’interaction avec les autres que l’on peut affirmer une personnalité propre

3. La préparation à la vie active.

L’école prépare à l’entrée dans le monde du travail en dispensant des qualifications et en les validant par des diplômes.

Le diplôme, c’est la reconnaissance de capacités et donc d’une sorte « d’utilité sociale », mais c’est aussi le début de l’appartenance à un monde professionnel

On retrouve dans cette fonction utilitaire de l’école un peu la même fonction intégratrice que la division du travail : donner une place à chacun en lui donnant une identité professionnelle.

B. Une remise en cause du rôle de l’école en tant qu’instance d’intégration

1. L’école assure-t-elle une culture commune ?

Les attentats de Charlie hebdo et de Paris ont montré que l’école n’avait pas réussi à donner à tous les individus des valeurs et une morale commune : laïcité, égalité homme-femme, liberté de pensée.

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2. L’école permet-elle toujours l’accès à l’emploi ?

Le diplôme protège aujourd’hui moins du chômage puisque le taux de chômage des diplômés du supérieur a été multiplié par 2 entre 72 et 2012. La protection absolue du diplôme diminue donc

Mais la protection relative du diplôme est plus forte. En 1978, un diplômé du supérieur avait 3 fois moins de risque d'être au chômage qu’un non diplômé, en 2012 c'est 5 fois moins.

3. Une école méritocratique ? (cf thème 1222)

Les inégalités de diplôme et de réussite scolaire liées à l’origine sociale persistent

Conclusion - Une perte de sens de l’école?

L’école doit donc faire face à des comportements calculateurs. En effet, du fait de l’importance du diplôme dans l’accès à l’emploi, les familles développent des stratégies scolaires vis-à-vis des diplômes : choisir la bonne filière, le bon lycée, la bonne option, la bonne université, etc. Le calcul l’emporte de plus en plus sur le rapport gratuit à la culture : l’élève veut bien travailler, mais à condition que « ça rapporte ». Ces comportements sont compréhensibles dans la mesure où l’accès à l’emploi est de plus en plus difficile, mais ils vont à l’encontre de certains objectifs de l’école.

III. Une crise du travail   ?

A. Comment le travail assure-t-il l’intégration ?

Introduction

D Méda écrit : « le 20 ème siècle a bien été le siècle de l’emploi: dès que l’individu en a un, une place lui est assignée tant dans l’entreprise que dans un ample système de droits, de garanties collectives, de protections de statuts, mais également dans la fonction générale qui incombe à la nation : la production de biens et services. (...) La production a pris dans la vie sociale une place prépondérante, apparaissant quasiment comme l’acte majeur par lequel la société se survit à elle- même. Plein-emploi et prédominance de l’acte de production-consommation convergent pour faire de l’intégration par le travail le modèle de l’intégration sociale. » Le travail, parce qu’il permet à l’individu d’acquérir un statut social, de disposer de revenus et d’accéder à des droits et des garanties sociales, est donc devenu un pilier de l’intégration sociale.

1. L’utilité économique du travail

Le travail a d’abord un rôle social il montre l’utilité du travailleur dans l’entreprise et au-delà dans la société, ce à quoi « il sert ». Le revenu est alors une reconnaissance de l’utilité sociale de ce que l’on fait

2. Le travail apporte un revenu

Le revenu permet aussi à l’individu de consommer les biens valorisés par la société, et donc de s’y faire reconnaître. Si nous consommons tous à peu près les mêmes choses (voitures, logement, loisirs, vêtements, etc.) ce n’est pas seulement parce que ces biens sont objectivement utiles ou nécessaires, mais aussi parce qu’ils nous donnent un certain statut social.

Ainsi durant la période des trente glorieuses le travail a donné un statut à l’individu : celui de salarié, mais aussi celui de consommateur. Il lui a fourni les valeurs et les rôles qui s’y rattachent : le salarié doit consommer et rentrer ainsi dans le modèle de l’américan way of life qui permet aux entreprises d’écouler la production croissante résultant des gains de productivité qui améliorent le bien être des salariés(on pourrait développer ici le schéma du cercle vertueux des 30 glorieuses)

3. Des droits sociaux

Avec la création de la Sécurité Sociale, le statut de salarié bénéficie de protections contre les conséquences financières de la maladie, du chômage et de l’incapacité de travailler. Les droits sociaux sont les prestations

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sociales constitutives de l’Etat providence. C’est, par exemple, la possibilité d’une indemnisation pour les salariés qui se retrouvent au chômage.

Ces droits sociaux matérialisent la solidarité entre les individus, et plus encore l’appartenance à la société  : c’est bien parce qu’on travaille en France que l’on bénéficie d’une panoplie de droits et de prestations, qui diffèrent d’un pays à l’autre, chaque société organisant sa sphère de solidarité (cela sera développé dans 1.1 Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?)

4. Une identité

La division du travail permet à chacun de se rattacher à un collectif intermédiaire entre la société et l’individu : le « métier », la profession, la catégorie sociale. Par le travail on peut d’une part se reconnaître des semblables, qui partagent notre profession ou notre situation économique et sociale, et d’autre part se distinguer d’autres personnes, qui exercent un métier différent, et ont donc d’autres valeurs, d’autres références, avec qui on peut même être en conflit. Cela peut paraître paradoxal, mais un individu a besoin de ce double mouvement de différenciation et d’assimilation pour s’intégrer. L’identification à autrui nous rattache à la société, fait exister le collectif, et la différenciation nous donne une place dans ce collectif.

Le salariat est aussi générateur d’identification : la participation au salariat qui est de plus en plus recherchée par les individus à mesure que le temps passe. Le travail salarié, si contraignant et déplaisant qu’il puisse être par ailleurs, libère de l’enfermement dans une communauté restreinte dans laquelle les rapports individuels sont des rapports privés, fortement personnalisés, régis par un rapport de force mouvant, des chantages affectifs, des obligations impossibles à formaliser.

5. Des liens sociaux

L’individu par son appartenance à l’entreprise va donc dès lors : devenir le membre d’un nouveau collectif, établir de nouvelles relations sociales qui débordent celles qu’ils auraient eues dans le cadre familial.

Conclusion

La nécessité impérieuse (pas seulement matériellement mais aussi socialement) d’avoir un emploi, la volonté très marquée dans les enquêtes d’opinion de s’épanouir dans son travail, montrent bien que le travail n’est pas seulement une activité parmi d’autres. Le travail est plus que cela, il est fortement chargé symboliquement, autrement dit il fait partie du registre des valeurs.

B. Une intégration assurée par l’emploi normal ou fordiste caractéristique des 30 Glorieuses

Durant les 30 Glorieuses, apparaît le modèle de l’emploi total qui a plusieurs caractéristiques: emploi salarié : Selon O.Marchand : « en matière de droit, définir le salarié revient à définir le contrat de

travail qui lie le travailleur avec l’entreprise qui l’emploie . On définit alors le contrat de travail comme la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération. » A l’inverse, l’activité indépendante répond à une logique de prestation de services régie par le droit commercial et devient marginal (moins de 10% des emplois

le lien entre l’employeur et le salarié est ferme : il s’agit d’un statut bénéficiant du CDI (Contrat à Durée Indéterminée) souvent intégré à des conventions collectives

s’intégrant le plus souvent à des systèmes de promotion basés essentiellement sur l’ancienneté c’est un emploi à temps plein : c’est le vecteur principal d’identification et d’insertion sociale de l’individu il relève d’un seul employeur et s’exerce sur un lieu spécifique

C. Les transformations du marché du travail limitent le rôle intégrateur du travail

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1. Les conséquences de l’augmentation du chômage sur l’intégration

Selon A Gorz , « le travail désigne aujourd’hui cette activité fonctionnellement spécialisée et rémunérée en raison de son utilité au système social. Aussi longtemps que le fonctionnement du système social, sa production et reproduction exigeront du travail humain, le travail, si réduit que soit le temps qu’il occupe dans la vie de chacun, sera indispensable à la pleine citoyenneté » .Les individus qui sont privés d’emploi ne peuvent participer à la production de la société et par cette participation ne peuvent «  acquérir sur la société des droits et des pouvoirs ».En effet, comme le dit D.Schnapper, nos sociétés sont fondées sur la production et la consommation. Or la production nécessite du travail, nos sociétés sont donc basées sur le travail. Ceci va générer un cercle vicieux qui va renforcer l’exclusion du chômeur. «  Si le pire survient et que l’on connaît une longue période de chômage, alors se manifeste la crise du sens dans toute son ampleur: le chômeur, déjà exclu du cercle professionnel, s’exclut progressivement de ces autres sphères de sens que sont les relations amicales, les projets, les loisirs, et ne peut même plus s’évader dans la consommation. Surtout plus le temps passe, et plus il perd à ses yeux sa valeur personnelle, plus se brouille la direction de sa propre vie »; l’individu perd ses relations sociales.

2. Le développement des emplois atypiques

On assiste à une remise en cause de la norme de l’emploi total, car les différentes conditions de l’emploi normal ne sont plus réunies. Les emplois atypiques s’opposent à l’emploi typique ou normal sur les caractéristiques suivantes :

ils sont à durée limitée : CDD : Contrat de travail pour une durée limitée (24 mois maximum avec un seul renouvellement) soit

pour effectuer le remplacement d’un salarié absent (maladie, maternité…) soit parce que l’entreprise connaît une hausse temporaire de son activité, soit pour des emplois saisonniers

Intérim : Mission d’intérim = Contrat triangulaire entre un salarié, une entreprise de recrutement, et l’entreprise dans laquelle le salarié effectue des missions de durée variable de 18 mois maximum. Le salarié n’a pas de lien direct avec la personne pour laquelle il travaille qui n’est pas son employeur .Le salarié qui est donc externalisé par rapport à l’entreprise ne bénéficie pas des conventions collectives, des promotions à l’ancienneté, de la formation continue

à temps partiel : emploi à durée inférieure à la durée légale de l’emploi à temps plein. Il est parfois volontaire, parfois involontaire : le temps partiel est imposé aux salariés qui souhaiteraient travailler à temps plein

Le développement des emplois atypiques réduit le lien entre le salarié et l’employeur : le salariat avait contribué à la constitution de collectifs de travail caractérisé par une solidarité ouvrière encadrée par des syndicats .La crise et la montée du chômage ont permis de casser ces collectifs en externalisant , en multipliant les contrats précaires , en remettant en cause les accords de branche et en individualisant les salaires .

Conclusion – La crise d’un modèle d’intégration   ?

R. Castel explique alors le processus de l’exclusion : Il considère que la société reste une société salariale : «  jusqu’à ces toutes dernières

années, on pouvait et on devait parler d’un effritement de la société salariale. En pesant le sens des mots, effritement signifie que la structure de ce type de société se maintient alors que son système de régulation se fragilise. »

R. Castel part de l’idée qu’il existe un continuum allant de l'intégration à l'exclusion et sur lequel peuvent se dessiner des zones de sécurité (maximale), de fragilité et d'insécurité (maximale), avec des lignes de glissement et de rupture.

La désaffiliation sociale est l'effet ou la résultante de la conjonction de deux processus : un processus de non-intégration par le travail (et dans le monde du travail) d'une part, et un processus de non-insertion dans les réseaux proches de sociabilité familiale et sociale.

Le croisement de ces deux axes (Intégration-non-intégration par le travail et Insertion-non-insertion dans des réseaux de relations sociales) permet alors de distinguer les diverses zones suivantes entre lesquelles les frontières sont poreuses et qui désignent plusieurs types de statuts sociaux) :

- la zone d’intégration se caractérise par l’association « travail stable –

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insertion relationnelle solide »- la zone de vulnérabilité correspond à une situation intermédiaire,

instable, conjuguant précarité du travail et « fragilité des supports de proximité »

- la zone de désaffiliation est la dernière étape du processus et se caractérise par une absence de participation à toute activité productive, sociale et à l’isolement relationnel qui peut en résulter

Peut –on toutefois parler de crise du modèle d’intégration ? Pas vraiment si on prend le véritable sens du terme crise qui correspond pour reprendre les termes de Schumpeter à un processus de destruction créatrice :

aujourd’hui nous vivons une période de remise en cause d’un modèle qui n’apparaît plus adapté aux évolutions de la société,

et les individus inventent, par un processus de tâtonnements comportant des essais et des erreurs de nouvelles formes d’intégration qui se substitueront à celles qui existent .