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Extrait de la publication

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LE VILLAGE RÊVE

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DU MÊME AUTEUR:

AUX ÉDITIONS DE LA N. R. F.

Jeunes Filles en serre chaude, roman.

AUX ÉDITIONS RIÉDER

Les Allongés, Prix Fémina 1923.

Le retour dans la vie, Suite des Allongés.

La Femme chez les garçons.

La Grand'Rue.

Sainte-Thérèse d'Avila, Prix d'Académie 1928.

L'Initiatrice aux mains vides, Prix Brentano's 1931.

Les Démons de la solitude.

CHEZ D'A UTRES ÉDITEURS

L'ensevelie, roman, chez Calmann-Lévy.

Perséphone, trois actes en vers, chez Stock.

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JEANNE GALZY

LE VILLAGE

RÊVEROMAN

6· ~dtf~on

nr

GALLIMARD

Paris 43, Rue de Beaune

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L'ÉDITION ORIGINALE DE CET OUVRAGE

A ÉTÉ TIRÉE A TRENTE EXEMPLAIRES

SUR ALFA DES PAPETERIES LAFUMA

NAVARRE, DONT VINGT EXEMPLAIRES

NUMÉROTÉS DE 1 A 20 ET DIX EXEM-

PLAIRES HORS COMMERCE MARQUÉS

DE a A jJ

Tous droits de traduction, reproduction, adaptation et représentationréservés pour tous pays, y compris la Russie (U. R. S. S.).

Copyright by Librairie Gallimard, Paris 1935.

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Le docteur était entré dans la chambre.

Cela sentait une odeur écœurante. Sûre-

ment la gangrène progressait. La belle-fillesouleva les draps. Les vieilles jambes appa-rurent.

Faut-il enlever le pansement ? Elleva encore crier1

Une horreur était sur son visage, bouffi,sanguin. La vieille, au fond du lit, avaitl'air d'un bâton tordu. De bois était fait

son visage, d'un bois blafard séché au feu.Il fallait défaire le pansement. La belle-

fille détourna la tête. Elle ne voulait pasvoir. Il y avait assez de l'odeur terrible.Le docteur donna seul les soins nécessaires

et cette jambe desséchée et ce pied osseuxfurent dans ses mains.

Je ne vous fais pas mal, n'est-ce pas ?La vieille, déjà absente, ne (disait rien.

C'était fini. Elle n'avait plus qu'à se taire et

qu'à attendre. Quelques jours peut-être

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quelques heures si le cœur lâchait et onouvrirait les fenêtres, on chasserait l'odeuratroce, et la belle-fille affirmerait « Jus-

qu'au bout j'ai fait mon devoir » aux damesdu village venues en visite.

Il avait fini. Elle le raccompagna jus-qu'à la porte de la chambre.

Alors, vous croyez, docteur ?.Elle n'osait pas préciser.

Cela sent si affreusement. La Guim-

parde ne veut plus entrer. Je suis touteseule pour les soins. Je n'y tiens plus.

Oui, il fallait avoir aussi compassion decette figure bouffie, de cette horreur de lavivante pour ce qui déjà mourait là,pourri par morceaux.

Du courage Voyons, du courageC'était tout ce qu'il pouvait dire.La bru souffla

Encore longtemps ?Il ferma la porte. Avec les mourants on

ne saitjamais. Et, derrière la porte fer-mée, il fit signe que non avec la tête. Elleeut dans les yeux un drôle d'éclat, qui cla-qua brusquement comme une arme à feu,s'éteignit.

Elle fut dans le couloir, de nouveau,

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digne, patiente, l'amirable belle-fille quisoigne sa belle-mère. La Guimparde lavaitle pavé. Alors le docteur songea à dire à lafemme

Il faut aider votre maîtresse. C'est

trop dur pour une seule.La Guimparde se souleva. Son corsage

craquait de seins fermes.Je peux pas. Rapport à l'odeur. Je

vomirais tout1

Et elle reprit son travail avec sa serpil-lière mouillée sur le carrelage net.

Le docteur sortit. Le petit clos foison-nait de feuilles dans une lumière aveu-

glante. Les ceps des vignes se courbaientsur leurs durs pis de raisins verts. Lespêches déjà mûres ployaient les arbres. Celasentait le soleil, la terre chaude. Et le bleudu ciel éclatant entrait en lui.

La belle-fille ne l'accompagnait plus.Elle était revenue dans la chambre aux

stores baissés, dans la pénombre, dansl'odeur funèbre. Elle gagnait l'argent quelaisserait la vieille. Elle accomplissait cequ'il fallait faire. Et pourtant quelle lueuravait eue tout à l'heure son regard1

Le docteur ouvrit la grille du jardin. La

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sonnette enrouée tinta entre les deux cyprèsdu portail. Il fut sur le chemin, un beauchemin vivant, avec des courbes, des cail-

loux, de la poussière. Et tout le pays decollines se bousculait sous le grand ciel,avec ses olivettes le long des pentes sèches,et ces murets bas qui supportent les plates-formes des vignes.

Cette paix des choses, pensa-t-il.Il tourna le dos au village. Il avait

besoin de se laver d'air pur. Lentement ilsuivit le chemin qui longeait les collines,mordait un peu leur pied, mais prudemmentredescendait vers le bas-fonds. Sur le sol,

tremblait la chaleur. Dans les branches des

oliviers crissaient les cigales. Elles em-plissaient tout le ciel d'un râpement so-nore, sans intervalle de repos, comme unesorte d'ébullition d'air sec au-dessus de la

cuve chaude de la terre.

Là-bas deux cyprès sur une petite espla-nade gardaient une tombe rustique, creu-sée à même la colline, une tombe comme

il y en avait partout dans les environs, oùles morts dorment dans leurs terres, mêlés

aux travaux des oliveraies et des vignes.Il montait dans ce grand soleil bouillant.

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Il le sentait sur sa veste d'alpaga, sur sesmains nues. Les champs étaient aussi dé-serts à cette heure que les garrigues à lavégétation calcinée. Il n'y avait de vivantque ce râpement métallique des cigales, cesoubresaut sous ses pas d'un lézard quifuyait dans les herbes sèches, les coupssourds sur les pierres d'un chemin, de Ca-minal, le cantonnier, et, très loin, le bruit

d'une noria invisible dans un des jardins-potagers du village.

Le village apparaissait tandis qu'il gra-vissait la colline. Un beau village tout cou-leur de pain frais rissolé par le four.Car les tuiles perdent vite leur couleurpour adopter celle de la garrigue rousse, àcause de la force destructrice du soleil.

Il y avait là les maisons rangées l'unecontre l'autre, comme des moutons dans

un parc. Et les régularités des dos à la fileétaient les lignes des rues, et ces rentrées etces saillants, comme des brebis en désordre

qui touchent du derrière d'autres flancs demoutons, c'étaient les traverses, et beau-

coup, aussi emmêlées que le plein milieud'un troupeau quand on ne sait plus si l'onvoit la tête ou la croupe des bêtes, c'était là

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le lacis des petites rues plus anciennes, quimontaient vers la place de l'église lesplus anciennes rues d'autrefois, quand leshommes se sentaient encore si faibles contre

le vent et l'orage, les froids d'hiver et lacanicule dévoratrice, qu'ils se serraient leplus possible pour mieux s'entendre de fe-nêtre à fenêtre, de mur à mur. Une égliseavec un clocher à jour, et cet autre clocherà jour, un peu plus bas, était celui dutemple. Car pour ce peu d'hommes, il yavait un temple et une église qui se fai-saient concurrence à l'endroit le plus épaisdu troupeau. Comme deux bergers ennemisjadis, mais si près l'un de l'autre, si habi-tués à se voir l'un l'autre, que les deuxclochers avaient fini par se ressembler etqu'ils tintaient avec presque la même voix.

« C'était vrai que la vieille Piquemaleallait bientôt mourir ». Il se répéta ce motqui l'étonna. Dans toute cette chaleur le

mot ne voulait plus rien dire. Il ne signi-fiait qu'ensevelissement et non mort.Comme on met dans la terre les vieilles

racines pour qu'il en pousse des rejets. Etc'était bien une vieille racine torse que cecorps de vieille. Il essaya de se rappeler

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l'odeur funèbre. Il n'y avait que cetteodeur de terre chaude où se mêlaient l'âcreté

du thym et ce miel épais du mélilot.Il montait encore. Les pierrailles du sen-

tier crissaient sous ses pas en se détachant.Un sentier qui n'était qu'un tracé d'eauxruisselantes, lorsque les pluies d'automnefouettent les garrigues, et qui avait desmanques et des esplanades herbeuses, puisdes écorchures où l'os de la roche affleurait.

De là, il commençait à voir apparaître lechâteau, de l'autre côté de l'élévation du

village qui le cachait tout à l'heure. Sa fa-çade dominait une terrasse à balustres, et

deux rangées d'arbres, que la lumière ren-dait noirs, le rattachaient au faubourg d'enbas comme par des maillons de chaînesombre. Car le faubourg lui aussi surgis-sait, avec ses taches de jardins, et ses toitspâles. Et autour, verdissaient les vignesqui occupaient tout le fond de la plaine ets'écoulaient vers d'autres plaines à traversles soulèvements capricieux des collines.Un beau pays. Pas encombré d'arbres, nidissimulé sous des forêts. Un pays à contex-ture nette. Des collines qui semblaientémerger des verdures des vignes comme des

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îlots hors de l'eau calme. Une toute 'nue,

l'autre bouclant d'yeuses, quelques-unescouronnées de boqueteaux de pins. Et par-tout, çà et là, sur les collines ou dans les

vignes, les cyprès fusaient vers le ciel.Deux par deux le plus souvent, plantés àdroite et à gauche des portillons des enclos,ou désignant au loin les tombes éparsesdans la campagne.

En bas, sur le chemin, Caminal le can-

tonnier tapait. C'était avec un petit mail-let de fer à deux têtes, brillantes à force

d'usage. Il visait la pierre. Le mailletsifflait et sous le coup porté avec précisionla pierre s'ouvrait en éclats. Quelquefoiselle était trop dure. Il fallait y revenir.Mais alors d'un coup, elle se pulvérisaitavec un bruit de grêle. Drôle d'habitudequ'ont ces pierres si dures Il le savait. Illes connaissait toutes, étant depuis long-temps chargé de ce travail. Et c'était luiaussi qui les tirait de la colline, puis quiportait les blocs sur sa brouette, en faisaitdes tas sur le bord des chemins, et, là, lesconcassait avec son maillet.

Dans d'autres pays, il y a des carrières

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avec des machines d'exploitation. Il avaitvu cela à Saint-Drézéry des cylindrestournants qui cassent la pierre à la gros-seur qu'on veut. Mais ici, la municipalitén'était pas assez riche pour acheter lapierre toute taillée en cailloux quand il n'ya qu'à la sortir de la colline. Un peu demélinite et quelques coups de pic, et l'ona des blocs tout frais, qui sont encore hu-mides de leur séjour sous la terre, et quiluisent de cette humidité sur leurs cas-

sures brillantes, comme s'ils perdaient de lasève.

Le docteur Gareil montait toujours.Aucun sentier n'existait plus. Les oliviersavaient cédé la place aux troncs bas ettordus des yeuses. Par terre, leurs, feuillestombées aux derniers hivers se roulaient en

boules hérissées de dards.

La colline redevenait sauvage, débar-rassée de ses vignes et de ses oliveraies,portant ses broussailles dures, défenduesd'épines, ses herbes coupantes et acéréesparmi lesquelles régnaient les chardons.

Là aussi, stridulaient les cigales. Leurscie. vibrait, aiguë comme toutes ces sèches

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verdures, et au-dessous de leur bruit, en

éclataient d'autres dans les genêts c'é-taient les détonations des gousses que lachaleur faisait exploser et qui, d'un coup,éparpillaient leurs graines.

De là, le battement de la noria ne s'en-

tendait plus, ni les coups du maillet de Ca-minal sur-les pierres du chemin. Mais on yvoyait mieux le château de Lusclat,et, tout au loin, d'autres collines levaient

leurs crêtes. Elles émergeaient du ciel,devenues bleuâtres, comme teintes parl'azur, toujours plus nombreuses chaquefois qu'il se retournait.

Ce fut alors que, d'en bas, mademoisellede Lusclat vit cette petite tache noire quigravissait la colline d'en face. Comme tousles jours, elle s'était assise sur la terrasse duchâteau, à l'ombre d'un des tilleuls de l'al-

lée d'honneur qui s'élevait si haut qu'onavait dû l'émonder. C'étaient des arbres

très anciens et le château, lui aussi, était

vieux, ayant vu passer trois siècles. C'étaitpour cela qu'il avait ce fronton effrité sousle vent et le soleil, où l'on distinguait àpeine un panier de fleurs sculpté dans la

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pierre tendre et que sa façade était bala-frée d'une longue fente, une façade un peuarrondie et flanquée de pilastres à chapi-teaux.

Sur la terrasse, dont les pierres avaient

joué, poussait de l'herbe. Un ingénieuragronome du pays, qui était venu pour unemesure de vignes, à la dernière ventequ'avait faite mademoiselle de Lusclat,l'avait prévenue. «Le château menace ruine.Il faudrait réparer ou vendre1»

Vendre1 Elle avait sursauté et hâti-

vement répondu, avec ce geste des mains oùne brillait aucun anneau

Oh1 monsieur, mais je n'ai plus long-temps à durer. Tout tiendra bien jusque-là1

Elle fit un mouvement pour mieux voirce qui bougeait sur la colline, et, à ce mou-vement, un des pieds du fauteuil glissadans une fente du pavé. Elle se leva pourl'en sortir, eut de la peine à ébranler levieux meuble d'autrefois lui aussi et si

lourd et comprit que ses forces bais-saient. Ou bien était-ce cette chaleur quil'épuisait ?Elle s'accorda cet espoir.

Là-bas, au delà de l'allée des tilleuls,

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le village s'étirait avec ses maisons de pâtetendre et dorée, comme un gâteau rugueux,une fougasse mal faite, et au delà encore,un peu sur la droite, sur la haute colline

que dominait une vieille tour à signaux, latache noire se déplaçait. Pour mieuxl'observer, elle arrêta son ouvrage en reje-tant les mailles de laine jusqu'au fond del'aiguille afin que rien ne se défît de sontricot. C'était un amusement imprévu poursa journée, semblable à toutes les journéesde sa vie solitaire, unejournée où elle tri-cotait pour les pauvres, si pauvre elle-même, mais où elle sentait, à manier ces

petites brassières et ces petites culottes delaine si faciles à faire sans qu'il soit be-soin de beaucoup surveiller l'ouvrage,qu'elle travaillait pour de la vie.

Sur la colline, la plus haute parmi toutesles autres collines, la tache noire montait

toujours doucement. On voyait qu'elleavançait seulement au rapport qu'elle pre-nait avec les masses accroupies des bou-quets d'yeuses. Elle était d'abord à gauchedes arbustes, puis, un peu après, on levaitles yeux, elle avait disparu. Ensuite le bo-queteau des yeuses se trouvait dépassé, et

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