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EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1965-1968) LES FAILLITES ET LES CONCORDATS (*) PAR PIERRE CoPPENs PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE LOUVAIN, AvooAT A LA CoUR D'APPEL DE BRUXELLES CHAPITRE PREMIER. - PERSONNES POUVANT ÊTRE DÉCLARÉES EN FAILLITE. A. - Personnes physiques. 1. QUALITÉ DE COMMERÇANT. -Il a été redit que l'absence d'inscription au registre du commerce n'avait aucune incidence sur la qualité de commerçant et sur la possibilité de faillite (Bruxelles, 9 février 1963, Pas., 1964, II, 244) et que la même qualité, avec le même risque, subsistait pendant la liquidation du fonds de commerce (Bru:x:elles, 27 octobre 1964, Pas., 1965, ·II, 262). Au fur et à mesure que se termine une liquidation s'estompe la qualité de commerçant. Les six: mois auxquels doit remonter la cessation des paiements (art. 437) se calculent en partant du jugement déclaratif et non de l'assignation en faillite (même arrêt) : CLOQUET, La faillite et les concordats, no 125 in fine. 2. CoMMERCE DU MÉNAGE.- La période e:x:aminée a apporté un enrichissement à la jurisprudence relative à la faillite du (*) Les précédents examens de jurisprudence ont été publiés dans la Revue en 1951, p. 57 à 79, en 1954, p. 127 à 158, en 1957, p. 205 à 249 (par M. RENÉ PIRET), en 1961, p. 121 à 163, et en 1965, p. 53 à 93.

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EXAMEN DE JURISPRUDENCE

(1965-1968)

LES FAILLITES ET LES CONCORDATS (*)

PAR

PIERRE CoPPENs PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE LOUVAIN,

AvooAT A LA CoUR D'APPEL DE BRUXELLES

CHAPITRE PREMIER. - PERSONNES POUVANT ÊTRE DÉCLARÉES EN FAILLITE.

A. - Personnes physiques.

1. QUALITÉ DE COMMERÇANT. -Il a été redit que l'absence d'inscription au registre du commerce n'avait aucune incidence sur la qualité de commerçant et sur la possibilité de faillite (Bruxelles, 9 février 1963, Pas., 1964, II, 244) et que la même qualité, avec le même risque, subsistait pendant la liquidation du fonds de commerce (Bru:x:elles, 27 octobre 1964, Pas., 1965,

·II, 262). Au fur et à mesure que se termine une liquidation s'estompe la qualité de commerçant. Les six: mois auxquels doit remonter la cessation des paiements (art. 437) se calculent en partant du jugement déclaratif et non de l'assignation en faillite (même arrêt) : CLOQUET, La faillite et les concordats, no 125 in fine.

2. CoMMERCE DU MÉNAGE.- La période e:x:aminée a apporté un enrichissement à la jurisprudence relative à la faillite du

(*) Les précédents examens de jurisprudence ont été publiés dans la Revue en 1951, p. 57 à 79, en 1954, p. 127 à 158, en 1957, p. 205 à 249 (par M. RENÉ PIRET), en 1961, p. 121 à 163, et en 1965, p. 53 à 93.

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commerce exercé par le ménage. La matière est éclairée par un arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 1965 (Pas., I, 1048) : nonobstant la présomption de l'article 10 du Code de corn· merce (maintenue en dépit dela loi du30 avrill958 : CLOQUET, op. cit., n° 120 ; VAN RYN et HEENEN, Principes, t. IV, no 2636), la femme mariée est à considérer comme commerçante lors· qu'elle a traité avec les tiers de manière telle que ceu:X:·ci ont cru que les actes de commerce l'engageaient personnellement. Cette qualité de commerçante peut se manifester. dans une entreprise distincte ou bien au sein de l'entreprise du mari. La veuve d'un commerçant échappe à la mise en faillite quand elle termine l'exploitation, quand bien même elle accomplirait certains actes de commerce formels comme l'acceptation de traites (connn. Bruxelles, 4 octobre 1965, Jur. comm. Brux., 1966, p. 21). Il faut rappeler ici que l'écoulement du stock d'un fonds de commerce est le plus souvent rendu nécessaire par l'administration de la succession et ne s'analyse pas en une poursuite professionnelle de l'affaire qu'exploitait le de cujus (DE PAGE, t. IX, vol. 2, p. 636). En l'espèce, la veuve avait accepté la succession sous bénéfice d'inventaire. Un cas tout différent est celui de l'épouse qui prolonge, comme prête·nom, l'exploitation du mari failli, alors qu'elle n'y met ni fonds, ni compétence. Il ne s'agit pas d'un autre commerce (comm. Verviers, 19 novembre 1966, Jurr. Liège, 1966·1967, p. 167). Les circonstances peuvent être défavorables pour les deux époux qui, tous deux, seront alors déclarés en faillite soit parce que le commerce des conjoints s'analyse en une société de fait (Gand, 16 mai 1961, chronique précédente, 1965, p. 54), soit parce que chacun d'eux a adopté publiquement le corn· portement actif d'un commerçant, la femme l'étant au regard du registre du commerce, le mari nouant les marchés en son nom (comm. Verviers, 13 avril 1967, Jurr. Liège, 1967"1968, p. 13 ; comm. Liège, 28 septembre 1968, Jur. Liège, 1968-1969, p. Ill). Il est très difficile pour un mari de n'accomplir que des actes dans lesquels il est un pur mandataire de son épouse. Ce n'est pas exclu (cass., 15 mai 1939, Pas., 1939, I, 243; VAN RYN, t. rer, no 126 ; FREDERICQ, Handboek, t. II, p. 434), mais quand le mari a été mis en faillite et que l'on prétend que le même commerce ou la même industrie est désormais exploité par la femme, il est fort difficile d'admettre que la femme a confié· à

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son mari des fonctions de préposé. M. Cloquet insiste, en cas de double mise en faillite, sur la dualité des masses et critique sur ce point l'arrêt de Gand qui n'avait établi qu'une seule masse (op. cit., no 1034).

La pratique d'actes de com1nerce au sein du fonds de com­merce d'autrui a également été relevée par la Cour de cassation de France dans une poursuite de banqueroute (12 mai 1966, Semaine juridique, 1966, Somm., p. 89).

B. - Sociétés commerciales.

l/ 1. - Individu et société qui se confondent.

3. SociÉTÉ DE FAÇADE.- La période sous revue a nettement affiné la jurisprudence dans la tendance, assez timorée jusqu'à présent, à démasquer la personne physique qui exploite une entreprise sous le couvert d'une société de façade. La doctrine est favorable : ÛLOQUET, op. cit., n°8 111 et suiv. ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2637; VAN RYN et VAN ÜMMESLAGHE,, E:x:amen de jurisprudence, Rev. crit., 1967, p. 316 et les réfé- .. renees; CoPPENS, <<La faillite du maître de la société>>, Rev., prat. soc., 1967, p. 195, et Idées nouvelles dans le droit de la faillite, 1969, t. VI de la Bibliothèque scientifique de la Faculté,, de Droit de Louvain, p. 185.

Divers éléments avaient établi qu'une société était fictive et qu'elle servait à couvrir les affaires personnelles d'un parti­culier dont les intentions étaient de s'abriter derrière la société. Des machines avaient été achetées en nom personnel et fonc­tionnaient pour compte propre. Des inscriptions de dettes au nom d'enfants mineurs trahissaient aussi la volonté de faire de la société un instrument fictif (comm. Saint-Nicolas, 18 février 1964, Rev. prat. soc., 1968, p. 21).

Deux: personnes, associées de fait dans le commerce de res­taurants et d'hôtels, reprennent en 1960 90 p. c. des actions d'une société anonyme. Le tribunal, dans un jugement longue­ment motivé, note que celle-ci devient alors une fiction derrière laquelle elles agissent pour leur propre compte. En 1963, elles con­stituent une société coopérative, toujours dans la même branche, dont elles souscrivent 190 parts sur 200. L'apparition de cette nouvelle société ne change rien au caractère de l'exploitation :

Revue Critique, 1969 - 23

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la société n'a pas de comptabilité propre et, fait significatif, elle paie des dettes antérieures à sa constitution. En même temps qu'ils passent l'acte de fondation, les deux partenaires assurent la radiation de leurs inscriptions personnelles au registre du commerce, espérant échapper à toute faillite per­sonnelle après un délai de six mois. Le jugement du 9 mars 1964 place la date de la cessation des paiements personnelle au 9 septembre 1963, et celle de la société coopérative au 23 novembre 1963, date de sa fondation (comm. Bruxelles, 9 n1ars 1964, Jur. com. Brux., 1965, p. 81).

Un commerce, exercé au nom de l'épouse, est apporté, actif et passif, lors de la constitution d'une société anonyme. Les fondateurs peuvent être considérés comme sincères. Il appa­raît toutefois que les affaires sont conduites, avant comme après, par le mari qui n'était pas associé. La confusion des avoirs sociaux et de ceux des époux est signalée sans précision de fait dans le jugement. La société n'est qu'un masque et un procédé de protection de l'avoir privé. Il y a nécessairement fusion des dettes en un seul passif. C'est d'un intérêt théorique, estin1ent les juges, de voir si la société est ou non fictive, car il n'y a qu'une masse. Le tribunal estime inutile que les créanciers sociaux fassent une nouvelle déclaration de créances dans la faillite personnelle (comm. Louvain, 13 juin 1965, R. W., 1966-1967, col. 157).

Lorsqu'une personne a fait le commerce sous les apparences d'une société avec laquelle elle se confondait (aucun fonction­nement des organes statutaires, comptabilité impropre, prélève­ments et versements mal identifiés, contrats mal titularisés, opérations en nom personnel, crédit personnel noyé dans le crédit de la société), cette personne doit être personnellement responsable du passif social. Toutefois, pour étendre au maître de l'affaire, la faillite de la société, ilfaut constater en son chef que la qualité de commerçant n'a pas disparu depuis six mois. Lorsque l'activité de la société a pris fin depuis plus de six: mois, l'activité personnelle déguisée sous son couvert a également cessé (en l'espèce le jugement déclarant la faillite de la société était du 10 décembre 1958 et la demande en extension de faillite était du 28 octobre 1960) (Dinant, 29 septembre 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 106, Rev. prat. soc., 1967, p. 210, et Liège, 26 juin 1967, Rev. prat. soc., 1967, p. 207). Cette position est difficile à admettre (voir CoPPENS, loc. oit.).

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La faillite de l'administrateur d'une société peut être pronon­cée s'il a fait personnellement de~ actes de commerce sous le couvert de sociétés au point de s'identifier avec elles. Il faut une confusion entre son patrimoine et le patrimoine social, une comptabilité rudimentaire, l'exercice de pouvoirs absolus et la confusion de son crédit avec celui de la société. Le fait de se porter caution des dettes soci.ales n'est pas relevant (Liège, 28 février 1967, Rev. prat. soc., 1968, p. 18).

Lorsqu'il est établi qu'un gérant de S.P.R.L., associé omni­potent, a confondu les avoirs sociaux avec les siens propres et qu'il a conduit un cmnmerce personnel sous le prête-nom de la société, la faillite de cette dernière entraîne sa faillite en nom ·personnel. Il n'y avait aucun fonctionnement des organes sociaux. Aucun bilan n~était dressé en temps utile. Lè gérant puisait librement dans la caisse de la société. Le jugement décrit minutieusement tous les faits révélateurs de l'exercice d'un commerce individuel sous le couvert de la société (comm. Liège, 14 novembre 1967, Rev. prat. soc., 1968, p. 63).

Une société prolongeait un commerce individuel et était constituée par la souscription de 249 parts sur 250 entre les mains de l'ancien commerçant. Avoirs sociaux et avoirs privés étaient mélangés et la confusion s'augmentait encore par une dénomination sociale qui incluait le nom et par l'emplacement du siège social à la même adresse que celle de l'habitation per­sonnelle (comm. Bruxelles, 26 février 1968, Rev. prat. soc., 1968, p. 176 ; voir aussi comm. Bruxelles, 25 octobre 1965, Jur. com. Belg., 1968, p. 337).

Lorsqu'un homme d'affaires a disposé des biens d'une société anonyme comme des siens propres, lorsque cette société n'avait aucune vie autonome et que sa fondation elle-même était irrégulière, la faillite personnelle doit être prononcée à côté de la faillite de la société. Le jugement contient une analyse détaillée des facteurs de confusion dont il résulte que ni le maître de la société ni les tiers n'ont cru à l'existence véritable d'une société (comm. Saint-Nicolas, 9 avril 1968, Rev. prat. soc., 1968, p. 177).

Une société sans véritable activité autre que l'activité per­sonnelle d'un restaurateur vivait sans que ses apports eussent été libérés et sans tenir de comptes. La confusion de l'ensem-

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ble conduisit à l'unité des masses actives et passives (Dinant, 4 septembre 1968, Jur. Liège, 1968-1969, p. 22).

2. - Société commerciale.

4. FAILLITE ET LIQUIDATION. -Si l'individu cesse d'exercer le commerce pendant six: mois, la perte de la qualité de com­merçant, après ce délai, le met à l'abri d'une mise en faillite. On se montre plus sévère pour les sociétés commerciales, comme le rappelle un arrêt de la Cour de Bruxelles du 29 janvier 1964 (Jur. comm. Brux., 1965, p. 91) : la faillite d'une société dont l'activité est depuis longtemps inexistante demeure possible aussi longtemps que la liquidation n'est pas clôturée. Sa liqui­dation sera reprise en mains par un curateur. Cette jurisprudence est classique : Examen antérieur, 1965, p. 55 ; cass. fr., 27 jan­v'ier 1958, Rev. prat. soc., 1959, p. 22 ; note CoPPENS, Rev. prat. soc., 1960, p. 117; Examen de jurisprudence des sociétés par MM. VAN RYN et VAN ÜMMESLAGHE, Rev. crit., 1967, p. 383, no 86.

Par contre, lorsque la clôture a été publiée et que l'on se' trouve dans cette période où la société ne serait plus qu~une entité dotée de survie passive pendant cinq ans (art. 194, al. 4), la mise en faillite est-elle possible~ Certes, pendant les six: pre­miers mois (voir note, Rev. prat. soc., 1960, p. 202), plus tard encore si la clôture fut prononcée en fraude des droits des créanciers, mais qu'en est-il autrement~ Le tribunal de com­merce de Bruxelles a estimé que l'action en ouverture de faillite était à exclure. Le jugement adoptait cette position doctrinale en une motivation surabondante, puisqu'en l'espèce l'assignation en faillite avait été lancée le 10 septembre 1964, cinq jours avant l'assemblée de clôture (jugement du 23 février 1965, Jur. comm. Brux., 1965, p .. 157; Journ. trib., 1965, p. 644; Pas., 1965, III, 80).

5. FAILLITE DISTINCTE DE L'ASSOCIÉ EN NOM COLLECTIF. -Un arrêt de cassation du 21 mai 1968 (Pas., 1968, I, 1097; Journ. trib., 1968, p. 213 ; R. W., 1968-1969, col. 219) a rappelé que la faillite d'une société en nom collectif était distincte de celle de son associé. Dans le passif de la faillite personnelle figure, il est vrai, le passif de la société, mais le sort, la con-

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sistance, la chronologie des faillites sont, malgré un grand parallélisme, propres à chacune d'elles (étude CoPPENS, Rev. prat. soc., 1967, p. 203). Le cas qui fut censuré par la Cour de cassation ne portait qu'indirectement sur la distinction des passifs. La faillite d'un des associés s'était clôturée le 23 janvier 1954, elle avait été rouverte le 28 septembre 1961, alors que la faillite de la société s'était prolongée pendant toute la période. Du 23 janvier 1954 au 28 septembre 1961, l'associé avait recou­vré sa capacité : dès lors une cotisation fiscale n'avait pu, pen­dant cet intervalle, être notifiée au curateur. L'espèce se com­pliquait du fait qu'il n'y avait eu qu'un seul curateur pour la faillite sociale et pour les trois faillites individuelles.

,~· SoCIÉTÉ IRRÉGULIÈRE.- En général, la société irrégulière !Y par défaut de publication des statuts, dégénère, dans l'intérêt

des tiers, en une société en nom collectif. La faillite atteint alors tous les associés. Le tribunal d'Arlon, le 14 septembre 1967 (Jur. Liège, 1967-1968, p. 43), hasarda une autre formule. Il se prononça pour la conversion en une commandite simple à l'effet d'épargner la faillite à ceux des partenaires auxquels il ne voulait attribuer que la qualité de simples commanditaires. Il s'agissait d'une exploitation continuée, après le décès du père, par deux des quatre enfants. Les deux autres étaient des indivisaires sans la moindre immixtion dans l'affaire. Comme l'actif des créanciers devait inclure la totalité de l'indivision, la pensée vint de ne voir dans ces derniers que des comman­ditaires. Certes l'indivision n'est pas personnifiée et les tiers ont, en vertu de l'article 4 des lois sur les sociétés, un droit d'option dont l'une des branches est de considérer la société comme irrégulière <<telle qu'elle fut formée>) (VAN RYN, t. rer, P'· 273 ; trib. Liège, 26 novembre 1958, Rev. p1'at. soc., 1960, p. 179, note CoPPENS), mais nous sommes ici dans un domaine différent. La faillite vise à organiser un concours des créanciers par une saisie globale. L'option d'un tiers peut lui être laissée et il n'y a aucun inconvénient à ce qu'il dise qu'il a traité avec une société qui lui apparaissait sous tels traits. Le tribunal de la faillite ne peut entrer dans le mécanisme de cette option (cons. CLOQUET, n° 1018, et note VAN DER MENSBRUGGHE, Rev. prat. soc., 1958, p. 43). Plus juridique est la position du tribunal de commerce de Courtrai dans un jugement du. 1er juillet 1965 (Jur. comm.

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Belg., 1968, p. 102) en affirmant qu'une commandite est une forme de société que l'on ne présume pas. Voir DALLOZ, Droit commercial, t. III : Sociétés, V° Faillite, n° 21 : la nullité d'une société fait obstacle à sa mise en faillite s'il s'agit d'une nullité opposable aux tiers.

7. FAILLITE ET DISSOLUTION. - Dans l'important arrêt de Bruxelles du 3 mars 1965 (Rev. prat. soc., 1965, p. 95, voir p. 100) il a été dit, quoique ce ne fût pas au centre des débats, que le juge qui est appelé à statuer sur une requête en déclaration de faillite ne pourrait prononcer la nullité de la société. La raison se trouve dans le respect des droits de défense des actionnaires qui ne sont pas appelés à la cause. L'arrêt a été invoqué peu après dans le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 10 mars 1966 (Ju1'. comm. Belg., 1968, p. 714). Le tribunal devait se prononcer sur la faillite d'une société dont toutes les actions se trouvaient en une main. Sur la question voisine de savoir si la faillite d'une société conduit fatalement à sa dissolution, voir notre note sous l'arrêt de Bruxelles du 13 mai 1957, Rev. prat. soc., 1957, p. 304, et Examen de juris­prudence par MM. VAN RYN et VAN ÛMMESLAGHE, Rev. crit., 1962, p. 413. On a souvent dit, en· droit français, que la faillite constituait l'<< extinction de la chose>>, au sens de l'article 1865, 2°, du Code civil. Dans un arrêt de· Paris du 29 juin 1966, commenté mais non publié à la Revue trimestrielle de droit commercial, 1966, p. 1020, il est dit que la mise en faillite d'une société n'entraîne pas sa dissolution. Un arrêt de la Cour de cassation de France du 18 avril 1969 encore inédit enseigne qu'<< aucune règle de la faillite n'entraîne nécessairement la dissolution ipso facto des sociétés faillies>>. Il existe en droit belge une raison complémentaire d'en décider ainsi si la société faillie se trouve dans les conditions de requête d'un concordat. Enfin, sur l'annulation d'une société après faillite, on consultera VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2657, et RoNSE, << Overzicht >>, T.P.R., 1967, p. 673.

CHAPITRE II. - LA CESSATION DES PAIEMENTS.

8. CIRCONSTANCES ÉTABLISSANT LA CESSATION DES PAIE­MENTS. - Cette notion demeure tributaire des circonstances

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plaidées. Rien de nouveau n'est venu, en jurisprudence, enrichir son contenu. La cessation des paiements ne doit pas être absolue c'est-à-dire consister en un arrêt de tous les paiements; il suffit que le passif exigé et impayé s'analyse en une situation plus grave qu'un embarras passager (Bruxelles, 16 janvier 1967, Rev. prat. soc., 1967, p. 55). Une seule dette impayée peut, à elle seule, engendrer le déséquilibre : le créancier unique, demandeur en faillite, est le plus souvent l'Office .national de sécurité sociale vis-à-vis duquel s'est accumulé un arriéré et aux dépens duquel, en retardant le paiement des cotisations et en ne transmettant pas les retenues sur rémunérations, on s'est procuré un financement de mauvais aloi (Bruxelles, 15 janvier 1964, Pas., 1965, II, 23; voir note DE SwAEF, Rev. crit., 1952, p. 271). Le créancier unique peut aussi se rencontrer dans le cas d'une banque (Bruxelles, 27 octobre 1964, Pas., 1965, II, 262). Encore faut-il que l'entreprise commerciale s'en trouve concrètement ébranlée dans son crédit, car la présence d'une dette n'apporte aucun trouble lorsque la société est sans activité et qu'il n'est pas précisé si ce passif a des répercussions sur l'affaire (comm. Bruxelles, 10 février 1964, Jur. comm. Brux., 1965, p. 10} ou si la dette isolée n'a rien de menaçant, faute d'un titre la rendant exécutoire (civ. Marche, 18 novembre 1967, Jur. Liège, 1967-1968, p. 93), ou encore si le créancier unique utilise la faillite pour charger le curateur d'une pour­suite en paiement (civ. Dinant, 20 octobre 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 116). En résumé, toute latitude est laissée au tribunal pour voir si la dette unique compromet l'équilibre du crédit. Le tribunal de commerce de Tournai (Il mai 1967, Jur. comm. Belg., 1968, p. 715) estime que tel n'est pas le cas de celui qui a un arriéré ancien vis-à-vis de l'Office national de sécurité sociale m~is qui, depuis sept années, est en règle quant aux cotisations subséquentes.

Il n'y a pas davantage de cessation de paiements tant que le commerçant, fût-il insolvable au sens civil d'un actif inférieur au passif, continue de faire face à ses échéances en se procurant des moyens de crédit qui ne sont pas frauduleux ( corr. Bru­:x:elles, 24 mai 1965, Journ. trib., 1966, p. 171). La perte du cré­dit se manifeste surtout par le refus des fournisseurs d'encore livrer autrement qu'au comptant et dans l'impossibilité d'accé­der à de nouveaux: prêts de la part de bailleurs de fonds. Mais

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l'ébranlement de crédit peut aussi se limiter à un passif déjà existant lorsque le débiteur se heurte au créancier d'une dette échue qui ne veut plus allonger un délai accordé. De même une société en liquidation plaiderait en vain que, étant à l'arrêt, elle est affranchie du besoin de nouvelles fournitures, fait, disait-elle, qui écartait la nécessité de crédit (comm. Bru­xelles, 13 décembre 1965, Jur. comm. Brux., 1966, p. 169). La société qui n'a plus de liquidités et qui n'a plus à espérer la moindre avance de fonds que risquerait encore un associé a perdu son crédit (comm. Bruxelles, 28 octobre 1965, Jur. comm. B'i'UX., 1960, p. 26).

Depuis la précédente chronique, l'analyse des notions con­tiguës et interdépendantes de la cessation des paiements et de l'ébranlement du crédit a été éclairée en doctrine par ÛLOQUET, op. cit., no 155, et par MM. VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2646. Le crédit est ébranlé lorsque par la carence d'un ou de plusieurs paiements, le débiteur est sous la dépendance de ses créanciers et que ces derniers ne veulent ni attendre ni prendre un nouveau risque.

CHAPITRE III. - LA POSITION JURIDIQUE DU CURATEUR.

Les droits et devoirs du curateur, de même que sa position juridique, ont fait l'objet de plusieurs études {DISCART, << Het mandaat van de curator >>, R. W., 1964-1965, col. 897, et CLo­QUET, Idées nouvelles dans le droit de la faillite, Bibliothèque de la Faculté de Louvain, t. VI, p. 23.

9. CLAUSE n'ARBITRAGE. - Il est défendu au curateur de soumettre à un arbitrage le différend qui_ concerne les droits du failli. Qu'en est-il de la clause compromissoire valablement signée avant la faillite 1 On ne conçoit pas que le curateur la mette en œuvre quand elle n'est pas complète et qu'elle suppose un nouvel accord ou une démarche judiciaire pour la désignation des arbitres et pour la description du litige qui est né. Il semble bien que lorsque la clause compromissoire a déjà précisé l'objet du litige et la personnalité des arbitres, le curateur soit tenu de l'exécuter, car il ne ferait que poursuivre une procédure amorcée. C'est surtout le domaine du contrat d'entreprise où, ayant cause de l'entrepreneur failli, le curateur se trouV'e deV'ant une clause compromissoire (Bruxelles, 25 janvier 1966, Pas.,

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1967, II, 13; sentence arbitrale des architectes de Liège, 19 octo­bre 1967, Jur. Liège, 1967-1968, p. 76; Gand, 29 juin 1965, R. W., 1965-1966, col. 953, avec l'avis de l'avocat général VER­SÉE). La doctrine a peu éclairé le problème et ne fait souvent que citer le principe : FREDERICQ, t. VII, n° 217 ; LYON-CAEN, t. VIII, no 513 ; PERCEROU et DESSERTEAUX, t. II, n° 1208 ; BERNARD, L'arbitrage en droit privé, n° 235; Rép. prat. dr. belge, V° Faillite, n° 1790. Plus récemment, l\1:. CLOQUET, op. cit., n° 1987, a émis une opinion nuancée. S'il reste absolu qu'après la faillite le curateur ne souscrira pas lui-même une clause arbitrale, il pourra néanmoins << ex:écuter >> une clause compromissoire signée avant la faillite, sauf s'il s'agit de litiges propres au droit de la faillite ou à son administration. Le droit français, en 1955, a permis au syndic de compromettre moyen­nant autorisation, comme en matière de transaction. Pour la jurisprudence française antérieure voir DALLOZ, v° Faillite, n° 1640, et note HouiN, Rev. trim. dr. comm., 1952, p. 164, au sujet de deux décisions, tranchant en sens opposé, sur l'efficacité d'un engagement arbitral souscrit avant la faillite.

10. RÉcLAMATIONS FISCALES. -Le domaine du contentieux: fiscal continue de soulever des querelles de procédure. D'évi­dence, un créancier ne peut, aux: lieu et place du contribuable, introduire une réclamation (Gand, 5 novembre 1963, Bull. contr., 1965, p. 147). Le curateur peut introduire une réclamation (voir Chronique 1961, p. 127) à la fois parce que la réclamation comporte un risque d'aggravation de l'impôt après réexamen du dossier et parce qu'il est de la mission naturelle du curateur de diminuer une créance privilégiée. Par contre, aucune pres­cription légale n'oblige d'établir l'imposition au nom du cura­teur plutôt qu'au nom du failli (Gand, 28 juin 1967, Bull. contr., 1967, p. 2100). Pour le cas de l'associé en nom collectif dont la faillite personnelle fut clôturée et ensuite rouverte, voir l'arrêt de cassation du 21 n1ai 1968, cité plus haut au n° 5.

11 . << AcTIO MANDATI >>. - Dans le cas d'une société anonyme faillie, l'action sociale de l'article 62, alinéa 1er, des lois coor­données sur les sociétés passe entre les n1ains du curateur et ce dernier demandera donc, au nom de l'être moral et au profit de tous les créanciers, aux: administrateurs de réparer le dom­mage infligé au patrimoine social. C'est une restauration plus

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ou moins complète du gage commun qui est recherchée (voir étude CoPPENS, Rev. prat. soc., 1967, p. 206 et références citées, et, depuis lors, Examen de jurisprudence par MM. V AN RYN et VAN ÜMMESLAGHE, Rev. crit., 1967, p. 339). Par contre le curateür ne pourrait représenter l'un des créanciers qui aurait à se plaindre d'un préjudice particulier et qui réclamerait une indemnité pour un dommage distinct de ce que ce créancier perd, comme tous les autres, en tant que créancier dans la masse. Dans un in1portant arrêt, d'autant mieux motivé qu'il ne suivait pas l'arrêt de cassation du 8 mars 1965 (voir ci-après), la Cour de Brux-elles, le 28 septembre 1966 (Pas., 1967, II, 129, Rev. prat. soc., 1968, p. 79, Journ. trib., 1967, p. 97 avec une note très c01nplète de STRYCKMANS), a, avec justesse, trouvé qu'était un grief particulier, le fait pour un cocontractant d'être devenu créancier parce qu'il avait traité sur la foi de faux· bilans. Cette tromperie par faux: bilans est d'ailleurs l'exemple classique des traités du droit des sociétés.

Cependant, peu avant, le 8 mars 1965, la Cour de cassation (Pas., 1965, I, 684, Rev. prat. soc., 1965, p. 65, R. W., 1966-1967, col. 1575) avait laissé un droit individuel d'agir au tiers créan­cier, victime simplement proportionnelle, avec les autres créan­ciers, de la moins-value de l'actif social provoquée par les fautes des administrateurs. Cet arrêt a été critiqué (Examen de juris­prudence de MM. VAN RYN et VAN ÜMMESLAGHE cité, 1967, p. 340). Il est, au contraire, admis par M. CLOQUET (op. cit., n° 1042 in fine) et il rejoignait l'enseignement de FREDERICQ (t. VIII, p. 792) selon lequel la suspension des actions indivi­duelles est à entendre de manière étroite : comme l'action directe de l'article 62, alinéa 2, est poursuivie contre des défen­deurs non faillis, il n'y a pas de raison de droit de la paralyser. Il est vrai que la controverse perd de son relief quand on lit chez ces derniers auteurs que le créancier, vainqueur dans son procès individuel, aurait à verser à la masse le montant des dommages obtenus.

La position de la Cour de Bruxelles le 28 septembre 1966 est, nous semble-t-il, plus indiquée que celle de la Cour de cassation le 8 mars 1965. L'intérêt commun des créanciers doit être représenté par le curateur. Il faut éviter le désordre des recours ayant le même objet et le même bénéficiaire. Sur le droit

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d'intervention du créancier en cas d'inaction du curateur, voir la controverse dans CLOQUET, op. cit., no 1628.

L'on peut aussi concevoir que les curateurs rendent les fondateurs d'une société responsables du préjudice issu de la surévaluation des apports. La réparation doit toutefois être limitée à la différence entre le capital réel et le capital apparent (cass. fr., 3 juillet 1968, Rev. trim. dr. comm., 1969, p. 99).

12. VENTE D'IMMEUBLE. - Lorsqu'il est appelé à vendre un in1meuble, le curateur doit faire diligence. Ce ne sont pas seulement les intérêts des créanciers inscrits qui sont en jeu mais aussi ceux de la masse et finalement les intérêts du failli lui-même (comm. Saint-Nicolas, 4 décembre 1962, Pas., 1965, IV, 37). Dans le même domaine hypothécaire, rien ne justifie que le curateur ajoute au cahier de charges d'une vente publique une clause lui octroyant un pourcentage du prix pour ses frais. Ceux-ci sont à préciser et à établir (civ. Anvers, 4 février 1966, R. W., 1966-1967, col. 355, et comm. Anvers, 28 septembre 1966, ibid., col. 1921).

13. RESPONSABILITÉ DU CURATEUR. - En principe le gage est en dehors des biens sur lesquels le curateur exerce les droits de la masse. Aussi, lorsqu'un fonds de commerce est en cours de réalisation par le créancier gagiste à qui il fut nanti et que le curateur interrompt la procédure, il sort de sa mission et engage sa responsabilité. Le créancier gagiste sur fonds de commerce ne voit pas ses droits suspendus par la faillite. Certes le curateur peut retirer le gage et payer le créancier gagiste (art. 543), comme il pourrait aussi réaliser le gage si le créancier gagiste demeurait indolent mais après mise en demeure et autorisation (art. 477). Dans un cas où l'on vit le curateur ven­dre le fonds de commerce que le créancier gagiste était en train de réaliser, le tribunal de commerce de Liège (6 avril 1968, Jur. Liège, 1967-1968, p. 308, et Journ. trib., 1968, p. 748) condamna le curateur. La condamnation pécuniaire fut minime parce que le créancier gagiste n'établissait aucun dommage important. Voici comment le dispositif s'exprima : << condam­nons Me X ... qualitate qua et à titre personnel si l'actif de la faillite n'était pas suffisant à payer à la dmnanderesse la somme de ... }).

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Un autre cas de responsabilité du curateur fut tranché par le tribunal de Dinant le 2 février 1967 (Jur. Liège, 1966-1967, p. 271). Une société faillie avait omis d'immatriculer à l'O.N.S.S. un croupier de casino. Le jugement rappela que le curateur avait, à cet égard, une responsabilité similaire à celle d'un employeur et qu'il ne pouvait pas invoquer la nullité du con­trat. Sur un jugement tranchant différemment et rendu par le tribunal correctionnel d'Ypres le 13 décembre 1956, voir notre chronique, Rev. crit., 1961, p. 127.

14. LE CURATEUR ORGANE DES CRÉANCIERS PRIVILÉGIÉS GÉNÉRAUX~ - La Cour de Bruxelles fut amenée à examiner un problème beaucoup plus difficile (arrêt du 2 juin 1965, Jur. comm. Belg., 1968, p. 95, note PoNCELET). Un curateur avait poursuivi l'exécution d'un cautionnement servant de garantie à la responsabilité d'un agent de change failli, auteur de détournements. Ce faisant, le curateur agissait pour le compte de créanciers privilégiés. Le pouvait-il~ La question se pose rarement puisque le défenseur de la masse · chirographaire lutte normalement contre l'amputation de l'actif par les créan­ciers privilégiés. Les confins du droit pour un curateur de représenter les créanciers privilégiés sont mal -connus. L'arrêt de Bruxelles du 2 juin 1965 semble le lui reconnaître de manière conditionnelle : << le curateur a qualité pour faire prévaloir lui­même les intérêts des créanciers privilégiés qui s'abstiennent notamment lorsque ces intérêts, loin d'être en opposition avec ceux des créanciers chirographaires, sont, en réalité, ceux bien compris d'une faillite sainement gérée et liquidée>> (p. 101). Cette motivation est ambiguë : la << gestion >> de la faillite et le << parallélisme d'intérêts >> entre deux genres de créanciers sont des considérations disparates. L'arrêt était néanmoins prudem­ment dans la ligne d'un arrêt de cassation du 11 mai 1905 selon lequel le curateur représentait tous les créanciers, en ce compris les créanciers privilégiés (Pas., 1905, I, 216) : <<Le cura­teur n'est pas seulement le mandataire du failli mais il agit principalement comme n1andataire de tous les créanciers indis­tinctement, privilégiés ou chirographaires, pour répartir leurs créances entre eux en leur maintenant leur nature>>. Le tribunal de commerce de Bruxelles, le 12 octobre 1940 (Jur. comm. Brux., 1940, p. 364, réf. PrRET), 1notiva l'un de ses attendus :

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le curateur est le mandataire légal et exclusif des créanciers privilégiés généraux, car ils n'ont qu'un droit de préférence sur l'actif de la masse.

Ce principe est loin d'être clair. FREDERICQ, t. VII, p. 313, enseigne que le curateur ne peut représenter les créanciers privilégiés, car ils restent en dehors de la faillite et ont, en général, un intérêt distinct de celui de la masse. <<Il n'a jamais qualité pour représenter comme tels des créanciers privilégiés>>, tranchait la Cour de Gand le 19 mars 1925 (Pas., 1925, II, 57). Le problème n'est pas, croyons-nous, aussi simple : comme aux chirographaires, la faillite fait perdre aux privilégiés généraux le droit de poursuite individuelle (art. 452) et, pour ne pas désorganiser la liquidation, le privilège général ne peut jamais conduire à une exécution forcée contre la masse (CLOQUET, op. cit., n° 1139; VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 234; J. de P. Ciney, 1er avril 1966, Journ. trib., 1966, p. 602; contra : FRE­DERICQ, t. VII, n° 450). La question se complique encore si l'on sait que certaines assiettes de privilège sont insuffisantes et que des créanciers privilégiés pénètrent alors dans la masse chirographaire pour une part. Enfin, chaque fois que le cura­teur, ainsi que le remarque très justement M. CLOQUET (no 1415), réussit à augmenter l'actif ou à rétrécir le passif, ses efforts profitent d'abord aux <<masses>> des privilèges généraux. Le curateur représente dès lors les créanciers à privilège général qui doivent produire à la masse (Rev. trim.. d1·. comm., 1952, p. 709). En vérité, sous l'effet de solutions partielles, l'on par­vient à perturber la notion de<< masse>> et le rôle de son organe. Il est à noter toutefois que la composition de la masse est variable suivant la règle qui doit jouer : ainsi, pour le vote, la masse est formée des seuls chirographaires; pour la sus­pension des poursuites individuelles, la masse englobe en outre les privilèges généraux; pour l'arrêt du cours des intérêts, notre jurisprudence, par un pas récent et discuté, y englobe également les privilégiés généraux:. Si la composition de la masse n'est pas stable, il ne faut pas enfermer le rôle du· curateur dans une logique trop verbale. - Voir aussi Liège, 28 juin 1968 (Jur. comm.. Belg., 1969, p. 91 et note DEGRAEVE).

15. CAUTIONNEMENT D'AGENT DE CHANGE. -ACTION INDI­VIDUELLE DES VICTIMES.- Il est Vrai que dans le litige tranché

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par la Cour de Bruxelles (n° 14), les clients, victimes de l'agent de change, étaient titulaires d'un privilège spécial sur le cau~ tionnement. On comprend que l'arrêt fut cassé (cass., 20 juin 1968, Jur. comm. Belg., 1968, p. 456, note PoNCELET; Pas., 1968, I, 1209 ; Journ. trib., 1968, p. 472). ((Le curateur n'avait pas qualité pour exercer des droits qui compètent aux seuls créanciers qui jouissent d'un privilège spécial>>, la décision de la Cour de cassation disant en" outre que le cautionnement avait été fourni par un tiers et qu'il était en dehors de l'actif. La note très critique de M. Roger Poncelet indique les inconvé­nients de pareille solution. Tout d'abord, le cautionnement établi par un tiers en faveur de l'agent de change peut être retiré six mois après la fin des fonctions, date qui est distincte de celle de la faillite. Ce premier argument est relatif, car le cautionnement reste affecté à la garantie des engagements professionnels aussi longtemps qu'il n'a pas fait l'objet d'une demande de restitution : le privilège ne meurt donc pas par le simple décours de six mois (Bruxelles, 31 janvier 1951, Journ. trib., 1951, p. 666, note C. VAN MAELE; étude TIENRIEN, Rev. prat. soc., 1953, p. 94-95 ; cass., 26 juin· 1959, Pas., 1959, I, 1107 ; VAN RYN et I-IEENEN, t. JII, n° 1895 in fine). L'autre conséquence mauvaise de la solution de la Cour de cassation est que les victimes ignorent qu'elles ont, en tant que créancières dotées d'un privilège spécial, à agir ut singuli sans se reposer sur la diligence du curateur, outre le risque de voir l'une d'elles, plus éveillée, s'approprier le cautionnement. Il est bien certain que l'intervention du curateur serait de précieuse utilité. Une mission pourrait ici lui être conférée par la loi.

CHAPITRE IV. -PROCÉDURE DE LA FAILLITE.

A. - Demandes et oppositions.

16. MoTIFS ANIMANT LA MISE EN FAILLITE. -La demande de mise en faillite ne doit pas correspondre à l'intérêt prouvé des créanciers (comm. Louvain, 25 février 1964, R. W., 1966-1967, col. 159). La doctrine s'était déjà prononcée en ce sens : Rép. prat. dr. belge, loc. cit., n° 80, 4°, et les références; ÜLO­QUET, n° 846, mais avec la nuance, semble-t-il, du n° 842). Lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier, la faillite, liquidation de nature collective, peut être écartée comme inopportune (comm.

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Louvain, 29 novembre 1966, Jur. comm. Belg., 1968, p. 464). Cette jurisprudence est à appliquer avec prudence, car le droit de la faillite n'est pas seulement une technique de partage mais aussi une accentuation de la révocation paulienne.

Une société doit normalement être assignée en faillite à son siège social et non à l'endroit d'une succursale. Mais si la suc­cursale est effectivement le centre des décisions, c'est le tribunal de ce lieu qui doit prononcer la faillite (comm. Verviers, 25 jan­vier 1968, Jur. comm. Belg., 1968, p. 651). Sur la réalité du siège social : VAN RYN, t. rer, no 465 ; FREDERICQ, t. IV, p. 166, et, en matière de faillite, CLOQUET, n° 799. Il est utile, croyons­nous, de signaler que l'avant-projet de convention sur la faillite européenne introduira une présomption selon laquelle le siège statutaire est de droit le principal établissement, sauf preuve contraire.

L'utilité de la faillite d'office est démontrée lorsque des administrateurs d'une société insolvable sont en conflit sur le dépôt du bilan (comm. Bruxelles, 28 octobre 1965, Jur. comm. Brux., 1966, p. 26).

La nécessité d'une faillite d'office ne peut être niée lorsque le débiteur est harcelé de protêts et qu'il a été condamné par défaut à plusieurs reprises (comm. Tournai, 14 septembre 1967, Jur. comm. Belg., 1968, p. 716). Le tribunal semble avoir été fort sensible au fait que le débiteur avait été convoqué avec l'ordre de se munir de la liste des créanciers et qu'il omit de compa­raître ou de s'ex:cuser. Sur la politique de certain's tribunaux de commerce soucieux de détecter les faillites, on lira l'étude de VAN DER GucHT, Jur. comm. Belg., 1968, p. 704, et les discussions de la Journée Jean Dabin du 17 mai 1968 dans l'ouvrage Idées nouvelles dans le droit de la faillite, 1969, p. 363 et suivantes.

La seule voie contre la faillite d'office est l'opposition dans la huitaine (Brux:elles, 26 mai 1965, Pas., 1966, II, 143).

17. ÛPPOSITION D'UN ACTIONNAIRE. - L'arrêt, important à de nombreux égards, rendu le 3 mars 1965 par la Cour de Bru­xelles (R. liV., 1964-1965, col. 1690, et Rev. prat. soc., 1965, p. 95), permet à un actionnaire de faire opposition contre la mise en faillite de sa société, car il est un opposant ayant un <<intérêt>> au sens de l'article 473. Ce droit individuel de l'action-

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naire est cité en doctrine : FREDERICQ, t. VII, n° 37, b, et Handels1·echt, n° 1525, b; ÜLOQUET, n° 952 ; VAN RYN et HEE­NEN, t. IV, p. 222, en note. Ce droit doit être reconnu à l'associé dont la responsabilité- est limitée, quoique par hypothèse le passif écrasant enlève toute valeur à ses titres. La faillite prive, en effet, les actionnaires de la possibilité de fixer un mode de liquidation et de régler le statut des liquidateurs. Il semble que le seul précédent soit un vieux jugmnent du 15 juin 1912 du tribunal de commerce de Bruxelles (Jur. comm. Brux., 1912, p. 414).

18 o ÜPPOSITION DU FAILLI DANS LA FAILLITE PAR DÉFAUT. -On sait que si l'opposition venant d'un failli déclaré en faillite sur requête est normale, il n'en est pas de même de l'opposition formée par le failli, mis en faillite par défaut, alors qu'il avait été assigné. Ce point est controversé (Rép. prat. dr. belge, loc. cit., n° 209, et CLOQUET, n°8 942 et 943). Les uns disent que l'article 473 est plus restrictif que le droit commun. Les autres disent au contraire que les jugements non susceptibles d'oppo­sition sont énumérés limitativement à l'article 465 et que les jugements déclaratifs, prononcés par défaut et sur assignation, ne sont pas compris dans cette liste. La Cour de cassation avait donné raison à ces derniers (arrêt du 25 septembre 1941, Pas., 1941, I, 358) et rencontrait approbation (FREDERICQ, t. VII, p. 104 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 223). La Cour de Gand, le 14 novembre 1967 (R. W., 1967-1968, col. 998), s'est insurgée contre l'arrêt de 1941 en disant que les recours doivent être plus rapides qu'en droit commun et que la loi des faillites forme une norme propre. L'ancien texte français, libellé à peu près comme notre article 473, était interprété, pour cette hypothèse, de manière tolérante et laissait la voie de l'opposition au débiteur qui n'a pas été assigné ou qui a fait défaut (RIPERT, n° 2588).

Dans une procédure qui avait été << mise en continuation >>, la Cour de Bruxelles a dit que le failli n'est plus une << partie défaillante>> s'il avait eu l'occasion de présenter ses explications à un moment de la procédure (16 janvier 1967, Rev. prat. soc., 1967, p. 55). L'arrêt ne donne pas les éléments de la contes­tation.

19 o DIVERS. - Lorsque le failli a obtenu un concordat, il n'y a pas de nouvelle faillite qui soit possible sans la résolution

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préalable du concordat. C'est le tribunal de l'homologation qui doit la prononcer (comm. Louvain, 26 janvier 1965, Jur. comm. Belg., 1968, p. 461). L'erreur de transcription au registre du commerce, en cas d'homonymie avec le failli, engage la respon­sabilité de l'Etat mais ne pèse pas sur d'autres personnes. L'Etat belge fut jugé responsable de la faute commise par le greffe (voir Bruxelles, 14 avril 1961, Chronique précédente, 19i35, p. 60). Un arrêt du 24 septembre 1965 (Journ. trib., 1966, p. 354) détermina le montant des indemnités dues à la société qui avait été indiquée erronément comme faillie au registre du commerce.

Si la faillite est prononcée au degré d'appel, il appartient à la Cour d'ordonner les diverses mesures de l'article 466 avant de renvoyer la cause devant le tribunal de commerce (Bru­xelles, 15 janvier 1964, Pas., 1965, II, 23, et Chronique précé­dente, 1965, p. 61).

B. - Production de créance.

20. CRÉANCE INCORPORÉE DANS ÙN EFFET DE COMMERCE. -PREUVE DE LA CRÉANCE. -Le bénéficiaire d'une traite peut-il se contenter de produire l'effet accepté comme preuve complète de son droit 1 Satisfait-il aux: articles 496 et 498 de la loi en déposant simplement la traite et en considérant que l'engage­ment cambiaire est suffisant par lui-même1 Le tribunal de com­merce d'Alost, le 13 juillet 1965 (R. Tf., 1965-1966, col. 503), s'est montré fort sévère pour le porteur d'une traite acceptée. Le jugement ne révèle pas les circonstances qui l'ont déterminé à cette position. Il dit, en termes très généraux:, que l'arti­cle 444 paralyse tout paiement par le failli, qu'est donc annihilée la rigueur cambiaire et que la vérification ne se conçoit pas sans l'examen du rapport fondamental. Un argument plus frappant consiste à ajouter que la date d'une traite n'est pas certaine ou opposable au curateur lorsque la mention n'est pas autrement établie. Quelques semaines plus tard, la Cour de cassation se penchait sur un problème similaire relatif à un billet à ordre (24 septembre 1965, Pas., 1966, I, 109; Journ. trib., 1966, p. 150; R. W., 1965-1966, col. 937). Les motifs de l'arrêt distin­guent fort justement ce qui est matière de la production du .créancier et ce qui est dans la portée de la vérification qui suit.

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La production du billet est suffisante et le créancier peut se borner à énoncer dans sa déclaration l'engagement cambiaire comme cause de sa créance. Ultérieurement, s'il y a lieu, le cura­teur fera valoir les droits que le failli pourrait puiser dans telle convention fondamentale ou dans tel élément extrinsèque pour établir que la dette cambiaire prend un caractère conditionnel ou souffre une autre modalité. Sur ce point, on lira l'examen de jurisprudence sur les titres négociables, par MM. V AN RYN et HEENEN, Rev. crit., 1962, p. 492, et depuis lors les arrêts de la Cour de cassation des 7 juin 1963 (Pas., 1963, I, 1065) et 25 mars 1965 (Pas., 1965, I, 788).

21. CRÉANCE INCORPORÉE DANS UN EFFET DE COMMERCE. -MoNTANT DE LA CRÉANCE. - La production d'une créance représentée par des effets pose un autre problème lorsque dans les effets se trouvent additionnés et échelonnés le principal du prix: et les intérêts dus par l'acheteur, sans omettre le taux: de chargement. L'article 451 veut que les créances chirographaires deviennent stériles d'intérêts à l'égard de la masse dès le juge­ment déclaratif. Mais comment décomposer cette dette unique~ La déduction des intérêts a été considérée par plusieurs déci­sions comme obligatoire : comm. Saint-Nicolas, 10 septembre 1963, Rev. Banque, 1964, p. 339 ; comm. Gand, 15 février 1964, Journ. trib., 1964, p. 283, et précédente chronique, Rev. c1·it., 1965, p. 63. La doctrine de M. CLOQUET (op. cit., n° 1334) appuie cette solution qui semble d'ailleurs avoir été expressé­ment voulue lors de travaux: parlementaires de 1849-1850 (Rép. prat. dr. belge, V° Faillite, n° 553). LYON-CAEN, t. VIII, no 1170, se penche sur le problème voisin des primes futures dans les obligations d'une société faillie. M. HomN (Dalloz, V° Faillite, n° 1540) formule aussi l'idée que l'accumulation anticipée des intérêts est contraire à l'article 451 mais n'admet la soustrac­tion des intérêts que si le titre permet de les calculer de 1nanière précise. C'est donc à contre-courant qu'un jugement du tribunal de commerce de Gand du 30 mai 1967 (R. W., 1968-1969, col. 1569) a estimé que le prix contractuel véhiculé par des traites mensuelles est indivisible. C'est un tout formant la contrepartie de la livraison au comptant. Il ne peut donc être question d~amputer de leur portion d'intérêts les traites venant à échoir après le début de la faillite. Par contre, ce même

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jugement applique l'article 450, alinéa 2 : voyant que des traites futures deviennent immédiatement exigibles, il veut que celles dont l'exigibilité est avancée d'au moins un an subissent un escompte. Mais il doit demeurer admis que le créancier peut produire sa créance à la faillite de chacun des deux: codé­biteurs. Il calcule alors les intérêts de la créance jusqu'aux dates respectives de chaque faillite (comm. Saint-Nicolas, }er décembre 1963, Rev. Banque, 1965, p. 559), qui, en l'espèce, étaient séparées l'une de l'autre de six semaines (voir ci-après, no 81).

22. ASSIGNATION EN PAIEMENT ET EN FAILLITE.- Comme il avait déjà été dit dans une chronique précédente (R~v. crit., 1961, p. 128), l'on ne peut tolérer qu'un créancier introduise par une même assignation une première action tendant au paiement d'une traite et une action parallèle tendant à une mise en faillite du tiré (comm. Liège, 8 novembre 1968, Jur. comm. Belg., 1968, p. 529). Ceci est de règle. Ce jugement est très motiV'é. Un exploit d'ajournement ne peut sous peine de nullité introduire qu'un seul litige et il n'est fait exception que si l'objet des contestations est le même, que si celles-ci procèdent d'un même titre ou qu'il existe entre elles un lien de connexité. L'action en paiement d'une traite et l'action en déclaration de faillite sont des objets distincts et elles ne procèdent pas d'un même titre puisque, pour la première, celui-ci est l'écrit cambiaire et, pour la seconde, une situation ambiante de cessation des paiements. La première est d'intérêt personnel et n'aurait d'effets qu'entre parties, alors que la seconde est d'intérêt général et produirait effet er ga omnes. La tentation de faire un double procès disparate doit être écartée : notes :J\1:. DEBACKER,

Jur. comm. Bt·ux., 1953, p. 238, et M. VAN REEPINGHEN, Journ. trib., 1957, p. 26; Examen de jurisprudence sur la procédure civile par MM. BERNARD et GuTT, Rev. crit., 1955, p. 149. La question de savoir si l'action en déclaration de faillite peut être subsidiaire est plus délicate : comm. Tournai, 19 avril 1951, Rev. faill., 1950-1951, p. 226, et CLOQUET, n° 861. Le procédé de l'assignation jumelée en recouV'rement et en faillite s'analyse surtout comme un moyen de pression du créancier demandeur. Il faut voir si le co~portement du créancier n'est pas devenu fautif (HouiN, Rép. Dalloz, n° 302, et ÜLOQUET, nos 842 et 869),

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sans que l'on doive toutefois perdre de vue que le mobile de l'assignation en faillite est indifférent si les conditions objectives de la faillite sont réunies (ci-dessus, n° 16).

/ //'23. PRÊT AVANT APPORT. - Un cas curieux: a été tranché par. la Cour de Liège le 10 décembre 1968 ( J ur. Liège, 1968-1969, p. 201). Une somme d'argent avait été prêtée en atten­dant d'être apportée à une association en participation qui se projetait. La mise des fonds à la disposition du futur gérant pouvait encore, d'après les circonstances, être qualifiée de prêt et l'obligation de l'emprunteur se précisait dans la charge d'inté­rêts et le régime fiscal appliqué à ceu:x:-ci.

24. ÛRÉANCE D'IMPÔT. - Lorsque le receveur a déclaré la créance d'impôts à la faillite, il ne peut, de cette seule circon­stance, être déduit qu'il a renoncé à son droit individuel de recouvrement. Certes il est nanti d'un privilège général, mais il est aussi garanti par une -hypothèque légale (cass., 17 janvier 1967, Rev. fisc., 1968, p; 517; Pas., 1967, I, 603, cassant un arrêt de Bruxelles du 28 avril 1965 selon lequel le receveur qui se confonne à une pratique et qui dépose une déclaration de la créance privilégiée du Trésor se met dans la situation des autres créanciers et renonce au droit individuel de recouvrement).

25. ADMISSION AU PASSIF. - PoRTÉE. - Un arrêt de Bru­:x:elles du Il avril 1967 (Journ. trib., 1967, p. 349) est à retenir par l'explication qu'il fournit au libellé de son dispositif. Lors­qu'un failli est condamné au paiement de sommes, il n'y a pas lieu de le condamner de manière proprement dite << mais de dire pour droit quril existe une créance à sa charge>>. Lorsque le tribunal qui statue est celui-là même qui a prononcé la faillite, il peut, .. par même jugement, <<admettre au passif>> la créance dont l'existence a été constatée. Une autre précision est donnée par un jugement du tribunal de com1nerce de Saint-Nicolas du 15 décembre 1964 (R. W., 1966-1967, col. 411) : l'admission, que l'on y voie une convention ou que l'on en fasse l'équivalent d'un contrat judiciaire, ne s'étend qu'à la matière qui en fait l'objet. Il peut être admis cependant qu'elle porte aussi sur des accessoires, comme des intérêts. Si le créancier a été admis pour le principal et qu'il a omis de produire pour les intérêts échus

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avant la failllite, il ne devra pas procéder à unenouvelleformalité de déclaration. L'ouvrage de M. CLOQUET (no 1769) appuie ce point de nombreuses références. ·

Il a été rappelé qu'après la clôture du procès-verbal de véri­fication, le créancier qui entend encore produire à la faillite doit le faire par assignation (comm. Saint-Nicolas, 26 juin 1962, Pas., 1966, III, 29). L'article 508 réglemente ces cas. L'assigna­tion du curateur n'est pas strictement exigée par le texte : VAN RYN et llEENEN, t. IV, n° 2820, et ÜLOQUET, n° 1787. Il existe à tout le moins une tolérance pour la période qui est comprise entre le délai fix:é pour les déclarations et avant la clôture du procès-verbal de vérification (VAN RYN et HEENEN, note 3, p. 353 ; Rép. prat. dr. belge, V° Faillite, n° 1837). Cette facilité a été admise par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 février 1968 (Pas., 1968, I, 747; R. TV., 1968-1969, col. 551).

26. DEMANDE RECONVENTIONNELLE DU CURATEUR. - A l'occasion des vérifications de créances, le curateur peut avoir avant.~ge à introduire une demande reconventionnelle. Cette question est cependant fort délicate. Si une créance est établie, elle doit être admise et le passif de la faillite doit l'inclure. V a-t~o:n la contester en vue de greffer une demande reconven­tionnelle1 Certains auteurs sont assez favorables (CLOQUET, n° 1779), tandis que d'autres insistent davantage sur la célérité inhérente à la vérification et, au surplus, imposée tant par la date de la clôture du procès-verbal que par la tenue de l'assem­blée concordataire de l'article 509.

La question a été traitée par M. BERTEN dans une note au Journal des tribunaux, 1950, p. 561. Un arrêt de Gand du 15 mars 1965 (R. W., 1964-1965, col. 1644) épouse la thèse de FREDERICQ, t. VII, n° 243 :si la demande reconventionnelle du curateur est une défense à la production et vise à réduire la créance, . elle est recevable, tandis que si elle est sans incidence sur le volume du passif, la créance étant admise, mais qu'elle entend mettre dans l'actif un bien ou un montant de dommages­intérêts, elle ne peut être reçue.

27. FERMETURE D'ENTREPRISE. - On sait que le Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises se substitue à l'employeur lorsque celui-ci ne paie

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pas les indemnités prévues. Lorsque ce Fonds les a payées, peut-il recourir contre le curateur de l'entreprise faillie et produire une créance de remboursement1 Le tribunal de com­merce de Bruxelles a répondu négativement le 7 juin 1966 (Jur. comm. Brux., 1966, p. 210). L'analyse de la loi conduit en effet à pareille solution : dans l'hypothèse de la faillite, la fermeture de l'entreprise n'est pas une décision voulue par l'employeur. L'arrêt de l'activité est imposé par le jugement déclaratif qui enlève au failli l'administration de ses biens.

C. -Droit pénal.

28. INDÉPENDANCE DE L'ACTION PUBLIQUE. - Dans un cas d'acquittement pour banqueroute, le juge pénal n'est pas lié par l'autorité de chose jugée d'un jugement déclaratif rendu par la juridiction consulaire ( corr. Mons, 24 novembre 1964, Jou_ n. trib., 1965, p. 284). L'action publique est en effet indé­pendante. L'état de cessation des paiements peut donc être constaté librement par le juge répressif (cass., 20 juin 1966, Pas., 1966, I, 1347). C'est l'état réel de faillite, élément du délit de banqueroute, qui forme le point de départ du délai de pres­cription (même arrêt). L'arrêt est publié avec une note très fournie. RoBERT, dans une étude publiée à la Semaine juridique de 1967, n° 2053, sur<< Le point de départ de la prescription en matière de banqueroute>>, rappelle à travers quels obstacles la jurisprudence française est parvenue à formuler ce principe.

D. - Compétence.

29. << AcTION NÉE DE LA FAILLITE >>. - La demande que forme le Fonds d'indemnisation pour fermetures d'entreprises s'analyse en une production de créance. Le litige est issu de l'état de faillite et n'est pas une contestation ordinaire qui dépendrait du juge de paix (comm. Bruxelles, 7 juin 1966, cité ci-avant au no 27). Par contre l'action que mène un curateur contre les gérants d'une société de personnes à responsabilité pour qu'ils réparent les dommages issus de leurs fautes dans la fondation et dans la gestion est une actio mandati et nullement une action de la faillite (comm. Alost, 1er décembre 1966, R. W., 1966-1967, col. 1294).

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E. -Procédure.

30. JuGE-COMMISSAIRE. - Le juge-commissaire fera à l'au­dience le rapport de toutes les contestations que la faillite pourrait faire naître (art. 463). Cette formalité est substantielle et annule le jugement qui a été rendu sans qu'elle soit suivie (Gand, 9 mars 1965, R. W., 1964-1965, col. 1877). La nullité doit être prononcée d'office (CLOQUET, no 1638; FREDERICQ, t. VII, n° 195, 3° ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, no 2692, 30). Si le juge-commissaire a un empêchement légal, son remplace­ment n'exige pas un jugement particulier. Il suffit que la décision émane du tribunal lui-même et soit prise par le même jugement que celui qui tranche le litige (Liège, 31 mai 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 1 et la note M. H.). Le recours contre les ordon­nances· du juge-commissaire est à porter devant le tribunal (comm. Anvers, 28 septembre 1966, R. W., 1966-1967, col. 1921). Ce jugement répète la disposition de l'article 463. Voir CLOQUET, no 1641

31. REPRISE D'INSTANCE PAR LE CURATEUR. - La reprise d'instance par le curateur n'est pas assujettie à des formes spéciales (comm. Saint-Nicolas, 13 avril1965, R. W., 1966-1967, col. 403, qui n'accueille pas l'objection du défendeur d'après laquelle la reprise d'instance eût dû lui être notifiée). Voir DALLOZ, Rép. de procédure, V 0 Reprise d'instance, n° 23. Une fois l'instance reprise, si le curateur succombe, les dépens sont une dette de la masse, sans qu'il faille les ventiler et distinguer les dépens exposés avant l'ouverture de la faillite et les autres (comm. Liège, 4 décembre 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 117). La même solution existe en France (Rép. Dalloz, vo Faillite, n° 1448), malgré le principe selon lequel la dette de la masse ne pourrait résulter que d'un fait postérieur à sa formation. Voir FREDERICQ, t. VII, p. 186. L'intervention d'.un créancier au degré d'appel est recevable à ses frais (Bruxelles, 26 mai 1965, Pas., 1966, II, 143).

32. APPEL. - C'est le délai abrégé de l'appel (art. 465) en matière de faillite qui continue d'attirer l'attention et qui oblige à vérifier si l'action est vraiment une <<action de la faillite>>. La reprise par un curateur d'un procès en recouvrement

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est un litige ordinaire et nullement un litige né de la faillite. La faillite n'en est, en effet, que la circonstance et non la cause (Bruxelles, 2 février 1963, Pas., 1964, II, 240). Par contre l'opposition à contrainte contre des impôts qui ont été provo­qués par la gestion du curateur constitue une action née de la faillite. Le délai d'appel se contracte donc et devient un délai de 15 jours (Liège, 23 mars 1965, Journ. trib., 1965, p. 331).

F. - Droit international.

33. EGALITÉ DES CRÉANCIERS.- ÜRDRE PUBLIC. - L'on sait que le droit allemand (art. 237 de la Konkursordnung) adopte paradoxalement l'idée de l'universalité de la faillite quand il s'agit des jugements déclaratifs qui émanent de tribunaux allemands, alors qu'il n'accueille pas l'effet chez lui des juge­ments déclaratifs étrangers en invoquant leur territorialité. Par mesure de protection et en s'appuyant sur l'indispensable égalité entre les créanciers, un jugement du 21 juin 1965 du tribunal de commerce de Bruxelles (Jur. comm. Brux., 1965, p. 94, et Jur. comm. Belg., 1968, p. 161, note RAYMOND VAN DER ELsT) s'est refusé de donner effet à un jugement allemand obtenu dans les conditions suivantes. Une société belge, tombée en faillite, était à la fois créancière d'une société allemande A et débitrice d'une société allemande B. Quelques jours après la faillite et malgré le dessaisissement, la société allemande B, pour sauver sa créance sur le failli, fit saisir la créance du failli. Le tribunal de Francfort accepta la saisie-arrêt et ordonna le transfert au demandeur. Le curateur belge, voyant ainsi se détacher une portion de l'actif commun au seul avantage d'un créancier localisé dans le pays de la créance, plaida devant le tribunal de la faillite qui était le tribunal de commerce de Bruxelles. Il prétendait que cette saisie-arrêt lui était inoppo­sable et exigea le remboursement des deniers saisis. Le juge­ment lui donna gain de cause en rappelant que l'égalité des créanciers était un principe de notre ordre public international. Cons. RIGAUX, Précis, p. 406 et suiv.; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2633 ; Examens de jurisprudence précédents, 1961, p. 133, et 1965, p. 66.

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CHAPITRE v. - DESSAISISSEMENT

ET FIXATION DE L'ACTIF.

34. AssuRANCE-VIE. - Le bénéfice de l'assurance-vie con­tractée avant la période suspecte profite-t-il à la masse ou est-il censé ne pas relever du patrimoine du failli 1 Cela dépend de la précision qui fut apportée à désigner le bénéficiaire. Dans un premier cas, il fut décidé que le curateur n'avait aucun droit de s'approprier une indemnité de décès qui avait été recueillie vingt jours avant la faillite. Les bénéficiaires étaient nettement préci­sés, il n'y avait eu aucune prime payée en période suspecte et le capital était peu élevé. Le jugement d'Anvers (comm. Anvers, 14 juin 1967, R. W., 1967-1968, col. 1328) ajoute que la bénéfi­ciaire était une ancienne épouse et qu'il n'y avait donc pas appli­cation de la présomption mucienne. Cette considération incidente doit être entendue avec nuance (V AN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2745; LA.Loux, Traité des assurances, n° 516). Si, par contre, la désignation fut indétenninée pour avoir été faite à l'avantage des héritiers légaux sans autre précision, le capital relève de la succession et profite d'abord aux créanciers (Liège, 5 décembre 1964, Jur. Liège, 1964-1965, p. 122). Aucun tiers déterminé n'a acquis de droit privatif. Sur la question on se référera à CLo­QUET, n° 1257, FREDERICQ, t. VII, n° 93, VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2555, et, en droit français, où un texte, datant de 1930, est plus avantageux pour certains bénéficiaires : Dalloz, V° Faillite, n° 950.

35. CAUTIONNEMENT. - Le cautionnement d'un agent de change est formé d'espèces ou de valeurs qui peuvent être fournies par un tiers. Il sert de garantie aux créanciers qui ont été lésés dans l'exécution par l'agent de change de ses devoirs professionnels. Ce cautionnement demeure la propriété du tiers (cass., 20 juin 1968, Jur. comm. Belg., 1968, p. 456, et Journ. trib., 1968, p. 472). La Cour de cassation cassa un arrêt de Bruxelles qui, le 2 juin 1965, confirmant un jugement de Char­leroi, avait dit que le cautionnement était la propriété de l'agent de change. Cela eût entraîné le droit pour la masse de s'en saisir après le règlement des privilèges assis sur lui. En l'espèce, l'assiette était largement absorbée par les créanciers privilégiés

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et la question s'était, en cours de litige, déplacée pour faire apprécier s'il entrait dans la mission du curateur de représenter les créanciers privilégiés. Ce point a été examiné plus haut, n° 15.

36. SOMMES OU BIENS ENTRÉS EN POSSESSION DU FAILLI

APRÈS LE JUGEMENT. - Un failli avait été chargé de faire suivre une somme d'argent. Le mandant qui l'avait chargé de ce transfert ignorait qu'au moment où-il conférait cette mission, le mandataire était failli. Le transfert avait eu un commence­ment d'exécution lorsque le curateur intervint et l'arrêta. Le mandant exigea la restitution au motif qu'il y avait erreur sur l'identité du mandataire : croyant s'adresser au failli, il s'était, en réalité, adressé à un mandataire de justice, le curateur. Le curateur estimait que l'erreur ne portait que sur la solvabilité. Le tribunal de commerce jugea que la revendication du remet­tant était possible parce que l'actif de la faillite n'avait recueilli la somme en transit qu'à titre de dépôt précaire (comm. Bruxelles, 23 juin 1966, Jur. comm. Brux., 1966, p. 291). Le failli était un fournisseur qui devait restituer un prix: qu'il avait reçu une deuxième fois. Le problème était très marginal et le jugement s'explique mal sur le moment initial du dessai­sissement.

L'actif est évidemment défini lors du jugement déclaratif. Les marchandises livrées après la faillite (en l'espèce un mois) donnent naissance à une dette de la masse si le curateur les vend. Que ce dernier les ait inclus dans l'inventaire et que le fournisseur eût été négligent n'évite pas que pareil envoi n'a pas augmenté le crédit apparent aux yeux: des débiteurs et qu'il s'agit d'un cas d'enrichissement de la masse (Liège, 20 avril 1967, Jur. Liège, 1967-1968, p. 42; FREDERICQ, t. VIII, n° 491 ; Rép. prat. dr. belge, v° Faillite, n° 2395). Le curateur avait vendu les marchandises pour 41.660 francs alors qu'elles avaient été facturées. pour 61.171 francs. Il ne fut condamné qu'à restituer le prix: obtenu et non la valeur. Cette solution est discutable : MM. VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2797, l'acceptent si le curateur n'a commis aucune faute alors que M. PIRET, Droit au prix, p. 149, enseigne que le curateur, n'eût-il point été sommé de restituer, serait débiteur de la valeur des biens. M. HouiN,

Dalloz, n° 1444, parle aussi d'indemnité compensatrice. D'autres

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auteurs ne précisent rien à cet égard : FREDERICQ, t. VIII, no 470> et CLOQUET, n°8 1206 et 1296.

37. EMBALLAGES EN CONSIGNATION. - Qu'en est-il des emballages en consignation, connus chez nous sous le nom, ignoré par le dictionnaire, de <<vidanges >> ~ Le problème est déli­cat car il y a plusieurs hypothèses voisines (VAN RYN et HEE­NEN, t. III, n° 1691). Malgré leur provenance tierce, le curateur, s'il les trouve matériellement entre les mains du failli, peut les considérer comme des éléments de son actif. Encore faut-il que le failli détenteur n'en soit ni vrai dépositaire ni véritable emprunteur. Un arrêt de Bruxelles du 18 novembre 1964 (Pas., 1965, II, 248) a analysé le cas d'une laiterie qui, dans la faillite d'un grossiste, avait repris le soir de la faillite une quantité fort élevée de <<vidanges>> qui avaient accompagné les livrai­sons de lait et qu'elle estimait lui appartenir. Le curateur en erigea la restitution. Il triompha parce que le failli n'avait pas les devoirs d'un dépositaire, n'ayant ni l'obligation de garde ni l'interdiction de les employer, ni, en outre, les devoirs d'un emprunteur qui devait, après usage, retourner la chose à son prêteur. La Cour vit dans l'opération les traits d'une vente achevée avec faculté pour l'acquéreur, le failli, de se faire rem­bourser s'ille voulait. Deux objections naissaient. Une première objection venait du fait que les <<vidanges >> avaient été compta­bilisées de manière distincte sur les factur~s : la Cour n'y vit qu'une précaution fiscale pour diminuer l'assiette de la tax:e de transmission. L'autre objection était plus dangereuse: les<< vidan­ges>> portaient la marque indélébile de la laiterie. N'était-ce pas la preuve qu'elles demeuraient la propriété du fournisseur, puisque leur valeur marchande s'en trouvait réduite à peu de chose~ L'arrêt ne s'arrêta pas à ce raisonnement : ces marques étaient une forme de publicité et servaient à contrôler les <<vidanges>> restituées. Il n'était pas inex:act de plaider que la marque indélébile enlevait presque toute la valeur marchande : le législateur lui-même, dans les primes accompagnant les ventes (art. 2 de l'arrêté royal du 18 mars 1935 sur les ventes à primes), est compris par la doctrine (FREDERICQ, Handboek, t. rer, p. 384; VAN RYN et HEENEN, t. III, n° 1747 ; VAN GERVEN, A. P. R., vo Koop en verkoop met premie, n° 98) et par la juris­prudence (cass., 18 février 1957, Pas., 1957, I, 723) comme

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tolérant les primes dont la valeur de revente est annihilée par une marque indélébile. L'utilité de la marque indélébile de provenance sert surtout à rendre le contrôle du remboursement plus efficace. Il y a sur ce point un arrêt de Paris du 20 mars 1959 qui fut très comn1enté (Dalloz, 1959, p. 268, note MAZEAUD, et Rev. trim. dr. comm., 1960, p. 133, n° 8, note HÉMARD) : l'usage imposé par les difficultés de vérification fait présumer que le porteur d'une bouteille vide l'a acquise avec le vin et fait dire qu'il jouit du droit de s'en faire rembourser le prix. Un négociant ne saurait systématiquement être contraint de reprendre un lot de bouteilles lorsque leur nombre et la person­nalité de leur possesseur démontrent que, manifestement, il est étranger au contrat originaire. Il faut, en effet, éviter, to:ut spécialement en matière de faillite, que l'on ne gonfle de la sorte l'actif d'éléments matériels à transformer de plana en argent. Il faudra donc toujours scruter les conditions juridiques qui caractérisent la vente latérale des <<vidanges >>. Il peut même advenir que le remboursement de la consignation soit soumis à la conclusion d'uri nouveau marché. Enfin, le problème peut se greffer sur une tentative de compensation, comme on l'a vu dans l'arrêt ci-dessus et clans un jugement de Saint-Nicolas du 20 avril 1965 que nous commenterons dans la matière de la compensation (n° 46).

38. CRÉANCE SAISIE ou CÉDÉE. - Le créancier saisissant qui réussit dans la validation de la saisie-arrêt voit-il la créance entrer dans son patrimoine 1 La question est trouble car la portée de la saisie-arrêt validée prête à discussion : cass., 4 mai 1933, Pas., 1933, I, 216; FREDERICQ, t. VII, n° 142 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 281, note 2; Chronique précédente, p. 69; Paris, 8 novembre 1962, Dalloz, 1963, Somm., p. 38.- Voir ci-après, n° 60. La signification de ce jugement de validation a été examinée par le tribunal de commerce de Liège (12 novem­bre 1966, Jur. Liège, 1966-1967, p. 85) et par la Cour d'appel de Liège qui confirma le 6 novembre 1967 (Jur. Liège, 1967-1968, p. 81). La chronologie du cas était simple : un créancier avait eu la prudence de faire une opposition par lettre chez un notaire (24 septembre 1965) et il avait obtenu un jugement de validation qui fut signifié (8 avril 1966), quelques semaines avant la mise en faillite (16 juin 1966). Le notaire était demeuré

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en possession des fonds mais il fut considéré comme le gérant d'un compte individualisé et destiné à qui justice dirait. Ce qui est à retenir dans les décisions est que les magistrats liégeois ont assez nettement estimé que le jugement de validation enlevait la somme et la mettait dans le patrimoine du saisissant, alors que l'arrêt de cassation de 1933 laissait la créance dans la propriété du débiteur (contra : Dalloz, v° Faillite, no 1272).

Le curateur peut-il, d'un autre côté, étendre la main sur une créance que le futur failli avait vendue sans qu'il fût procédé aux formalités de l'article 16901 C'est de principe. Sa position de tiers permet au curateur de se camper dans les droits de ceux-ci au regard desquels une créance ne quitte le patrimoine que lorsque la sortie est faite de manière opposable erga omnes : CLOQUET, n° 325 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, no 2678, 3o ; FREDERICQ, t. VII, n° 77 ; Dalloz, V° Faillite, no 1395. Il ne faudrait pas aller cependant jusqu'à rejeter les formalités locales équivalentes à celles de l'article 1690 (comm. Verviers, 19 jan­vier 1967, Jur. Liège, 1966-1967, p. 277). Mais quelles sont-elles1 Dans le cas plaidé devant les juges de Verviers, un exportateur belge était prisonnier d'une créance sur un acheteur turc, la créance ayant été bloquée par un moratoire général de l'Etat turc pour toutes les dettes de la Turquie en devises étrangères. Un compatriote turc avait acquis la créance avec un rabais spéculatif de quinze pour cent. Il ne signala la mutation qu'au banquier belge du cédant. Quand l'exportateur tomba en faillite, surgit le problème de savoir si la créance avait à être payée au curateur du cédant ou bien au cessionnaire turc. Le tribunal estima avec raison que la simple information à un banquier était une formalité insuffisante pour qu'une cession de créance devienne dûment opposable. Le cessionnaire fut donc disqualifié comme titulaire de la créance : comme il avait remis un prix au cédant, futur failli, il était néanmoins créancier dans la masse pour ce qu'il avait versé. La question des formalités équipollentes à celles de notre article 1690 semble· très touffue en droit international privé. Les systèmes sont différents, les uns penchant vers la loi du débiteur cédé, les autres vers la loi de la créance transmise. Voir RIGAUX, Précis, n° 335; Dalloz civil, vo Cession de créance, n° 719; Rép. prat. dr. belge, v 0 Trans­port de créance, nos 9 et suiv., principalement no 12 ; BATTIFOL, Traité, n° 540.

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39. FONDS CONFIÉS A UN NOTAIRE. - Un failli souhaitait obtenir un prêt hypothécaire. La somme prêtée se trouvait déjà entre les mains du notaire et l'emprunteur n'apportait pas sa garantie hypothécaire. Lors de la faillite, le curateur vint prétendre que les fonds déposés avaient accru l'actif et dev-aient servir aux créanciers chirographaires. A fort juste titre, le tribu­nal civil de Liège, le 25 avril 1968 (Jur. Liège, 1967-1968, p. 306), le débouta. Le notaire était dépositaire commun. Le prêt était soumis à la condition de l'octroi d'une affectation hypothécaire et le notaire avait donc l'obligation alternative soit de faire suivre les fonds à l'emprunteur dès que celui-ci aurait réalisé la condition soit de retourner les fonds au prêteur si la co~dition n'était pas réalisée, ce qui fut le cas avant la faillite, ou si elle était devenue irréalisable, ce qui était le cas après le jugement déclaratif. Ce problème n'est pas neuf: cass., 20 avril 1939, Pas., 1939, I, 194; étude VAN DE VoRsT, Rev. not., 1938, p. 257 ; FREDERICQ, t. VII, n° 96, et CLOQUET, no 1292.

40. VENTE IMMOBILIÈRE NON TRANSCRITE. - Plus cruelle encore peut être la situation de certains contractants du failli lorsqu'ils ont négligé de rendre une opération immobilière opposable aux tiers alors qu'elle l'était au futur failli. C'est l'hypothèse que trancha le tribunal de commerce de Bruxelles le 9 mai 1967 (Jur. comm. Brux., 1967, p. 216), dans une faillite d'entrepreneur. Les clients de l'entrepreneur étaient proprié­taires du terrain mais Hs avaient renoncé au droit d'accession parce que le constructeur érigeait plusieurs appartements super­posés. Lorsque le prix des travaux fut payé, le constructeur, par une convention qui était demeurée sous seing privé, reconnut que les clients étaient devenus propriétaires de leur niveau. Il n'y eut aucune transcription et la faillite survint. Comme la vente portait sur un bien immobilier et qu'elle n'avait pas été rendue opposable aux tiers par la transcription, le curateur, s'affirmant au rang des tiers, estima que l'appartement était toujours dans l'actH de la faillite. Aucun égard ne fut donné aux multiples circonstances qui avaient démontré un compor­tenlent de propriétaire dans le chef des n1aîtres de l'ouvrage, nota1nment le paiement des charges de copropriété. L'article 1er

de laJ loi hypothécaire est en effet très absolu. Pouvait-on par-

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1er d'un droit de rétention 1 Les clients étaient créanciers de la faillite pour la rétrocession du prix payé et il y avait bien un lien matériel de connexité entre la chose occupée et retenue et la créance des rétenteurs. Le droit de rétention est possible dans le domaine immobilier, à preuve les articles 555 et 867 du Code civil, mais les plaideurs retombaient dans la même ornière parce que la rétention immobilière implique aussi l'oppo­sabilité préalable du titre (DE PAGE, t. VI, no 818). Cons. VAN ÜMMESLAGHE, étude, Rev. crit., 1963, p. 84, no 14. Sur le droit réel antérieur à la détention de l'excipant : PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, t. VI, n° 458, b.

Il fut même jugé qu'un entrepreneur ne pouvait livrer· un appartement tout à fait similaire à celui du contrat, à peine d'opérer une dation en paiement inopposable à la masse : cass. fr., 15 juillet 1968, Rev. trim. dr. comm., 1969, p. 201.

Un beau cas de principe fut plaidé devant le tribunal civil de Tongres (5 mai 1967, R. W., 1967-1968, col. 549). En 1953, un père avait vendu un petit terrain pour 7.500 francs mais ni lui ni son acheteur n'avaient songé à enregistrer ou à faire transcrire la mutation. La propriété immobilière n'avait donc fait l'objet que d'un transfert purement conventionnel. La situation se prolongea après la mort du père. Survint ensuite la faillite de deux des quatre héritiers du vendeur. Leur curateur considéra tout normalement que le terrain avait été hérité par les faillis et que la moitié de ce bien relevait de la faillite. La vente publi­que eut lieu et donna 44.000 francs. L'acquéreur de 1953 réclama ce montant. Le tribunal de Tongres dénoua la situation de manière fort juste : il était difficile de ne pas ad1nettre l'acqué­reur comme créancier d'une restitution vis-à-vis de la faillite et le montant à restituer était de la moitié du prix versé en 1953 soit 3.750 francs. Par contre, les deux autres héritiers, ayants cause universels in bonis, étaient liés par l'acte de vente et n'appartenaient pas à la catégorie des tiers qui sont en droit d'invoquer le défaut de transcription. N'était la vente publique décidée par le curateur, les héritiers n'auraient pu considérer comme n'étant pas vendu l'immeuble aliéné conventionnellement par le père et ils auraient dû en faire délivrance. Le problème est, ici, de droit civil : PLANIOL et RIPERT, Tr;·aité pratique, 2e éd., t. III, n° 643, 20; Rép. prat. dr. belge, vo Hypothèque, n° 365; DE PAGE, t. VII, vol. 2, n° 1071, B, 2°.

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41. RESCISION POUR VENTE IMMOBILIÈRE AVEC LÉSION n'ouTRE-MOITIÉ. - Le curateur, au contraire, agit aux droits du failli lorsqu'il fait jouer l'article 1674 du Code civil dans le cas d'un failli qui avait vendu un immeuble et avait recueilli un prix inférieur aux: cinq douzièmes de sa valeur. Il faut supposer que le curateur reprenne une instance qui fut entamée ou que lui-même l'ait introduite dans le délai de deux ans depuis la vente. L'action en rescision passée comme valeur patrimoniale entre les mains du curateur, ne manque pas de soulever des difficultés. Un arrêt de la Cour de Liège du 15 janvier 1964 accepta de prononcer une rescision au profit d'un curateur (Rec. gén., 1966, p. 373). La vente avait porté sur des bois et des prés et la lésion était établie. Le prix sincère de l'acte était de 898.313 francs alors que la valeur vénale avait été expertisée à 2.444.488 francs. Comme l'y autorisait le Code, l'acheteur opta pour la remise du bien. Les restitutions mutuel­les étaient délicates : d'un côté, l'état et la valeur des biens devaient être reconstitués au jour de la vente (art. 1675; DE PAGE, t. IV, no 355 ; PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, 2e éd., t. X, n° 244) ; d'autre part, certaines coupes pouvaient être admises pour une mise à fruit normale tandis que d'autres avaient marqué une amputation de la valeur en capital. Com­nlent les restituer par équivalent~ Le curateur, ayant cause du vendeur, avait à rendre le prix en y ajoutant les intérêts depuis la demande de rescision. Les acheteurs ne manquèrent pas d'invoquer la compensation entre les deux rapports réciproques. Le curateur refusait au motif que la créance de reconstitution du bien devait être l'objet d'une expertise et n'était donc pas liquide. Admettant que les deux créances étaient ex eadem causa, la Cour de Liège accepta le jeu de la compensation.

La rareté du cas vient de ce que pour combattre les <<actes lésionnaires >> l'article 445 arme le curateur, revêtant cette fois la qualité d'organe de la masse, de l'inopposabilité de plein droit à la masse, pour autant que le contrat soit inséré dans la période suspecte et les dix jours qui la précèdent et que <<la valeur de ce qui a été donné au failli dépasse notablement celle de ce qu'il a reçu en retour>> (CLOQUET, n°8 290 à 293 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2719, a). Encore faut-il que la<< lésion>> prenne l'aspect d'une libéralité partielle, car l'article 445 con­temple cette catégorie d'actes sous l'angle de la libéralité plus

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ou moins apparente qu'ils contiennent (FREDERICQ, t. VII, p. 220, b). Il est utile de rappeler ici que le droit français, dans la loi de 1967, a ajouté cette variante d'actes au sein desquels les prestations sont en net déséquilibre (Dalloz, vo Faillite, Complément 1968, n° 1106, 2°; RIPERT, n° 2736). Voir ci-après n° 59.

42. INTERVENTION DU CURATEUR DANS LE PARTAGE. - Il peut advenir que la consistance de la masse soit fort variable selon la nature des lots d'un partage, indépendamment de leur valeur. L'actif de la faillite s'étend à la partie mobilière d'une succession qui échoit à la femme du failli et qui devait tomber dans la communauté légale. Dans un cas soumis au tribunal d'Arlon (jugement du 6 février 1968, Jur. Liège, 1968-1969, p. 109) le de cujus était le beau-père du failli. Il était mort le 31 août, et malgré la situation difficile du mari, l'épouse avait tardé à demander la séparation judiciaire jusqu'au 27 octobre suivant. Le jugement, peu motivé en droit, est intéressant en ce qu'il examine comment la masse faillie peut intervenir dans le partage pour que le lot attribué à l'épouse ne soit pas unique­ment immobilier et reste propre. Le curateur doit tenir compte d'une quotité du passif successoral et accueillir l'épouse au rang des créanciers dans la masse pour ce qu'elle perd. L'intervention du curateur dans un partage ne semble pas avoir attiré l'atten­tion des auteurs. On consultera DE PAGE, t. IX, p. 834, 2°, B, qui, ouvrant au créancier le droit de surveiller les opérations du partage afin de <<discuter toute mesure irrégulière de nature à lui causer préjudice>>, donne comme exemple d'empêcher que le lot du débiteur ne comprenne plus de meubles que ne l'impose l'égalité en nature des héritiers. La composition trop adroite du lot est également citée par PLANIOL et RIPERT, t. IV, n° 538, comme raison valable de l'intervention du créancier. La cour de Liège, le 11 mars 1969 (Jur. Liège, 1968-1969, p. 258), con­firma .le principe que la masse faillie a qualité pour provoquer le partage en vue d'obtenir la quote-part dans les droits mobi­liers. On a parfois inv·oqué l'inopposabilité facultative de la période suspecte lorsque le failli avait été mêlé aux opérations de partage (cass. fr., 26 juin 1968, Rev. trim. dr. comm., 1969, p. 208).

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CHAPITRE VI. - LA COMPENSATION.

43. LIQUIDITÉ. - Un jugement inédit du tribunal de com­merce d'Ostende, rendu le 15 mai 1962, tranche le cas dans lequel un curateur réclamait, pour le compte de son failli, le solde de travaux: d'entreprises. Le maître de l'ouvrage avait, de son côté, livré une voiture au futur failli et les deux montants réciproques étaient de même ampleur. Les dettes opposées étaient manifestement de sources disparates. La compensation fut cependant sauvée parce que les conditions d'une compen­sation légale existaient avant le jugement déclaratif. Il y avait quelques contestations mineures au sujet de la liquidité des montants, mais le tribunal se conforma à la doctrine selon laquelle une compensation ne peut pas trop rapidement perdre son caractère légal parce que des discussions sont provoquées (DE PAGE, t. III, n° 635).

44. RAPPORTS CONTRACTUELS. - Les créances peuvent tou­jours se neutraliser par compensation lorsqu'elles trouvent leur origine dans des rapports contractuels étroitement liés. Principe réaffirmé par la Cour de Bruxelles le 12 décembre 1962 (Pas., 1964, II, 186). Une société fabriquait depuis longtemps des meubles d'acier pour la ville d'Anvers lorsqu'en avril 1958, !'"administration communale mit fin à plusieurs commandes en cours. La société tomba en faillite sept mois plus tard. La commune d'Anvers offrit de payer à la faillite une somme assez réduite, résultat d'un compte où la compensation avait joué entre plusieurs montants. Or, bien avant la période sus­pecte, la future faillie avait cédé certaines créances à son four­nisseur d'acier par des transferts dûment signifiés à la ville d'Anvers, débitrice cédée. Le cessionnaire plaidait que les m·éan­ces devaient sortir du compte général et qu'elles avaient à lui être payées. La cour ne suivit pas ce raisonnement, considérant que les dettes et les créances de la ville d'Anvers envers la faillite étaient totalement imbriquées les unes dans les autres. On sait que lorsque la forme du transfert n'est pas l'acceptation du débiteur cédé (art. 1690), l'exception de compensation n'est pas morte.

Une société avait poursuivi en justice le paiement de factures qui lui étaient dues pour de multiples ex:péd.itions de marchan-

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dises. Dans l'une des opérations de transport, une faute avait été eommise : la compensation fut admise entre l'indemnité réparatrice qui était due par le failli et le montant correspondant de la facture qui lui revenait. La compensation ne put jouer avec les factures d'autres expéditions qui étaient des contrats distincts. La Cour de Bruxelles, en tranchant .ainsi (arrêt du 2 février 1963, Pas., 1964, II, 240), insista, par deux fois, pour rappeler qu'il n'y avait pas de compte courant entre les parties.

Il y a compensation entre le crédit que constitue -la garantie versée pour les services de gaz et electricité et le débit que le failli doit pour les consommations (comm. Liège, 29 avril 1967, Jur. Liège, 1967-1968, p. 30).

Dans un jugement inédit d'Ostende du 19 janvier 1965, la compensation fut admise entre d'une part des factures de tra­vaux publics à payer au failli et d'autre part des dommages­intérêts qui étaient dus par le failli parce qu'il avait inter­rompu le contrat. La particularité du cas venait de ce que les factures avaient déjà été réduites en proportion des travaux non accomplis. Comme les dommages-intérêts pouvaient être plus amples que cette simple déduction, le tribunal, après avoir admis la connexité, désigna un expert.

Le tribunal de commerce de Gand, le 21 janvier 1965 (R. W., 1965-1966, col. 1700), se prononça d'une manière favorable à la compensation dans une affaire assez spéculative entre deux grossistes internationaux. Un contractant du failli avait une dette importante envers lui, mais il excipait d'une créance de dommages-intérêts. En effet, dix jours avant le jugement décla­ratif, au moment où il s'aperçvt que le futu-r failli était en défaut d'exécution sur un autre marché, il mit fin aux relations d'affaires et s'appuya sur une clause de leur contrat qui permet­tait une prmnpte détermination des dommages-intérêts en autorisant à les calculer par simple différence de cours. Il plaça sa dette et sa créance en compte sept jours avant le jugement déclaratif, les balança et parla de compensation. Il est exact qu'une dette aisément liquidable équivaut à une dette liquide. Dans la même faillite, la compensation fut au contraire écartée par la Cour de Gand au désavantage d'un autre créancier (arrêt du 7 mars 1966, Journ. trib., 1966, p. 375). Les circonstances étaient fort semblables. Le créancier et le futur failli avaient également croisé deux spéculations, un contrat de vente le 12 jan-

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vier de 500 tonnes et un contrat d'achat le 31 janvier de 600 ton­nes du même produit. La résolution des deux contrats était certaine et la question était de voir si les deux montants de dommages-intérêts allaient entrer en compensation. Le créancier devait 10.330 $pour la résolution du contrat du 12 janvier tandis que la faillite devait 18.300 $pour la résolution de l'autre contrat. Malheureusement les dommages-intérêts de ce deuxième contrat ne furent déterminés que 45 jours après le jugement déclaratif. Le créancier-débiteur fut condamné à payer toute sa dette et dut se contenter d'un dividende pour sa créance dans la faillite : cette créance de dommages-intérêts pouvait, de par la convention, se calculer de deux manières forfaitaires, au choix: du créancier, mais en l'espèce le choix ne fut pas exercé. Les deux: rapports juridiques étaient-ils à tout le moins connexes~ Non, les deux: contrats avaient une vie autonome : dates et livraisons distinc­tes, de même que paiements séparés.

45. AssuRANCE. -Le 13 mai 1965, le tribunal de commerce d'Ostende rendit un jugement qui mériterait publication. Il est de doctrine assez clairement exprimée (Jurisclasseurs de droit commercial, Faillite, fasc. 40, n° 147 ; CLOQUET, op. cit., no 1358 ; comm. Liège, 30 janvier 1961, Jur. Liège, 1961-1962, p. 63 ; LYON-CAEN et RENAULT, Traité, t. VII, p. 246 ; V AN RYN et HEENEN, op. cit., t. IV, p. 244 ; cass. fr., 25 mai 1943, D., 1944, p. 25, note BEssoN) que les obligations réciproques de l'assureur et de l'assuré tenus respectivement en vertu de la police, l'un de payer une indemnité, l'autre d'acquitter les primes échues, échappent, vu la connexité, à l'interdiction de compensation. Le résultat global est seul à considérer quand on fait le point comptable. Il y a donc imputation des primes sur la dette d'indemnité. C'est cet enseignement qui trouva application dans notre décision. Le failli devait une somme assez élevée de primes arriérées pour une police qui couvrait sa respon­sabilité dans une entreprise de réparation de bateaux:. Un acci­dent de chantier s'étant produit, le futur failli devint créancier pour une indemnité de sinistre. La compensation entre les deux: obligations réciproques, issues d'un même rapport contractuel, fut évidemment admise. C'est en avril que les parties convinrent de compenser les deux: montants qui étaient à peu près équi­valents. La faillite fut ouverte en juillet. L'accord se plaçait

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donc en pleine période suspecte. La compensation purement légale fut quelque peu troublée par la circonstance que les primes avaient été payées à l'assureur par le courtier si bien que la parfaite réciprocité des obligations (prime et indemnité) pouvait être discutée. Le tribunal en sortit par un raisonnement a fortiori : si même la compensation légale trébuchait, la conne­xité des obligations n'en eût pas moins sauvé la compensation. Voir en droit français : cass., 15 janvier 1968, Rev. trim. dr. comm., 1969, p. 194.

46. EMBALLAGES. - Un fournisseur était créancier de 34.000 francs, mais il était en possession de 3.200 francs consignés pour la restitution de <<vidanges>>. Après la faillite il voulait faire compensation, tout en réclamant le retour des<< vidanges>>. Il y avait manifestement double emploi et, du moment que le curateur restituait les << vidanges >>, la somme de garantie était sans cause entre les mains du fournisseur (comm. Saint-Nicolas, 20 avril 1965, R. W., 1966-1967, col. 409). Sur le problème général, voir le n° 37.

47. CoMPENSATION CONVENTIONNELLE. - Selon la Cour de Liège, dans un arrêt du 5 novembre 1965 (Journ. trib., 1966, p. 304), une compensation conventionnelle peut s'opérer en période suspecte si elle fut convenue de bonne foi avant cette période. Principe appliqué aux honoraires 1nérités par un avocat et aux sommes qu'il avait recouvrées et qu'il devait tenir au curateur. Est-ce bien de compensation conventionnelle qu'il s'agit~ Où se trouve l'accord d'honoraires proportionnels~ Ce qui protège la créance d'honoraires et ce qui lève même l'obstacle de liquidité ou d'exigibilité, c'est le lien de connexité entre les deux montants encaissés et les frais sensu lato, deux: sommes issues d'un louage de services, l'une étant le résultat produit, l'autre la rémunération.

48. EcHANGE MATÉRIEL. - La compensation évoque le croisement de deux obligations. Quand il s'agit d'un échange matériel qui fut erronément qualifié de compensation, la réali­sation de l'échange en période suspecte n'a rien d'irrégulier (comm. Verviers, 23 février 1967, Jur. Liège, 1966-1967, p. 286).

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Un contractant achète au futur failli des panneaux: de bois contre· des fournitures d'arbres~ Il introduit une créance pour une petite soulte et le curateur lui répond qu'il y a compen­sation artificielle et que, les choses étant rectifiées, il doit tout le prix des panneaux: livrés et doit produire pour ses fournitures de matières premières. Le jugement est très nuancé : ce n'est pas une compensation ni une dation en paiement de mauvais aloi. Il n'y eut pas une créance initiale dans le chef du deman­deur lequel se serait fait ensuite donner les panneaux en paie­ment. C'est un contrat dans lequel ab initia les parties se sont promis de livrer une chose pour une autre. Seule la soulte du copermutant le plus fourni est une créance. Ce qu'il y a de marginal en l'espèce est que fort r;are sera le cas d'un fournisseur de matières premières qui soit normalement intéressé à l'achat de produits finis.

48bis. REPRÉSENTANT DE COMMERCE. -Un beau cas de com­pensation apparaît dans une décision du tribunal de Termonde du 31 mars 1967 (R. W., 1967-1968, col. 100). Un représentant avait droit à un arriéré de comrnissions, mais il était débiteur d'un prêt dont il avait bénéficié. En principe, louage de services et prêt sont deux sources distinctes d'obligations. Comme le prêt avait servi à l'achat d'une voiture grâce à laquelle le repré­sentant effectuait son travail, la connexité se manifestait de la sorte. La compensation entre les sommes. à rembourser et les commissions à percevoir fut admise.

49. ABSENCE DE CONNEXITÉ. - Il apparaÎt dans Ull juge­ment du 6 avril 1967 du tribunal de commerce de Verviers, décision inédite, que le curateur avait exigé le paiement d'une somme importante se trouvant au compte débiteur de celui qui avait géré l'affaire. Le débiteur opposa qu'il avait lui-même, comme caution, été amené à payer une dette de la société après la faillite. Le tribunal estima qu'il n'y avait aucune connexité parce que les sources des deux dettes étaient différentes. Ce jugement fut confirmé par la Cour d'appel de Liège le 4 mars 1968 (Jur. Liège, 1968-1969, p. 145).

Connexité par contre, proclame le tribunal de c01nmerce de Liège, le 29 avril 1967 (Jur. Liège, 1967-1968, p. 30), entre la

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dette du failli du chef de consommation de courant et la créance de restitution de la garantie d 1abonnement.

Dans une décision inédite, le tribunal de commerce de Tour­nai; le 1er juillet 1966, a admis la compensation dans les rapports entre un entrepreneur et une usine de bétons. Il y avait d'une part une dette de fournitures, d'autre part une créance de dommages-intérêts pour fournitures tout à fait distinctes qui étaient mauvaises. Les contrats, les fournitures, les chantiers n'avaient aucun rapport de connexité.

Enfin, dans un jugement du 15 février 1968, le tribunal de commerce de Bruxelles (Journ. trib., 1968, p. 277) répudia la compensation entre deux agents de change dont l'un était failli et dont l'autre était simultanément débiteur de titres et créancier de francs suisses : les deux rapports avaient une source distincte, le premier était l'obligation de livrer des titres autrichiens déjà payés, le second découlait d'une créance de restitution de francs suisses qui avaient été empruntés, non seulement il n'y avait pas eadem causa, mais les dettes ne por­taient pas sur des choses fongibles de même espèce (C. civ., art. 1291).

50. CRÉANCE PRIVILÉGIÉE ET CRÉANCE DE LA MASSE. - La compensation ne peut jouer entre une créance de la masse et une créance privilégiée. Le tribunal de Tongres devait examiner quel était le dommage dû à la masse par un créancier gagiste sur fonds de commerce qui avait précipité la réalisation de certains actifs (voir ci-après, n° 76) et qui, à cette occasion, avait endommagé plusieurs objets. La masse avait droit à réparation. Cette créance de la masse pouvait-elle être imputée sur ce qui devait être payé au créancier gagiste~ Le tribunal répondit négativement (Tongres, 17 juin 1966, R. W., 1966-1967, col. 2063). Ce procès portait sur des montants fort réduits et le tribunal voulut se prononcer en principe. Un écho semblable se retrouva en jurisprudence française (cass. fr., 6 novembre 1968, Sem. ju1·., 1969, n° 15759) : une banque avait été déclarée res­ponsable de l'accroissement du passif et devait réparation à la masse. Elle était parallèlement créancière de la masse pour avances faites au failli. La compensation fut rejetée. Elle avait été admise par la Cour de Douai le 12 janvier 1967 dont l'arrêt fut cassé.

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51. CoNTRATS DISTINOTS. - La compensation est possible au sein de rapports contractuels qui s'interpénètrent mais non lorsque les contrats sont distincts (comm. Bruxelles, 11 juin 1968, Jur. comm. Belg., 1968, p. 471). Sans autre précision, le tribunal dit qu'il y avait d'un côté des factures dues au failli, d'autre part une dem~nde reconventionnelle dans laquelle il était demandé au failli de réparer les suites dommageables de l'inexécution d'une commande.

On lira l'arrêt de Liège commenté n° 41 en matière de rescision d'une vente. Pour la convention de . compensation, cons. Paris, 5 mai 1969, Dalloz, 1969, Somm., p. 74.

CHAPITRE VII. - LES DROITS DU VENDEUR.

Dans la doctrine récente, les droits du vendeur, en cas de faillite, ont fait l'objet d'une étude détaillée dans l'ouvrage consacré à la <<Journée Jean Dabin >> du 17 mai 1968 : Idées n;ouvelles dans le droit de la faillite, et le lecteur se reportera aux: pages 235 et suivantes.

52. RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ.- CLAUSE RÉSOLUTOIRE EXPRES­SE.- Le vendeur qui s'est protégé en refoulant le transfert de la propriété aussi longtemps que l'acquéreur n'avait pas réglé tout le prix, peut-il, lorsque cet acquéreur tombe en faillite, revendiquer <<sa>> chose1 C'est un problème qui dépend de l'époque à laquelle la revendication est formulée. Si elle l'est avant l'apparition d~un concours, la masse des créanciers d'une faillite n'étant qu'une des hypothèses de concours, la revendi­cation peut réussir. Il importe même peu qu'elle soit exercée en période suspecte car ce n'est pas la cessation des paiements comme telle qui forme obstacle. Il advient que certaines situa­tions soient même toutes proches du jour du jugement décla­ratif. Quelques semaines avant qu'il ne soit mis en faillite, un commerçant s'achète une voiture. Le contrat du 1er mars 1966 prévoit l'étalement du prix: en trente-six mensualités. La con­vention contient une réserve de propriété et ne la soumet à aucune mise en demeure obligatoire. L'acheteur ne paie rien. Le 28 avril suivant, le vendeur pratique une saisie conservatoire et la voiture lui est restituée. La faillite est prononcée le 14 mai. Le véhicule n'avait été l'objet d'aucune autre saisie. Cette revendication fut jugée régulière (trib. Termonde, siégeant con-

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sulairement, 1er février 1967, R. fV., 1966-1967, col. 1621). L'on ne pouvait parler en l'espèce de<< paiement par résolution amia­ble>>, notamment parce que la revendication était l'objet d'un acte unilatéral du vendeur.

Passé le jour du jugement déclaratif qui rasse1nble les créan­ciers en une masse, la clause de réserve de propriété est inopé­rante (Bruxelles, 23 septembre 1963, Pas., 1964, II, 235), sauf si l'acheteur failli jamais n'avait été mis en possession (cass., 2 mai 1964, Pas., 1964, I, 932). L'on explique, en effet, la stérilité de la réserve de propriété, dès la présence d'un cocréan­cier visant la chose, par le principe que le bien a contribué à former la solvabilité apparente du débiteur. Si le débiteur du prix: n'a pas eu la possession de la chose, cette ratio legis n'existe donc pas. Sur la critique de la solvabilité apparente dans le droit des faillites, voir CoPPENS, op. cit., p. 241.

Normalement le vendeur, protégé par la réserve de propriété, use de son droit, sans en compliquer la qualification. Tel n'est pas toujours le cas. Le fabricant d'une hélice avait remis celle-ci à l'acquéreur, un chantier naval. L'acquéreur avait été converti en un simple dépositaire : il ne pouvait ni se servir ni disposer de l'hélice. C'est au titre d'un contrat de dépôt autonome que le <<vendeur>> réclama la restitution de la chose quand le chan­tier naval tomba en faillite (cass., 2 mai 1964, Pas., 1964, I, 932).

La clause résolutoire expresse peut être déclenchée jusqu'au seuil du jugement déclaratif (Bruxelles, 5 avril 1968, R. W., 1968-1969, col. 2005). Un contrat de financement prévoyait la résolution par lettre recommandée en cas de défaut de paie­ment. La lettre fut notifiée le 24 novembre 1967. Quelques jours plus tard, l'objet fut saisi par d'autres créanciers et le 1er février 1968 l'acheteur tomba en faillite. La résolution eut donc lieu avant les saisies : c'est dire que celles-ci avaient atteint un bien qui n'était plus celui de l'acheteur (civ. Arlon, 21 mars 1968, Jur. Liège, 1968-1969, p. 285). Ce jugement prend soin de dire que le vendeur n'avait pas, après la résolu­tion, abandonné le bien à l'usage de son ex-acheteur (sur ce point, cons. CoPPENS, op. cit., p. 256).

Qu'en est-il d'une machine vendue le 24 août 1958 avec une réserve de propriété, saisie par un autre créancier le 29 janvier 1959 et reprise peu après par le vendeur alors qu'elle se trouvait

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entreposée chez un tiers? Certes l'on pouvait essayer de préten­dre qu'elle n'était plus dans l'actif apparent de l'acquéreur, encore que, comme le dit la Cour, le déplacement n'avait eu ni pour but ni même pour effet de déposséder vraiment l'ache­teur. En vérité, un concours était né entre le vendeur et les saisissants avant la reprise et la machine dut être rapportée à la masse (Liège, 15 juin 1967, Ju1·. Liège, 1967-1968, p. 161).

Une autre décision fit un sort spécial à la vente<< inexistante>>, en l'espèce une vente à tempérament sans acompte.<< Rien n'est fait>>, disait le rapport au Sénat de la loi du 9 juillet 1957, quand il n'y a pas paiement effectif de l'acompte : il s'agit d'une condition essentielle s'ajoutant aux: consentements des parties, comn1e l'écrivent M. DE CALUWÉ, Les ventes à tempé­rament, 1965, p. 71, et KIRKPATRICK, étude, Journ. trib., 1958, p. 197. Dans pareille vente, puisque le législateur refuse de la faire exister, l'acquéreur n'en est pas un et son curateur doit restituer la chose (civ. Arlon, 25 mars 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 38). Le législateur avait voulu protéger l'acheteur contre une tentation possessive sans bourse délier : l'on voit que le vendeur lui-même peut paradoxalement y trouver sauve­garde si l'<< acheteur>> tmnbe en faillite ... En droit français, cons. Rev. trim. dr. comm., 1969, p. 144-146, sur ce problème.

53. FAILLITE DU VENDEUR. - Lorsque l'acheteur n'a pas retiré sa marchandise, le curateur du vendeur ne peut trop rapidement invoquer l'article 1657 du Code civil, aux termes duquel la résolution de la vente a lieu de plein droit et sans sommation au profit du vendeur après l'expiration du délai convenu pour le retirement. Le défaut de retirement doit, en effet, s'analyser en une faute (DE PAGE, t. IV, n° 203; PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, 2e éd., t. X, n° 288, 3°), à tout le moins en un fait qui dépende de l'acheteur (RIPERT, n° 2257; FREDERICQ, t. III, no 134; VAN RYN et HEENEN, t. III, n° 1725, 3°). Tel n'est pas le cas lorsque l'acheteur d'un mobilier avait signalé au fabricant que l'enlèvement serait retardé parce qu'il manquait provisoirement de place disponible. Le curateur du fabricant ne peut inclure ce mobilier dans l'actif de la masse (comm. Bruxelles, 2 janvier 1967, Jur. comm. Brux., 1967, p. 109).

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Il n'y a pas non plus de propriété à transfert progressif, au fur et à mesure des tranches payées, comme le plaidait un acheteur qui faisait construire un bateau et qui avait déjà payé 1.500.000 francs sur le prix de 1. 700.000 lorsque le chantier tomba en faillite. Le navire en construction demeure en son entier, indivisiblement, la propriété du vendeur et il fera partie de l'actif de tous les créanciers, l'acheteur s'alignant en leur rang pour les acomptes versés (comm. Tournai, 15 novembre 1966, Journ. trib., 1967, p. 335). On relira à ce sujet les con­clusions de MM. VAN RYN et HEENEN, t. III, n° 1694, qui, après avoir souligné que la conception civiliste d'un transfert intellectuel de propriété, indépendant de toute livraison, s'har­monisait mal avec les besoins de l'industrie, signalent qu'il existe des dérogations. Le transfert de propriété peut être avancé pour prémunir l'acheteur contre le risque de faillite du vendeur. Tel le cas précisément des contrats de construction de navire dans lesquels l'acheteur stipule que les matériaux incorporés et financés par ses acomptes deviennent immédiatement sa pro­priété. Le cas a été tranché par la Cour de Bru:x:elles, le 24 juin 1959 (Journ. trib., 1960, p. 262}, à l'occasion de la réquisition d'un navire qui était en chantier en novembre 1940 (THALLER, Droit maritime, t. Ier, nos 318 à 325; SMEESTERS, n° 6; HENNE­BICQ, Droit maritime comparé, n° 187-261 ; RIPERT, Droit mari­time, t. Jer, nos 372 et suiv., t. II, no 1051). Plus sûre mais plus coûteuse aussi serait la formule consistant à se faire donner hypothèque sur le navire en construction à concurrence du montant des avances. Le cas de Tournai de 1966 a eu un précé­dent devant la Cour de Gand en 1959, étudié dans notre Examen de jurisprudence de 1965, p. 70. Le contrat s'analyse en une vente à livrer portant sur une chose future (DE PAGE, t. IV, n° 21, 3° et no 480bis, p. 461 ; RIPERT, n° 2256 ; FREDERICQ, t. III, n° 35).

54. DROIT DE RÉTENTION. - Le debitum cum re junctum est une condition délicate à apprécier lorsque le lien matériel entre la chose et le droit du créancier rétenteur est un lien organisé par la volonté des contractants. Dans une espèce qui fit l'objet d'un très long jugement du tribunal de commerce d'Anvers, le 27 mai 1964 (R. W., 1965-1966, col. 638 à 648), une tein­turerie était créancière d'un tissage. La créance était de

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45.000 francs et ce montant était à découvert. Quelques semaines plus tard, il lui avait confié d'autres marchandises à façonner. La teinturerie les considéra comme un gage. La remise des nouvelles marchandises avait eu lieu en période suspecte et, sur le plan d'un nantissement, le gage étant sub­séquent, la nullité vis-à-vis de la masse était évidente. Le tein­turier plaida l'opposabilité du droit de rétention parce que les conditions du contrat, reprenant d'ailleurs la rédaction d'usages érigés en normes dans ce secteur industriel, a-vaient prévu que les relations d'affaires étaient réputées continues et indivisibles entre parties, fussent-elles marquées de prestations différentes et de paiements distincts. Dans un cas semblable, la Cour de Gand, le 4 mai 1961 (Ex:amen de jurisprudence antérieur, 1965, p. 85-86), avait admis l'idée d'un gage flottant issu d'un -va-et-vient de marchandises. Le tribunal de commerce d'An-vers estima qu'une simple stipulation d'unité était inopérante, car les marchés, en l'espèce, étaient nettement coupés les uns des autres. Dans l'arrêt de Gand de 1961, l'on a-vait au contraire relevé l'absence de convention séparée pour chaque lot et le caractère arrondi des versements, circonstances qui chassaient ce qu'une clause d'indivisibilité pourrait avoir d'artificiel. Il doit, en effet, demeurer exceptionnel d'élargir le droit de réten­tion et la clause qui serait en discordance avec les faits doit demeurer sans valeur. En doctrine, voir sur ce point : étude de M. P. VAN ÜMMESLAGHE, Rev. crit., 1963, p. 85 à 91 ; CLOQUET, nos 1236 et 1237 ; DALLOZ, v° Faillite, n° 1788.

Deux situations sont fort voisines, celle d'un bien retenu pour garantir le paiement d'une créance relative à un autre bien et celle du même bien, revenu entre les mains du créancier et retenu en garantie de la créance née lors d'une remise antérieure qui fut suivie d'une dépossession -volontaire et temporaire. Il est de principe de ne pas accorder un droit de rétention une deuxième fois si le bien est repris à un titre nou-veau. Si l'on peut admettre que l'égalité entre les créanciers cède le pas lorsqu'il s'agit de la détention originaire, il n'en est plus de mên1e si le bien revient chez le débiteur et que les créanciers de ce dernier sont en droit de penser qu'il est affranchi de tout debitum cum re. Mieux que l'idée de solvabilité apparente telle qu'elle est perçue par les autres créanciers, il faut parler ici de la solvabilité telle que ce créancier la mesure : le rétenteur qui lâche la chose s'en remet au gage général. C'est la rançon d'une

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situation qui n'est que de fait (DENNERY, Sirey, 1939, II, 177 ; étude VAN ÜMMESLAGHE, Rev. crit., 1963, p. 76, note 16; CLo­QUET, n° 1243). La doctrine française est moins ferme : note BIZIÈRE, Sem. jur., 1956, n° 9024, critiquée dans son interpré­tation de l'arrêt de cass. fr. du 8 novembre 1955 par HourN, Rev. trim. dr. comm., 1956, p. 128, et 1957, p. 192. Voir toutefois cass. fr., 23 juin 1964, Dalloz, 1965, p. 79, et étude ÜATALA­FRANJOU, Rev. trim. dr. civ., 1967, p. 23.

Le droit de retenir n'impliquant en rien celui de vendre en se payant par privilège, l'abandon matériel valant d'autre part perte de l'avantage de rétention, l'enrobât-on de réserves, il faut négocier avec le curateur. A ce dernier d'apprécier si le bien retenu vaut plus que le montant de la créance du rétenteur. Si la réponse est positive, le curateur sortira du statu-quo, désintéressera le rétenteur et dégagera la chose retenue. Encore faut-il, on le voit, qu'il dispose de liquidités pour dénouer l'impasse. C'est le problème auquel se heurtait un curateur anversois. Le tribunal de commerce d'Anvers, le 10 novembre 1965 (R. TY., 1965-1966, col. 1214), ordonna une vente publique dans laquelle les droits du rétenteur seraient sauvegardés.

Dans la même rigueur d'une connexité entre la créance et la chose, citons un jugement du 19 février 1968 du tribunal de commerce de Mons (Jur. comm. Belg., 1968, p. 670). Une machine comptable avait été livrée en avril 1967. Elle n'était pas payée et le vendeur la récupéra quelques semaines plus tard pour des réparations. Le tribunal n'accepte pas la rétention pour la créance de prix:. La possession du vendeur n'existe que pour procéder aux réparations souhaitées.

55. CLAUSE PÉNALE ET FAILLITE. - Le vendeur peut-il majorer sa créance en ajoutant le supplément de prix: générale­ment connu sous le nom de clause pénale 1 A côté des raisons de droit commun qui ont fait critiquer cette clause (LIMPENS, Rev. crit., 1964, p. 527, et 1969, p. 258; MoREAU-MARGRÈVE, ibid., 1966, p. 439; étude très compète de DEBACKER, Jur. comm. Belg., 1968, p. 37) et l'avaient déjà fort démantelée en jurisprudence (cass., 29 septembre 1967, Journ. trib., 1967, p. 606; comm. Bruxelles, 24 novembre 1967, Jur. comm. Belg., 1968, p. 18 ; comm. Liège, 2 décembre 1967, ibid., 1967, p. 28) avant qu'elle ne soit réputée non écrite (Code judiciaire, art. 1023), un juge­ment du tribunal de commerce de Saint-Nicolas l'avait annulée

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pour des raisons propres à la faillite (27 novembre 1962, R. W., 1966-1967, col. 411 ; Rev. prat. not., 1967, p. 287). ·Lorsque la clause n'a pas été plaidée avant la faillite et qu'elle ne s'est pas intégrée à la créance produite, la faillite doit lui enlever effet parce que le concours entre créanciers vise à l'égalité et non à la ponctualité des paiements, tandis que le dessaisissement contraint le débiteur de s'abstenir et le créancier de s'arrêter. Un jugement de même tendance fut rendu le 8 juin 1968 par le tribunal de Marche (Jur. Liège, 1968-1969, p. 252) au sujet d'une clause pénale lorsqu'il y avait concordat après faillite : l'octroi de délais est normal dans un intérêt collectif.

56. STOPPAGE <<IN TRANSITU>> (ART. 568). - Le vendeur pouvait-il encore revendiquer en vertu de l'article 568, dans le cas d'une marchandise réceptionnée dans un entrepôt de douane, dont l'acheteur détenait la lettre de voiture et pour laquelle la publicité de revente était déjà lancée~ La Cour de Bruxelles, le 27 septembre 1967 (Journ. trib., 1968, p. 171, et Pas., 1968, · II, 128) l'a admis parce que la marchandise n'était pas osten­siblement à la disposition du failli. C'est une question de fait, dépendant de l'entrée du bien dans la solvabilité apparente de l'acquéreur, indépendante de la notion de délivrance {CLOQUET, n° 1212 ; FREDERICQ, t. VIII, no 491 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2796 ; PIRET, Droit au prix, p. 132}, indépendante de la nature du lieu, privé ou public, propriété ou non du failli. L'arrêt de Bruxelles répète les principes et les circonstances étaient sans doute mieux: présentées dans le jugement de Mons qui s'est trouvé confirmé. Pour l'hypothèse de l'entreposage en douane, nous avons retrouvé deux: précédents tranchant différemment, l'un de Verviers en 1964 (voir Chronique pré­cédente, 1965, p. 74), l'autre de la Cour de cassation française du 27 janvier 1959 (Rev. trim. dr. comm., 1959, p. 948).

57. LEASING. - On sait combien la jurisprudence s'était affirmée sévère contre les locations-ventes lorsque le vendeur se déguisait en bailleur pour maintenir un droit de propriété sur la chose alors que celle-ci était, en vérité, aliénée. La simulation se trahissait dans l'automatisme de l'option du locataire lors­qu'il convertissait un contrat de bail en un contrat de vente et se révélait dans le fait que l'addition des <<loyers>> épousait le montant du prix de telle sorte qu'ils formaient la contrepartie

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d'un achat et non d'une location. La jurisprudence s'était même raréfiée (voir Chronique antérieure, 1961, p. 142). Si le bail était sincère, il n'y avait aucune objection à voir le pro­priétaire revendiquer son bien dans l'actif de la faillite du locataire (CLOQUET, n° 1279). Le leasing, formule nouvelle, est en principe une location, encore que sa nature profonde soit plus complexe (voir études VINCENT et DEHAN, Rev. crit., 1967, p. 231,. et CHAMPAUD, Sem. jur., 1965, n° 1954; MERA, Rev. trim. dr. comm., 1966, p. 49). Encore faut-il qu'il s'agisse d'un vrai leasing. La Cour de Gand, dans un arrêt du 27 juin 1966 (R. W., 1966-1967, col. 312, Journ. trib., 1966, p. 720, et Rec. gén., 1967, p. 29), a voulu rendre une décision de principe. Elle estima qu'il n'y avait pas location par leasing lorsque l'utilisateur prenait des appareils en location, à raison de 4.000 francs par mois, pendant huit mois, alors que la longévité technique en était nettement plus longue et qu'ils valaient 37.600 francs par unité à l'état n'euf. Le raisonnement de la Cour est d'abord arithmétique : au bout de huit mois, l'utilisateur a payé 32.000 francs et son effort financier pour accéder à la propriété est limité à quelque 5.600 francs, alors qu'à ce moment la valeur résiduelle vaut beaucoup plus. Le raisonnement juridique de la Cour veut qualifier la pensée contractuelle des parties : lorsque les loyers sont aussi exagérés, c'est qu'il est admis par les contractants qu'ils viendront se soustraire d'un prix, alors que si les loyers demeurent proportionnels à l'usage du bien, les contractants ont réellement eu en vue de conclure une location. L'ampleur des loyers comme critère avait déjà été notée par CHAMPAUD (loc. cit., n° 35) pour marquer la frontière entre le leasing et la vente qui se dissimulerait derrière une location. Il semble toutefois qu'une prudence soit de mise dans l'inter­prétation de ce point, car la hauteur des loyers peut précisément s'expliquer par la brièveté de la période de location (HÉMARD, Rev. trim. dr. comm., 1965, p. 158). Quand un loyer de ce genre sera-t-il exagéré 1 Il faut apprécier les risques du financeur tout particulièrement quant à la résiliation prématurée du bail qui aurait pour effet de faire revenir entre ses mains un matériel peut-être fatigué par un usage intensif (CLOQUET, n° 347) ou qui fut acquis en vue d'une utilisation très spéciale ou encore qu'une obsolescence aurait déjà déclassé. Il n'est pas exclu non plus que l'offre onéreuse du financeur ait été acceptée parce que la

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location était urgente. Un loyer important doit enfin s'apprécier avec relativité dans le chef de l'utilisateur : la pratique a fait rencontrer le cas d'un loyer dont les deux premières annuités avaient été amplifiées pour des raisons d'a1nénagement de la base imposable. Le leasing diminue les capitaux consacrés à l'investissement technique. Le locataire utilise ses moyens dès lors de la manière qui, à son estime, est la meilleure.

('----CHAPITRE VIII. - LEs INOPPOSABILITÉs

DE LA PÉRIODE SUSPECTE. \

\ 58. LEUR RELATIVITÉ. - Le caractère relatif des <<nullités>> des articles 445 et 446 qui conduit à mieux les appeler, comme­le font les nouvelles lois (loi française de 1967, art. 29, et loi italienne de 1942, art. 64), des inopposabilités, a été mis en valeur par deux décisions.

Tout d'abord un arrêt du 23 novembre 1964 de la Cour d'appel de Liège (Jur. Liège, 1964-1965, p. 177), fort bref sur le plan de la motivation, impossible à comprendre sur le plan des faits sans la lecture du jugement a quo, inédit, du tribunal de Marche rendu le 9 novembre 1963. Un créancier finançant l'achat d'une voiture avait réussi à se faire payer intégralement, mais la dernière p{Lrtie de ce qui lui était dû avait été réglée an nature par la restitution de l'auto. Cette restitution, qu'elle constituât une. dation en paiement ou l'exercice inopposable à la masse d'une clause de réserve de propriété, fut, sans difficulté, rendue inutile par le curateur. Le créancier s'inclina et produisit au passif pour la partie de sa créance qui redevenait découverte. Lorsque la faillite vint à être clôturée, le créancier, imparfaite­ment payé, entendit reprendre ses poursuites individuelles pour le solde. Il échoua. Il lui fut objecté que l'annulation intervenue à l'initiative du curateur n'avait eu lieu qu'à l'égard de la masse mais que la remise de l'auto, dans les rapports avec le failli, conservait sa vertu libératoire. Cet arrêt est déroutant. Certes il est exact qu'à l'occasion de l'action en<< nullité>> des articles 445 ou 446 le curateur agit aux droits de la masse et qu'il ne repré­sente pas le failli (CLOQUET, n° 1657, 4°; FREDERICQ, t. VII, nos 75 et 105 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2686, 40), mais il demeure étrange que, créancier dans le passif d'une faillite, il ne le soit plus lors de· la clôture alors qu'il n'eut aucun divi­dende. Il est cependant enseigné que le créancier peut agir

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contre le débiteur, lors de la reprise des poursuites individuelles après la faillite, <<pour celles de ses dettes qui résultent de conventions déclarées nulles à l'égard de la masse>> (CLOQUET, no 2054). Lé créancier qui a rapporté ce qu'il a reçu en paie­ment rentre dans sa créance originaire (Dalloz, vo Faillite, no 1319). Sur le sort d'un acheteur évincé, voir Rép. prat. dr. belge, v° Faillite, n° 1060.

Il est normal que le paiement d'un créancier privilégié en période suspecte échappe à toute inopposabilité si ce paiement devait passer avant celui des créanciers chirographaires. A côté d'une question de hiérarchie de droits, il faudrait arriver à cette conclusion, vu le défaut de dommage infligé à la masse. Il faut demeurer prudent cependant et voir si le paiement reçu ne le fut pas au mépris de privilèges de même rang avec lequel le créancier eût dû partager si la faillite s'était ouverte plus tôt. C'est l'idée élargie d'une masse nouvelle groupant les privilégiés généraux (CLOQUET, n° 201, et ci-avant, n° 14). Le problème a été touché par un jugement du tribunal de commerce de Lou­vain du 26 avril 1968 (Ju?". comm. Belg., 1968, p. 467). En l'espèce, le curateur attaquai~ le paiement fait à l'O.N.S.S. trois jours avant le jugement déclaratif, encore que la dette fût échue et payée selon un mode normal. Il fut débouté, faute d'intérêt pour la masse des chirographaires et faute d'existence d'une masse de créanciers à privilège général. Voir : CLOQUET, nos 1415 et 1656, et un arrêt de Dakar du 6 juin 1958 (Rev. t?"im. dr. comm., 1958, p. 839).

Disons, pour cette partie générale de la 1natière, qu'il a été décidé que l'action basée sur l'article 445 pouvait découler du contexte de l'assignation, même sans être demandée in terminis (comm. Louvain, 26 avril 1968, ci-dessus), de même que les conditions de l'article 446 pouvaient être constatées implicite­ment (cass., 16 mars 1967, Pas., 1967, I, 861).

59. AcTES LÉSIONNAIRES (ART. 445). -Pendant dix ans une maison avait été donnée par le failli à· usage gratuit. Elle fut ensuite, en période suspecte, vendue à bas prix. Le tribunal de commerce d'Anvers, le Il octobre 1967 (R. W., 1967-1968, col. 2122, et Tijdschrift notarissen, 1968, p. 208), ne vit pas les circonstances de fait de nature à faire prononcer l'inopposabilité des actes gratuits et des actes qui y sont assimilés. Que l'arti-

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cie 445 ne fût pas rétroactif à un contrat de commodat dont les conditions étaient fort anciennes était chose évidente. Il n'était pas démontré que quelque loyer occulte fût payé. La vente à prix: très médiocre tombait, elle, au contraire sous le feu de l'article 445 mais elle ne fut pas qualifiée de vente à prix: dérisoire. Plusieurs points de~ comparaison. mis en lumière par le curateur venaient cependant montrer combien bas avait été le prix: obtenu. Les cas d'annulation de ce chef sont fort rares {voir Chronique antérieure de 1961, p. 146). L'acte lésion­naire est-il seulement celui qui, partiellement, cache une inten­tion libérale~ Il peut résulter d'une réalisation hâtive par un débiteur harcelé. Quand y aura-t-il acte apparemment commu­tatif où <<la valeur de ce qui a été donné par le failli dépasse notablement celle de ce qu'il a reçu >> ~ Les auteurs sont peu explicites : CLOQUET, nos 291 et 293 ; FREDERICQ, t. VII, p. 220 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 269. La loi française, avant 1967, ne connaissait l'inopposabilité de plein droit que pour les libéralités. On y incluait les libéralités simulées mais l'on demeu­rait tributaire de la présence d'un animus donandi qui ne se constate pas dans les cas où le débiteur << liquide >> son bien. La loi de 1967 a ajouté à la liste des actes inopposables de plein droit (< tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie>>. Quand le déséquilibre des prestations est-il << notable >> ~ Le magistrat ne sera-t-il pas freiné par la considération que, dès qu'il en est ainsi, la bonne foi du contractant n'est plus un facteur qui joue~ Le tribunal d'Anvers retourne la question et ex:ige du curateur qu'il lui donne la certitude manifeste qu'une aliénation au même moment eût engendré un prix tout différent.

60. PAIEMENTS IRRÉGULIERS ET CESSIONS DE CRÉANCE. On sait que la jurisprudence française a donné l'étonnant arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 27 janvier 1965 qui tend à assimiler le virement bancaire à une délégation de créance et non, comme on le croyait, à un 1node tout normal de payer. En Belgique, comme en France, la doctrine désapprou­va: HouiN, Rev. trim. dr. comm., 1965 p. 655, et 1966, p. 1028, qui atténue la portée de l'arrêt; GAVALDA, Sem. jur., 1966, n° 14.852; SAVATIER, Dalloz, 1967, no 602; LIEBAERT, Rev. Banque, 1968, p. 709. La doctrine belge est tout à fait ferme

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pour dire que l'usage a consacré la similarité des virements et chèques à des paiements en espèces au sens voulu par l'arti­cle 445 : CLOQUET, n° 306 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 276 ; FREDERICQ, t. VII, p. 232; Rép. prat. dr. belge, v° Faillite, no 715; DE PAGE, t. III, éd. 1967, n° 611bis.

La validation de la saisie-arrêt équivaut à la liquidation normale de la dette, estime le tribunal de commerce de Liège (12 novembre 1966, Jur. Liège, 1966-1967, p. 85). La question de savoir si un jugement validant une saisie-arrêt équivaut à un transfert des sommes saisies dans le patrimoine du créancier saisissant est controversée. M. FREDERICQ, t. VII, n° 142, décrit la controverse. MM. VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 281, note 2, critiquant une opinion que nous avions émise (Rev. crit., 1965, p. 69), rappellent l'arrêt de cassation du 4 mai 1933, Pas., 1933, I, 216, selon lequel le débiteur saisi reste proprié­taire. Pour M. HouiN, Dalloz, v° Faillite, nos 1395 et 1483, le jugement validant la saisie-arrêt est opposable à la masse, quand il. est signifié avant le jugement déclaratif, << car il opère un transport de créance>>.

La créance cédée ne doit pas être issue d'une livraison ou d'une prestation déterminée. Elle peut être celle du prix d'en­semble d'une universalité. Dans une espèce tranchée par la Cour de Liège, le 17 mars 1965 (J~tr. Liège, 1965-1966, p. 17, et Pas., 1965, II, 209), un commerçant fort endetté envers un fournisseur avait cédé son fonds de commerce et tout le prix dû par le cessionnaire avait été transporté au fournisseur. Le curateur rendit ce transport de créance inopposable à la masse.

De longue date, un entrepreneur, travaillant pour une com­mune, éprouvait des .difficultés à payer un sous-traitant. Un an avant la faillite, l'entrepreneur écrivit une lettre à l'adminis­tration communale et admit que celle-ci se libérât envers lui en payant directement le sous-traitant. Un jugement du tribunal de commerce de Louvain du 15 mars 1966 (R. W., 1966-1967, col. 364) va annuler les paiements reçus de la sorte. A vrai dire, la créance cédée n'avait fait l'objet d'une signification par le sous-traitant au débiteur cédé que trois jours avant le jugement déclaratif. Le jUgement mêle deux raisons qu'avait le curateur de triompher, l'une de nature formelle, puisée dans le fait qu'aussi longtemps que la cession n'a pas été rendue opposable aux tiers par la mise en œuvre de l'une des deux formules de

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l'article 1690, le curateur pourrait se contenter de l'ignorer l'actif, tel qu'ille saisit, inclut la créance. L'autre serait d'atta­q~ter le cession au fond, c'est-à-dire d'en demander l'inopposa­bilité à la masse parce qu'elle est un paiement par transport à l'avantage d'un des créanciers (art. 445). Il faut donc distin­guer les conditions d'opposabilité découlant pour les tiers du respect de l'article 1690 et les conditions d'opposabilité à la masse parce que la cession signifiée en temps voulu est, en outre, un mode de paiement que le curateur ne peut écarter. Voir CLOQUET, n° 325.

En sens opposé, c'est avec raison qu'un jugmnent du tribunal de commerce de Liège du 23 décembre 1961, publié en som­maire (Jur. Liège, 1964-1965, p. 228), rappelle que l'article 445 n'est pas applicable lorsque la cession de créance fa.it corps avec la convention génératrice de la dette du failli et qu'elles ont date certaine. Ceci est classique : la shnultanéité entre la genèse de la créance et l'avantage du créancier est la meilleure preuve, que ce soit pour une cession, une délégation ou un gage, que le créancier s'est protégé dès le départ des relations con­tractuelles et qu'il n'a pas cherché à <<améliorer>> sa position.

On sait que, par une pratique d'origine fiscale, le maître de de l'ouvrage, lorsqu'il entreprenait· une construction, passait directement commande de certains matériaux au fournisseur en évitant de passer par l'entrepreneur. Une taxe de transmission était évitée,,encore qu'en fait le fournisseur fut celui avec lequel l' entreprenéur avait coutume de contracter et dont le nom avait été donné par l'entrepreneur. La tolérance ne jouait que s'il s'agissait de constructions de nature privée. Il y fut mis fin le 9 mai 1967 (article 62 du Code, Section II, Taxe sur les contrats d'entreprise). Comme le tout était convenu dès le début entre l'entrepreneur, le client et le fournisseur, jamais l'entre­preneur ne devenait créancier des livraisons de matériaux. Dès lors, il était exclu de dire qu'il transportait au profit de << son >> fournisseur une créance sur le client (comm. Louvain, 8 sep­tembre 1964, R. W., 1966-1967, col. 159). Il ne s'agissait même pas d'une délégation concomitante mais d'un rapport juridique direct et autonome entre le client et le· fournisseur.

61. DÉLÉGATIONS DE CRÉANCE. - Comme nous l'avions déjà analysé, la délégation implique un engagement propre du débi-

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teur délégué alors que la cession de créance se réalise par signi­fication au débiteur cédé, indépendamment de son consentement (DE PAGE, t. III, éd. 1967, p. 603, 3°; PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, t. VII, nos 2271 et suiv.). Dès lors, l'instruction qu'un futur failli donne à son débiteur de payer un de ses créanciers n'est qu'un mandat : il indique un solvens (Liège, 18 décembre 1962, Jur. Liège, 1964-1965, en sommaire, p. 229). Un arrêt de cassation du 15 février 1962 (précédente Chronique, 1965, p. 229), de même qu'un arrêt de Bruxelles du 18 mai 1966 (Pas., 1967, II, 89), sont dans la même ligne. Le solvens est un mandataire qui se confond avec la personne du mandant et on ne rencontre plus les trois personnes nécessaires à la délégation (art. 1277 pour la délégation parfaite et, pour la délégation imparfaite : PLANIOL et RIPERT, t. VII, no 1272 ; DE PAGE, ibid., n° 610). Puisque le créancier ne joue aucun rôle dans l'indication de solvens, le test du mandat, dans les faits, sera de voir si l'instruction est révocable.

Echappe aussi à l'inopposabilité de plein droit (art. 445) la délégation qui a été convenue au départ, c'est-à-dire celle sans laquelle le marché n'aurait pas été conclu. La délégation est alors une clause indivisible et concomitante du contrat. Un entrepreneur et son fournisseur n'avaient conclu que si la créan­ce sur un client servirait' de règlement au prix: des fournitures. Pareille délégation est saine au regard de l'article 445 (civ. Nivelles, 2 mars 1966, Journ. trib., 1966, p. 487). Pourrait-elle être annulée vis-à-vis de la masse par l'application de l'arti­cle 4461 Oui, en principe, si les conditions de cette inopposa­bilité facultative sont présentes, et tout spécialement la con­naissance de l'état de cessation des paiements dans le chef du délégataire. La prise d'une garantie n'est pas, par elle seule, preuve suffisante, de même d'ailleurs que la précaution que prend un créancier en exigeant une hypothèque n'établit pas, de plana (au regard de l'article 448), la conscience de nuire aux créanciers en termes pauliens (Gand, 18 mai 1965, R. W., 1965-1966, col. 1207; cass. fr., 25 avril 1967, Dalloz, 1967, Somm., 98). Le doute profite au créancier (CLOQUET, n° 209).

Si la délégation tombe après l'action du curateur, est-ce le délégué-solvens qui doit payer une seconde fois ou bien est-ce le délégataire-accipiens qui doit restituer 1 Pour des raisons évidentes d'équité et dans la philosophie d'une période suspecte )

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entendue comme un rétablissement de l'égalité entre les créan­ciers, c'est au délégataire, créancier avantagé, à restituer son paiement au gage commun (cass., 29 octobre 1965, Pas., 1966, I, 284; ·R. W., 1965-1966, col. 1538). C'est l'acte de délégation du préfailii qui est visé (CLOQUET, nos 238 et 330). Le délégué n'avait pas liberté et il ne peut manier l'article 445. Les auteurs qui ont examiné ce point donnent la même réponse : Rép. prat. dr. belge, loc. cit., n° 1045; FREDERICQ, t. VII, p. 248 (par analogie). La jurisprudence française semble moins absolue : Dalloz, loc. cit., n° 1325. En doctrine française : LYoN-CAEN, t. VII, no 396bis; THALLER et PERCEROU (Se éd.), n° 1812, p. 1122, note 1 ; Jurisclasseurs, fasc. 42 de la Faillite, no 45 et l'arrêt retranscrit.

62. SûRETÉ RÉELLE POUR DETTE ANTÉRIEURE. - Rien de neuf n'a été tranché pendant la période examinée. La banque qui finance l'achat d'un camion et qui, pendant la période sus­pecte, prend possession du véhicule parce que l'acheteur ne paie pas, s'attribue un gage pour une dette antérieure. Ce gage subséquent ne confère aucune rétention opposable à la masse (comm. Saint-Nicolas, 12 mai 1964, Rev. Banque, 1965, p. 558). Il en serait également ainsi pour le gage promis au départ de l'obligation, dès lors que l'objet lui-même ne serait remis qu'en période suspecte. Le gage est un contrat réel: cass. fr., 1er décembre 1965, Rev. trim. dr. comm., 1966, p. 662 ; CLOQUET; no 369 ; FREDERICQ, t. VII, no 127 ; Dalloz, loc. cit., n° 1189. Il sied d'ailleurs de distinguer l'exécution ultérieure de la promesse de gage et la réalisation des formalités qui tendent à rendre opposable une sûreté concomitante.

Lorsque des sûretés viennent conforter un compte courant ancien, elles apportent garantie. aux avances nouvelles (V AN

RYN et HEENEN, t. III, no 2109, et t. IV, n° 2728 ; CLOQUET, no 390 ; DALLOZ, loc. cit., no 1185). Dans une espèce le banquier avait ouvert un crédit depuis quatre ans et venait d'obtenir la remise en gage de créances que son client, un entrepreneur, détenait contre certaines administrations. Les nantissements de créance avaient eu lieu dans le trimestre qui précédait le juge­ment déclaratif : ils réussirent à garantir l'accroissement du passif depuis lors (civ. Dinant, cons., 4 mai 1966, Jur. Liège, 1965-1966, p. 275). Un arrêt de Bruxelles du 1er mars 1967

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redit le même principe (Pas., 1967, II, 235). Le solde doit toute­fois être rectifié si le passif était plus important qu'il n'apparais­sait : cass. fr., 22 juillet 1968, Rev. trim. dr. comm., 1969, p. 138.

63. HYPOTHÈQUES. - MANDAT IRRÉVOCABLE. - NuLLITÉ

DE PLEIN DROIT (ART. 445) OU NULLITÉ FACULTATIVE (ART. 447) 1 - Il advieJ!t que la conclusion d'un prêt hypothécaire soit décomposée en plusieurs phases et que se suivent, à des dates différentes, (a) le prêt avec un mandat irrévocable conféré par l'emprunteur, (b) la constitution de l'hypothèque, et (c) son inscription. Il y a, lorsqu'une faillite surgit, une situation très litigieuse puisqu'il faut voir si le délai entre le prêt (a) et le contrat ( b) n'implique pas une concession de sûreté réelle pour dette antérieure (art. 445) ou, à tout le moins, si le délai entre la constitution (b) et l'inscription (c) ne donne pas lieu, lorsqu'il dépasse quinze jours, à l'inopposabilité facultative pour inscrip­tion tardive (art. 44 7).

L'emploi du mandat irrévocable est l'image même d'une demie précaution, car il est à la fois évident que le créancier ne fait pas assez confiance que pour prêter sans garantie mais que d'autre part il n'est pas totalement méfiant puisqu'il ne va pas jusqu'à exiger une garantie réelle en parfait synchro­nisme. Dans la pensée des parties, la garantie est concomitante, du moins virtuellement. Juridiquement l'est-elle1 C'est préci­sément lorsque l'emprunteur décline vers son insolvabilité que le créancier mobilise le mandat irrévocable. Le problème, tout naturellement, s'insère alors dans la période suspecte et dans le jeu de ses inopposabilités.

Trois décisions furent publiées. Nous retracerons la chrono­logie interne de chacun des cas.

Commençons par décrire la décision qui fut la plus sévère, et qui fut rendue le 14 octobre 1967 par le tribunal de com­merce de Verviers (Jur. Liège, 1967-1968, p. 63). En l'espèce, les dates s'échelonnaient comme suit : le 29 septembre 1966 se situe le prêt assorti d'un mandat irrévocable d'hypothéquer; l'affectation hypothécaire est du 19 décembre 1966 et l'inscrip­tion est prise le 21 décembre 1966. La faillite est déclarée le 11 février 1967. La proximité du jugement déclaratif caractérise cette espèce, puisque les trois phases sont toutes trois comprises dans la période suspecte. Le tribunal de Verviers se prononce

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pour l'inopposabilité à titre principal découlant de l'article 445~ c'est-à-dire issu d'un écart de temps entre la naissance de l'obligation de rembourser et la constitution de la sûreté réelle. L'article 445 a pour but d'empêcher qu'un créancier ne vienne en période suspecte améliorer sa position au détriment des autres créanciers. La situation de crédit à laquelle il sied d'avoir égard est celle dont les tiers peuvent se rendre compte. Or, le mandat irrévocable n'est qu~une garantie conventionnelle occulte. Il y a dès lors, en vérité, dette antérieure et sûreté subséquente, ce qui signifie inopposabilité de plein droit à la masse. Pour renforcer la solution voulue, le tribunal ajoute que << surabondamment >> il retiendrait aussi le caractère tardif de

. l'inscription : il y avait, en effet, près de trois mois entre la promesse du 29 septembre et l'inscription du 21 décembre. Ce raisonnement subsidiaire ne nous convainc pas puisqu'en l'espèce l'hypothèque avait été constituée le 19 décembre et inscrite le 21 décembre (CLOQUET, n° 383 ; VAN RYN et HEE­NEN, t. IV, no 2735).

L'important arrêt de la Cour d'appel de Brux:elles du 26 mai 1965 (Pas., 1966, II, 141 ; Rec. gén., 1966, p. 205; Rev. prat. not., 1966, p. 13 ; Journ. trib., 1968, p. 561, note VINCE~T, no 67) mérite analyse. La Cour est plus tolérante sur le principe. Elle se base sur le caractère indissolublement lié du prêt et du mandat d'hypothéquer : le prêt n'a été octroyé que parce que la sûreté hypothécaire était concédée ·sans retour. La sûreté est donc concomitante, elle ex:iste ab initia. Seulement elle ne prendra forme que lorsque le prêteur le jugera propice. La chronologie était, ici, plus espacée: l'emprunt était du 13 décem­bre 1961, la procuration irrévocable et authentique du 21 décem­bre 1961, le contrat notarié du 26 avril 1963, l'insc1·iption du 12 juin 1963 et la faillite du 6 juillet 1963. Emprunt et procu­ration étaient donc fort en deçà de la période suspecte. La Cour, logique dans son principe que le mandat irrévocable vaut affec­tation hypothécaire, se refuse d'appliquer l'article 445 puisque la garantie est concomitante. Il est vrai que le créancier déjà armé du mandat est virtuellement hypothécaire. Il ne modifie pas son statut. C'est son statut qui n'est pas rendu public. Mais peut-on dire avec la Cour que l'acte constitutif du 26 avril 1963 n'est que<< l'accomplissement d'une pure formalité>> et que le 21 décembre 1961 <<l'hypothèque ne fut pas promise mais

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consentie >>1 Restait possible le jeu de l'article 447 quant au retard de l'inscription. La Cour retint cette faute distincte qui consiste à maintenir les tiers dans l'ignorance de la sûreté en leur laissant croire que l'actif immobilier était moins grevé. L'application de l'article 447 dans la perspective de la Cour ne portait par sur un délai de 47 jours (26 avril- 12 juin 1963) mais sur un délai d'un an et demi (21 décembre 1961 - 12 juin 1963). Pour M. HANNEQUART (Rev. crit., 1960, p. 57), le prêt est hypothécaire <<à partir du jour où un des mandataires a conféré l'hypothèque prévue>>. L'on peut toutefois se demander s'il ne faut pas être plus strict en rappelant que l'hypothèque est un contrat solennel et que la promesse d'hypothèque donnée par le débiteur, le fût-elle par un mandat irrévocable, doit être l'objet d'une acceptation formaliste du créancier : selon DE PAGE, t. VII, n° 692, cette acceptation doit être authentique et elle ne formerait le contrat qu'à sa date. (Sur la promesse d'hypothèque, le même auteur, nos 724 et suiv., et PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, 2e éd., t. XII, n° 452.) Certes, le prê­teur a en mains un mandat irrévocable à son avantage et l'on doit admettre qu'il accepte l'hypothèque puisqu'il l'a demandée. Mais il semble que ce raisonnement lui-même, malgré sa jus­tesse, soit inopérant.

La décision du tribunal de commerce d'Anvers du 14 décem­bre 1966 (R. W., 1966-1967, col. 2018) est la plus tolérante. Le 31 juillet 1964 intervient un prêt appuyé d'un mandat irrévocable. Plus d'un an après, le 9 août 1965, l'hypothèque est contractée et le 23 août elle est inscrite. Un mois plus tard, le 24 septembre 1965, survient la faillite. Le délai de quinze jours, ampleur du retard que l'article 447 permet de retenir comme motif d'inopposabilité facultative, est calculé par le tribunal depuis le 9 août 1965 et non depuis le 31 juillet 1964. L'hypothèque fut maintenue et ne rencontra pas l'objection de l'article 447, car il y avait moins de qui:rtze jours. Le jugement relève in fine que le curateur n'avait pas plaidé l'application de l'article 445. (f .-.-

64. HYPOTHÈQUE LÉGALE DU TRÉSOR.- Selon un arrêt de Bruxelles du 29 avril 1964 (Pas., 1965, II, 190, Rec. gén., 1966, p. 372, et Journ. prat. dr. fisc., 1965, p. 339), l'inscription de l'hypothèque légale pourrait se faire jusqu'au jugement décla-

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ratif sans que l'on puisse jamais invoquer l'article 447 qui sanctionne la tardiveté de l'inscription. On part de l'idée qu'il n'y a pas d'<< acte constitutif>> et qu'ainsi il n'y a pas de point de départ des quinze jours d'attente .qui dénotent le caractère tardif. A vrai dire, la question est controversée, encore que la plupart des auteurs inclinent V'ers la solution qu'a adoptée la Cour : CLOQUET, n° 381 ; V AN RYN et HEENEN, t. IV, n° .2736. FREDERICQ, t. VII, p. 636, est d'une opinion dissidente.

Plus importante est la jurisprudence qui s'est établie pour interpréter l'article 447 tel qu'il fut remodelé par l'arrêté royal du 23 mai 1967. Ce texte, pris en V'ertu de la loi du 31 mars 1967 sur les pouV'oirs spéciaux, écarte tou,t simplement l'article 447 en ce qui concerne l'hypothèque légale du Trésor et permet au receveur de l'inscrire même après le jugement déclaratif. Un jugement du tribunal de commerce d' AnV'ers du 25 octobre 1967 (R. W., 1967-1968, col. 754, et Rev. fisc., 1968, p. 714, note VALMY DE LoNGUEVILLE), confirmé en appel (Bruxelles, 28 janvier 1969, R. W., 1968-1969, col. 1272), estima que cet arrêté royal était illégal. Les pouV'oirs spéciaux accordés par la loi du 31 mars 1967 l'avaient été <<pour assurer une perception plus exacte de l'impôt>> (art. 2, § 5). Or, ont estimé les magis­trats, toucher à l'article 447 est une atteinte à l'égalité des créanciers, principe dont le respect dépasse le but de la loi des pouV'oirs spéciaux. Cette loi a fait l'objet d'une étude par M. JEAN VAN HouTTE au Tijdschrift voor Notarissen, 1968, p. 198.

Sur le plan de la procédure, un arrêt de Gand du 28 aV'ril 1967 a dit que l'action tendant à faire annuler une hypothèque légale qui avait été inscrite pour garantir un impôt, n'était pas recevable lorsqu'elle n'était pas dirigée contre le receV'eur lui-même (Pas., 1967, II, 273).

65. HYPOTHÈQUE ET SUBROGATION.- Le privilège du créan­cier hypothécaire se reporte sur le prix de l'immeuble V'endu sans que le curateur puisse prétendre que le prix deV'ienne un actif mobilier entrant dans la masse. Le cas s'est présenté pour la vente d'immeubles par destination qu'un curateur aV'ait V'endus séparément sans que le créancier hypothécaire fît des objections (comm. AnV'ers, 7 féV'rier 1968, R. W., 1967-1968, col. 2012) et aussi dans le cas d'une résolution de vente immobi­lière (Gand, 21 décembre 1967, R. W., 1967-1968, col. .1930).

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Ce dernier cas est appelé à se répéter. La ville de Bruges, con­formément aux programmes actuels de << zoning >> industriel, avait vendu un terrain à un homme d'affaires mais il était entendu que celui-ci devait implanter une usine, que celle-ci devait· être construite dans les deux ans et mettre au travail un nombre minimum d'ouvriers. Ces conditions ne furent pas respectées et la ville de Bruges demanda, à bon droit, la réso­lution de la vente. Dans l'intervalle l'acquéreur avait contracté des emprunts et avait donné le terrain en garantie. Il tomba en faillite. Le prix selon le contrat n'avait pas à être remboursé en totalité, la ville pouvant à titre de dommage convenu en conserver un quart. Mais allait-il faire partie de l'actif de la faillite ou, par le jeu d'une subrogation réelle, devenir l'assiette du droit immobilier des prêteurs~ La Cour de Gand rejeta la thèse du curateur et admit la subrogation. Cette solution est conforme à l'article 28 in fine de la loi hypothécaire. La somme que le vendeur est obligé de restituer à la suite d'une résolution doit être affectée au payement des créances hypothécaires {DE PAGE, t. VII, p. 403, et Rép. prat. dr. belge, v:0 Hypothèque, n° 418). L'hypothèque sur droit résoluble disparaît avec le drojt qui lui sert de base mais le palliatif de la subrogation sauvè­garde les • droits du créancier hypothécaire. Pour ces deux déci­sions, il faudrait observer aussi que le prix des immeubles par destination comme le prix restitué par la ville de Bruges ne se trouvaient pas dans l'actif de la masse lors de Fouverture de la faillite.

66. HYPOTHÈQUE ET ACTION PAULIENNE. - Un jugement inédit du tribunal de commerce de Courtrai du 30 mai 1963, confirmé en appel par la Cour de Gand le 18 mai 1965 (R. W., 1965-1966, col. 1207), rencontre le problème d'une hypothèque consentie à un gros fournisseur qui était créancier. Elle était attaquée par le curateur sur le pied de l'article 448 qui, comme on le sait, redit simplement le principe de l'article 1167 {CLo­QUET, no 182 ; V AN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2717 ; FREDE­RICQ, t. VII, no 148 ; DALLOZ, loc. oit., n° 1349). L'hypothèque avait été inscrite six semaines avant que ne débutât la période suspecte. Elle fut maintenue par le juge parce que les conditions de nullité de l'article 448 sont celles du droit commun et ne se présentent pas avec le régime facilité et simplifié des inopposa-

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bilités des articles 445 et 446. Force était, en effet, de prouver un concert frauduleux: dans l'aggravation de l'insolvabilité et d'en faire la preuve en se reportant au moment de l'hypothèque. En l'espèce, il apparaissait que l'hypothèque était d'éclosion naturelle : le créancier avait voulu garantir un arriéré important et l'appauvrissement du futur failli, plus exactement l'ampu­tation du gage commun par un gage particulier, s'expliquait par le souci de ne pas mettre fin aux livraisons du principal fournisseur et par l'espoir, normal à l'époque, de repartir sur une base assainie. Les errements qui suivirent ne peuvent a posteriori démontrer une complicité paulienne.

Il est des circonstances où la conscience des difficultés finan­cières du débiteur va de pair avec la conviction qu'il pourra surmonter ses problèmes (CLOQUET, n°8 173 et 186). FREDERICQ signale qu'il ex:iste une controverse et cite l'opinion selon laquelle la fraude paulienne serait surtout un état d'esprit (t. VII, p. 273). plV ~L k- CHAPITRE IX.- LES PRIVILÈGES.

67. GÉNÉRALITÉS. - La production d'un créancier qui avait omis d'invoquer son privilège ne lui inflige aucune déchéance (comm. Louvain, 15 mars 1966, R. W., 1966-1967, col. 364, et Bruxelles, 6 mai 1966, Journ. trib., 1966, p. 616, R. W., 1966-1967, col. 53, Pas., 1967, II, 86; CLOQUET, op. cit., n° 1771). Il faut rappeler en effet que le privilège est l'accessoire de la créance. En revanche, il suppose un droit principal encore muni d'une action (PLANIOL et RIPERT, t. XII, n° 12). Certains privilèges ne couvrent qu'une portion dans le temps de la créance mais il ne s'agit pas là d'une prescription (CLOQUET, op. cit., n° 1413 ; DE PAGE, t. VII, no 6, 2°). La prescription affecte les rapports avec le créancier, le privilège ceux avec les autres créanciers. Une négligence moins grave serait l'invocation d'un rang désavantageux: : le créancier conserve le droit de récla­mer plus tard le rang auquel il a droit (FREDERICQ, t. VII, p. 389). Dans la même idée d'une sûreté accessoire, il a été confirmé que le privilège est cédé avec la créance (Bru:x:elles, 16 novembre 1966, Pas., 1967, II, 164).

Les lois qui gouvernent le privilège sont celles qui sont en vigueur au jour du fait qui le crée (cass., 30 mai 1968, Journ. trib., 1968, p. 563) : la Cour de Liège, le Il juin 1968 (Jur.

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Liège, 1968-1969, p. 185), fit application de cette règle. La loi du 12 avril 1965 avait augmenté l'ampleur du privilège accom­pagnant l'indemnité pour rupture d'un contrat d'emploi. En l'espèce cette loi était postérieure à la faillite et au contrat générateur. Le privilège ne pouvait donc être accordé au-delà de ce que la loi ancienne prévoyait, et la Cour, en réformant, ramena la portion privilégiée de 348.500 à 180.000 francs.

Le tribunal de commerce de Saint-Nicolas, dans un jugement inédit du 5 1nars 1963, fit également une juste répartition du privilège dans le temps en ce qui concerne les coti­sations dues à l'O.N.S.S. dont les unes étaient antérieures à la loi du 14 juillet 1961 qui contracta le privilège dans. le temps, les autres postérieures (CLOQUET, op. cit., n° 1583). L'aveu du débiteur n'a évidemment aucun effet qui puisse élargir le privi­lège puisqu'il ne peut disposer d'intérêts qui ne sont pas les siens, ceux des autres créanciers.

La reconnaissance par erreur de l'existence d'un privilège est également sans effet durable. Un arrêt de Liège du même jour, mais dans une autre espèce (11 juin 1968, Jur. Liège, 1968-1969, p. 18, et Journ. trib., 1968, p. 581) corrigea une erreur commise dans la matière des cotisations pour vacances annuelles.

Certaines situations se sont crues privilégiées alors qu'elles ne l'étaient pas. Ainsi les honoraires des liquidateurs d'une société dissoute ne sont pas privilégiés (civ. Bruxelles, 21 jan­vier 1965, Rev. prat. soc., 1965, p. 146; Journ. t1·ib., 1965, p. 333). DE PAGE, t. VII, n° 53, se montre assez large : lorsque les devoirs du liquidateur épargnent des dépenses aux créan­ciers, ils tiennent lieu de frais de justice, même si le mandat n'est pas de justice. RESTEAU, t. IV, n° 2074, de même que M. VAN RYN, t. II, n° 1063, sont plus sévères - Chronique sur les sociétés commerciales, Rev. crit., 1967, n° 91, p. 385. Il ne faut pas rejeter trop rapidement le caractère privilégié des honoraires du liquidateur (voir notamment comm. Liège, 10 mars 1962, et comm. Tournai, 4 novembre 1958, cités dans la note VINCENT, Journ. trib., 1968, p. 758). On ne doit pas s'attacher exclusivement au mode judiciaire ou non de la désignation des liquidateurs (voir RoNsE, Overzicht, T. P. R., 1967, p. 757). Ne sont pas non plus dotées d'un privilège les rémunérations dues à un conseiller fiscal, lorsqu'il est établi qu'il n'était pas un employé et que les services qu'il avait

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rendus n'aV'aient pas abouti à la conserV'ation spécifique d'un bien déterminé (comm. Saint-Nicolas, 4 février 1964, Pas., 1964, III, 120).

Les dettes de la masse ne sont pas à confondre avec les dettes priV'ilégiées : ainsi en va-t-il des impôts qui résultent des opérations du curateur lui-même (Liège, 25 mars 1965, Journ. trib., 1965, p. 331, Rev. fisc., 1965, p. 660). Cela a été redit dans un arrêt important de la Cour de cassation française du 26 juin 1968 (Dalloz, 1969, p. 24) : une société de crédit avait avancé des fonds pour la continuation de l'exploitation commerciale et les fonds avaient servi à acquitter les droits de douane pour débloquer un stock. Le prêteur, créancier de la masse, prima la douane, créancier privilégié.

68. PRIVILÈGES GÉNÉRAUX. - Ces privilèges s'analysent souvent en un simple tour de faV'eur dans le paiement. La rP.o "'-::::::_+.ion d'un gage portant sur la généralité des meubles troublenit l'administration du curateur auquel il faut laisser le temps '\[e se reconnaître. L'interdiction temporaire d'exercer les privil~ges généraux en est découlée. Un jugement fortement motiV'é d1~ Dinant du 30 juin 1965 (Jur. Liège, 1965-1966, p. 10) a dt montré que le droit de poursuite n'était suspendu que jusqu'l ~la clôture du procès-verbal de vérification du passif. On consultera CLOQUET, no 1157 ; FREDERICQ, t. VII, n° 450, p. 644. MM. VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 234, sont plus stricts et n'admettent pas l'opinion large de FREDERICQ quant au droit de faire vendre les meubles de la masse; ils ensei­gnent qu'un privilège général ne peut jamais servir de fonde­ment à un acte d'exécution contre la masse.

Le privilège des frais de dernière maladie n'englobe pas les soins donnés à l'épouse du failli (comm. Bruxelles, 17 février 1964, Jur. comm. Brux., 1964, p. 329). Telle est aussi l'opinion, parfois critiquée de lege ferenda, de DE PAGE, t. VII, n° 80, ÜLOQUET, n° 1565, PLANIOL et RIPERT, t. XII, n° 36, car il fut souvent plaidé que le privilège devrait recouvrir tous les frais de dernière maladie dont le débiteur pouvait se trouver tenu. La loi suisse est plus large mais elle ne peut jouer lorsque la liquidation doit se faire sur un actif belge (Bruxelles, 27 1nars 1963, Pas., 1963, II, 226).

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Quant aux frais funéraires, le privilège a été discuté lorsqu'ils avaient été payés par un héritier du défunt. Normalement l'héritier est légalement subrogé aux droits du créancier de frais funèbres et il entre dans son privilège. S'il a renoncé à la succession, il lui faudrait une subrogation conventionnelle (VINCENT, Journ. trib., 1968, n° 81, p. 758 ; comm. Saint-Nico­las, 15 juin 1965, R. W., 1965-1966, col. 252; T. P. R., 1967, p. 114).

Il y a arrêt du cours des intérêts à l'égard de la masse pour les créances à privilège général (comm. Saint-Nicolas, 21 sep­tembre 1964, R. W., 1964-1965, col. 2088). Voir la Chroni­que précédente, 1965, p. 82 et les références, ainsi que Chronique de MM. DE RYKE et HEURTERRE, T. P. R., 1967, p. 112.

69. FRAIS DE JUSTICE. - Le tribunal de commerce de Liège a prononcé une décision traditionnelle le 28 octobre 1967 (Jur. Liège, 1967-1968, p. 70; Jur. comm. Belg., 1968, p. 342) en définissant les frais de justice comme étant ceux qui sont faits dans l'intérêt de tous les créanciers. Ainsi les frais exposés pour obtenir un titre exécutoire demeurent personnels à chaque créancier, tels les coûts de l'assignation, de l'expédition et de la signification. Même les frais de saisie et d'exécution ne profitent à la masse que s'ils ne font pas double emploi. On consultera, sur la notion d'utilité commune, DE PAGE, t. VII, no 35 : <<le profit consiste en ce que ces frais leur épargnent des dépenses similaires>>; FREDERICQ, t. VII, p. 559; PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, t. XII, n° 18 : <<On peut en effet soutenir qu'il n'y a pas ici véritablement privilège mais simple prélèvement destiné à faciliter le règlement>>; ÜLOQUET, n°8 1427 et suivants.

Un jugement du tribunal de commerce de Liège du 6 mai 1966 (Jur. Liège, 1965-1966, p. 277) considère que la créance d'honoraires de l'avocat qui plaida au pénal pour le failli est privilégiée en ce qui concerne tant les prestations antérieures que les prestations postérieures à la faillite, pour autant que l'engagement du client fût pris avant le dessaisissement. La doctrine est moins généreuse (voir BoELS, <<Le privilège des honoraires de l'avocat>>, Journ. trib., 1960, p. 53 et suiv. Voir supra, n° 60), parce qu'il serait illogique que le failli puisse

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continuer à aug1nenter son passif après la déclaration de faillite. Un arrêt de la Cour de Liège du 5 novembre 1965 (Jur. Liège,

1965-1966, p. 99, note M. H. ; Journ. trib., 1966, p. 304; T. P. R., 1967, p. 121) était également plus restrictif: il n'y a ni privilège ni même créance dans la masse pour les honoraires mérités devant la justice pénale après la faillite.

En matière civile et commerciale, l'avocat pounait trouver remède pour la ré1nunération de ses peines soit dans la cmnpen­sation qu'il ferait jouer, même en période suspecte, entre le produit des encaissements dont il est l'auteur et le chiffre des honoraires qui y sont liés (voir l'arrêt de Liège ci-dessus : le T. P. R., 1967, p. 121 évoque toutefois l'aspect délicat, sur le plan de la déontologie, de ce calcul), soit encore dans le privi­lège des frais de conservation si tant est qu'un bien ou une créance fut maintenu dans l'actif grâce à son travail (voir ci-après, no 72).

Le notaire n'a aucun privilège assimilable à celui des frais de justice pour les honoraires relatifs à des actes reçus pour avoir dressé et modifié les statuts d'une société faillie (comm. Bruxelles, 4 juin 1968, Jur. comm. Belg., 1968, p. 726). Il s'agit en effet de frais relatifs au fonctionnement juridique du débiteur.

70. PRIVILÈGE DU BAILLEUR. - Les auteurs et les magis­trats sont divisés sur la nature du contrat intitulé <<bail de carrière>>, les uns y voyant une vente, les autres une location sui generis (DE PAGE, Complément au t. IV, n° 4, note 1, qui atténue la portée de deux arrêts de cassation de 1903 et de 1913 selon lesquels le droit d'extraire des produits du sol, moyennant un prix, n'est pas inconciliable avec la notion de bail, sans aller jusqu'à dire que pareille convention constitue nécessairement un louage). La jurisprudence française penche pour la vente (PLANIOL et RIPERT, Traité pratiq~te, 2e éd., t. X, n° 3, 1°}. Même s'il s'agit d'un bail, il ne faut pas en déduire que les redevances dues seraient une créance privilégiée comme le sont les loyers et les fermages. Le privilège de l'article 20, 1°, ne vise manifestement que la créance du bailleur ordinaire (Liège, 14 mars 1966, Jur. Liège, 1965-1966, p. 265, et Pas., 1967, II, 41). DE PAGE, t. VII, n° 137, est moins formel et s'attache au seul caractère immobilier du bail.

L'assiette du privilège du bailleur d'immeuble a fait l'objet

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de décisions intéressantes. Il s'exerce, dit l'article 20, 1 o, <<sur tout ce qui garnit la maison louée ... >>. L'assiette est limitée aux meubles corporels et les éléments incorporels d'un fonds de commerce ex:ploité par le locataire ne sont pas affectés à la garantie des loyers, car ils ne << garnissent >> pas l'immeuble donné à bail (Gand, 30 juin 1964, R. W., 1964-1965, col. 671 ; Brux:elles, 23 juin 1965, Pas., 1966, II, 190). Dans ce premier cas, il s'agissait du prix de cession d'un cinéma en tant qu'il portait sur la valeur cédée du droit au bail lui-même; dans le second cas, la précision n'était pas connue par l'arrêt. PLA­NIOL et RIPERT, t. XII, n° 156 in fine, évoquent le même prin­cipe. DE PAGE, t. VII, n° 153, B, b, n'est pas plus explicite. Le privilège ne s'assied pas sur les titres détenus par un agent de change locataire (J. de P. Liège, 21 avril 1966, Jur. Liège, 1967-1968, p. 199) : le bailleur ne peut ignorer l'existence des droits d'autrui lorsque la profession du preneur implique la remise par des clients d'objets dont il ne devient pas proprié­taire. En ce sens : civ. Liège, 6 janvier 1961, Jur. Liège, 1961, p. 353, pour les marchandises en consignation. Dans le concept d'objets <<garnissant la maison louée>> doit se retrouver l'idée d'un lien de destination quant aux: objets placés (CLOQUET, op. cit., n° 1485, FREDERICQ, t. VII, n° 411, p. 591, DE PAGE, loc. cit., PLANIOL et RIPERT, loc. cit., citent précisément l'exem­ple de titres). Par contre des camions qui sont garés dans une cour louée peuvent être considérés comme << garnissant >> les lieux car ils sont affectés à leur jouissance conformément à leur destination et à la profession du preneur (J. de P. Saint­Nicolas-Liège, 18 novembre 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 119).

Le privilège du bailleur inclut les frais ex:posés pour le faire valoir (comm. Saint-Nicolas, 13 avril1965, en sommaire, R. W., 1966-1967, col. 412). Voir DE PAGE, t. VII, n° 148, m.

71. CONCOURS DU BAILLEUR ET DU CRÉANCIER GAGISTE SUR FONDS DE COMMERCE. - Le confluent de leurs droits rivaux est constitué par le mobilier, le matériel et la moitié du stock des marchandises se trouvant dans les lieux: loués. La Cour de Bruxelles, le 23 juin 1965 (Pas., 1966, II, 190), a réglé le concours selon le principe d'antériorité : le bailleur primera si le bail est antérieur à la constitution du gage. Cette solution est conforme à la doctrine :DE PAGE, t. VII, n° 324; VINCENT, Journ. trib.,

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1968, p. 762. Le bailleur ne perdrait son droit que si les meubles qui garnissent le fonds de commerce étaient déplacés et le nantissement du fonds de commerce. est un gage sans dépos­session. La jurisprudence n'a pas toujours trouvé de raisons stables (CLOQUET, op. cit., n° 1494). Le droit français semble s'attacher, ici, à la certitude de date du bail pour faire primer le bailleur (PLANIOL et RIPERT, 2e éd., t. XII, n° 223 in fine).

72. FRAIS DE CONSERVATION. - La notion de << frais >> ne peut se limiter aux seuls débours exposés et elle doit englober la rémunération normale du travail du conservateur, en l'espèce les honoraires d'un avocat qui fit des recouvrements de créance (comm. Verviers, 16 septembre 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 126, et Journ. trib., 1966, p. 244). Encore fut-il exigé que l'intervention de l'avocat fût un succès financier et que les fonds recouvrés ne se soient pas déjà mêlés dans l'actif. Un jugement de Courtrai contient des définitions doctrinales des termes <<frais>>, <<conservation>> et <<chose>> (28 octobre 1965, R. W., 1965-1966, col. 1124, T. P. R., 1967, p. 118). Voir THUIL­LIER, étude, Semaine juridique, 1968, no 2167, et JEAN BASTIN, << Les effets économiques de la réserve . de propriété >>, in 1 dées nouvelles du droit de la faillite, 1969, p. 338.

La conservation est accomplie lorsqu'il y a maintien de l'usage de la chose :le remplacement d'un moteur usé lorsqu'il est nécessaire est une << conserva ti on de la chose >> (comm. Liège, Il mai 1968, Jur. Liège, 1968-1969, p. 8) de même que la remise à neuf d'une benne (même tribunal, 6 janvier 1968, ibid.) comme l'est tout remplacement d'organe indispensable à l'uti­lisation d'une voiture (Bruxelles, 7 mai 1963, Pas., 1964, II, 219, cas dans lequel le montant des réparations <<conserva­toires>> dépassa la valeur de vente obtenue par le curateur). Selon l'opinion dominante (DE PAGE, t. VII, no 203 ; FREDERICQ, t. VII, n° 396, p. 582), il faut avoir conservé un ou plusieurs biens déterminés ut singuli et non un avoir global ou une entre­prise dans son ensemble. La Cour de Bruxelles (3 octobre 1967, Pas., 1968, II, 60) se montra fort sévère en refusant le privilège parce que les frais, en l'espèce des remplacements de pneus, avaient été faits pour un groupe de biens, une flottille de camions, sans que l'on pût retracer lesquels en avaient été équipés. Quant à la controverse relative aux frais relatifs à une <<universalité

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conservée>> (CLOQUET, op. cit., n° 1472), le jugement cité ci-dessus de Courtrai l'accueille tandis qu'un jugement du tribunal civil de Bruxelles le repousse (21 janvier 1965, Journ. trib., 1965, p. 333). Dans leur Chronique au T. P. R., 1967, p. 120, MM. DE RYKE et HEURTERRE admettent que le privilège soit invoqué par le conservateur d'une universalité, sauf à ventiler les frais de conservation au prorata des biens concrets dont elle est le total.

Les fournitures d'huile et d'essence, de même que le place­ment de pièces de rechange sans importance, sont des frais d'utilisation et non des frais de conservation (civ. Arlon, 14 décembre 1967, Jur. comm. Belg., 1968, p. 721).

73. CONCOURS DES PRIVILÈGES DE CONSERVATION, DU VEN­DEUR DE MATÉRIEL ET DU CRÉANCIER GAGISTE. -La Cour de Liège, le 18 décembre 1967 (Jur. Liège, 1967-1968, p. 226), a examiné le problème issu d'un triple concours de privilèges. Une voiture impayée avait été l'objet de réparations et avait également été mise en gage. Les frais de réparation passent en premier lieu. Restant en conflit, lequel du vendeur ou du créancier gagiste primera l'autre~ La Cour examine si la date de la transcription de la facture de matériel avait eu lieu avant la constitution du gage. S'il en est ainsi, le créancier gagiste doit céder le pas : s'il excipe d'une ignorance subjective quant à la dette de prix, il ne peut écarter la présomption objective qu'une chose est impayée dès lors que le fournisseur prend la précaution de transcrire la facture dans les conditions voulues pour maintenir son privilège.

7 4. GAGE DE REMPLACEMENT. - Si la consistance du gage est modifiée par la substitution d'objets de même nature, le privilège va se reporter sur l'objet de remplacement. Tel est le cas d'un créancier gagiste qui n'avait jamais perdu la possession en mains tierces d'un stock de laines : les divers lots s'étaient remplacés dans un conditionnement public (comm. Verviers, · 22 juin 1967, Jur. Liège, 1967-1968, p. 158). Il faut rappeler que les nécessités économiques exigent que les matières premières, richesse fongible, ne demeurent pas immobilisées. La substitution d'objets en matière de nantissement est valable à la double con­dition qu'il n'y ait aucun hiatus de possession et que la nouvelle sûreté ne soit pas d'une valeur supérieure (CLOQUET, n° 367;

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VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2568; FREDERICQ, t. II, n° 419). Les marchandises sortantes sont assez naturellement remplacées par les marchandises qui entrent et cette subrogation réelle est même facilitée lorsqu'il y a entreposage public.

75. PRIVILÈGE DU COMMISSIONNAIRE. - Le privilège du commissionnaire repose sur l'idée d'un nantissement tacite. Le commissionnaire va donc le perdre s'il se dessaisit de la posses­sion des marchandises (comm. VeTviers, 27 octobre 1966, Jur. Liège, 1966-1967, p. 222, note M. H). On consultera : ÜLOQUET, no 1527 ; VAN RYN et HEENEN, t. III, no 1821.

Le commissionnaire-expéditeur, celui qui se charge de la conclusion des contrats de transport, de la remise des marchan­dises au transporteur, de leur réception, du règlement des droits de douane et d'entreposage, est muni d'un privilège. Pour permettre la rotation des marchandises, le privilège protège les débours relatifs à d'autres marchandises qu'il avait eues anté­rieurement entre les mains (comm. Verviers, 8 avril 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 21, et Bruxelles, 27 octobre 1966, Journ. trib., 1967, p. 315). Ceci est de doctrine classique : VAN RYN et HEENEN, t. III, no 1825.

76. PRIVILÈGE DU CRÉANCIER GAGISTE SUR FONDS DE COM­MERCE.- La période sous revue n'a pas enrichi la jurisprudence et ne lui a pas encore donné entière netteté. Un jugement de Tongres du 17 juin 1966 (R. W., 1966-1967, col. 2063) a rappelé à ce créancier qu'il ne pouvait réaliser son gage avant la clôture de la vérification du passif, et, comme il l'avait fait, un mois plus tôt, il fut tenu responsable des dommages que le mobilier avait subis en cours de transport. Le même jugement, entrant dans un domaine controversé, a obligé le créancier à ne pas imputer d'abord les intérêts sur le produit de la vente, étant de fait que le gage était insuffisant. Il faut éviter, a estin1é le tribunal de Tongres, que le principal non couvert ne vienne peser plus lourdement dans le passif chirographaire parce que le créancier s'est d'abord servi en intérêts. Sur les opinions contradictoires en la matière : ÜLOQUET, op. cit., n° 1338, et VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2754 in fine.

Le concours entre deux nantissements sur fonds de comn1erce se règle selon la date de l'inscription (comm. Liège, 26 septembre 1967, Jur. comm. Belg., 1968, p. 306).

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Dans un long arrêt, la Cour de Bruxelles, le 5 avril 1967 (R. W., 1967-1968, col. 694), tranche le conflit, devenu un grand centre d'intérêt doctrinal (HEENEN, Rev. crit., 1964, p. 21 ; DE RYKE et HEURTERRE, T. P. R., 1967, p. 134 ; VINCENT, Journ. trib., 1968, p. 559), entre le créancier hypothécaire et le gagiste nanti d'un fonds de commerce qui sont en concours sur le produit du matériel immobilisé. La Cour de Bruxelles adopte la formule, ayant pour elle l'argument de sécurité, de l'ordre des dates des deux inscriptions : V AN. RYN et HEENEN, t. IV, n° 2604. Contra : FREDERICQ, Handboek, t. rer, no 477, b.

77. PRIVILÈGE DU FOURNISSEUR DE MACHINE. - La créance garantie inclut-elle les intérêts dus sur le prix et les dommages conventionnels~ On l'a parfois admis (voir la jurisprudence citée par CLOQUET, n° 1521). La tendance qui se dessine est de limiter la garantie au seul prix : comm. Saint-Nicolas, 20 avril 1965, Rev. Banque, 1965, p. 555. C'est l'opinion de DE RYKE, A. P. R., Voorrechten, n° 136. La Cour de Gand, le 30 mai 1967 (R. W., 1968-1969, col. 327), réduisit la créance du vendeur en faisant appel à l'article 450 qui, après avoir dit que la faillite déclenchait l'exigibilité immédiate des dettes à terme du failli, ajoute : <<les dettes non échues et ne portant pas intérêt dont le terme serait éloigné de plus d'une année, ne seront admises au passif que sous déduction de l'intérêt légal calculé depuis le jugement jusqu'à l'échéance>>. En l'espèce le fournisseur avait en mains des traites dont certaines, par le jeu de l'exigibilité immédiate, voyaient leur échéance abrégée de 15, 14 et 13 mois. Elles furent amputées d'un escompte. On remarquera que ces traites qui échelonnaient le règlement d'une vente à tempéra­ment contenaient elles-mêmes une portion d'intérêt à côté d'une portion de prix. L'intérêt comme tel ne fut pas enlevé du montant.

La loi qui subordonne le privilège à la condition de forme du dépôt de la facture n'exige rien de plus. Lorsque la créance du fournisseur est transférée, il n'y a rien à ajouter. Le fournisseur d'un camion avait subrogé une banque dans sa créance privilé­giée et celle-ci, à son tour, avait subrogé l'aval. Cette décision du tribunal de commerce de Liège du 11 février 1966 (Jur. Liège, 1965-1966, p. 189) est conforme à un arrêt antérjeur de Liège du 18 juin 1963 (Jur. Liège, 1963-1964, p. 25 et 161) et

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peut s'appuyer sur l'enseignement de FREDERICQ, t. VII, no 422. La subrogation de la société de crédit dans le privilège du four­nisseur est de droit : comm. Anvers, 31 janvier 1968 (R. W., 1968-1969, col. 1819).

La nature de l'objet livré a moins d'importance que l'usage auquel il était destiné. L'objet vendu doit servir, dans l'intention de l'acheteur, à l'équipement au sens large de son entreprise. C'est pour l'auto non utilitaire que la question est marginale, car l'expérience révèle que l'auto ne sert pas toujours de véri­table instrument de travail. La jurisprudence examine chaque cas : la Cour de. Liège, le 5 décembre 1966 (Jur. Liège, 1966-1967, p. 146), considère que le directeur d'une entreprise peut légitimement dire que sa voiture est un outil de travail. Pour les petits commerces, il faut se montrer plus réticent. Ainsi, par deux fois, la Cour de Gand rejeta le privilège pour la voiture d'un détaillant en confection (Gand, 2 décembre 1961, Pas., 1962, II, 85) et pour le détaillant en articles de papeterie pour écoliers (Gand, 26 novmnbre 1963, R. W., 1964-1965, col. 530, avec l'a~v-is de M. l'avocat général Versée et la note; T. P. R., 1967, p. 122). On consultera CLOQUET, op. cit., n° 1521, et la Chronique précédente, Rev. crit., 1965, p. 87. L'usage du bien vendu ne peut découler avec certitude de la déclaration portée au contrat (arrêt du 26 novembre 1963).

78. CoNFLIT ENTRE LE PRIVILÈGE DU FOURNISSEUR DE MACHINES ET LE PRÊTEUR NANTI DU FONDS DE COMMERCE. -Dans un arrêt très long, la Cour de Gand examina ce problème le 22 mars 1966 (R. W., 1965-1966, col. 2090, Pas., 1967, II, 50, Tijdschr. notarissen, 1966, p. 118, et Journ. trib., 1968, p. 762). Abandonné à ses moyens, le juge n'a aucune solution à trouver directement dans la loi. Il peut choisir ou bien d'analyser la philosophie de ces deux privilèges et trancher, comme le lui permet l'article 13 : la préférence se règle par les différentes qualités des privilèges (DE PAGE, t. VII, n° 19 : <<Comme le juge est bien forcé de juger, le degré de faveur que méritent les créances devra, dans le silence des textes, être laissé à son appréciation>>), ou bien d'unir dans sa pensée la nature d'un gage ordinaire et celle d'un gage sur fonds de commerce et, partant de ce postulat, faire jouer la règle de conflit quand sont aux prises le privilège du vendeur .et celui du gagiste (art. 23,.

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al. 1er). On sait que, pour ce cas, le gagiste est préféré au ven­deur, quant à l'objet vendu remis entre ses mains, <<à moins que le gagiste n'ait su en le recevant que le prix était encore dû>>.

La Cour de Gand, le 22 mars 1966, prit le premier chemin. Le vendeur a un rang préférable. Les conseillers firent argu­ment économique. L'actif est l'objet d'une implantation enri­chissante dont l'auteur était spécifiquement le fournisseur de matériel. La solvabilité que le banquier, lors de la mise en gage du fonds de commerce, avait devant les yeux, n'incluait pas les biens d'équipement -vendus et non payés, soit qu'ils furent livrés par après, soit que le fait qu'ils n'étaient pas payés découlât du dépôt de la facture au greffe. S'il n'y avait anglicisme, l'on dirait que ce matériel ne fut pas<< contemplé>>. Un mê1ne raison­nement allait convaincre deux tribunaux qui donnèrent égale­ment primauté au vendeur de matériel. Il s'agit de la décision du tribunal de commerce d'Anvers du 15 mars 1966 (Journ. trib., 1967, p. 63, note UNIKOWSKI), espèce dans laquelle le nantissement du fonds de commerce fut inscrit le 8 août 1963 alors que les factures furent déposées les 27 novembre 1963 et 18 février 1964. Il s'agit ensuite du jugement du tribunal de commerce de Tournai du 26 octobre 1966 (Journ. trib., 1967, p. 372) qui fait référence expresse à l'arrêt de Gand pour se motiver : ici le nantissement du fonds de commerce avait été inscrit le 23 octobre 1961 et les factures avaient été déposées les 27 avril et 4 mai de l'année suivante.

L'arrêt de Gand fut déféré à la censure de la Cour de cassation. Le pourvoi fut rejeté (arrêt du 10 novembre 1967, Journ. trib., 1968, p. 61, note KIRKPATRICK; Pas., 1968, I, 343). La Cour de cassation ne confirma pas pour autant le raisonnement des conseillers de Gand. Le pourvoi reprochait d'un côté d'avoir violé l'article 13 en ayant apprécié inexactement les qualités des deux privilèges rivaux (première branche). Il reprochait d'un autre côté d'avoir négligé l'article 23, alinéa 2, le privilège du gage sur fonds de commerce présentant des analogies avec celui du bailleur ou du prêteur agricole (seconde branche). Le pourvoi n'invoquait pas la violation de l'article 23, alinéa 1er.

La Cour condamne le raisonnement économique des conseil­lers d'appel. Elle considère que le conflit doit se régler en appliquant l'article 23, alinéa 1er. Le gagiste doit céder le pas dès qu'il a su, d'une manière quelconque, que le prix de l'objet

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donné en gage est encore dû. Il faut donc scruter si le créancier gagiste avait ou non connaissance du non-paiement du prix: d'achat. La question n'en est pas, pour autant, simplifiée parce que cette connaissance est présumée par le dépôt de la facture. Après celui-ci, la connaissance est indiscutable. Avant celui-ci, la connaissance doit être démontrée et la difficulté surgit parce que le vendeur a quinze jours pour déposer sa facture après la livrai­son. Il y a donc urie phase intercalaire pendant laquelle la publi­cité du greffe n'aura pas vertu par elle seule. La preuve de la con­naissance de la dette impayée, dans le chef du créancier gagiste, est alors livrée aux: errements du droit commun. La doctrine n'apporte aucune lumière décisive sur ce point : PIRET, op. cit., n° 45, in fine; ÜLOQUET, n° 1519; VAN RYN et HEENEN, t. IV, no 2613, a; 'T KINT et GoDDIN, Annales de droit, 1962, p. 219; FREDERICQ, Handboek, t. II, n° 1856; DE RYKE et HEUR­TERRE, T. P. R., 1.967, p. 124.

La Cour de Gand réexamina le problème dans un arrêt du 9 novembre 1967 (Rev. Banque, 1968, p. 409, note LIEBAERT). Le privilège du fournisseur d'une voiture prime le privilège de la banque, créancière nantie du fonds de commerce. La Cour n'abandonne pas l'invocation de considérations économiques et redit qu'il est bon que le vendeur jouisse de la préférence, car le créancier nanti du fonds a tout intérêt à ce que soient trouvés des crédits permettant de mieux: outiller l'entreprise. Le tribunal de commerce de Liège, le 26 septembre 1967 (Jur. comm. Belg., 1968, p. 306), estime que pour les éléments introduits dans le fonds après le nantissement, le banquier ne peut prétendre à aucune préférence sur eux. C'est le vendeur qui apporta un surcroît d'actif et, s'il en était autrement, le débiteur serait privé d'un accès au crédit pour l'achat de matériel. L'application de l'article 23, alinéa 1er, doit ainsi être très nuancée. Le trouble doctrinal éveilla cependant le souci de la Jurisprudence commer­ciale de Belgique qui, dans une note courte mais nette (R. PoN­CELET, 1968, p. 474), signala le danger de ces analyses peut-être trop savantes.

79. PRIVILÈGE DANS LES TRAVAUX PUBLICS. -La matière a fait l'objet d'une étude de M. DE RYKE à la Revue critique de 1966, p. 32, sous l'arrêt de Gand du 9 mars 1965 (R. W., 1964-1965, col. 1877) : lorsque les travaux sont adjugés par une

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administration subordonnée bénéficiant de subsides de l'Etat, les travaux doivent être considérés comme exécutés pour le compte de l'Etat à concurrence des subsides. Le privilège s'exerce aussi sur les dommages-intérêts dus à l'entrepreneur à raison de l'arrêt injustifié des travaux à concurrence de la quote-part incombant à l'Etat. Une décision semblable fut ren­due quelques mois plus tard par le tribunal de commerce de Louvain (15 mars 1966, R. W., 1966-1967, col. 364). En ce sens : FREDERICQ, t. VII, n° 394, p. 578.

Le privilège garantissant les fournitures de matériaux pour compte de l'Etat s'étend aux frais de transport (Bruxelles, 6 mai 1966, Journ. trib., 1966, p. 616; R. W., 1966-1967, col. 52, et Pas., 1967, II, 86). Le privilège ne s'étend pas aux sommes payées par l'Etat à celui qui est le cessionnaire de la créance de l'entrepreneur sur l'Etat (Bruxelles, 17 novembre 1966, Journ. trib., 1967, p. 188). En cas de faillite d'un entrepreneur ayant travaillé pour l'Etat, les salaires des travailleurs et les créances des fournisseurs de matériaux sont privilégiés. Les privilèges de ces différents créanciers entrent en concours et le curateur répartira les fonds. Une déclaration de créance suffit et l'inutilité d'une saisie-arrêt fait que son coût ne pourrait être mis à charge de la masse ( civ. Arlon, 28 novembre 1967, Jur. Liège, 1967-1968, p. 196). Le privilège porte aussi sur les sommes qui sont remises au curateur après la faillite, mais il est étranger à ce qui est payé au curateur pour les travaux continués après la faillite (même tribunal, 20 juin 1968, Jur. Liège, 1968-1969, p. 76).

80. PRIVILÈGE DE L'ENTREPRENEUR. - Il n'y a de privilège que si un procès-verbal fut dressé avant les travaux et si un deuxième procès-verbal est rédigé par un expert dans les six mois de leur achèvement. Cette condition est stricte. Il importe peu qu'au départ le terrain fût nu et qu'il soit hors de doute que la construction, dans son fait comme dans son volume, soit bien celle dont l'entrepreneur exige paiement. En l'espèce tranchée par la Cour de Liège, le 3 avril 1968 (Journ. trib., 1968, p. 366, et Jur. Liège, 1967-1968, p. 298), les travaux avaient commencé à la fin de 1964 sans que rien ne fût constaté. Un procès-verbal fut' inscrit le 25 juillet 1966 sans avoir été précédé d'aucun autre. La faillite survint le 1er septembre. Sur

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la nécessité de ces procès-verbaux:,: on consultera DELVAUX, Traité des bâtisseurs, éd. 1968, t. Ier, n° 92, 40 ; FLAMME et LEPAFFE, Le contrat d'entreprise, n° 569; ÜLOQUET,. op. cit., no 1450; DE PAGE, t. VII, n° 369. Il faut approuver cette rigueur car le privilège est fondé sur Une plus-value, c'est-à-dire avec un point de comparaison tout à fait certain au départ;

CHAPITRE x. - CAUTIONS ET COOBLIGÉS.

81. CouRs DES INTÉRÊTS. -DATES DISTINCTES. ---'La juris­prudence de cette rubrique est toujours rare. Un jugement inté­ressant a été rendu, le ·1er décembre 1964, par le tribunal de commerce de Saint-Nicolas (Rev. Banque, 1965, p. 559). Le créancier peut produire sa créance dans chacune des faillites de codébiteurs. (art. 537; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2767 ; FREDERICQ, t. VII, no 341 ; ÛLOQUET, n° 1388). Ce jugement est précieux: en ce qu'il calcule les intérêts jusqu'aux dates respectives des différentes faillites. C'est un autre aspect de la relativité de la suspension du cours des intérêts : non seulement cette suspension ne joue qu'à l'égard de la i:nasse, mais encore, en raison de l'effet individuel de la faillite, les intérêts ne cessent de courir qu'à l'égard de· la faillite considérée. Ils suivent leur cours à l'égard des débiteurs qui sont demeurés provisoirement in bonis. Le point tranché par le jugement ci-dessus peut trou­ver référence en doctrine belge dans le traité de MM. V AN RYN et HEENEN, t. IV, p. 310, note l.

CHAPITRE XI. - REVENDICATIONS PAR L'ÉPOUSE DU FAILLI.

82. REPRISES. - On doit signaler que dans l'avant-projet de convention européenne sur la faillite, une loi uniforme est pré­vue. Elle adoucira.considérablement les effets de la présomption mucienne de notre Code de commerce (Jur. comm. Belg., 1968, étude V AN DER GucHT, p. 615). Le 30 octobre 1964 (Pas., 1965, II, 234, Rev. prat. not., 1966, p. 340), la Cour de Bruxelles a confirmé un jugement du tribunal de. commerce du 13 mai 1963 (Chronique précédente, 1965, p. 89). ·L'épouse d'un agent de change failli prétendait qu'une habitation lui était propre pour avoir été acquise au moyen de revenus et d'économies

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issus d'une activité professionnelle de vingt· ans. Certes, la présomption légale selon laquelle les biens acquis par la femme du failli appartiennent à son mari et doivent être réunis à l'actif de la masse, est renversable par toutes voies de droit, encore importe-t-H que des preuves convaincantes soient admi..; nistrées. L'épouse se bornait à additionner des gains profes~ sionnels et à les capitaliser sur une période de vingt ans. Aucune pièce justificative n'entraînait conviction.

La Cour de Bruxelles confirma également, le 24 mai 1966 (Jur. comm. Brux., 1968, p. 105), un jugement du tribunal de commerce du 9 mars 1964 (Jur. comm. Brux., 1964, p. 331, et Jur. comm. Belg., 1968, p. 106). Il s'agissait de la revendication de meubles meublants du ménage pour lesquels la preuve ne se fait pas par toutes voies de droit mais par act~ authentique (art. 560). Le jugement a quo est fortement motivé et explique pourquoi la sévérité est renforcée pour ce genre de revendi­cation. Sur ces questions demeurées obscures en plusieurs points, on lira CLOQUET, n° 1311 ; FREDERICQ, t. VIII, n° 508; V AN

RYN et HEENEN, t. IV, n° 2745; DE PAGE, t. X, vol. 1er, p. 830; RIPERT, n° 2820.

83. RENTE VIAGÈRE COMMUNE DANS L'ACHAT D'UN BIEN.­Deux époux avaient acquis un immeuble moyennant l'obligation de prendre en charge le paiement d'une rente mensuelle et viagère. Six mois plus tard, les débirentiers arrêtèrent leurs versements et le mari fut déclaré en faillite. Les époux furent mis en demeure, les acquéreurs visant à obtenir la résolution de la vente. L'action en résolution, en tant qu'elle était dirigée personnellement contre le mari, n'était pas recevable puisque le dessaisissement concentrait toute défense dans les mains du curateur. La résolution fut acquise contre l'épouse coacqué­reuse. Sur le principe de dommages-intérêts dus par le jeu de la résolution, le tribunal estima que l'épouse devait répondre sur son patrimoine, distinct de celui de la masse, des engage­ments qu'elle avait contractés (civ. Bruxelles, 20 avril 1964, Pas., 1965, III, 30).

84. pAIEMENT DES REPRISES. - DATION EN PAIEMENT ET PÉRIODE SUSPECTE. - Un jugement de séparation de biens avait été prononcé le 13 janvier 1967. Le 14 avril suivant, le

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mari, en paiement des reprises, faisait une dation des meubles de la communauté. Le curateur estima que toute dation en paiement intervenue pendant la période suspecte était inoppo­sable à la masse (art. 445). L'acte de liquidation fut attaqué. Comme moyen de défense, l'épouse plaida que l'article 1445 (C. civ.) faisait rétroagir le jugement de séparation au jour de l'assignation. L'acte de liquidation, s'il en était ainsi, eût été déplacé hors de la période de six mois et dix jours.

Le tribunal d'Arlon, par jugement du 9 novembre 1967 (Jur. comm. Brux., 1968, p. 717), répudia ce système. L'effet rétroactif de la demande ne pouvait régulariser la dation en paiement opérée en période suspecte. La rétroactivité de l'arti­cle 1445 ne doit pas dépasser les limites de ce qui est nécessaire pour sauver les biens de la femme (DE PAGE, t. X, vol. 1, n° 759) <<comme la cessation des pouvoirs exorbitants du mari>> (ibid., no 761) mais non l'exécution du jugement de séparation ~(ibid., no 763). Les biens durent être remis au curateur. Il fut admis, en jurisprudence française, qu'une cession de créance, faite pendant l'instance en séparation de biens, pouvait être opposée aux: créanciers du mari (PLANIOL et RIPERT, t. IX, n° 793 in fine, et cass. fr., 11 février 1946, Dalloz, 1949, p. 389, note CHÉRON). Sur l'obligation de la femme de subir le concours des créanciers on lira l'étude de HoLLEAUX au Dalloz critique de 1941, p. 23 : la pratique quotidienne enseigne que presque toutes les séparations de biens sont prononcées à la suite d'un accord entre époux, sans débat sérieux, et le plus souvent par défaut. La rétroactivité qui est salutaire dans la mesure où elle tend à assurer la liquidation des droits de la femme dans l'état où ils se trouvaient au jour de l'introduction de la deman­de, deviendrait e:x:trêmement redoutable pour les créanciers si on l'étendait aux actes d'exécution de la liquidation.

CHAPITRE XII. -LES SOLUTIONS DE LA FAILLITE.

85. EFFETS DE LA CLÔTURE. -RÉOUVERTURE. -Après la clôture, les créanciers recouvrent leur droit. individuel de pour­suite (CLOQUET, n° 2054 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2873 ; FREDERICQ, t. VII, n° 332, 30). L'ancien failli ne peut pas, sauf s'il est concordataire, éconduire le demandeur en disant qu'il n'y a pas retour à meilleure fortune (comm. Saint-Nicolas,

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17 avril 1962, Pas., 1966, III, 17, et J. de P. Liège, 24 sep­tembre 1959, Jur. Liège, 1959-1960, p. 76).

Une faillite avait été ouverte en 1948 et clôturée par liquida­tion en 1957. Le failli, sans avoir celé le principe d'une créance de dommages de guerre, n'avait pas mis le curateur, de manière utile, au courant de ce dossier. La créance eût échappé aux: créanciers s'il n'y avait eu réouverture d'office en 1962. La Cour de Bruxelles, le 4 avril 1964 (Pas., 1965, II, 137), s'appuya sur. l'idée que la clôture de la faillite n'est qu'une mesure purement administrative. C'est, en vérité, la reddition de compte qui était prématurée et inexacte lorsqu'un actif avait été omis. Il impor­terait peu que ce fût l'effet d'une réticence du failli ou celui d'une négligence du curateur (CLOQUET, n° 2057; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2874; FREDERICQ, t. VII, no 333).

86. NouvELLE FAILLITE. - S'il advient que le failli recom­mence une nouvelle affaire et tombe à nouveau en état de ces­sation des paiements, les créanciers de la première faillite peuvent-ils produire dans la deuxième 1 Peut-on soutenir, com­me y conduit un premier mouvement d'équité, que l'actif de la deu:2cième faillite n'appartient qu'aux nouveaux créanciers qui ont accordé leur confiance sur la foi apparente des nouveaux éléments dont semblait disposer leur débiteur 1 Le tribunal de commerce de Courtrai, le 9 novembre 1967 (R. W., 1968-1969, col. 802), dans un jugement .où les magistrats avouent leur embarras en exposant les deux systèmes possibles, se rallie finalement à la solution que sur l'actif nouveau produiront et les nouveaux créanciers pour la totalité de leurs droits et les créanciers anciens pour le solde qui leur reste dû. La réponse est, en effet, plus juridique : l'équité ne peut conduire à donner aux nouveaux créanciers l'équivalent d'un privilège bâti sans texte légal. La règle <<faillite sur faillite ne vaut>> ne signifie, en définitive, que l'impossibilité d'organiser un nouveau concours regroupant la première masse. Les perspectives du problème sont cependant très brumeuses. En Belgique le problème est ébauché : CLOQUET, n° 2061, qui s'appuie sur l'article 527 traitant de la faillite qui s'ouvre après un concordat ; FREDE­RICQ, t. VII, no 334 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, no 2875. En droit français, il y a l'étude de RoBINO, <<L'exercice d'un nouveau commerce par le failli>>, Rev. trim. dr. comm., 1951,

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p. 670, au no 17, qui donne la niême solution que le jugement de Courtrai; RIPERT, n° 2909." Ceux: qui étaient créanciers de la .première masse déclinent au rang de créanciers chirographai­res dans la deuxième. Certaines sûretés peuvent avoir été concédées par le failli après son dessaisissement. Un arrêt fran­çais du 26 février 1968 (Rev. t'i'im. d'i'. comm., 1969, p. 226) est à consulter.

87. ·CoNCORDAT APRÈS FAILLITE. -La demande en homolo­gation du concordat, voté après le décès du failli 1nais non encore homologué, peut · être présentée par la veuve et les héritiers du failli. Il s'agit d'une <<opération de la faillite>> au sens de l'article 486 (Liège, 5 juin 1964, Pas., 1964, II, 222). Lorsque les bases financières d'un concordat sont fragiles et qu'un tiers qui devait apporter une aide indispensable à l'exécu­tion des promesses revient sur son engagement, l'homologation peut raisonnablement être refusée (comm. Bruxelles, 6 janvier 1964, Jur. comm. B'i'ux., 1964, p. 308). La disposition de Parti­cie 515 prescrivant la signature séance tenante du concordat est impérative (Liège, 5 .juin 1964, précité ; CLOQUET, n° 1828 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2847). Sur son caractère authen­tique découlant de la signature du juge-commissaire· : FREDE­RICQ, t. VII, n° 271. Cet arrêt de Liège semble être le premier cas de jurisprudence belge. L'on a voulu que les signatures ne fussent pas recueillies hors de l'assemblée au pé1il de démarches de mauvais aloi.

88. ABANDON D'ACTIF. -Un arrêt chambres réunies de la Cour de Bruxelles. du 9 janvier 1967 (Pas., 1967, II, 186) donne une définition du concordat par abandon d'actif (après faillite) : <<c'est un traité par lequel le débiteur délaisse à ses créanciers les biens de la faillite afin qu'ils les réalisent à leur profit contre remise de la partie de la dette que cette réalisation ne parvien­drait pas à couvrir>>. L'abandon porte sur tout l'actif, c'est la note dominante, c'est même ce qui en fait, sur le plan économi­que, une institution intermédiaire entre la liquidation et le concordat où le failli reprend la direction de son affaire. Le problème s'était posé de voir si un immeuble vendu avant la faillite (contrat du 29 juin - faillite du 7 juillet) relevait ou non de l'actif abandonné alors que la transcription était posté-

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rieure à la faillite (14 juillet) tout en étant antérieure à la prise d'hypothèque légale par le curateur ( 19 août). Les termes du concordat indiquaient un abandon rien excepté et rien réservé. Pour arriver à l'inclusion de l'immeuble dans l'actif abandonné, il suffisait de rappeler que l'actif de la masse, tel qu'il était <<cristallisé>> le 7 juillet, jour d'ouverture de la faillite, comprenait de plein droit ce bien puisque sa sortie ne s'était pas réalisée de manière opposable aux tiers. Le curateur n'avait pas à poursuivre expressément l'inopposabilité. L'arrêt de cas­sation du 2 février 1961 (Pas., 1961, I, 591), pour parvenir au même résultat, avait amplifié le sens de l'hypothèque légale, disant qu'en l'asseyant sur l'immeuble litigieux, le curate.ur avait compris ce dernier dans l'actif. Cet arrêt de 1961 attribuait à l'hypothèque légale des effets qui étaient ceux du dessaisis­sement et fut l'objet de critiques par Ml\L VAN RYN et HEE..: NEN, t. IV, p. 375, et par M. VANDEVELDE-WINANT, Ann. du notariat, 1966, p. 105.

CHAPITRE XIII. - LE CONCORDAT JUDICIAIRE.

89. CoNDITIONS DE FOND. --'- Le désordre de.la comptabilité ne permet pas d'apprécier ni d'accueillir une requête en con~ cordat (comm. Verviers, 25 novembre 1965, J ur. Liège, 1965-1966, p. 116; CLOQUET, n° 461). Un concordat avait été adopté à la double majorité mais le contenu financier soulevait des objections : les créanciers de plus de 10.000 francs étaient d'accord de céder leurs droits à un tiers qui les leur payait à raison de 20 p. c. en argent et 5 p. c. en titres d'une société. L'arrêt de Bruxelles du 27 octobre 1964 (Pas., 1965, II, 223) refuse l'homologation : c'est moins l'inégalité entre créanciers (notre Chronique de 1961, p. 162; CLOQUET, n° 478; VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 421; -le droit français est plus tolérant: Dalloz, v° Faillite, n° 2475) qui heurta la Cour que le fait que les créanciers importants abdiquaient définitivement leur droit à un paiement intégral en cas de retour à meilleure fortune et qu'ainsi était transgressé l'article 34 dont la nature est d'ordre public (CLOQUET, n° 696 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 431). Il est vrai que ce concordat devait encore être débattu dans l'assemblée d'actionnaires d'une autre société et qu'il était ainsi affecté d'un danger de résolution.

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L'homologation du concordat peut être accordée lorsque l'entreprise fut gérée avec conscience professionnelle. La Cour de Liège, dans un arrêt du 10 avril 1967 (Jur. Liège, 1967-1968, p. 49), relève les faits suivants : une comptabilité dont la tenue est parfaite, des engagements dont aucun ne fut contracté à la légère, aucune aliénation inconsidérée d'actif, aucun prélève­ment abusif et aucun fait d'impéritie dans le chef des adminis­trateurs. La même cour, le 18 janvier 1967 (Journ. trib., 1967, p. 502), est moins stricte parce qu'elle tolère <<des erreurs dues à l'inexpérience>> corrigées par après par une attitude générale et appuyée par des promesses d'aide tierce.

Les propositions du débiteur sont définitives. Ceci fut rappelé à un requérant qui entre le jugement a q~to et les plaidoiries en appel avait obtenu un permis de lotir qui donnait plus-value à son actif. La Cour refusa de prendre en considérations des propositions différentes (Bruxelles, 18 juin 1968, Journ. trib., 1969, p. 48). La doctrine adopte le même principe : CLOQUET, n° 484; VAN RYN et HEENEN, t. IV, no 2928, 3°; FREDERICQ, t. VIII, n° 690. Il faut appr01.1ver cette règle : d'une part parce que le débiteur doit proposer le maximum de ce qu'il peut faire, d'autre part parce que la saisine des autorités judiciaires d'homologation doit porter sur les mêmes points que celle de l'assemblée générale des çréanciers. La situation est moins claire en France où les tribunaux pratiquent le << donné acte >> pour les propositions nouvelles : RIPERT, n° 2861 ; HouiN, Dalloz, v° Faillite, nos 2507 et 2508.

Le vote du créancier est également définitif. Un même créan­cier ayant voté<< non>> par une lettre du 12 décembre se ravisa et vota<< oui>> par une lettre-express du 19 décembre. Il n'y fut pas fait égard : Liège, 29 avril 1968, Jur. Liège, 1967-1968, p. 273.

La bonne foi d'une société anonyme demanderesse en con­cordat pose toujours un problème, car il faut scruter quel fut le comportement des actionnaires (voir CoPPENS, <<De la bonne foi d'une société anonyme>>, Rev. prat. soc., 1960, p. 193 ; CLa­QUET, no 465 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, p. 407 ; FREDERIOQ, t. VIII, p. 1026). Les actionnaires, c'est-à-dire la société ano­nyme, demeurent de bonne foi s'ils ignoraient les agissements d'un administrateur-délégué, ses propres collègues du conseil d'administration étant eux-mêmes laissés sans information (Bru-

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xelles, 3 mars 1965, Rev. prat. soc., 1965, p. 95 et la note ; Pas., 1966, II, 67; R. W., 1964-1965, col. 1690). Cependant la société ne sera jamais de bonne foi si elle a commencé ses opérations avec un capital anémique : son activité était alors dispropor­tionnée avec ses moyens, elle créait dès le début un concours entre des fournisseurs et des bailleurs de crédit et les action­naires-fondateurs ne pouvaient pas ne pas en être conscients (comm. Verviers, 31 mars 1966, Jur. Liège, 1966-1967, p. 53; CLOQUET, n° 467). La Cour de Bruxelles, le 16 janvier 1967 (Rev. prat. soc., 1967, p. 55), rejeta un concordat pour cette raison.

Le refus d'homologation ne conduit pas fatalement à la décla­ration de faillite (Bruxelles, 27 octobre 1964, ci-dessus).

Enfin, une demande de concordat ne doit pas a priori être écartée parce qu'elle émane d'une société irrégulière (comm. Courtrai, 1er juillet 1965, Jur. comm. Brux., 1968, p. 102). La doctrine le tolère en effet : CLOQUET no 437 ; FREDERICQ, t. VIII, n° 792. Cela ne diminue en rien le droit des tiers qui conservent l'option· de l'article 4 des lois sur les sociétés.

90. CoNDITIONS DE FO:RME. - La majorjté en sommes se calcule uniquement sur les montants des créances certaines et liquides. Un concordat avait réuni une quasi-unanimité en nombre : 30 créanciers contre un. Le créancier opposant avait, en droits certains, moins d'un tiers du passif mais il revendiquait des indemnités diverses qui devaient lui conférer une prépon­dérance absolue dans la majorité en sommes. Ces indemnités, étant contestées pour des motifs plausibles, ne furent pas comptées dans la majorité en sommes (civ. Arlon, siég. cons., 30 juin 1967, Jur. comm. Belg., 1968, p. 331).

Lors de la procédure concordataire, le rapport du juge délégué avait été lu par un autre magistrat. Ce vice de procé­dure est substantiel : il fallait pourvoir au remplacement du juge délégué et non seulement constater son empêchement (Liège, 29 avril 1968, Jur. Liège, 1967-1968, p. 273; Rép. prat. dr. belge, Oomplém~nt, vo Concordat judiciaire, nos 334-335 ; CLOQUET, no 531).

Devant la Cour, un créancier ne peut intervenir pour donner son avis sur l'homologation, quand il n'a pas fait valoir ses droits à l'assemblée des créanciers où il n'a ni produit ni corn-

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paru (Liège, 10 avril 1967, Jur. Liège, 1967-1968, p. 49). La décision d'admettre une créance au vote n'a qu'un effet élec­toral à l'assemblée : rien n'est atteint ni dans les droits du débiteur de contester la créance ni dans ceux d'un créancier qui serait écarté, de la· faire admettre quant au fond (même arrêt) : CLOQUET, n° 556; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2925; FREDERICQ, t. VIII, n° 681.

L'entremêlement de la procédure en homologation et de celle de la faillite d'office soulève des problèmes devant la Cour. La Cour de Liège, le 18 janvier 1967 (Jm"rn. trib., 1967, p. 502, avec l'excellent avis de. M. l'avocat général Charlier) trancha le cas suivant : le tribunal de commerce avait, par deux: jugements rendus le même jour mais matériellement distincts, décidé d'un côté et contradictoirement de refuser le concordat et d'autre part, par défaut, de mettre d'office en état de faillite. Appel ne fut interjeté que contre le jugement qui avait refusé l'homologation. Le jugement de faillite fut laissé tel quel et devint définitif faute d'opposition.

La Cour accepte d'homologuer le concordat qui avait été voté. Que faire du jugement déclaratiH La difficulté est connue en doctrine, certains auteurs considérant le problème comme inso­luble : FREDERICQ, t. VIII, p. 957, qui ne semble envisager que l'hypothèse de deux: décisions dans un seul jugement a quo; Rép. prat. dr. belge, V° Concordat judiciaire, n° 324; BERTEN, Journ. trib., 1953, p. 9, no 97; HENRY, note dans Jur. Liège, 1962-1963, p. 65. La Cour de Liège, sans motivation d'appui, <<con­state>> que l'arrêt qui accorde l'homologation << 1net à néant le jugement déclaratif indivisiblement lié au jugement entrepris>>. La même cour, le 15 février 1968 (Jur. Liège, 1967-1968), redira que le rejet d'un concordat et la faillite d'office sont deux: décisions <<liées>>, la seconde n'étant que la conséquence.

Le créancier qui assigne en paiement alors que sa créance est portée à la liste du passif concordataire doit conserver les frais de son exploit (comm. Courtrai, 5 janvier 1965, R. TV., 1964-1965, col. 1273; contra : FREDERICQ, t. VIII, n° 749).

91. EFFETS DU CONCORDAT JUDICIAIRE.- Comme l'article 5 le dit, le dépôt de la requête en concordat emporte un sursis provisoire contre tout acte d'exécution. La demande en vali­dation d'une saisie est un acte d'exécution et doit se heurter

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au sursis légal (Liège, 10 juin 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 17).

Un concordat n'a pas pour effet naturel de faire courir des intérêts aux créances sauf si son contenu le prévoit clairement (comm. Louvain, 28 septembre 1965, R. W., 1966-1967, col. 156; Jur. comm. Belg., 1968, p. 712). La demande de concordat ne fait pas courir des intérêts non convenus (comm. Saint-Nicolas, 29 janvier 1963, Pas., 1965, III, 95). L'absence d'intérêts dans les règlements concordataires n'est pas prévue à la loi mais elle s'impose pour l'exécution du traité (VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2954, p. 433). PIRET, p. 56, enseigne què le contrat entre le débiteur et la masse crée des rapports nouveaux qui se nouent en fonction d'un chiffre gelé du passif.

Le paiement que veut effectuer un demandeur de concordat doit être autorisé (comm. Liège, référés, 17 mai 1966, J ur. Liège, 1965-1966, p. 293). Cette décision est dans la ligne de l'arrêt de cassation du 14 septembre 1961 qui a considéré que <<payer>> était <<aliéner>> (Chronique précédente, 1965, p. 92). Cette jurisprudence admise par CLOQUET no 512 a été vivement critiquée par VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2948, qui démon­trent les inconvénients découlant de l'obligation de se munir de l'autorisation du juge délégué pour opérer des paiements. Plus normale est la décision du tribunal de commerce de Liège du 22 mars 1965 (Jur. Liège, 1964-1965, p. 243) qui considère comme une véritable aliénation la remise au vendeur des mar­chandises qui avaient été vendues. Il s'agit en effet d'un retrans­fert de propriété.

Le créancier individuel ne peut introduire une réclamation fiscale pour le compte du concordataire (Gand, 5 novembre 1963, Bull. contr., 1965, p. 147). Ceci coule de source, puisque jamais le droit d'agir par la voie obHque n'est donnée en ce qui concerne les réclamations contre les impôts directs, étant donné qu'elles peuvent aboutir à une majoration de l'impôt.

92. POUVOIRS DES LIQUIDATEURS DANS UN ABANDON D'ACTIF. - Les pouvoirs des liquidateurs dans le concordat par abandon d'actif sont mal définis. A-t-il la même position de tiers que celle d'un curateur, hormis le droit de manier les inopposabilités de la période suspecte 1 Est-il plus littéralement le continuateur des actes du débiteur1 La doctrine est divisée : ÜLOQUET,

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n° 638, et VAN RYN et HEENEN, t. IV, no 2966, disent qu'ils ont le droit de répudier les actes dont les formalités sont insuf­fisantes au regard des tiers; FREDERICQ, t. VIII, n° 782, estime que le liquidateur est aux droits du concordataire (Rép. prat. dr. belge, Complément, v° Concordat, n° 575). Le trjbunal de Hasselt, dans une décision du 20 décembre 1966 (R. W., 1966-1967, col. 2012), sans discuter en droit, admet que le liquidateur est l'ayant cause du concordataire. Les faits étaient complexes. Le futur concordataire avait une dette de 100.000 francs du chef d'un emprunt. Il avait, par ailleurs, été victime d'un accident d"e roulage et il était créancier direct d'un assureur pour un montant équivalent. Il céda sa créance d'indemnité à son prêteur, le 11 mars. Le concordat fut demandé le 13- mai. Le liquidateur prétendait que la créance relevait encore de l'actif abandonné alors que le prêteur, cessionnaire, estimait que la créance lui appartenait. Le tribunal donna gain de cause au prêteur : << par la cession du 11 mars, la créance était dis­parue du patrimoine>>. Il faut rappeler que la notion de paie­ment anormal, au sens de l'article 445, n'est pas présente dans la phase préconcordataire, puisqu'elle ne comprend aucune période suspecte. Comparer le cas de l'immeuble dont la vente ·n'était pas transcrite dans un concordat après faillite par abandon d'actif (n° 87).

Les liquidateurs puisent en leur qualité le droit d'exercer tous les droits patrimoniaux du débiteur. Ils peuvent, à ce titre, intenter une action en reV'endication sans devoir ni invoquer l'article 1166 du Code civil ni adjoindre le débiteur àla procé­dure (Bruxelles, 6 décembre 1968, R. W., 1968-1969, col. 1945). Il s'agissait de la demande de restitution d'une hélice, au nom d'une société d'armement en état de concordat par abandon d'actif contre un chantier naV'al. Celui-ci invoquait un droit de rétention mais il n'établissait aucun lien de connexité entre l'hélice et un montant qui était dû.

93. CoNCORDAT. - RÉSOLUTION. - Les fonds que détient un tiers chargé d'organiser les 'paiements aux différents créan­ciers pendant le concordat doivent être remis au curateur si le concordat est résolu (civ. Arlon, siég. cons., 19 janvier 1966, Jur. Liège, 1965-1966, p. 165, note M. H.). La Cour de Liège avait dit, dans le même sens, en 1961, que les fonds mis à la

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disposition d'un répartiteur continuaient de relever du patrimoine du concordataire aussi longtemps qu'ils n'étaient pas remis aux créanciers (Chronique précédente, 1965, p. 93). Cette jurispru­dence n'a rien d'absolu. Il faut analyser la qualité du mandataire et voir de près le cheminement des paiements (Rev. trim. dr. comm., 1962, p. 503 ; VAN RYN et HEENEN, t. IV, n° 2861).

En cas de changement de domicile, la résolution du concordat doit, malgré tout, être prononcée par le tribunal qui homologua le concordat (comm. Louvain, 26 janvier 1965, R. W., 1966-1967, col. 158, et Jur. comm. Belg., 1968, p. 461).

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