evaluation sur le lieu de vie de la personne : entre
TRANSCRIPT
IFPEK
Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes
Evaluation sur le lieu de vie
de la personne :
entre concepts et réalité du terrain.
Etude auprès d’une population post traumatisme crânien grave
U.E. 6.5 S6
Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
PABOEUF Marina
2013- 2014
IFPEK
Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes
Evaluation sur le lieu de vie
de la personne :
entre concepts et réalité du terrain.
Etude auprès d’une population post traumatisme crânien grave
Sous la direction de Madame Marchalot Isabelle, directrice de mémoire
U.E. 6.5 S6
Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
PABOEUF Marina
2013-2014
Résumé
Le syndrome dysexécutif est une séquelle très fréquente d’un traumatisme crânien grave. Il
constitue un handicap invisible. Cette séquelle entraîne de nombreuses répercussions dans la
vie de la personne notamment des difficultés d’adaptation à l’environnement.
Afin de faciliter l’adaptation du patient, l’ergothérapeute a le choix : rendre son environnement
facilitateur et/ou lui apprendre à s’adapter à des situations complexes et non routinières. Ce
choix est déterminé par des évaluations. Cependant, dans quel cadre les réaliser afin d’avoir
une meilleure connaissance du patient, de ses besoins et de son environnement ?
Les apports théoriques et les résultats de l’enquête révèlent l’intérêt d’une complémentarité
entre une évaluation sur le lieu de vie de la personne et une en milieu inconnu. Cependant, la
réalité du terrain est toute autre : les évaluations étant pour la plupart faites dans les services.
Tendre vers une approche centrée sur le patient et son environnement présuppose de
développer nos évaluations hors des murs de nos structures de soin.
Mots clés : traumatisme crânien grave, fonctions exécutives, adaptabilité, évaluation,
environnement
Abstract
The dysexecutive syndrome is a very frequent after-effect of a severe traumatic brain injury.
It’s an invisible disability. This after-effect generates many repercussions in the life of the
person especially difficulties in the adaptation to the environment.
To facilitate the patient’s adaptation, the occupational therapist has two possibilities: to adapt
his environment and to teach him how to get used to complex and non-routine situations. The
occupational therapist’s intervention is determined by evaluations. However, in what context
these evaluations should be carried out it in order to have a better understanding of the patient,
his needs and his environment?
The literature and the results of the survey reveal the importance of the complementarity
between an evaluation where the patient lives and another one in an unfamiliar place. Yet, the
reality of the field is quite different since evaluations are performed mostly in structures.
Moving towards a patient and environment centered approach presumes to develop our
evaluation outside our care structures.
Key words: severe traumatic brain injury, executive functions, adaptability, evaluation,
environment
« Ce qui fait l’homme, c’est sa grande faculté d’adaptation ».
Socrate
Je tiens à remercier, en premier lieu, ma directrice de mémoire, Isabelle Marchalot, pour son
accompagnement, ses conseils avisés et sa disponibilité tout au long de l’élaboration de ce
mémoire.
Je remercie également les ergothérapeutes et les patients qui ont pris le temps de répondre à
mon questionnaire.
Enfin, un grand merci à ma famille, à mes amis, et à Nicolas, pour leur soutien pendant ces
trois années de formation.
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................ 1
1 Problématique .......................................................................................................................... 2
1.1 Contexte ........................................................................................................................... 2
1.2 Situation professionnelle .................................................................................................. 3
1.3 Questionnement ................................................................................................................ 4
1.4 Lectures préliminaires ...................................................................................................... 4
1.5 Entretien exploratoire ..................................................................................................... 11
1.6 Question de recherche .................................................................................................... 13
2 Conceptualisation .................................................................................................................. 14
2.1 L’environnement ............................................................................................................ 14
2.2 Evaluation ....................................................................................................................... 21
2.3 Conclusion ...................................................................................................................... 31
3 Méthodologie de recherche ................................................................................................... 32
3.1 Choix des outils .............................................................................................................. 32
3.2 Choix des populations interrogées ................................................................................. 33
4 Recueil de données et analyse ............................................................................................... 34
4.1 Confrontation de l’hypothèse avec les résultats de l’enquête ........................................ 34
4.2 Analyse des résultats ...................................................................................................... 42
4.3 Réponse à l’hypothèse .................................................................................................... 44
5 Limites méthodologiques ...................................................................................................... 45
6 Discussion ............................................................................................................................. 46
6.1 Intérêt des évaluations dans un lieu autre que le service d’ergothérapie ....................... 46
6.2 Intérêt d’une cohérence entre les acteurs : ergothérapeutes / patients. .......................... 47
6.3 Intérêt d’utiliser des instruments de mesure standardisée lors de l’évaluation .............. 49
Conclusion ................................................................................................................................ 50
Bibliographie ............................................................................................................................ 52
Annexes ........................................................................................................................................
1
Introduction
Le traumatisme crânien (TC) constitue un problème majeur de santé public par sa gravité et
sa fréquence. En France, 155 000 personnes par an sont hospitalisées à la suite d’un
traumatisme crânien. En majorité, ce sont des jeunes entre 15 et 30 ans qui sont touchés, lors
d’un accident de la voie publique ou d’une chute. Environ 5 à 7% de ces traumatismes sont
dits graves, avec coma et séquelles invalidantes en particulier cognitives.
Un programme d’action 2012 en faveur des traumatisés crâniens a été rédigé par le ministère
de la santé avec trois objectifs :
- Améliorer les connaissances sur les traumatismes crâniens.
- Prévenir, protéger et assurer la qualité de prise en charge.
- Sécuriser le retour et le maintien en milieu de vie ordinaire.
En phase initiale et d’éveil du coma, les personnes traumatisées crâniennes sont prises en
charge en réanimation. Une fois leurs fonctions vitales stabilisées, elles sont transférées dans
un service de rééducation afin de recevoir les soins adaptés à leurs déficiences.
Le traumatisme crânien grave entraine un handicap unique. Les déficiences peuvent être de
nature physique, cognitive, psychologique et/ou sociale. L’atteinte des fonctions exécutives
se retrouvent dans 54% des cas : on parle alors de syndrome dysexécutif. Ce syndrome
modifie le comportement et la personnalité du traumatisé crânien : il constitue un handicap
invisible. Il perturbe significativement la reprise des activités complexes antérieures ou encore
l’initiative d’activités nouvelles. Ceci engendre des difficultés de réinsertion dans
l’environnement socio-familial et professionnel. Ces troubles sont à l’origine d’incapacités et
de situations de handicap.
Ce mémoire explore dans quel cadre évaluer les capacités du patient à réinvestir son
environnement, avec pour hypothèse, qu’une évaluation au lieu de vie du patient peut
s’avérer bénéfique.
Afin de traiter ce sujet, nous revenons dans un premier temps, sur le contexte et les
questionnements à l’origine de cette recherche, avant d’investir la littérature et d’établir une
problématique. Dans une seconde partie, nous détaillons le concept d’évaluation et
d’adaptation à l’environnement. Ceci nous permet de nous positionner en tant
qu’ « évaluateur éclairé » en regard de notre hypothèse. Ce mémoire cherche en finalité à
valider ou invalider l’hypothèse citée ci-dessus. Ceci en investissant la littérature, mais
également en pratiquant une enquête de terrain.
2
1 Problématique
1.1 Contexte
En fin de deuxième année de formation, nous avons réfléchi à une thématique de mémoire de
recherche. Réaliser ce mémoire sur le sujet du traumatisme crânien est apparu comme une
évidence.
Pourquoi ?
Tout d’abord, parce que lors de notre première année de formation, nous avons été
sensibilisés au traumatisme crânien avec un film intitulé « Ni tout à fait le même ni tout à fait
un autre »1. « Ce film retrace le parcours de traumatisés crâniens et de leurs familles, lors de
leur retour dans la vie. Comment, au fil du quotidien, ils retrouvent une place différente.
Comment chacun a son rôle à jouer pour les aider à tisser de nouveaux liens, sociaux,
professionnels et affectifs. »1 Les différents témoignages de patients et de leurs proches
interpellent par la diversité et la gravité des lésions provoquées par un traumatisme crânien,
ainsi que par les conséquences qu’il entraine sur la vie du patient et de son entourage.
Par la suite, j’ai réalisé un stage en Soins de Suite et de Réadaptation spécialisés adultes
(SSR). Ce stage a confirmé l’intérêt porté sur le vaste champ lié à la personne victime d’un
traumatisme crânien. Cet établissement accueille, entre autre, des personnes traumatisées
crâniennes graves, dès la phase d’éveil, ce qui permet de participer à toutes les phases de
récupération : de l’éveil à la réadaptation. Ce stage a permis un développement des
connaissances sur cette pathologie, connaissances qui étaient moindres, étant donné que les
cours concernant cette pathologie nous ont été dispensés au troisième semestre.
L’ergothérapeute a un rôle essentiel et spécifique en phase de réadaptation de ces patients :
évaluation des séquelles du traumatisme crânien, aménagement de l’environnement, etc.
A la fin de ce stage, j’ai participé lors de quelques séances à la stimulation par
l’ergothérapeute, d’un patient traumatisé crânien en phase de conscience minimale. Cet
accompagnement a suscité ma curiosité. Ainsi, cette recherche s’est tout d’abord orientée vers
le rôle de l’ergothérapeute dans l’éveil des patients traumatisés crâniens.
Cependant, après quelques recherches, un constat s’est imposé : la littérature était assez
pauvre concernant la rééducation sensorielle du patient traumatisé crânien en Ergothérapie.
1 Lamour, M. Ni tout à fait le même ni tout à fait un autre.2004 [cassette vidéo]. Marseille : 13 production
3
La recherche a donc été recentrée sur les troubles neuropsychologiques consécutifs au
traumatisme crânien, et notamment, sur le lien qui pouvait exister entre leur évolution et la
réadaptation des personnes victimes d’un traumatisme crânien grave.
1.2 Situation professionnelle
Au cours du stage, j’ai eu l’occasion d’accompagner madame A âgée de 20 ans.
Madame A est coiffeuse, elle vit en concubinage dans un appartement. Elle a un frère âgé de
22 ans et une sœur de 24 ans, qui sont très présents, tout comme sa mère.
Son projet est de reprendre son travail et de passer son brevet professionnel en candidat libre.
Madame A est victime d’un traumatisme crânien grave, avec choc frontal lors d’un accident
de la voie publique. A la suite de cet accident, elle a passé trois semaines dans le coma.
Au moment du stage, madame A se situe à six mois de son accident. Elle vit chez sa mère et
vient en hôpital de jour quatre fois par semaine.
Nous avons fait passer le « Test des Errances Multiples » à cette patiente. Alors que celle-ci
ne présentait plus de difficultés dans les exercices « papier-crayon », elle n’a pas pu finir ce
test. Elle n’a pas réussi à s’orienter et s’est perdue dans les tâches qui lui étaient demandées.
En se retrouvant face à ses difficultés, elle a été victime d'une crise d’angoisse. Ce test a
révélé que madame A présente encore d’importantes séquelles de planification, de flexibilité,
qui se retrouvent dans le syndrome dysexécutif.
Une mise en situation « coupe de cheveux » lui a été proposée, afin d’évaluer les
répercussions du traumatisme sur son travail. Cette mise en situation a montré que madame A
est bien organisée, elle utilise bien l’espace et les différents outils. Sa gestuelle est précise et
efficace. Cependant, elle a énormément perdu en rapidité et elle fatigue rapidement. Elle
présente des difficultés à gérer les éléments distracteurs, comme par exemple la conversation.
Le suivi de cette patiente a ainsi positionné l’importance des fonctions exécutives dans la
réadaptation professionnelle de tout individu : elles permettent de s’adapter à tout type
d’environnement.
4
1.3 Questionnement
Ce stage, et plus particulièrement cette situation, ont fait émerger certaines questions :
- Quelles sont les caractéristiques de la personne traumatisée crânienne ?
- Que sont les fonctions exécutives ?
- Qu’est ce qu’une évaluation et quelles sont les différentes formes d’évaluation des
fonctions exécutives
- A quoi sert une évaluation des fonctions exécutives ?
- Pourquoi évaluer les fonctions exécutives d’un patient traumatisé crânien ?
Cependant, ne pouvant explorer dans ce mémoire l’ensemble de ce questionnement, nous
décidons de nous centrer sur une seule question qui sera notre question de départ :
Quelles sont les répercussions d’un trouble des fonctions exécutives chez le
patient traumatisé crânien grave ?
1.4 Lectures préliminaires
Afin de répondre à cette interrogation et de cerner davantage notre sujet, nous avons réalisé
des recherches préliminaires, autour des fonctions exécutives et du traumatisme crânien.
1.4.1 Les fonctions exécutives
1.4.1.1 Définition
Les fonctions exécutives correspondent à l’ensemble des processus cognitifs, dont l’objectif
principal est de faciliter l’adaptation de la personne à des situations nouvelles et/ou
complexes. Elles impliquent des structures pré-frontales et sous-corticales. Les principaux
processus exécutifs sont : l’inhibition, la flexibilité mentale, la déduction de règles, l’attention
divisée et enfin l’organisation et la planification.
Dans la littérature, les fonctions exécutives sont définies différemment selon l’approche des
auteurs.
Le concept de fonctions exécutives a été introduit par Luria (1966). Selon lui, ces fonctions
sont des processus cognitifs, qui ont un rôle important pour toute activité de résolution de
problèmes.
5
La réalisation d’une tâche est permise par la mise en jeu de quatre étapes fondamentales :
1. Analyse des données initiales permettant la représentation du but à atteindre.
2. Elaboration du plan organisant et ordonnant les étapes.
3. Réalisation de la tâche.
4. Vérification : confrontation des résultats obtenus avec les données initiales.
Par la suite, Norman et Shallice (1986) ont développés le « Modèle Attentionnel » qui admet
l’existence de trois niveaux de contrôle : le schéma d’action, le gestionnaire des conflits et le
système attentionnel superviseur. Les fonctions exécutives seraient considérées comme un
système attentionnel superviseur intervenant dans :
- La planification ou la prise de décision
- La correction d’erreurs
- Les nouveaux apprentissages qui sont issus de l’environnement changeant
- Les situations dangereuses et techniquement difficiles
- L’inhibition de schémas non adaptés
Miyake et al. (2000), quant à eux, ont redéfini les fonctions exécutives en trois fonctions
essentielles :
- La flexibilité
- La mise à jour en mémoire de travail
- L’inhibition des réponses prépondérantes
1.4.1.2 Situations environnementales impliquant les fonctions exécutives
Les fonctions exécutives interviennent dans diverses situations de l’environnement :
- Dans la gestion des situations non routinières, afin de résoudre les problèmes et de
trouver des stratégies adaptées.
- Pour développer et planifier un comportement adapté vers un but.
- Lorsque la situation requière des ressources attentionnelles.
- Pour inhiber la production de comportements automatiques inappropriés dans une
situation donnée.
- Pour gérer deux tâches simultanément.
- Pour assurer une fonction de contrôle.
- Pour maintenir l’attention pendant un long laps de temps.
6
1.4.1.3 Evaluation des fonctions exécutives
1.4.1.3.1 Intérêts
L’évaluation des fonctions exécutives est donc utile pour mettre en évidence et objectiver les
troubles cognitifs et comportementaux, mais aussi leur retentissement sur l’environnement
de la personne.
1.4.1.3.2 Types de passation
Afin d’évaluer ces fonctions, deux formes de test peuvent être utilisés : les tests « papier-
crayon » et les tests écologiques.
Les épreuves « papier-crayon », dites classiques, sont des tests qui mesurent à l’écrit les
performances du patient dans des tâches cognitives. Chaque test évalue des fonctions
spécifiques des processus exécutifs. Ces épreuves sont structurées par des consignes précises.
Cependant, ces tests ne sont pas prédictifs du comportement qu’aurait adopté le patient en
situation réelle. De plus, certains travaux, comme celui de Shallice et Burgess (1991), ont
montré qu’il existait une dissociation entre les performances en test et les capacités en vie
quotidienne. Les patients pouvaient avoir de bons résultats au test et rencontrer des
incapacités sévères à planifier leur comportement en vie quotidienne.
Les tests écologiques, selon la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et
de la santé (CIF) (OMS, 2001) permettent de « mesurer l’écart entre les potentialités d’un
individu et son implication dans une situation de vie réelle compte tenu des particularités de
l’environnement dans lequel il évolue. » Ces bilans vont donc évaluer, par observation, les
conséquences et le retentissement des troubles des fonctions exécutives en vie quotidienne,
lors de mises en situation. La limite de cette épreuve est le pluridéterminisme des erreurs.
Ainsi, l’évaluation des fonctions exécutives doit associer la sensibilité des épreuves
écologiques aux spécificités des épreuves « papier-crayon », afin d’explorer si cette fonction
est atteinte ou non.
1.4.1.4 Conclusion
Le système exécutif est un ensemble de processus, dont la fonction principale est de faciliter
l'adaptation du sujet à des situations inhabituelles. L'évaluation des fonctions exécutives doit
comprendre des tests « papier-crayon », mais aussi des tests écologiques afin d'objectiver les
troubles et leurs conséquences sur l'environnement du sujet.
7
1.4.2 Le patient traumatisé crânien
1.4.2.1 Définition d’un traumatisme crânien
Un traumatisme crânien est la conséquence d’un choc au niveau de la tête. Ce choc est
suffisamment important pour provoquer des répercussions au niveau du crâne et du cerveau.
Lors de ce choc soudain et brutal, le cerveau est secoué et projeté contre les parois du crâne ce
qui endommage les neurones. Ces lésions sont à l’origine de plusieurs conséquences que nous
développerons par la suite.
1.4.2.2 Degré de gravité du traumatisme
Ce traumatisme peut être sévère, modéré ou léger selon l’importance du choc subi et des
lésions consécutives. L’évaluation du degré de gravité du traumatisme crânien repose sur
deux critères principaux : le score de Glasgow (GCS) et la durée de l’amnésie post-
traumatique (APT).
1.4.2.2.1 L’échelle de coma de Glasgow
L’échelle de coma de Glasgow a été mise au point par Teasdale et Jennet (1974), afin
d’évaluer objectivement le niveau de conscience du blessé. Trois critères sont mesurés dans
ce test: l’ouverture des yeux, la réponse verbale et la réponse motrice. Le score total des
points obtenus pour chacun des critères détermine la gravité séquellaire du traumatisme
crânien : entre 3 et 8, le traumatisme est sévère, entre 9 et 12 modéré, et entre 13 et 15 léger.
Ainsi, plus le coma est long et profond, plus le traumatisme est sévère.
1.4.2.2.2 Le Galveston Orientation and Amnesia Test (GOAT)
L’amnésie post-traumatique est une période pendant laquelle, le patient est confus et
désorienté. Il n’arrive plus à enregistrer en mémoire les informations nouvelles, et souffre
d’une amnésie rétrograde. Le Galveston Orientation and Amnesia Test définit la durée de
l’APT. Lorsque le score total obtenu est supérieur à 75/100 trois jours consécutifs, le patient
est alors sorti d’APT. Donc, plus cette période est longue, plus le traumatisme est sévère.
8
1.4.2.3 Conséquences du traumatisme crânien
Les conséquences du traumatisme crânien sont multiples. Elles varient selon la zone cérébrale
touchée et selon la gravité du traumatisme. Les déficiences peuvent être de nature physique,
cognitive et comportementale.
Ne pouvant pas détailler tout le sujet, nous nous centrons davantage sur les séquelles
neuropsychologiques du traumatisé crânien.
1.4.2.3.1 Séquelles neuro-motrices et orthopédiques
Au niveau moteur, il est possible d’observer chez le patient traumatisé crânien: un syndrome
pyramidal, un trouble du tonus axial, des mouvements involontaires, ainsi que des difficultés
de coordination des membres.
Sur le plan orthopédique, le sujet peut présenter des fractures mais aussi, en raison de son
immobilisation au lit, des para-ostéo arthropathies neurogènes et des rétractions musculo-
tendineuses.
1.4.2.3.2 Séquelles sensitives
Les atteintes sensitives sont fréquentes à la suite d’un traumatisme crânien. Elles peuvent
toucher les quatre sens. On retrouve :
- Au niveau visuel, une atteinte corticale, une atteinte des voies visuelles et des troubles
de l’oculomotricité (diplopie, mouvements oculaires anormaux, etc.).
- Au niveau de l’audition, une hypoacousie, une agnosie auditive, une surdité corticale
ou verbale mais aussi des vertiges et des acouphènes.
- Au niveau de l’odorat, une anosmie ou une hyposmie.
- Au niveau du gustatif, une agueusie en cas de perte totale du goût.
1.4.2.3.3 Séquelles neuropsychologiques
Nous détaillons davantage les séquelles de cet ordre du fait que c’est le cœur de ce mémoire.
Bien qu’elles ne soient pas les plus visibles, les séquelles neuropsychologiques sont
généralement les plus fréquentes et les plus invalidantes. 54% des traumatisés crâniens graves
présentent des troubles cognitifs et des modifications du comportement qui constituent le
syndrome dysexécutif.
Des troubles du langage sont aussi fréquemment observés à la suite d’un traumatisme crânien,
tels que les dysarthries et les aphasies.
9
1.4.2.4 Syndrome dysexécutif
1.4.2.4.1 Définition
Le syndrome dysexécutif est secondaire à l’altération des processus exécutifs. Il est constitué
de deux versants : d’un versant cognitif et d’un versant comportemental. Il forme un
« handicap invisible ».
Sur le plan cognitif, selon Goldefroy et al. (cité dans Azouvi, 2000), le patient traumatisé
crânien peut présenter un déficit de :
- Inhibition
- Flexibilité mentale
- Attention divisée
- Recherche en mémoire à long terme
- Résolution de problèmes : planification, stratégie
- Génération d’informations
- Déduction et maintien de règles opératoires
Sur le plan comportemental, selon Godefroy (2004, cité dans Pradat-Diehl et Peskine, 2006,
p.68), un même patient peut présenter quatre tableaux comportementaux distincts :
- Une hypoactivité, c'est-à-dire une réduction des activités. Elle peut être associée à une
aboulie, une apathie, une asponstanéité ainsi qu’à une perte d’initiative et de la
motivation.
- A l’inverse, une hyperactivité, caractérisée par une augmentation des activités. Une
désinhibition, une distractibilité excessive et une impulsivité peuvent s’y associer.
- Une persévération de règles opératoires et un comportement stéréotypé sont aussi
retrouvés.
- Un syndrome de dépendance à l’environnement avec des comportements
d’imitation, de préhension et d’utilisation.
La victime peut aussi présenter un trouble de conscience d'elle-même. On parle dans ce cas
d’anosognosie. Elle n’a alors pas conscience de ses difficultés dans les activités de vie
quotidienne.
Des troubles émotionnels, comme par exemple la labilité émotionnelle ou la froideur et
l’indifférence, sont fréquents.
10
1.4.2.4.2 Perte de capacités
Les déficits exécutifs représentent la principale cause d’incapacités dans la vie quotidienne
des personnes traumatisées crâniennes. Bien que la majorité des traumatisés crâniens graves
sont indépendants dans les soins personnels, des études, comme par exemple celle Ponsford et
al. (1995), ont montré qu’ils rencontraient davantage de difficultés dans les activités
quotidiennes complexes : 68% des patients étaient en difficulté dans les activités
domestiques et 66% dans les activités sociales.
1.4.2.4.3 Perte de repères dans l’environnement
Même si les séquelles du syndrome dysexécutif sont invisibles, à long terme, elles ont de
lourdes conséquences dans la vie quotidienne de la personne et de son entourage, modifiant
ses habitudes de vie antérieure. La personne va devoir se réadapter à son environnement
familial, mais aussi social et professionnel.
Dans l’environnement familial, la survenue de l’accident engendre généralement une
réorganisation ainsi qu’une redistribution des rôles sociaux, relationnels et économiques au
sein de la famille, afin de pallier aux conséquences des troubles exécutifs. La personnalité de
la personne traumatisée crânienne s’est modifiée avec l’accident, mais aussi son
comportement et son humeur. La famille ne la reconnaît plus ; la personne est décrite comme
à la fois « la même », mais aussi « différente ». Ainsi, le patient doit réaliser avec sa famille
un travail de deuil, afin de retrouver un nouvel équilibre familial.
De même, après un traumatisme crânien, les personnes ont généralement un intérêt réduit
pour leurs loisirs et leurs habitudes sociales qu’elles réalisaient avant l’accident. Ils ont
aussi tendance à se couper du monde et à s’éloigner de leurs amis.
Concernant le retour au travail, une étude a montré que, sur 44 sujets, seulement un tiers sont
retournés au travail à deux ans du traumatisme.
1.4.2.4.4 Conclusion
Le syndrome dysexécutif est une séquelle très fréquente du traumatisme crânien sévère. 54%
des patients présentent ce syndrome. A distance du traumatisme initial, ces personnes ont
généralement récupéré sur le plan moteur, mais gardent des troubles cognitifs et
comportementaux sévères qualifiés de « handicap invisible ». Ceci a pour conséquences de
diminuer leurs capacités à s’adapter à l’environnement changeant dans lequel tout
individu doit évoluer. Si l’ergothérapeute est dit compétent en matière d’adaptation d’une
11
personne à son environnement, il est logique d’attendre de lui une évaluation cotifiant cela:
En a-t-il la possibilité ?
1.5 Entretien exploratoire
L’ergothérapeute a-t-il les possibilités d’évaluer la capacité des personnes traumatisées
crâniennes à s’adapter à leur environnement changeant ?
Afin d’obtenir un éclaircissement à ce questionnement, nous avons réalisé un entretien
téléphonique, avec deux ergothérapeutes exerçant auprès de patients traumatisés crâniens
graves. Les deux travaillent en Service de Soins et de Réadaptation (SSR) adulte.
L’entretien reprend des questions qui émanent directement de la littérature :
1. Accompagnez-vous des patients ayant des séquelles d'un trouble des fonctions
exécutives ?
2. Pensez-vous qu'un déficit des fonctions exécutives à des répercussions importantes sur
l'adaptation à l'environnement? Pourquoi?
3. Validez-vous l'importance d'une évaluation des fonctions exécutives? Pourquoi?
4. Quelles évaluations des fonctions exécutives pratiquez-vous?
5. Pouvez-vous citer une évaluation des fonctions exécutives permettant d'évaluer la
capacité du patient à s'adapter à son environnement? Est-elle réalisée au centre? à
domicile?
Voici les réponses :
1. Pensez-vous qu'un déficit des fonctions exécutives à des répercussions importantes sur
l'adaptation à l'environnement? Pourquoi?
Pour les deux ergothérapeutes, les troubles des fonctions exécutives ont des répercussions
importantes dans le quotidien des personnes traumatisées crâniennes graves. A la sortie
du centre, celles-ci sont amenées à réaliser quotidiennement des activités non routinières et
nouvelles. L'organisation des tâches est modifiée. Ces personnes doivent s’adapter aux
imprévus en mettant en place des stratégies, mais aussi en anticipant les potentiels
changements de planning dans leur journée.
2. Validez-vous l'importance d'une évaluation des fonctions exécutives? Pourquoi?
Les réponses sont similaires : évaluer les répercussions des fonctions exécutives est
indispensable à réaliser chez les personnes traumatisées crâniennes graves avant leur sortie,
en phase de réadaptation. Ceci permettant d'objectiver les troubles et leurs répercussions sur
l'autonomie de la personne.
12
3. Quelles évaluations des fonctions exécutives pratiquez-vous?
Dans les deux centres, les ergothérapeutes utilisent une évaluation écologique: le « Test des
Errances Multiples », ainsi que des mises en situation d'activités de vie quotidienne
(exemple: la cuisine) qu'ils évaluent avec une grille « maison ». Ces évaluations écologiques
sont utiles pour objectiver les répercussions des troubles, mais aussi pour évaluer les
aspects émotionnels et comportementaux. Elles favorisent aussi la prise de conscience et le
transfert des acquis chez la personne.
4. Pouvez-vous citer une évaluation des fonctions exécutives permettant d'évaluer la capacité
du patient à s'adapter à son environnement? Est-elle réalisée au centre? à domicile?
Un des ergothérapeutes nous a cité deux évaluations standardisées :
- l’évaluation de « l'omelette et du gâteau au chocolat » (EF2E: Evaluation des Fonctions
Exécutives en Ergothérapie par une activité cuisine de Taillefer C., Poncet F., Chevignard M.)
qui peut être passée au centre ou au domicile. Les ergothérapeutes de ce centre vont bientôt
suivre une formation afin de pouvoir l'utiliser par la suite.
- le « Profil des AVQ » qui se passe au domicile du sujet. Il connait cette évaluation mais
il ne l’utilise pas.
Le second ergothérapeute ne peut pas mettre en avant des évaluations standardisées. Il parle
de visites à domicile, centrées sur le réinvestissement de la personne dans son environnement.
C’est une évaluation non standardisée, réalisée sur une demi-journée dans l'environnement du
patient, par observation de ses comportements lors de mises en situation des activités
« courses » et « repas ».
Les entretiens mettent en avant deux évaluations en matière d’évaluation des capacités de la
personne à s’adapter à son environnement : le « Test des Errances multiples » et le « Profil
des AVQ ». Les ergothérapeutes ont donc la possibilité d’évaluer les troubles des
fonctions exécutives des personnes ayant eu un traumatisme crânien grave. Une des deux
évaluations citées peut se passer au domicile des patients, même si aucun des enquêtés ne la
pratique de la sorte.
13
1.6 Question de recherche
- Le stage a révélé le rôle des fonctions exécutives dans la réadaptation de l'individu
après un traumatisme crânien.
- La littérature a permis d'approfondir les connaissances dans les domaines des
fonctions exécutives et du traumatisme crânien. Ces lectures mettent en avant les
nombreuses répercussions du syndrome dysexécutif dans la vie de la personne
traumatisée crânienne, tant au niveau de la sphère familiale, que sociale et
professionnelle. Les lectures montrent l'existence d'évaluations des fonctions
exécutives et leur importance pour objectiver les séquelles des troubles après un
traumatisme crânien.
- L’entretien exploratoire a investigué les ergothérapeutes de terrain, afin de savoir s’ils
se percevaient comme compétent, en matière d’évaluation de la capacité de la
personne à s’adapter à son environnement changeant. L’entretien montre que des
évaluations spécifiques à la profession (2) sont connues des ergothérapeutes.
Cependant les enquêtés ne définissent pas le cadre de passation des évaluations qu’ils
citent : domicile, sortie écologique ou plateau de rééducation ?
Toute cette démarche permet de recentrer cette recherche sur un domaine qui apparait comme
la situation problème que nous venons de faire émerger.
Dans quel cadre évaluer les capacités du patient à s’adapter à son
environnement ?
Etude auprès d’une population de traumatisé crânien grave
L'hypothèse émise est que l’évaluation dans le lieu de vie du patient est à rechercher.
14
2 Conceptualisation
2.1 L’environnement
2.1.1 Définition générale
Selon le dictionnaire Le Petit Robert (2001, p.897), l'environnement est « l'ensemble des
conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) dans
lesquelles les organismes vivants se développent. » C'est aussi « les conditions extérieures
susceptibles d'agir sur le fonctionnement d'un système, d'une entreprise, de l'économie
artisanale ».
Le Processus de Production du Handicap (PPH) de Fougeyrollas et al. (1998) définit les
facteurs environnementaux comme « des dimensions sociales ou physiques qui déterminent
l’organisation et le contexte d’une société. »2 Les facteurs environnementaux sont regroupés
en facteurs sociaux, c’est à dire les éléments des systèmes politico-économiques et socio-
culturels de l’environnement, ainsi qu’en facteurs physiques : éléments naturels et artificiels
de l’environnement. Ces facteurs peuvent être facilitateurs ou obstacles.
- Un facilitateur est « un facteur environnemental qui favorise la réalisation des
habitudes de vie lorsqu’il entre en interaction avec les facteurs personnels (les
déficiences, les incapacités et les autres caractéristiques personnelles).»2
- Un obstacle correspond à « un facteur environnemental qui entrave la réalisation des
habitudes de vie lorsqu’il entre en interaction avec les facteurs personnelles. »2
Le PPH est une classification québécoise, achevée en 1998, qui comprend un modèle
conceptuel, des définitions et des nomenclatures avec des échelles de cotation. C’est un
modèle expliquant les causes et les conséquences des maladies, des traumatismes et des autres
atteintes à l’intégrité et au développement de la personne.
Dans cette classification, une habitude de vie, aussi appelée performance de réalisation en
situation de vie sociale, est définie comme « une activité courante ou un rôle social valorisé
par la personne ou son contexte socioculturel selon ses caractéristiques (âge, sexe, identité
socioculturelle, etc.)».2 La dimension des habitudes de vie est donc le résultat de l’interaction
entre la dimension des facteurs personnels (systèmes organiques et aptitudes) et celle des
facteurs environnementaux. La réalisation d’une habitude de vie peut aller de la pleine
participation à la vie sociale, à la situation de handicap totale.
2 Définitions de la Classification Québécoise : processus de production du handicap, 1998.
15
Si l’on reprend Madame A, citée en début de mémoire, nous pouvons mettre en avant des
aptitudes : elle présente une bonne organisation et une bonne gestuelle. Cependant des
difficultés de planification et de flexibilité sont repérées. Son environnement humain est
facilitateur puisque sa famille est très présente pour elle. Concernant les habitudes de vie, son
travail est une situation de handicap : elle manque de rapidité, elle se fatigue rapidement et
présente des difficultés pour gérer les éléments distracteurs. Peut-elle s’adapter à cela ?
2.1.2 Adaptation de l’homme à son environnement
2.1.2.1 Généralités
L'adaptation désigne l’ensemble des comportements du sujet déterminant son ajustement
aux changements de l’environnement. C'est une des grandes qualités de l'homme qui lui a
permis de survivre à la sélection naturelle.
2.1.2.1.1 La genèse de notre adaptabilité
Nous apprenons, dès notre plus jeune âge, à nous adapter afin de nous ajuster aux situations et
aux évènements de la vie. L'enfant apprend qu'il ne peut pas avoir tout ce qu'il veut, qu'il y a
des règles: il doit s'y adapter.
Figure 1 : Modèle du Processus de Production du Handicap
1998, Classification Québécoise : processus de production du handicap.
Québec : Réseau International sur le Processus de Production du Handicap.
16
Depuis 1990, le monde de l’éducation a développé une recherche autour de la capacité que
peut avoir un enfant à s’adapter à diverses situations de vie. L’Organisation Mondiale de la
santé (OMS) met en avant la notion de « compétences psychosociales » qu’elle définie
comme « la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux
épreuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude d’une personne à maintenir un état de bien-
être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l’occasion des relations
entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement »3.
Un travail exploratoire de ses experts a permis l'établissement d'une liste :
« …. Ces compétences sont au nombre de 10 et présentées par couple :
- Savoir résoudre les problèmes, savoir prendre les décisions,
- Avoir une pensée créative, avoir une pensée critique,
- Savoir communiquer efficacement, être habile dans les relations interpersonnelles,
- Avoir conscience de soi, avoir de l'empathie pour les autres,
- Savoir gérer son stress, savoir gérer ses émotions…. »3
Les compétences psychosociales sont considérées comme des outils d'adaptation,
permettant à un individu de faire face aux situations de la vie, en respectant les autres et en
collaborant avec eux. Ces compétences interviennent à tous les moments de la vie, pour
augmenter l'emprise de la personne sur sa vie. Développer des compétences psycho-sociales
chez les jeunes de 3 à 18 ans, permet à la personne de trouver en elle des ressources pour faire
face aux difficultés de la vie. Passé 18 ans, une autre adaptation peut avoir lieu pour modifier
un comportement et le remplacer par un autre, mais l’OMS ne parle plus de recherche de
compétences psycho sociales.
Actuellement, la notion de compétences psychosociales s'inscrit dans les perspectives de
promotion de la santé, avec pour visée, de permettre aux personnes d'avoir un plus grand
contrôle sur leur santé, et de faire des choix en faveur de celle-ci. Le modèle sous jacent à ces
compétences est celui de « la gestion de soi » et de « la gouvernance de soi », pour s’adapter
plus efficacement dans l’environnement.
2.1.2.1.2 La nécessité de s’adapter
Piaget (2004) nous apporte une autre notion émergeant de ce concept, non plus celle de
compétence, mais davantage de nécessité pour un organisme (au niveau biologique), ou un
sujet (au niveau cognitif), de subir un certain nombre de modifications. Ceci permettant de
rester en accord avec le milieu ou les objets avec lesquels il est en interaction.
3 Extrait du Glossaire : éducation et promotion de la santé, CRES PACA, 2005.
17
Piaget démontre que, selon lui, cette adaptation dépend de l’équilibre entre deux facteurs
essentiels :
- L’assimilation : mécanisme d’appréhension, par les systèmes cognitifs ou les schèmes,
des éléments du milieu avec lesquels ils entrent en interaction.
- L’accommodation est un processus par lequel un organisme se modifie ou se
transforme afin de s’adapter à un milieu.
S’adapter est donc le propre de l’homme. Il peut l’optimiser en développant, dès le début de
sa vie, des compétences psychosociales.
Mais, l’adaptation à un environnement connu ou non, émane t’elle d’un seul et même
processus ?
2.1.2.2 Adaptation à un environnement connu
Selon Lévy (2009, p.35), « l'adaptation de l’homme à son environnement nécessite
l’apprentissage de règles physiques et sociales bien établies. » Ces règles sont nécessaires
« pour la survie, le maintien de l’homéostasie et la régulation minimale des comportements
sociaux ». Celles-ci reposent sur un apprentissage associant une connaissance ou un
comportement et son résultat. Ces règles nous permettent de fonctionner à l’économie.
L’enfant connait les règles du bien vivre chez lui, il s’est qu’il doit débarrasser la table, faire
son lit, etc. Ces règles établies dans son environnement, lui permettent en les appliquant,
d’obtenir des félicitations ou un résultat performant.
Les cadres proposés dans un environnement connu, peuvent-ils être mis en place dans un
environnement complexe ou non routinier ? Par exemple, lors d’une mise en situation
pâtisserie en centre (situation non routinière pour la patiente), Madame A. a présenté une
lenteur importante ainsi que des troubles de raisonnement (ex : peser les ingrédients) et de
flexibilité (ex : difficultés pour anticiper les étapes et pour passer d’une étape à une autre).
Ce cadre, facilitateur d’adaptation dans notre environnement, est selon Lévy (2009, p.35)
« indispensable mais insuffisant pour l’adaptation complète de l’individu au monde dans
lequel il vit ».
2.1.2.3 Adaptation à des situations non routinières ou complexes
Une situation non routière ou complexe, ne permet pas d’avoir un cadre posant
l’adaptation. L’adaptation à des situations nouvelles ou complexes oblige donc, l'individu
à mettre en place de nouvelles stratégies, afin d'établir un comportement non-routinier.
18
Comme vu précédemment, les fonctions exécutives correspondent à l’ensemble des processus
cognitifs dont l’objectif principal est de faciliter l’adaptation de la personne à des
situations inhabituelles et/ou complexes, et ce, notamment lorsque les routines ne suffisent
pas à réaliser la tâche. Ainsi, ces fonctions interviennent de façon consciente, lors d’activités
requérant la mise en œuvre d’actions contrôlées. La flexibilité mentale, l'inhibition, le partage
des ressources attentionnelles, la recherche en mémoire, l’apprentissage de nouvelles règles,
la planification, le raisonnement, la conceptualisation et l’abstraction sont quelques-unes des
fonctions exécutives, permettant les processus adaptatifs. Ces processus permettent d’adapter
nos comportements à un contexte particulier en mobilisant nos ressources, en modulant nos
actions en fonction d’un objectif, en planifiant des étapes à suivre, et en élaborant des
stratégies de résolution. Une personne présentant une atteinte du système exécutif rencontre
alors, des difficultés à gérer des situations nouvelles et/ou complexes. Ces difficultés se
caractérisent par une distractibilité, une rigidité cognitive, un trouble d’inhibition, un
problème de planification et de supervision de l’action, ainsi que par une utilisation
inadéquate de stratégies en fonction de la situation.
2.1.3 Adaptation de l’environnement à l’homme
De tout temps, l’homme a cherché à adapter son environnement pour qu’il devienne de plus
en plus facilitateur. La Conférence des Nations Unies sur l’environnement de 1972 a
proclamé que « L’homme est à la fois créature et créateur de son environnement qui assure
sa subsistance physique et qui lui offre la possibilité d’un développement intellectuel, moral,
social et spirituel. »4 L’homme a acquis la faculté de transformer son environnement grâce
aux progrès scientifiques et technologiques. Cette faculté lui permet d’améliorer sa qualité
de vie et de répondre à ses besoins.
2.1.4 Adaptation du patient TC à son environnement
Lors d'une intervention en 2013 de l'UNAFTC (Union Nationale des Associations de Famille
des Traumatisés Crâniens et Cérébro-lésés), des neuroplasticiens ont démontré que le cerveau
humain peut s’adapter « architectoniquement » sous l’effet de contraintes
environnementales. Celui-ci a la capacité de se réorganiser selon l’environnement, le vécu et
les stimuli externes. Ils ont aussi établi que certaines zones spécialisées du cortex peuvent se
4United Nation Environment Programme environment for development
<http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=97&ArticleID=1503&l=fr>
19
substituer les unes aux autres par l’action de la personne, par exemple en agissant, en
communiquant, en réfléchissant etc.
Ainsi, la plasticité cérébrale jouerait un rôle dans l’adaptation du patient traumatisé
crânien à son environnement.
La plasticité cérébrale correspond à l'ensemble des mécanismes cérébraux, modifications des
branchements entre les neurones, permettant au cerveau d'adapter son fonctionnement à
une situation nouvelle. Cette plasticité est à la base de tout apprentissage et de la
mémorisation. Elle intervient aussi pour compenser les conséquences des lésions cérébrales
en créant de nouveaux réseaux neuronaux. Ces modifications locales du cerveau dépendent de
l’environnement et permettent de s’y adapter. Grafman (1996, cité dans Lambert, 2006)
distinguent quatre types de plasticité fonctionnelle après une lésion :
1. La prise en charge du déficit par la région homologue de l'autre hémisphère du cerveau.
2. La reconversion de cellules d'une région qui ne reçoit plus d'entrées sensorielles.
3. L'activation de certaines zones adjacentes à la lésion correspondante.
4. L'utilisation de stratégies alternatives impliquant des substrats neuronaux différents.
2.1.5 Adaptation de l’environnement au patient traumatisé crânien :
environnement capacitant
Falzon (2013, cité dans Lemay, 2013) définit un environnement capacitant comme un
environnement permettant aux individus de développer de nouvelles compétences, ainsi que
leur autonomie.
En ergonomie, la notion d'environnement capacitant est proposée sous trois points de vue:
- Du point de vue préventif : c’est un environnement non nocif pour l’individu, qui
préserve ses capacités futures d’action.
- Du point de vue universel : c’est un environnement qui prend en compte les
différences interindividuelles et qui compense les déficiences individuelles liées au
vieillissement, à la maladie, aux incapacités. Il favorise l’intégration, l’inclusion et la
reconnaissance sociale.
- Du point de vue développemental : c’est un environnement qui permet le
développement de nouvelles compétences et de nouveaux savoirs. Il favorise
l’autonomie et contribue à l'apprentissage.
En ergothérapie, nous parlons, non pas d'environnement capacitant, mais d'environnement
facilitateur. D'après le référentiel des compétences de l'ergothérapeute (2010), celui-ci doit :
20
« Préconiser des adaptations et des aménagements de l’environnement pour un retour à
l’activité, un maintien ou un retour au travail, à domicile, aux loisirs et dans la chaîne du
déplacement, pour promouvoir le droit à la participation sociale. »5 Ainsi, un des rôles de
l'ergothérapeute est d'évaluer, d'étudier, d'adapter ou d'aménager l'environnement afin du
rendre accessible, et donc facilitateur pour la personne.
2.1.6 Conclusion
L’homme et l’environnement sont en interaction permanente.
L’homme peut chercher à s’ajuster aux modifications de son environnement, grâce à sa
capacité d’adaptation, comme il peut essayer d’adapter son environnement à ses besoins.
Dans les deux cas, c’est la recherche de facilitation qui pousse l’homme à agir (exemples :
création d’un pont pour traverser une rivière, adaptation cardiaque à une vie en altitude).
Après un traumatisme crânien, la personne doit apprendre à s’adapter à son environnement.
Elle n’est plus la même, l’interaction est donc différente. L’adaptation de l’homme est
permise en partie, grâce au processus de la plasticité cérébrale, à ses capacités psychosociales
acquises dans l’enfance et/ou encore à ses fonctions exécutives.
L’adaptation de l’environnement est possible en partie grâce à lui, à ses pairs et à ses aidants.
Pour que l’adaptation du patient TC soit la plus performante possible, le patient peut être
« encadré » par des thérapeutes. Parmi ces derniers, l’ergothérapeute peut :
- Rendre l’environnement du patient facilitateur en l’aménageant et en l’adaptant. Cette
adaptation peut être temporaire (ex : mise en place d’un planning de la semaine) ou
définitive (ex. : aménagement de rangement au domicile).
- Apprendre au patient à s’adapter à des situations de plus en plus complexes et non
routinières (ex : organiser un voyage). Ce mémoire zoome davantage sur cet item. Il
pose la réflexion autour de la notion de connaissance que le thérapeute a du patient,
afin de savoir comment l’aider au mieux à développer des compétences
psychosociales, de planification, de gestion de tâches routinières ou non. L’objectif
étant qu’il puisse s’adapter le plus possible à son environnement, avant d’adapter
l’environnement à lui et à ses séquelles du traumatisme crânien. Pour cela,
l’évaluation paraît être une nécessité. Mais qu’est ce qu’une évaluation et pouvons
nous tout évaluer ? Où évaluer ? Beaucoup de questions autour de ce concept
persistent.
5 Bulletin Officiel Santé - Protection sociale - Solidarité n°2010/7 du 15 août 2010
21
2.2 Evaluation
2.2.1 Généralités
2.2.1.1 Définition
Le concept d'évaluation est présent dans de nombreux domaines: en économie, en pédagogie,
en médecine, en justice, en politique publique, etc.
Selon Peretti (1998, p.242), l’évaluation est « une démarche opérationnelle par laquelle on
apprécie une réalité donnée en références à des critères déterminés (jugement de valeur). En
d’autres termes, c’est une opération qui mesure l’écart entre un résultat et un objectif et en
recherche les causes. »
L'origine étymologique de l'évaluation est le terme « valeur ». Deux sens de ce terme peuvent
être utilisés pour définir l'évaluation: « donner la valeur de » et « donner de la valeur à ».
Dans le premier sens qui est « donner la valeur de », une place importante est accordée à la
mesure, tandis que, dans le deuxième sens « donné de la valeur à », l'importance est accordée
à la promotion, à la valorisation.
L’évaluation met en relation le référent, c’est-à-dire les compétences visées et les critères sur
lesquels on s’appuie pour évaluer l’observable, avec le référé : ce qui est observé.
Par exemple, en regard de la notion de compétences psychosociales dont nous avons parlé ci-
dessus, dix critères sont attendus (Savoir résoudre les problèmes, savoir prendre les
décisions ; avoir conscience de soi, avoir de l'empathie pour les autres ; etc.) pour la valider
chez un jeune.
Ce concept repose sur des critères de réussite et de réalisation qui servent de base pour établir
un jugement. Les critères de réussite correspondent aux caractéristiques du produit attendu :
conformité, exactitude, cohérence du produit à la consigne. Les critères de réalisation sont
quant à eux, impliqués par la réalisation de la tâche ; ils découlent d’une analyse.
Un outil d'évaluation doit présenter trois qualités essentielles:
- La validité : le degré de précision avec lequel l'outil mesure l'objet d'évaluation.
- La fidélité: la constance avec laquelle un instrument mesure une donnée.
- La sensibilité: la précision et la discrimination d'un instrument de mesure.
22
Deux types d'évaluation sont à distinguer: l'évaluation quantitative et l'évaluation
qualitative. Celles-ci sont complémentaires.
L'évaluation quantitative a une visée de quantification et de traitement statistique des
résultats. Elle est basée sur des mesures, des questionnaires et sur des mises en situation.
L'évaluateur compare les résultats obtenus à une norme, et mesure les écarts. En ergothérapie,
les tests de mesure tels que le « Purdue » et le « Test des 400 points » sont des exemples
d’évaluations quantitatives, mais aussi les tests écologiques tels que le « Test des Errances
Multiples » et le « Profil des AVQ ».
L'évaluation qualitative, quant à elle, a une visée descriptive et compréhensive. Elle est
basée sur des entretiens, des observations et sur des auto-évaluations. L'évaluation analyse
les observations et recherche une signification. Par exemple, en ergothérapie, l’entretien
exploratoire est une évaluation qualitative, permettant de recueillir des informations, d’établir
une relation, etc.
Différentes formes d’évaluation peuvent être définies:
L’évaluation sommative :
Il s’agit d’un inventaire des compétences acquises, ou d’un bilan, après une formation sur une
certaine durée. Elle vérifie les performances, les productions réalisées en fonction des critères
de réussite.
L’évaluation normative :
Il est question d’un contrôle mono-référenciel qui vise à normaliser. Il mesure les écarts avec
une norme extérieure pré-établie. Il est régi par des critères de conformité, de logique et de
cohérence.
L’évaluation formative :
Celle-ci a une fonction de régulation. Elle contribue à la formation, en facilitant les
apprentissages. Elle est pluri-référencielle et privilégie davantage le quantitatif que le
qualitatif. Elle a trois fonctions : l’information pour permettre la régulation, la valorisation et
le réajustement en donnant un feed-back pour le formateur.
L’auto-évaluation :
Il s’agit d’une évaluation interne conduite par le sujet sur sa propre action. Elle amène le sujet
à s’interroger sur son action et à la réguler. C’est une réflexion métacognitive.
23
2.2.1.2 Historique
Le concept d'évaluation apparaît après la seconde guerre mondiale, avec la volonté de l'état de
trouver des méthodes pour contrôler et distribuer les fonds publics. Les économistes sont les
pionniers de l'évaluation: ils vont élaborer des méthodes pour juger les programmes publics.
Cependant, leur approche apparaît insuffisante pour l'appliquer aux programmes sociaux et à
l'éducation.
Par la suite, l'évaluation va se « professionnaliser », en adoptant une démarche
interdisciplinaire et en s'appuyant sur les aspects méthodologiques.
Dans les années soixante-dix, les programmes d'assurance-maladie se mettent en place, ce qui
provoquent un ralentissement de la croissance économique. L'Etat doit alors financer
davantage les services de santé. Des organismes d'évaluation vont alors être créés, afin de
contrôler les coûts du système de santé et de rendre accessible à tous des services de qualité.
Dès lors, l'évaluation dans le domaine sanitaire bénéficie d'un énorme attrait. La plupart des
pays du monde constituent des organismes chargés d'évaluer les nouvelles technologies. Les
colloques, les séminaires, les ouvrages sur l'évaluation vont se multiplier.
Le Test des Errances Multiples date de 1991 et correspond à cette mouvance. Le test des
AVQ est né en 1996 au canada. Il n’est donc pas issu du même contexte. A cette date, au
canada, notamment au Québec, le Comité Québécois de la « Classification internationale des
déficiences, incapacités et handicaps », cherche à améliorer la « Classification internationale
des altérations du corps, invalidités et handicaps » proposée par l’Organisation Mondiale de la
santé (OMS) en 1980, en publiant une nouvelle version de la classification. C’est en 1998 que
la classification québécoise du PPH sera achevée et validée.
2.2.1.3 Intérêts
L’évaluation est une démarche, un processus non neutre, dynamique, pour donner du sens. Ce
processus se situe en amont de la définition des objectifs de changement et d'élaboration
d'un projet. Le but de l'évaluation est de donner une piste de travail pour appuyer une
intervention. Elle aide à la prise de décision.
24
Selon Contandriopoulos et al. (1993), une évaluation a quatre visées distinctes:
- un but stratégique afin de planifier et d’élaborer une intervention.
- un but formatif pour réajuster l’intervention au fur et à mesure de son avancement.
- un but sommatif afin de constater les résultats de l’intervention pour décider de la
nécessité de la poursuivre ou non.
- un but fondamental pour contribuer à l’avancée des connaissances.
2.2.2 Evaluation d’une capacité
2.2.2.1 Généralités
La capacité est l'aptitude à effectuer une tâche ou une action.
Pour évaluer les capacités/incapacités liées aux troubles cognitifs, il existe deux catégories
d'échelles: des échelles globales et des échelles spécifiques. D’après Rode et al. (2005), cette
évaluation doit prendre en compte trois éléments.
Premièrement, il est difficile d'identifier les incapacités qui sont la conséquence de troubles
cognitifs.
Deuxièmement, les déficits cognitifs sont généralement multiples et associés à des déficiences
motrices et/ou sensorielles. Ainsi, l'incapacité est la conséquence de l'ensemble des
déficiences et non pas la juxtaposition d'incapacités caractéristiques de chaque déficit.
Troisièmement, l'environnement et le contexte déterminent la nature et la sévérité des
incapacités liées à un trouble cognitif. Une évaluation écologique permet ainsi de se
rapprocher le plus possible des conditions réelles concernant les difficultés rencontrées par le
patient.
2.2.2.2 Evaluation en ergothérapie des fonctions exécutives
L’évaluation est une au cœur de la pratique des ergothérapeutes; elle fait parti de leurs
compétences.
D’après l’Association américaine des ergothérapeutes (1995, cité dans Meyer, 2013,
p.220), l’évaluation est « une démarche d’obtention et d’interprétation des informations
nécessaires à l’intervention. Cela comprend planifier et rendre compte de la démarche et des
résultats. »
25
La démarche d’évaluation en ergothérapie est constituée de trois axes :
- Evaluer afin de déterminer les capacités de la personne, de construire un plan
d’intervention et de réduire les déficits.
- Evaluer pour recueillir les besoins et les attentes de la personne, son contexte de vie
et son environnement ainsi que ses activités quotidiennes.
- Evaluer dans le but de légitimer l’intervention de l’ergothérapeute.
Afin d'évaluer les fonctions exécutives, l'ergothérapeute utilise des évaluations écologiques,
mettant en évidence les capacités/incapacités de la personne en situation réelle.
L’ergothérapeute est présent en tant qu’observateur et évaluateur lors de ces évaluations.
C’est lui qui pose le cadre de cette évaluation.
Selon Bleger (1979, cité dans Kemelen, 1996, p. 102), le cadre est « un ensemble d’invariants
qui contiennent les protagonistes en présence, et qui définissent les règles du contrat qui les
lient. ».
Ces invariants sont constitués:
- D’un aspect temporel: horaires des séances, leur durée, leur fréquence (nombre de
séances par semaine).
- D’un aspect spatial : lieu où se déroule la séance et son aménagement, la position
physique de chacun des protagonistes.
- De règles : contrat thérapeutique entre le patient et le thérapeute concernant la relation
impliquée dans le traitement, les modalités d’excuses en cas d’empêchement. Ce
contrat peut être oral ou écrit selon les besoins du patient.
Ces trois critères sont établis entre le thérapeute et le patient. Ce cadre, même s’il est
omniprésent, n’est pas toujours perçu puisqu’il est implicite et invisible. Il ne devient
perceptible qu’en cas de problème. Il doit être sécurisant et fiable. Lorsque le cadre est bien
posé, un espace thérapeutique incluant le patient et le thérapeute, se crée. Ceci leur permet de
s’engager ensemble dans le processus thérapeutique.
D’après Bally-Sevestre et al. (2003), lors de l’évaluation, la mise en situation impose un lieu
précis, un temps défini, un sujet et un ergothérapeute. Le lieu est « l’espace physique et de
relation dans lequel se déroule l’observation. C’est une variable déterminante.»6 Ce lieu peut
être habituel ou non pour le sujet. Celui-ci peut être un espace de l’institution ou un espace
en dehors. Cet espace peut être formalisé (ex : salle de passation d’un test), ou il peut
6 Bally-Sevestre et al, 2003, p.31
26
reproduire un contexte proche du lieu de vie de la personne (ex : appartement thérapeutique)
ou encore, il peut être son lieu de vie. Les résultats de la mise en situation seront différents
entre un lieu habituel et un lieu inhabituel. En effet, une mise en situation cuisine dans un lieu
inhabituel demande au sujet des efforts d’adaptation importants, afin d’établir des repères
concernant l’emplacement de chaque chose. Ces efforts devront être pris en compte dans
l’évaluation.
Le temps est aussi une notion à prendre en compte. Un lieu inconnu deviendra habituel plus
on y passera du temps. Par exemple, une évaluation lors d’une mise en situation « toilette »
dans la chambre du sujet sera différente en début et en fin de séjour.
Ainsi, le lieu et le temps sont deux critères à prendre en compte lors d’une évaluation. Ils
peuvent influencer les performances du sujet, dans un sens comme dans un autre.
L’ergothérapeute adopte une posture selon le contexte d’évaluation. Il précise la situation au
sujet ainsi que l’attitude qu’il doit adopter. La situation peut être :
- Spontanée : dans ce cas, la personne n’a alors pas conscience d’être observée. Les
actes ne sont pas imposés et sont connus par la personne (ex : habillage, toilette, etc.).
Le sujet prend l’initiative de l’action.
- Construite : dans ce cas, le sujet sait qu’il est observé. L’ergothérapeute a une posture
d’expérimentateur, et définit le contexte et le lieu de l’évaluation.
2.2.2.3 Evaluer la capacité à s’adapter
Christiansen et al. (2005) ont mis en évidence les interactions entre l'environnement, les
occupations et la personne. L'environnement détermine les occupations et les activités en
facilitant ou en limitant leur réalisation. Ainsi, l'évaluation doit prendre en compte les
dimensions « personnelle » et « architecturale » de l'environnement. Les éléments
environnementaux peuvent être indifféremment obstacles ou facilitateurs selon les
capacités/incapacités de la personne.
Comme vu précédemment, les troubles neuropsychologiques, principales séquelles d'un
traumatisme crânien, compromettent l'adaptation de la personne aux situations nouvelles de
l'environnement. A chaque modification de l’environnement, la personne peut ne pas trouver
de moyens pour s'adapter au changement, ce qui entrave son insertion. Il est donc important
d'évaluer le lien entre les capacités/incapacités et les exigences de l'environnement. Ainsi,
selon Crépeau (1997, cité dans Forgeau, 2004, p.31), « Aux dispositifs habituels d'évaluation
[...] doit être associée une évaluation écologique qui renvoie à la façon dont se comporte la
27
personne dans sa vie quotidienne: l'important n'étant plus seulement les capacités entre elles-
mêmes, mais leurs expressions dans le milieu naturel. »
D'après Taillefer et al (2009), l'évaluation idéale est une évaluation écologique au domicile
de la personne, avec le moins de consignes possible pour permettre d'évaluer la prise
d'initiatives. En effet, c’est par la mise en situation la plus proche des habitudes de vie de la
personne, que l’évaluation écologique va être la plus révélatrice des réactions appropriées ou
non, de la personne confrontée à des incertitudes. L'évaluation dans le milieu de vie permet
alors de constater, comment la personne peut compenser ses difficultés dans un lieu connu, et
comment elle utilise ses aptitudes pour réaliser une activité. Ses capacités d’adaptation et
d’ajustement, mais aussi sa capacité à prendre des initiatives pour y faire face, sont mises en
jeu. Cette évaluation favorise aussi la prise de conscience par la personne de ses difficultés.
2.2.2.3.1 Les évaluations écologiques
Principalement trois évaluations écologiques standardisées sont citées, pour évaluer les
capacités d’adaptation de la personne à son environnement.
Test des errances multiples (TEM)
Le TEM a été créé par Shallice et Burgess en 1991, afin d’évaluer le dysfonctionnement
frontal chez des patients traumatisés crâniens, ayant des performances normales aux tests
cognitifs classiques. Ce test a été, par la suite, traduit et adapté par le service de rééducation
neurologique du Centre Hospitalier de Anay sur Audon en 1994.
L’épreuve est divisée en trois temps.
Lors du premier temps, l’examinateur explique les consignes au sujet dans un bureau et
s’assure que celui-ci les a bien comprises, en les reformulant si besoin avec ses propres
termes. Il est indiqué au sujet qu’il peut effectuer les diverses tâches dans l’ordre qu’il
souhaite.
Le deuxième temps correspond à la passation du test. L’examinateur se rend avec le sujet sur
le lieu du déroulement de l’épreuve. Le secteur géographique est précisé. Les observateurs
notent les trajets réalisés par le patient ainsi que son comportement.
Lors du dernier temps, un questionnaire est donné au sujet, afin d’évaluer son rétrocontrôle et
de préciser les stratégies utilisées au cours de l’épreuve.
Dans ce test, le sujet doit réaliser huit tâches, dans un quartier commerçant d’une ville qui lui
est inconnu.
28
Tout au long de l’épreuve, le patient doit respecter un certain nombre de règles :
- Dépenser le moins possible d’argent.
- Mettre le moins de temps possible.
- Ne pas entrer dans un magasin s’il n’a rien à acheter.
- Lorsqu’il sort du magasin, il doit signifier son achat, en donnant à l’examinateur le
ticket de caisse du produit acheté.
- Respecter les limites du secteur autorisé.
Les six premières tâches consistent à réaliser six achats dans les magasins, en respectant les
consignes. La septième tâche correspond à un rendez-vous, à un endroit précis et à un
moment donné de l’épreuve. Lors de la huitième tâche, le sujet doit recueillir quatre
informations, les inscrire sur une carte postale et l’envoyer.
Afin d’exécuter ces tâches, le sujet doit élaborer une planification et mettre en place des
stratégies adaptées en situation écologique.
La cotation comporte une analyse quantitative du nombre d’erreurs et du temps écoulé pour
réaliser l’épreuve. Cette cotation comprend aussi une analyse qualitative du type d’erreurs
commises ainsi que des dysfonctionnements exécutifs et comportementaux.
Ainsi, ce test a pour but d’observer l’organisation du patient, son adaptation à un
environnement inconnu et de détecter le type d’erreurs qu’il commet.
EF2E
Cette épreuve de Chevignard et al (2006) est sensible au dysfonctionnement exécutif. Elle
teste l’élaboration d’un plan d’actions et sa mise en œuvre dans un environnement ouvert.
La tâche consiste à réaliser deux recettes : un gâteau au chocolat et une omelette. Les
instructions sont données au sujet oralement. Les consignes écrites sont disponibles. Le sujet
doit se comporter comme si il était seul.
L’examinateur réalise une observation objective du sujet. Il effectue un recueil de données des
actions et du comportement du patient à partir d’une liste de cinq types d’erreurs, selon un
niveau descriptif : erreurs d’omission, d’addition, de commentaire-question, de substitution-
inversion, et d’estimation.
29
Par la suite, celles-ci sont classées selon un niveau neuropsychologique en six catégories :
- Erreur de vérification
- Absence de prise en compte du contexte
- Adhérence à l’environnement
- Errance-perplexité
- Demande d’aide
- Trouble du comportement
Cet outil facilite la prise de conscience des troubles. Il met en évidence l’existence éventuelle
d’un comportement dangereux ou non adapté, et les incapacités éventuelles à initier la tâche.
Profil des AVQ
Le Profil des AVQ créé par Dutil, et al. en 1996, évalue le niveau d’indépendance du patient à
son domicile, afin de justifier les aides à mettre en place.
Il comprend une évaluation par mise en situation et un questionnaire semi-structuré soumis au
patient et à l’un de ses proches. Ceci permet de comparer les résultats de la mise en situation à
ceux du questionnaire.
Lors de la mise en situation, la personne est observée pendant l’exécution de dix-sept tâches
de la vie quotidienne. Les tâches sont regroupées en trois dimensions : personnelle,
domiciliaire et communautaire. Le principe est de fournir le moins d’informations possible,
afin d’évaluer les capacités d’initiative et d’organisation du patient dans son propre milieu de
vie. L’évaluation prend en compte les différentes opérations nécessaires pour réaliser une
tâche : formuler un but, planifier, exécuter la tâche, s’assurer que le but initial a bien été
atteint.
L’entrevue détermine quelle perception ont la personne et ses proches de son niveau
d’indépendance, à partir de quatorze questions. Elle vise aussi à recueillir les habitudes de vie
antérieure au traumatisme du patient.
2.2.2.4 Objectiver l’adaptation
Lors de l'évaluation écologique, l’ergothérapeute observe les interactions entre l’homme et
l’environnement, mais aussi l’impact de ces relations sur les capacités à réaliser l’activité.
30
Ce qui est évalué est d'une part, les activités que la personne réalise dans son contexte de vie
habituel, et d'autre part, l'influence de l’environnement social, culturel, et physique sur la
performance occupationnelle de la personne.
Ainsi, l'évaluation va permettre d'argumenter et d'illustrer les capacités/incapacités de la
personne lors de mises en situation dans son environnement, et ainsi d’objectiver les
observations cliniques.
2.2.2.5 Rechercher une adaptation performante
L'ergothérapeute s'intéresse à l'action de la personne dans sa vie quotidienne mais aussi à sa
participation. Or, l'environnement influence le comportement de l'homme mais aussi sa
performance. Cette interaction ne peut être évaluée en dehors de son contexte.
L'ergothérapeute va alors centrer son évaluation sur la mise en évidence des facteurs
facilitants ou obstacles à l'action de la personne dans son environnement.
D’après, Poncet et al. (2009), l'évaluation dans le milieu de vie de la personne est le test le
plus écologique. Elle mesure davantage les capacités/incapacités du sujet que les troubles des
fonctions exécutives. Cette évaluation met en évidence les automatismes de la personne et
d’éventuels comportements dangereux. Elle démontre aussi la nécessité ou non d'aides
techniques/humaines et d’aménagements du milieu de vie. Ainsi, cette évaluation permet de
mieux considérer l’influence de l’environnement et les interactions nécessaires à la réalisation
d’une activité. Toute cette démarche a pour objectif l’adaptation la plus performante possible
de la personne dans son environnement, en le rendant sécuritaire.
Cependant, selon les mêmes auteurs, l’évaluation réalisée en dehors du milieu de vie de la
personne (ex : magasin dans le quartier proche de la structure de soin) permet de prendre en
compte la notion de nouveauté, c’est-à-dire la capacité d’adaptation de la personne à réaliser
une activité non familière, non routinière et/ou complexe. Cette notion est très importante
dans l’approche des troubles exécutifs. Ce qui est évalué est non seulement la réalisation de
l’activité par la personne, mais aussi son adaptation aux différentes contraintes de
l’environnement. Ainsi, les évaluations réalisées dans un milieu inhabituel « apportent
beaucoup dans la connaissance du syndrome dysexécutif et des difficultés qui en résultent
pour le patient. »7
7 Poncet et al., 2009, p.91
31
2.2.3 Conclusion
L’évaluation est un processus qui permet de donner du sens et d’aider à la prise de décision.
C’est une des compétences de l’ergothérapeute, lui permettant de réaliser un recueil
d’informations sur un patient (attentes, contexte de vie, environnement, etc.), de déterminer
les capacités/incapacités de celui-ci et ses déficits pour élaborer un plan d’intervention, et
enfin, de légitimer l’intervention de l’ergothérapeute.
Afin d’évaluer la capacité de la personne traumatisée crânienne à s’adapter à son
environnement, une évaluation dans son milieu de vie peut être à privilégier. Elle seule peut
permettre d’évaluer l’impact de l’environnement sur les capacités de la personne. C’est une
évaluation qualitative et/ou quantitative, mais dans tous les cas facilitatrice, qui permet
d’établir le lien entre les capacités/incapacités de la personne et les exigences de
l’environnement. Cependant, il ne faut pas oublier qu’une évaluation dans un milieu de vie
inconnu, permet de complexifier la tâche et de tendre davantage vers des situations fortement
perturbées chez les patients TC : la capacité à s’adapter à l’imprévu, à l‘irrationnel ou à une
situation non attendue.
L’évaluation dans le milieu de vie a pour but d’objectiver notre plan d’intervention
ergothérapeutique, et ainsi de favoriser une réadaptation la plus rapide possible au milieu de
vie antérieure.
2.3 Conclusion
L’homme est en interaction permanente avec son environnement : il agit dessus et s’adapte à
lui. Le patient TC, comme nous l’avons vu dans nos lectures préliminaires, a des difficultés à
s’adapter aux changements de son environnement. Il doit développer de nouvelles stratégies.
Les thérapeutes sont là pour évaluer la personne, et ainsi pouvoir lui présenter la rééducation
la plus adaptée. Ces évaluations se développent actuellement, mais le cadre de passation de
ces évaluations n’est pas toujours bien défini. Certaines littératures mettent en évidence
l’intérêt de pratiquer des évaluations sur les lieux de vie de la personne. D’autres littératures
montrent qu’une évaluation dans un secteur non connu de la personne, peut avoir un intérêt en
termes d’évaluation des fonctions exécutives. Mais, toute la littérature s’accorde sur
l’importance de procéder à des évaluations, si nous voulons être compétents à définir notre
plan d’action ergothérapeutique, et surtout, à identifier rapidement le mode
d’accompagnement le plus facilitateur pour débuter la prise en charge.
32
3 Méthodologie de recherche
Il ressort de cette partie conceptuelle que les ergothérapeutes ont nécessité à évaluer la
capacité d’un patient, suite à un traumatisme crânien, à s’adapter à son environnement.
L’objet de ce mémoire est de savoir, dans quel cadre évaluer les capacités du patient
traumatisé crânien à s’adapter à l’environnement changeant, dans lequel il vit.
Nous avons émis l’hypothèse que l’évaluation dans le lieu de vie du patient est à rechercher.
Notre revue de littérature ne valide pas pleinement cette hypothèse. Il semble en effet que des
évaluations sur des lieux connus et d’autres sur des lieux inconnus, soient d’un intérêt
complémentaire.
Nous proposons maintenant d’enquêter auprès de professionnels ergothérapeutes et de
patients, afin d’identifier la pertinence de notre hypothèse auprès d’eux. L’hypothèse est-elle
selon eux, validable complètement, partiellement ou invalidable, ou est-ce qu’ils rejoignent
l’avis de la littérature ?
3.1 Choix des outils
Dans le cadre de cette recherche, le recueil de données se fait à l’aide de deux questionnaires :
l’un destiné aux ergothérapeutes et l’autre à des personnes ayant subi un traumatisme crânien
grave.
Le questionnaire a été choisi : cet outil permettant d’interroger un grand nombre de personnes
avec des questions précises. Il permet d’obtenir des réponses significatives. Ces
questionnaires sont construits à partir des apports théoriques décrits précédemment.
3.1.1 Questionnaire destiné aux ergothérapeutes
Le questionnaire destiné aux ergothérapeutes comporte onze questions. Neuf questions sont à
choix multiples, pour réduire le temps de remplissage du questionnaire pour les
ergothérapeutes, mais aussi pour faciliter par la suite l’analyse des résultats.
Les deux premières questions concernent la pratique professionnelle des ergothérapeutes :
temps d’exercice de la profession et prise en charge des patients ayant subi un traumatisme
crânien.
Les questions 3 et 4 portent sur l’adaptation de la personne TC à l’environnement.
Les questions 5 et 6 portent sur l’évaluation en générale et sur l’évaluation dans un milieu
inconnu de la personne.
33
Les questions 7 à 11 s’intéressent à l’évaluation sur le lieu de vie de la personne, notamment
sur la fréquence et l’intérêt de cette évaluation.
3.1.2 Le questionnaire destiné aux patients
Le questionnaire destiné aux personnes ayant subi un traumatisme crânien est composé de
seize questions. Douze questions sont à choix multiples afin de faciliter le remplissage pour
les personnes.
Les trois premières questions concernent le contexte du traumatisme crânien (l’âge de survenu
et la cause) et ses répercussions dans la vie de la personne.
Les questions 4 à 9 s’intéressent à l’accompagnement de la personne par l’ergothérapeute : la
structure dans laquelle travaillent les ergothérapeutes, le rôle de ceux-ci et leur intervention.
Les questions 10 à 14 portent sur les évaluations en milieu inconnu et sur le lieu de vie de la
personne, ainsi que sur le ressenti de la personne vis-à-vis de ces évaluations.
La dernière question est sur le thème de l’adaptation de la personne à l’environnement.
Ces deux questionnaires sont différents mais portent sur les mêmes thèmes afin de pouvoir
croiser les résultats lors de l’analyse. Ils sont envoyés par mail sous forme de formulaire en
ligne avec Google Drive, afin d’obtenir un maximum de réponses.
3.2 Choix des populations interrogées
Pour les professionnels, le questionnaire est destiné aux ergothérapeutes exerçant en Centre
de Médecine Physique et de Réadaptation, en Soins de Suite et de Réadaptation ou en Centre
Hospitalier. Ces différentes structures sont susceptibles d’accueillir des patients ayant
présenté un traumatisme crânien grave.
Concernant les patients, le questionnaire est adressé aux personnes ayant été victime d’un
traumatisme crânien grave, afin de connaître leurs ressentis et d’obtenir leur point de vue ; ce
sont eux les premiers concernés par cette enquête.
Nous souhaitons interroger des personnes qui présentent un syndrome exécutif et n’étant plus
en hospitalisation complète. Pour ce faire, nous avons échangé avec des associations de
familles de traumatisés crâniens, afin d’obtenir des contacts.
34
4 Recueil de données et analyse
Rappelons que les questionnaires visaient deux publics : les ergothérapeutes et les personnes
ayant subi un traumatisme crânien grave.
Les résultats des questionnaires ont été récoltés sous Google drive et ont été traités par
informatique.
4.1 Confrontation de l’hypothèse avec les résultats de l’enquête
Pour confronter l’hypothèse avec les résultats, reprenons les données des deux questionnaires.
Nous ne sélectionnons que les premiers choix dans l’ensemble des données proposées.
4.1.1 Les ergothérapeutes
Le questionnaire destiné aux ergothérapeutes a été envoyé à 38 établissements et à
l’association nationale des professionnels « France Traumatisme Crânien » à partir du 10
mars. Avant d’envoyer les questionnaires, nous avons téléphoné aux différentes structures
afin d’obtenir leur adresse mail. Nous avons obtenu 14 réponses soit 36,8%, entre le 14 mars
et le 4 avril.
La pratique professionnelle des ergothérapeutes
Les ergothérapeutes interrogés ont entre 1 et 27 ans d’expérience professionnelle. 72% des
ergothérapeutes ont entre 1 et 10 ans d’expérience. Ainsi, cette étude permet d’observer la
pratique professionnelle des ergothérapeutes ayant un temps d’exercice professionnel varié.
Ils accompagnent tous des patients traumatisés crâniens graves présentant un syndrome
dysexécutif.
36%
36%
28%
Expérience professionnelle
Moins de 5 ans
De 5 à 10 ans
Plus de 10 an
35
Adaptation de la personne TC à l’environnement
Autres propositions :
- L’acceptation du handicap
- La conscience des troubles
- L’environnement antérieur
- La mise en place d’aide humaine et matérielle
Les fonctions exécutives apparaissent comme l’élément prioritaire pour 57% des
ergothérapeutes interrogés.
Autres propositions :
- En répétant des situations normées puis complexes
- En éduquant la famille et l’entourage
Evaluer les capacités du patient à s’adapter à l’environnement apparaît comme le
premier rôle pour 57% des ergothérapeutes.
0 2 4 6 8
10
Les mécanismes cérébraux
L'aptitude permettant d'adapter un
comportement approprié et positif
Les fonctions exécutives
Autre proposition
Eléments participant à l'adaptation de la personne TC à l'environnement
Choix 1
0 2 4 6 8
10
En aménageant et en adaptant
l'environnement
En évaluant les capacités du patient
En apprenant au patient à s'adapter à des situations de plus en plus complexes et
non routinières
Autre proposition
Rôle de l'ergothérapeute dans l'adaptation du patient TC à l'environnement
Choix 1
36
L’évaluation
Réaliser l’évaluation sur le lieu de vie de la personne apparaît essentiel pour 64% des
ergothérapeutes interrogés.
Réaliser l’évaluation en milieu inconnu apparait essentiel que pour 29% des
ergothérapeutes interrogés.
Cependant, les évaluations sur les lieux de vie ne sont pas toujours réalisées. Aucun
ergothérapeute ne le fait systématiquement.
Observons alors que les ergothérapeutes notent pour 64% d’entre eux que l’évaluation
sur le lieu de vie est essentielle. Cependant tous ne la pratiquent pas : 13% ne le font
jamais, 13% le font rarement et 34% de temps en temps.
Notons également que les évaluations sur un lieu inconnu sont plus réalisées, alors que
seulement 29% des ergothérapeutes interrogés disent qu’elles sont utiles.
0 2 4 6 8
10
En établissement En milieu inconnu Sur le lieu de vie de la personne
Indifférent
Lieu "idéal" de l'évaluation
Choix 1
0%
46%
47%
7%
0%
Evaluation en milieu inconnu
Toujours
Souvent
De temps en temps
Rarement
Jamais
0%
40%
34%
13%
13%
Evaluation sur le lieu de vie de la personne
Toujours
Souvent
De temps en temps
Rarement
Jamais
37
L’évaluation sur le lieu de vie de la personne
Autres propositions :
- Sensibiliser les intervenants extérieurs au centre de rééducation
- Aider à adapter la prise en charge aux problèmes de la personne
L’intérêt d’une évaluation sur le lieu de vie de la personne qui apparaît en premier
choix des ergothérapeutes est « Etablir le lien entre les capacités/incapacités de la
personne et les exigences de l’environnement » à 40%, suivi de « Mettre en évidence les
automatismes de la personne et les éventuels comportements dangereux » à 29%.
77% des ergothérapeutes interrogés pensent qu’une évaluation sur le lieu de vie de la
personne, à six mois de sa sortie, est bénéfique. Un ergothérapeute, sur les 14 interrogés,
réalise cette évaluation.
77%
23%
Intérêt d'une évaluation sur le lieu de vie de la
personne à 6 mois de sa sortie
Oui
Non
7%
93%
Réalisation d'une évaluation sur le lieu de
vie de la personne par les ergothérapeutes
Oui
Non
0
1
2
3
4
5
6
7
Intérêts d'une évaluation sur le lieu de vie de la personne
Choix 1
38
4.1.2 Les patients
Le questionnaire, destiné aux personnes ayant subi un TC grave, a été envoyé à cinq
associations de familles de traumatisés crâniens le 8 mars. N’ayant toujours pas de réponse le
21 mars, nous avons décidé d’envoyer ce questionnaire à 5 autres associations, en
développant davantage notre demande. Nous avons obtenu 31 réponses de personnes du 26
mars au 4 avril 2014.
Contexte du traumatisme crânien et ses répercussions
Les personnes ont subi un traumatisme crânien à un âge qui varie entre 17 et 45 ans.
Les accidents la route apparaissent comme la première cause de traumatisme crânien à 68%
avec 42% d’accidents de voiture et 26 % d’accidents en deux roues.
La répercussion principale du traumatisme crânien qui ressort de cette étude est « la difficulté
de réinsertion professionnelle » à 35%. Cependant, ces quatre répercussions sont présentes
chez toutes les personnes interrogées, avec une importance variable selon les personnes.
42%
26%
10%
19%
3%
Causes du traumatisme Accident de voiture
Accident en deux roues
Piéton renversé sur la voie publique Chute d'une hauteur
Chute de cheval
0
2
4
6
8
10
12
Difficultés à réaliser certaines activités de
vie quotidienne
Changement des rôles au sein de votre
famille
Difficultés de réinsertion
professionnelle
Changement de votre comportement
Répercussions du traumatisme crânien
Choix 1
39
Accompagnement du patient par l’ergothérapeute
Sur les 31 personnes interrogées, 25 ont été suivies par un ergothérapeute, dont 44% d’entre
elles dans un Centre de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle.
Les résultats indiquent que les 3 rôles cités apparaissent au même niveau de priorité.
Sur les 25 personnes interrogées, 8 sont allés avec leur ergothérapeute dans un lieu inconnu et
12 sont allés dans un lieu connu.
81%
19%
Accompagnement par un ergothérapeute
Oui
Non
16%
16%
12%
44%
12%
Type d'établissement
Centre hospitalier
CMPR
SSR
CRRF
Autre
0
2
4
6
8
10
Evaluer vos capacités d'adaptation
Adapter et aménager votre environnement
Vous apprendre à vous adapter à des
situations de plus en plus complexes et
non routinières
Rôle de l'ergothérapeute dans l'accompagnement du patient
Choix 1
32%
68%
Déplacement avec l'ergothérapeute dans des
lieux inconnus
Oui
Non 48% 52%
Déplacement avec l'ergothérapeute dans des lieux
connus
Oui
Non
40
Sur les 12 personnes qui sont allés dans un lieu connu avec leur ergothérapeute, 4 sont allés à
leur domicile, 7 dans leur ville et 1 dans les deux.
Evaluations et ressentis
Sur les 25 personnes, 10 ont passé une évaluation dans un lieu inconnu.
40%des personnes se sont sentis assez à l’aise lors de la sortie dans un lieu inconnu.
40%
60%
Evaluation dans un lieu inconnu
Oui
Non
10%
40% 40%
10% 0%
Ressentis de l'évaluation dans un lieu inconnu
Très à l'aise
Assez à l'aise
Moyennement à l'aise Peu à l'aise
Pas du tout à l'aise
16%
20%
4%
60%
Evaluation dans un lieu connu
Oui, dans votre ville
Oui, à votre domicile
Oui, au deux
Non
50%
40%
10%
Ressentis de l'évaluation dans un lieu connu
Très à l'aise
Assez à l'aise
Moyennement à l'aise Peu à l'aise
Pas du tout à l'aise
34%
58%
8%
Cadre du lieu connu
A votre domicile
Dans votre ville
Au deux
41
Sur les 25 personnes interrogées, 10 ont passé une évaluation sur leur lieu de vie, dont 5 à leur
domicile, 4 dans leur ville et 1 dans les deux.
50% seulement des 10 personnes se sont sentis à l’aise, 40% d’entre elles se sont sentis
moyennement à l’aise.
Sur les 25 personnes interrogées, 47% préfèrent une évaluation dans un lieu inconnu.
- « Pour voir les progrès.»
- « Pour centrer son attention sur l’activité proposée. »
- « J’aime le challenge.»
- « Pour se confronter à la réalité et aux autres. »
Adaptation à l’environnement
Sur les 31 personnes interrogées, 27 ont répondu à cette question. Parmi elles, 25 ont été
suivies par un ergothérapeute.
Pour 15/27 personnes, l’adaptation à l’environnement à la sortie de rééducation n’a pas
été facile. Deux d’entre elles n’ont pas été suivies par un ergothérapeute.
Sur ces 15 personnes, 33% avaient passé une évaluation sur leur lieu de vie et 27% en milieu
inconnu.
13%
47%
40%
Préférence du lieu de l'évaluation
lieu connu
lieu inconnu
sans opinion
44%
56%
Facilité d'adaptation à l'environnement à la sortie de
rééducation
Oui
Non
42
4.1.3 Récapitulatif des constats liés à l’hypothèse
Nous avons obtenu 14 réponses d’ergothérapeutes et 31 réponses de patients dont 25 suivis
par un ergothérapeute. Tous les ergothérapeutes interrogés accompagnent des personnes
traumatisées crâniennes graves, présentant un syndrome dysexécutif.
L’évaluation sur le lieu de vie de la personne est recherchée pour 64% des ergothérapeutes
interrogées ; 40% des personnes interrogées disent le faire souvent. Aucun ne le fait
systématiquement.
L’évaluation dans un lieu inconnu est peu recherchée par les ergothérapeutes (15%) mais 46%
le font souvent.
Sur 27 patients, 15 ont eu une adaptation difficile à leur sortie de rééducation. Sur ces 15
personnes, 33% avaient passé une évaluation en milieu connu et 27% en milieu inconnu.
47% des patients interrogés ont préféré l’évaluation dans un lieu inconnu (challenge, voir les
progrès, apprendre à gérer des situations de plus en plus complexes et non routinières).
4.2 Analyse des résultats
Dans cette partie, il s’agit en regard des constats effectués de mesurer la validité de
l’hypothèse « l’évaluation dans le lieu de vie du patient est à rechercher».
Adaptation de la personne à l’environnement
D’après les résultats du questionnaire, nous pouvons remarquer que les fonctions exécutives,
les mécanismes cérébraux et l’aptitude permettant d’adopter un comportement approprié et
positif, sont trois éléments complémentaires favorisant l’adaptation de la personne à
l’environnement. Cependant, pour 57% des ergothérapeutes, les fonctions exécutives
constituent l’élément prioritaire permettant cette adaptation. Ainsi, les fonctions exécutives
ont un rôle d’adaptation de la personne à l’environnement. D’où les difficultés d’adaptation à
l’environnement des personnes TC présentant un syndrome dysexécutif comme en témoignent
les patients : changement de comportement, difficultés de réinsertion professionnelle,
changement de la dynamique familiale, difficultés à réaliser certaines activités de vie
quotidienne, etc.
Rôle de l’ergothérapeute dans l’adaptation de la personne à l’environnement
Les rôles de l’ergothérapeute sont nombreux tout au long de la prise en charge pour favoriser
l’adaptation de la personne à l’environnement. Pour 56% des ergothérapeutes, évaluer les
43
capacités du patient est un objectif prioritaire pour permettre l’adaptation de la personne à
l’environnement. L’évaluation va être la base de l’intervention de l’ergothérapeute. C’est à
partir des données recueillies, qu’il va mener son action par la suite : en aménageant ou
adaptant l’environnement, en apprenant aux patients à s’adapter à des situations de plus en
plus complexes et non routinières, en éduquant le patient et sa famille, etc. Contrairement aux
ergothérapeutes, les patients n’ont pas mis en avant l’évaluation comme un rôle prioritaire de
l’ergothérapeute.
L’évaluation
Contrairement aux patients qui préfèrent passer une évaluation dans un milieu inconnu, pour
60% des ergothérapeutes, le lieu prioritaire de passation de l’évaluation des capacités
d’adaptation à l’environnement est le lieu de vie de la personne.
Réaliser cette évaluation permet d’établir le lien entre les capacités/incapacités de la personne
et les exigences de l’environnement (43%), mais aussi de mettre en évidence les
automatismes de la personne et les éventuels comportements dangereux.
D’après les résultats, les ergothérapeutes réalisent autant d’évaluations sur le lieu de vie de la
personne, que dans un milieu inconnu, et que dans l’établissement. Ces trois évaluations sont
complémentaires puisqu’elles n’ont pas les mêmes objectifs ; elles ne vont pas recueillir les
mêmes données sur la personne.
Contrairement à l’évaluation sur le lieu de vie, l’évaluation dans un milieu inconnu permet
d’observer les capacités de la personne dans des situations complexes non routinières. C’est
également l’intérêt que voient les patients (47%).
Cependant, les patients se sont plus souvent déplacés avec leur ergothérapeute sur leur lieu de
vie (48%) qu’ils n’y ont réalisé d’évaluation (40%).
L’évaluation sur le lieu de vie de la personne à 6 mois de sa sortie de rééducation
D’après les résultats, 77% des ergothérapeutes s’accordent à dire qu’une évaluation sur le lieu
de vie de la personne, à 6 mois de sa sortie de rééducation, peut être bénéfique pour le patient.
En effet, cette évaluation a plusieurs intérêts : faire le point sur l'évolution de la personne,
répondre aux nouvelles demandes non mises en avant lors de la prise en charge, échanger et
conseiller la personne à distance et hors du milieu de soin. Elle permet aussi de voir si les
moyens de compensation mis en place sont utilisés et de les réactualiser si nécessaire.
Cependant, très peu d’ergothérapeutes la réalisent (7%).
44
4.3 Réponse à l’hypothèse
Nous rappelons notre hypothèse de départ : l’évaluation dans le lieu de vie du patient est à
rechercher pour évaluer les capacités du patient TC grave à s’adapter à son environnement.
Nous avons pu observer précédemment que la littérature ne validait pas pleinement cette
hypothèse, puisque les évaluations dans un milieu connu et celles dans un milieu inconnu
semblent être d’un intérêt complémentaire.
Ainsi, nous recherchons maintenant à valider ou non l’hypothèse, avec les résultats du recueil
de données.
4.3.1 Apports de l’enquête
Nous observons que les ergothérapeutes ont de nombreux rôles pour participer à l’adaptation
à l’environnement de la personne TC. L’un des rôles prioritaires pour favoriser cette
adaptation est l’évaluation des capacités du patient. C’est à partir de ce qu’il va observer lors
de cette évaluation qu’il va construire son intervention.
Nous constatons que le lieu de passation cité comme « idéal » par les ergothérapeutes est le
lieu de vie et que celui noté comme « idéal » par les patients est un lieu inconnu.
4.3.1.1 Vérification de l’hypothèse
Les apports de la littérature et les résultats de l’enquête se rejoignent.
Les rôles de l’ergothérapeute dans l’adaptation de la personne à l’environnement décrits dans
la littérature sont cités par les ergothérapeutes.
Les intérêts d’une évaluation sur le lieu de vie de la personne, mis en avant dans les résultats
des questionnaires, sont cohérents avec ceux décrits dans les concepts. Sans oublier
cependant, le rôle important des évaluations sur un lieu non connu.
Aussi, l’intérêt complémentaire des évaluations dans un milieu connu et inconnu est retrouvé
dans notre enquête.
Notre hypothèse est partiellement validée : l’évaluation dans le lieu de vie du patient est
à rechercher pour évaluer les capacités du patient TC grave à s’adapter à son
environnement. Cependant, cette évaluation doit être associée à une évaluation dans un
milieu inconnu.
45
5 Limites méthodologiques
Nous avons obtenu 14 réponses d’ergothérapeutes et 31 réponses de patients dont 25 suivis
par des ergothérapeutes. Ce nombre est suffisant pour réaliser l’analyse. Cependant, il ne
nous permet pas de généraliser les réponses et de conclure entièrement pour certaines
questions.
Au cours de l’analyse, nous avons pu mettre plusieurs limites à cette enquête.
L’utilisation du questionnaire sous Google Drive, permettant d’interroger un grand nombre de
personnes, entraine quelques limites. En effet, les réponses aux questionnaires sont anonymes,
ne permettant pas de recontacter la personne pour obtenir plus de précisions pour certaines
réponses. L’interprétation des réponses est donc parfois subjective.
Aussi, certaines questions auraient pu être rajoutées.
Pour le questionnaire des ergothérapeutes, les questions « Quel bilan utilisez-vous lors des
évaluations sur le lieu de vie de la personne ? » et « Quel bilan utilisez-vous lors des
évaluations en milieu inconnu ? » auraient pu compléter le questionnaire. Ces questions nous
auraient permis de savoir si les ergothérapeutes utilisent des bilans normés ou des bilans
« maisons ». Ceci aurait été l’occasion de compléter les informations recueillies lors de
l’entretien observatoire.
Concernant le questionnaire des patients, la question « Age du traumatisme » était ambigüe.
Elle pouvait être entendue de deux manières différentes : soit l’âge de la personne quand elle
a subi le traumatisme ou soit le nombre d’années de son traumatisme crânien. Il aurait été
préférable de poser les questions suivantes : «Quel âge avez-vous ? » et « A quel âge avez-
vous subi votre traumatisme crânien ? ».
46
6 Discussion
Nous avons montré précédemment qu’une évaluation sur le lieu de vie de la personne est
bénéfique en étant associée à une évaluation en milieu inconnu. Ces deux évaluations sont
complémentaires. Cependant, ces évaluations ne sont pas réalisées systématiquement par les
ergothérapeutes. De plus, ergothérapeutes et patients n’ont pas la vision des évaluations en
milieu connu et inconnu.
6.1 Intérêt des évaluations dans un lieu autre que le service d’ergothérapie
L’enquête auprès des ergothérapeutes a montré qu’une évaluation sur le lieu de vie de la
personne est la prise en charge « idéale ». Peu d’ergothérapeutes la pratiquent
systématiquement par manque de temps et/ou de moyens. Cependant, nous devons revenir sur
l’intervention dans l’environnement du patient et insister sur sa mise en place. En effet, c’est
une spécificité des ergothérapeutes : elle devrait être systématique.
D’après Meyer (2007), un ergothérapeute doit être en mesure de proposer pour chaque patient
une intervention adaptée et spécifique. Il doit être capable de décrire la personne, ses
capacités et ses performances, mais aussi son environnement ainsi que ses occupations. C’est
par l’évaluation sur le lieu de vie que l’ergothérapeute va pouvoir déterminer en quoi les
fonctions altérées affectent les occupations et les activités de la personne, et donc ses
performances. Toutes les performances sont liées non seulement à la personne, mais aussi à
son environnement. Les personnes réalisent leurs activités en adaptant leurs performances aux
contraintes liées à l’environnement. La personne et l’environnement s’influencent
mutuellement. L’ergothérapeute doit donc évaluer les composantes de la personne, ses
performances en lien avec les caractéristiques de l’environnement. D’où l’intérêt de réaliser
une évaluation des capacités du patient sur ses lieux de vie.
D’après Meyer (2013), l’ergothérapeute actuel tend de plus en plus vers cette pratique, par
une approche centrée sur le client.
L’approche centrée sur le client est « un partenariat entre le client et le thérapeute qui vise à
lui conférer, plus qu’une démarche fondée sur la maladie, la capacité de mener ses
occupation et de remplir ses rôles dans la variété et la spécificité des environnements où il
vit. ».8 Le patient détermine avec le thérapeute les objectifs prioritaires à atteindre ; le
thérapeute respecte les besoins du patient. L’intervention s’intéresse dans un premier temps
8 Meyer, 2007, p.117
47
aux occupations et aux activités, puis dans un second temps aux capacités fonctionnelles. Les
objectifs et l’intervention doivent tenir compte de l’environnement et du contexte.
L’intervention est individualisée ; elle doit se réaliser si possible dans les lieux de vie de la
personne ou au moins au plus proche des activités à entrainer. Cette approche porte un intérêt
aux relations personne-environnement-occupation. Elle s’intéresse à la participation de la
personne au sein de la société, en réalisant plusieurs occupations dans son lieu de vie.
Le lieu de vie devient un élément important à prendre en compte lors de l’intervention par les
ergothérapeutes.
6.2 Intérêt d’une cohérence entre les acteurs : ergothérapeutes / patients.
Lors de l’analyse des données, nous avons remarqué que les patients et les ergothérapeutes
n’étaient pas en accord sur le lieu de l’évaluation « idéale ». Les patients n’étaient pas
informés de l’intérêt de chaque évaluation. Il n’y a donc pas eu d’échanges ou pas de
compréhension mutuelle entre les ergothérapeutes et les patients. Or, comme vu
précédemment, l’évaluation dans un milieu inconnu et celle dans un milieu connu ne
recherchent pas la même chose ; elles sont complémentaires. L’évaluation dans un milieu
inconnu évalue les capacités d’adaptation de la personne face à une situation inhabituelle,
non-routinière, tandis que l’évaluation dans un milieu connu évalue l’impact de
l’environnement sur les capacités de la personne.
Ainsi, il apparaît essentiel de favoriser l’échange entre le patient et le thérapeute, afin établir
un accord entre eux. Cet accord présume d’une meilleure implication et motivation du patient
48
dans le processus de soin, et donc d’un meilleur engagement. La relation recherchée doit être
centrée sur le patient.
D’après Golay (2010), la motivation est identifiée comme l’élément principal permettant
l’engagement du patient. La création d’un environnement motivationnel permet au patient
d’être co-acteur et d’être responsabilisé dans la démarche de soin, ce qui suscite sa
motivation. L’hypothèse est que « le patient est l’auteur unique de son changement : c’est en
se connaissant mieux, en agissant, en se responsabilisant et en s’impliquant que la personne
développe son désir de changer, les compétences et les habiletés nécessaires.».9 Il est émis
l’idée que le patient possède sa propre expertise de sa situation. Un partenariat doit s’établir
entre le patient et le thérapeute. Le thérapeute devient une ressource pour le patient. Il doit
rassembler les conditions nécessaires pour permettre au patient de s’engager dans le
changement : apporter les informations nécessaires, mettre en place des temps d’échanges,
d’écoute et de réflexion, créer des situations pour permettre au patient de prendre conscience.
Pour être efficient, l’environnement motivationnel doit :
- Etre élaboré comme un système complexe d’interactions entre le patient et son
environnement.
- Tenir compte des cinq dimensions de la personne : perceptive, cognitive, infra-
cognitive, psycho-affective et métacognitive.
- Proposer quatre démarches thérapeutiques : émergence de la personne, mobilisation au
quotidien, ressentis et mise en mouvement du corps, et production d’un projet.
De plus, l’environnement motivationnel n’est pas uniquement centré sur le patient mais aussi
sur ses interactions avec les systèmes dont il fait partie : familial, professionnel, social, etc.
Ceci permet de prendre en compte l’entourage dans l’intervention.
La mise en place d’un environnement motivationnel peut être un moyen pour faciliter les
échanges entre le patient et le thérapeute et rendre le patient co-acteur de l’intervention.
De plus, l’environnement motivationnel tient compte de l’entourage de la personne. Le
traumatisme crânien grave engendre de nombreuses répercussions sur la vie de la personne
mais aussi sur celle de son entourage. Il est donc important de tenir compte des attentes et des
besoins de l’entourage du patient. Ceci permet à l’entourage d’être plus impliqué dans le
processus de soin, mais aussi de mieux comprendre les difficultés rencontrées par la personne.
9 Golay, 2010, p.164
49
6.3 Intérêt d’utiliser des instruments de mesure standardisée lors de
l’évaluation
Lors de l’entretien observatoire, nous avons observé que les ergothérapeutes ne connaissent
pas (« évaluation de l'omelette et du gâteau au chocolat » : EF2E) et/ou n’utilisent pas
forcément des évaluations standardisées, pour évaluer les capacités d’adaptation du patient à
l’environnement. Ils réalisent davantage des observations lors de mises en situation. Les
évaluations standardisées demandent une formation avant de pouvoir les utiliser. Néanmoins,
ces évaluations présentent de nombreux intérêts.
L’instrument standardisé est un outil formalisé qui permet une pratique commune : il peut être
utilisé à l’identique par différents évaluateurs, pour divers patients. De plus, les données
recueillies sont écrites et conservées dans un formulaire. Elles permettent d’établir un
diagnostic à partir d’une évaluation établie. De même, la sensibilité de ces instruments
définissent les objectifs de l’intervention, mesurent les progrès au fur et à meure de
l’intervention et déterminent l’atteinte des objectifs. Ces informations peuvent être
communiquées par la suite aux autres professionnels, au patient et à son entourage. Enfin, ces
outils d’évaluations rendent l’intervention de l’ergothérapeute plus concrète et plus crédible.
En mesurant les différences entre le début et la fin de l’intervention, ils démontrent l’efficacité
et l’existence de l’intervention ergothérapeutique.
Ainsi, le recours aux évaluations standardisées présente de nombreux intérêts non seulement
pour mener l’intervention ergothérapeutique, mais aussi pour la reconnaissance de la
profession et de son efficacité. Enfin, elle présente aussi un intérêt pour un patient devant
transiter par plusieurs établissements de soin. La même évaluation passée dans plusieurs
centres peut permettre un suivi de l’évolution sans refaire une évaluation nouvelle à chaque
fois. L’évaluation est faite pour le patient et pour visualiser son évolution, du service de
réanimation au retour à sa vie sociale.
50
Conclusion
A la suite d’un traumatisme crânien grave, la vie de la personne et de sa famille est
bouleversée. Les répercussions de ce traumatisme sont nombreuses et touchent aussi bien la
sphère familiale que sociale et professionnelle. Le syndrome dysexécutif est une des séquelles
les plus fréquentes ; il constitue un handicap invisible.
Ce mémoire d’initiation à la recherche avait pour but de déterminer : dans quel cadre évaluer
les capacités du patient traumatisé crânien grave à s’adapter à son environnement.
Les apports théoriques et les résultats de l’enquête nous ont permis de faire ressortir
l’importance de prendre en compte l’environnement lors de l’évaluation. Nous avons
démontré qu’une évaluation sur le lieu de vie de la personne est bénéfique. Cependant, cette
évaluation doit être associée à une évaluation dans un milieu inconnu. Celle-ci est d’ailleurs
souhaitée par les patients afin de pouvoir s’expérimenter.
Même si les ergothérapeutes s’accordent à dire qu’une évaluation sur le lieu de vie de la
personne est à rechercher, ils ne la pratiquent pas systématiquement. Ils réalisent peu de
déplacements dans l’environnement des patients par manque de temps et/ou de moyens.
Cependant, l’ergothérapie actuelle tend de plus en plus vers cette pratique avec une approche
centrée sur le patient, incitant la participation du patient. Un environnement motivationnel
doit être créé, afin que le patient partenaire du thérapeute s’engage dans le processus de soin,
en étant motivé.
Notons que l’utilisation de bilans standardisés, lors de l’évaluation du patient, a un intérêt
dans l’intervention ergothérapeutique, mais aussi pour légitimer la profession de
l’ergothérapeute, et enfin, pour le patient afin qu’il puisse mieux se connaitre « cela permet de
savoir où j’en suis ».
Ce travail d’initiation à la recherche a permis d’approfondir nos connaissances autour du
traumatisme crânien grave et de concepts centraux en ergothérapie. Mais au-delà de ce travail,
c’est une véritable démarche de recherche que nous pouvons transposer à l’accompagnement
des patients: recherche sur une pathologie, élaboration d’une hypothèse, démarches de travail
en fonction de l’hypothèse émise, et conclusion d’une prise en charge. Ce travail nous a
permis d’acquérir une rigueur, une méthodologie qui sera importante à transposer dans notre
future pratique professionnelle.
51
Lors de notre enquête, nous avons mis en évidence la pertinence d’une évaluation à six mois
de la sortie d’hospitalisation du patient. Le parcours de la personne victime d’un traumatisme
crânien grave est long. Ainsi, pour prolonger la réflexion, nous pourrions nous interroger sur
la nécessité de mettre en place un réseau avec une coordination du parcours de soin. Ceci
permettrait de poursuivre l’accompagnement du patient et de sa famille.
52
Bibliographie
Monographies
Caire, J-M., 2008. Nouveau guide de pratiques en ergothérapie : entre concepts et réalités.
Marseille : Solal.
Cohadon, F., Castel, J-P., Richer, E., Mazaux, J-M., Loiseau, H., 2008. Les traumatisés
crâniens : de l’accident à la réinsertion. 3ème
éd. Rueil-Malmaison : Arnette.
Dutil, E., Bottari, WC., Vanier, M., Gaudreault, C., 2005. Profil des AVQ : description de
l’outil. Montréal : Emersion.
Fougeyrollas, P., Cloutier, R., Bergeron, H., 1998. Classification Québécoise : processus
de production du handicap. Québec : Réseau International sur le Processus de Production
du Handicap.
Golay, A., Lagger, G., Giordan, A., 2010. Comment motiver le patient à changer ? Paris :
Maloine.
Guihard, J-P., 2007. Ecologie thérapeutique ou thérapie écologique ? In : Izard, M-H.
Expériences en ergothérapie : 20ème
série. Montpellier : Sauramps médical. pp. 28-40.
Juillerat Van Der Linden, A-C., Aubin, G., Le Gall, D., 2008. Neuropsychologie de la vie
quotidienne. Marseille : Solal.
Margot-Cattin, Isabel., 2008. L'impact de l'environnement sur la performance de l'activité
en ergothérapie. In : Izard, M-H. Expérience en ergothérapie : 21ème série. Montpellier :
Sauramps médical. pp. 15-22.
Meyer, S., 2007. Démarches et raisonnements en ergothérapie. Lausanne : EESP.
Meyer, S., 2013. De l’activité à la participation. Paris : De Boeck-Solal.
Peretti, A., 1998. Encyclopédie de l’évaluation en formation et en éducation : guide
pratique. Issy-les-Moulineaux : ESF.
Piaget, J., Inhelder, B., 2004. La psychologie de l’enfant. Paris : Presse Universitaire de
France.
Pibarot, Isabelle, 2007. Activité thérapeutique et ergothérapie. In : Hernandez, Hélène.
Ergothérapie en psychiatrie. Marseille : Solal. pp. 13-22.
Pradat-Diehl, P., Peskine, A., 2006. Evaluation des troubles neuropsychologiques en vie
quotidienne. Paris : Springer.
Robert, 2001. Environnement. In : Le Petit Robert. Paris : Le Robert. pp.897
Trouvé, E., Caire, J-M., Heddebaut, S., et al., 2012. Les données probantes en
ergothérapie. Paris: ANFE (Association Nationale Française des Ergothérapeutes).
53
Articles de périodiques
Baguena, N., Thomas-Anterion, C., Sciessere, et al., 2006. Apport de l'évaluation de la
cognition dans une tâche de vie quotidienne chez des patients cérébro-lésés: génération et
exécution d'un script de cuisine. Annales de réadaptation et de médecine physique, 49 (5),
pp. 234-241.
Bally-Sylvestre, D., Chaumeil, M., D’Erceville, D., Guihard, J-P., et al., 2003. Démarche
d’évaluation en ergothérapie. Ergothérapies, (12), pp. 23-36.
Contandriopoulos, A., Champagne, F., et al., 1993. L'évaluation dans le domaine de la
santé: Concepts et méthodes. Bulletin, 33 (1), pp. 12-17.
Cramm, A., Krupa, M., Missiuna, C., et al., 2013. Executive functioning: a scoping review
of the occupational therapy literature. Canadian journal of occupational therapy, 80 (3),
pp. 131-140.
Dunn, W., Brown, C., McGuigan, A., 1994. The ecology of human performance: a
framework for considering the effect of context. The American Journal of Occupational
Therapy, 48 (7), pp. 595-607.
Kelemen, E-B., 1996. Cadre thérapeutique et cadre pédagogique : quelques liens. Journal
d’ergothérapie, 18 (3), pp. 101-108.
Le Thiec, F., Jokic, C., Enot-Joyeux, F., Durand, M., Lechevalier, B., Eustache, F., 1999.
Evaluation écologique des fonctions exécutives chez les traumatisés crâniens graves : pour
une meilleure approche du handicap. Annales de réadaptation et de médecine physique, 42
(1), pp. 1-18.
Lévy, Richard, 2009. Syndrome dysexécutif cognitif : un déficit de l’administrateur de la
mémoire de travail ? Revue de neuropsychologie, 1 (1), pp. 34-41.
Lambert, Philippe, 2006. La plasticité cérébrale. Sciences humaines. (3)
Poncet, F., Taillefer, C., Chevignard, M., et al., 2009. Evaluations écologiques du
syndrome dysexécutif : un défi de taille pour l’ergothérapie. La lettre de médecine
physique et de réadaptation, 25 (2), pp. 88-98.
Rode, G., Thomas-Anterion, C., Luaute, J., Jacquin-Courtois, S., Ciancia, S., Rossetti, Y.,
Boisson, D., 2005. Evaluation des incapacités et de la qualité de vie des patients
présentant des troubles cognitifs. Annales de réadaptation et de médecine physique, 48 (6),
pp. 376-391.
Taillefer, C., Poncet, F., Chevignard, M., Picq, C., Pradat-Diehl, P., 2009. Evaluations
écologiques et rééducation du syndrome dysexécutif en ergothérapie. Ergothérapies, (33),
pp. 25-43.
54
Mémoires et thèses
Botokro, Rozenn, 2002. Evaluer le handicap? De l'évaluation des handicaps à l'évaluation
du fonctionnement du sujet. Mémoire. Université de Provence-Aix-Marseille 1.
Forgeau, Michel, 2004. Personnaliser les processus d'évaluation des traumatisés crâniens
pour favoriser l'élaboration de leur projet de vie. Mémoire. Ecole Nationale de Santé
Publique de Rennes.
Webographie
Azouvi, Philippe, 2005. Fonctions exécutives aspects théoriques et cliniques. Cofemer [en
ligne]. Disponible sur internet :
<http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/114%20Fonc%20exec.pdf> (consulté le 25
septembre 2013)
Comité Régional d’Education pour la Santé (CRES)- Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2005.
Glossaire : Education et promotion de la santé [en ligne]. Disponible sur internet :
<http://www.cres-paca.org/_depot_cres/fiches/645/645_1_doc.pdf > (consulté le 10 janvier
2014)
Devos, L., Taillefer, C., Poncet, F., 2013. Guide à la pratique de l'évaluation de la situation
de handicap des personnes cérébro-lésées. Centre de ressources francilien du traumatisme
crânien [en ligne]. Disponible sur internet :
<http://www.crftc.org/images/paac/Guide%20%20la%20pratique%20de%20lvaluation%2
0de%20la%20situation%20de%20handicap%20des%20personnes%20crbrolses1.pdf>
(consulté le 2 octobre 2013)
Egon, G., Isambert, J.L., Filipetti, P., 2013. Réhabilitation des traumatisés crâniens.
Campus de Neurochirurgie [en ligne]. Disponible sur internet :
<http://campus.neurochirurgie.fr/spip.php?article422> (consulté le 2 octobre 2013)
Lemay, P., 2013. Le concept d'environnement capacitant, son origine et ses implications.
Institut de recherche Robert-Sauvé en Santé et en Sécurité du Travail [en ligne].
Disponible sur internet : <http://www.irsst.qc.ca/-webtv-concept-environnement-
capacitant.html> (consulté le 20 janvier 2014)
Quesney, D., Rouy-Thenaisy, C., Vandenhelsken, C., 2008. Le Test des Errances
Multiples : expériences et projet. ARFEHGA (Association pour la Recherche et la
Formation des Ergothérapeutes de l’Hôpital de Garches) [en ligne]. Disponible sur
internet : <http://arfehga.free.fr/fichiers/actes_2005/TEM-C.ROUY.pdf > (consultation 20
septembre 2013)
Richard, I., Luauté, J., Boisson, D., 2008. Traumatisme crânien grave. Cofemer [en ligne].
Disponible sur internet:
<http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/Traumatisme%20cr%C3%A2nien%20grave%20Ly
on%202008.pdf> (consulté le 16 octobre 2013)
Rode, G., Yelnick, A., 2011. Evaluation du handicap moteur, cognitif ou sensoriel.
Cofemer [en ligne]. Disponible sur internet: < http://lmm.univ-
lyon1.fr/internat/download/item%2049%20a.pdf> (consulté le 10 décembre 2013)
55
United Nation Environment Programme, 2011. Déclaration finale de la Conférence des
Nations Unies sur l’environnement. United Nation Environment Programme environment
for development [en ligne]. Disponible sur internet :
<http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=97&ArticleID=
1503&l=fr> (consulté le 1 février 2014)
Rapports et Recommandations
HAS (Haute Autorité de Santé), 2004. Sortie du monde hospitalier et retour à domicile
d'une personne adulte handicapée sur les plans moteur et/ou neuropsychologique. Paris La
Villette : SOFMER (Société Française de Médecine Physique et de Réadaptation).
Disponible sur internet: < http://www.has
sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Sortie_monde_hospitalier_long.pdf> (consulté
le 5 décembre 2013)
Ministère du travail, de l'emploi et de la santé, et le ministère de la solidarité, le ministère
de la cohérence sociale et le secrétariat d’état chargé de la santé, 2012. Programme
d'action 2012 en faveur des traumatisés crâniens et des blessés médullaires. Ministère du
travail, de l'emploi et de la santé, et le ministère de la solidarité, le ministère de la
cohérence sociale et le secrétariat d’état chargé de la santé. Disponible sur internet:
<http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Programme_d_actions_2012_en_faveur_des_traumati
ses_craniens_et_des_blesses_medullaires.pdf > (consulté le 30 septembre 2013)
Texte de loi, décret, circulaire
Ministère de la Santé et des Sports, 2010. Arrêté du 5 juillet 2010 relatif au diplôme d’Etat
d’ergothérapeute. Bulletin Officiel Santé - Protection sociale - Solidarité n°2010/7 du 15
août 2010. pp. 163-289. Disponible sur internet :
<http://www.anfe.fr/images/stories/doc/telechargement/TO_arrete_5_juillet_2010.pdf>
(consulté le 10 janvier 2014)
Annexes
Annexe 1 : Mail envoyé aux ergothérapeutes
Annexe 2 : Mail envoyé aux associations de famille de traumatisés crâniens
Annexe 3 : Questionnaire destiné aux ergothérapeutes
Annexe 4 : Questionnaire destiné aux personnes victimes d’un traumatisme crânien grave
Annexe 1: Mail envoyé aux ergothérapeutes
Bonjour,
Je m'appelle Marina Paboeuf. Je suis actuellement en troisième année d'étude à l'institut de
formation en Ergothérapie de Rennes. Dans le cadre de ma formation, je réalise un mémoire
de fin d'études sur les répercussions d'un trouble des fonctions exécutives chez le patient
traumatisé crânien grave. Je mène une enquête auprès des ergothérapeutes.
Je vous joins comme convenu par téléphone le lien du questionnaire. Ce questionnaire est à
remplir directement en ligne grâce à Gmail.
Voici le lien du questionnaire:
https://docs.google.com/forms/d/1sWXDKX7k3MscXsY0eY87-
xHCWxAOZepSd7rpiDzm_zA/viewform
En vous remerciant par avance.
Cordialement.
Paboeuf Marina
Annexe 2 : Mail envoyé aux associations de familles de traumatisés crâniens
Bonjour,
Je m'appelle Marina Paboeuf. Je suis une étudiante en troisième année de formation en
ergothérapie à l'école de Rennes. Dans le cadre de ma formation et pour obtenir le diplôme
d'état en ergothérapie, nous avons à réaliser un mémoire de fin d'études sur un thème précis
avec une problématique. En deuxième année, j'ai réalisé un stage dans un centre de
rééducation qui accompagne des personnes ayant subi un traumatisme crânien grave. J'ai pu
remarquer que le syndrome dysexécutif est une séquelle très fréquente à la suite d'un
traumatisme crânien et qu'il complique la réadaptation et la réinsertion alors qu'il est invisible.
C'est pourquoi, j'ai décidé de réaliser mon mémoire sur les répercussions d'un trouble
dysexécutif chez une personne ayant un traumatisme crânien. Pour valider ou non mon
hypothèse, je dois mener une enquête. J'ai choisi de réaliser un questionnaire destiné aux
ergothérapeutes et un destiné aux personnes ayant subi un traumatisme crânien grave afin
d'avoir leur point de vue et leurs ressentis. Je pense qu'il est essentiel d'avoir aussi leur point
de vue car ce sont eux les principaux concernés par le sujet. Il est donc important de prendre
en compte leur point de vue dans mon enquête pour avoir la réalité du terrain.
Ce questionnaire destiné aux personnes ayant subi un traumatisme crânien grave est anonyme
et sera utilisé uniquement dans le cadre de cette étude. Je dois analyser les résultats de
l'enquête fin avril donc il faudrait que je reçoive les réponses du questionnaire avant le 15
avril si possible.
Ce questionnaire est à remplir directement en ligne grâce à Gmail. Vous devez cliquer sur le
lien pour y répondre. Une fois que vous avez terminé de le remplir, vous avez juste à cliquer
en bas de la page sur "Envoyer le résultat".
Voici le lien du questionnaire:
https://docs.google.com/forms/d/1otbpLMdRTVyKmayZk2s1FbofqKo3yAsp607MZBkcvtk/
viewform
Par avance, je vous remercie pour l'intérêt et le temps que vous consacrez à cette étude.
Cordialement.
Paboeuf Marina
Annexe 3 : Questionnaire destiné aux ergothérapeutes
Bonjour, je suis actuellement en troisième année d'étude à l'institut de formation en
Ergothérapie de Rennes. Dans le cadre de ma formation, je réalise un mémoire de fin d'études
sur les répercussions d'un trouble des fonctions exécutives chez le patient traumatisé crânien
grave. Je mène une enquête auprès des ergothérapeutes.
Ce questionnaire est anonyme et sera utilisé uniquement dans le cadre de cette étude. Par
avance, je vous remercie pour l'intérêt et le temps que vous consacrez à cette étude.
Cordialement.
Paboeuf Marina
*Obligatoire
Depuis combien de temps exercez-vous la profession d'ergothérapeute? *
Accompagnez-vous des patients traumatisés crâniens graves présentant un syndrome
dysexécutif?
o Oui
o Non
Selon vous, après un traumatisme crânien, quel élément peut participer à l'adaptation de la
personne à l'environnement?
Classez les réponses de 1 à 4 par ordre de priorité
1 2 3 4
Les mécanismes cérébraux
L'aptitude permettant d'adopter un comportement
approprié et positif
Les fonctions exécutives
Autre proposition
Autre proposition:
Selon vous, comment l'ergothérapeute peut-il jouer un rôle dans l'adaptation du patient TC
à l'environnement?
Classez les réponses de 1 à 4 par ordre de priorité
1 2 3 4
En aménageant et en adaptant
l'environnement
En évaluant les capacités du patient
En apprenant au patient à s'adapter à des
situations de plus en plus complexes et non
routinières.
Autre proposition
Autre proposition:
Si vous aviez la possibilité, quel serait le lieu « idéal » de passation de l'évaluation?
Classez les réponses de 1 à 4 par ordre de priorité
1 2 3 4
En établissement
En milieu inconnu
Sur le lieu de vie de la personne
Indifférent
Pratiquez-vous des évaluations en milieu inconnu pour la personne?
o Jamais
o Rarement
o De temps en temps
o Souvent
o Toujours
Pratiquez-vous des évaluations sur le lieu de vie de la personne?
o Jamais
o Rarement
o De temps en temps
o Souvent
o Toujours
o
Selon vous, quel peut-être l'intérêt de réaliser une évaluation sur le lieu de vie de la
personne?
Classez les réponses de 1 à 5 par ordre de priorité
1 2 3 4 5
Mettre en évidence les automatismes de la personne et
les éventuels comportements dangereux
Etablir le lien entre les capacités/incapacités de la
personne et les exigences de l'environnement
Rendre l'environnement facilitateur
Favoriser une réadaptation la plus rapide possible au
milieu de vie antérieur
Autre proposition
Autre proposition:
Une évaluation sur le lieu de vie de la personne à 6 mois de sa sortie vous semble-t-elle
bénéfique?
o Oui
o Non
o
Si oui, pourquoi?
La pratiquez-vous?
o Oui
Non
Annexe 4 : Questionnaire destiné aux personnes ayant subi un traumatisme crânien
grave
Bonjour,
Je m'appelle Marina Paboeuf. Je suis une étudiante en 3ème année de formation en
Ergothérapie. Dans le cadre de ma formation, je réalise un mémoire de fin d'études sur les
répercussions d'un trouble des fonctions exécutives chez une personne ayant subi un
traumatisme crânien grave. Je mène une enquête auprès des personnes ayant subi un
traumatisme crânien grave afin d'avoir leur point de vue et leurs ressentis autour de mon sujet.
Ce questionnaire est anonyme et sera utilisé uniquement dans le cadre de cette étude. Par
avance, je vous remercie pour l'intérêt et le temps que vous consacrez à cette étude.
Cordialement.
Paboeuf Marina
*Obligatoire
Age du traumatisme crânien?
Cause du traumatisme crânien?
Répercussions de ce traumatisme crânien dans votre vie?
Classez les réponses de 1 à 4 par ordre de priorité
1 2 3 4
Difficultés à réaliser certaines
activités de vie quotidienne
Changement des rôles au sein
de votre famille
Difficultés de réinsertion
professionnelle
Changement de votre
comportement
Avez-vous été suivi par des ergothérapeutes lors de votre rééducation? *
o Oui
o Non
Si oui, dans quel type d'établissement?
o Centre Hospitalier
o Centre de Médecine Physique et de Réadaptation
o Soins de Suite et de Réadaptation
o Centre de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle
o Unités d'évaluation, de réentraînement et d'orientation sociale et/ou
professionnelle
o Autre :
Quel a été le rôle de l'ergothérapeute?
Classez les réponses de 1 à 3 par ordre de priorité
1 2 3
Evaluer vos capacités d'adaptation
Adapter et aménager votre environnement
Vous apprendre à vous adapter à des situations
de plus en plus complexes et non routinières.
Etes-vous allé avec l'ergothérapeute dans des lieux inconnus?
o Oui
o Non
Etes-vous allé avec l'ergothérapeute dans des lieux connus?
o Oui
o Non
Si oui, où?
o A votre domicile
o Dans votre ville
L'ergothérapeute a- t-il fait des évaluations dans un lieu inconnu?
o Oui
o Non
Si oui, comment vous êtes-vous senti?
o Très à l'aise
o Assez à l'aise
o Moyennement à l'aise
o Peu à l'aise
o Pas du tout à l'aise
L'ergothérapeute a-t-il fait des évaluations dans un lieu connu?
o Oui, à votre domicile
o Oui, dans votre ville
o Non
Si oui, comment vous êtes-vous senti?
o Très à l'aise
o Assez à l'aise
o Moyennement à l'aise
o Peu à l'aise
o Pas du tout à l'aise
Préférez-vous une évaluation dans un lieu connu ou inconnu? Pourquoi?
A la fin de votre rééducation, votre adaptation à l'environnement a-t-elle été facile?
o Oui
o Non
Pourquoi?
Table des matières
Introduction ................................................................................................................................ 1
1 Problématique .......................................................................................................................... 2
1.1 Contexte ........................................................................................................................... 2
1.2 Situation professionnelle .................................................................................................. 3
1.3 Questionnement ................................................................................................................ 4
1.4 Lectures préliminaires ...................................................................................................... 4
1.4.1 Les fonctions exécutives ........................................................................................... 4
1.4.1.1 Définition ........................................................................................................................ 4
1.4.1.2 Situations environnementales impliquant les fonctions exécutives ................................ 5
1.4.1.3 Evaluation des fonctions exécutives ............................................................................... 6
1.4.1.3.1 Intérêts .................................................................................................................... 6
1.4.1.3.2 Types de passation .................................................................................................. 6
1.4.1.4 Conclusion ...................................................................................................................... 6
1.4.2 Le patient traumatisé crânien .................................................................................... 7
1.4.2.1 Définition d’un traumatisme crânien ............................................................................. 7
1.4.2.2 Degré de gravité du traumatisme ................................................................................... 7
1.4.2.2.1 L’échelle de coma de Glasgow ............................................................................... 7
1.4.2.2.2 Le Galveston Orientation and Amnesia Test (GOAT) ............................................ 7
1.4.2.3 Conséquences du traumatisme crânien .......................................................................... 8
1.4.2.3.1 Séquelles neuro-motrices et orthopédiques ............................................................ 8
1.4.2.3.2 Séquelles sensitives ................................................................................................. 8
1.4.2.3.3 Séquelles neuropsychologiques ........................................................................ 8
1.4.2.4 Syndrome dysexécutif ..................................................................................................... 9
1.4.2.4.1 Définition ................................................................................................................ 9
1.4.2.4.2 Perte de capacités ................................................................................................. 10
1.4.2.4.3 Perte de repères dans l’environnement................................................................. 10
1.4.2.4.4 Conclusion ............................................................................................................ 10
1.5 Entretien exploratoire ..................................................................................................... 11
1.6 Question de recherche .................................................................................................... 13
2 Conceptualisation .................................................................................................................. 14
2.1 L’environnement ............................................................................................................ 14
2.1.1 Définition générale .................................................................................................. 14
2.1.2 Adaptation de l’homme à son environnement ......................................................... 15
2.1.2.1 Généralités ................................................................................................................... 15
2.1.2.1.1 La genèse de notre adaptabilité ............................................................................ 15
2.1.2.1.2 La nécessité de s’adapter ...................................................................................... 16
2.1.2.2 Adaptation à un environnement connu ......................................................................... 17
2.1.2.3 Adaptation à des situations non routinières ou complexes .......................................... 17
2.1.3 Adaptation de l’environnement à l’homme ............................................................. 18
2.1.4 Adaptation du patient TC à son environnement ...................................................... 18
2.1.5 Adaptation de l’environnement au patient traumatisé crânien : environnement
capacitant .......................................................................................................................... 19
2.1.6 Conclusion ............................................................................................................... 20
2.2 Evaluation ....................................................................................................................... 21
2.2.1 Généralités ............................................................................................................... 21
2.2.1.1 Définition ...................................................................................................................... 21
2.2.1.2 Historique ..................................................................................................................... 23
2.2.1.3 Intérêts .......................................................................................................................... 23
2.2.2 Evaluation d’une capacité ...................................................................................... 24
2.2.2.1 Généralités ................................................................................................................... 24
2.2.2.2 Evaluation en ergothérapie des fonctions exécutives .................................................. 24
2.2.2.3 Evaluer la capacité à s’adapter ................................................................................... 26
2.2.2.3.1 Les évaluations écologiques .................................................................................. 27
2.2.2.4 Objectiver l’adaptation ................................................................................................ 29
2.2.2.5 Rechercher une adaptation performante ...................................................................... 30
2.2.3 Conclusion ............................................................................................................... 31
2.3 Conclusion ...................................................................................................................... 31
3 Méthodologie de recherche ................................................................................................... 32
3.1 Choix des outils .............................................................................................................. 32
3.1.1 Questionnaire destiné aux ergothérapeutes ............................................................. 32
3.1.2 Le questionnaire destiné aux patients ...................................................................... 33
3.2 Choix des populations interrogées ................................................................................. 33
4 Recueil de données et analyse ............................................................................................... 34
4.1 Confrontation de l’hypothèse avec les résultats de l’enquête ........................................ 34
4.1.1 Les ergothérapeutes ................................................................................................. 34
4.1.2 Les patients .............................................................................................................. 38
4.1.3 Récapitulatif des constats liés à l’hypothèse ........................................................... 42
4.2 Analyse des résultats ...................................................................................................... 42
4.3 Réponse à l’hypothèse .................................................................................................... 44
4.3.1 Apports de l’enquête ............................................................................................... 44
4.3.1.1 Vérification de l’hypothèse ........................................................................................... 44
5 Limites méthodologiques ...................................................................................................... 45
6 Discussion ............................................................................................................................. 46
6.1 Intérêt des évaluations dans un lieu autre que le service d’ergothérapie ....................... 46
6.2 Intérêt d’une cohérence entre les acteurs : ergothérapeutes / patients. .......................... 47
6.3 Intérêt d’utiliser des instruments de mesure standardisée lors de l’évaluation .............. 49
Conclusion ................................................................................................................................ 50
Bibliographie ............................................................................................................................ 52
Annexes ........................................................................................................................................